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Le traitement au tarissement : Où en sommes-nous?

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Page 1: Le traitement au tarissement : Où en sommes-nous?

JUILLET/AOÛT 2007 LE PRODUCTEUR DE LAIT QUÉBÉCOIS38

Le traitement au tarissement (TT) est un élément impor-tant du programme de santé du pis. En 2006, 72,3 % destroupeaux laitiers canadiens y ont eu recours, avec une pré-paration antibiotique à action prolongée. Cependant, encomparant le comptage des cellules somatiques (CCS) avantle tarissement et après le vêlage, on constate qu’environ20 % des vaches contractent une nouvelle infection aucours de cette période malgré l’application systématique duTT. En plus, selon une étude canadienne récente, cesanalyses indiquent que le risque est presque deux fois plusgrand pour les fortes productrices.

De nouvelles connaissances permettent de mieux com-prendre la nature de la mammite survenant autour duvêlage et ses conséquences pour la lactation. En voiciquelques éléments.

LES INFECTIONS DU PIS PENDANT LE TARISSEMENT La recherche a démontré que le risque d’une nouvelle infec-tion intramammaire est beaucoup plus élevé (jusqu’à 10 fois)durant la période de tarissement que pendant la lactation.De plus, contrairement à la période de lactation, c’est autarissement que les bactéries d’origine environnementalesont les causes les plus fréquentes de ces infections.

Le tableau présente, pour chaque période du tarissement,le niveau de risque d’une nouvelle infection intramam-maire, les agents bactériens et les facteurs de risque.

La majorité de ces infections intramammaires persis-tent en l’absence de signes cliniques jusqu’au vêlage. Ceconstat a été effectué à partir d’analyses bactériologiquesrépétées sur les mêmes quartiers avant et après le vêlage.Mais la confirmation est venue en comparant l’ADN desbactéries isolées lors de mammites cliniques en début delactation (moins de deux mois) avec celui des bactériesisolées avant le vêlage chez les mêmes vaches. Ces infec-tions sont responsables de l’incidence plus élevée de casde mammite, observée par plusieurs études, au cours dupremier tiers de la lactation.

De plus, les infections d’origine environnementale parrapport à celles de type contagieux présentent plus sou-vent les signes visibles de la mammite : lait anormal,enflure du quartier et maladie évidente de la vache. Lessignes cliniques et les dommages au pis causés par lesmammites environnementales sont généralement plussévères. Une incidence élevée de mammites cliniques auvêlage est une bonne indication que de nouvelles infec-tions de cette nature surviennent au cours de la périodede tarissement. Une stratégie de réduction efficace doitpermettre de réduire à la fois le nombre des infectionsacquises pendant le tarissement et la fréquence et lasévérité des mammites cliniques qui en résultent.

MÉDECINE VÉTÉRINAIRE

Le traitement au tarissement

Où en sommes-nous?

PAR PAUL BAILLARGEON*

DANS LE CONTEXTE ACTUEL DE L’UTILISATION RATIONNELLE DES ANTIBIOTIQUES ET PLUS DE 50 ANS APRÈS

LA DÉMONSTRATION DE SES MÉRITES, QU’EN EST-IL DU TRAITEMENT AU TARISSEMENT?

RISQUE D’INFECTION PENDANT LE TARISSEMENT

PÉRIODE DE RISQUE AGENTS PATHOGÈNES FACTEURS DE RISQUETARISSEMENT D’INFECTION

1 Élevé Gram+ : streptocoques • Le système immunitaire est moins efficace.

0-14 jours Gram- : coliformes (Klebsiella) • La contamination externe des trayons augmente.

2 Faible Pas de bactérie prépondérante • La sécrétion présente dans la glande a une

Intermédiaire activité bactériostatique.

3 Très élevé Gram- : coliformes (E.coli) • Les conditions environnementales sont propices.

Plus de 14 jours • Le stress du vêlage diminue la résistance générale.

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POURQUOI LE RISQUE D’INFECTIONAUGMENTE-T-IL AU TARISSEMENT ?Le système de défense contre les infec-tions de la glande mammaire dépendprincipalement de l’activité des globulesblancs et de certaines protéines commela lactoferrine. Il est démontré quel’involution de la glande et l’arrêt de lasécrétion en début de tarissementdiminuent l’efficacité de ces méca-nismes. L’interruption des mesuresd’hygiène de la traite, l’accumulation delait (un milieu de croissance idéal) dansla glande et la perte de lait par lestrayons augmentent sensiblement lerisque qu’une contamination devienneune infection active.

Contrairement à ce que nous pen-sions, les trayons ne forment pas tou-jours, ou le font tardivement, le bou-chon de kératine qui bloque le canal dutrayon pendant la période de tarisse-ment. En moyenne, selon une étudecanadienne, 23,4 % des trayons neprésentent pas encore de bouchon septsemaines après le tarissement. Un trou-peau de cette étude a même atteint60 % de trayons non obturés. Cetterecherche a aussi constaté que le niveaude production en fin de lactation aug-mente le risque de non-fermeture destrayons. Les vaches qui ont produit plusde 21 kg à 305 jours de lactation ont eudeux fois plus de trayons non obturésque les autres.

QUELLE EST L’EFFICACITÉ DU TT?Il est connu que le TT élimine les infec-tions présentes au tarissement (plus de75 %) et qu’il aide à prévenir l’éta-blissement de nouvelles infections. Lesquartiers traités en présentent de 50 à80 % moins, selon les bactéries qui s’ytrouvent, après le vêlage.

Ce sont les raisons qui ont fait du TTuniversel un des points clés du pro-gramme de lutte contre la mammiterecommandé par le National MastitisCouncil (NMC) depuis 1974. Le TT acependant des limites qu’il est impor-tant de connaître.

Premièrement, les formulationsantibiotiques disponibles pour le TTont un spectre d’action limité aux bac-téries de type Gram+ comme S.aureuset les streptocoques. Ces antibiotiquesont peu d’activité contre les orga-nismes Gram- comme E.coli etKlebsiella. Deuxièmement, l’activitédes antibiotiques pour le TT diminuerapidement entre 14 et 21 jours aprèsle traitement. Ce qui laisse la dernière

portion de la période de tarissementsans protection.

D’autre part, au cours des 50 der-nières années, S.aureus est devenul’organisme contagieux le plus impor-tant en santé du pis. Cette bactérie aplusieurs caractéristiques qui la rendentrelativement résistante à l’action desantibiotiques utilisés au tarissement.La résistance à l’action des leucocyteset la formation d’abcès sont en effetdeux mécanismes de défense très effi-caces dont cette bactérie dispose contreles antibiotiques.

L’ANTIBIORÉSISTANCE : UNE LIMITE AU TT?L’antibiorésistance est définie commel’absence d’activité d’un antibiotiquecontre une bactérie en laboratoire.Est-ce que l’utilisation répétitive desantibiotiques approuvés pour le TT adiminué leur efficacité contre lesinfections visées?

En 2004, après une analyse de larecherche effectuée sur cette question,un comité du NMC a conclu qu’il n’y apas eu de développement notable del’antibiorésistance causé par les bac-téries responsables de la mammite aucours des 30 dernières années. Desétudes plus récentes ont fait des constatssemblables en comparant des bactériesisolées de troupeaux en productionbiologique (qui n’utilisent pas d’anti-biotiques) à celles obtenues de trou-peaux en production conventionnelle.

Il n’y a donc pas de preuve scien-tifique que l’efficacité du TT contre lesbactéries ciblées, quelle que soit la for-mulation utilisée, ait diminué au coursdes années.

POURQUOI PAS UN TRAITEMENTSÉLECTIF?Selon les données du CCS, de 60 à 70 %des vaches ne présentent pas d’infec-tion intramammaire prouvée à la fin dela lactation. Pourquoi alors ne pasutiliser le TT de façon sélective dans lecontexte de l’utilisation rationnelle desantibiotiques? Deux éléments sont par-ticulièrement importants à propos decette question.

Premièrement, nous ne disposonspas de moyens pour détecter précisé-ment et économiquement les vachesréellement infectées. Dans tous les scé-narios de dépistage des infections du pisutilisant le CCS ou l’historique de mam-mite, un certain nombre de résultats« faux négatifs » échappent au traite-

ment alors que de « faux positifs » sonttraités. Deuxièmement, le rôle de« prévention des nouvelles infections »des bactéries Gram+ est une réalitéimportante et souvent ignorée du TT aucours des deux premières semaines dutarissement. Cet aspect concerne toutesles vaches saines (plus ou moins 70 %)du troupeau et explique en grandepartie pourquoi les vaches traitées ontmoins d’infections intramammaires etproduisent plus de lait.

La recherche a démontré que l’uti-lisation d’un scellant pour la préven-tion des infections est aussi efficaceque l’administration d’un antibiotiquelorsque le pis est exempt d’infection.Son efficacité est même supérieure sion ne considère que les infectionsd’origine environnementale, celles quijustement causent le plus de problèmesau moment du vêlage. L’intérêt d’unscellant est qu’il persiste pendant toutela période de tarissement et qu’il pro-cure sa protection contre toutes lesbactéries (Gram+ et Gram-) d’origineenvironnementale.

La recherche est en cours pourtrouver la meilleure stratégie de détec-tion des vaches exemptes d’infectionintramammaire. L’analyse du dossier desanté du pis, comprenant un historiquede mammite et un CCS mensuel, ainsiqu’une évaluation par un CMT ou untest équivalent au moment du tarisse-ment font partie des scénarios étudiés.Le TT sélectif avec scellant sans anti-biotique sera envisageable lorsque nousdisposerons de ces informations. Enattendant, le TT universel demeure lameilleure stratégie.

LE TT COMBINÉ AVEC UN SCELLANTLe risque de nouvelles infections intra-mammaires est important pendant lapériode de tarissement, surtout pourles meilleures productrices. Les infec-tions d’origine environnementale sontresponsables, dans beaucoup de trou-peaux, de la majorité des mammitessurvenant au cours du premier tiers dela lactation. Ces infections sont con-tractées très souvent pendant la périodede tarissement et persistent après levêlage. Le TT universel avec une pré-paration antibiotique à action pro-longée, utilisé en combinaison avec unscellant, est le moyen le plus sûr pourles prévenir.

* Paul Baillargeon, médecin vétérinaire,Pfizer Santé animale