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Le trou de l Terminale L.pdf · L’alsace et une partie de la Lorraine ont été ... Entre le 20 juillet et le 15 octobre 1915, un ... aimé que son fils soit à sa place

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« Le trou de l’enfer »

Le Front des Vosges 1914-1918

L’alsace et une partie de la Lorraine ont été

annexés par l’empire allemand lors du traité

de francfort en mai 1871.

Entre le 20 juillet et le 15 octobre 1915, un

affrontement particulièrement meurtrier a lieu

sur le champ de bataille de Linge (17 000

morts), suivi d’une guerre de position

jusqu’au 11 novembre 1918.

La bataille de Noël 1914, menée dans des

conditions hivernales extrêmes, met 600 hommes

hors de combat en une seule nuit.

Du 28 août au 9 septembre 1914, le secteur du

col de la Chipotte est le lieu de combats au

corps à corps.

Passé 5 fois aux mains des Français et des

Allemands, il voit 4000 soldats français tomber

et est surnommé par les Poilus « le trou de

l’enfer ». La nécropole de la Chipotte

rappelle le sacrifice héroïque des combattants

français.

Dès le mois de septembre 1914, les Allemands se

fixent près de Moyenmoutier, dans le Val de

Senones, ancienne capitale de la principauté de

Salm.

A l’extrême nord du dispositif militaire entre

les sommets du Donon et Raon-L'étape, la

Chapelotte est le dernier site-témoin de la

guerre des mines dans les Vosges.

Gaëtane Q.

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LES MEANDRES DE LA TRINACLE

Printemps 1940

Calogero n'avait pas osé avouer la

vérité à sa mère. Pas encore...Comme cela

il savait qu'il lui épargnerait ainsi plusieurs

jours d'angoisse. Toujours ça de gagné.

Il avait atteint ses espoirs et chassé

ses doutes. Le troisième Régiment de

Bersagliers l'hébergeait maintenant depuis

trois mois.

Fini, disparu le petit berger Sicilien

venu chercher du travail à Milan.

Métamorphosé en fier soldat! Et justement,

il avait l'allure altière quand il se promena

pour la première fois dans les rues de

Milan, le Fez rouge sur la tête. Comme il

se sentait bien! Sûr de lui. Un autre homme

qui épousait une nouvelle vie jusqu'alors

inconnue. Mais quelle euphorie de savoir

que l'on a enfin trouvé sa voie! Il l'avait

vite senti...Aussitôt passé les murs de la

caserne. Il avait découvert la rigueur, la

discipline, les choses bien établies et bien

en place et là il avait prié pour ne pas se

faire refouler.

Premier cap : Tricher sur son âge. Il

lui manquait un an. Une éraflure sur son

année de naissance avait fait l'affaire

devant un sergent peu regardant face à une

jeune recrue motivée. Le Pays aurait besoin

de soldats. Pourtant l'Italie restait encore

timorée à rappeler toute sa jeunesse sous

les drapeaux. Son alliée Germanique ne se

posait pourtant pas de questions. Plus tard,

il n'y aurait qu'a suivre son exemple: La

Pologne, la Belgique et la France à genoux

en quelques semaines. RAUS !!...Toute

l'humiliation de la grande guerre recrachée

d'un coup. Un vomi de feu, de fer et de

sang répandu sur les vieux Pays Alliés

encore occupés à croire en la diplomatie et

à dormir sur les lauriers de leur glorieuse

armée d'avant . Lui ne se posait pas de

question, le petit caporal de 1914 était

archi motivé à reprendre sa bataille finie

trop tôt sur le front dans les environs

d'Ypres « Attendez les gars ! Vous allez

voir ce que vous allez voir! Je vais vous la

faire payer au centuple votre inhalation

d'ypérite dans mes bronches! Moi je

voulais continuer et paff! Au moment où je

suis prêt à reprendre mon Mauser on me dit

stop! Pose le, c'est fini ils ont gagné. C'est

pas juste! Maintenant mon pays baisse la

tête et meurt de faim. Non ! Ça ne va pas

se passer comme ça, je vais reprendre

l'Allemagne en main moi! Vous allez

comprendre votre douleur. Je vais vous

faire payer, vous : Les autres !et je ferai le

ménage: GGNNNAARR!!Le voilà qui

s'énerve, trépigne pendant des années.

RAUS les Juifs ! RAUS les

Tziganes !...Et puis après je m'occuperai du

bastion des Communistes un peu plus au

Nord ,mais patience, ça viendra plus tard.

BLITZKRIEG!! Comme on souffle

les bougies d'un gâteau qui ne laissent

qu'un nuage de fumée . L’élève avait donné

la leçon à son mentor. Il ne restait plus qu'a

suivre l'exemple malgré une armée encore

en construction avec un matériel un peu

dépassé le Duce ne pouvait que suivre .

D'ailleurs son bellâtre de gendre ne l'avait

il pas un peu poussé en signant les yeux

fermés et le sourire « colgate » devant les

caméras des accords engageant l'Italie au

destin de l'Allemagne ? Pourtant c'est

toujours ce qu'on dit aux jeunes: Lis bien

avant de signer quoi que ce soit fiston! Ah

oui! Mais là ce n'était pas un engagement

au Pèlerin magazine pour un an mais le

sort de tout un Pays quand même. Bon ! De

toute manière le Benito, ça le démangeait

quand même un peu de reprendre cette

bande des Alpes qui descendait jusque

Menton. Alors bingo! On déclare le 10

juin1940 la guerre à la France, histoire de

récupérer l'ancien territoire et de montrer à

ce jeune blanc bec d'Hitler qu'un Italien

aussi est capable de faire une

Blitzkrieg...Total, un désastre pour les

Alpini Italiens, Bersagliers décimés par le

feu des armes et le froid. Une fierté pour

les Chasseurs Alpins,héros de l'unique

victoire de Juin. Une campagne de Russie

avant l'heure, offrande d'hommes faite au

sol étranger par un état major se pliant aux

ordres insensés du Duce.

Mais on était seulement en Avril,

les dés n'étaient pas encore jetés et le destin

du Sicilien d'aller au front se conjuguait

encore au conditionnel. D’ailleurs il fallait

d'abord passer la visite médicale.

« Un peu maigre, mais excellente

condition physique »

Bienvenue au 3e Bersagliers

''Maïora Viribus Audere'', casque à plume

et paquetage, puis direction dortoirs,

douche et coupe réglementaire.

Le première classe Paoli emmenait

maintenant les deux recrues vers le

réfectoire. Eh oui, j’ai bien dit deux:

Impensable, inimaginable,

surprenant...Luigi ,de son pas lourd

suivait !

Le géant avait amené son ami

jusqu'aux portes de la caserne en

maugréant tout le long du chemin.

« Ah tu veux un régiment d'élite! Tu

vas être content. Mais viens pas te plaindre

après, moi je serai plus là . »

Le cœur gros, Calo avait enlacé son

copain dans un au revoir qui ressemblait

plus à un adieu. Leur complicité s’arrêtait

au pied de la caserne .Luigi dans un

moment d'émoi plaqua Calo contre lui.

« Si tu ne me lâches pas, je vais

finir étouffé avant de m’être engagé »

Une sentinelle était allée chercher

son supérieur, ils savaient ces dernières

secondes précieuses et ne se parlèrent que

du regard. Une larme s'échappa d'un œil du

Piémontais. Pour la première fois Calo

sentit l'embarras chez son ami. Il se

retourna en entendant des pas derrière lui.

Son avenir lui faisait face. Un sergent

l'accueillit et Calo passa le portail en

s'efforçant de ne pas se retourner.

« Et le géant là...derrière vous ,il est

pas volontaire ? »

Luigi, contre toute attente ,avait

acquiescé d'un mouvement de tête et était

entré à son tour.

« Cherche surtout pas à

comprendre »s'était il contenté de dire en

les suivant comme un gamin entre à l'école

à contre cœur ,les mains dans les poches,

boudeur.

Petite animation à la visite

médicale, même le colonel était venu

admirer le phénomène. De mémoire de

Bersagliers ,il n'avait pas le souvenir

d'avoir eu un tel colosse parmi ses soldats.

Alors un grand oui! Bien sûr qu'on prend.

Rien que pour le symbole. Des qualités

athlétiques hors norme qui ne peuvent

qu’enorgueillir le 3e !

Par contre ce fut beaucoup moins

simple pour le fourrier. Heureusement,

pour les brodequins il y avait tout juste sa

pointure. Par contre un bon de commande

fut rédigé pour satisfaire aux mensurations

vestimentaires hors norme du Piémontais.

C'est sous les regards mi-amusés,

mi-étonnés qu'entrèrent dans le réfectoire

les deux amis. Drôle de binôme, un

méridional plutôt taciturne accompagné

d'un géant emprisonné dans des habits trop

courts.

Le pantalon un peu trop usé lâcha

quand le Piémontais s'assit à table. Les

coutures de l'entre jambe ne purent résister

à l’extrême tension et craquèrent

bruyamment dans une ultime plainte .

Silence de cathédrale, puis Luigi

lançant de sa grosse voix :

« ça commence bien ! »

Avalanche de rires dans la salle

sous les applaudissements. Le colosse se

relève , fait un salut théâtral puis se rassoit

enfin.

Calogero, hilare lui aussi, tape

l'épaule de son ami.

« Toi alors, pour rompre la glace

t'es champion ! »

*

Automne-Hiver 1941

La guerre, c'est la permission de

tuer. De passer du statut d'un paisible civil

à celui d'un tueur en série. D'ôter les vies

au hasard de ses balles sans les connaître,

qu'ils soient père ou fils. Plonger dans le

malheur les épouses, les mères, les enfants.

Mais la guerre c'est aussi garder

toute sa vie en mémoire des images

d'horreur que l'on n'imagine même

pas dans ses cauchemars de gosse.

Les enfouir au fond de son esprit,

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c'est sans doute la solution qu'avait choisi

son père. Gommer ces années de tranchée

et retourner à sa vie d'avant l'horreur , se

plonger vite dans le travail, comme une

brute enchaîner les heures de labeur pour

ne pas penser. Se lever tôt, finir tard pour

se coucher harassé par la fatigue en

espérant ne pas se faire réveiller en pleine

nuit par un soldat hurlant les tripes à l'air

ou se retrouver entouré par des morts en

putréfaction. Ce statut de tueur en série,

Calo l'avait maintenant. Pour survivre, le

choix ne s'imposait plus, il fallait tuer

encore et encore jusqu'à la fin et espérer

que ce ne soit pas la sienne.

*

Automne 1942 (peu de temps après

l'opération Barbarossa, invasion de la

Russie par l'Allemagne alliée à l'Italie).

Il était arrivé dix jours auparavant.

Bon de sortie du médecin. Ordonnance.

Fauteuil roulant en cadeau d'adieu :

(« Merci pour votre don de jambe, la patrie

reconnaissante ») retour dans le train et

premières épreuves d'handicapé : regards

condescendants, « vous voulez de

l'aide ? », vue en contre-plongée, regards

détournés et gêne réciproque. Il repartait

dans l'autre sens, abandonnant ses illusions

et ses membres inférieurs. Ces quelques

mois d'hopital lui avaient fait prendre

plusieurs années. Adieu Calogero le berger

sicilien, il ne résonnait plus comme le

jeune homme qu'il était avant. Celui au

tempérament fougueux, pressé de croquer

la vie s'était mué en homme blasé tel un

vieillard à l’issue de sa vie . La Zia¹ Pina

était venue le voir à l’hôpital quand elle

avait su. Elle s'était effondrée sur sa couche

en parlant de son fisl Pietro qui était mort

là-bas dans les durs combats du Don². Une

fois de plus, cet étrange sentiment de

désirer la mort l'avait parcouru. Il avait vu

dans le regard de sa tante qu'elle aurait

aimé que son fils soit à sa place. Cela avait

installé un malaise entre eux deux. Elle

était repartie les yeux rougis, le pas traînant

sa peine...Sans rien dire. La nuit venant,

Calogero avait essayé. Un jeune lieutenant

(celui qui était mort d'une balle dans le

ventre) lui avait dit que s'il mourait il

n'avait qu'à se servir. Le luger identique à

celui de l'Ouszbek l' attendait au fond de

son placard dans l'étui de cuir. Copinage de

chambrée et héritage verbal qu'il alla

chercher en rampant quand il su la fin de

son ami arriver. Maintenant cachée sous

son oreiller, l'arme sommeillait. Le soir

même, le canon porté à sa tempe attendit la

pression sur la gâchette, pour envoyer la

décharge fatale. Allons Calo, courage !

C'est ton carton le plus facile. Même en

fermant les yeux, impossible de te rater...

Non ! Impossible, une autre fois peut être.

En attendant la solution de facilité : « Ma

sœur ! Un peu de morphine, j'ai mal ! »

Sommeil opiacé pour s'en aller quelques

heures. Oublier, en attendant le jour où le

courage viendra.

Lisa D.

¹ Tante en italien

² Combat dans le bassin du Doniesk

Mon arrière-grand-père se prénommait Bruno Legat,

exerçait la profession de mineur et habitait en

Autriche. Sentant venir la Seconde Guerre mondiale et

refusant de se battre pour l'armée allemande comme il

aurait dû, il décida donc de déménager en France, du

côté de la Moselle, emmenant avec lui sa femme et ses

enfants : ma grand-mère Brigitte, ma grand-tante Erna

et mon grand-oncle Ervin et il retrouva

un poste de mineur. Au début de la

guerre, il s'engagea dans la Légion.

Malheureusement, l'Allemagne retrouva

sa trace et il fut enrôlé de force

auprès de ceux dont il ne partageait

pas les idéaux. Il fut envoyé sur le

front russe. Pendant ce temps, des

bombardements avaient lieu en France.

Un jour, il fut ordonné aux habitants

de la petite ville où mon arrière-grand

mère, Berthe, vivait avec ses enfants

de se réfugier dans les mines pour se

protéger de ces bombardements. Mais des

immigrés italiens lui refusèrent

l'entrée de la mine, alors qu'elle

était avec trois enfants en bas âge,

sous prétexte que son mari se battait

pour les Allemands. Elle n'y pouvait malheureusement

rien, et mon arrière-grand-père non plus, et elle

était désespérée : elle restait bloquée à l'entrée de

la mine avec ses enfants alors que les bombardements

se rapprochaient. Heureusement, le chef d'équipe de

son mari arriva et il la fit entrer, car il savait que

Bruno était un malgré-lui. De ce jour, mon arrière-

grand-mère et ses enfants se souvenaient d'une peur

panique de mourir sous les bombardements alors qu'un

abri était si proche, et tous conservèrent une rancune

vivace envers les Italiens. Pendant ce temps, mon

arrière-grand-père était au front en Russie. Cela a

été très éprouvant pour lui, et il a vu des choses qui

l'ont hanté jusqu'à sa mort. Il n'a jamais voulu les

raconter, car c'étaient des horreurs abominables. Il

disait que s’il en parlait, personne ne le croirait,

car personne ne pouvait imaginer jusqu'où la guerre

pouvait éprouver un homme au point de le

rendre fou. Il fut finalement fait

prisonnier en Russie, jusqu'à la fin de

la guerre. De cette période là non plus,

il n'a jamais voulu en parler. Il tint

bon et fut libéré à la fin de la guerre.

Il mit près de deux semaines pour

rentrer en France, et lorsqu'il arriva,

c'est à peine si sa femme le reconnut

tant il était affaibli et amaigri. Il

mit du temps à renouer des liens avec

ses enfants, qu'il n'avait pas vu

grandir. Et ces derniers étaient un peu

intimidés par leur père, cet homme

taciturne au regard hanté. Mais il

réussit quand même à mettre de côté ses

traumatismes pour prendre part à

l'éducation de ses enfants. Il reprit

son travail à la mine et son fils le rejoignit dès

qu'il fut en âge. Ils pouvaient ainsi payer l'école

aux deux plus jeunes sœurs. L'histoire de mon arrière-

grand-père nous prouve que malgré les horreurs de la

guerre et les actes qu'on force les soldats à

commettre, il est toujours possible de se reconstruire

et de reprendre une vie plus ou moins normale ensuite,

grâce au soutien et à l'amour de sa famille.

Clémence Z.

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Bribe de guerre

La seconde guerre mondiale a eu un énorme impact sur le rôle des femmes dans la société.

Avant la guerre la majorité des femmes étaient au foyer. Elles s’occupaient des enfants,

préparaient les repas et effectuaient de nombreuses taches ménagères. En milieu rural elles

pouvaient aussi aider leur mari dans les champs et à la ferme. On voyait peu de femmes sur le marché

du travail. Pendant la guerre, afin de combler la pénurie de mains - d’œuvres suscité par l’effort

de la guerre et de permettre aux hommes d’occuper des postes de combat, plusieurs femmes ont

échangé leur tablier pour l’uniforme militaire. Avant la seconde guerre mondiale de seul poste que

pouvaient occuper les femmes dans les armées étaient celui d’infirmière, puis en 1942 une division

féminine et deux services féminins ont été crées. A partir de ce moment plusieurs femmes se sont

enrôlées. Certaines par goût de l’aventure, d’autre par solidarité afin de soutenir le pays et les

hommes partis au front. Elles ont donc pu occuper différents postes dans l’armée comme médecins,

mécaniciens etc.

« Durant la seconde guerre mondiale, j’avais alors 18 ans et je vivais à Paris avec ma tante

et ma sœur. Puis, à cause de la pénurie alimentaire nous avons dû déménager en Normandie ou la vie

nous semblait mieux adaptée et plus apte à subvenir à nos besoins ainsi qu’à ceux des autres

civils. Nous étions donc loin de nous douter qu’un débarquement allait avoir lieu. Un jour, sans

nous y attendre plus de 300 SS on débarqué, et certain d’entre eux sont allés perquisitionner des

pièces dans les maisons pour y séjourner. »

Camille P.

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Résister, S’évader, Réussir

Mon arrière-grand père s’appelait Michel FETET, il est né en 1895 et a participé, en tant que prisonnier de guerre, à la 1ère guerre mondiale. Il est mort en 1990, malgré le fait que je ne l’ai jamais connu, je vais vous raconter son histoire au sein de la guerre, et rendre hommage à sa mémoire.

Au début de la guerre, mon arrière-grand

père travaillait avec sa femme, Yvette FETET

mon arrière-grand-mère, dans le champ et la

ferme qu’ils possédaient à Rambervillers. En

1914, la guerre est déclarée entre La France et

L’Allemagne. Mon arrière-grand père ne pouvant

pas participé aux combats menés au front à

cause de sa jambe de bois, (accident pendant

l’enfance) resta donc chez lui avec sa femme.

Mais en 1915, alors qu’il n’avait qu’une

vingtaine d’années, il est fait prisonnier par

les autorités allemandes et réquisitionné pour

travailler obligatoirement dans une ferme

berlinoise avec deux autres français de son âge.

Il quitte donc mon arrière-grand-mère et sa

ferme pour rejoindre Berlin, pour faire le même

travail qu’en France mais cette fois-ci la

ferme allemande dans laquelle il a été envoyée

était entourée de barbelés et surveillé par

deux autres employés de la ferme. Mais il

n’était pas tout seul, en effet comme je l’ai

dit précédemment, deux autres français du même

âge que lui avait eux aussi été envoyé en

Allemagne pour y travailler obligatoirement. Je

ne connais pas leur prénom, mais l’un était

fermier comme mon arrière-grand-père et l’autre

était sans emploi et sans famille. Ils se

retrouvèrent donc à trois dans la même ferme

pour y travailler sans parler un mot d’allemand

et sans jamais avoir aucune nouvelle de leur

famille restée en France.

Mon arrière-grand-père travaillait bien

évidemment à contre cœur pour ces fermiers

allemands qui les exploitaient : il a tué deux

vaches qui produisaient trop de lait et

quelques poules qui pondaient bien. C’était sa

manière à lui de résister coûte que coûte aux

Allemands. Lui et les deux autres français

étaient mal nourris. Ils dormaient dans la

deuxième grange réservée aux cochons et aux

chèvres, entre le foin et le purin. Mais mon

arrière-grand-père ne supportant plus cette

situation, décida de s’évader. Les deux autres

français n’acceptèrent pas de le suivre par peur

de la peine encourue. Une nuit, il se fraya un

chemin en dessous des barbelés et s’évada en

direction de l’Alsace. Il fût vite rattrapé par

les autorités allemandes vers Francfort, mais à

son grand étonnement il ne fût pas exécuté.

Pourtant c’était la peine encourue pour fuite

au Travail Obligatoire. Mais des mesures

radicales ont été mises en place pour lui suite

à son évasion : il s’était deux fois plus tué à

la tâche que les autres et il travaillait

enchaîné, il n’avait qu’un repas par jour, et il

lui arrivait de travailler la nuit.

Ne pouvant plus supporter cette situation,

il se fit passer pour malade, contagieux pour

les autres et surtout les animaux. Les fermiers

allemands furent obligés d’avoir recours à un

médecin. Ce dernier était aussi français, mon

arrière-grand-père le supplia de l’emmener, de

le faire évader pour retourner en France.

C’était son ticket de sortie, son dernier

espoir. Le médecin accepta en prétendant que de

toute façon mon arrière-grand-père allait

mourir et que si il restait, il serait une

menace pour les animaux de la ferme. C’est donc

avec la permission des fermiers allemands et

des autorités allemandes que mon arrière-grand-

père a pu être transféré dans un hôpital

allemand puis rapatrié en France, toujours avec

ce même médecin. Je ne connais pas son prénom

car mon arrière-grand-père n’a jamais su non

plus, mais ce héro, celui qui sauva mon

arrière-grand-père de l’enfer allemand, prenant

lui aussi le risque d’être tué. Sans lui, mon

arrière-grand-père n’aurait surement pas survécu

quelques jours de plus dans cette ferme.

Louise C.

« LA GUERRE A FAIT DE MON PÈRE UN INCONNU» «En 1939, je n’avais que 2 ans. Je

n’ai donc aucun souvenir du

commencement de la guerre, si ce n’est

un : celui de l’absence de mon père.

Dès le 24 août 1939, il est parti faire

la guerre dans les Vosges, en tant

qu’agent de liaison au 153ème régiment

d’infanterie. Il fut fait prisonnier de

guerre moins d’un an plus tard, le 26

juin 1940, et fut envoyé au camp Stalag

VIII C, en Silésie. Il y faisait très

froid, et les conditions de vie

étaient extrêmes. Ils se

nourrissaient souvent d’une miche de

pain par journée pour 10. Ils dormaient

parfois dehors, par -40° C, dans la

neige, seulement réchauffés par un

petit feu de bois. Nous avions parfois

des nouvelles, des

lettres, des

photos.

Heureusement qu’il

y avait dans leur

groupe de

prisonnier un

abbé, l’abbé

Georges. Il leur a

permis à tous de

tenir moralement. Nous avons gardé

contact avec lui,

après la

Libération.

Pendant ce temps, j’étais restée

avec ma mère et mon frère aîné dans notre petit village d’Anglemont, près de

Rambervillers. Très vite, les allemands

ont pris possession des lieux. Leur

chef a dès son arrivée pris

l’initiative de demander au maire qui

logeait dans chaque maison, s’ils

étaient riches ou pauvres, etc. Il a

alors ordonné de brûler et piller la

plupart des fermes, et la moitié du

village a péri vivant. Notre père étant prisonnier de guerre, nous avons pu être épargnés.

La période qui a suivi, nous nous

sommes réfugiés dans une cave voûtée

pour échapper aux bombardements. Nous y

vivions avec cinquante autres Anglemontais, à même la terre battue, éclairés à la bougie et nous partageant le peur de nourriture que nous avions, que nous procurait la ferme d’en face, déjà

préoccupée à alimenter sa famille de 12

enfants. Je me revois encore y aller

discrètement pour le goûter, et me

faire offrir une galette au miel. Ma

tante Céline, qui était infirmière et

soignait les allemands blessés, venait nous rendre visite de temps à autres, et

nous ramenait parfois un lapin ou une

poule. Malgré la situation, elle

restait forte et gardait son sens de

l’humour, et chacune de ses visites était un plaisir tant elle réussissait à nous faire rire. Elle nous racontait comment elle avait

rudement malmené les « sacrés bosches

», comme elle les appelait, plutôt que

simplement les soigner. C’était de

véritables moments de répits, entre la

faim, la fatigue, l’épuisement moral et

la peur incessante des

allemands. Je me

souviens d’une fois

où nous avons tous

cru que notre fin

était venue : nous

avions entendu du

bruit dans les

bottes de paille

qui fermaient

notre cave, et

pensions qu’il

s’agissait de

l’ennemi venu nous

tuer. Il ne s’agissait cependant que d’un chaton !Ce ne fut

pourtant pas l’évènement le plus

intense de notre séjour dans cette

cave. Un des bombardements qui avait

lieu depuis Nossoncourt, à 2 kilomètres

de notre village, dura 36 heures sans interruption. Nous n’avons pas pu sortir pendant cette période, et n’avions rien à manger.

Un mois plus tard, les

bombardements avaient cessé, et nous

avons pu sortir de cette cave. Je suis

retournée à l’école, où nous

organisions de petits théâtres en l’honneur de la France.Nous nous

habillions aux couleurs du drapeau

français – je me souviens que j’étais

vêtue d’une petite robe bleue, avec un

gros nœud dans les cheveux. Après les

cours, je rendais toujours visite à la

même famille nombreuse, et j’avais

toujours droit à ma tartine de miel, mon fromage ou mes quelques fruits. Et cette

10

routine resta la même jusqu’en

septembre 1944.

Le jour de l’arrivée des

Américains, nous étions à l’école.

Aucun mot ne pourrait décrire notre sentiment de délivrance quand nous avons vu débarquer les chars. Les soldats

américains nous ont tous pris dans

leurs bras, nous ont fait monter dans

leurs chars, nous ont apporté de la

nourriture… Nous avons alors découvert

la crème à la vanille et les chewing-

gums, délicieux !

Après la Libération, nous avons

hébergé des américains, et également des soldats allemands. Nous ne communiquions que très peu avec eux, à l’exception

d’un seul. Il se nommait Willy, et

c’était un très beau jeune homme – il devait avoir 25 ans, sympathique et poli. Il

m’avait offert une image, pour ma

première communion, que je garde

aujourd’hui encore précieusement comme

un des plus beaux souvenirs de mon enfance.

Mon père est revenu le jour de

Pâques de l’année 1945, et je ne l’ai

pas reconnu. J’ai alors grandi avec un père que je ne reconnaissais pas, qui ne me reconnaissait pas, et que j’appelais «monsieur».Créer un lien avec lui a

demandé de nombreux efforts, je lui

faisais de petites surprises, en lui

offrant par exemple parfois quelques

cigarettes. Mais chaque fois que je me

rappelais qu’il avait fait la guerre et

que pourtant il était vivant et auprès

de moi, je me sentais comme la plus heureuse des petites filles.»

Ginette QUÉRÉ

Quand l'encre se mêle au sang Valeureux aïeul de ma famille, Albert Salerou fût élevé au rang de lieutenant-colonel après des années de service au sein de l'armée française. Il tenu de 1914 à 1918 et jour pour jour plusieurs carnets de guerre. En voici quelques précieux passages.

• [1914]

19.09 Le samedi matin à 10h sous pluie, mise en route

pour Saint-Dié

Route bordée de trous d'obus -maisons brûlées,

démolies- Rougiville- arrivée à Saint-Dié, après 25 km,

sous pluie, dans ville qui a été occupée par Allemands

[...]

07.10 Réveil par temps de soleil resplendissant : on

espère entendre enfin le canon, silencieux depuis deux

jours. [...] Comme les jours passés, j'ai la joie de

recevoir des nouvelles de mes chéries. Dîner de bon

appétit à 5h ; puis causeries avec le capitaine. Nuit

calme avec beau clair de lune.

04.11 Journée calme. Continuation des travaux. Le

soir, à 9 heures 40, quelques coups de feu. À 3 heures

du matin, vive fusillade à notre droite : je suis dans

les tranchées avec ma section.

24.12 [...] Ils ont pris, ici, chez madame Colin, tout

son linge de corps et de maison, les glaces, les

garnitures de toilette sans oublier naturellement, la

cave. Ah ! Les apaches !

• [1915]

16.04 Me voici à mon 3ème carnet... La guerre durera-t-

elle jusqu'à ce que j'atteigne la dernière de ses pages

? ... Je ne le crois pas : bien avant, ce sera la

victoire, le triomphe de nos armées [...]

22.06 À 4 heures du matin, une vive fusillade sur notre

droite nous fait reprendre nos positions de combat.

[...] Le bombardement reprend et sévit avec insistance

jusqu'à 11 heures et demie [...] Les obus, les

marmites, des minenwerfer de 296, des grenades, tout

éclatait en même temps. [...] Toute la nuit canonnade

de ce côté et plus loin, vers Senones.

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• [1916]

30.10 Voici mon 4ème carnet de route ! Et nous sommes

au 15ème mois de guerre, de cette guerre que les uns

croyaient devoir être si brève et que d'autres, (et ils

ont bien jugé ceux-là) estimaient dès avant 14, longue,

fort longue...

29.03 Dès le matin, à 6 heures, réveil sous les obus

boches qui, pendant plus de deux heures, nous arrosent

copieusement. [...] Il tombe près de 2000 obus sur

notre front - parfois 20 à la minute !

25.06 Je suis réveillé par l'explosion de shrapnels

qu'envoie notre artillerie contre des avions boches qui

survolent Saint-Dié... [...] Il y a même un combat

entre un de nos avions de chasse et les lourdes

machines boches et notre aviateur, à bord d'un Nieuport

de chasse, paie de sa vie sa témérité. [...]

26.06 [...] Voilà encore un carnet de terminé : nous en

sommes au 23ème mois de cette guerre, bientôt au

24ème... Quand finira-t-elle, cette boucherie ? ...

24-07 [...] Nous nous dirigerons vers Anould [...] Il

fait une chaleur suffocante et on a d'autant plus chaud

qu'on a 36 choses à faire ou à commander en même temps.

[...]

01.11 À la 161ème division, au premier bureau, je

retrouve le capitaine Ambrosi, de Nice, mon camarade

alors que nous étions élèves-caporaux, ensemble, au

112, en 1897 ! Que c'est loin ! Qui aurait pu prévoir

alors qu'on se retrouverait, 20 ans après dans les

Vosges ! [...]

31.12 [...] Je suis logé chez de bien braves gens [...]

Voilà une fin d'année comme nous en avions peu prévu,

en pleine marche... Et l'on pense à tous les siens en

ces soirs là, plus que jamais ! ...

• [1917]

04.04 [...] Les nouvelles sont bonnes [...] Français et

Anglais rivalisent d'élan, malgré le mauvais temps

[...] Oh ! Les criminels qui ont envoyé 2000 obus sur

Reims !

19.06 [...] Délicieuse promenade, par une splendide

matinée : avec plaisir on arpente cette route bien

connue, par Ban de Laveline, le Giron, Raves, Sainte-

Marguerite. [...]

21.12 Qu'il fait froid cette nuit ! J'ai pensé à nos

pauvres poilus qui n'avaient pas, comme moi, un édredon

pour les protéger ! [...]

• [1918]

02.03 [...] C'est un bombardement des plus fournis

[...] Par optique, par pigeon voyageur, par coureur,

par téléphone ensuite, quand les lignes coupées par les

rafales de la nuit sont rétablies, je tiens au courant

des événements le commandant et le régiment. [...]

11.08 [...] Si c'était Clémenceau qui venait présider

cette cérémonie, Clémenceau que j'ai vu à Paris, il y a

3 jours, rajeuni, gaillard comme toujours, heureux de

nos victoires, plus confiant que jamais !

13.10 [...] Le bruit court que les boches acceptent les

conditions posées par Wilson [...] On nous promet de

l'artillerie lourde qui a pour mission d'écraser les

mitrailleuses mais la préparation est réellement

insuffisante.

11.11 [...] À 11 heures, le canon tonnait, les cloches

sonnaient à toutes volées : l'armistice est signé, la

capitulation de l'Allemagne complète... [...] Jamais

Paris ne vit foule pareille, foule joyeuse, criant Vive

la France ou Vive Clémenceau. Poilus français,

américains, anglais, belges, italiens défilent en

groupes [...]

17.11 [..] Moi, je ne sais toujours rien sur ma future

affectation. [...]

19.11 Le général Pétain est élevé à la dignité de

maréchal de France.

13.11 Foch et Clémenceau ont été reçus par les

Londoniens en triomphateurs. Les armées alliées ont

franchi les frontières allemandes [...] Et moi, c'est

aujourd'hui que je vais partir pour le dépôt du 113, à

Blois ! C'est tout dire !!!

Mya M.