�9 ELSEVI~a Ann. Inst. Pasleur/Virol. Paris 1985 1985, 136 E, 161-166

L E V I R U S C O R F O U : U N N O U V E A U P H L E B O V I R U S

I S O L E DE PHL]~BOTOMES EN GRI~CE

par F. Rodhain 0), G. Madulo-Leblond (~), C. Hannoun 0) et R. B. Tesh (3)

O) Laboratoire des Arbovirus, Unit~ d"Ecologie Virale, Institut Pasteur, 76724 Paris Cedex 16,

(~) Laboratoire de Parasilologie, UER de Pharmacie, Paris XI , Chdtenag-Malabrg (France) el

(3) Yale Arbovirus Research Unit, New-Haven (USA)

SUMMARY

CORFOU VIRUS:

A N E W (( P H L E B O V I R U S )) ISOLATED

FROM P H L E B O T O M I N E S A N D F L I E S IN G R E E C E

A new Phlebovirus isolated from Phlebolomus major collected oil the island of Corfu, in Greece, is described. This virus is antigenically closely related to the Sicilian type, of which it can be separated only by the plaque reduction test. The particularities of the transmission of the sandfly fever group of viruses in the eastern par t of the Mediterranean basin are b r i e fy discussed. For the designation of this agent, we propose the name ~( Corfou ,) virus.

KEY-WOnDS: Phlebovirus, Corfou virus; Greece, Phlebotomine sandflies.

I N T R O D U C T I O N

A l 'occasion d 'une enqu~te effectu~e par Fun des auteurs (G. M. L.) en 1981, en Grace, et destin~e h pr~ciser les modalit~s ~pid~miologiques de la transmission des leishmanioses, des phl~botomes ont ~t~ r~colt~s et quelques-uns d 'entre eux ont ~t~ congel~s en azote liquide pour un essai d ' isolement de virus. Un lot de ces insectes a ainsi permis d'isoler un virus nouveau dont nous donnons, dans cet article, les principales caract6- ristiques.

Manuscri t rcgu le 12 fSvrier 1985, acccptd le 23 avril 1985.

162 F. RODHAIN ET COLL.

M A T E R I E L E T M I ~ T H O D E S

1) Phl6botomes.

Parmi les 12 lots de phldbotomes r~colt6s et soumis h des essais d'isolement de virus, seul un lot s'est avdrd contenir un agent viral. II s'agit d 'un lot de 40 femelles de Phlebolomus major rdcolt6 le 30 aofit 1981, par capture manuelle, entre 20 heures et minuit, sur les murs ext6rieurs de l'6glise du village de Lakones, dans File de Corfou (Gr6ce).

Ces phlfibotomes ont ~t~ tri6s en lots monosp6cifiques apr~s leur r~colte, puis imm~diatement congelds en azote liquide et rapport6s ainsi h Paris.

2) Isolemenl, passages et litrages.

L'isolement du virus a fit~ r6alis6 par inoculation intracdrfibrale de broyat de phl~botomes (dans le liquide de Hanks additionn~ d'albumine bovine et d'anti- biotiques) au souriceau nouveau-n~ (lignde Swiss) selon les techniques habituelles d~crites par ailleurs [3]. C'est aussi par inoculation intracdr~brale au sourieeau qu'ont 6td effectuds les passages ultdrieurs ainsi que les titrages pour la recherche de la sensibilit6 au chloroforme.

3) Prdparalion d'antigOne el d'asctle hyperimmune.

A partir des cerveaux de deux souriceaux du deuxi~me passage un antigone (Ag.81.76) a 6t6 pr6par6 selon la technique classique au saccharose-acdtone [3].

Par ailleurs, une ascite hyperimmune (Asc.82.02) a ~t6 pr~par6e sur souris selon le protocole d'immunisation suivant : 3 injections de virus ~ 5 jour~,d'intervalle, 1 injection de sarcome TG180 deux jours plus tard, puis une nouvelle inoculation de virus deux jours plus tard ; enfin, prdl~vement au bout de 7 jours.

4) l~preuves s~rologiques.

La recherche du pouvoir h~magglutinant de l'antig~ne pour les h~maties d'oie a ~td effectu~e en micromethode sur plaques fi 96 cupules en U, aux pH compris entre 6,0 et 7,0.

Les r6actions de fixation du compldment ont dt6 pratiqu~es dans les deux sens selon la technique LBCF (laboratory branch complement fixation) en microplaques h 96 cupules en V [4].

Les dpreuves d'immunofluorescence indirecte ont 6t~ conduites, h l'aide d'ascites immunes de ref6rence, en cultures de cellules V6ro infect6es avec la souche isolde.

Enfin, les rdactions de neutralisation ont 6t6 effectudes selon une technique de r6duction de plages sur cellules Vfiro [5], selon un protocole oil, en l 'absence de compl~ment, un r~sultat positif traduit une inhibition d'au moins 90% du nolnbre des plages.

B t ~ S U L T A T S

1) Isolemenl et propridtds biologiques.

C'est donc/~ pa r t i r d ' un lot de 40 femelles de P. major que le v i rus a 6t6 isol6.

A la sui te de l ' in jec t ion d ' u n e por t6e de 10 sour iceaux , d eu x de ees an imaux , a p p a r e m m e n t sains, on t 6t~ saerifi6s au 13~ jou r ; leurs e e r v e a u x

UN NOUVEAU PHLEBOVIRUS : LE VIRUS CORFOU 163

ont fair l'objet d'un passage aveugle fi deux autres port6es de 10 souriceaux chacune qui, tous sauf deux, ont pr6sent6 des troubles neurologiques caract~ristiques entre le 9~ et le 11~ jour apr~s inoculation.

Un troisi~me passage sur souriceau nouveau-n6 a permis de stabiliser ]a souche, qui entraine alors l'apparition constante de paralysies au 8~ jour apr~s inoculation. Cette souche est d6sign6e PaAr814.

La sensibilit6 du virus au chloroforme (h son 3~ passage sur souriceau) a 6t6 reeherch~e par titrages sur souriceau nouveau-n~, avant et apr~s traitement. L'abaissement signifieatif du titre (107,1 DL~o/ml avant trai- tement et 104, 2 DLso/ml apr~s traitement) prouve l'existence d'une telle sensibilitY.

La morphologie du virus n'a pas ~t6 6tudi6e en mieroscopie 61ectronique.

2) Caract~res antigdniques.

L'antig~ne Ag.81.76 n'a pas de propri6t6s h6magglutinantes pour les h6maties d'oie.

Les 6preuves d'immunofluorescence indirecte effectu6es avee les ascites immunes de r6f6rence correspondant aux arbovirus des groupes A, B, de la stomatite v6siculeuse et des fiSvres h phl6botomes et aux virus Karimabad, Naples, Sieile, Gordil, Arbia (ISS.Phl.18), de la fi~vre de la Vall6e du Rift, Gabek Forest, Arumowot, Chandipura, Yug Bogdanovac et P6rinet, n'ont donn6 des r6sultats positifs qu'avec l'aseite c( fi~vres h phl6botomes, et avec les ascites Karimabad, Naples et Sicile (respective- ment Naples et Sicilian sandfly fever), Arbia (ISS.Phl.18) et Arumowot.

Les r6sultats des r6actions de fixation du compl6ment pratiqu6es avec l'antig~ne Ag.81.76 ou l'ascite Asc.82.02 vis-fi-vis des ascites ou antig~nes sp6cifiques d'un Bungavirus (Bunyamwera), d'un Flaoioirus (West Nile) et des Phlebooirus Naples, Sicile, Salehabad, Arbia et Arumowot, ont seu- lement r6v616 une parent6 6troite entre PaArS14 et Sicile (tableau I). Les 6preuves de neutralisation par r6duction de plages r6alis6es entre les virus PaAr814 et Sicile montrent qu'une diff6rence nette entre ces deux agents a permis de les s~parer (tableau II).

TABLEAU I. - - R ~ s u l t a t s des r4actions de fixation du eompl~ment prat iqu~es a v e c les v i rus P a A r 8 1 4 e t $icile.

Asci te h y p e r i m m u n e

AntigOne PaAr814 Sicile Sa lehabad Arb ia

PaAr814 512/32 (*) 512/32 16/8 0 Sicile 256/64 /> 1 024/64 0 0 Sa lehabad O 0 256/I> 128 128//> 64 Arb ia O 0 128/64 512/16

(*) Inverse du t i t re de la p lus for te d i lu t ion du s 6 r u m / i n v e r s e du t i t re de la p lus for te d i lu t ion de l ' an t ig~ne.

0 ~ inf~rieur h 4/4.

164 F. RODHAIN ET COLL.

TABLEAU I I. R~sultats des r~actions de neutralisation par r~duction de plages pratiqu~es avec les virus PaAr814 et 8icile.

Ascite hype r immune

virus PaAr814 Sicile

PaAr814 1:160 (*) < 1:10 Sicile < t : 1 0 1:80

(*) Plus faible dilution du sdrum ent ra inant l ' inhibit ion d 'au moins 90% du nombre des plages.

DISCUSSION

Des rdsultats exposds ci-dessus, nous tirons la conclusion que la souche PaAr814 est un nouveau virus du groupe des fi~vres h phl~botomes, appar- tenant au genre Phlebovirus, tr~s proche mais n~anmoins dist inct du virus Sicile.

En effet le virus PaAr814 est identifi~ par l ' immunofluorescence, comme appar tenant au groupe des fi~vres h phl~botomes, et la fixation du compl~ment ne permet pas de le distinguer ne t t ement du virus Sicile. Cependant l '~preuve de neutralisation effectu~e avec des ascites immunes sp~cifiques diff~rencie les deux virus dans les deux sens de fa~on extr~me- ment nette. Cette situation a d~jh ~t~ d~crite pour d 'autres agents du groupe des Phlebovirus [16].

Nous proposons pour ee nouvel agent, le nom de virus (( Corfou )). Bien entendu, l 'existenee des fi~vres h phlfibotomes, afflrm~es sur des

erit~res cliniques pour les anciennes ~tudes, ou sur des erit~res s~rologiques ou virologiques par la suite, est connue depuis fort longtemps en Grace eontinentale ou insulaire, de m~me que dans les pays de la partie orientale du bassin mfiditerraneen (Yougoslavie, Turquie, Israel, Syrie, Liban, I~gypte, Malte etc.) ainsi qu 'en Italie. Une revue de la question a ~t~ publi~e il y a quelques ann~es ineluant les r~sultats des diverses enquires s~rolo- giques menses dans la r~gion [15].

Si l 'on ne ret ient que les seuls isotements de Phlebovirus r~alis~s dans eette pat t ie du monde, on observe l 'existenee des virus Sieile et Naples en Italie m0xidionale o0 ils ont ~t~ d~eouverts pour la premiere fois en 1943 et 1944 respect ivement [10, 11], puis dans le delta du Nil [12, 13, 14] ; en outre le virus Naples fur r~eemment isol~ en Yougoslavie [6]. En Italie existent ~galement deux au~res virus de ee groupe : les virus Toseana [ 17, 19] et Arbia [18]. Enfin, il convient de mentionner un autre Phlebovirus habi- tuel lement transmis par moust iques : celui de la fi~vre de la Vall~e du Rif t (=Zinga ) qui fur responsable d 'une ~pid~mie dans la vall~e du Nil, au eours de laquelle le virus rut isol~ h plusieurs reprises de l 'homme, d'ani- maux domestiques et sauvages et de culieid~s [1, 2, 7, 8, 9].

UN NOUVEAU PHLEBOVIRUS : I,E VIRUS CORFOU 165

I1 semble donc que, dans cette partie du monde, un assez grand nombre de Phlebovirus, tr6s proches les uns des autres sur le plan antig6nique, cir- culent et soient mOme parfois (( sympatr iques ),. I1 est d'ailleurs possible, comme le sugg~rent Tesh et coll. [16] que des r6assortiments entre eux sur- v iennent dans les conditions naturelles : en effet, plusieurs virus peuvent parfois ~tre prbsents au m~me endroit, leur niveau de transmission est g~nbralement 6]evO (en particulier le t aux d'infeetion ehez les veeteurs) et, enfin, leur persistance en un m~me lieu est possible grace au ph6nom~ne de transmission transovarienne qui semble ~tre la r~gle ehez les phl~bo- tomes. Reste h savoir si, chez l 'h6te vert~br6, l ' infection par un de ces virus entraine une protection contre les autres.

RESUME

Un nouveau Phlebovirus, isol6 de Phlebotomus major captur6s dans r i le de Corfou, Gr6ce, est d6crit. Ce virus est tr~s proehe, par sa const i tut ion antig6nique, du virus Sicile, dont il ne peut ~tre distingu6 que par l '6preuve de neutralisaLion par r6duction de plages. Les modalit6s de circulation des virus du groupe des fibvres h phl6botomes dans la partie orientale du bassin m6diterran6en sont bri6vement 6voqu6es. Nous proposons pour d6signer cet agent, le nom de virus (( Corfou ),.

MOTS-CLI~S : Phlebovirus, Virus Corfou ; Grbce, Phl6botome.

REMERCIEMENTS

Nous tenons h adresser nos remerciements, pour raide technique apport6e dans les manipulations effectu~es h l 'Institut Pasteur de Paris, ~ Mesdames M. T. Drouet et M. Rousseau et h Monsieur M. Dartoy.

Nous remercions 6galement N. L6ger et B. Pesson qui ont particip~ h la capture et au conditionnement des phl6botomes sur le terrain.

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