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Dossier actualité et dossier en santé publique 16 septembre 1996 L Sommaire L’éducation pour la santé Du discours à la pratique dans une perspective à long terme de dévelop- pement des capacités individuelles et collecti- ves pour assurer l’amélioration tant de la longé- vité que de la qualité de la vie. […] Elle ne doit certainement pas se contenter d’une information sur les risques — encore que cette étape de sen- sibilisation soit nécessaire —, mais doit s’assi- gner au moins comme objectif de provoquer chez les individus des modifications notables d’opinions et d’attitudes et, mieux encore, de voir s’exprimer des désirs de changement de com- portements assortis d’une élévation du niveau d’aptitude à les opérer. À plus long terme on doit en attendre des changements réels observa- bles » 1 . En fait, l’intitulé même de cette activité en souli- gne l’enjeu. Dans une acception large, l’éduca- tion évoque la main tendue pour conduire sur le chemin de la réalisation de soi en société et la santé, l’équilibre dynamique de la personne santé en France du Haut Comité de la santé pu- blique publié fin 1994 constitue un fondement essentiel. L’éducation pour la santé trouve sa justification dans les données de santé publique qui souli- gnent aujourd’hui l’importance des comporte- ments comme facteurs explicatifs de la majorité des décès considérés comme prématurés et évitables. Que signifie l’éducation pour la santé ? La com- préhension de l’histoire de cette pratique depuis la fin du XIX e siècle apporte ici quelques éclaira- ges. En résumé, il ne s’agit pas seulement de procéder à une information sanitaire : savoir par exemple qu’il est préjudiciable de fumer du ta- bac ne suffit pas. Ainsi, que le signalait E. Lévy « l’éducation pour la santé doit être considérée e présent dossier s’inscrit dans le dé- veloppement de la politique de santé publique pour lequel le rapport sur la III Le développement de l’éducation pour la santé en France : aperçu historique VII État des lieux XVI Une politique et des instruments pour l’éducation pour la santé XXII L’éducation pour la santé, une efficacité sous conditions XXVII Tribune XL Bibliographie Adresses utiles

L'éducation pour la santé Du discours à la pratique

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Dossieractualité et

dossier en

santé publique

16septembre 1996

L

Sommaire

L’éducationpour la santéDu discours à la pratique

dans une perspective à long terme de dévelop-pement des capacités individuelles et collecti-ves pour assurer l’amélioration tant de la longé-vité que de la qualité de la vie. […] Elle ne doitcertainement pas se contenter d’une informationsur les risques — encore que cette étape de sen-sibilisation soit nécessaire —, mais doit s’assi-gner au moins comme objectif de provoquerchez les individus des modifications notablesd’opinions et d’attitudes et, mieux encore, de voirs’exprimer des désirs de changement de com-portements assortis d’une élévation du niveaud’aptitude à les opérer. À plus long terme on doiten attendre des changements réels observa-bles »1.En fait, l’intitulé même de cette activité en souli-gne l’enjeu. Dans une acception large, l’éduca-tion évoque la main tendue pour conduire surle chemin de la réalisation de soi en société etla santé, l’équilibre dynamique de la personne

santé en France du Haut Comité de la santé pu-blique publié fin 1994 constitue un fondementessentiel.L’éducation pour la santé trouve sa justificationdans les données de santé publique qui souli-gnent aujourd’hui l’importance des comporte-ments comme facteurs explicatifs de la majoritédes décès considérés comme prématurés etévitables.Que signifie l’éducation pour la santé ? La com-préhension de l’histoire de cette pratique depuisla fin du XIXe siècle apporte ici quelques éclaira-ges. En résumé, il ne s’agit pas seulement deprocéder à une information sanitaire : savoir parexemple qu’il est préjudiciable de fumer du ta-bac ne suffit pas. Ainsi, que le signalait E. Lévy« l’éducation pour la santé doit être considérée

e présent dossier s’inscrit dans le dé-veloppement de la politique de santépublique pour lequel le rapport sur la

III Le développement del’éducation pour la santéen France : aperçuhistorique

VII État des lieux

XVI Une politique et desinstruments pourl’éducation pour la santé

XXII L’éducation pour la santé,une efficacité sousconditions

XXVII Tribune

XL BibliographieAdresses utiles

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en relation avec son environnement. Éducationet santé impliquent la personne comme un toutet gardent leur part de mystère. Sans doutes’agit-il au fond de savoir aimer la vie et peut-être de retrouver le projet éducatif du philoso-phe antique tel pris dans l’exigence libératriced’une cohérence entre discours et mode de vie2.Il reste que l’éducation pour la santé dont on sou-ligne la faiblesse des moyens par rapport àceux consacrés à l’activité de soins n’est pasaujourd’hui suffisamment bien organisée. Ontrouvera ici dans son intégralité le rapport éditécette année par un groupe de travail interinsti-tutions présidé par la direction générale de lasanté. Des propositions sont avancées pournotamment constituer l’infrastructure de basequi, faisant défaut aujourd’hui, ne favorise pasle développement d’un secteur où interviennentde très nombreux organismes publics et privés.L’éducation est l’affaire de tous. L’éducation àla santé, c’est-à-dire celle qui s’appuie sur lesdonnées de santé, doit pouvoir se mettre auservice de l’ensemble des dispositifs publics etprivés ayant une vocation éducative.D’une manière générale, l’objet de l’éducationà la santé est double :• d’abord, elle doit promouvoir l’utilisation desmoyens de protection susceptibles de mettre àl’abri de dangers sanitaires établis, en informantet en se gardant de banaliser ou de culpabiliser ;• plus fondamentalement, elle œuvre pour lerenforcement de « l’estime de soi » ; et dans unmonde de dispersion et d’accélération, elle con-tribue à aider la personne à se retrouver « biendans son corps ».Ce dossier fait une place importante aux tribu-nes. Pour un tel sujet il nous a semblé utile eneffet de recueillir les points de vue de l’expert desanté publique, du sociologue attentif à ce quise joue actuellement dans les familles, dans ceque l’on appelle les zones de fracture sociale,du sociologue à l’écoute des jeunes, et enfin duthérapeute.D’une façon ou d’une autre, ils nous invitent tousà savoir accueillir la personne dans toute sacomplexité pour à la fois atteindre des objectifsd’intégration sociale et répondre au légitimesouci d’un épanouissement consacrant les va-leurs d’effort et d’encouragement.

Éducationsanitaire

C’est un terme employé pourdésigner les occasionsd’apprentissage délibérémentmises en oeuvre pour faciliterles changements de compor-tement en vue d’atteindre unobjectif déterminé à l’avance.Dans ce contexte, l’éducationsanitaire a été étroitement liéeà la prévention de la maladie,en tant que moyen de chan-ger des comportements quiont été identifiés comme desfacteurs de risque, pourcertaines maladies. C’est uneactivité essentiellementéducative qui met en jeu unecertaine forme de communi-cation destinée à accroître lesconnaissances et à dévelop-per une compréhension et unsavoir-faire qui contribuent àla santé. Toutefois, l’éducationsanitaire ne touche passeulement les individus etleurs comportements, queces comportements soientsains ou à risque. Dans lecontexte de la promotion dela santé, différentes formesd’éducation sanitaire visantdes groupes, des organismeset des communautés entières,sont nécessaires. […] Decette façon, l’éducationsanitaire et la promotion de lasanté sont étroitement reliéesentre elles. La promotion de lasanté repose, par définition,sur la participation active d’unpublic informé au processusde changement. L’éducationsanitaire représente un outilcapital pour ce processus.

Source : Glossaire de la promotion dela santé, in Santé Société collection pro-motion de la santé, Gouvernement duQuébec, ministère de la Santé et desServices sociaux.

1 E. Lévy. L’éducationpour la santé, Avis duConseil économique etsocial 1982.2 Pierre Hadot. Qu’est-ceque la philosophieantique ? folio essais.

Centre français de

en santé publiquedocumentation

Définitions issues dela base de données du

Centre français dedocumentation en

santé publique

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A

Le développement del’éducation pour la santé enFrance : aperçu historique

die émergent. La première est centrée surl’objectivation de la maladie dans le corps. Laseconde appréhende la santé et la maladiecomme un mode de relation de l’homme avecson milieu où interviennent les facteurs hu-mains, les conditions écologiques, économiqueset sociales. Cette dichotomie n’est pas sans rap-peler la distinction traditionnellement faite en-tre les thèses « organicistes » qui privilégient lecorps en tant que tel, et les thèses « environ-nementalistes » qui soulignent les inter-relations entre l’individu et le milieu qu’il oc-cupe. Ces deux approches se sont confusémentmêlées au cours des siècles, pourtant leurcoexistence n’implique pas qu’elles aient jouidu même développement et de la même impor-tance dans la société. En effet, à certainespériodes, des formes d’organisation vont favo-riser l’émergence puis l’institutionnalisation del’approche organiciste. L’évolution de l’éduca-tion pour la santé illustre ce mouvement de« balancier » entre le dispositif curatif et pré-

ventif dans l’histoire des politiques sanitaireset, par conséquent, met en exergue une prise deconscience hésitante et tardive de l’importancede l’éducation pour la santé dans les politiquesde santé publique.

Les précurseurs

Le XIXe siècle est avant tout marqué par le dé-veloppement de la clinique. Le corps que l’oninterroge, et qui renferme le mystère de la ma-ladie, occupe une place de plus en plus impor-tante dans la médecine officielle ; même si parailleurs, responsables sanitaires et médecinscontinuent de s’interroger sur les liens entre lesmaladies et les conditions sociales. À l’issue deces réflexions, de nombreuses campagnes se-ront lancées pour l’amélioration des conditionsde vie et d’hygiène sur la base d’une causalitésociale à la santé et à la maladie.

Mais ces amorces de politiques sociales seheurtent à un problème culturel majeur enFrance puisque la doctrine dominante considère

L’éducation pour la santé a bénéficié du passage de l’action hygiéniste progressive

à la constitution ponctuelle d’un système préventif qui s’est développé sur

l’ensemble du pays. La mission donnée au Comité français d’éducation pour la

santé de mettre en place les grandes campagnes nationales de prévention, l’aide

financière attribuée aux comités régionaux et départementaux sont des exemples

de développements institutionnels récents de l’éducation pour la santé.

u regard de l’histoire médicale, deux gran-des conceptions de la santé et de la mala-

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que la diffusion des normes d’hygiène et l’as-sistance sont de la responsabilité du médecin etdes personnes « éclairées ». Aussi « toute inter-vention publique massive est rejetée jusqu’en1871 au nom du libéralisme et du maintien del’ordre social ». Comme le montre OlivierFaure, l’évolution du contexte sociopolitique del’époque va faire prendre conscience que lapopulation est un « capital source de richesse,qu’il faut entretenir et renouveler », et que lesinitiatives privées, si nombreuses soient-elles,sont insuffisantes et surtout non coordonnées.Ainsi dans ce contexte, est né le « courant hy-giéniste » : formé par groupe de spécialistes enhygiène et santé publique qui parvient à s’in-troduire dans les instances de décision et à in-vestir le Comité consultatif d’hygiène publique.Ceux-ci inspirent alors les premières politiquesd’hygiène et s’organisent comme groupe d’in-térêt public.

Par ailleurs nombre de médecins, sympathi-sants du courant hygiéniste, se retrouvent à latête de mairies après la loi de 1884, dont l’arti-cle 97 a étendu les pouvoirs municipaux, ce quiexplique la multiplication des bureaux d’hy-giène dans les grandes villes entre 1885 et 1895.

Les ambitions des hygiénistes

Mais l’hygiénisme officiel a également une vi-sée d’encadrement de la vie sociale comme l’il-lustre la lutte contre la tuberculose vers 1880.En effet, il est officiellement admis que la tu-berculose, nouveau fléau social, se propage parcontamination d’individu à individu. De ce fait,la lutte contre la tuberculose se matérialise parle dépistage des porteurs de germe et leur iso-lement. C’est alors un véritable dispositif delutte contre cette maladie qui est mis en placepar l’établissement d’un vaste réseau d’établis-sements spécialisés, distincts des structuresclassiques de la médecine praticienne, et char-gés tout à la fois du dépistage, de la préventionet des soins. L’accent est mis sur la responsa-bilité individuelle. Mais il s’agit également decombattre les foyers de contagion que représen-tent certaines concentrations ouvrières commeles quartiers du centre de Paris. C’est la luttecontre les taudis et la rénovation urbaine. Faceà cette remise en cause du mode de vie, à cedispositif d’encadrement, certains milieuxouvriers donnent une vision différente de latuberculose comme maladie professionnelle,

maladie d’usure liée à la fatigue, aux horaires,à l’intensité du travail. Il apparaît alors un glis-sement entre la conception officielle du fléausocial « maladie » et une certaine sensibilitéouvrière du travail comme fléau social. Aussi,reprenant les rêves les plus anciens de l’ordremédical, les hygiénistes exigent que la méde-cine « prenne sa place dans le cercle des auto-rités du pays ».

Mais face aux obstacles rencontrés par lecourant hygiéniste pour s’instaurer comme ges-tionnaire de la santé à la fin du XIXe siècle, leshéritiers de ce mouvement au siècle suivantvont chercher à l’institutionnaliser différem-ment. Ainsi en 1924 se développe sous la di-rection de M. Brisac, l’Office national d’hy-giène sociale et se crée la Commission généralede propagande dirigée par Lucien Viborel. Ellegroupe alors les représentants des départementsministériels et des organismes publics et privésintéressés, réalise le premier réseau de Centresrégionaux de propagande, suscite en particulierdes campagnes de lutte contre les maladies in-fectieuses. Parallèlement, se constituèrent lespremiers organismes privés chargés d’éduquerle public : la Société scientifique d’hygiène ali-mentaire et d’alimentation rationnelle (1904),le Comité national de lutte antituberculeuse

Ainsi P. Brouardel, présidentdu Comité consultatifd’hygiène publique, estl’inspirateur du premier projetde loi ministériel déposé parLockroy en 1887.

Premier bureau d’hygiène au Havre

Le premier bureau d’hygiène est né au Havre du constatsuivant lequel « tout ce qui concerne la santé publique étaitlivré à l’arbitraire ou plutôt à l’inconnu, de telle manière qu’onpeut dire sans exagération que les maladies quelles qu’el-les fussent parcouraient la ville du Havre sans rencontrerjamais le moindre obstacle »*. L’article premier de l’arrêtéconstitutif de cette nouvelle structure précisait : « … la santéest la base sur laquelle repose avant tout le bonheur dupeuple ; … elle est la première richesse d’une ville commecelle d’un pays, puisqu’elle a pour conséquence d’augmen-ter la puissance de production et de diminuer les charges ».Ce bureau avait pour mission de surveiller et d’organiser lesdésinfections, la vente de lait, les vaccinations, la prophy-laxie, les eaux potables, les égouts, la voirie, les logementsinsalubres, les inspections d’écoles, les naissances et lesdécès.

* Marais T. M. : Extrait de « Experts et notables, les bureaux municipauxd’hygiène en France 1879-1914 », de L. Murard et P. Zylbermann in Dossier deGenèses n° 10, janvier 1993, p. 57.

O. Faure : Communication àla table ronde « Aspectsanthropologiques,historiques et sociologiquesde la santé et de la maladieen France et en Allemagne »,juin 1987.

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(1916), la Ligue nationale contre le cancer(1918), la Ligue française contre les maladiesvénériennes, la Société française de prophy-laxie, la Ligue française d’hygiène mentale(1920), le Comité national de défense contrel’alcoolisme, etc.

L’émergence del’éducation pour la santé

Ce n’est qu’en 1945 que s’esquisse le premiersystème préventif français. Cette nouvelle cons-truction comporte progressivement la généra-lisation sur l’ensemble du pays des centres in-terdépartementaux d’éducation sanitaire, lafondation du Centre national d’éducation sani-taire, démographique et sociale et la commis-sion d’éducation sanitaire du Conseil perma-nent d’hygiène sociale. Dès lors se succèdentdes réorganisations administratives de l’éduca-tion sanitaire, liées à la place que les gouver-nements ont pu prendre au sein de la santé pu-blique.

L’instabilité des structures a largement con-tribué à entraver le développement de l’éduca-tion pour la santé. De plus, l’incapacité d’éta-blir clairement une distinction entre les chargesadministratives incombant à l’État, et les dépen-ses d’éducation proprement dites devant êtrecouvertes par des fonds privés, a généré unecertaine complexité organisationnelle. L’évo-lution des structures est caractérisée par l’en-chevêtrement des comités et commissions pré-vus à tous les échelons, et par un transfert dusecteur privé au secteur public — transfert quis’est accéléré dans les années soixante puisquel’essentiel des ressources affectées à l’actionéducative provenait, en fait, des contributionsdes organismes de sécurité sociale et parfois, àl’échelon local, des subventions allouées auxassociations interdépartementales par les dépar-tements.

Par ailleurs, cette instabilité structurelle étaitla résultante de rapports de forces entre diffé-rentes approches de la santé. Pierre Delore, di-recteur du Centre régional d’éducation sanitaireà Lyon exposait en 1942 les principes d’uneconception nouvelle de l’éducation sanitaire :« Parler de la santé beaucoup plus que de lamaladie ; montrer comment la santé se con-serve, beaucoup plus que comment la maladiese guérit ; exposer les lois de la vie saine ; s’oc-cuper d’abord de l’état normal ; parler du ter-

rain humain plus que du microbe et substituerà la peur de celui-ci la confiance raisonnée dansla résistance d’un organisme bien équilibré ;bref, développer une mentalité de santé ». Cettetransmission qui s’effectue d’ordinaire par lamédiation d’institutions telles la famille,l’école, l’Église est organisée en une série demessages visant directement ces institutions :information écrite avec les brochures et les dé-pliants distribués dans les Centres départemen-taux et régionaux d’éducation sanitaire, maisaussi la publication de la revue La Santé del’homme s’adressant particulièrement aux maî-tres, à tous les degrés de l’enseignement, et àcôté d’eux à la jeunesse.

L’éducation pour la santéau cœur des évolutions

Le milieu des années soixante-dix est une pé-riode importante pour l’éducation pour la santé,le Comité français d’éducation pour la santé(CFES) est chargé de mettre en place les pre-mières grandes campagnes de prévention sur letabac (sous l’impulsion de Madame SimoneVeil, ministre de la Santé). La visibilité de lasanté publique prend alors une dimension ori-ginale. La publicité, qui à l’époque n’était pasconsidérée comme un domaine très respectableet respecté, se mettait tout d’un coup au servicede la santé. Cette arrivée inopinée, devait s’avé-rer par la suite comme essentielle pour une com-munication nationale en santé publique struc-turée et efficace.

Conjointement, le ministère décidait d’attri-buer des aides financières pour la création denouveaux comités régionaux et départementauxd’éducation pour la santé (CRES et CDES). Aumême moment, de l’autre côté de l’Atlantique,au Québec, une évolution majeure se produi-sait : l’encouragement d’une politique de santécommunautaire. Elle marquera définitivementun certain nombre de spécialistes (ou futursspécialistes de la santé publique française). Latraduction la plus évidente de cette imprégna-tion fut sans aucun doute la publication del’ouvrage de référence français Santé publique,santé de la Communauté de Monnier et coll. Celivre témoigne de l’évolution d’une santé pu-blique très hygiéniste vers des concepts beau-coup plus ouverts et contemporains de la pro-motion de la santé.

Chacun se rappelle pour des raisons politi-

Arrêté du 23 octobre 1945,JO du 7 novembre 1945,portant création des Centresrégionaux d’éducationsanitaire et du Centrenational d’éducationsanitaire.

P. Delore : Éditorial de la revue La Santé de

l’Homme, n° 1, avril 1942.

« Le tabac et les jeunes » Numéro spécial de La Santé

de l’Homme, septembre-octobre 1994, CFES.

J. Monnier, J.-P. Deschamps,J. Fabry, M. Manciaux,A. M. Raimbault. Santé

publique, santé de lacommunauté, Éditions

Sipem, 1980, 445 p.

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ques évidentes, ce que fut le début des annéesquatre-vingts (arrivée d’un gouvernement degauche au pouvoir en France). La santé publi-que a été marquée quant à elle, dès 1980, parla publication du rapport Cabanel. Il a été àl’origine du concept d’Observatoire régional dela santé (ORS).

Par la suite, ce fut le développement d’unepolitique de promotion de la santé bénéficiantde moyens financiers substantiels (créditsd’État déconcentrés pour la prévention et lapromotion de la santé) et s’appuyant sur denouvelles structures : les comités consultatifsrégionaux, départementaux et locaux de promo-tion de la santé.

C’est le deuxième élément majeur de cettepériode : la reconnaissance du concept de pro-motion de la santé. Cette période de grands dé-veloppements de la santé publique a bénéficiéde deux stimulants majeurs :

• les crédits ;• l’animation d’une véritable dynamique

d’actions de terrain grâce à la mobilisationautour de comités consultatifs de promotion dela santé, à l’organisation de grandes rencontresnationales sur la promotion de la santé et à lapublication de documents de référence.

Le troisième élément fondamental qui sur-vint fut la décentralisation. Alors que la promo-tion de la santé entraînait de plus en plus lesacteurs de santé publique aux croisements dusanitaire et du social, une répartition essentielledes compétences s’opérait entre l’État et lesdépartements.

L’introduction du concept de promotion dela santé (qui « secouait » les fondements mé-thodologiques de la traditionnelle « éducationsanitaire ») et la modification des compétencesdu principal financeur des CRES et CDES (leconseil général) remettaient en cause des struc-tures qui pour la plupart n’avaient pas encoreopéré leur véritable mutation.

Laurence Tondeur et François Baudier

Six événements majeurs

1. L’omniprésence du sida commethème prioritaire de santé publique :pour de multiples raisons (épidémio-logiques, éthiques, thérapeutiques,préventives…), cette maladie a surgi enbouleversant beaucoup de certitudes,de conceptions, de stratégies en édu-cation pour la santé. Le sida est là et laprévention est au centre de ce débatet des actions qui en résultent.

2. La multiplication des intervenantsen éducation pour la santé : en l’es-pace de quelques années, de nom-breuses institutions ont mis des moyenspuissants pour encourager des pro-grammes de promotion de la santé : lescollectivités locales (les conseils géné-

raux bien sûr, mais aussi les villes —« Villes Santé »), les caisses d’assuran-ces maladie, les mutuelles…

3. La diversification des activitésd’éducation pour la santé en direc-tion de nouveaux publics sociale-ment en grande difficulté : jeunes(missions locales) et un peu plus tardadultes (revenu minimum d’insertion).Les acteurs sociaux prennent alors encompte la santé dans le processus deréinsertion et les acteurs de santé intè-grent dans leur démarche sanitaire l’in-sertion sociale.

4. La création en 1988 du Fonds na-tional de prévention, d’éducation et

d’information sanitaire (FNPEIS) quidonne des moyens significatifs pourdévelopper une politique d’envergurenationale en éducation pour la santé.

5. Le rôle des cinq « sages » qui ontexercé un véritable « lobbying » auprèsdes autorités politiques pour qu’un plande santé publique efficace se mette enplace, en particulier dans les domainesdu tabac, de l’alcool et du médica-ment*.

6. L’adoption de la Charte d’Ottawa(1986) qui assure reconnaissance et lé-gitimité à la promotion de la santé**.

« Quand la santé devientpublique ». Dossier de « LaSanté de l’Homme », n° 306,juillet-août 1993.

La fin des années quatre-vingts et le début des années quatre-vingt-dixfurent marqués par six éléments majeurs qui ont pesé sur l’évolution del’éducation pour la santé en France. Ils sont fort différents de par leurnature et la place qu’ils ont tenue. Ils ont, chacun à leur niveau, joué unrôle essentiel pour installer une assise théorique et tracer des élémentsdéfinitifs dans l’évolution de l’éducation pour la santé contemporaine.

* G. Dubois, C. Got, F. Grémy, A. Hirsch et M.Tubiana. L’action politique dans le domainede la santé publique et de la prévention, santépublique, 1992, 4e année, n° 4, pp. 3-30.

** « Charte d’Ottawa pour la promotion de lasanté ». Organisation mondiale de la santé,novembre 17-21, 1986.

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État des lieux

que, mental et social, c’est-à-dire comme unebonne adaptation à l’environnement et pas seu-lement comme l’absence de maladie. L’éduca-tion pour la santé va donc s’intéresser particu-lièrement aux facteurs de risques et auxconditions d’une meilleure santé (conditions devie et comportements).

À cet égard, l’éducation pour la santé s’ins-crit dans le champ de la santé publique commeun moyen essentiel de la prévention et de lapromotion de la santé.

L’éducation pour la santé intervient auprèsdes individus et des groupes par des actions decommunication générale (campagnes télévi-sées, affichage, radio, presse) ou de terrain (in-terventions « d’éducateurs pour la santé » dansles écoles, les quartiers, les entreprises…). Ellene se réduit cependant pas à la délivrance d’unebonne information mais vise à infléchir les com-portements individuels et collectifs, tout engarantissant le respect de la personne humaine.

Elle fait appel à des disciplines de base va-riées : épidémiologie, démographie, statistique,sociologie, psychologie, économie. Elle utiliseaussi des méthodes complexes : enquêtes quan-titatives et qualitatives (en préalable et pour

évaluer), méthodes pédagogiques, participati-ves, communautaires, technologies de commu-nication, audiovisuelles notamment. L’éduca-tion pour la santé apparaît ainsi comme unedimension des sciences de la communication etde l’éducation.

Les approches de l’éducation pour la santésont de trois ordres :

• par thèmes (nutrition, sport, tabac, sida,maltraitance…) ;

• par populations (jeunes, populations défa-vorisées, personnes âgées…) ;

• par lieux de vie (école, entreprise, quar-tier).

L’éducation pour la santé concerne deux ty-pes d’acteurs : ceux qui sont confrontés à la né-cessité de dispenser au quotidien des conseils desanté (médecins, pharmaciens, professions socia-les, enseignants… voire acteur implicite que peutêtre tout un chacun), et ceux qui sont engagésdans des activités explicites d’éducation pour lasanté (personnels de santé scolaire, médecins dutravail, médecins de PMI, animateurs des orga-nismes d’éducation pour la santé, etc.).

L’éducation pour la santé est appelée à jouerun rôle de plus en plus important dans les poli-tiques publiques :

• en santé publique : la France, plus que les

Qui fait de l’éducation pour la santé ? Dans quel cadre ? Avec quels moyens ?

Selon quelle conception ? L’état des lieux présenté ici a été dressé en 1995 dans

le cadre d’un rapport (cf. p. XIII) élaboré par un groupe de travail interinstitutions.

L a notion de santé peut être définie idéale-ment comme un état de bien-être physi-

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pays voisins, se caractérise par l’importance dela mortalité prématurée liée à des comporte-ments à risques (sur 120 000 morts avant 65 anspar an, 60 000 sont considérées commeévitables, 40 000 d’entre elles étant liées à desconduites à risques). L’éducation pour la santédevrait donc y tenir une part essentielle. Parailleurs, l’éducation pour la santé a un rôle ir-remplaçable là où aucune ou peu d’interven-tions curatives existent (sida, cancer du pou-mon…). Elle a également un rôle en préventionsecondaire et tertiaire dans le cadre du vieillis-sement de la population et de la prise en chargedes maladies chroniques (diabète, maladiescardio-vasculaires), pour aider les patients àgérer eux-mêmes leur maladie et faciliter leurréadaptation. Les démarches d’éducation dupatient sont ainsi de plus en plus invoquées dansles critères requis pour optimiser la compliancethérapeutique et la qualité de vie des patientsatteints de maladies chroniques ;

• dans la politique de développement social :la santé est facteur d’insertion sociale, elle joueun rôle reconnu dans la politique de réductiondes inégalités et des fractures sociales commele montre l’analyse des difficultés des popula-tions défavorisées et de la place qu’y tiennentles problèmes de santé. L’inégalité face à l’édu-cation pour la santé existe : la réduire est unmoyen de lutter contre les inégalités sociales ;

• dans le domaine de l’éducation des jeunes :un des terrains privilégiés de l’éducation pourla santé est l’école et la famille. C’est dès l’en-fance que des habitudes saines peuvent êtreprises. Elle fait partie intégrante de l’éducationdu citoyen à cause de la dimension sociale dela responsabilisation de tous face à la santé.

L’éducation pour la santé est difficile à éva-luer, tant les déterminants des comportementsindividuels et sociaux sont complexes et intri-qués. Mais les domaines dans lesquels elle a leplus investi sont ceux où la santé publique a leplus progressé.

Sans parler de l’hygiène de vie (propreté,alimentation) qui a été son champ d’électionjusqu’en 1945 et qui a été la principale raisonde l’accroissement de l’espérance de vie,l’exemple des accidents domestiques est parti-culièrement éloquent. Les efforts conjugués del’éducation pour la santé et de la réglementa-tion des produits ont permis de réduire par deuxen dix ans la mortalité des enfants. Eloquentégalement le domaine de l’hygiène bucco-den-taire : réduction de moitié du taux de caries chez

l’enfant entre 1987 et 1993. L’éducation pourla santé contribue, pour une part essentielle, àfaire reculer l’alcoolisme et le tabagisme dansnotre pays. Elle a changé en moins de dix ansdu tout au tout l’attitude de la population parrapport aux préservatifs. Ceux-ci sont désor-mais utilisés, comme le montre une étude ré-cente de l’Agence nationale de recherche surle sida, par plus de 80 % des jeunes à l’occa-sion de leur premier rapport sexuel.

L’éducation pour la santé possède un remar-quable rapport coût/efficacité : par ses effets enamont sur les conduites à risques, l’argent in-vesti en éducation pour la santé est dix à centfois plus productif de santé que la même sommeaffectée au dépistage ou au soin. Une enquêteaméricaine a montré qu’un dollar investi dansla prévention des accidents peut économiser 25dollars en dépenses de soins. L’intérêt de l’édu-cation du patient en termes d’économies dedépenses de soins est également attesté par desétudes coût/bénéfice réalisées pour différentespathologies (diabète, asthme).

Aussi, au regard de l’importance du rôle po-tentiel et réel de l’éducation pour la santé, est-ilparadoxal d’observer la faible place qui lui estreconnue dans les politiques publiques en France.

Des responsabilités

dispersées

En France, l’éducation pour la santé n’est pasle monopole de l’État, ni au sein de l’État, ce-lui du ministère chargé de la Santé.

L’État

C’est la direction générale de la Santé (DGS)et plus spécifiquement la sous-direction santédes populations, disposant d’un bureau promo-tion et prospective en santé, qui est chargée dela mise en œuvre de la politique de l’État en ma-tière d’éducation pour la santé. Ce bureau assurela « tutelle » du Comité français d’éducationpour la santé (CFES) et les relations avec lesautres bureaux de la DGS (santé mentale, toxi-comanie, dépendance, sida, populations spéci-fiques, alimentation, environnement…), avec la

ceci a été souligné par lerapport sur la santé enFrance publié fin 1994 par leHaut Comité de la santépublique.

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direction de l’action sociale, la direction deshôpitaux, la division des relations internationa-les…, ainsi qu’avec des institutions nationales(par exemple le ministère de l’Éducation natio-nale) ou internationales (Union européenne,OMS…). Il gère une ligne budgétaire réservéeau soutien de structures (surtout les comitésd’éducation pour la santé) ou à des program-mes d’éducation et de promotion de la santé.

Au-delà de cette direction, d’autres adminis-trations « sociales » ont vocation à intervenirdans ce domaine : il s’agit en général de délé-gations aux missions spécifiques (MILDT,Dirmi, Dij, Div).

Des organismes ou des dispositifs sous tu-telle des ministères sanitaires et sociaux inter-viennent en outre plus ou moins directementdans le champ de l’éducation pour santé :l’Agence du médicament, le Haut comité de lasanté publique.

L’ensemble de ces activités est réalisé enlien étroit avec les services déconcentrés del’État : directions régionales ou départementa-les des Affaires sanitaires et sociales (Drass ouDdass). Chacune de ces structures disposed’une personne chargée du dossier « promotionde la santé ».

D’autres ministères et d’autres services dé-concentrés de l’État sont impliqués dans desprogrammes d’éducation pour la santé : le mi-nistère chargé de l’Éducation nationale, ceuxde la Jeunesse et des Sports, de l’Économie(campagnes de prévention des accidents de lavie courante), des Transports, de l’Environne-ment, du Travail, de l’Agriculture (nutrition) oude la Défense nationale…

Les collectivités territoriales

Les départements ont un rôle très important enmatière d’éducation pour la santé depuis que leslois de décentralisation leur ont donné de nou-velles compétences en matière sanitaire et so-ciale. C’est le cas dans des domaines sensiblescomme la protection maternelle et infantile, lesvaccinations, la prévention de la tuberculose,des maladies transmissibles et du cancer. Parailleurs, le département est concerné directe-ment par les politiques en direction des publicsles plus en difficulté et des personnes âgées.

Ces nouvelles orientations ont entraîné de-puis dix ans des restructurations et une réorga-nisation sensible des services départementaux

concernés. Certains conseils généraux ontdonné des missions élargies en promotion et enéducation pour la santé à un personnel médi-cal (médecins et infirmières) qui était surtoutattaché aux actions menées en direction de lamère et de l’enfant. La santé des personnesprécarisées (jeunes ou adultes) a souvent cons-titué une nouvelle priorité pour ces profession-nels. Un travail étroit avec les intervenants so-ciaux du département s’est ainsi opéré.

Si les lois de décentralisation ont peu affectéles compétences municipales en matière desanté, les responsabilités communales sont de-meurées importantes dans ce domaine. Dansune collectivité locale, les décideurs sont enprise directe avec la réalité quotidienne de lapopulation. Ces liens privilégiés et les attribu-tions très diversifiées des municipalités pour lasanté et le cadre de vie des habitants, permet-tent une approche globale des questions desanté. En effet, la municipalité intervient à lafois sur les facteurs d’environnement commele bruit, la circulation, l’habitat mais aussi surdes problèmes plus aigus comme la violence,la drogue… ou plus quotidiens comme l’équi-libre alimentaire des enfants à la cantine. Cetensemble d’actions trouve sa cohérence dans undispositif décisionnel proche de la populationet fortement influencé par le tissu associatif etpar la population. Le maire est, en outre, uneautorité sanitaire locale pour l’hygiène publi-que : hygiène du milieu, eau, assainissement…

MILDT : Missioninterministérielle de luttecontre la drogue et latoxicomanieDirmi : Directioninterministérielle au RMIDij : Directioninterministérielle aux jeunesDiv : Directioninterministérielle à la ville

Une règlementation disparate

Le code de la santé publique est presque « muet » sur l’éducation poursanté, soulignant ainsi par « défaut » les lacunes du système de santéfrançais davantage tourné vers le soin que vers la prévention. Aucunarticle de loi n’affirme l’importance de ce secteur ou n’identifie la res-ponsabilité de son pilotage : tout au plus l’éducation pour la santé est-elle citée dans la loi hospitalière (article L. 711-1 du code de la santépublique) et référencée dans le code de la sécurité sociale pour le fondsnational de prévention, d’éducation et d’information sanitaires de lacaisse nationale d’assurance maladie des travailleurs salariés (articleL. 221-1).Le « modèle » français de l’éducation pour la santé se caractérise enfait par un « libéralisme » extrême de la gestion de ce domaine qui setraduit par une grande « décentralisation » de ses responsables et lefoisonnement de ses intervenants. Si cette caractéristique est indénia-blement facteur de richesse, l’absence de cohérence entre les diffé-rents intervenants nuit à l’efficacité de l’ensemble des actions, en dis-persant les moyens et en réduisant la capitalisation des expériences.

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d’éducation pour la santé touchant non seule-ment les personnes relevant de son régime(principalement les agriculteurs) mais aussi tou-tes les personnes qui vivent en milieu rural.

Il faut signaler que les caisses d’allocationsfamiliales participent également à des actionsde promotion de la santé en direction des fa-milles et des publics les plus en difficulté.

Les sociétés mutualistes

Le secteur mutualiste regroupe environ 25 mil-lions de Français. Depuis la fin des annéessoixante-dix, la Mutualité française a décidé dedévelopper d’importants programmes de pré-vention et de promotion de la santé. Cette poli-tique a été mise en place grâce à la constitutiond’un fonds de prévention à partir de prélève-ments sur les cotisations de tous les adhérentset à la création dans chaque union départemen-tale d’une équipe de prévention travaillant enlien étroit avec l’équipe nationale et les acteurslocaux de la prévention.

Les grandes associations nationales

Sur des thèmes précis relatifs en général à despathologies spécifiques, elles poursuivent desobjectifs variés, parfois simultanément :

• la défense des malades,• l’aide sociale et psychologique,• l’aide à la recherche,• la prévention et l’éducation,• la communication.Elles font en général appel aux fonds privés et

bénéficient très souvent de financements publics.Les principales associations thématiques in-

terviennent sur les thèmes suivants : alcoolisme,tabagisme, cancer, sida, maladies cardiovascu-laires, toxicomanie, maladies respiratoires ettuberculose, maladies génétiques, épilepsie,diabète… Certaines d’entre elles sont ancien-nes et ont une histoire très riche dans le champde la prévention (tuberculose, alcool). Elles sontsouvent organisées en fédération et peuvent dis-poser de structures décentralisées.

Des associations nationales (Secours popu-laire français, Secours catholique, Croix-rougefrançaise, banques alimentaires…) ou des as-sociations de proximité portent plus particuliè-rement leurs efforts en direction des publics lesplus démunis.

cette charte définit desorientations stratégiquesglobales pour promouvoir lasanté, qui portent notammentsur l'information etl'éducation pour la santé.

Au-delà de l’éducation pour la santé, la ville estaujourd’hui en France, au cœur d’un dispositiftrès opérationnel de promotion de la santé.Beaucoup de municipalités s’inscrivent impli-citement ou explicitement (Réseau Ville-Santé)dans l’esprit de la charte d’Ottawa. L’existencedepuis quelques années d’une politique de laville renforce ce rôle.

Les caisses de sécurité sociale

Les caisses du régime général d’assurance ma-ladie fonctionnent dans le secteur de l’éduca-tion pour la santé grâce à deux grands types deressources financières :

• le Fonds national de prévention, d’éduca-tion et d’information sanitaires (FNPEIS). Cefonds est géré au niveau national par la Caissenationale d’assurance maladie des travailleurssalariés (Cnamts). Ses grandes orientations re-lèvent du conseil d’administration de cette ins-titution mais font l’objet de négociations avecla tutelle, c’est-à-dire le ministère chargé de lasanté et de l’assurance maladie. Le poids finan-cier de ce fonds est important pour le champ dela prévention puisqu’il dépasse un milliard defrancs chaque année. Plus de la moitié de cettesomme finance les centres d’examen de santéde la sécurité sociale, le reste étant utilisé pourdes programmes de dépistages (cancer, mala-dies génétiques, hygiène bucco-dentaire…), desgrandes actions nationales de communication(alcool, tabac, vaccination…) ou des actions deproximité réalisées par les caisses d’assurancemaladie régionales ou locales.

• les fonds d’action sanitaire et sociale. Ilssont gérés par chaque caisse. Le soutien à desactions d’éducation pour santé relève de la dé-cision de chaque conseil d’administration. Deuxpoints sont à préciser concernant la politiquedes caisses dans ce domaine : la très grandemajorité des caisses d’assurance maladie dis-pose maintenant d’un service d’éducation pourla santé propre à leur structure ; les caisses ré-gionales d’assurance maladie ont des compé-tences spécifiques en matière de prévention desaccidents du travail et d’intervention auprès despublics du troisième âge. Concernant ce dernierpoint, des liens existent avec la caisse nationaled’assurance vieillesse.

Parmi les autres régimes obligatoires, lamutualité sociale agricole est à l’initiative de-puis de nombreuses années de programmes

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Des outils artisanaux

En France, contrairement à d’autres pays étran-gers, l’éducation pour santé n’est reconnue nisur le plan législatif ni sur le plan réglementaire.Elle ne l’est pas davantage sur le plan de la com-pétence professionnelle. La dispersion des ac-teurs dans le domaine de l’éducation pour lasanté n’est pas équilibrée par une culture, desformations, une recherche suffisante, une capi-talisation des expériences permettant de géné-raliser un savoir-faire de qualité.

Un domaine sans formationsdiplômantes

Jusqu’à présent, l’éducation pour la santé n’estpas reconnue sur le plan universitaire et n’estintégrée que de façon marginale à quelques pro-grammes d’enseignement en santé publique età quelques formations paramédicales sousforme de modules ou d’options. Il n’existe pasde formation initiale spécifique en éducation àla santé.

Par contre, quelques formations continuesont vu le jour :

• des diplômes universitaires à Bordeaux età Nancy,

• des formations spécifiques en éducation etpromotion de la santé mises en place par le ré-seau du CFES en collaboration avec des facul-tés de médecine et des universités.

Les « éducateurs à la santé » n’ont pas destatut particulier. Les médecins généralistes quià près de 80 % (d’après le Baromètre santé duCFES) dispensent des conseils en matière dedépendance (tabagisme, alcoolisme, drogues)ne reçoivent pas de formation dans ce domaine.

En la matière, le retard de la France est pa-tent : la Grande-Bretagne, la Belgique, le Ca-nada, les États-Unis disposent de chaires d’édu-cation à la santé et ce domaine y est constituéen discipline.

Un domaine sous-développé enmatière de recherche

En France, le secteur de la recherche en matièred’éducation pour la santé est peu développé etpeu organisé. D’un côté, les recherches

Les comités d’éducation pour la santé

Ils forment le seul réseau ayant, enFrance, une activité généraliste etexclusive en éducation et en pro-motion de la santé.Le Comité français d’éducationpour la santé (CFES) est uneassociation régie par la loi du1er juillet 1901, administrée par lesinstitutions concernées par l’édu-cation pour la santé au niveaunational (caisses de sécurité so-ciale, secteur mutualiste, ministè-res), par des représentants duréseau des comités départemen-taux et régionaux, par de grandesassociations nationales et despersonnalités qualifiées. Son bud-get de fonctionnement est princi-palement alimenté par la directiongénérale de la Santé et les cais-ses de sécurité sociale. Le CFESest l’opérateur des grandes cam-pagnes de communication natio-nales financées par le ministèrede la Santé et la Cnamts.On peut souligner plusieurs ca-ractéristiques du rôle et des mo-dalités de financement du CFES :• en dépit d’une évolution ré-cente, le CFES intervient davan-tage comme un prestataire deservice (communication nationale,fourniture de documents) quecomme un expert et un référentsur les problèmes d’éducationpour la santé et les stratégies àadopter dans ce domaine ;• son budget de fonctionnementreste très modeste. Ses effectifs(53 personnes dont 23 cadres)sont insuffisants pour donner àl’éducation pour la santé l’infras-tructure en méthodologie, en for-mation et en recherche qui fait en-core défaut dans notre pays ;• son organisation ne lui permetpas d’intégrer véritablement lacommunication dans une straté-gie de santé publique sur chaquethème traité (nutrition, dépendan-ces, cancers etc.).Les comités départementaux etrégionaux d’éducation pour la

santé — au nombre de 96 — sontégalement des associations « loi1901 ». Ils sont membres duCFES et agréés par lui après avisdes Ddass et des Drass. Leurconseil d’administration revêt unecomposition semblable à celle duCFES avec cependant une repré-sentation des collectivités territo-riales concernées : régions, dé-partements, communes.Ces comités sont financés essen-tiellement par les conseils géné-raux, les caisses d’assurance ma-ladie et l’État.Depuis le budget 1994, l’État con-tribue au financement du fonction-nement des comités (80 000 F paran) afin qu’ils disposent d’uneréelle capacité d’animation. Lescomités retenus à ce titre sont,pour 1996, au nombre de 92 : 16comités régionaux et 76 départe-mentaux. La vocation de ces co-mités a été définie par la circulaireministérielle du 21 janvier 1995.Ce financement est apporté dansle cadre des crédits déconcentréspour l’éducation et la promotionde la santé. Dans le même cadre,l’État assure aussi le financementdu fonctionnement de 5 déléga-tions interrégionales pour l’éduca-tion et la promotion de la santé(Direps) qui couvrent l’ensembledu territoire métropolitain et ont étéconstituées en 1991 et 1992 pourrépondre aux besoins de structu-ration du réseau et à la nécessitéd’un développement d’ensembledes compétences de celui-ci entermes de méthodologie, de do-cumentation et de formation.Le réseau des comités d’éduca-tion pour la santé évolue depuisune dizaine d’années vers uneprofessionnalisation accentuéepar l’instauration des Direps. L’ef-fectif global est en réelle progres-sion : 117 équivalent temps pleinen 1990, 524 équivalent tempsplein en 1995 (enquête CFES por-tant sur 75 comités).

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actualité et dossier en santé publique n° 16 septembre 1996 page XII

Les dépenses relatives auxactions d’information etd’éducation pour la santé nefont pas l’objet pour le momentd’une comptabilité officiellespécifique. Dans les comptesnationaux de la santé cesdépenses sont intégrées dansles différentes rubriques duchapitre « prévention collec-tive » (voir rapport de juin 1995du service des statistiques,des études et des systèmesd’information des ministèressanitaires et sociaux). Lechiffrage précis est difficile,ces activités n’étant pasprécisément définies au seindes lignes budgétaires qui lessoutiennent.

Des sources de financementdiversesLes principaux financementsnationaux consacrés à cesecteur sont indiqués dans lafigure ci-contre. On note uneimplication financière significa-tive de divers organismes :autres ministères, autrescaisses nationales de sécuritésociale, et d’organismesprivés : ligue nationale contrele cancer, fondation deFrance, fédération françaisede cardiologie, croix-rougefrançaise, organismes d’assu-rance (caisse nationale deprévoyance, Union desassurances de Paris).L’importance des finance-ments locaux est éclairée parl’analyse des programmesd’action déconcentrée de l’Étatdans ce domaine et par celledes budgets des comitésd’éducation pour la santé :

• le budget déconcentré parl’État pour l’éducation et lapromotion de la santé engénéral (soit 20 MF en 1995)représente environ le quart dubudget total des activités qu’ilcofinance (le reste étant fournipar les collectivités territoria-les, les caisses locales desécurité sociale, …) ;• le budget moyen descomités d’éducation pour lasanté est de 835 000 F(enquête CFES 1994).Les services de médecinepréventive mènent égalementdes activités de préventionprimaire pour des groupesd’individus ; à titre d’exemple,selon un rapport de la direc-tion des lycées et collègespour 1992/1993 les servicesde promotion de la santé enfaveur des élèves consacrent15 % de leur temps à desactivités collectives dont 51 %d’éducation pour la santé. Enconséquence, le budget totalaffecté à ce secteur peut êtreestimé comme étant de l’ordrede : 600 à 700 MF par an.

Un déséquilibre entre lesenjeux et les moyensaffectésEn conclusion en France,chaque année, on consacreenviron par habitant : 10 Fpour l’information et l’éduca-tion pour la santé, 250 F pourla médecine préventive et11 000 F pour les soins. Dixfrancs par habitant, c’est 200fois moins que les seulesdépenses de médicament et10 fois moins que les seulesdépenses de cure thermale.

engagées par les acteurs se caractérisent parleur pragmatisme. De l’autre, celles dévelop-pées par les chercheurs en sciences sociales ouen sciences de la communication n’envisagentque très rarement des retombées opérationnel-les. Elles tournent autour de modèles théoriquesde comportement et de communication alorsque l’éducation pour la santé est un domaineoù se conjuguent réflexion et action.

Ce manque de coordination entre le mondede la recherche et celui de l’action est égalementdommageable pour le développement systéma-tique de l’évaluation scientifique des stratégiesde prévention. L’insuffisance d’investissement,de compétences, et de coordination dans ce do-maine de la recherche a récemment été souli-gné par l’intercommission de l’Institut natio-nal de la santé et de la recherche médicale(Inserm) chargée des recherches en prévention.

L’obstacle principal vient de la difficultéqu’il y a à établir une corrélation simple entreles modifications de comportement (réductiondes risques notamment) et les actions d’éduca-tion pour la santé qui précisément visent ceschangements.

L’impact, la compréhension, la mémorisa-tion, l’appréciation des messages sont systéma-tiquement mesurés, qu’il s’agisse des campa-gnes ou des actions de terrain, mais leursconséquences à plus long terme sur les condui-tes individuelles et collectives est difficile à iso-ler du contexte général et il est quasiment im-possible de constituer des groupes témoins.

Il reste que le retour sur investissement desactions d’éducation pour la santé est très impor-tant comme le montre le retournement de ten-dance de la consommation de tabac en 1992,la baisse plus rapide en France qu’à l’étrangerde la consommation d’alcool et les résultatsdans les domaines évoqués en introduction pourla lutte contre la transmission du VIH parl’usage du préservatif et pour la réduction dela mortalité par accident domestique.

L’absence de capitalisation

En France, il n’existe pas de centre de ressour-ces, pas de système de recueil et d’analyse quiidentifie les expériences de promotion de lasanté et les structures y participant.

Il n’y a pas non plus de centre référent quipuisse conseiller et exporter des méthodes etdes documents, suffisamment évalués.

10 francs pour la prévention11 000 F pour les soins

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actualité et dossier en santé publique n° 16 septembre 1996 page XIII

Le CFES diffuse systématiquement toutesles semaines une documentation de base et dumatériel à tous les comités d’éducation pour lasanté. Il élabore et diffuse à l’intention de tousles intervenants en éducation pour la santé (no-tamment les caisses d’assurance maladie et lesétablissements scolaires) entre 20 et 40 millionsde documents de prévention par an, édite unbimestriel La Santé de l’homme et réalise desguides méthodologiques. Sur le terrain, les co-mités régionaux et même les comités départe-mentaux mettent à la disposition des acteurs deterrain de la documentation et des répertoirespermettant de connaître les ressources en édu-cation pour la santé.

Le CFES et son réseau constituent ainsi —conformément à leur mission — un début denoyau dur référent et de lieu ressources enméthologie d’éducation pour la santé. Mais, fi-nancés essentiellement sur programme, ils nedisposent que de moyens limités pour dévelop-per cette fonction essentielle au développementet à la professionnalisation de l’éducation pourla santé en France.

L’absence de reconnaissance universitaire etdonc professionnelle, le sous-développement enrecherche, l’anarchie méthodologique du sec-teur, ajoutés aux difficultés structurelles del’évaluation, alimentent le déficit en visibilité,en légitimité, lesquels par un retour en boucleexpliquent en partie la faiblesse des moyensalloués et donc la place paradoxalement faibled’un secteur pourtant stratégique.

20 000

40 000

Dépensespour les maladies

(soins hospitaliers et ambulatoires, biens médicaux, transports sanitaires, aides aux malades et subventions)

Dépenses de prévention

Part de la mortalité évitable dans la mortalité avant65 ans en 1991

16 138

Dépenses en faveurdu système de soins

(recherche, formation)

26 472

682 482

La part des efforts consacrés à la prévention des risques individuels est nettement inférieure à la part des gains en mortalité prématurée qu'elle pourrait permettre.

Mortalité évitable par une prévention des risques individuels

Mortalité évitable par le système de soins

Millions de FDécès évitables

Structure de la dépense courante de santé en 1993

Comportementsà risque

Dépenses d’éducationpour la santé (600 MF)

Les deux logiques du système de santéPoursuite d’objectifs et gestion des ressources

Cna

mts

(107

)

Fédération nationalede la Mutualité française

Fonds national d’actionsanitaire et sociale

Fonds national de prévention,d’éducation etd’information sanitaires

Autres problèmes de santé

Prévention du sida

242

138

93

14 65

Ministère de la Santé(3

80)

Principaux financements nationaux enéducation pour la santé (millions de francs)

Le rapport L’information et l’éducationsanitaires dans le système de santéfrançais : état des lieux et propositions aété élaboré par un groupe de travailprésidé par Annick Morel, chef de serviceà la direction générale de la Santé. Cegroupe était composé de représentantsde la direction de la Sécurité sociale, dedirections régionales et départementalesdes affaires sanitaires et sociales, decaisses d’assurance maladie (Cnamts) etdu Comité français d’éducation pour lasanté. Le rapport a été rédigé à lademande du Comité de déconcentrationet de réorganisation du ministère duTravail et des Affaires sociales.

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actualité et dossier en santé publique n° 16 septembre 1996 page XIV

Éducation pour la santéen Rhône-Alpes

Types d’interventions mises en œuvrepour promouvoir ces changements decomportements

Information 83 %Animation 57 %Communication 37 %Formation 37 %Étude, action 18 %Évaluation 18 %Médiation, approche communautaire 17 %Soutien méthodologique 14 %Programmation 7 %

L’information est placée en tête : l’animation ar-rive ensuite, qui est avec la communication, lesupport « moderne » de l’information. La for-mation, enfin, est surtout développée par lemonde associatif.Le primat de l’information reflète l’importanceen éducation pour la santé du rapport au sa-voir : l’EPS est largement construite sur unebase de connaissance : du corps humain, deses besoins, de son fonctionnement, du dé-veloppement cognitif, psychomoteur, affectifde la personne, des pathologies physiques etmentales. Cette base de connaissances est enconstante évolution et sa maîtrise réclame uneffort continu d’actualisation et de transmissiondu savoir.Les éducateurs pour la santé se posent de ma-nière croissante le problème de l’appropriation

L’éducation pour lasanté semble prendreune place croissantedans lespréoccupations et lapolitique desinstitutions, elle est deplus en plusdirectement associée àla responsabilité queressentent cesorganismes vis-à-vis deleur population deréférence. Cette valeurde l’éducation pour lasanté est reliée à sacapacité à contribuer àla réduction desproblèmes de santé (saplace dans laprévention), à sonpotentielméthodologiqued’intervention dansdifférents lieux de vie, àson approche globaledes personnes et desgroupes.Deux demandesémergent desinstitutions :• que le cadre et les

de ce savoir, des pro-cédures, des dispositifsqui le facilitent, d’oùsans doute, le scoredans les items, de lacommunication, de l’ani-mation, de la formation.Il est intéressant de re-marquer l’écart appa-rent entre la place do-minante de l’informationdans les missions et lesinterventions des orga-nismes et le poids misici sur le changementdes personnes. L’uni-vers de l’éducation pourla santé vit en équilibreentre deux modèles :l’apport d’information etla promotion du chan-gement.

Le projet derrièrel'éducation pour la santé

La responsabilisation 64%L'apprentissage de

nouveaux comportements 49%La capacité de motiver les personnes 41%La relation d'aide 36%La promotion de la capacité

de choix des personnes 35%L'information sur les déterminants

de la santé 33%L'action sur les conditions de vie 28%L'approche pédagogique 27%L'interdisciplinarité 25%La promotion d'alternatives/

comportements à problèmes 19%La sensibilisation à des

nouvelles valeurs 18%La résolution de problèmes 12%L'adéquation aux valeurs

de la population 10%Autres (approche communautaire…) 7%

Responsabilisation et changement de compor-tement arrivent donc en tête, c'est le modèlede l'époque : l'apprentissage de nouveauxcomportements représente la composante ins-trumentale concrète d'un modèle psycho-sociologique du changement qui passe par laresponsabilisation, la motivation, la relationd'aide.

tho

do

log

ie

Le Collège Rhône-Alpes d'éducation pour la santé (Craes) a réalisépour la direction générale de la Santé entre novembre 1994 et mars1995 une enquête sur les activités d’éducation pour la santé dansla région Rhône-Alpes. Cette enquête a comporté deux volets :• des entretiens semi directifs auprès d’une quinzaine de représen-tants des principales « familles » institutionnelles spécialement in-téressées par la prévention éducative (services déconcentrés del’État, collectivités territoriales, organismes de protection sociale, as-sociations, univers éducatif et économique).• une enquête par questionnaire auprès de 1 004 organismes dela région susceptibles de développer des activités d’éducation pourla santé (494 associations, 57 organismes de protection sociale, 160services de collectivités territoriales, 26 services d’État déconcen-trés, 124 services de médecine du travail, 73 structures relevant del’éducation nationale, 27 organismes d’assurances et de retraite, 43autres structures s’occupant de populations spécifiques : familles,jeunes).322 d’entre eux ont répondu à l’enquête dont 280 se sont déclarésconcernés.

moyenssoient plusclairementfixés (par lespouvoirspublics) pourque l’édu-cation pour lasanté puisses’inscrirevéritablementdans la santépublique ;• que ledomaine seprofession-nalise avecl’élaborationde référentielsméthodo-logiquescommuns.

Page 15: L'éducation pour la santé Du discours à la pratique

actualité et dossier en santé publique n° 16 septembre 1996 page XV

Publics concernés préférentiellementpar les actions

Jeunes (16–25 ans) 56 %Adolescents (12–18 ans) 48 %Familles 36 %Populations en difficulté 34 %Tout public 32 %Enfants (7–12 ans) 30 %Femmes 23 %Travailleurs 23 %Périnatalité petite enfance (0–7 ans) 17 %Personnes âgées 12 %Handicapés 10 %Autres 9 %

On peut noter la dominance du public jeune,puis un ensemble important : enfance, publicsen difficulté, femmes, familles qui intéresseune structure sur trois.On retrouve fortement les publics prioritairesde la période : les jeunes 16–25 ans et l’uni-vers de l’entrée dans le chômage, les adoles-

Thématiques d’interventionLes répondants avaient la possibilité de co-cher un ou plusieurs thèmes ; leurs réponsesdonnent le tableau suivant :

Sida 59 %Alimentation et nutrition 45 %Toxicomanie 42 %Tabagisme 41 %Alcoolisation excessive 39 %Planification, IVG, sexualité 35 %Vaccination 34 %Violence 29 %Hygiène générale 27 %Rythmes de vie 27 %Accidents domestiques 21 %Bon usage du médicament 21 %Hygiène bucco-dentaire 21 %Santé mentale, suicide 21 %Environnement 19 %Maladies professionnelles, AT 19 %Activités physiques et sportives 18 %Cancers 17 %Vieillissement 16 %Maladies cardio-vasculaire 14 %Troubles musculo-squelettiques,mal de dos 14 %Autres (accès aux soins, bruit…) 14 %Accidents voie publique 12 %Tuberculose 8 %

Priorités ressenties par les organismes répondantEn ce qui concerne les thèmes d’intervention, l’étude permettait de comparerles pratiques et les aspirations

Priorités ressenties Priorités pratiquées

1 Toxicomanie 1 Sida2 Alcoolisation excessive 2 Alimentation et nutrition3 Sida 3 Toxicomanie4 Santé mentale, suicide 4 Tabagisme5 Planification, IVG, sexualité 5 Alcoolisation excessive6 Tabagisme 6 Planification, IVG, sexualité7 Violences 7 Vaccinations8 Rythmes de vie 8 Violences9 Alimentation et nutrition 9 Hygiène générale10 Bon usage du médicament 10 Rythmes de vie

La santé mentale devient une préoccupation majeure pour l’EPS, ce ressentid’une priorité forte est la marque de la perception des effets ravageurs de lacrise (le coté « noir » : suicide…) mais aussi de l’évolution de la conception del’éducation pour la santé vers une approche globale, celle de l’OMS ou la com-posante psychosociale du bien être prend une place croissante par rapport auseul aspect physiologique.L’alcool pointe la « mauvaise conscience » de la prévention dans la mesure oules acteurs sentent bien le décalage entre l’importance objective du problèmeet les résistances à en faire dans les faits une véritable priorité.La toxicomanie est certainement un marqueur privilégié des difficultés écono-miques, culturelles, sociales.

cents et le problème des conduites « àrisques » et les publics en difficulté etla recherche de solutions pour com-battre la précarisation. En revanche,les handicapés, les personnes âgées,les travailleurs sont moins présentsdans les préoccupations. Claude Bouchet et Antoine Caprioli

acteurs perçoivent leur travail dans lemoyen et long terme et qu’ils ont peurde se voir imposer des évaluations àtrop court terme.Le partenariat n’est plus seulementune demande des institutions et desfinanceurs, c’est aussi un besoin desacteurs pour concrétiser la nouvelledimension de réseau.

Les organismes ressourcesL’enquête a mis en évidence l’impor-tance du conseil méthodologique réa-lisé par les associations généralistesde proximité (comités départementauxd’éducation pour la santé…) et l’impor-tance des institutions de référence, enparticulier dans le champ de la toxico-manie.La documentation est une ressourcebeaucoup plus clairement identifiéeque le conseil méthodologique et lesgrandes associations nationales sontperçues comme source d’une impor-tante documentation.

Les besoins des organismes pouraméliorer leurs activitésd’éducation pour la santé250 organismes, soit 89 % du total dé-clarent avoir de tels besoins.Les besoins prioritaires sont perçus auniveau de la communication avec lesautres acteurs. La dimension échan-ges arrive en tête, devant le besoin desupports pédagogiques et de docu-mentation.La demande d’appuis méthodologi-que et de formation est le fait de plusdu tiers des acteurs. À l’inverse, lemonde de l’éducation pour la santé seplace encore peu dans une dimensionévaluative, sans doute parce que les

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actualité et dossier en santé publique n° 16 septembre 1996 page XVI

Une politique et desinstruments pourl’éducation pour la santé

Les propositions présentées ont été établies avec l’objectif de créer les conditions

d’une coordination et d’une utilisation efficaces des moyens humains et financiers

disponibles dans le domaine de l’éducation pour la santé, tout en respectant

l’autonomie des acteurs. Pragmatiques, elles n’envisagent donc pas de profonde

réforme d’ensemble de la gestion du dispositif qui aurait conduit par exemple à

proposer de centraliser l’ensemble des moyens publics affectés à l’éducation pour

la santé. Destinées à consolider ce secteur et à lui donner une crédibilité, elles

devraient permettre l’adoption de mesures propres à accentuer son développement.

fendable et trouve de fortes justifications. Leslogiques institutionnelles peuvent, certes, êtrepartiellement spécifiques : elle peuvent et doi-vent, cependant, pour partie converger lorsquedes objectifs collectifs de santé publique ont étéidentifiés. C’est ce qui est désormais possibleavec la détermination forte du Gouvernementde faire des priorités de santé publique affichéesl’un des axes de l’orientation des financementspublics des dépenses de santé.

L a gestion partagée et décentralisée du dis-positif d’éducation pour la santé est dé-

dents, cancers, douleur…) et des 4 déterminantsprioritaires (consommations d’alcool, usage dutabac, précarité-insertion et santé, et difficultésd’accès aux soins et à la prévention) appellentdes mesures d’information et d’éducation pourla santé (par exemple : « intensifier les actionsd’éducation pour la santé en milieu scolaire demanière à retarder de façon significative, chezles garçons comme chez les filles, l’âge de dé-but du tabagisme »). Ces objectifs doiventorienter les activités du CFES et, autant quefaire se peut, celles des autres partenaires na-tionaux (Cnamts par exemple par l’intermé-diaire de l’arrêté fixant le programme duFNPEIS) dans le but de parvenir, à terme, àl’élaboration d’une stratégie nationale en ma-tière d’éducation et de promotion de la santé.

Les nombreux organismes nationaux, no-tamment privés (mutuelles, grandes associa-tions) œuvrant dans le domaine de l’éducationpour la santé, n’agissent pas pour le moment de

Décliner les objectifsdu rapport sur

la santé en France

Le rapport La santé en France duHaut Comité de la santé publique a dé-fini des priorités nationales en matièrede santé publique et fixé des objectifschiffrés et datés dans les domaines re-

tenus (par exemple : « d’ici à l’an 2000 diminuerde 35 % la proportion de fumeurs réguliers et defumeurs occasionnels chez les 12-18 ans »). Laquasi-totalité des 14 problèmes de santé (acci-

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actualité et dossier en santé publique n° 16 septembre 1996 page XVII

ces organismes partenaires sera mis en œuvrepar la DGS. Une rencontre nationale (impli-quant le niveau local) est organisée en 1996 afinde valoriser l’éducation pour la santé commeoutil de promotion de la santé. Cette rencontredoit permettre de préciser les positionnementset les intentions de ces différents organismespar rapport aux nombreux domaines de l’édu-cation pour la santé (quels publics, quels thè-mes, quels milieux d’intervention, quels prin-cipes et modalités d’intervention…). Lesdomaines retenus à titre prioritaire, notammentpar référence au rapport sur la santé en France,feront l’objet sur cette base d’un examen visantà définir des perspectives de développement etdes pistes de coopération entre organismes prin-cipalement concernés. Cet examen portera éga-lement sur les outils « transversaux », communsà l’ensemble des acteurs : documentation, mé-thodes, formation…. L’ensemble de ces opé-rations devrait déboucher à terme sur une chartede partenariat, précisant les principes d’une col-laboration entre les divers partenaires natio-naux.

La responsabilité de l’information et del’éducation pour la santé à l’école incombe auministère de l’Éducation nationale qui dispose

de nombreux moyens d’intervention (profes-sionnels de santé, dispositifs favorisant la viescolaire, programmes scolaires). Il est dèjàimpliqué dans des dispositifs de coordinationinterministérielle pour des problèmes de santé gra-ves à court terme (transmission du VIH, toxi-comanie). C’est ainsi qu’une expérimentationa été engagée sur trois académies pour faire pas-

Faire du CFES un centre de référence et de ressources

La subvention de fonctionnement,attribuée annuellement par l’État auCFES, est affectée sans cadre deréférence pluriannuel et le CFESn’est pas structuré de façon suffi-sante tant pour permettre une in-sertion convenable des actions decommunication dans une stratégied’ensemble éclairée par la recher-che, que pour suivre des domai-nes pourtant prioritaires comme :cancers, dépendances, maladiestransmissibles… Un contrat d’ob-

jectif pluri-annuel sur 3 ans avec leCFES devrait permettre d’orienterla restructuration de l’organisationdu CFES en précisant l’affectationdes moyens financiers renforcésqui lui seront consacrés dans lebut de constituer un centre de ré-férence national en la matière.

Intégrer le CFES dans le réseauinternational des institutionsnationales homologuesL’instauration de relations privilé-

giées entre les différents centresnationaux d’éducation et de pro-motion de la santé fait partie despriorités du nouveau programmecommunautaire sur l’éducation etla promotion de la santé (découlantde l’application de l’article 129 surla prévention sanitaire, du traité deMaastricht). Le CFES a déjà entre-pris de renforcer ses liens avec seshomologues européens. Ce pointpourra faire l’objet de la conventiond’objectif passée avec le CFES.

Favoriser le développementde l’éducation pour

la santé à l’école

Développer la convergencede l’action des partenaires

dans le cadre de la politiquerégionale de santé

Organiser laconcertation desorganismes nationaux

façon concertée, partiellement en raison d’undéfaut de reconnaissance mutuelle de leurs vo-cations et savoir-faire respectifs etd’objectifs partagés. Il appartient àl’État de créer les conditions permet-tant de combler ces lacunes. Le prin-cipe d’une concertation régulière de

ser à 20 heures l’horaire annuel del’élève pour l’éducation sexuelle (clas-ses de 4e et 3e). Cependant, le dévelop-pement d’une coopération d’ensemblepar rapport à l’éducation pour la santé

vue de façon non spécifique reste important afind’éviter des sollicitations multiples et disper-sées du milieu scolaire, et il appartient à la DGSde le favoriser. Par ailleurs, la recherche de syner-gies entre l’école et son environnement impli-que la contribution de l’autorité sanitaire. Cettecoopération conduira à actualiser la conventiontripartite établie entre le ministère de l’Éduca-tion nationale, celui chargé de la Santé et le CFESqui prendra en compte le suivi du réseau fran-çais des écoles-santé bâti dans un cadre européen(OMS, Union européenne, Conseil de l’Europe).

priorités régionales adaptées. Ces conférencessont suivies d’un développement progressif deprojets régionaux de santé répondant aux prio-

La démarche engagée depuis 1995dans le cadre des conférences régiona-les de santé est fondée sur un principed’association en amont des institutionset organismes concernés par la politi-que de santé dans le but de définir des

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actualité et dossier en santé publique n° 16 septembre 1996 page XVIII

rités et aux objectifs repérés. Ces programmespermettront d’intégrer des activités d’éducationpour la santé dont la réalisation bénéficiera descoordinations instaurées dans ce cadre.

Consolider les basesméthodologiques et scientifiques

Développer la capacitéd’expertise enéducation pour la santé

Renforcer le réseau desComités régionaux etdépartementauxd’éducation pour la santé

et de ressources. L’objectif est de constituerdans chaque région un centre de capitalisationd’expériences et de diffusion de méthodes, aumoyen d’un redéploiement au profit du réseaudes crédits d’État consacrés à l’éducation et lapromotion de la santé

Les crédits déconcentrés de l’État en matièred’éducation pour la santé sont tout à la fois af-fectés à des actions et au soutien des comitésd’éducation pour la santé. Afin de former danschaque région de véritables pôles de référen-ces (documentation, formation, aide méthodo-logique), une grande partie de ces crédits de-vront clairement être affectés à la structurationde ces pôles de référence qui devront répondreà des cahiers des charges précis. Les Drass in-terviendront dans la labélisation de ces centresde référence qui devront être les interlocuteursrégionaux compétents de l’ensemble des opé-rateurs en matière d’éducation pour la santé.

L’amélioration de la procédure d’agrémentdes comités d’éducation pour la santé par leCFES devrait assurer la référence à des valeurset à des objectifs communs et développer laprofessionalisation. L’agrément fait l’objetd’un projet de charte du réseau des comités sou-mis actuellement par le CFES à la discussion.Il impliquera l’adhésion aux valeurs et aux ob-jectifs définis et devra être renouvelé tous lescinq ans (il est aujourd’hui tacitement recon-duit sans limitation de temps, un retrait restantcependant possible). L’avis des services del’État sera systématiquement recueilli.

Former des compétences et mieuxfaire connaître l’existant

Assurer une formation pour les intervenants enéducation pour la santé est une nécessité. Cecisuppose le développement d’une formationcontinue assurée par le CFES et le réseau descomités, avec le concours de l’École nationalede santé publique (donnant lieu à l’attributiond’un certificat reconnu au niveau national).Cette formation (150 heures environ) a été en-gagée au sein du CFES avec les Direps pour unecinquantaine de membres du réseau. Dans uncadre régional, des échanges permanents sur lespratiques des intervenants devront être facili-tés. La formation en matière d’éducation pourla santé dans le cadre de la mise en place pro-gressive des instituts universitaires de santé pu-blique devra être développée.

Le dispositif d’éducation pour la santésouffre d’un défaut de relation avec lesecteur de la recherche et d’une ins-cription insuffisante des actions decommunication nationale dans desstratégies diversifiées (faisant appel à l’ensem-ble des moyens d’intervention susceptiblesd’être adoptés pour les objectifs recherchés ycompris ceux dépassant le seul cadre de l’in-formation et de l’éducation sanitaires). LeCFES a entrepris de corriger ces défauts enmettant en place un comité scientifique et descomités d’experts sur les grandes campagnesnationales (afin de préciser des stratégies decommunication pluriannuelles sur les campa-gnes financées par la Cnamts). Mais les moyensdu CFES apparaissent insuffisants pour faire faceà l’enjeu. Afin de développer les études dansle domaine de l’éducation pour la santé et no-tamment leurs applications à des campagnes decommunication nationales, la DGS s’engage àréserver sur 3 ans 500 000 F par an sur ses cré-dits d’études (4 000 000 F annuels). Une éva-luation de la dynamique créée sera réalisée auterme de ces 3 ans. Les appels d’offres serontdéfinis en liaison avec les principaux partenai-res nationaux dont le CFES, la Cnamts et leministère de l’Éducation nationale. Par ailleurs,la DGS promouvra la prise en compte du champde la recherche en éducation pour la santé dansle cadre de la contractualisation avec l’Inserm.

Le réseau des comités départemen-taux et régionaux d’éducation pour lasanté est le seul à vocation généralistetotalement dédié à des missions d’édu-cation pour la santé. Il est conjointe-ment soutenu par les collectivités ter-ritoriales, les organismes de protection socialeet l’État, qui fournit un effort budgétaire parti-culier depuis le budget 1994. Des objectifs destructuration sont à poursuivre en liaison avecles différents partenaires afin de couvrir chaquedépartement par un comité d’éducation pour lasanté disposant d’une capacité d’animation etde doter chaque région d’un centre de référence

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actualité et dossier en santé publique n° 16 septembre 1996 page XIX

Éducation pour la santé et priorités de La santé en France

Accidents dela vie courante

Rappel de l’objectif spécifiqueidentifié par le HCSPRéduire de 20 % le taux de mortalitéd’ici l’an 2000 (18 000 décès, 4 millionsd’accidents, 530 000 hospitalisations).

Mesures liées à l’éducation pour lasanté préconisées par le HCSPpour atteindre l’objectifLes mesures préconisées concernentle développement de la prévention parla sensibilisation et l’information :• des parents d’enfants en bas âgeainsi que des personnes âgées et despersonnes qui interviennent à leur do-micile pour l’aménagement de la mai-son et l’adoption de matériel offranttoute sécurité,• des éducateurs pour qu’ils dévelop-pent la prévention,• de l’ensemble de la population pourdiminuer l’utilisation de l’eau sanitairetrop chaude.

Notre analyse de la situationDes facteurs favorisant les accidentsde la vie courante sont présents dansnotre environnement quotidien. Ils nesont pas suffisamment pris en compteet jugés comme important par les res-ponsables, par exemple : voirie et sé-curité (enfants, personnes âgées, han-dicapés), sécurité et structure collectivede vie (notamment pour personnesâgées), facteurs psychosociaux (dé-pression, solitude des personnesâgées, négligence des adultes àl’égard des enfants).

Les moyens etrecommandations proposésConcernant les enfants••••• Former des adultes relais, intégrés àl’Institut universitaire de formation desmaîtres, auprès des enseignants despetites et moyennes sections pour me-ner des actions de prévention dans leurclasse,• Former des équipes de santé scolaireet de Protection maternelle et infantilepour aider à mieux connaître les acci-dents de la vie courante des enfants etsoutenir des projets dans leurs secteurs,• Former les assistantes maternellessur les mécanismes qui aboutissent àl’accident,• Favoriser l’apprentissage ou informersur le développement psychomoteurde l’enfant auprès des parents lors del’entrée de l’enfant à la crèche.

Concernant les personnes âgées• Sensibiliser et former le personnel desstructures d’accueil et d’hébergement• Former les personnes qui préparentle brevet d’édudes professionnelles sa-nitaire et social• Sensibiliser les intervenants des ins-titutions gérant des logements sociaux,des associations de personnes âgéessur les risques de chute et d’accidentsau domicile,• Encourager le théâtre forum sur cethème dans les clubs de personnesâgées comme la troupe de Vendée(CPAM), et tout moyen d’animation pas-sant par le jeu et la participation despersonnes âgées.

Concernant toute la population• Favoriser la collaboration et le travailinterpartenarial avec les associationsde consommateurs,• Former les professionnels des clubssportifs et associations sportives localesà la prévention des accidents du sport.

Exemples d’actionsPrévention des chutes des person-nes âgées, CRES de Midi-Pyrénées••••• Formation sur la prévention des chu-tes pour les aides ménagères interve-nant à domicile.••••• Élaboration d’un document grandpublic sur la prévention des chuteschez la personne âgée.Prévention des accidents du jeuneenfant, CRES d’Aquitaine••••• Formation de professionnels de lapetite enfance.••••• Ateliers parents et ateliers enfants.Prévention des chutes des personnesâgées, CRES d’Île-de-France (Cresif)••••• Supports produits : expositions, bro-chures (Sous des pieds (Cresif) etQuestions de prudence (Cramif etCresif).••••• Journée régionale de restitution desactions réalisées localement entre 1990et 1992 et publication des actes.Sensibilisation, CDES d’Alpes-Mari-times••••• Enquête sur la perception du pro-blème par le grand-public.••••• Sensibilisation à la prévention et auxgestes de premier secours.Santé communautaire intergénéra-tionnelle, Adessi••••• Échanges entre personnes âgées etenfants d’une école primaire sur les ac-cidents domestiques à différentes épo-ques et création d’un spectacle par lesenfants sur ce thème.Formation de relais, Adess de l’Ain••••• Formation des assistantes maternel-les, puéricultrices, médecins de PMIsur l’enfant et la relation à son corps etla psychomotricité libre en crèche.Outil, CDES du GardCréation du « châlet de tous les dan-gers » comprenant 4 pièces avec unpotentiel de dangers à identifier et àexpliciter. Omar Brixi

Le pôle Méthodologie recherche évaluation (Merev)des délégations inter-régionales pour l’éducationet la promotion de la santé (Direps) et le CFES ontélaboré un document sur la place et le rôle del’éducation pour la santé dans le cadre des priorités

définies dans le rapport du HCSP La santé enFrance. Un exemple de déclinaison dans le champde l’éducation pour la santé d’une des 18 prioritésmises en avant par ce rapport est présentée ci-dessous à titre d’illustration.

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actualité et dossier en santé publique n° 16 septembre 1996 page XX

Pour favoriser la formation des autres pro-fessionnels concernés, des travaux ont été en-trepris par le CFES avec les principaux orga-nismes de formation de médecins généralistesà la suite d’un colloque national entre médecinsde santé publique et médecins généralistes(Hammamet, Tunisie). Dans le cadre du dispo-sitif conventionnel actuel, une demande de priseen compte de l’éducation pour la santé dans laliste des thèmes indemnisables a été effectuéeauprès du Comité national pour la formationcontinue pour 1997 (à l’heure actuelle, le thèmen’y figure pas explicitement). Il s’agit de pou-voir bâtir une formation sur le rôle du médecingénéraliste, les méthodes en éducation pour lasanté, l’éducation du patient, le relais locald’une campagne nationale, l’intégration dansdes actions locales collectives…

Il n’existe pas à l’heure actuelle de systèmenational permettant de recenser les différentesinformations sur les supports, les acteurs et lesactions d’éducation pour la santé. La DGS aétabli un mode de classification pour les actionsco-financées avec les crédits déconcentrés pourl’éducation et la promotion de la santé (ligne47.11/20). Ce système sera coordonné aveccelui que le CFES vient d’entreprendre dans lecadre du réseau afin de disposer d’un outil per-mettant — en premier lieu au niveau régional— de recenser l’activité menée dans ce do-maine. Cette mission devrait être prise encompte dans le cadre des financements pourconseil méthodologique régional.

Consolider les crédits d’État affectés àl’éducation pour la santé

En dépit des redéploiements déjà effectués àleur profit, les crédits d’État consacrés à l’édu-cation pour la santé sont insuffisants pour orien-ter de façon volontariste le dispositif et de dis-poser au niveau local de leviers d’entrainementsur d’autres partenaires pour construire des pro-grammes régionaux. Une augmentation serademandée au budget 1997 avec un triple but :renforcer l’action du CFES dans l’optique dela restructuration prévue plus haut, constituerles pôles de référence méthodologique évoquésci-dessus et enfin développer des actions dansle cadre des projets régionaux de santé élabo-rés sur la base des priorités des conférences ré-gionales de santé.

Propositions du rapport cité p. XIII

Première phase : création d’unoutil, les dossiers AATPUne soixantaine de personnes del’Éducation nationale, d’organismes etd’associations de prévention se sontréunies régulièrement de février 1993à mai 1994.Elles ont élaboré deux dossiers de 300pages chacun, à l’usage des ensei-gnants : Adolescence, âge de tous lespossibles (dossier sixième-cinquièmeédité en août 1995 et dossier qua-trième-troisième édité en août 1996).Chaque volume comprend quatre cha-pitres :• équilibre alimentaire et croissance,• hygiène de vie pour vivre ensemble,• vie sexuelle et vie familiale,• consommations et comportements àrisques.Chaque chapitre est divisé en cinqparties, toutes organisées de la mêmemanière : conseils santé (rappelant lesnotions de base de santé), fiches etpistes pédagogiques, documents pé-dagogiques utilisables dans les diffé-rentes disciplines sans surcharge desprogrammes scolaires car conçuspour s’y intégrer.

Deuxième phase : mise en œuvre duprogramme AATP dans les collègesL’application sur le terrain consiste àfaire connaître le programme et formerles enseignants pour qu’ils deviennentacteurs d’éducation pour la santéauprès des adolescents.Les enseignants doivent transmettre desconnaissances afin de modifier les com-portements en inscrivant les messagesdans la durée pendant les quatre ans dela scolarité au collège, repérer les diffi-cultés de certains élèves et leur propo-ser un projet d’aide personnalisée.Les informations données aux adoles-cents portent sur leur corps, leur santéet les problèmes qu’ils peuvent ren-contrer.Ce travail prend comme point de dé-

Adolescence, âge de tous les possibles

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ice « Adolescence, âge de

tous les possibles »(AATP) est unprogramme d’éducationpour la santé destinéaux adolescents descollèges.La finalité est deresponsabiliser lesadolescents et de lesrendre capables de fairele choix d’un mode devie sain et équilibré.Pour cela, lesenseignants devenuséducateurs de santé,transmettront desnotions de base desanté aux élèves, etessaieront d’apporteraide et écoute auxadolescents en difficultéCe projet est né de lavolonté commune depromouvoir des actionsde prévention expriméepar des acteurs deterrain : médecins etinfirmiers de l’Éducationnationale, enseignantsde collèges, chefsd’établissement, et desresponsablesacadémiques.L’association « Interfacesanté 83 » composée del’académie de Nice, duconseil général du Var,de la Caisse primaired’assurance maladie, del’Union varoise de laMutualité française etdu comitédépartementald’éducation pour lasanté pilote leprogramme qui sedécompose en deuxétapes principales.

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actualité et dossier en santé publique n° 16 septembre 1996 page XXI

Chaque collège a adapté le pro-gramme à ses besoins et à ses aspi-rations. Certains établissements ontchoisi un thème (ou deux) et ont ap-pliqué l’ensemble du programme dansune classe ou un niveau de classe.On tire de ces expériences un premierbilan positif :• grand dynamisme et forte motivationdes adultes impliqués (mais leur nom-bre n’était pas toujours suffisant pourentraîner l’ensemble du collège dansl’application du programme) ;• amélioration de la communication ausein de l’établissement ;• intérêt pour l’éducation à la santéque beaucoup n’avaient pas encore in-tégrée dans leur enseignement ;• meilleure connaissance des fonc-tions et des limites de chacun, en par-ticulier dans le domaine de la méde-cine, avec les notions de secretmédical et de secret professionnel.Après cette expérience, certains fac-teurs semblent indispensables pour laréussite de l’entreprise tels que : l’im-plication et la participation active duchef d’établissement ou de son adjoint,de la documentaliste, du conseillerprincipal d’éducation, d’enseignantsde plusieurs disciplines, et de celle dumédecin à toutes les étapes de la miseen œuvre.Dans les établissements concernés,tous s’accordent pour penser que lecollège doit être un lieu de vie et decommunication propice à l’épanouis-sement de l’élève en tant qu’adoles-cent et pas seulement en tant qu’« ap-prenant » et qu’« être en bonne santé »est un des facteurs contribuant à laréussite scolaire et à l’intégration so-ciale.

Anne-Marie Bouchard et Nathalie Iahns

part le vécu des élèves et répond àleurs demandes.Les messages doivent mettre en valeurles aspects positifs de la santé et dela forme physique, faire comprendreque la santé n’est pas un droit, qu’ellese mérite par des efforts quotidiens. Ilfaut apprendre aux adolescents à res-pecter leur corps et introduire chez euxun sentiment de responsabilité.L’élève doit comprendre et se réappro-prier des notions de santé, notions qu’ilrecevra au cours des enseignementsdes différentes disciplines.Pour une classe donnée, un seul desquatre chapitres est traité à la fois, enthème transversal. Pour rester cohé-rents, les différents intervenantss’appuient sur les conseils santé duclasseur. Les fiches pédagogiquesproposent des adresses et des ouvra-ges (livres, vidéos…) à consulter pourapprofondir le sujet. Les pistes péda-gogiques introduisent pour chaquematière les documents pédagogiquesutilisables avec les élèves, des exer-cices, des suggestions d’activités…Le programme AATP s’appuie danschaque collège sur une équipe de pré-vention composée de personnel volon-taire : enseignants, personnes del’équipe d’encadrement, médecin, in-firmier, assistante sociale… Le rôle decette équipe est double : conduire lapolitique de prévention, faire le pointsur les problèmes qui se posent, etproposer des solutions avec l’aide depersonnes-ressources.AATP s’intègre dans le projet d’établis-sement. Il est soumis à l’approbationdu conseil d’administration et présentéaux parents d’élèves.

Dynamique dans le VarLe programme AATP est devenu opé-rationnel dans le Var à la rentrée 1995,où les 75 collèges publics et privés dudépartement ont reçu un exemplairedu dossier sixième-cinquième.

Une équipe académique de deux per-sonnes (médecin de l’Éducation natio-nale, enseignant chargé de mission)met en place le programme.Elle diffuse AATP dans les établisse-ments scolaires, aide à la mise enœuvre sur le terrain, à la création deséquipes de prévention et à leur forma-tion, conforte les équipes tout au longde l’année.L’équipe propose à chaque collègeune présentation du programme enune heure et un stage d’établissementMafpen (Mission académique de for-mation des personnels de l’Éducationnationale) de trois jours (un par trimes-tre) destiné à toute personne de lacommunauté éducative intéressée.Le premier jour est réservé à la présen-tation détaillée du programme ainsiqu’à une réflexion sur l’adolescence etses problèmes menée par un psychia-tre. Les stagiaires choisissent en fonc-tion des particularités de l’établisse-ment le ou les thèmes prioritaires parmiceux proposés dans le classeur AATPet prévoient la mise en œuvre sur leterrain. La deuxième journée de stagepermet de faire le point sur l’avance-ment des travaux et de prévoir uneéventuelle formation complémentairequi se déroule le troisième jour.Ainsi, un gynécologue a traité de la viesexuelle, un ORL des méfaits du bruit.C’est également le dernier jour que sefait le bilan de l’année écoulée et ques’élaborent les perspectives pour l’an-née à venir.

Premiers résultatsAu terme de la première année expé-rimentale, ces résultats se dégagent :• 21 collèges (14 100 élèves) se sontintéressés au programme AATP.• 15 collèges (200 adultes) ont béné-ficié d’une présentation.• 9 collèges (110 adultes dont 70 en-seignants) ont suivi un stage d’établis-sement.

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actualité et dossier en santé publique n° 16 septembre 1996 page XXII

L’éducation pour la santé,une efficacité sousconditions

tiver et aider la population à adopter volontai-rement des comportements favorables à lasanté. C’est donc sur le changement de com-portement qu’il faudrait théoriquement mesu-rer l’efficacité des programmes d’éducationpour la santé. Seulement sous cette simpleévidence se cache une notion complexe : cellede comportement. Les déterminants d’un com-portement sont multiples et difficilementappréhendables puisque intriqués à l’habitus del’individu et aux conditions sociales, économi-ques, politiques et environnementales dans les-quelles vit celui-ci. De fait, l’évaluation correctede l’impact des actions d’éducation pour lasanté est largement tributaire de normes, critè-res et outils fort complexes à saisir de manièrescientifique. Nombre d’évaluations contournentcette complexité en déportant leur objet vers desindicateurs intermédiaires.

Quelle évaluation ?

L’une des difficultés majeures à laquelle seheurtent les évaluateurs d’actions d’éducation

pour la santé réside dans la définition même del’objet qu’ils vont mesurer et des moyens àmettre en œuvre pour y parvenir. Pour mesurerl’efficacité d’une action de santé, on peut aussibien s’attacher :

• aux résultats et à l’impact de l’action,c’est-à-dire à l’atteinte des objectifs de l’action(effectiveness), au-delà de l’efficacité d’uneaction, c’est son effet que l’on cherche àmesurer (outcome evaluation). Il y a des effetsespérés (les objectifs) et des effets latéraux, nonprévus, qui peuvent être bénéfiques ou non. Ona par exemple remarqué que certains program-mes d’éducation pour la santé amélioraient lesrésultats scolaires en plus de leur action propre ;

• à la pertinence de l’action, il s’agit des’assurer de l’adéquation entre la nature del’action engagée et les déterminants du compor-tement (connaissances, croyances, circons-tances, expériences) de la population concernée(efficacy) ;

• au « rendement » et à la cohérence del’action, c’est-à-dire au degré d’adéquationentre le programme, ses objectifs, et les moyensmis en œuvre, il s’agit d’analyser les ressourcesemployées (efficiency), et de les confronter auxrésultats de l’action. Le corollaire de cette

Évaluer l’éducation pour la santé est complexe car il s’agit théoriquement de

mesurer son impact sur les modifications de comportement. Les différents types

d’évaluation sont présentés ici suivis d’une réflexion sur la notion d’efficacité en

éducation pour la santé.

L’ éducation pour la santé est un ensembled’interventions qui vise à informer, mo-

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actualité et dossier en santé publique n° 16 septembre 1996 page XXIII

recherche permet d’évaluer le rapport coût surefficacité.

En fonction de l’objet à évaluer, des critè-res d’efficacité sont dégagés au regard des fac-teurs influencés par les actions d’éducation pourla santé. Mais dans le secteur de l’interventionsociale, les indicateurs quantitatifs ne sont pasaussi opératoires que dans les champs écono-miques et scientifiques. Le mieux être d’ungroupe humain est, par nature, plus difficile àmesurer que la productivité d’une entreprise.

Il est incontestable que mesurer uniquementpar des évaluations quantitatives certains effetsde programme portant sur la dynamique socialeou sur l’évolution de pratiques est inopérant. Demême, l’évolution d’un taux de morbidité, parexemple, ne peut suffire à évaluer l’état de santéd’une population. Par conséquent, la stratégiede mesure et les instruments mobilisés sont cer-tes déterminants pour l’appréhension des résul-tats d’un programme, mais ne permettent paspour autant de cerner toutes les dimensions duconcept à évaluer.

Au-delà de la difficulté d’identifier des cri-tères pertinents pour l’action, les évaluateurs enéducation pour la santé se heurtent à la validitédes instruments et des stratégies de mesure .

Le deuxième écueil, c’est le temps. Les ef-fets attendus des actions d’éducation pour lasanté étant généralement de l’ordre d’une mo-dification de comportements ou d’attitudes, ladimension temporelle joue un rôle essentiel. Unchangement de comportement ne peut se me-surer qu’à moyen, voire long terme. L’effica-cité d’une action d’éducation pour la santé nepeut donc s’apprécier immédiatement.

Le troisième écueil réside dans le fait qu’ilest difficile de dégager un résultat spécifique àl’action dans un contexte social qui interagit.Le résultat produit et mesuré à l’issue d’uneaction d’éducation pour la santé est effective-ment indissociable, ou en partie tributaire, ducontexte dans lequel il a été produit (normessociales existantes, comportements, environne-ment). Ainsi les enquêtes par sondage permet-tent de dégager des tendances, des évolutions,mais ne peuvent en aucun cas mettre en évi-dence l’efficacité d’une action. Elles ne peuventdistinguer ce qui dans un changement de com-portement, par exemple, relève spécifiquementde l’action de ce qui relève des influences ducorps social (média, débat social, évolution dela législation). En d’autres termes, on ne peutavoir la certitude que les variations observées

sont bien dues au programme. Cette validité estfavorisée, mais non garantie, par l’existenced’un groupe témoin, de même que la réparti-tion au hasard des sujets dans le groupe expé-rimental et le groupe témoin.

Les critères et processus d’évaluation de cetype d’intervention sont également indissocia-bles des enjeux sociaux conduisant aux choixpolitiques de santé publique. C’est ainsi que descritères éthiques, idéologiques, peuvent fonderdes objectifs d’action qui ne sont pas toujoursen rapport avec la réalité des problématiques.C’est notamment le cas en matière de lutte con-tre le sida et la toxicomanie.

Les critères techniques de validité de l’éva-luation se heurtent donc aux normes et critèressocio-politiques de l’évaluation, mais aussi àd’autres contingences techniques dues aux ty-pes de programmes et de populations ciblées.

Un cadre conceptuel pourl’évaluation des programmesde santé, F. Champagne,A. P. Contandriopoulos,R. Pineault in Revued’épidémiologie et de santépublique n° 33, 1985, p. 173-181.

Évaluation du programmePlan santé ville

L’éducation pour la santé est aujourd’hui fortementmobilisée par les programmes d’insertion et de dévelop-pement social*.Dans le cadre de la lutte contre la précarité, les actionsde santé publique entreprises s’inscrivent dans unensemble plus vaste. Ainsi les actions d’éducation pourla santé auprès de populations en difficulté mettent àcontribution plusieurs dispositifs d’insertion ou dedéveloppement social, tels les zones d’éducationprioritaire, les missions locales, les programmes desanté communautaire. Trouver des groupes témoinsdevient alors difficile puisque les politiques publiquesambitionnent de couvrir tous les quartiers et populationsen difficulté. Par ailleurs ces populations, par leurcaractère instable et mobile géographiquement, rendentle maintien quantitatif des échantillons étudiés trèsdifficile.Le partenariat mis à contribution, pour ce type d’action,rassemble également des associations et institutionsn’ayant pas les mêmes critères d’évaluation. Ainsi lesCAF seront sensibles au surcoût occasionné par letraitement des dossiers de familles en difficulté, lesmunicipalités aux incidences électorales notamment enmatière de délinquance et de toxicomanie, les adminis-trations à la conformité entre politiques menées etcirculaires en vigueur.

* Évaluation du programme Plan Santé Ville — Réseaux de Santé de proximité,O. Brixi, F. Alias, L. Tondeur, CFES, janvier 1996.

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actualité et dossier en santé publique n° 16 septembre 1996 page XXIV

Pour que l’impact des résultats des program-mes de santé publique puisse être mesuré, il estnécessaire de s’inscrire dans la durée. Or, lesystème de financement de l’éducation pour lasanté en France, le financement par projet, con-duit à ce que des projets prometteurs soient pri-vés de financements à long terme. Ce problèmeest encore aggravé par le fait que les fonds al-loués sont affectés de manière restrictive (parexemple à la communication) ou sont mis à dis-position à bref délai, pour être dépensés immé-diatement, ce qui est contestable quant à l’effi-cacité des actions.

Ce manque de moyens financiers conduitaussi les acteurs de ces actions à « naviguer àvue » et à effectuer des évaluations sur la basede questionnaires conçus par des non-profes-sionnels du travail sociologique, et dont la dif-fusion et les retours demeurent très aléatoires.

Devant les difficultés qu’il faut surmonterpour mettre sur pied des groupes témoins, l’in-capacité de cerner les effets induits par leprocessus d’évaluation retenu, l’emploi de mé-thodes aussi strictes que la conception expéri-mentale ou l’évaluation « sélective » est modéréen France. Il convient de noter que différentschercheurs anglo-saxons se sont essayés, cer-tains avec succès, aux analyses expérimentalessur des programmes d’éducation pour la santé.La grande majorité des études d’efficacité por-tent sur l’analyse d’indicateurs, analyses quidemeurent souvent partielles et insuffisantes etdont toute la difficulté réside dans le choix deces indicateurs.

L’évaluation des résultats, n’ayant de valeurque si l’on peut relier les résultats au proces-sus, consiste, en pratique, à évaluer des inter-relations entre les résultats (et l’impact) etd’autres composantes du programme. Les fac-teurs, ainsi dégagés, constituent des « indica-teurs intermédiaires » du succès, mais peuventaussi être considérés directement comme lesrésultats attendus d’un processus éducatif. Lescritères retenus sont majoritairement compor-tementaux, cognitifs, et/ou affectifs. Les indi-cateurs les plus souvent utilisés sont effective-ment les connaissances ou croyances, lesattitudes et intentions, les comportements dé-clarés. Ces indicateurs sont suivis par des son-dages réguliers — enquête KABP pour le sida(Prospective sida 2010), Baromètre Santé, sériede post-tests pour les campagnes nationales —ou isolés — ACSF, enquêtes adolescents. Maissuivant les objectifs de l’action entreprise il

pourra également être procédé à la mise enplace d’indices pouvant suivre la qualité de vie,l’implication sociale, le soutien social, l’affir-mation de soi, ou l’efficacité perçue au seind’un groupe de population.

Quelle efficacité ?

À partir de ces outils, il est donc possible dedégager les effets d’action d’éducation pour lasanté. La Commission européenne de l’Unioninternationale de promotion et d’éducation pourla santé (UIEPS) a répertorié, au niveau inter-national, 200 études d’efficacité d’actionsd’éducation ou de promotion de la santé. Il res-sort de cette analyse que les actions contribuentglobalement à :

• faire progresser les connaissances ;• faire prendre conscience des risques et

comportements à risque ;• mobiliser des décideurs, mobilisation qui

peut conduire à la définition ou à l’ajustementdu cadre législatif ;

• améliorer l’état de santé de certainespopulations voire diminuer la prévalence decertaines pathologies ;

• comprimer les coûts des dépenses de santé.Quand bien même l’objectif de l’éducation

pour la santé n’est pas de réduire les dépensesde santé, elle y contribue en promouvant descomportements de responsabilisation vis-à-visde l’usage des médicaments par exemple et endéveloppant des programmes de préventionprimaire, qui ont une incidence sur la pré-valence de certaines pathologies. En prévenanttôt l’apparition d’un cancer, on limite les dé-penses : l’investissement en communicationétant moindre que ceux engagés dans les soinsnécessités par cette maladie. Ce rapport coût suravantage est difficilement appréhendable ; tou-tefois une équipe américaine a pu montrer quedans leur campagne préventive sur les accidentsdomestiques d’enfants, pour un dollar investi,vingt-cinq étaient économisés.

On a pu distinguer les actions qui ont le plusd’impact. Aussi les actions qui développent desaptitudes ou qui proposent des conseils person-nalisés, celles qui sont axées sur l’acquisitionde connaissances obtiennent de bons résultats.Les actions qui focalisent sur la capacité à re-connaître les pressions sociales, et/ou qui visentune modification des normes sociales plutôtqu’un changement de comportement obtiennent

Fisher L., Vanburen J.,Nitzkin L et al. High light

results of the Monroe countypoison prevention

demonstration project.Annual Joint Meeting

Minneapolis, 1981.

F. Champagne, A. P.Contandriopoulos, R.Pineault, op. cit.

• Prospective sida 2010. Ministère des Affaires

Sociales, de la Santé et de laVille, Agence nationale de

recherches sur le sida.Paris : 1994.

• Baromètre Santé 93/94.F. Baudier, Ch. Dressen,D. Grizeau, et al., Paris :

Éditions CFES 1995.• Les comportements

sexuels en France. A. Spira,N. Bajos, et le groupe ACSF.

Paris : La documentationFrançaise, 1993.

• Adolescents, enquêtenationale. M. Choquet,

S. Ledoux. Paris : Inserm,1994.

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actualité et dossier en santé publique n° 16 septembre 1996 page XXV

également des résultats significatifs à partir dumoment où le processus d’évaluation n’est pasréduit à des critères sanitaires.

Ces résultats connexes ou dérivés de l’actionsont particulièrement significatifs dans unchamp plus vaste que celui du sanitaire : lechamp social. L’éducation pour la santé n’estpas seulement un moyen d’intervention de santépublique qui permet un bien être physique etmental, mais elle concourt, au-delà, au bien êtresocial, soit à toutes les dimensions de la santédéfinies par l’OMS en 1983. La toxicomanie,comme les maladies liées à une consommationexcessive d’alcool, sont avant tout l’expressiond’un mal de vivre que l’éducation pour la santétente d’apaiser.

Ainsi, en s’intéressant à une population d’unfoyer d’hébergement pour travailleurs immigrésà La Verrière dans les Yvelines, les promoteursd’un projet d’éducation pour la santé ont agi surles représentations de la santé de ces personneset, indirectement, ont réduit l’isolement dontsouffrait une majorité de ces immigrés.

En revanche, les actions qui ne fournissentque des connaissances, ne visent pas à dévelop-per l’estime de soi ou l’aptitude à prendre desdécisions, ou proposent simplement des com-portements alternatifs ont des effets limités.

Il est à noter également que les campagnesnationales, qui ont des indicateurs limités (pré-test, post-test), ont un impact fort et immédiat,mais qui s’atténue dans le temps.

Finalement, peu d’études actuellement sonten mesure de montrer l’impact à long terme desactions d’éducation pour la santé sur le com-portement, pour les raisons énoncées ci-avant.Toutefois le changement comportemental estplus significatif dans les programmes qui ontdéveloppé une approche globale. Peters etPaulussen, qui ont fait le compte rendu de douzeétudes d’évaluation de la santé à l’école dansle cadre du projet de synthèse sur l’efficacitéde l’éducation et de la promotion de la santé del’UIEPS, montrent que la plupart des program-mes présentaient quelques résultats positifs.L’amélioration des connaissances à court terme

School Health a reviewof the effectiveness of health

education and healthpromotion, International

Union for Health Promotionand Education, Peters L. &

Paulussen T., 1994.

L’UIPES est une association mondialed’individus et d’institutions œuvrant dansles domaines de la promotion de la santéet de l’éducation pour la santé, dont l’ob-jet est d’améliorer la santé du monde parl’éducation, l’action communautaire etl’élaboration de politiques de santé pu-blique. En rassemblant des personnesde différents secteurs pour débattre depolitiques, techniques, et pratiques,l’UIPES offre un lieu interdisciplinairepour ses membres dans toutes les ré-gions du monde pour partager connais-sances, expériences et points de vue.Organisation non gouvernementale,l’UIPES est en relation officielle de tra-vail et coopère étroitement avec l’OMS,l’Unesco et l’Unicef. Elle collabore avecdes organisations gouvernementalespour développer et améliorer les as-pects théoriques et pratiques de la pro-motion de la santé et de l’éducationpour la santé.Fondée à Paris en 1951, l’UIPES re-groupe des membres de plus de 80pays et décentralise son action par l’in-termédiaire de Bureaux régionaux. Elle

a pour objectifs d’influencer etde soutenir le développementde la promotion de la santé et

de renforcer les moyens del’UIPES de remplir sa mission.

ActivitésLes différentes activités de l’UIPES sont :• Porte-parole : en favorisant le déve-loppement d’une opinion publique infor-mée sur la santé ;• Liaison : en maintenant des relationscontinues avec des organismes natio-naux et internationaux concernés par lapromotion de la santé ;• Communication : en encourageant eten soutenant la création de réseaux ef-fectifs avec des institutions régionales,nationales et internationales et des per-sonnes œuvrant dans les champs con-cernés ;• Expertise : en donnant son avis surles implications des politiques et pro-grammes de promotion de la santé etde l’éducation pour la santé mis enplace par l’OMS, l’Unesco et d’autresorganismes internationaux et en soute-

nant le développement de leurs actionsdans ces domaines ;• Information : en facilitant les échan-ges mondiaux d’expériences ;• Formation : en contribuant à l’amélio-ration des connaissances et des com-pétences requises pour fournir un tra-vail efficace en promotion de la santéet en éducation pour la santé dans lesdomaines politiques et pratiques :• Recherche : en promouvant la re-cherche scientifique, y compris les étu-des sur le terrain ;• Conférences : en offrant des plates-formes d’études et de discussions parl’organisation de conférences mondia-les, de rencontres et de séminaires ré-gionaux.La revue trimestrielle de l’UIPES, Pro-motion & éducation est une revue pro-fessionnelle contenant des articles deréférence sur tous les aspects théori-ques et pratiques de la promotion dela santé et de l’éducation pour la santé,de même que des nouvelles internatio-nales sur des réunions ou événementsimportants dans le monde.

Union internationale de promotion de la santé et d’éducation pour la santé

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actualité et dossier en santé publique n° 16 septembre 1996 page XXVI

est retrouvée dans toutes les études qui avaientconsidéré ce paramètre comme critère de juge-ment. Mais cette amélioration n’a pas conduitnécessairement à des changements de compor-tement. Les attitudes et croyances furent plusdifficiles à influencer. Huit études sur dix me-surant le changement de comportement onttrouvé quelques effets à court terme. Mais cel-les qui ont entrepris des évaluations à longterme ont eu tendance à montrer une diminu-tion de l’effet avec le temps. Un changementde comportement à long terme fut maintenudans un seul programme, qui était intégré dansune approche communautaire plus large.

L’évaluation : une aide à la décision

L’éducation pour la santé est reconnue efficacedans les domaines où le système curatif estimpuissant. Son efficacité est manifeste contreles accidents domestiques d’enfants, en matièred’incitation à la vaccination et pour la préven-tion de maladies sexuellement transmissiblescomme le sida. En revanche dans d’autres do-maines son efficacité est remise en cause.

L’évaluation en ce domaine sert donc biensouvent à alimenter cette exigence extrêmed’efficacité, qui prévaut depuis plusieurs annéespour l’éducation pour la santé. Cette attitude estsignificative du déni de la prévention en France.L’évaluation devrait prioritairement être unmoyen d’aide à la décision pour poursuivre oumodifier une action et servir, par là-même, l’ef-ficience des actions.

Il est effectivement possible d’optimiserl’efficacité des actions au regard de l’expé-rience acquise en s’attachant à une formula-tion réaliste des objectifs de l’action, et de sonévaluation.

Ainsi il est vain de s’attaquer à des compor-tements ou des habitudes sans remonter à l’en-vironnement qui les conditionne largement (en-vironnement physique et social). Il est vain deprétendre changer les comportements par la dif-fusion de campagnes médiatiques. Celles-ci,sont certes la partie visible de l’iceberg, maisn’ont pour vocation « que » l’évolution des re-présentations collectives. L’étape suivante estdévolue aux actions de proximité, moins spec-taculaires, qui requièrent du temps pour que deseffets puissent être dégagés, mais qui intervien-nent avant tout en capitalisant sur les évolutionssuscitées par les premières.

De même il est vain de chercher à mesurerdes changements de comportements à courtterme, de chercher à évaluer quantitativementdes maladies évitées par les programmes d’édu-cation pour la santé, et d’apprécier les effetsproduits uniquement d’un point de vue sanitairepour rendre compte de l’efficacité d’un pro-gramme.

La question aujourd’hui n’est donc plus desavoir si l’éducation pour la santé est efficacepour investir en prévention primaire, mais bienplutôt de se demander si on se donne les moyenspour qu’elle le soit. Laurence Tondeur

Prévenir les toxicomaniesl’expérience de Rennes

Une expérience a été effectuée au Collège desOrmeaux à Rennes dans le cadre des projetspilotes d’éducation pour la santé visant à prévenirles toxicomanies*. Il s’agissait de tester la faisabi-lité d’une démarche de prévention primaire destoxicomanies. Le test proposé par ce projet est lesuivant : est-il possible par une éducation pour lasanté globale de renforcer l’aptitude des jeunes àchoisir une manière de vivre et de modifier dansun sens favorable leurs rapports à ces produits ?Le programme mis en œuvre sur trois ans apermis de dégager des modifications de compor-tements significatives pour les élèves l’ayant suivi.Il est effectivement observé une évolution desreprésentations des jeunes (diminution de ladifficulté de prise de parole, la baisse du désird’être autre physiquement, moindre besoin dejouer un rôle) et une nette progression de laconfiance accordée aux adultes. Ces change-ments, ayant favorisé des attitudes nouvelles, ontété induits par la démarche entreprise pour menerle programme d’éducation pour la santé, notam-ment par la prise en compte des préoccupationsdes adolescents et la réalisation d’activitésfacilitant les relations (voyage d’étude par exem-ple). Ce programme s’est avéré efficace dans lamesure où il avait pour objectif de réduire lesfacteurs de risque des toxicomanies parmilesquelles on trouve : les difficultés relationnel-les**.

* Éducation pour la santé visant à prévenir les toxicomanies, Conseilde l’Europe, Strasbourg, 1984.** La prévention primaire des toxicomanies en milieu scolaire, unprojet européen à Rennes, A. Jourdain, A. M. Palicot.

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actualité et dossier en santé publique n° 16 septembre 1996 page XXVII

t ribune

D’

L’importance pour la santépublique de l’éducation et del’information sanitaires

santé publique : elle est présente dans lasphère de l’épidémiologie dont les con-cepts majeurs (le risque, les groupes ex-posés, les déterminants) sont ses instru-ments de travail quotidien, elle est aucentre du secteur de la prévention et dela promotion de la santé dont elle assureplus précisément le volet informatif etsubjectif, elle est également présente surle territoire du soin et de la réadaptation,sous la forme — trop méconnue dans no-tre pays — de l’éducation du patient.

Les objectifs donnés par le « rapportsur la santé en France » la placent à uncarrefour central en raison des prioritésque constituent la réduction de la morta-lité et de la morbidité évitables, l’amélio-ration de la qualité de vie des personnesmalades et handicapées, et la réductiondes inégalités face à la santé.

On le sait, les deux tiers des 60 000morts prématurées évitables chaque an-née se rattachent à des comportements àrisque, les trois principaux s’appelant ta-bagisme, alcoolisme, vitesse au volant.Les protections « passives » (sécurité desproduits, interdictions, règlementationsdiverses, ou actions sur l’environnement)sont fort efficaces. Encore doivent-ellesêtre expliquées et complétées par une in-tervention sur la prise de risque. Ceci ren-voie nécessairement à une interrogation

une certaine manière l’éducationpour la santé se confond avec la

sur la responsabilité personnelle et doncà une dimension proprement éducative.

Pour ce qui a trait au domaine du soin,qui ne cesse de s’étendre du fait de la« pandémie » des maladies chroniquesliées au vieillissement, il est de plus enplus clair (et réclamé par l’opinion publi-que) que le suivi des patients ou des per-sonnes handicapées nécessite de vérita-bles stratégies d’éducation du patientfaisant appel aux outils méthodologiquesde l’éducation pour la santé, ne serait-ceque pour lever les difficultés d’observancethérapeutique (elles concernent 50 % desprescriptions). Relève également de la res-ponsabilité de l’éducation pour la santé(actions médiatiques, documents d’infor-mation, actions sur site) l’incitation à lavaccination dans un contexte où les pres-criptions de santé cessent d’être obliga-toires pour devenir recommandées.

Quant à la lutte contre les inégalités,elle est au centre même de la problè-matique de l’éducation pour la santé : lerapport au risque et notamment les suici-des, les consommations de tabac, d’alcoolet de psychotropes sont très nettement dif-férenciées suivant les catégories socialeset l’éducation pour la santé — notammentpour ce qui concerne les actions de terrain,mais même au niveau des campagnes mé-diatiques — intervient prioritairement auniveau des groupes défavorisés.

Indépendamment de la place de l’édu-

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tribune

cation pour la santé dans la politique desanté actuelle, il faut souligner que cer-tains types d’interventions sanitaires,ceux qui ont trait aux aspects essentielset quotidiens de notre mode de vie, à sa-voir la nutrition, l’hygiène bucco-dentaireen particulier, le sommeil, les violencesde tous ordres, sont des thèmes spécifi-ques de l’éducation pour la santé et nepeuvent être guère traités par d’autrestechniques quelles qu’elles soient. Mais,il est clair que le domaine par excellencede l’éducation pour la santé est celui desmaladies non curables.

Pour tenir la place qui lui est assignéeau sein de la santé publique, l’éducationpour la santé doit remplir un certain nom-bre de conditions et éviter certainsécueils. Ces contraintes vont dans le sensde « l’intérêt général » de la santé publi-que. En effet, les campagnes ou les ac-tions de proximité sont facilitées par unenvironnement favorable à la santé : en-vironnement physique et socio-économi-que. Un des effets multiplicateurs del’éducation pour la santé sur la santépublique est d’inciter les autorités sani-taires à promouvoir des univers consom-matoires ou publicitaires cohérents avecles exigences de la santé publique. Autreaspect de l’éducation pour la santé : parcequ’elle agit sur les normes sociales, lesreprésentations et les conduites, voire les« habitudes de vie », elle exige de sepoursuivre dans la durée. Ainsi une inter-vention ponctuelle d’information sani-taire dans une école ne peut-elle être con-sidérée comme une action d’éducationpour la santé. L’éducation pour la santés’appuie sur des hypothèses, des con-cepts, des méthodes, des critères d’éva-luation qui en font une véritable disci-pline. Elle exerce, de la sorte, unepression — la pression de « l’action » —sur le système d’information sanitaire etsociale pour connaître les besoins et lesgroupes cibles. Elle pousse à des recher-ches sur les facteurs sociaux, familiaux,psychologiques qui augmentent la vulné-rabilité des individus, elle induit une ré-flexion sur la pédagogie, sur le rôle del’exemplarité et de l’apprentissage par lespairs : ce n’est pas le moindre servicequ’elle rende à la santé publique.

« L’éducation pour la santé, çamarche »

Pour mériter sa place dans la santé publi-que l’éducation pour la santé doit bienévidemment faire la preuvre de son effi-cacité. Celle-ci est difficile à établir ponc-tuellement car, non seulement, les déter-minants de la santé sont intriqués etinteractifs et il est difficile d’isoler la va-riable « éducation pour la santé » de soncontexte, mais les comportements hu-mains sont complexes et plastiques et nese laissent pas enfermer dans des « essaiscontrôlés randomisés ». En revanche, ilest courant de dégager des indicateursintermédiaires qui permettent d’évaluerl’atteinte des objectifs (effectiveness) etl’utilité de l’action (efficacy). D’un pointde vue macro-économique, il est possibled’avancer que « l’éducation pour la santé,ça marche ». En effet, il est frappant deconstater que c’est dans les domainesdans lesquels elle a le plus investi que lasanté publique a le plus progressé. Sansparler de l’hygiène de vie (propreté, ali-mentation) qui a été son champ d’électionjusqu’en 1945 et qui a été la principaleraison de l’accroissement de l’espérancede vie, l’exemple des accidents domesti-ques est particulièrement éloquent. Lesefforts conjugués de l’éducation pour lasanté et de la réglementation des produitsont permis de réduire par deux en 10 ansla mortalité des enfants. Éloquent égale-ment le domaine de l’hygiène bucco-den-taire : réduction de moitié du taux de ca-ries chez l’enfant entre 1987 et 1993.L’éducation pour la santé contribue, pourune part essentielle, à faire reculer l’al-coolisme et le tabagisme dans notre pays.Elle a changé en moins de dix ans du toutau tout l’attitude de la population par rap-port aux préservatifs. Ceux-ci sont désor-mais utilisés, comme le montre une étuderécente de l’Agence nationale de recher-che sur le sida, par plus de 80 % des jeu-nes à l’occasion de leur premier rapportsexuel. Ces interventions peuvent êtreconsidérées comme très rentables : lesAméricains avancent que le retour sur in-vestissement de la prévention des acci-dents est de 1 pour 25.

Pour mériter sa place au sein de lasanté publique — et sans doute égalementpour être réellement efficace — l’éduca-tion pour la santé doit aussi éviter la nor-malisation et la médicalisation, en adop-tant des méthodes de travail rigoureuses,participatives voire communautaires, eten se référant à des valeurs de responsa-bilité, de liberté, d’épanouissement ou deplaisir, car le but de l’éducation pour lasanté n’est pas de nier ou de tuer le ris-que inhérent à la vie humaine (et sansdoute à toute vie intéressante) mais de lemaîtriser, et de le gérer.

En matière d’éducation pour la santé,nous sommes, en France, en plein para-doxe.

Dans la théorie, nous venons de levoir, l’éducation pour la santé occupe —mais à certaines conditions — une placeimportante et croissante au sein de lasanté publique. Dans la réalité, on le sait,l’éducation pour la santé ne bénéficie pasd’une réelle reconnaissance politique etadministrative. Elle ne dispose pas duminimum d’infrastructure de base (for-mations, recherche) qui permettrait uneaccumulation d’expériences et un sem-blant de structuration. Ses moyens sontfaibles : 10 francs au maximum par per-sonne et par an (à comparer aux 12 000francs du secteur curatif).

Il est permis néanmoins d’être opti-miste : l’éducation pour la santé est enexpansion, elle affine et approfondit sesméthodes et se dote d’instruments de ré-férence. Elle s’inscrit dans un paysage(qu’elle a contribué à façonner) et qui estcelui de l’éducation pour la santé impli-cite, souterraine, quotidienne, celle quiremplit nos écrans et nos magazines et quipeut être certes « la pire des choses » (leculte de la santé — beauté — perfor-mance « qui a remplacé le salut », selonle mot de Canguilhem) mais aussi « lameilleure des choses », si elle fonde uneculture de santé partagée, dépassant l’uto-pie de la jeunesse éternelle, pour rejoin-dre les grandes valeurs humanistes quifondent notre société.

Bernadette RoussilleDélégué général du CFES

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actualité et dossier en santé publique n° 16 septembre 1996 page XXIX

L

L’éducation pour la santéface à la « fracture sociale »

jeurs dans l’état de santé des populations,et par conséquent comme une zone de tra-vail particulièrement stratégique en santépublique dans la plupart des pays dumonde1.

Depuis une vingtaine d’années ce phé-nomène a acquis une importance particu-lière en France, où d’après différentes es-timations, entre 10 % et 20 % de lapopulation vivrait au seuil ou dans un étatde grande pauvreté (soit entre 5 et 13millions de personnes)2.

Les effets de cette « fracture sociale »sont nombreux, produisant de profondsbouleversements dans les conditions etmodes de vie de ces populations, et sontà l’origine de véritables dynamiques derégression sur le plan social, politique etculturel, qui trouvent une expression par-ticulière dans le champ de la santé.

Il est frappant de constater à quel pointsur ce dernier registre, l’ensemble desobservateurs et décideurs ayant compé-tence en la matière, à quelque niveau quece soit, se rejoignent pour reconnaître quecette situation semble à l’origine d’unenouvelle demande, qu’il convient deprendre en compte de manière prioritairedans la construction de politiques desanté publique pertinentes3, 4, 5. De lamême manière, la plupart d’entre-euxpréconise le recours à des actions d’édu-cation et promotion de la santé des pu-blics concernés, comme moyen de ré-

ponse le plus adapté à bon nombre desproblèmes détectés.

Mais, l’examen attentif des capacitésde réponse du système de santé à ce ni-veau, montre une série de décalages en-tre « l’offre et la demande », qui peuvents’opposer à l’atteinte de tels objectifs,révélant des contradictions de fond entreintentions politiques, moyens mobiliséset fonctionnement du système de santé.

Éduquer les pauvres à la santé.De quoi parle-t-on ?

Les quelques études ayant cherché à pré-ciser l’état de santé des personnesprécarisées6, concluent à une absence depathologies spécifiques, mais constatentun cumul de problèmes d’ordre biologi-que et psychologique mal ou non résolus,souvent occasionnés ou aggravés par lasituation sociale de la personne, qui laplace de fait dans une situation de fragi-lité et de risque accru par rapport au restede la population.

Il n’en reste pas moins que le tableaud’ensemble qui en résulte, renvoie uneimage très préoccupante où l’on décèleégalement des signes de régression sani-taire. Du point de vue épidémiologique,on peut constater chez ces populationsune incidence particulière des phénomè-nes épidémiques mal contrôlés (sida, hé-patites, tuberculose…), ou de problèmesendémiques tels que les problèmes den-

a pauvreté, apparaît aujourd’huicomme l’un des déterminants ma-

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actualité et dossier en santé publique n° 16 septembre 1996 page XXX

taires et ophtalmologiques, ou certainespathologies mentales névrotiques (essen-tiellement les dépressions).

Autour et entre ces figures relative-ment classiques de la nosographie médi-cale, viennent s’ajouter des « demandes »d’un genre « nouveau » pour les profes-sionnels de la santé, que l’on classera es-sentiellement dans le champ de la santémentale, parce que renvoyant au domainedu comportement et du ressenti (résumésouvent sous la notion de « mal-être »)7.Ici, on constatera l’absence ou l’abandondes préceptes préventifs les plus basiqueset surtout (ce qui pose le plus problème àl’intervenant en santé, puisqu’en en con-tradiction totale avec son propre référen-tiel culturel et professionnel), des attitu-des individuelles ou collectives danslesquelles la santé semble désinvestieparce que dépourvue de toute valeur sym-bolique. Ces nouvelles conduites agies8,sont à la base de l’augmentation des con-duites dites « à risque » (toxicomanies,alcoolisme, accidents…), ainsi que de ladémultiplication des tableaux de décom-pensations psychologiques, difficiles àsaisir pour le non spécialiste au guichetdes services sanitaires et sociaux en con-tact avec ces publics (violences, suicides,comportements d’abandon particulière-ment visibles au niveau de l’hygiène cor-porelle et de vie ou dans l’absence d’at-titudes d’attention et de protection desplus vulnérables notamment à l’égard desenfants et des personnes âgées).

Ces constats renvoient directementaux dynamiques de régression généréespar la crise sociale citées plus haut. Surle plan social, la transformation et pertede rôles et statuts sociaux identitaires (no-tamment ceux liés au travail), l’affaiblis-sement des mécanismes de socialisationet de soutien social (montée en charge dessituations d’isolement et fractures com-munautaires, transformations de la fa-mille et crise de l’école), mais aussi lesdifficultés d’accès aux services de protec-tion sanitaire et sociale (seuils d’accèsincompatibles avec les capacités des per-sonnes fragilisées), sont à l’origine d’unesouffrance individuelle et collective quia du mal à être élaborée et qui ne trouved’autre surface d’expression (ou d’intel-

ligibilité quand on la regarde de l’exté-rieur) que celle offerte dans le champ dela santé, même si les formes qu’elle prend(souvent il s’agit de situations complexesque le sujet présente en bloc, de manièremassive et indifférenciée) ne correspon-dent pas avec les critères d’admissionopérant couramment dans le système desanté. L’analyse de la « demande » (quisouvent n’est identifiée que par les pro-fessionnels en contact avec ces publics),fait souvent apparaître un sujet en voie dedécomposition, ayant perdu (ou ne pos-sédant pas pour les plus jeunes) les repè-res les plus élémentaires lui permettant des’adapter de manière logique à sa situa-tion, en discernant clairement ses intérêts(ici il s’agirait de sa santé) et en se situantcorrectement (c’est-à-dire en tenantcompte des normes en vigueur) dans sonenvironnement social, administratif etéconomique.

Devant ces situations le diagnostic estposé : il s’agit de reconstruire et de sou-tenir le sujet atteint, de lui (re)donner lesclefs nécessaires à sa « réinsertion so-ciale », et dont la santé fait partie. Ensomme, il s’agit de l’éduquer, voire lerééduquer : apprendre à se détendre etparler de sa souffrance pour retrouver laconfiance en soi, soigner ses dents, sedésintoxiquer, être propre, apprendre àmanger équilibré (c’est possible mêmequand on a un « petit budget »9), s’occu-per correctement de soi et de ses enfants,savoir utiliser ses droits et comprendre sesobligations (de citoyen… mais aussi de« malade »), avoir confiance dans la so-ciété et y retrouver des appuis (réinventerou retrouver « la communauté », « créerdu lien social »).

La stratégie thérapeutique va (pres-que) de soi : mettre en place des démar-ches d’éducation pour la santé, telle quela définit la circulaire nº 385 du 31 octo-bre 1985 du ministère des Affaires socia-les et de la Solidarité nationale10, ou pluslargement celle donnée par le rapportLévy en 198211. Or, l’observation de lamise en pratique de la démarche12 mon-tre qu’elle ne va pas de soi, et que sa réus-site exige un certain nombre de condi-tions qui sont souvent très difficiles àréunir dans l’état actuel du champ.

L’éducation pour la santé dans lechamp de la précarité : enjeux etlimites actuels

Comme nous venons de le décrire trèssommairement, l’éducation à la santédans une réalité aussi complexe que celledes personnes en situation de précarité,exige a priori un degré de constructionconceptuel, stratégique et organisationneld’une grande qualité et cohérence. L’en-jeu ici n’est pas seulement de « soigner »un corps, mais bien plus de (re)donner àun sujet les conditions de sa santé (dansses dimensions biologique, psychologi-que et sociale, et on peut même ajouteréthique et politique), et de l’aider à « êtrebien » dans l’environnement qui est àl’origine de son « mal-être », sans pourautant jouer sur la plupart des détermi-nants qui ont provoqué cet état.

Dans une perspective d’éducation etpromotion de la santé, une telle missionpeut rapidement apparaître comme uneinjonction paradoxale, faute d’une appré-ciation fine des différents mécanismes enjeu, qui permettent à l’intervenant et à la« cible » de trouver un terrain sur lequelchacun puisse garder un degré de libertésuffisant pour gérer les contradictions quela démarche révélera dès sa mise en ap-plication.

Nous avons pu observer un certainnombre de difficultés de cet ordre, qu’ilsemble opportun de signaler ici, même sinous ne pouvons trop les expliciter dansl’espace qui nous est imparti.

Un premier problème se pose au ni-veau des capacités de l’éducateur. En ef-fet, l’absence de codification et d’orga-nisation du champ de l’éducation à lasanté13, et l’importance de la demande apour conséquence que nombre d’interve-nants aujourd’hui confrontés à ces situa-tions sont rapidement asphyxiés par lacomplexité de la tâche, et finissent parobtenir des résultats contraires à ceuxespérés. L’absence de connaissance et demaîtrise de la problématique dans toutesses dimensions14, une faible position dansle champ de l’action sanitaire et sociale(la légitimité de ce type de démarche estloin d’être reconnue dans un champ où

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domine la rationalité médicale curative),et un cadre d’intervention souvent aussiprécaire que son public15, expliquent cessituations.

D’une manière plus spécifique, il sem-ble également important de s’interrogersur la validité des schémas théoriquesdominants en matière d’éducation à lasanté, qui apparaissent souvent inopérantsface aux problématiques posées par laprécarité. En effet, rares sont les interve-nants qui utilisent les travaux de socio-logie et anthropologie de la santé16 quimontrent que le sujet social, placé en si-tuation critique, ne fera pas nécessaire-ment des choix « rationnels » en matièrede santé, mais qu’il s’adaptera en fonc-tion d’intérêts souvent « à côté » de lanorme.

Enfin, l’éducation à la santé des pluspauvres sans une réflexion critique dusens politique que la démarche implique(« elle doit permettre non seulement laprise en charge par chacun de sa propresanté, mais encore la responsabilisationde tous ceux qui ordonnent les conditionsde vie et de travail, ou qui créent l’envi-ronnement socio-économique et cultu-rel »17), dans un contexte politique etinstitutionnel dominé par l’obsession ges-tionnaire et la réduction des coûts, pour-rait amener à occulter le débat social sousla chape d’une santé publique qui fait lecontraire de ce qu’elle déclare dans sadoctrine. Éduquer à la santé serait ici ap-prendre aux plus fragiles à se conformerà cette situation sans générer des charges(maladie) ou risques (sida, toxicomanie)supplémentaires à la société. Un tel en-jeu politique ne peut être ignoré des ac-teurs de l’éducation pour la santé, souspeine de créer les conditions d’un nouvelaffaiblissement de cet important (maisfragile) secteur du système de santé.

1 L’OMS reconnaît ce facteur comme l’un des princi-paux facteurs responsables de la non atteinte de l’objec-tif Santé pour tous en l’an 2000. Voir : Pour unenouvelle stratégie de la santé pour tous, Élaborationd’une politique d’équité, de solidarité et de santé,Document de base pour le processus de consultation,OMS, Genève, 1995 ; en particulier dans le cadre de larésolution WHA48.16 de la 48e Assemblée mondialede la santé « Adaptation de l’OMS aux changementsmondiaux : pour une nouvelle stratégie de la santé pourtous », OMS, 12 mai 19952 Évaluation des politiques publiques de lutte contre lagrande pauvreté. Avis présenté au nom du Conseiléconomique et social par Mme Geneviève de Gaulle-Anthonioz. Séances du 11 et 12 juillet 1995. JO Année1995, n° 33 La santé en France, Haut Comité de la santé publique,Paris la Documentation française, 19944 Cf. aux résultats des travaux des Conférences Régio-nales de Santé, par exemple l’enquête de type Delphi enÎle-de-France, in : Étude sur les priorités de santépublique en Île-de-France, Enquête de type Delphiréalisée auprès de 370 acteurs régionaux, février-mai1996 (document de travail), Dr Y. Margue, Dr P.Lombrail, Conférence Régionale de Santé, p. 345 Voir aussi nos articles sur ces questions au niveaulocal, notamment Santé publique et dynamiques dechangement au niveau local — Le rôle des municipali-tés, F. Bertolotto, Dr M. Schoene, Actualité et dossieren santé publique n° 15, juin 1996, p. 14-166 C’est essentiellement les travaux de l’associationATD-Quart Monde, puis les constats des associationshumanitaires ayant investi le champ de la précarité parce biais (tels que Médecins du Monde, Médecins sansfrontière ou Remede), suivis des travaux du Credes etde l’Insee sur la consommation médicale des plusdémunis, et des évaluations réalisées dans le cadre duRMI (cf. notamment : RMI et santé, J.-Y. Fratras, B.Goudet (dir.), Ed. CFES, La santé en action, 1993 ; et :État de santé des bénéficiaires du RMI : synthèse desdonnées existantes, F. Schaetzel, O. Querouil, Dirmi,1991), que l’état de santé des plus pauvres a été exploréces dernières années en France7 Voir sur ces questions : Cette souffrance qu’on ne peutplus cacher, H. Strohl, M. Arene (rapp.), Rapport de laCommission santé mentale Div/Dirmi/Cnamts, Div,19958 Cf. par exemple à : Actualité de l’agir. À propos del’adolescence, P. Jeammet, Les actes de la nouvellerevue de psychiatrie, n° 31, printemps 1985, p. 201/2229 Cf. notamment : Alimentation et petit budget, L.Barthelemy, A. Moissette, M. Weisbrod, Ed. CFES, Lasanté en action, mars 1994 (2e Ed.)10 Circulaire nº 385 du 31 octobre 1985 relative à lamise en place d’une politique officielle de promotionde la santé, partie « C », ministère des Affaires socialeset de la Solidarité nationale. Notons que cette circulairereprend la définition de l’OMS donnée lors de la 36e

assemblée mondiale de la santé (février 1983)11 Qui semble être celle adoptée par le CFES, tel que lesignale le rapport Priorités en santé publique : apportsde l’éducation pour la santé, Groupe méthodologie

recherche évaluation — Délégations inter-régionalespour l’éducation et promotion de la santé (Direps),CFES, mai 1996, p. 1212 Cf. notamment à nos travaux : Santé et précarité :Evaluation des interventions de neuf CDES de la régionCentre-Ouest — Rapport à la Direps Centre-Ouest, F.Bertolotto, Resscom, mai 1995 ; et Les espaces —Santé : Un outil pour l’accès à la santé des publics endifficulté, Rapport Final à la DGS (Convention n° 94-03), C. Fabre, F. Bertolotto, N. Busiaux, Gres Média-tions Santé, octobre 199513 Il n’y a pas de diplôme officiel d’éducateur pour lasanté, le CFES a un rôle de référence mais n’a pas desvrais pouvoirs de régulation du secteur, d’autant que leréseau de CDES et CRES sur lequel il s’appuie priori-tairement n’est pas le seul réseau d’opérateurs actifs surce registre (la Cnamts, la MSA et les fédérations mutua-listes par exemple, sont de plus en plus actives dans cedomaine)14 Voir notre article : Travail social, insertion et mala-die : réduire les inégalités, F. Bertolotto, Rev. Prévenirn° 28 premier semestre 1995, pp. 109/11615 La subvention de fonctionnement allouée par l’Étataux Codes dépasse rarement les 80 000 F par année16 Cf. par exemple aux travaux de L. Boltansky, C.Herzlich, M. Auge, J. Pierret, et plus récemment lestravaux de P. Bouhnik et S. Touze sur la gestion desrisques de contamination VIH chez les héroïnomanesintra-veineux (rapport de recherche à l’ANRS, 1996),ou ceux de G. Cresson ou de L. Cardia-Voneche et B.Bastard sur la production familiale de santé (consulternotamment Sciences Sociales et Santé, vol. 13, n° 1,mars 1995)17 L’éducation pour la santé en France, Avis du ConseilEconomique et Social, 7 octobre 1982 p. 858 (ditrapport Lévy)

Fernando BertolottoSociologue, RessCom/93, Saint-Denis

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Les familles,l’éducation et la santé

de nouvelles modalités d’intervention quiprennent pour cible le sujet individuelconsidéré dans sa globalité. L’action pré-ventive visait naguère à améliorer la priseen charge de risques particuliers (tabac,alcool, drogue, sida, etc.) en diffusant, àleur propos, de l’information et des ap-pels à la responsabilité. On commenceaujourd’hui à prendre de la distance avecce modèle, au motif qu’il surévalue et larationalité des acteurs visés et le lien cau-sal qui va de l’information reçue à la miseen œuvre des comportements attendus1.Plutôt que de faire valoir tel ou tel risqueet le moyen de s’en protéger, certaines ac-tions d’éducation pour la santé se propo-sent donc de contribuer à doter les in-dividus des ressources personnellesnécessaires pour faire face à toute situa-tion. Abandonnant la spécialisation tra-ditionnelle par « produit » ou par type derisques, elles insistent sur l’autonomie in-dividuelle et sur la capacité de résistanceaux injonctions des groupes de pairs. El-les se centrent sur le bien-être psycholo-gique des individus et sur leur insertiondans leur communauté d’appartenance.Dans la perspective ainsi développée,c’est moins l’information qui compte quela possibilité de disposer de lieux de pa-role ou de dispositifs permettant de main-tenir voire de reconstruire les liens so-ciaux — tous dispositifs qui ont pourvisée d’accroître la « maîtrise » des indi-

vidus sur leur propre existence et leurscapacités de gestion des problèmes aux-quels ils sont confrontés2.

Une recherche sur lespréoccupations des parentsquant à la santé de leurs enfantsadolescents

Cette évolution qui s’amorce dans lechamp de l’éducation pour la santé doit,selon nous, être replacée dans les trans-formations plus générales des pratiqueséducatives et des modalités contemporai-nes de la régulation sociale. En effet, cettemutation des interventions de prévention,dans laquelle passent au second plan lespratiques à risques tandis que sont valo-risées les capacités individuelles de réac-tion face aux problèmes, se retrouve dansbien d’autres secteurs de l’éducation, etnotamment dans le champ familial. Telest du moins l’enseignement d’une recher-che portant sur les pratiques éducatives enmatière de santé que nous réalisons auprèsde parents d’enfants des classes de troi-sième et quatrième3. Dans le cadre decette étude, qui englobe également lesenfants eux-mêmes et les enseignants,nous avons eu des entretiens avec les pa-rents au sujet de leurs enfants : commentles voient-ils ? Quelles préoccupationsont-ils à leur propos ? Quels principesd’éducation mettent-ils en œuvre ?

n assiste, dans le champ de l’édu-cation pour la santé, à l’émergence

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À la faveur de ce travail, ce qui appa-raît essentiel pour les parents, quel quesoit d’ailleurs le milieu social auquel ilsappartiennent, ce sont moins des préoc-cupations sectorielles — la crainte del’échec scolaire ou les difficultés d’inser-tion professionnelle, la peur de l’accident,ou encore la représentation des risquesassociés au tabac à l’alcool ou aux dro-gues — qu’un souci beaucoup plus géné-ral et diffus qui porte sur le bien-être deleurs enfants. Lorsqu’ils évoquent la si-tuation de leurs enfants, ce qui émergespontanément du discours de ces parents,c’est le désir qu’ils ont de mettre à la dis-position de leurs enfants les ressourcesintellectuelles, morales ou affectives denature à les rendre autonomes et aptes àfaire face aux problèmes et aux sollicita-tions de tout ordre qu’ils auront à affron-ter dans leur existence.

Des préoccupations de santécirconstanciées et maîtrisées

Les questions touchant à la santé ne sontcertes pas absentes du discours des pa-rents. Cependant, elles apparaissentcomme des préoccupations délimitées etcirconstanciées qui sont de deux ordres.

Les parents évoquent la santé en ex-primant des préoccupations qui ont traità la maladie, celle de l’enfant ou de l’undes membres de la famille, et parfois lehandicap. La santé est ainsi présente à tra-vers les difficultés et les problèmes ren-contrés par les parents de sorte que l’onpeut alors faire référence au modèle de lasanté « instrumentale »4. On pense parexemple à des parents qui ne mentionnentl’atteinte qu’a subi leur fils de quatorzeans à un œil qu’après une longue discus-sion ou toutes sortes d’autres aspects dela vie de cet adolescent ont été abordé —l’enfant, de son côté, banalisant égale-ment ce problème.

Les parents ont aussi évoqué la santéd’autres façons, en parlant hygiène et pro-preté, alimentation ou sommeil, mais làencore ces énoncés ont été sollicités parnous et s’accompagnent de commentai-res par lesquels les parents indiquent queles comportements adéquats ont été ac-

quis par les enfants dans leur jeune âge,et qu’ils n’ont guère d’actions spécifiquessur ces sujets.

Ainsi l’expression de thématiques spé-cifiques relatives aux différents domainesde la santé apparaît-elle assez réduite.Tout se passe comme si les parentsavaient cessé de faire de la santé l’un desvecteurs de l’éducation familiale.

Un enjeu majeur :le bien-être des enfants

Ce qui motive principalement les parentslorsqu’on évoque leurs enfants et la viequotidienne de la famille, c’est davantagele bien-être des enfants. Les portraits quetracent les parents de leurs enfants se si-tuent immédiatement dans un registre quia trait à la psychologie. Les parents éva-luent les ressources personnelles de leursenfants et leurs difficultés éventuellesdans des termes très généraux. S’ils fontréférence aux difficultés professionnelleset aux perspectives professionnelles, c’estdans le cadre d’un projet plus large quienglobe l’ensemble des aspects de la per-sonnalité de l’enfant.

À titre d’exemple, voici ce que dit unemère au sujet de sa fille Anne, 15 ans :« Anne est rêveuse, c’est sûr. C’est quel-qu’un d’assez équilibré malgré tout. Quivoudrait réussir ses études, mais qui nefait pas beaucoup d’efforts. Elle voudraitêtre éducatrice. Elle a envie de s’occuperde jeunes qui ont des problèmes. Elle abeaucoup de copains qui ont des problè-mes et elle voudrait pouvoir les aider…Anne est toujours de bonne humeur. Elleaime aller à l’école. Pour elle, le contactest très important. Elle est assez indépen-dante malgré tout. » Cette mère, commele font beaucoup de parents, replace sa filledans le contexte familial et dans la fratrieen faisant appel au même registre : « Sasœur a cinq ans de plus. Elle est très ren-fermée sur elle-même. Donc j’avais un peupeur, avec Anne, que ce soit un peu pa-reil, qu’il faille toujours deviner, scruter,pour savoir. Tandis qu’Anne, elle n’est pascomme ça. Elle se livre facilement. Si ellea un problème, elle attend peut-être deuxou trois jours et elle le sort. »

En bref, les parents évoquent leursenfants « comme des personnes ». Ils nese limitent pas à décrire des projets sec-toriels, la réussite scolaire ou profession-nelle notamment, mais au contraire visentun bien-être global de l’individu enfant.

La communication et le dialogue,vecteurs de la confiance entreparents et adolescents

Dès lors que les parents considèrent leursenfants non comme des sujets à éduquer,mais bien comme des personnes dotées decapacités et de projets, le but recherchépar l’éducation dans le cadre familial viseà favoriser l’émergence chez l’adolescentd’une personnalité autonome et de per-mettre son insertion dans la société.

À cette finalité globale, faire en sorteque les enfants puissent « avoir une bonnevie », correspond une modalité d’inter-vention privilégiée qui a trait précisémentaux relations familiales. Donner del’autonomie aux enfants, les responsabi-liser suppose que les parents échangentavec leurs enfants et restent bien au con-tact avec la réalité que ceux-ci vivent. Parconséquent, la quasi totalité des parentsinterrogés dans le cadre de cette étudefont de l’instauration de bonnes relationsavec leurs enfants une priorité absolue etle critère principal de réussite de leur tra-vail de parent. Parler de tout, être mis aucourant, par les adolescents des problè-mes qu’ils rencontrent, négocier autantque nécessaire, au sujet des sorties parexemple : tels sont les enjeux principauxde l’éducation pour beaucoup de parents.Avoir la confiance de ces enfants et faireen sorte que ceux-ci soient en confiance :tout se passe comme si les parents adhé-raient au principe de Françoise Dolto se-lon lequel il est nécessaire « d’attacherpour pouvoir détacher ».

Certes, les parents interrogés ne réa-gissent pas de la même façon et des dif-férences se font jour dans leur discours.Notamment certains d’entre eux s’inscri-vent dans une perspective plus normativeet considèrent que l’éducation de leursenfants ne va pas sans contrôle et sanssurveillance. Ces parents semblent être

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aussi ceux pour qui les risques réperto-riés comme tels dans la perspective tra-ditionnelle de l’éducation pour la santé —drogues, tabac ou alcool — sont perçuscomme menaçants. Pourtant, cette dis-tinction ne concerne qu’un petit nombrede parents qui ne sont pas, eux-aussi, sanss’inscrire dans la tendance générale quivise, à terme, le bien-être et l’autonomi-sation des enfants.

Créer un cadre où l’individu peuts’épanouir

Au fond, ce qui frappe dans les premiersrésultats de cette recherche qualitative,c’est que les propos des parents ne ren-voient pas à la conception selon laquellela santé serait le résultat du respect denormes substantielles de comportementsou d’interdits spécifiques. Les parentsentendent la santé dans un sens beaucoupplus « moderne », celui des actions deprévention que nous citions au début decet article, ou encore celui qu’a développéJonathan Man dans les années récentes etqui met l’accent sur le respect des indi-vidus et sur l’accès à l’autonomie.

Les pratiques de santé dans cette pers-pective ne sont plus, comme elles l’étaientnaguère, les éléments « prétextes » sur les-quels s’appuient les parents pour faire re-connaître leur position de parent. Les in-jonctions du genre « Finis tes légumes,c’est bon pour ta santé », n’ont plus cours.

L’éducation n’est plus pensée commeinculcation, elle est vue comme la créa-tion d’un cadre où l’individu peut s’épa-nouir, en trouvant en lui-même les res-sources nécessaires5. Dans un tel projet,la santé au sens de l’information sur desrisques ciblés n’a guère de place, mais lasanté est partout, au sens très large dubien-être psychologique et social. Elle de-vient le but-même de l’éducation.

1 Benoit Bastard, Laura Cardia-Vonèche, « Du sujetrationnel à l’acteur pris dans les relations affectives etsexuelles », in New conceptual Perspectives for Un-derstanding Sexual Behaviour and HIV Risk, Luc vanCampenhoudt, Mitchell Cohen, Dominique Hauser,Gustavo Guzzardi (Eds.), Londres, Taylor et Francis,1995 (à paraître).2 On peut proposer l’exemple d’une action engagée parle Canton du Tessin, en Suisse. Il s’agit d’un bus quicircule dans les communes, les entreprises ou les écoleset s’y installe pour un temps. Le bus lui-même necontient aucune information particulière, mais seule-ment des questions ou des propos, qui renvoient, d’unefaçon métaphorique, à la thématique de l’autonomieindividuelle. Le mode d’action mis en place passe parl’instauration d’échanges entre les personnes touchéespar le bus, ainsi qu’avec les intervenants présents.3 Il s’agit d’une recherche financée par le ministère del’Éducation nationale (direction de l’Évaluation et de laprospective) et par la Mission interministérielle à larecherche et à l’expérimentation, dans le cadre d’unappel d’offre sur les pratiques éducatives. La recherches’est effectuée à partir de deux collèges. Elle a porté sursoixante-quinze enfants, leurs parents dans la mesuredu possible ainsi que les enseignants des établissementsretenus.4 Luc Boltanski, La découverte de la maladie, Centre desociologie européenne, Paris, 1968.5 Benoit Bastard, Laura Cardia-Vonèche, Bernard Eme,Gérard Neyrand, Reconstruire les liens familiaux. Nou-velles pratiques sociales, Paris, Syros, 1996, à paraître.

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Benoit BastardCentre de sociologie des organisations,CNRS, ParisLaura Cardia-VonècheInstitut de médecine sociale et préven-tive, Université de Genève

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Mais que veulent-ils donc ?

tous, reste à savoir comment améliorer samise en place en direction des ado-lescents. En effet, la pertinence des ac-tions est actuellement en question. Maisque veulent-ils donc, ces adolescentsd’aujourd’hui ? Si les attentes dans cedomaine ne sont pas toujours faciles àcerner (et à exprimer !), l’analyse des at-titudes et du mode de vie des adolescents,ainsi qu’une réflexion sur la pratique del’intervention préventive, apportent deséléments de réponse.

Attitudes et modes de vie desadolescents

« Être en bonne santé » ne signifie pas,pour eux, « être exempt de maladie »,mais « être bien dans sa peau ». Ainsi, lesadolescents estiment, par exemple, que laqualité de la vie relationnelle fait partiede la santé et que « être laid » peut, danscertains cas, être une maladie chroni-que… Cette approche globale de la santétransparaît aussi à travers leur vécu quo-tidien et les jeunes mal à l’aise se plai-gnent de troubles divers (d’où le cumul).

La démarche préventive en matière desanté n’est pas spontanée à l’adolescence,parce que la « santé » est un concept tropthéorique à cet âge (et la maladie troplointaine) et que l’apprentissage des con-duites se fait surtout par « essai et erreur »

car le désir d’action, d’autonomie et deliberté prédomine.

Il apparaît clairement que les jeunessont déjà informés à propos des problè-mes majeurs de santé publique (tabac,alcool, drogue, sida) et que leur niveau deconnaissance s’avère suffisant sur biendes points. L’école joue un rôle primor-dial dans ce domaine. Mais ce savoirs’avère peu opératoire. Pire, près d’unjeune sur deux ne souhaite pas d’informa-tions complémentaires. Toutefois, lors-qu’ils en expriment le besoin, ils veulentêtre informés par l’école, plutôt que parles médias ou les copains. Notons qu’unbon nombre de jeunes souhaitent aborderdes sujets peu habituels comme le stress,la déprime, les difficultés relationnelles,les problèmes humanitaires…

La vie quotidienne des jeunes s’arti-cule principalement autour de trois lieuxde vie : la famille, l’école, les copains.Les adolescents sont, dans leur majoritéet de plus en plus longtemps, scolarisés ;ils vivent avec leurs parents (mariés ouséparés) ; ils ont des activités extra-sco-laires diversifiées (dont fréquemment lesport). Les relations sont globalementsatisfaisantes avec leur entourage (fami-lial, scolaire, amical). Plus que les con-ditions matérielles (habitat, transport,type de scolarité…), c’est d’ailleurs laqualité relationnelle avec l’entourage quiimporte.

À propos des conduites de santé, ilexiste une grande diversité. Certains

S i l’éducation à la santé est un objec-tif de santé publique reconnu par

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adoptent des comportements de consom-mation (par ordre de fréquence) d’alcool,de tabac, de médicaments psychotropeset de drogues, sans toutefois devenir sys-tématiquement des consommateurs régu-liers ; d’autres manifestent des troublessomatiques ou psychologiques (fatigue,sommeil, appétit, malaise).

En cas de difficultés personnelles(santé, scolaire, sentimental, drogue,sexualité…), deux attitudes majeures sedégagent : soit les adolescents s’adressentà un membre de la famille ou à un(e)ami(e), soit ils ne se confient pas. Les jeu-nes les plus « à risque » ont tendance àfaire confiance aux amis plutôt qu’auxparents.

De grandes différencesselon l’âge et le sexe

Toutefois, sur tous ces points, des diffé-rences importantes apparaissent selon lesexe et l’âge.

Les filles investissent plus la familleet le travail scolaire que les garçons ; lesgarçons privilégient les activités degroupe (sports collectifs, sorties au café,sorties avec les copains). Elles se confientaussi plus souvent aux parents, en parti-culier à propos des sujets « intimes »(sexualité, grossesse) alors que les gar-çons restent nettement plus discrets surces points. À propos de leur santé, lesfilles s’expriment surtout à travers desplaintes corporelles (elles se disent « tropgrosses », « fatiguées », « nerveuses »,« déprimées »…) alors que les garçonsprivilégient les troubles du comportement(alcoolisation, drogue, violence, vol…).

Les plus jeunes participent plus volon-tiers à de multiples activités « encadrées »(sport, musique, mouvements de jeu-nesse, sorties avec les parents) que lesplus âgés, plus indépendants dans leursactivités quotidiennes. Les plus jeuness’appuient presque exclusivement surleurs parents lorsqu’ils rencontrent unedifficulté, alors que les plus âgés ont plussouvent recours aux divers intervenantsprofessionnels. Si les premiers ont envied’information et de discussion sur lasanté, ce désir s’étiole avec l’âge.

L’ensemble des recherches sur l’ado-lescence et les actions de prévention per-mettent de définir quelques priorités deréflexion.

Une approche globale de la santé s’im-pose : à partir d’un problème de santé(comme le tabagisme, par exemple), ilconvient non pas d’éviter d’aborder lesaspects spécifiques (il faut bien donner unminimum d’information sur le sujet !),mais de le comprendre dans un cadre glo-bal, c’est à dire, leur mode de vie, leurscolarité, leur vie relationnelle, leurs con-sommations d’autres produits, leursplaintes somatiques…

Il convient de partir de l’expérienceindividuelle de chacun et non d’une éla-boration générale sur les dangers (mor-talité et morbidité) et les motifs desconduites. En effet, parler d’un sujet« externe » est aisé mais peu efficace…

Une approche de groupe devrait êtreprivilégiée, en particulier pour les gar-çons. Le groupe permet, en effet, de secomparer aux autres et de prendre lamesure des problèmes rencontrés pard’autres jeunes. Si, au cours d’une inter-vention collective de prévention, une li-bre parole émerge à propos des condui-tes individuelles de santé, la réflexion,porteuse de changement, peut se prolon-ger au-delà, lors d’une situation de risquepar exemple. Ce qui n’exclut pas uneprise en charge individuelle pour ceux quiont des difficultés graves (prévention se-condaire).

Pour des raisons d’opportunité, lesmédias et l’école sont très sollicitées. Or,d’autres canaux d’interventions pour-raient être explorés, comme par exemple,pour les plus jeunes, les lieux de loisirset de vacances. Quant à la famille, elle estrarement impliquée activement. Or, saparticipation s’avère nécessaire et ceci dudébut jusqu’à la fin de l’adolescence.

Le contenu et la cohérence globale desmessages méritent une plus grande atten-tion. Comme la majorité des messagessuggère (explicitement ou implicitement)les effets néfastes (voire catastrophiques)des comportements individuels, on peutse demander si certains n’engendrent pasdes peurs et des prudences excessives,qui, à terme, risquent d’entamer l’esprit

d’initiative, si nécessaire à une vieadulte… De plus, la diversité et la multi-plicité des messages, surtout s’ils se suc-cèdent à un rythme accéléré ou s’ils sontdiscordants (de la part d’un même émet-teur ou d’émetteurs différents), peut pro-duire des effets non désirés, allant de lasaturation à l’indifférence, voire le rejetdes messages.

Toute stratégie de prévention nécessiteune implication des divers acteurs (jeu-nes, parents, enseignants, décideurs).Mettre en place cette stratégie prend dutemps, passe par des voies itératives etn’est pas toujours spectaculaire… Leschangements opérés ne concernent passeulement les comportements (parfoisl’effet est même à long terme), mais aussiun climat, des échanges, un mode de vieplus général…

Marie ChoquetDirecteur de recherche, Inserm U 169,Villejuif

tribune

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L’éducation et la personne

Ucite de mémoire — : « Je croirai à l’exis-tence de l’âme lorsque je rencontreraicelle-ci à la pointe de mon scalpel. » À lafin du XXe siècle cette profession de foiscientiste et matérialiste nous apparûtdans toute sa sécheresse et son dogma-tisme. Pourtant le scientisme a la viedure ; « âme » est un terme qui par sesconnotations mythique, théologique etpoétique inspire la méfiance ; il demeurequ’aucune culture, aucune langue n’a pufaire l’économie de cette notion qui ex-prime à la fois l’évidence et le mystèrede notre animation. Freud lui-même, toutimprégné qu’il fût de l’idéologie scien-tiste emploie le mot Seele (âme) traduitdurant des décennies par le terme réduc-teur de « psyché ». Lorsque C. G. Jungparle du « Soi », lorsque Paul Diel1 il y adéjà un demi siècle employait le terme« désir essentiel », ils désignaient cetteaspiration caractéristique de l’être humainà se vivre, non pas seulement comme unêtre social, mais comme un être animé,participant de l’aspect mystérieux de lanature et du cosmos.

En d’autres termes, la psychologie, lapsychosomatique, et plus généralement laproblématique de l’équilibre et donc dela santé humaine ne peuvent faire abstrac-tion de ce besoin vital de se sentir existercomme un être autonome limité par lanaissance et par la mort, relié dans sa pro-

fondeur émotive à l’existence dans sonensemble.

Cette recherche de sens ne peut êtresatisfaite par l’effort d’incorporation so-ciale qui caractérise trop exclusivementnotre système éducatif, ses principes etses méthodes. Ce besoin vital de trouverun sens à la vie, insuffisamment nourri,« s’exalte » pour employer un terme em-prunté à Diel, c’est-à-dire qu’il s’hyper-trophie, se fanatise, sécrète des idéauxque leur caractère absolu rend inaccessi-bles ou destructifs. Ainsi les idéologiestotalitaires qui ont marqué plusieurs gé-nérations de ce siècle, et aujourd’hui, leraidissement dogmatique et ritualiste dediverses religions, menace pour le présentet peut-être pour l’avenir. Et ce n’est pasun millénarisme naïf, croyance en un âgedu Verseau salvateur ou en un XXe siècledevenu par miracle spirituel, qui appor-teront la solution. Si j’ai mentionnél’âme, terme mythique, c’est pour rappe-ler l’aspect mystérieusement animé de lapersonne, terme qui désigne une réalitééminemment concrète.

La nécessité, même si elle n’est pasactuellement à l’ordre du jour, se fera deplus en plus urgente de rétablir dans leprojet éducatif l’équilibre entre la forma-tion intellectuelle, utilitaire et adaptative,et d’autre part le développement de lapersonne, ses capacités de sentir, des’émouvoir, et de créer, le versant inven-tif et intuitif de l’être humain. La mise à

n chirurgien du siècle dernier a pro-noncé cette parole célèbre — que je

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l’écart par l’éducation traditionnelle deces aspects fondamentaux est peut êtreune des causes principales du malaise del’époque et du mal-être des individus jus-qu’au dysfonctionnement corporel dont lafréquence peut faire oublier le caractèreanormal et le lien avec les aspectsdysfonctionnels de notre culture.

Instruire et épanouir

Éduquer l’enfant, c’est-à-dire la personnehumaine, devrait idéalement comporterune double finalité dont la fin communeserait que l’adulte parvînt à l’équilibre,donc à la santé dans son acception la plusgénérale et la plus complète2. Il s’agitd’une part de transmettre à l’enfant, àl’adolescent et au jeune adulte les con-naissances et les savoir-faire qui lui per-mettront de s’adapter à la société et d’yexercer ses compétences : cet aspect del’éducation, le plus souvent considéré, estassuré tant bien que mal par la collecti-vité grâce au système d’enseignementpour tous qu’elle a progressivement misen place. C’est le versant que l’on pour-rait appeler « institutionnel » de la tâcheéducative. Mais l’autre versant, bienmoins exploré, dont la prise en compte estaussi urgente sinon davantage, pourraitêtre appelé « vocationnel ». Dans le pre-mier cas, il s’agit de faire entrer l’enfantdans le système préétabli créé par l’effortcivilisateur des générations ; c’est unenécessité, la survie de l’individu et de lasociété en dépend. Dans le second cas, ilne s’agit plus de lui faire entendre ce quenous avons à lui dire mais d’écouter cequ’il a à nous dire de sa nature, de sesdésirs, de ses aspirations. L’éducationvocationnelle devrait tendre moins à ins-truire qu’à épanouir. Ce que « veut » l’en-fant sans pour autant savoir consciem-ment ce qu’il veut, c’est certes s’instruireet acquérir des connaissances, mais avanttout développer sa personne, c’est-à-diresa créativité, son inventivité, le libre jeude ses capacités. Il aspire en effet à vivresa vie d’adulte non comme un devoir àaccomplir sous la surveillance d’une so-ciété hiérarchisée mais comme un jeucréatif dont l’acteur soit sa personne et

pas seulement son moi social. L’institu-tion scolaire, l’organisation sociale, fon-dées sur des principes utilitaires étant desstructures établies, apparemmentsécurisantes, il est plus facile pour lesadultes d’y pousser l’enfant puis l’ado-lescent et le jeune adulte que de chercherà détecter leurs potentialités individuel-les, leurs aspirations personnelles. Aucours de l’histoire des collectivités lesadultes ont su se faire entendre pour com-battre la domination et l’aliénation dontils souffraient : les esclaves, le Tiers-État,la classe ouvrière, plus près de nous lesfemmes. Mais l’enfant, lui, ne sait pasexprimer clairement ses aspirations et sesrevendications, il les exprime globale-ment et inconsciemment par ses caprices,sa désobéissance, ses refus, ses inhibi-tions. Les adultes doivent faire preuved’une grande capacité d’écoute s’ils veu-lent découvrir derrière ces manifestationsla demande de l’enfant qui est toujoursla même : une réclamation adressée auxadultes d’être reconnu pour ce qu’il estdans sa spécificité personnelle, en tantqu’enfant d’abord et parmi les enfants entant qu’individu irréductible. Pour le direen un mot n’est-ce pas son besoind’amour qu’il exprime ?

L’enfance, comme toute autre étape dudéveloppement — et l’être humain peutse développer tout au long de sa vie —demande à être vécue pour elle-mêmealors que souvent elle est considérée tropexclusivement comme une préparationaux stades ultérieurs. Le besoin vital dejeu, la vision poétique du monde qui estpropre à l’enfant sont souvent étouffés,parfois brutalement, lors du passage à « lagrande école »3 et, par exemple, lors del’apprentissage de la lecture qui pourrait,qui devrait être un élargissement mer-veilleux de son champ de connaissance.Trop souvent l’enfant se sent jugé selondes critères intellectuels, des critères d’ef-ficacité, de rapidité qui font qu’il s’effraieou s’inhibe, dans le cas surtout où sespremiers pas dans l’intellectualisationsont mal soutenus par son milieu d’ori-gine. Lui qui a encore tant besoin de joueret de rêver se trouve soudain jeté dans unecompétition où l’intellect, la rapidité decompréhension et d’assimilation lui sont

présentés comme les seuls indices de savaleur aux yeux des adultes. C’est qu’ilexiste dans le milieu social et son éma-nation, le système éducatif une sorted’impatience de tirer l’enfant de sonmonde enfantin pour en faire un futur ci-toyen, un futur membre actif et efficacede la collectivité. Le mercantilisme, idéo-logie plus ou moins inavouée qui sous-tend notre culture, incite les éducateurs,parents et enseignants à méconnaître lesbesoins profonds de l’enfant et à le pro-jeter trop tôt, et surtout sans les transitionsnécessaires et sans respecter son rythmepropre, dans l’univers de l’abstraction etdu savoir livresque. D’où la dichotomieque l’on peut observer dans les sociétésdéveloppées entre les êtres résignés ousur-adaptés aux exigences matérielles dela société et ceux qui rejettent et/ou sesentent rejetés par le système. Je penseque l’enfant est avide d’apprendre et que,lors du passage décisif au Cours Prépa-ratoire, si les traits caractéristiques del’enfance et les différences individuellesétaient davantage pris en compte, bien deséchecs pourraient être évités, et le corpssocial s’en trouverait renforcé, dans sacohésion, mais aussi dans sa créativité etsa capacité d’évolution.

Respecter la nature de l’enfant

Si la société, trop souvent, projette sesidéologies sur l’enfance, méconnaissantainsi ses aspirations profondes, les pa-rents, de leur côté, ont tendance, souventsans s’en rendre compte, à projeter surleurs enfants leur vision, leurs préjugés,leurs angoisses d’où une insuffisante at-tention portée à leur nature propre et àleurs besoins. Les parents, quel que soitleur statut social veulent que leurs enfants« réussissent » ce qui est bien naturel, etdans un monde où le chômage, la préca-rité et l’esprit de compétition entretien-nent une sorte de menace confuse cela neva pas sans angoisse. Mais l’angoisse estmauvaise conseillère et l’enfant, trop vi-vement poussé vers la réussite scolaire,trop souvent harcelé et sanctionné, soit sesoumet passivement aux exigences, re-nonçant trop vite à sa nature ludique et

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poétique, soit se révolte ou s’inhibe. Àcela s’ajoute que dans chaque famille pré-vaut un certain schéma. Il en résulte quel’enfant auquel ce schéma correspondsera plus considéré, plus choyé que lesautres. Ainsi, par exemple dans une fa-mille de scientifiques un enfant ou unadolescent qui montre des dispositionspour les mathématiques sera plus estiméqu’un autre qui montre du goût pour lalittérature. Dans d’autres milieux, parsuite d’un préjugé séculaire le garçon plusque la fille sera l’objet de l’attention.Dans un milieu défavorisé, les parentspourront exiger que l’enfant, profitant desavantages qui ont fait défaut aux parents,fasse des études brillantes alors que peut-être il ambitionne d’exercer un métiermanuel, etc.

L’éducation devrait faire de nous desêtres capables d’aimer la vie ce qui inclutle besoin de s’instruire. Celui qui, en tantque sujet apprenant, s’est senti respectédans sa particularité aura toutes les chan-ces d’apprendre par intérêt et non parcontrainte. Il sera mieux à même d’inven-ter sa place dans la société au lieu de sela voir assignée, ou refusée. Une éduca-tion qui laisse grandir l’enfant au lieu delui substituer prématurément un adulte enminiature n’est-elle pas la plus apte à at-teindre ce but, ou plutôt à s’en rappro-cher : créer une société plus vivante, plusfraternelle, plus saine ? Utopie ? Oui, sil’utopie est un projet irréalisable à courtterme, non, si par utopie on entend lesonge creux et le chimérique. De plus enplus clairement l’on perçoit que les dé-sordres de notre civilisation : clivagessociaux, maladies psychosomatiques, fré-quence croissante des états dépressifs,sont dus en grande partie au mal-être desindividus mal préparés à exercer leurcréativité quel que soit le domaine de leuractivité.

Ainsi le projet éducatif tel qu’il estconçu par notre société ne peut êtreamendé par des réformes ponctuelles, ildevrait être repensé fondamentalement.Nombreux sont ceux qui s’y emploientdans les sciences de l’éducation, mais leurvoix n’est pas encore suffisamment en-tendue et du temps passera avant queleurs travaux n’influencent profondément

le redoutable appareil bureaucratique quirégit notre système d’enseignement. Dutemps aussi avant que les parents s’atta-chent à élever l’enfant pour lui-même etnon pour en faire un pion sur l’échiquiersocial ou l’instrument de réalisation deleur propre rêve.

« The child is father of the man » écri-vait le poète anglais William Blake :« L’enfant est le père de l’homme ». Res-pecter l’enfant, sa nature poétique et lu-dique, son amour inné de la vie, sa pres-cience naturelle du mystère del’existence, son besoin de connaître et degrandir, éviter de tuer prématurément cetélan fondamental, c’est préparer une gé-nération d’adultes créatifs qui auront lesmeilleures chances de pouvoir prendre encharge la société à venir et les problèmesqu’elle posera. Car peut-être en définitivela pensée utopique, au sens péjoratif (con-siste-t-elle à croire qu’en maintenant lestatu quo les difficultés s’aplaniront d’el-les-mêmes.

1 Paul Diel : Psychologie de la Motivation, PetiteBibliothèque Payot.2 Cf. Revue de Psychologie de la Motivation : N° 14 :Repenser l’éducation. n° 18 : L’école aujourd’hui etdemain.3 Cf. Cyrille Cahen : Thérapie de l’échec scolaire, Ed.Nathan 1996.

Cyrille CahenMédecin-psychiatre, centre médico-psychopédagogique, Paris

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actualité et dossier en santé publique n° 16 septembre 1996 page XL

BibliographieCharte d’Ottawa pour la promotion de lasanté, Conférence internationale pour lapromotion de la santé “ Vers une nouvellesanté publique ”, 17-21 novembre 1986,Ottawa (Ontario), Canada, 4 p.

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Coppé Monique, Schoonbroodt ColetteGuide pratique d’éducation pour la santé :réflexion, expérimentation et 50 fiches à

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Tondeur Laurence Réflexion surl’institutionnalisation de l’éducation pour lasanté en France. Mémoire de DEA depolitiques sociales et société. Paris :Université de Paris 1, 1994, 144 p., ann.

Ministère du Travail et des AffairessocialesDirection générale de la Santé8, avenue de Ségur75350 Paris SP 07

Ministère de l’Éducation nationale,de l’Enseignement supérieuret de la RechercheDirection des lycées et collègesSous-direction de la vie scolaireet des établissements110, rue de Grenelle75007 Paris01 49 55 10 10

Adresses utiles

CnamtsDépartement santé publique66, rue du Maine75694 Paris Cedex 401 42 79 30 30

Comité françaisd’éducation pour la santé2, rue Auguste Comte92170 Vanves01 41 33 33 33

Union internationale de promotion de lasanté et d’éducation pour la santé2, rue Auguste Comte92170 Vanves01 46 45 00 59

Antoine Gueniffey, chargé de mission « édu-cation pour la santé » à la DGS (bureau SP1), aassuré la coordination de ce dossier.Les chapitres « États des lieux » et « Une politi-que et des instruments pour l’éducation pour lasanté » sont issus d’un rapport élaboré par ungroupe de travail présidé par Annick Morel, chefde service à la DGS, et composé de ClaudeBoulle (direction de la Sécurité sociale), Jean-François Collin (Direps Grand-Est), Odile Ferragu(Drass de Basse-Normandie), Laurence Gautier-Pascaud (Cnamts), François Martin (CDES Eure-et-Loir), Annick Morel, Michel Reyser (CPAM Ha-guenau), Bernadette Roussille (CFES), FédéricTissot (Ddass de l’Oise) et Jean-Manuel Cartier,René Demeulemeester et Antoine Guéniffey (DGS).Les autres articles et encadrés ont été rédigéspar :François Baudier, délégué général adjoint duComité français d'éducation pour la santéAnne-Marie Bouchard, médecin responsabledépartemental du Var, conseiller technique dél’inspecteur d’académieClaude Bouchet, Collège Rhône-Alpes d'éduca-tion pour la santéOmar Brixi, Comité français d’éducation pour lasantéAntoine Caprioli, Collège Rhône-Alpes d'éduca-tion pour la santéNathalie Iahns, médecin de l’Éducation nationaledu VarLaurence Tondeur, chargée de Mission à la Dé-légation inter régionale pour l'éducation et la pro-motion de la santé du Centre OuestMerci à Benoit Bastard, Fernando Bertolotto,Cyrille Cahen, Laura Cardia-Vonèche, MarieChoquet et Bernadette Roussille pour leurs tri-bunes.