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Monoprix : faire du quotidien une expérience consommateur unique Lorsque le gendre de Théophile Bader, fondateur des Galeries Lafayette crée l’enseigne Monoprix en 1932, il s’inspire du concept américain de magasin dit « à prix uniques » né dès 1879 de l’autre côté de l’atlantique et entends bien devenir le leader de ce type de magasin, posant ainsi les bases d’une forme alors inédite en centre-ville. L’enseigne propose un assortiment assez large de produits et compte « mettre le bon et le beau à la portée de tous » grâce à ses prix ronds. Au début des années 50, l’enseigne dispose d’un parc de 300 magasins et crée ses propres marques. Depuis 1994, Monoprix revendique sa différence par rapport aux hypermarchés et aux discounters grâce à la généralisation du concept de Citymarché. Monoprix retrouve sa situation de monopole sur le format « magasin populaire » lorsqu’il rachète son éternel rival Prisunic. L’enseigne Monoprix est aujourd’hui détenu à

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Etude de cas Licence eco gestion segmi 2012Monoprix

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Monoprix : faire du quotidien une expérience consommateur unique

Lorsque le gendre de Théophile Bader, fondateur des Galeries Lafayette crée l’enseigne Monoprix en 1932, il s’inspire du concept américain de magasin dit « à prix uniques » né dès 1879 de l’autre côté de l’atlantique et entends bien devenir le leader de ce type de magasin, posant ainsi les bases d’une forme alors inédite en centre-ville. L’enseigne propose un assortiment assez large de produits et compte « mettre le bon et le beau à la portée de tous » grâce à ses prix ronds. Au début des années 50, l’enseigne dispose d’un parc de 300 magasins et crée ses propres marques. Depuis 1994, Monoprix revendique sa différence par rapport aux hypermarchés et aux discounters grâce à la généralisation du concept de Citymarché. Monoprix retrouve sa situation de monopole sur le format « magasin populaire » lorsqu’il rachète son éternel rival Prisunic. L’enseigne Monoprix est aujourd’hui détenu à

50/50 par le groupe Galeries Lafayette et Casino et poursuit son développement grâce à une stratégie marketing et de communication particulièrement efficace.

La multiplication des concepts ainsi qu’une image de marque forte lui permettent aujourd’hui d’être le leader français de l’offre produits et services en centre-ville, en étant ainsi ancré des les habitudes et les mœurs de consommateurs urbains. En effet, combien de fois avez vous entendu un citadin dire « Je vais chez Monop’ » et non « Je vais faire des courses » ?Monoprix reçoit aujourd’hui plus d’un million de clients chaque jour. Ce qui n’est pas négligeable lorsqu’on sait que l’enseigne n’est pas connue pour pratiquer des prix bas. L’enseigne serait donc chère mais qualitative et opte ainsi pour une stratégie de proximité puisqu’elle est située dans 85 % des villes de plus de 50 000 habitants. Cette stratégie semble payante puisque l’enseigne est devenue n° 1 en centre-ville et a réalisé 3,66 Md€ de chiffre d’affaires en 2008.

Monoprix vend un style de vie, des valeurs : proximité, innovation et accessibilité et le fait savoir à travers à des slogans au ton décalé, comme “Achetez des légumes frais même quand vous ne l’êtes plus !”. La stratégie marketing de Monoprix repose sur une communication décalée et une différenciation affirmée, de nombreux concepts très innovants dont notamment de nouveaux types de lieux de vente. Le distributeur s’appuie également sur une offre textile de qualité, dans l’air du temps et multipliant les collaborations avec des créateurs, séduisant les modeuses les plus averties. Enfin, Monoprix qui s’est toujours inscrit dans une volonté de « consommation responsable » faisant du commerce équitable et des produits dits bio une de ses priorités, compte bien développer encore d’avantage son offre bio en surfant sur la vague verte dessinée depuis quelques années maintenant.

(I) Le marché des marques de distributeurs et pourquoi Monoprix a choisi de s’en démarquer (A) Présentation du marché des marques de distributeurs

Selon la Loi 2001-420 du 15 mai 2001 dite des « Nouvelles Régulations Economiques » : « est considéré comme produit vendu sous marque de distributeur le produit dont les caractéristiques ont été définies par l’entreprise, ou le groupe d’entreprises, qui en assure la vente au détail et qui est le propriétaire de la marque sous laquelle il est vendu ». Sous l’appellation « marque de distributeur » ou « MDD » on retrouve donc les produits portant le logo de l’enseigne mais également des marques ombrelles, des marques propres, des marques réservées, etc. Les MDD s’opposent aux marques dites « marques nationales » ou encore « MN » qui regroupent les produits de grands producteurs (comme Nestlé ou Danone) disponibles dans la plupart des enseignes.

Les MDD ont fait leur apparition dans les années 70 et leur progression a été continue depuis le début. A partir de 2009, les MN ont riposté à grands renforts d’innovation et de campagnes de publicité, provoquant un essoufflement dans l’essor des MDD. Mais, avec la crise en Europe et le retour d’une inflation sur les matières premières, les MDD connaissent un second souffle.

La commercialisation des MDD présente deux avantages économiques majeurs. Tout d’abord les distributeurs subissent moins de concurrence sur les MDD grâce à l’absence de la théorie des produits différenciés sur ces produits. En effet les consommateurs ne peuvent pas directement comparer les produits MDD entre eux, puisqu’ils sont distribués par une unique enseigne. Ce n’est pas le cas pour les MN, le prix de la bouteille de Coca-Cola peut-être facilement comparé d’une enseigne à l’autre. Les distributeurs dégagent donc des marges plus importantes sur les MDD, en moyenne 15 à 20% de marge contre 5 à 10% sur les MN. L’autre avantage concerne la négociation sur les prix de gros. Puisque les distributeurs disposent désormais d’une alternative substituable au produit de marque nationale, et brandissent la menace d’un déréférencement, le pouvoir de négociation du distributeur s’en trouve renforcé. Un troisième avantage est souvent avancé, c’est celui de la capitalisation des enseignes sur la confiance des consommateurs pour leur produit. Les clients fidèles d’une enseigne, qu’ils apprécient et fréquentent régulièrement font plus facilement confiance à cette enseigne pour le choix et la qualité des produits commercialisés en son nom.

Il s’avère qu’une partie de produits de MDD sont en réalité issue des lignes de production des MN. Elles y voient un moyen de compenser la force des MDD qui prennent de plus en plus de parts de marché, en faisant tourner leurs usines à plein régime. C’est le cas de Lustucru qui fournit des raviolis pour Carrefour, Madrange du pâté pour Auchan, ou encore Tipiak. Une grande majorité est issue des PME françaises comme le groupe Biscuits Poult qui est le leader français des biscuits de MDD. Les produits de MDD n’ont donc rien à envier aux MN en termes de qualité. La différence demeure dans la qualité perçue, car les MN jouissent de grandes campagnes de communication pour assurer de la qualité de leur produit auprès des consommateurs. Néanmoins l’ouverture des médias aux distributeurs tend à inverser cette tendance.

Le marché des MDD est un marché très porteur, il représente 40% des produits achetés dans les hyper et supermarchés et près de 30% du chiffre d’affaire des enseignes. Au départ les MDD étaient des copies de grandes marques, mais elles sont, au fil du temps, montées en gamme. Les enseignes segmentent encore plus la demande en proposant des MDD bas de gamme, standard et des MDD haut de gamme. Les produits standard, parfois appelés « me-too » sont les produits les plus proches des produits MN, ils leur sont substituables, ce sont les « cœurs de marché ». Ils sont souvent reconnaissables à leur packaging épuré, leur police d’écriture basique, avec uniquement le visuel

du produit et le logo de l’enseigne. Auchan propose, par exemple, des produits sous le logo Auchan pour ses produits « me too »; et sous le logo « le pouce » des produits bas de gamme.

La segmentation est d’ailleurs de plus en plus poussée puisque les enseignes ciblent également les enfants (Auchan et la

marque propre « Rik&Rok ») mais aussi les consommateurs responsables avec des marques propres bio (Auchan et la marque « mieux vivre ») ou commerce équitable. Pour beaucoup, l’écart de prix entre les MDD et les MN s’est d’ailleurs réduit dans les faits mais pas dans l’esprit des consommateurs.

Sur le marché des MDD on trouve les marques propres d’Intermarché (Pâturage, Monique Ranou, les légumes Saint Eloi), les gammes « sélection Carrefour » et « Carrefour Discount » chez l’enseigne au logo rouge et bleu, ou encore la ligne « kids » chez Leader Price. Chez Monoprix on a plusieurs gammes

également : il y a « Monoprix Gourmet » pour les produits haut de gamme et épicerie fine ou encore « Bio ! » pour les produits biologiques lancée en 1994. Sa MDD standard (ou « me too ») est récemment passé de l’appellation « M » à la Success Story que nous allons vous décrire.

(B) Comment et pourquoi Monoprix s’est démarqué des autres MDD ?

Depuis le début de son aventure, Monoprix a toujours su se démarquer dans plusieurs domaines. « Vous faites plus que vos courses chez Monoprix » disait Caroline Puons-Paitre, la responsable du Management de la Relation

Client pour l’enseigne. Il est vrai que Monoprix, plus que d’autres enseignes, est apprécié pour ses lignes de prêt-à-porter, d’équipements de la maison, ou encore du maquillage. L’enseigne a toujours été à la pointe de l’innovation et à l’affût des nouveaux modes de consommation, ce qui s’est notamment traduit par l’ouverture des enseignes de proximité comme « Daily Monop ‘ » ou « Monop’ ». Au niveau des marques propres, Monoprix a été l’un des premiers à commercialiser des produits « bio » sous la marque « Bio ! ». Toujours selon Caroline Puons-Paitre : « le Groupe n’est pas seulement un distributeur : la logique de marque est essentielle. […] Monoprix est un marchand qui rassemble autour de sa vision de marque et souhaite rendre accessibles des produits et services désirables et attractifs. Cette volonté de démocratiser le beau et le bon fait partie des gènes de la marque ».

Cependant, d’un point de vue MDD standard, Monoprix était loin de faire preuve d’originalité. Auparavant la MDD standard de Monoprix se dénommait « M ». Avec un packaging épuré, comportant le logo «M » simple au sein d’un losange et avec le visuel du produit, la marque « M » ne tirait pas son épingle du jeu des MDD.

En 2007, les dirigeants réalisent que Monoprix est perçue comme une marque chère. L’image est construite autour de « Monoprix Gourmet » et « Bio ! », deux marques certes attractives mais au positionnement haut de gamme. La marque standard « M » passe complètement inaperçue. Selon Caroline Puons-Paitre, « le risque était que Monoprix devienne le magasin de l’extraordinaire, pas celui des

achats quotidiens ». La fidélité des clients restant malgré tout forte, l’idée est alors de renforcer ce lien, le renouveler, travailler cette relation de « fan », car l’attachement à la marque était clairement un atout. Comme Charlotte David, Directrice Générale de Havas City l’explique « le choix de Monoprix a été de ne pas lâcher ses spécificités, sa marque, son ADN, et de rester cohérent avec sa stratégie ». D’après les études, les clients semblaient s’attacher à la valeur plus qu’au prix, ils cherchaient la création de désir, la fantaisie, le retour de la joie. De là est né le slogan « Non au quotidien quotidien ». La marque « cœur de marché » qu’était « M » ne traduisait pas cette originalité, cette spécificité propre à Monoprix. L’idée a donc été de refondre cette marque, de la revaloriser et de lui redonner une visibilité. Comme le souligne Charlotte David « la nouvelle marque « Monoprix » -et non plus « M »- se devait de porter fortement la vision de l’entreprise ». Avec sa nouvelle marque, Monoprix affirme sa volonté de créer une marque au sens plein du terme mais aussi celle de se démarquer par un packaging innovant, où l’absence du visuel produit, les couleurs, le ton humoristique tranchent avec les codes habituels. Un ton qui ressemble à Monoprix dans son originalité, comme l’explique Charlotte David : « L’esprit est dans l’ADN de la marque. Monoprix a toujours parlé à l’intelligence des clients. C’est un clin d’œil qui fait sourire et renforce la proximité relationnelle ».

(II) La nouvelle stratégie marketing de Monoprix

(A) Le Festival International de La Créativité de Cannes 2011Renommé cette année Festival International de la Créativité, le festival

international de la Publicité qui se déroule à Cannes chaque année continue d’être la reconnaissance la plus prestigieuse de la profession. Les lions de Cannes récompensent depuis 1953 les meilleures créations publicitaires de

l’année. Chaque année, 20000 œuvres sont envoyées de tous les pays du globe pour être évaluées par un jury international : plus de 5000 films publicitaires, quelques 10000 annonces et affiches et plus 1200 propositions pour le marketing direct.

En 2011, après deux jours de débats entre les créatifs des plus grandes agences de publicités françaises réunis à Berlin, le jury placé sous la présidence de Mercedes Erra (Présidente de BETC Euro RSCG (Groupe Havas) et de Philippe Baudillon, le patron de l’afficheur Clear Channel France, ont remis le Grand Prix de la Communication extérieure à la campagne Monoprix signée par l’agence Havas City. Cette dernière a été gratifiée de deux Lions d’or et d’un Lion d’argent pour la refonte de l’identité de Monoprix (les deux premières récompenses dans les catégories « Advertising Typography » et « Consumer Services », le dernier en « Own Label & Private Label Brands ». Le slogan de la campagne était « Non au quotidien quotidien ».

Avec Monoprix, le jury distingue cette année une campagne déjà largement récompensée par différents prix. Dans cette campagne, l’affichage couronne en effet une entreprise de communication globale, qui touche aussi les codes graphiques et les packagings des produits en rayons. Cette ambition a marqué les publicitaires. Le jury a d’ailleurs conclu la performance de Monoprix en déclarant « Arriver à transformer la tête de nos produits, c’est peut-être l’avenir de notre métier ».

Le jury a en effet vu des affiches prêtant au rire et donnant envie de consommer, mais aussi des affiches esthétiques, mais c’est la volonté de dépasser le cadre de réflexion quotidienne de la création publicitaire pour lui donner une ampleur nouvelle qui a porté ce 38ème Grand Prix. Le jury a été touché par le renouvellement porté par Monoprix dans un environnement de consommation défavorable. Les années 1950 qui inspirent la campagne de Monoprix sont d’ailleurs le symbole d’une ère où la consommation était reine.

En quoi consiste donc cette stratégie ? Elle se matérialise en une refonte globale des MDD (Marque De Distributeur) de Monoprix (l’entrée de gamme « M », rebaptisée « Monoprix »). A terme, les 2000 références de l’enseigne vont être revisitées, car Havas City s’est livrée à un relooking de fond. L’agence a apporté une touche warholienne, l’idée étant de faire de chaque produit un ambassadeur de la marque. A la fois design et minimaliste, les emballages jouent avec et sur les mots : aucun visuel de produit, mais des rayures colorées à la typographie Pop art décalée et de l’humour au quotidien. Elle a en effet trouvé pour chacun des produits une accroche, comme le fameux « A poil le boudin », devenu un must sur le web. L’objectif de la marque et de l’agence était d’exprimer la simplicité, l’humilité mais aussi la gaieté du quotidien ; pari réussi !

Qualité, style et prix sont donc les ingrédients de cette nouvelle MDD, qui a bénéficié d’une importante campagne affichage, en magasin et sur internet.

(B) La campagne de Monoprix

Dès les années 80, Monoprix a su affirmer son positionnement de commerçant de proximité et amorce une modernisation visant à s’adapter aux évolutions du mode de vie de ses clients de centre-ville. L’enseigne adopte ainsi une communication décalée, se différenciant non seulement par son concept mais également par son ton humoristique en jouant la carte de la provocation : les relations est-ouest en pleine guerre froide sont ironisées, le snobisme de la femme est moqué ou tout simplement les instincts primaires de l’homme sont tournés en dérision.

Mais après avoir axé sa stratégie marketing sur la gamme de service de proximité avec le slogan « On fait quoi pour vous aujourd’hui ? », Monoprix a su se faire remarquer récemment par une grande campagne de communication qui vise à faire de Monoprix une enseigne anticonformiste, veillant à casser la monotonie et la morosité du quotidien, et faire de chaque achat une véritable

expérience pour le client. De nouveaux slogans tels que « Non au quotidien, quotidien ! », « Battons la routine à plates coutures » ou encore « Non au junk design » accompagnent un « re-lifting » intégral des produits de la marque de distributeur de Monoprix qui représente aujourd’hui au total 20% de son chiffre d’affaires.Ce coup de jeune donné à l’image de l’enseigne concerne le packaging de 2000 articles alimentaires et cosmétiques, dont 1000 en produits frais, 800 en produits de grande consommation et 200 en parfumerie

qui sont repensé dans un graphisme épuré, sans images (le visuel du produit étant largement répandu dans le packaging des marques de distributeurs classiques), fait de typographies imposantes et de couleurs vives. Des phrases accompagne chaque produit avec humour et bon goût, on parle alors de « storytelling » : pour chaque

produit, une histoire. Ainsi, Monoprix appose sa note d’humour sur une boite de haricot, « on a tous un côté fayot », sur un sachet de chips ondulées, qui sont garanties « ondulées, même par temps sec » ou propose de « faire voir du pays à notre poulet » grâce à une boite de sauce au curry. Le packaging est considéré davantage que le produit en lui même et vu ainsi comme un objet d’art, comme lorsque Warhol utilisait des produits de la grande consommation pour ses œuvres à grands tirages.

Désormais, les produits de l’enseigne ne s’appellent plus « M » mais « Monoprix » montrant ainsi une volonté du distributeur d’affirmer son identité comme l’explique Hubert Hémard directeur adjoint en charge du marketing de l’offre alimentaire et parfumerie de Monoprix : « les enseignes se sont autocopiées, il n’y avait pas de différence significative entre les différents packagings de

MDD. Comme notre propos est d’améliorer la qualité de vie au quotidien, nous avons voulu imaginer quelque chose d’important avec cette marque fer de lance de l’enseigne ». Contrairement aux autres marques de distributeurs, l’idée de Monoprix était donc de se différencier par le design et non par les prix.

Toute la campagne de communication a été axée sur le message « Non au quotidien quotidien ». Une campagne d’affichage en 2010 a mis en avant la nouvelle marque Monoprix : un numéro de Libération a été « relooké » avec la charte graphique des nouveaux packagings jusqu’au siège du groupe qui a été également repeint de manière à représenter la nouvelle marque, des affiches ont été apposées dans plusieurs stations de métro parisien. Par ailleurs, des évènements artistiques ont été organisés, telle que l’installation de briques de lait

ou de boîtes de tomates géantes devant les gares parisiennes ou le musée Beaubourg. Selon la Directrice Générale de Havas City, Charlotte David, l’agence et l’enseigne ont mené une stratégie de « guérilla urbaine » afin de porter haut et fort leur bannière.

Grâce à cette campagne, une nouvelle façon de faire de la communication est apparue, proposant une adhésion à un système de valeurs à toutes les générations et toutes les catégories socio-professionnelles.

(III) Cette campagne est-elle appréciée ?

La campagne de Monoprix dont le slogan est « Non au quotidien, quotidien » pourrait être synonyme d’un manque d’originalité. En effet, quelles sont les marques qui ne veulent pas changer le quotidien de leurs consommateurs ?

Si les réactions des consommateurs aussi bien que celles des distributeurs et professionnels sont diverses, Monoprix semble néanmoins avoir réussi à attirer l’attention. En effet, avec cette identité si forte, si unique, très loin des codes classiques de grande consommation, il est évident que la marque allait gagner en notoriété.

En quelques jours, l’opération « relooking » de Monoprix est devenue un sujet récurrent de discussion, voire de querelle. Qui aime, qui n’aime pas ?

Si on parle autant de Monoprix, c’est grâce à la communication de la marque. Cette communication bien rodée est également appuyée par un « community management » et une utilisation efficace des nouveaux moyens de communication que sont les réseaux sociaux. Le « community management » est né du développement des nouvelles formes de marketing, à l’ère du 2.0, à

travers des réseaux sociaux. Ainsi, Monoprix a réussi à fédérer une communauté de plus de 217000 membres et consommateurs fidèles à l’enseigne grâce à sa page Facebook. L’intérêt de ces nouvelles plateformes est la création d’un sentiment de communauté et de proximité en ayant la possibilité de tisser un lien étroit avec le client, de le remercier pour ses achats et ainsi de le fidéliser. La page est animée de jeux concours, d’idées recettes, d’interventions d’acteurs de l’actualité mode comme des bloggeurs influents, suscitant ainsi l’intérêt des membres, toujours en quête de nouveauté. L’américain Facebook, en lançant sa « Timeline » a permis à Monoprix de retracer son histoire à travers sa page, lui permettant ainsi d’impliquer davantage sa clientèle dans son développement.

(A) Les réactions favorables

Sur Internet, la campagne « buzze » : « Fini les packagings moroses, place aux emballages funky et rigolo. Depuis quelques années, certaines marques ont misé sur l’humour, de quoi rendre la corvée des courses moins pénible », « Je trouve les couleurs attirantes », dit une cliente, les yeux collés au nouveau paquet de jambon.

La campagne de Monoprix est une vraie stratégie qui utilise l’art et chaque produit se transforme alors en un véritable objet d’exposition. Ainsi, « Le lait ça peut être beau » est une accroche qui fait référence aux codes de l’art contemporain, un art demandant un effort d’imagination, d’interprétation et allant au-delà de l’esthétisme.

Ce n’était pas prévu, mais de nombreux internautes voient dans le nouveau packaging un clin d’œil au pop art. La boîte de conserve de tomates Monoprix rappelle ainsi la boîte de soupe d’Andy Warhol.

Il y a donc peu de visuels, mais des produits qui parlent et portent l’esprit Monoprix. "L’esprit est dans l’ADN de la marque, Monoprix a toujours parlé

à l’intelligence des clients, explique Charlotte David (la Directrice Générale d’Havas City). C’est un clin d’œil qui fait sourire et renforce la proximité relationnelle."

Les retombées presse de ce dispositif sont extrêmement positives. "Grâce aux produits de la marque Monoprix, nous avons réussi à être au cœur des conversations, à renforcer des liens et consolider une communauté, estime

Charlotte David. Nous avons pu créer de l’attachement à la marque au-delà du contrat transactionnel. »

A court terme, on peut penser que cette campagne a su tirer son épingle du jeu : au moment de choisir leurs produits dans les rayons, on imagine que les gens ressentiront de la sympathie pour la marque.

En outre, certains professionnels voient même dans cette campagne « une nouvelle façon de travailler » : pour Stéphane Xiberras (BETC

Euro RSCG, filiale d’Havas comme Havas City), "c’est un signe d’une grande proximité entre annonceurs et afficheurs, cette campagne raconte que tous ensemble (annonceurs, agences de publicité, agences médias, afficheurs, ndlr), nous pouvons créer des affiches nouvelles. Nous avons la chance de récompenser un peu plus qu’une campagne, une façon de travailler nouvelle pour nos métiers".Toutefois, certains consommateurs et professionnels sont moins catégoriques.

( B) Des avis moins enthousiastes voire polémiques

Pourtant, ces sous-titres ne sont pas au goût de tout le monde.L’accroche des tisanes à la verveine « l'infusion qui vous fait oublier qu'on

ne vous a pas augmenté cette année» a suscité de nombreuses réactions. Selon les syndicats, les salariés auraient vivement réagi. Le message est «de mauvais goût et blessant», selon un représentant du personnel, fermement décidé à aller négocier avec une boîte de verveine à la main. D'après une chronique de France Inter datant du 18 janvier, Monoprix ne retirerait pas le produit. Néanmoins le sous-titre serait ôté à l'épuisement des stocks.

En effet, ce slogan est apparu un peu trop osé pour les employés, comme cette salariée de l’enseigne qui a déclaré dans Le Parisien : « on touche un peu plus de 1000 € net par mois. L'année dernière on a eu à peine 1% d'augmentation ».

De même, des accroches telles que « à poêle le boudin », ou «elle vient de se faire plaquer par un rouleau à pâtisserie" (sur la pâte brisée), ou encore "elle a beau être bien roulée, elle a quand même l'air tarte" (sur la pâte feuilletée) ont attisé la colère des féministes. Selon Marie-Noël Bas, de l’association Chiennes de garde, ce slogan « fait appel, pour un certain nombre de femmes, à des choses assez désagréables. Il y a donc une banalisation des stéréotypes sexistes ».Le slogan d’une crème pour les mains a par ailleurs déjà été retiré par Monoprix ; son slogan était : « vos enfants vont réclamer des fessées ».

Certains professionnels ne sont pas non plus convaincus : « La démarche est courageuse et cohérente mais le packaging est si fort que répété à l’infini, cela peut devenir oppressant et indigeste pour le consommateur. » (Philippe Breton, président de PHB Consultants, spécialiste des MDD.)

En conclusion, si Monoprix a voulu se différencier de ses concurrents du secteur de la grande distribution dès les années 80 en se positionnant sur un créneau original et décalé, sa nouvelle campagne de communication et son entière refonte de sa marque distributeur, ont fait d’elle un des leaders du secteur. Elle décide ainsi dès 2007, d’adopter une politique de communication à toute épreuve, alliant une relooking intégrale du packagings de plus de 2000 de ses produits et une communication visuelle affichant des slogans accrocheurs en jouant avec et sur les mots. La promesse de Monoprix n’est pas tellement différente de celle de ses concurrents. Les distributeurs promettent tous de changer notre quotidien, le rendant plus agréable, moins contraignant, moins quotidien. Monoprix a pourtant su se démarquer avec une communication visuelle qui a marqué tout les esprits, choquant même certains consommateurs et interrogeant certains professionnels de la communication qui remettent en question l’efficacité d’une telle campagne.

Mais la stratégie marketing de Monoprix se repose aussi sur une offre différente de ses concurrents. Elle a été une des premières enseignes à lancer de nouveaux concepts d’espace de distribution : les Daily Monop’, qui joue la carte de la proximité, du pratique et de ses espaces roses qui permettent même de déjeuner sur place, mais également les Monop’, que l’on pourrait assimiler à des

supérettes ouvertes jusque tard dans la nuit, ou encore Beauty Monop’, un espace exclusivement réservé à la beauté et la parfumerie.

Monoprix est également connu et attendu par les citadines, qui raffolent de son offre textile et plus particulièrement de ses collaborations avec des jeunes créateurs, élargissant alors le concept de « co-branding » à la grande distribution. L’enseigne s’appui sur un bureau de tendances intégré au sein même des bureaux Monoprix pour être au plus près de la demande de ses consommateurs. Son approche n’est pas si éloignée de celle des grandes maisons parisiennes. Cependant, les deux propriétaires de Monoprix, le groupe Casino et le groupe Galeries Lafayette, ont des points de vue divergeant quant à l’expansion de cette offre textile.

Si Monoprix a changé son image de marque, la rendant dynamique et d’autant plus urbaine, faisant ainsi augmenter son chiffre d’affaires de 3% en 2011, l’enseigne a de beaux jours devant elle.

* Bibliographie• « Marque de distributeur : définition et enjeux économiques » de Fabien

Bergès-Sennou

• « Les marques de distributeur, une stratégie d’enseigne gagnante » L’INRA Sciences sociales N°5-6 Novembre 2006

• « Les MDD visent l’excellence pour satisfaire les clients » de Jean-Noël Caussil publié le 15 novembre 2011

• « MDD, l’heure de la maturité » d’Amelle Mebia, Marketing Magazine N°156 du 1er mars 2012

• « Carrefour et Casino creusent le sillon de la proximité » Les Echos, 2 mai 2011

• « Monoprix : de la proximité à la proximité relationnelle » L’Atelier, 18 mars 2011

• « Comment Monoprix fait craquer les bobos » Challenges, 24 mai 2012

• Présentation financière, légale et historique de l’enseigne Monoprix, Wikipédia

• « Monoprix, mais Grand Prix », Stratégies Magazine, 13 décembre 2007

* Nouvelles Formes de Marketing – Etude du cas

MonoprixGuillaume DacquetAurore GalliceVictoire EscudierVictoire Levivier