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L’enseignement expkrimental de la biologie: quelques probl5mes CpistCmologiques Par Paul-Emile PILET Risumi C’est B un mode d’enseignement de la Biologie B 1’UniversitC . . . les travaux pra- riques, qu’est consacrk cet article. La forme, la nature et le contenu de ces c( exercices B peuvent varier d’une Universiti B l’autre. NCanmoins, quelques rkgles gknkrales essentiellernent relatives aux mithodes pidagogiques pratiqukes et g leurs limites, semblent pouvoir itre dkgagies. La justifi- cation d’un tel enseignement est tout d‘abord l’objet de quelques remarques. Le choix des matihres B enseigner expkrimentalement - suivant les cycles d’ktudes concernis - suscite un certain nombre de commentaires critiques. Les objectifs et les contingences des travaux pratiques sont confrontks aux enseignements thioriques. Le choix des probltmes B traiter et les nombreux obstacles qui en dicoulent, donnent lieu B une discussion d’une portke kpistkmologique d’un grand intkr&t. Summary This article is related to a way of teaching the practicals of Biology at the Uni- versity. The form, the nature and the subject of these practicals can differ from one University to the other. However, some general rules specially related to the pedagogical methods ern- ployed and to their limits could be drawn. At first the justification of such a teaching is forming the subject of some remarks. The choice of the subjects to be teached experimentally - according to the different grades in concern - is giving raise to a certain number of critical comments. The objects and the contingencies of practicals are compared to those of the theoretical teachings. The choices of the problems which have to be treated and the many obstacles which do consequently appear, induce a large discussion of an epistemological lsignificance of a great interest. Zusammenfassung Dieser Artikel ist einer der Unterrichtsarten der Biologie an der Universitat, dem sogenannten Praktikum, gewidmet. Form, Wesen und Inhalt dieser cuebungen, kon- nen verschieden sein je nach Universitat. Jedoch konnen einige allgemeine Regeln uber die angewandten padagogischen Methoden und deren Grenzen hervorgehoben werden. Die Berechtigung eines solchen Unterrichts gibt vorerst Anlass zu einigen Be- merkungen. Die Wahl des Stoffes, der experimentell unterrichtet werden sollte - je nach dem betreffenden Studiengang - wird einer kritischen Untersuchung unter- zogen. Ziele und Anforderungen der Praktika werden mit denjenigen des theoretischen Unterrichts verglichen. Die Auswahl der zu behandelnden Probleme und die zu uber- windenden Schwierigkeiten geben Anlass zu einer interessanten epistemologischen Diskussion. Dialectica Vol. 29, NO 4 (1975)

L'enseignement expérimental de la biologie: quelques problèmes épistémologiques

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L’enseignement expkrimental de la biologie: quelques probl5mes CpistCmologiques

Par Paul-Emile PILET

Risumi C’est B un mode d’enseignement de la Biologie B 1’UniversitC . . . les travaux pra-

riques, qu’est consacrk cet article. La forme, la nature et le contenu de ces c( exercices B peuvent varier d’une Universiti B l’autre.

NCanmoins, quelques rkgles gknkrales essentiellernent relatives aux mithodes pidagogiques pratiqukes et g leurs limites, semblent pouvoir itre dkgagies. La justifi- cation d’un tel enseignement est tout d‘abord l’objet de quelques remarques. Le choix des matihres B enseigner expkrimentalement - suivant les cycles d’ktudes concernis - suscite un certain nombre de commentaires critiques. Les objectifs et les contingences des travaux pratiques sont confrontks aux enseignements thioriques. Le choix des probltmes B traiter et les nombreux obstacles qui en dicoulent, donnent lieu B une discussion d’une portke kpistkmologique d’un grand intkr&t.

Summary This article is related to a way of teaching the practicals of Biology at the Uni-

versity. The form, the nature and the subject of these practicals can differ from one University to the other.

However, some general rules specially related to the pedagogical methods ern- ployed and to their limits could be drawn. At first the justification of such a teaching is forming the subject of some remarks. The choice of the subjects to be teached experimentally - according to the different grades in concern - is giving raise to a certain number of critical comments. The objects and the contingencies of practicals are compared to those of the theoretical teachings. The choices of the problems which have to be treated and the many obstacles which do consequently appear, induce a large discussion of an epistemological lsignificance of a great interest.

Zusammenfassung Dieser Artikel ist einer der Unterrichtsarten der Biologie an der Universitat, dem

sogenannten Praktikum, gewidmet. Form, Wesen und Inhalt dieser cuebungen, kon- nen verschieden sein je nach Universitat. Jedoch konnen einige allgemeine Regeln uber die angewandten padagogischen Methoden und deren Grenzen hervorgehoben werden.

Die Berechtigung eines solchen Unterrichts gibt vorerst Anlass zu einigen Be- merkungen. Die Wahl des Stoffes, der experimentell unterrichtet werden sollte - je nach dem betreffenden Studiengang - wird einer kritischen Untersuchung unter- zogen. Ziele und Anforderungen der Praktika werden mit denjenigen des theoretischen Unterrichts verglichen. Die Auswahl der zu behandelnden Probleme und die zu uber- windenden Schwierigkeiten geben Anlass zu einer interessanten epistemologischen Diskussion.

Dialectica Vol. 29, NO 4 (1975)

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A van t-Propos I1 faut bien reconnaitre que, 21 l’universit6 en particulier, les enseigne-

ments pratiques des sciences biologiques n’ont pas encore trouvC des struc- tures et un cadre qui puissent satisfaire h la fois les enseignants et les Ctudiants. Techniques pCdagogiques et programmes sont en discussion per- manente, ce qui pose, par ailleurs, en soi, d‘intiressants problbmes de mC- thode. I1 n’est, en effet, gutre facile de dispenser, tout en mCme temps, les connaissances de base ?i une clientble, h la fois diverse par sa formation et ses orientations, et d’apporter l’information spCcialisCe B ceux qui devien- dront des biologistes professionnels. I1 s’agit la d’un ensemble de problbmes pidagogiques fort complexes, dont les diverses solutions successivement proposCes Cvoluent elles-mCmes presque aussi rapidement que les acquisi- tions de la biologie moderne (1). NCanmoins, il convient de rappeler ici que les techniques d’enseignement, aussi bonnes soient-elles, et l’inventaire des probltmes B traiter, m6me s’il est fort judicieusement ClaborC, importent bien moins que la personnalitk de l’enseignant, de ses goijts et de ses talents pour communiquer ses connaissances et pour poursuivre ses recherches (2).

I1 ne sera pas question ici des problbmes posCs par le choix des pro- grammes de biologie h I’universitB qui ont donnC lieu B d‘innombrables con- troverses, encore ouvertes (3). Je ne discuterai pas non plus des avantages et des inconvinients relatifs aux divers modes d‘enseignement (cours ex-ca- fhedru ou en petits groupes, skminaires et colloques, etc.. .) qui, pCriodique- ment, sont contestis (4). Cette remise en question permanente des thkmes h enseigner et des mCthodes de communication tCmoigne, au niveau de la controverse pkdagogique, de cette constante option h l’ouverture ( 5 ) et dC- montre, B l’kvidence, que ce type de problkmes est essentiellement fluctuant et n’aboutira vraisemblablement jamais h une solution dCfinitive (6).

Le probZLme Le thtme h propos duquel, et succinctement, je voudrais consacrer cet

article porte sur un aspect de la biologie enseignCe au niveau acadkmique, celui de I’expCrience collective rCalisCe par I’Ctudiant lui-mCme et que l’on convient d‘appeler, depuis longtemps dCjh, les truvaux prutiques.

Disons d’emblCe que les commentaires qui vont suivre concerneront ex- clusivement une partie de la biologie, celle que je connais le mieux - la phytobiologie -, puisque je I’enseigne h 1’UniversitC de Lausanne depuis longtemps dCjB.

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Cycle I (niveau propCdeutique): Biologie cellulaire et vCgCtale Cycle I1 (niveau certificat): Physiologie vCgCtale Cycle I11 (niveau 3e cycle): Physiologie vCgCtale approfondie.

A chacun de ces niveaux correspondent des enseignements pratiques, en principe adapt& aux cuurs et exercices thCoriques, mais qui varient, par la forme, la nature et le contenu, d’un pays B l’autre (7). Ntanmoins, et c’est le but de cette Ctude, quelques rbgles gCnCrales peuvent &tre dCgagCes, qui permettront d’Cbaucher une discussion CpistCmologique des problkmes d’ensemble posts par la rialisation des travaux pratiques de biologie et les conceptions de l‘enseignement complet des sciences de la vie en gCnCral.

Importance et justification des travaux pratiques La biologie n’est plus cette science descriptive ou seule importait, avant

tout, une somme de connaissances livresques. L’expCrience qui, depuis long- temps, a participC B la mise en place de la plupart des concepts concernant le vivant (8) est entrCe dans l’enseignement universitaire pour y prendre une place toujours plus importante (9).

L’etudiant est appelC - B chacun des cycles considCrCs - B prendre part activement B la rkalisation d’un certain nombre d’expkriences scienti- fiques. Et chacun admettra, B ce propos, les conclusions du rapport du col- loque (sept. 1962) de La Tour-de-Peilz (10). <( Le travail en laboratoire: reveille un intCrCt qu’une leFon ex-cathedra est incapable d’Cveiller; ren- force la capacitC d’observation, la prkcision dans l’expression des rCsultats et le raisonnement; dCveloppe I’habiletC manuelle et le sens technique, qui sont d’une grande valeur Cducative; conduira tout naturellement B des dC- ductions et ensuite B d’autres problbmes, au sujet desquels d’autres expC- riences peuvent &tre imaginCes et ainsi les Ctudiants seront entrainCs aux mCthodes scientifiques. D

Objectifs et contingences

pendra de plusieurs facteurs parmi lesquels je relbverai: 11 est Cvident que le choix des thtmes pour ces travaux pratiques dC-

1. le nombre des Ctudiants et par consiquent les moyens expCrimentaux que Yon peut mettre B leur disposition;

2. leur niveau d’ttude, donc le cycle auquel ils appartiennent; 3. l’importance des connaissances acquises dans le cadre des sciences

de base.

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Ce dernier point ne fera ici l’objet que de peu de commentaires. I1 est Cvi- dent que la biologie - plus qu’aucune autre science - ne peut s’enseigner, et plus gCnCralement Ctre pratiquCe, sans s’appuyer sur un certain nombre de connaissances fondamentales en mathtmatiques, en physique et en chimie notamment. Ces sciences-supports sont particulikrement indispensables pour la presentation et l’analyse des faits biologiques au l o r cycle des Ctudes (11) et un questionnaire (12) ClaborC, en conclusion d’un prCcCdent fascicule de Diulecticu, avait fait tout spdcialement ressortir cet aspect de dkpendance de la biologie & l’bgard de disciplines voisines.

I1 est clair que les points 1 et 2, prCcCdemment CvoquCs, pourront Ctre regroupCs dans notre discussion. Celle-ci visera B prkciser d’une part les buts de ces enseignements pratiques, B chacun des niveaux d‘Ctude dCfinis. Elle fera ressortir les fucteurs dont ces enseignements dCpendent et qui sont tout & la fois d’ordre intellectuel, liCs alors aux dCveloppements des cours thtoriques notamment, et d’ordre muttriel (dCpendante surtout du nombre d’ktudiants, des surfaces disponibles, des moyens d’achat d’appareillage, etc. . .). Les probl2mes relutifs au 1” cycle

La muti2re des travuux prutiques devrait pouvoir Ctre intimement as- sociCe & celle des enseignernents thkoriques correspondants et illustrer, d’une faCon gknirale, les types de demarches fondamentales qui sont particulikre- ment le fait de l’investigution bidogique. Pour nous borner au domaine B propos duquel cette Ctude a CtC circonscrite, les grands thbmes de la bio- logie cellulaire feront l’essentiel du programme propCdeutique. Les notions de fonctions et de structures y seront intimement associCes (13). Et les Ctu- diants auront B d h u v r i r cette remarquable logique qui concerne tout B la fois la dkcouverte des principales notions de la biologie d’aujourd‘hui (14) et l’essentiel des propriCtCs qui difinissent le vivant lui-mCme (15). La prC- sentation des donntes les plus rCcentes ne devra pas 6viter une confronta- tion avec les acquisitions anciennes, sans toutefois tomber dans le travers des mCthodes pkdagogiques traditionnelles qui rCduisent l’histoire de la pen- sCe scientifique B un catalogue fastidieux bas6 exclusivement sur des compa- raisons le plus souvent simplistes et dkformantes (16).

A ce niveau de l’enseignement acadCmique, les ambitions sont larges et les perspectives fort diversifiees. Dans la mesure oh les enseignants sont prCts & assumer cette tdche difficile, le but pourra Ctre atteint sans beaucoup de difficult& relativement aux enseignernents thkoriques.

I1 n’en va pas de meme, malheureusement, pour les truvaux prutiques. Alors que dans ses cours, l’Ctudiant aura eu accbs & toute une sene de don-

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nCes gCnCrales souvent abstraites, il ne pourra gubre les apprkhender expC- rimentalement lui-mCme. Et ceci pour un certain nombre de raisons. Tout d’abord, il est impossible de rCaliser des travaux pratiques qui puissent as- surer a chacun des nombreux Ctudiants qui les frkquentent un contact direct avec des instruments compliquks. L’organisation des programmes pousse les responsables choisir des expkriences qui peuvent se faire avec un appa- reillage relativement modeste, accessible a chacun et assez nombreux pour que chaque Ctudiant puisse manipuler lui-mi2me. Et nous touchons lh a l’un des obstacles essentiels de l’enseignement pratique.

La technique exptrimentale doit &re - nous venons de le voir - ex- trimement simple. Ce n’est presque jamais le cas, par contre, des probltmes concernts. Et les mCthodes que 1’Ctudiant suivra pour mettre en Cvidence tel phenomkne risqueront de fournir des rksultats propos desquels une dis- cussion epistCmologique s’impose. Je laisserai de cBtC ceux qui apportent une confirmation aux notions dCveloppCes dans le cours. Mais - et c’est la question qui nous intkresse ici - dans un certain nombre de cas, les dOMkeS experimentales seront en dtsuccord avec celles que 1’Ctudiant aura assinlilies thkoriquement. Et je vois essentiellement deux raisons cela.

1. Tres frequemment, aux travaux pratiques, l’analyse portera sur un cas particulier correspondant a un mattriel biologique facile a mani- puler mais a propos duquel I’Ctudiant aura quelque difficult6 a intk- grer les proprietks dans un tout plus gCnCral envisagC forctment dans le cours.

2. Mais les divergences enregistrkes auront essentiellement pour origine des causes d’ordre technique. On peut en envisager quelques-unes. Tout d’abord, et malgrk les conseils donnCs, l’expkrimentateur dCbu- tant n’aura pas pris toutes les prCcautions indispensables pour mener a bien ses essais. Certaines nkgligences - apparemment sans impor- tance - compromettront la bonne marche de I’expCrience et entrai- neront des rksultats erronis. Mais, et sans que la responsabilitk de 1’Ctudiant soit en cause, il arrive aussi que la simplicitt meme de l’ap- pareillage implique 1’Climination de divers paramhtres dont il n’est pas toujours possible d’apprkcier l’importance immkdiate.

Un exemple concret pourra illustrer ce qui prkcbde. Imaginons que 1’Ctu- diant consacre quatre heures a analyser les effets de la longueur d’onde sur l’intensitk photosynthCtique d’une plante aquatique. I1 n’est pas rare, dans ce

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type de manipulation, que les rCsultats obtenus ne concordent pas exacte- ment avec les valeurs cohkrentes exposCes thtoriquement. En supposant que 1’6tudiant ait manipulC tout B fait correctement (ce qui arrive tout de m&me parfois!), il n’est pas difficile d’Cnumtrer les causes des discordances observkes:

1. Le matCriel biologique - sans que l’on puisse toujours s’en rendre compte - n’est pas nkcessairement en bon Ctat;

2. Le temps restreint dont 1’Ctudiant dispose ne lui permet pas de r6- pCter, avec d’autres plantes, ses essais qui, ainsi, ne seront pas sta- tistiquement assures;

3. Un certain nombre de paramktres techniques (rkgulation thermique, lumibre parasite, qualitCs des filtres dlectifs. . .) n’auront pas pu Ctre nicessairement maitrids.

4. L’exptrience trop b r k e - Ctant donnC le peu de temps rCservC h l’expkrience - ne permettra pas d’observer un processus qui pour- rait Ctre, dans les conditions d‘Ctude, plus lent.

Sans doute, les divergences observees dans les rtsultats obtenus (et en comparaison avec ceux qui illustrent l’enseignement thCorique) ne manque- ront pas de disorienter 1’Ctudiant inexpbrimentt. Celui-ci sera parfois tent6 - et surtout s’il n’est pas particulibrement motivC - de conclure hltive- ment. . . que 1’expCrience ne u marche N pas. En rCalitC, cette sorte d‘Cchec pourrait Ctre pkdagogiquernent trbs instructive. En effet, au lieu d’insister sur les valeurs donnCes par I’expCrience, 1’Ctudiant devrait s’attacher B la discussion des sources d’erreurs et Ctablir, en quelque sorte, un inventaire des diverses causes (matdriel, appareil, technique. . .) qui pourraient Ctre h l’origine des rksultats oontradictoires enregistrb. Et c’est 1B que l’assistant, charge de surveiller cet enseignement, peut Ctre appelC B jouer un r6le dCci- sif - encore faut-il que, lui aussi, soit suffisamment informC,et motivC.

Quoi qu’il en soit, je voudrais insister sur le fait qu’un enseignement pra- tique, au niveau propCdeutique, ne correspond pas h la conception idCale souvent CvoquCe que les experiences illustrant les enseignements thioriques. Le travail que 1’6tudiant est amen6 h faire en laboratoire a essentiellement pour but d’aborder, d’une faGon critique, les divers aspects de la rntthode exptrirnentule telle qu’elle doit Ctre pratiquCe sur les Ctres vivants.

Limit& dans leur technicitt, les enseignements pratiques de biologie au l e r cycle mettent en, valeur des dissyrnttries de concepts sur lesquelles il con- vient tout particulikrement d‘insister. Ce n’est donc pas l’accurnulation de

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rCsultats expkrimentaux, souvent discordants et contradictoires, qui fera l’in- tCr2t primaire des travaux pratiques de biologie propkdeutique, mais bien la discussion de la mtthode, 1’Cvaluation de ses limites et l’appriciation des causes d’erreur.

Les problbmes relatifs au 2 e cycle Au niveau du second cycle, des difficultts du mtme ordre doivent &tre

relevCes. Mais, paradoxalement, elles apparaissent en quelque sorte comme inverstes. Ici, 1’Ctudiant pourra affronter, dans les travaux pratiques, des problbmes trbs sptcialists et relatifs B des th2mes essentiellement restreints. I1 n’y aura plus, entre les enseignements thioriques et pratiques, au niveau de la comprChension des phCnombnes, les m&mes << trous >> que ceux qui mar- quaient les enseignements du l e r cycle. Les rCsultats des expCriences ne prC- senteront ni les incohirences, ni les contradictions prCcCdemment relevies. Les sujets des essais, rCalisks aux travaux pratiques, seront bien plus proches de ceux qui caractCrisent la recherche elle-meme. Par contre, oh les diffi- cultCs apparaissent, c’est au niveau mBme de I’exptrimentation. L‘Ctudiant avancC aura accks aux appareils les plus aptes B rksoudre le problkme post. I1 lui faudra passer beaucoup de temps B comprendre leur fonctionnement et B assimiler les techniques. Mais ceci fait, les problbmes de rkflexion rela- tifs B la comprChension m&me du thbme biologique seront alors relativement aisCs. A ce niveau de l’expCrimentation, le raisonnement par analogie pourra ktre appliquC sans grande difficult6 (17) et la discussion des rCsultats - d’autant plus conformes que le thbme lui-m&me sera proche de la recherche mentionnke dans les enseignements thkoriques - s’effacera, dans une cer- taine rnesure, devant I’analyse comparke des techniques, de leurs variantes et de leur sensibiliti.

Les problbmes relatifs au 3 e cycle Ici, nous ne sommes plus tout B fait au niveau de l’enseignement pratique

traditionnel. L‘Ctudiant a franchi les deux Ctapes prCcCdentes et, en simpli- fiant un peu, on serait amen6 B dire qu’il est capable maintenant, en prCpa- rant techniquement et scientifiquement sa thkse, de dominer, sans trop de problbmes, B la fois des questions de techniques classiques et des problbmes gCnCraux relatifs aux propriCtCs des organismes vivants.

Tout autre est, bien entendu, la finalit6 m&me de la recherche originale qui devra amener le doctorant B aborder certains problbmes inidits et ceci A l’aide de mkthodes nouvelles. Et IS, qu’il s’agisse du thbme de ses investiga-

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tions et des techniques B mettre au point, il se heurtera bien Cvidemment h des difficult& du m6me ordre que celles qu’il a - comme Ctudiant - ren- contrkes en essayant de relier les notions thCoriques acquises B celles que les travaux pratiques lui auront permis d’obtenir.

Conclusions gtnkrales C o m e les lignes qui prCcBdent ont essay6 de le montrer, les enseigne-

ments pratiques et thCoriques ne sont pas nkcessairement l’illustration rtci- proque de thkmes communs. De cette divergence dans les faits peut ndtre, pour les Ctudiants motivCs, une source extrsmement riche en rtflexions et les amener B soulever quelques problkmes d‘ordre mCthodologique (1 8) ou plus gCnCralement philosophique (19).

Les oppositions dans les informations reCues au cours des enseignements theoriques et pratiques, les contrastes entre les rtsultats obtenus et ceux qui ont servi de base B de vastes gCnCralisations me paraissent devoir poser un problbme tpistCmologique fondamental dont I’importance n’a pas toujours CtC relevCe avec l’attention qu’elle mCrite, lors des discussions portant sur la rtforme de l’enseignement des sciences biologiques. Ces discordances, sans doute intvitables, et qui changent de sens et d’amplitude d’un cycle B l’autre, devraient pouvoir 6tre mieux utilisCes pour la formation m6me de 1’Ctudiant. Le fait qu’au l e r cycle - et ma formule n’est Cvidemment qu’un raccourci - l‘exptrimentation simple n’empCche pas la complexitt du problbme pod, alors qu’au 2 e cycle, I’exptrience compliquke ne concerne gknkralement qu’une question restreinte, devrait amener l’ttudiant B une rCflexion sur la relativitC des notions exPCrimentales et des donnCes qui en dCcoulent.

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