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TECHNIQUE / TECHNIQUE L entéro-IRM : comment et quand la réaliser ? comment linterpréter ? MR Enterography: How and when perform it? How interpret it? C. Strauss © Springer-Verlag France 2013 Résumé L entéro-IRM est devenue ces dernières années lexamen dimagerie recommandé pour lexploration du tube digestif grêle. L examen, actuellement bien protocolé, nécessite le remplissage du grêle par un produit non réab- sorbé et lutilisation dun inhibiteur du péristaltisme. Sa valeur est reconnue dans le diagnostic et le suivi de la mala- die de Crohn. Son caractère non irradiant le fait recomman- der de première intention dans cette indication. Son apport est intégré dans létablissement dun nouveau score déva- luation de la maladie. Mots clés Intestin grêle · Entéro-IRM · Maladie de Crohn Abstract MR enterography became last years gold standard technique for small bowel imaging. Quality of the examina- tion depends on adequate distension of the small bowel obtained after ingestion of enteric contrast and use of anti- peristaltic agents. Its accuracy is established in the diagnosis and follow-up of patients with Crohns disease. It is recom- mended in first line in Crohns disease because of the absence of iomizing radiations. MR enterography is also the imaging technique used in determination of the Crohns disease Digestive Damage Score. Keywords Small bowel · MR enterography · Crohns disease Introduction Les imageries en coupe, scanner et IRM, ont pris le relais du transit du grêle au cours des dernières années. Ces examens permettent dexplorer la paroi intestinale dans toute son épaisseur et lensemble de la cavité abdominale, ce que ne peuvent faire ni le classique transit du grêle, ni les explora- tions endoscopiques. En raison de son caractère non- irradiant et de sa meilleure résolution en contraste lentéro- IRM tend actuellement à supplanter lentéroscanner dans les pathologies chroniques du tube digestif. Dans cette mise au point technique, nous traiterons des modalités pratiques de réalisation de lentéro-IRM, des éléments de base de son interprétation et de ses indications cliniques. Technique de réalisation Pour que les parois des anses grêles soient bien visibles, les anses doivent être remplies de liquide. Une préparation du patient est donc nécessaire. Le protocole suivant est le plus couramment utilisé Le patient est à jeun depuis 4 heures. Une solution non absorbée par les parois digestives est ingérée : il peut sagir de Mannitol à 5% ou de Polyethy- lène Glycol (Colopeg ® , Bayer; ou Klean Prep ® , Norgine Pharma). La dose est comprise entre 1 l et 1,3 l selon ce que peut boire le patient. Le patient doit être prévenu de la survenue possible dune diarrhée dans les suites immédiates de lexamen. Une voie dabord veineuse est mise en place Le patient est installé sur la table dIRM 20 à 30 minutes après le début de labsorption du produit. Une antenne de surface est utilisée. Le patient est ainsi placé entre 2 antennes de taille identique qui recouvrent sur ses 2 faces la région abdomino-pelvienne. Il est installé en procubitus, afin de réaliser un certain étalement des anses grêles. De plus le procubitus réduit le diamètre antéro-postérieur de labdomen ce qui facilite lacquisition. Les bras sont au-dessus de la tête. Actuelle- ment certains réalisent finalement lexamen en décubitus dorsal pour réduire son inconfort. C. Strauss (*) Département dImagerie diagnostique et interventionnelle, Institut Mutualiste Montsouris, 42, boulevard Jourdan, 75014 Paris e-mail : [email protected] Colon Rectum (2013) 7:169-175 DOI 10.1007/s11725-013-0464-8

L’entéro-IRM: comment et quand la réaliser ? comment l’interpréter ?

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TECHNIQUE / TECHNIQUE

L’entéro-IRM : comment et quand la réaliser ? comment l’interpréter ?

MR Enterography: How and when perform it? How interpret it?

C. Strauss

© Springer-Verlag France 2013

Résumé L’entéro-IRM est devenue ces dernières annéesl’examen d’imagerie recommandé pour l’exploration dutube digestif grêle. L’examen, actuellement bien protocolé,nécessite le remplissage du grêle par un produit non réab-sorbé et l’utilisation d’un inhibiteur du péristaltisme. Savaleur est reconnue dans le diagnostic et le suivi de la mala-die de Crohn. Son caractère non irradiant le fait recomman-der de première intention dans cette indication. Son apportest intégré dans l’établissement d’un nouveau score d’éva-luation de la maladie.

Mots clés Intestin grêle · Entéro-IRM · Maladie de Crohn

Abstract MR enterography became last years gold standardtechnique for small bowel imaging. Quality of the examina-tion depends on adequate distension of the small bowelobtained after ingestion of enteric contrast and use of anti-peristaltic agents. Its accuracy is established in the diagnosisand follow-up of patients with Crohn’s disease. It is recom-mended in first line in Crohn’s disease because of theabsence of iomizing radiations. MR enterography is alsothe imaging technique used in determination of the Crohn’sdisease Digestive Damage Score.

Keywords Small bowel · MR enterography · Crohn’sdisease

Introduction

Les imageries en coupe, scanner et IRM, ont pris le relais dutransit du grêle au cours des dernières années. Ces examenspermettent d’explorer la paroi intestinale dans toute sonépaisseur et l’ensemble de la cavité abdominale, ce que nepeuvent faire ni le classique transit du grêle, ni les explora-

tions endoscopiques. En raison de son caractère non-irradiant et de sa meilleure résolution en contraste l’entéro-IRM tend actuellement à supplanter l’entéroscanner dans lespathologies chroniques du tube digestif. Dans cette mise aupoint technique, nous traiterons des modalités pratiques deréalisation de l’entéro-IRM, des éléments de base de soninterprétation et de ses indications cliniques.

Technique de réalisation

Pour que les parois des anses grêles soient bien visibles, lesanses doivent être remplies de liquide. Une préparation dupatient est donc nécessaire.

Le protocole suivant est le plus couramment utilisé

Le patient est à jeun depuis 4 heures.

Une solution non absorbée par les parois digestives estingérée : il peut s’agir de Mannitol à 5% ou de Polyethy-lène Glycol (Colopeg®, Bayer; ou Klean Prep®, NorginePharma). La dose est comprise entre 1 l et 1,3 l selon ceque peut boire le patient. Le patient doit être prévenu de lasurvenue possible d’une diarrhée dans les suites immédiatesde l’examen.

Une voie d’abord veineuse est mise en place

Le patient est installé sur la table d’IRM 20 à 30 minutesaprès le début de l’absorption du produit.

Une antenne de surface est utilisée. Le patient est ainsiplacé entre 2 antennes de taille identique qui recouvrent surses 2 faces la région abdomino-pelvienne.

Il est installé en procubitus, afin de réaliser un certainétalement des anses grêles. De plus le procubitus réduitle diamètre antéro-postérieur de l’abdomen ce qui facilitel’acquisition. Les bras sont au-dessus de la tête. Actuelle-ment certains réalisent finalement l’examen en décubitusdorsal pour réduire son inconfort.

C. Strauss (*)Département d’Imagerie diagnostique et interventionnelle,Institut Mutualiste Montsouris, 42, boulevard Jourdan,75014 Parise-mail : [email protected]

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Acquisition et début de l’examen

Les séquences sont réalisées en apnée, d’une vingtaine desecondes à chaque fois.

Le protocole de base comporte :

• des séquences de repérage,

• des séquences en pondération T2, dans le plan axial etdans le plan coronal,

• des séquences hybrides en écho de gradient (appeléeFiesta, TrueFisp, balanced FFE, TrueSSFP selon le cons-tructeur) dans le plan axial et dans le plan coronal,

• des séquences ciné dans le plan coronal, correspondant àl’acquisition de plusieurs images à chaque coupe, sur latotalité de l’abdomen.

Ensuite une injection intraveineuse d’un inhibiteur dupéristaltisme est pratiquée : 1mg de glucagon (soit 1 ampoulede 1 ml de Glucagen®, Novo Nordisk Bagsvaerd, Denmark)ou 20 mg de bromure de butylhyoscine (soit une ampoulede 1 ml de Buscopan®, Boehringer Ingelheim, Ingelheim,Germany).

Puis l’examen se poursuit et se termine par des séquencesT1 dans le plan coronal, d’abord sans injection de produitde contraste, puis après injection de gadolinium à la dosede 0,2 mmol/kg, à la seringue automatique. Ces dernièresséquences sont acquises en mode volumique (pour obtenirdes coupes fines chevauchées qui permettront de réaliser desreconstructions dans d’autres plans).

L’acquisition réalisée selon ce protocole de base dure autotal de 20 à 25 minutes. Il faut y rajouter le temps de lapréparation, soit 1/2 heure supplémentaire environ. Le patientest donc dans le service d’imagerie pour 1 heure environ. Sacoopération est indispensable pour la réalisation d’un examende qualité.

Les remarques suivantes doivent être faites, elles introdui-sent plusieurs variantes possibles.

Le remplissage des anses grêles peut être fait par entéro-clyse : une sonde naso-jéjunale est mise en place, souscontrôle scopique, et 1,5 à 2 l de produit sont infusés dansles anses grêles, avec une pompe dédiée. Cette techniqued’entéro-IRM par entéroclyse permet généralement un rem-plissage de meilleure qualité des anses jéjunales. Dans lesaffections inflammatoires du tube digestif, elle permet unmeilleur diagnostic des formes précoces par la visibilité desulcérations superficielles [1].

La supériorité sur ce point ne compense probablement passes inconvénients : lourdeur de l’examen, inconfort pour lepatient, nécessité d’une certaine irradiation pour la mise enplace de la sonde naso-jéjunale. Ce d’autant que l’examenpar vidéo-capsule endoscopique (VCE) a une meilleuresensibilité que tous les examens d’imagerie pour la détec-tion des ulcérations superficielles [2,3].

Trois types d’opacification des anses sont possibles,influençant le signal de la lumière digestive :

• produits de contraste dits positifs : produits donnant unhypersignal endoluminal en pondération T1 (chélates degadolinium, jus de myrtille),

• produits de contraste négatifs donnant un hyposignal de lalumière en pondération T2 (produits superparamagnéti-ques à bases de nanoparticules d’oxyde de fer),

• produits dits biphasiques. Les produits dits biphasiques(Mannitol, Polyéthylène Glycol) donnent une lumière enhypersignal en pondération T2 et une lumière en hyposi-gnal en pondération T1 (Fig. 1). Ainsi les anomalies parié-tales, généralement en hypersignal sur les séquences T1injectées, seront plus facilement visibles contrastant avecl’hyposignal de la lumière digestive. Ces produits sont lesplus utilisés actuellement.

Les séquences injectées sont réalisées à un délai variableaprès le début de l’injection selon les centres. Une seuleséquence est indispensable, réalisée de 70 à 90 secondesaprès le début de l’injection. Néanmoins, en l’absence detoxicité, il est souvent réalisé 2 autres séquences : uneséquence précoce une vingtaine de secondes après le débutde l’injection et une séquence tardive de 3 à 8 minutes aprèsle début de l’injection. Ceci permet d’accroître le degré deconfiance dans l’identification des anomalies et d’apprécierl’état des structures vasculaires mésentérico-portes.

Les séquences de diffusion ne font pas encore partie duprotocole de base de l’entéro-IRM. Leur apport n’est pasencore évalué dans des études importantes, mais sembleintéressant en particulier pour les patients ne pouvant avoird’injection de produit de contraste [4].

La taille des antennes et les paramètres techniquesd’acquisition de l’entéro-IRM font que l’examen est centrésur le grêle et ne permet pas d’étudier de façon optimale dans

Fig. 1 Le grêle est opacifié avec un produit biphasique. (A)

séquence FIESTA : la lumière est hyper-intense et la paroi normale

est hypo-intense ; (B) en pondération T1, après injection de Gadoli-

nium : la lumière est hypo-intense et la paroi est hyper-intense

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le même temps les organes pleins sus-mésocoliques et/oule périnée.

Interprétation de l’examen

Comme pour tous les examens en coupes actuellement,l’interprétation se fait à la console de traitement d’images,permettant de corréler les séquences, de visualiser les séquen-ces en mode ciné, de faire des reconstructions dans un autreplan que le plan d’acquisition ...

On jugera de la qualité de l’examen dans sa globalité avecvérification de la qualité du remplissage des anses grêles,jusqu’à la jonction iléo-caecale.

A chaque type de séquence correspond une sémiologiespécifique :

• sur les séquences en pondération T2 : les parois des ansesnormales ont un signal hypointense, contrastant avec unelumière en hypersignal. Les anomalies situées dans laparoi seront en hypersignal plus ou moins intense, qu’ils’agisse d’anomalies inflammatoires, tumorales, ou (encas de fistule) de passage anormal du liquide intraluminaldans l’épaisseur de la paroi,

• sur les séquences ciné : normalement le péristaltisme esttrès bien visible au cours de la séquence : le calibre del’anse est en constante variation et l’anse est bien mobile,

• sur les séquences T1 : la lumière des anses est en hypo-signal, la paroi des anses est en hypersignal relatif parrapport à la lumière. La paroi du grêle normal fixe le pro-duit de contraste dans toute son épaisseur, de façon homo-gène. La différence de contraste entre la paroi et la lumières’accentue avec l’injection de gadolinium,

• sur les séquences T1 avec injection : l’anatomie et la per-méabilité des axes artériels et veineux mésentériquessupérieurs est analysable,

• sur toutes les séquences :– la paroi est normalement d’épaisseur inférieure ou

égale à 3 mm,– la graisse du mésentère est homogène. Elle apparaîtra

blanche sur les séquences sans saturation de la graisse,c’est-à-dire sans effacement de l’hypersignal normal dela graisse. C’est le cas habituellement des séquencespondérées en T2 et des séquences hybrides et ciné. Elleapparaîtra noire sur les séquences T1 réalisées avecsaturation du signal graisseux (séquences de l’acquisi-tion avec injection de Gadolinium),

– normalement seuls les vaisseaux mésentériques d’unecertaine taille sont visibles. Les vaisseaux strictementau contact des anses normales ne sont pas visibles,

– les anses sont normalement harmonieusement répartiesdans la cavité abdomino-pelvienne avec des espacesinter-anses de taille constante,

– le volume des ganglions mésentériques visible seraapprécié.

Les anomalies élémentaires

L’épaississement des parois

Les valeurs normales sont discutées, mais comme précédem-ment indiqué on considère le plus souvent qu’une ansenormale a une paroi de 3 mm ou moins. Il est rare que lamaladie touche l’ensemble du grêle et le caractère patholo-gique d’une épaisseur pariétale se juge le plus souvent et leplus facilement en comparant avec les anses de voisinage.

Les anomalies de rehaussement de la paroi

Elles peuvent être de 3 types :

• rehaussement hyperintense homogène (Fig. 2),

• rehaussement stratifié (en cocarde), avec distinction de2 ou 3 couches de signal différent (Figs. 3, 4),

• rehaussement hypointense homogène.

Ces anomalies de rehaussement se jugent également parrapport aux anses de voisinage. L’aspect stratifié du rehaus-sement se voit en cas d’épaississement anormal de la couchesous-muqueuse : couche sous-muqueuse hypointense oedé-matiée ou siège d’une hyperplasie graisseuse.

Fig. 2 Séquence T1 après injection de gadolinium. Rehaussement

anormal avec prise de contraste homogène de la totalité d’une paroi

d’épaisseur pathologique

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Il n’y a pas actuellement de critères objectifs reproducti-bles pour quantifier l’intensité d’une prise de contrastepariétale :

• les anomalies des limites externes de la paroi sur le tempstardif avec un aspect flou [5],

• les ulcérations repérées par un hypersignal intrapariétalsur les séquences T2 et un hyposignal intrapariétal surles séquences T1, plus ou moins profondes, restant limi-tées à la paroi (Figs 5, 6),

• les pseudodiverticules : dilatation, généralement du bordantimésentérique, d’une anse ayant des signes de fibrose

rétractile sur son bord mésentérique (Fig. 7) dans le cadred’une maladie inflammatoire chronique de l’intestin(MICI),

• les anomalies de calibre : une anse grêle de plus de 3 cmde diamètre est considérée comme anormalement dilatée.

Une sténose doit être différenciée d’une anse simplementcollabée : elle doit être visible sur plusieurs séquences. Unesténose dans le cadre d’une maladie inflammatoire du grêleest toujours associée à une anomalie de rehaussement de saparoi.

Fig. 3 Séquence T1 après injection de gadolinium. Rehaussement

anormal avec aspect stratifié en 2 couches

Fig. 4 Séquence T1 après injection de gadolinium. Rehaussement

anormal avec aspect stratifié en 3 couches

Fig. 5 Séquence T1 après injection de gadolinium. Anse à paroi

épaissie, avec rehaussement pathologique stratifié en 2 couches

(flèche pleine) et ulcération n’atteignant pas la surface de la paroi

(flèche pointillée)

Fig. 6 Ulcération profonde atteignant la surface de la paroi, mais

ne la dépassant pas. (A) en séquence Fiesta : hypersignal intrapé-

riétal ; (B) en séquence T1 après injection : hyposignal intrapériétal

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L’appréciation du retentissement de la sténose se fait encomparant le calibre de l’anse avant et après la sténose. Lecalibre des anses est identique en cas de sténose sans reten-tissement fonctionnel significatif :

• les anomalies de mobilité des anses : une anse patholo-gique dans le cadre d’une MICI apparaît immobile,comme fixée, sur les séquences ciné,

• les anomalies du mésentère :– aspect peigné («comb sign») au cours des MICI par

visibilité des vaisseaux au contact d’une anse patholo-gique hyperhémiée (Fig. 8),

– sclérolipomatose du mésentère avec un épaississementdu mésentère, éloignant les anses normales des ansespathologiques,

– les fistules transmurales : vers le mésentère, vers unorgane creux de voisinage (anse grêle, segment colique,vessie) ou vers la peau,

– les adénomégalies du mésentère.

Les indications cliniques de l’entéro-IRM

L’entéro-IRM est devenue au cours de ces dernières annéesun examen protocolé, reproductible, acceptable pour lepatient et de valeur diagnostique reconnue comme équiva-

lente à celle de l’entéroscanner dans les maladies inflamma-toires.

Par rapport à l’entéroscanner l’examen a l’inconvénientd’être plus long, plus pénible pour le patient, et d’être moinsfacilement accessible en pratique courante.

Mais il a, par contre, les avantages suivants :

• pas d’irradiation,

• pas de produit de contraste néphrotoxique,

• possibilité de réaliser une étude dynamique du tubedigestif,

• possibilité de répéter les séquences.

L’entéro-IRM est donc naturellement devenu l’examenprivilégié au cours de la maladie de Crohn, pathologie tou-chant une population jeune, qui sera soumise à des examensitératifs.

Dans ce cadre on lui reconnaît actuellement les indica-tions suivantes.

En cas de suspicion de maladie de Crohn

• L’entéro-IRM a sa place dans l’établissement du diagnos-tic de la maladie, qui repose sur le regroupement de plu-sieurs éléments,

• La sensibilité et la spécificité de l’entéro-IRM dans lediagnostic de la maladie varie respectivement de 88 à98% et de 78 à 100% selon les études [6,7].

Fig. 7 Séquence T1 après injection de gadolinium. Pseudodiverti-

cule par dilatation du versant antimésentérique de l’anse

Fig. 8 Séquence T1 après injection de gadolinium. Récidive

de maladie de Crohn en amont d’une anastomose iléo-colique :

augmentation de calibre des vaisseaux au contact de l’anse patho-

logique donnant un aspect de peigne

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Une étude prospective a montré qu’il n’y avait pas dedifférence significative dans le diagnostic de la maladie entrel’entéro-IRM par ingestion de contraste et par entéroclyse,malgré un moins bon remplissage des anses par ingestion ducontraste [8].

La sensibilité de l’entéro-IRM est identique à celle del’entéroscanner dans la détection des signes d’iléiite inflam-matoire [9,10].

Tous ces éléments sont pris en compte dans les recom-mandations établies par l’European Crohn’s and ColitisOrganisation et la World Endoscopy Organization selon les-quelles, en cas de suspicion de maladie de Crohn et d’exa-mens endoscopiques normaux, l’entéro-IRM sera réaliséeavant l’exploration par vidéocapsule endoscopique [2].

En cas de maladie de Crohn connue

Un examen en coupes, et donc préférentiellement une IRM,est initialement pratiqué pour évaluer la topographie et lasévérité des lésions.

Dans une série comparant entéroscanner et entéro-IRM[10], la réalisation d’un examen d’imagerie en coupes aapporté des données nouvelles par rapport aux données del’endoscopie dans 33% des cas (iléocoloscopie incomplète,atteinte du grêle en amont d’un iléon terminal normal, oulésion pariétale profonde avec muqueuse normale). L’atteintefistulisante est fréquente et non suspectée par les examenscliniques et biologiques dans 50% des cas [11,12].

Basée sur une série chirurgicale, la sensibilité, la spécifi-cité, et l’exactitude de l’entéro-IRM dans le diagnostic defistule est respectivement de 88, 93 et 91% [5]. L’entéro-IRM est l’examen actuellement recommandé par l’EuropeanCrohn and Colitis Organization à la recherche de fistule [13].

Sa valeur est également reconnue pour le diagnostic desténose [13].

Maladie de Crohn en cours de traitement

Depuis l’avènement des biothérapies par antiTNF alpha, lesstratégies thérapeutiques permettant de traiter les symptômeset d’éviter l’évolution vers la destruction digestive ne sontpas encore clairement définies et validées.

Diverses études ont montré qu’une bonne corrélationexistait entre les anomalies IRM et les signes d’activité dela maladie évalués par des scores clinico-biologiques(Crohn’s Disease Activity Index CDAI, index de HarveyBradshaw) ou endoscopiques (Crohn’s Disease EndoscopicIndex of Severity CDEIS) [14].

Selon les études basées sur l’examen histologique des piè-ces de résection, une corrélation est également retrouvéeentre le degré d’activité de la maladie et les anomalies sui-vantes : degré d’épaississement de la paroi, intensité de laprise de contraste sur le temps tardif, hypersignal pariétal

sur la séquence T2, bords flous des parois digestives sur letemps tardif, fistule et abcès [5,15,16]. Cependant les résul-tats sont variables selon les études et il n’y a actuellementaucun consensus validé définissant des critères IRM d’acti-vité de la maladie. Dans deux séries basées sur l’analyse depièces de résection on a montré qu’il existait également unecorrélation entre inflammation et fibrose [5,15]. Il s’avèrequ’il est probablement inadapté de vouloir séparer l’un del’autre.

Actuellement, en l’absence de score IRM d’activité de lamaladie validé, le monitoring du traitement par l’analyse desanomalies IRM est individuel.

Récemment le concept plus large, plus proche de la réalitéclinique et du génie évolutif de la maladie, d’un score dedestruction digestive a été élaboré et est en cours de valida-tion [17]. Ce score (appelé score de Lémann) prend encompte, entre autres, l’état de la totalité de la paroi digestiveet les atteintes transmurales (fistules et abcès). Un examenpar IRM sera réalisé chez tous les patients pour l’établisse-ment du score, quelle que soit la localisation de la maladie.

L’évaluation de la maladie par ce score, incluant la réali-sation d’entéro-IRM, permettra également d’évaluer lesrésultats thérapeutiques de nouveaux essais cliniques.

Lors d’épisodes aigus

Lorsque que la symptomatologie clinique fait suspecterune complication de type occlusion ou abcès, l’examen parscanner reste encore le plus souvent réalisé de premièreintention, du fait de la disponibilité supérieure de la tech-nique et de sa plus grande rapidité et facilité de réalisationet d’interprétation.

Après une résection intestinale

L’entéro-IRM a la même valeur pour le diagnostic de réci-dive que lors du diagnostic initial de la maladie et la sémio-logie est identique. Elle peut être recommandée comme alter-native à l’endoscopie dans le dépistage de la récidive [13].

Dans la recherche d’adénocarcinome

Comme complication à long terme de la maladie l’entéro-IRM n’apporte pas de spécificité. Un adénocarcinome surve-nant sur maladie de Crohn ancienne peut avoir exactement lemême aspect en imagerie qu’une anse pathologique d’aspectsimplement inflammatoire [18].

Indications de l’entéro-IRM en dehors de la maladiede Crohn

L’entéro-IRM peut être réalisée pour :

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• exploration d’un saignement digestif inexpliqué occulteavant une exploration par vidéocapsule endoscopique sil’on suspecte une sténose,

• au cours des entérites en dehors de la maladie de Crohn :entérites des vascularites, entérite ischémique,

• exploration de syndromes occlusifs ou sub-occlusifs.

Les indications sont donc identiques à celles de l’entéro-scanner, et le choix de l’examen, scanner ou IRM, sera fonc-tion de divers éléments : état du patient et degré d’urgence,suspicion de pathologie tumorale dont le bilan nécessiteraobligatoirement un scanner, âge du patient, ...

Conclusion

L’entéro-IRM est devenue, au cours des dernières années,l’examen d’imagerie recommandé pour l’étude des patholo-gies inflammatoires du tube digestif, du diagnostic à la sur-veillance sous traitement. Sa place devrait encore s’accroîtredu fait de son innocuité et de son caractère actuellement bienprotocolé. Son rôle dans le monitorage du traitement seraencore accru par la place qu’il occupe dans l’établissementd’un nouveau score d’évaluation de la maladie.

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