Préface

Comme toute discipline scientifique, l’épidémiologie a son bagage de concepts particuliers et de méthodes distinctives. Les instruments de connaissance qu’ils représentent concourent à déterminer une méthodologie (épidémiologique) dont l’apprentissage s’avère, de nos jours, pratiquement indispensable quand on entreprend de planifier et de mener des études qui portent sur les problèmes de santé dans les populations humaines. Pour démarrer sur un bon pied une recherche dans le domaine de la santé et la conduire à terme sans (trop) y perdre pied, il faut parvenir à un minimum de compétences épidémiologiques. À cet égard, L’Épidémiologie sans peine est un ouvrage d’introduction judicieusement gradué, ponctué, qui permet au débutant ou au lecteur qui a besoin de rafraîchir sa mémoire de rencontrer aisément les principaux usages épidémiologiques, en plus d’agréable façon et en excellente compagnie.

Le livre commence en effet par un dialogue entre Anna-Lise, douée d’un bel esprit d’analyse, et le docteur E. Pidémio, désireux, par nécessité et par intérêt, d’être formé à l’épidémiologie. C’est la première partie de l’ouvrage. De leur conversation émergent progressivement un certain nombre des éléments qui caractérisent l’approche méthodologique en épidémiologie. L’entretien est plein de découvertes qui éclairent fondamentalement la démarche intellectuelle pour décrire, analyser et comprendre les problèmes de santé. Les deux sympathiques personnages vont toutefois devoir mettre fin au fructueux tête-à-tête amical qui avait suivi leur rencontre inattendue. La seconde tranche du livre s’engage, et la rédaction se fait maintenant plus classique. Cette fois-ci, les idées exprimées dans la première partie sont agencées suivant un ordre plus calculé. Elles jouissent alors d’un traitement plus familièrement traditionnel. On précise le sens technique des termes utilisés, on distingue les principales branches de l’épidémiologie. Les différentes méthodes ou stratégies d’étude sont clarifiées, on commente les plus importants biais qui peuvent se retrouver dans une étude. On fait une place à l’évaluation de la qualité des données et des procédures de diagnostic et de dépistage, ainsi qu’aux notions qui s’y rattachent comme la sensibilité, la spécificité et les valeurs prédictives.

Une des originalités du présent volume est donc sa double composition, donnant ainsi l’occasion au lecteur d’être imprégné par deux reprises des idées à l’œuvre en épidémiologie. En suivant en premier lieu les aventures de deux personnages et en écoutant leurs propos de circonstance, le lecteur apprend peu à peu ce que sont les attributs de

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la pratique épidémiologique. Ensuite, le texte emprunte un parcours plus habituel, davantage ajusté à ce qui ressemble à une représentation courante des concepts et des manières de faire en épidémiologie.

La clarté de l’exposé et la concision du volume pourront séduire les praticiens et les professionnels de la santé de toutes disciplines qui ont besoin d’acquérir, rapidement, les bases de la méthodologie épidémiologique, ne serait-ce que pour être des lecteurs avertis de la littérature médicale dans son sens large. La lecture du manuel pourra contribuer avantageusement à la formation des étudiants pour qui l’épidémiologie est avant tout une science d’appoint à leur champ d’étude respectif. Pour les étudiants qui veulent devenir épidémiologistes, l’ouvrage devrait les préparer adéquatement à poursuivre des études approfondies.

La qualité pédagogique, l’absence de formalisme mathématique et le caractère initiateur du livre du Professeur Marcel Goldberg et de ses collaborateurs devraient lui permettre de connaître une large diffusion.

C. LAPOINTE, professeur Université Laval, Québec

Avertissement

Ce qu’est ce livre... L’objectif de cet ouvrage est de permettre au lecteur de prendre un premier contact avec l’épidémiologie, de se familiariser avec ses principaux concepts et ses méthodes les plus usuelles. Il faut donc préciser ce que contient ce livre et ce qu’il ne contient pas.

Il a été conçu avant tout comme un glossaire des principaux termes utilisés par l’épidémiologie. On a, de plus, voulu présenter ces termes dans leur contexte, afin d’éviter une liste de définitions qui, désinsérées de la problématique générale de l’épidémiologie, risqueraient d’être très formelles, éventuellement mal comprises ou mal interprétées. C’est donc un glossaire réfléchi, qui voudrait ne pas se contenter de définir des mots, mais faire comprendre l’ensemble de la démarche épidémiologique qui seule donne leur véritable sens à ceux-ci.

Plus concrètement, le but que se sont fixé les auteurs est qu’un lecteur ayant assimilé les notions présentées ici devienne également un lecteur averti de la littérature médicale, capable d’exercer son sens critique face à la multiplication des publications et des discours qui font référence aux méthodes épidémiologiques (d’une façon plus ou moins justifiée).

Cet ouvrage s’adresse donc à tous ceux qui, non formés à l’épidémiologie pendant leurs études, sont aujourd’hui confrontés à l’invasion de celle-ci dans tous les domaines de la médecine et de la santé publique.

Mais ce livre n’est pas seulement un instrument de formation continue : il peut être également utilisé par les étudiants en médecine, qui ont dorénavant des questions d’épidémiologie au programme du second cycle. Le niveau d’approfondissement des notions présentées ici correspond en effet à celui des objectifs de ce programme.

... et ce qu’il n est pas

Un petit livre visant à exposer à un public de non-initiés les principaux concepts et méthodes de l’épidémiologie ne saurait traiter tous les aspects de cette science.

Ainsi, il est consacré uniquement à la méthodologie générale, et n’aborde pas du tout les connaissances acquises par l’épidémiologie à propos de telle pathologie, de tel facteur de risque ou de telle population.

S’il ne traite pas des faits, ce livre n’a pas non plus l’ambition de donner à son lecteur les moyens d’un savoir-faire lui permettant de se transformer d’emblée en épidémiologiste. N’oublions pas qu’il faut, comme dans toutes

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les disciplines scientifiques, de nombreuses années de formation et d’expérience pour devenir un véritable professionnel. Si le texte présente parfois des situations qui semblent réelles et qui envisagent des aspects pratiques de la réalisation des enquêtes épidémiologiques, c’est avant tout pour rendre plus concrètes des notions qui par ailleurs peuvent paraître bien ardues. C’est aussi pour mettre le lecteur en garde contre les pièges les plus habituels que rencontre l’épidémiologiste sur le terrain, et lui permettre une vision plus vivante de la mise en oeuvre de concepts abstraits.

Enfin, il faut mettre en garde le lecteur contre une confusion des plus courantes parmi le public non averti, qui consiste à confondre épidémiologie et statistique. La statistique est une science autonome, qui a de nombreuses applications, notamment dans le domaine de la santé. L’épidémiologie, quant à elle, utilise très largement les méthodes statistiques ; mais elle a son propre domaine d’investigation, sa problématique particulière et des méthodes spécifiques. C’est pourquoi cet ouvrage, consacré à l’épidémiologie, ne traite pas des méthodes statistiques. Seules les notions statistiques les plus fondamentales (sondages, tests et estimations) sont abordées, car elles sont le fondement même des méthodes épidémiologiques essentielles. Mais on ne trouvera ici aucune formule, aucun calcul statistique.

Deux parties principales

La première, Les aventures du Dr E. Pidémio et son amie Anna-Lise, reprend, avec quelques modifications et quelques ajouts, une série d’articles parus entre mars 1 983 et mars 1984 dans la revue Prescrire. II s’agit d’une succession d’épisodes à suivre qui (hormis le premier) mettent en scène deux personnages (et quelques acolytes). On a essayé de cette façon de rendre plus aisée la compréhension des concepts et des méthodes, en les présentant en situation en quelque sorte. Cette partie est donc à lire en premier : elle a comme objectif de faciliter le premier contact avec la méthodologie épidémiologique et de poser les principaux jalons. Cependant, les nécessités techniques de la mise en scène ne permettent pas d’aborder tous les aspects des notions ainsi illustrées. De plus, elles obligent à présenter certains points de façon dispersée : le sujet est abordé dans un épisode, il est repris et complété plus loin, etc. Si cela n’est pas gênant — au contraire — lors d’une première lecture visant à familiariser le lecteur avec une méthodologie nouvelle pour lui, il est par contre difficile de retrouver, dans un second temps, l’explication de certaines notions dispersées dans plusieurs épisodes et noyées dans un dialogue.

C’est pourquoi la seconde partie, (Presque) toute l’épidémiologie en bref, reprend l’ensemble des notions présentées, sous la forme traditionnelle d’un cours académique. Outre l’intérêt de permettre de développer certains points traités de façon trop superficielle (voire absents) dans la première partie, il s’agit ici de permettre une seconde lecture plus aisée. Le lecteur qui recherchera une définition, l’explication de tel type d’enquête, pourra ainsi y accéder plus facilement (grâce à un index et au rappel dans la marge

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de la matière traitée dans le texte), et en faire une lecture plus directe. Enfin, les notions sont regroupées d’une façon plus logique et plus homogène.

On a donc deux livres en un... Ils sont complémentaires, mais conçus pour être utilisés indépendamment : le premier est à lire, le second à travailler... pour ceux qui le souhaiteraient !

L’accès à cet ouvrage est facilité par un index qui renvoie aux pages où sont traités les termes. Il faut noter que la terminologie épidémiologique est parfois floue : certains termes sont obscurs, il existe souvent des termes synonymes, etc. Nous nous sommes efforcés de choisir des termes qui ne prêtent pas à controverse, et nous avons également (tant dans le texte que dans l’index) fourni leurs synonymes les plus utilisés. La plupart sont d’origine anglo-saxonne, mais ils ont une traduction française ne prêtant pas à confusion. Cependant, nous avons exceptionnellement conservé (au moins à titre de synonymes) le terme anglais lorsqu’il n’a pas de version française faisant l’objet d’un consensus, ou lorsqu’il continue d’être fréquemment utilisé sous sa forme originale dans la littérature française. Nous avons, dans le cadre de cette nouvelle édition, tenté de respecter la terminologie et les définitions du remarquable Dictionnaire d’Epidémiologie d’A. LECLERC et al.

Enfin, une très courte bibliographie permettra à ceux qui veulent en savoir plus d’accéder à des publications qui leur permettront d’approfondir les notions dont seuls les principes essentiels sont présentés ici.

M. GOLDBERG. Février 1990

*Dictionnaire d’Épidémiologie — A. LÉCLERC, L. PAPOZ, G. BREART et J. LELLOUCH — Éditions Frison-Roche, Paris.