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Janvier 2015 Juliette Fatus FNE - Note de contexte sur l’équilibre forêt-faune en France métropolitaine 1 L’équilibre forêt-faune en France métropolitaine Note de contexte Sommaire Introduction ........................................................................................................................... 2 1. Eléments préliminaires................................................................................................ 2 1.1. L’importance du choix des mots : quelques définitions ............................................ 2 1.2. Relation forêt-faune : aperçu historique en France .................................................. 3 2. Dynamique récente des populations d’ongulés sauvages en France métropolitaine ... 5 2.1. Des méthodes d’estimation des populations, mais pas de méthodes d’évaluation .. 5 2.2. Toutes les espèces d’ongulés sauvages sont en progression ................................. 5 2.2.1. Aire de répartition des espèces d’ongulés sauvages ........................................ 5 2.2.2. Effectifs des populations d’ongulés sauvages .................................................. 6 3. Impacts des ongulés sauvages sur la forêt ................................................................. 7 3.1. Impacts écologiques................................................................................................ 7 3.1.1. Impacts globaux sur l’écosystème forestier ...................................................... 7 3.1.2. Impacts sur les peuplements forestiers ............................................................ 8 3.1.3. Impacts des populations d’ongulés sauvages surabondantes .......................... 9 3.2. Impacts économiques ............................................................................................11 4. Maintenir l’équilibre forêt-faune ..................................................................................12 4.1. Les réponses du forestier .......................................................................................12 4.2. Les réponses de la société .....................................................................................13 4.2.1. Contexte écologique........................................................................................13 4.2.2. Contexte scientifique .......................................................................................14 4.2.3. Contexte réglementaire ...................................................................................15 4.2.4. Contexte socio-économique ............................................................................19 En guise de conclusion.........................................................................................................20 Références bibliographiques ................................................................................................21 Source : Office National des Forêts

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Juliette Fatus

FNE - Note de contexte sur l’équilibre forêt-faune en France métropolitaine 1

L’équilibre forêt-faune en France métropolitaine

Note de contexte

Sommaire

Introduction ........................................................................................................................... 2 1. Eléments préliminaires ................................................................................................ 2

1.1. L’importance du choix des mots : quelques définitions ............................................ 2 1.2. Relation forêt-faune : aperçu historique en France .................................................. 3

2. Dynamique récente des populations d’ongulés sauvages en France métropolitaine ... 5 2.1. Des méthodes d’estimation des populations, mais pas de méthodes d’évaluation .. 5 2.2. Toutes les espèces d’ongulés sauvages sont en progression ................................. 5

2.2.1. Aire de répartition des espèces d’ongulés sauvages ........................................ 5 2.2.2. Effectifs des populations d’ongulés sauvages .................................................. 6

3. Impacts des ongulés sauvages sur la forêt ................................................................. 7 3.1. Impacts écologiques ................................................................................................ 7

3.1.1. Impacts globaux sur l’écosystème forestier ...................................................... 7 3.1.2. Impacts sur les peuplements forestiers ............................................................ 8 3.1.3. Impacts des populations d’ongulés sauvages surabondantes .......................... 9

3.2. Impacts économiques ............................................................................................11 4. Maintenir l’équilibre forêt-faune ..................................................................................12

4.1. Les réponses du forestier .......................................................................................12 4.2. Les réponses de la société .....................................................................................13

4.2.1. Contexte écologique........................................................................................13 4.2.2. Contexte scientifique .......................................................................................14 4.2.3. Contexte réglementaire ...................................................................................15 4.2.4. Contexte socio-économique ............................................................................19

En guise de conclusion .........................................................................................................20 Références bibliographiques ................................................................................................21

Source : Office National des Forêts

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Introduction

Dans le secteur forestier français, la question de l’impact des grands herbivores sur les forêts et des conséquences sylvicoles est une préoccupation croissante. Au sein de la société, ce sujet suscite de multiples débats et controverses (d’ordre philosophique, éthique, social, écologique, politique, etc.). Différents groupes d’acteurs sont parties prenantes de ce débat aux côtés des forestiers. Il s’agit en particulier :

• des scientifiques ;

• des associations de protection de la nature et de l’environnement ;

• des gestionnaires d’espaces naturels ;

• des chasseurs ;

• de l’administration et des décideurs politiques.

Notre propos concerne les principales espèces d’ongulés sauvages de plaine (cerf élaphe, chevreuil et sanglier) et de montagne (bouquetin, chamois, isard et mouflons)1 présentes en forêt française de métropole2,3, les relations qu’elles entretiennent avec l’écosystème forestier dans son ensemble et les conditions de l’équilibre entre la forêt et ces espèces. En effet, les grands herbivores sont reconnus pour leur impact structurant sur la dynamique du milieu (Marell et al., 2013), jusqu’à la quasi-disparition de l’ensemble de ces espèces entre la fin du Paléolithique et le 20e siècle par l’action combinée de l’homme et des modifications climatiques. Une partie d’entre elles est désormais de retour sur le territoire français.

France Nature Environnement a souhaité faire un état des lieux de la situation actuelle dans les forêts françaises de métropole et de la connaissance sur ces questions. Ce document a également vocation à ouvrir des pistes de réflexion.

1. Eléments préliminaires

1.1. L’importance du choix des mots : quelques défi nitions

L’emploi du mot « gibier », qui sert généralement à désigner « les animaux que l’on chasse soit pour les manger, soit pour en limiter les effectifs » (larousse.fr) présente plusieurs inconvénients. Il renvoie à l’action de l’homme plutôt qu’au rôle de l’espèce dans l’écosystème. Sa pertinence écologique reste donc très limitée. De plus, sa définition reste très imprécise, dans la mesure où elle est peu cadrée juridiquement et n’est pas définie scientifiquement. Enfin, elle implique une appropriation, alors même que ces espèces sont 1 L’appellation « ongulés de plaine » et « ongulés de montagne » peut être considérée comme abusive au regard de l’écologie des espèces concernées. Elle sera néanmoins employée car elle correspond à la terminologie actuellement en vigueur.

2 La problématique de l’impact des grands herbivores sur les milieux forestiers dans les départements

et collectivités d’outre-mer est très distincte dans chaque territoire. Elle ne sera pas abordée ici, bien qu’elle mériterait sans doute des développements spécifiques. En particulier, le cas du cerf de Virginie dans les forêts de Saint-Pierre-et-Miquelon est particulièrement problématique car il remet en cause l’existence même de la seule forêt boréale française.

3 Le daim est une espèce marginale au niveau national. Quant au cerf sika, il s’agit d’une espèce

exotique en France qui fait à ce titre l’objet de programmes de lutte spécifiques ; les consignes de chasse prévoient ainsi son élimination.

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juridiquement res nullius (bien sans maître). Plutôt que le mot « gibier », le mot « faune » sera donc employé, voire les termes de « grands herbivores » ou « ongulés sauvages ».

Par ailleurs, l’expression « équilibre forêt-faune » sera préférée à toute autre dénomination pour qualifier les interactions entre la faune et la forêt dans le cadre de cette réflexion. Elle correspond à la bonne adéquation entre les populations de grands herbivores vivant en forêt et les capacités d’accueil du milieu forestier qui les abrite. Cet équilibre est considéré comme atteint lorsqu’il est possible de régénérer naturellement une essence en place sans protection artificielle et sans porter atteinte à la capacité de perpétuation de ces populations (Bastien et al., 2011).

Enfin, d’après Caughley (1981) repris par Côté et al. en 2004, une population d’animaux est dite surabondante lorsqu’elle menace la vie ou les moyens de subsistance humains, est trop nombreuse pour son « propre bien », fait diminuer la densité d’espèces importantes sur le plan économique ou esthétique ou provoque des dysfonctionnements de l’écosystème.

1.2. Relation forêt-faune : aperçu historique en Fr ance

Dans une forêt naturelle, l’action alimentaire exercée par les grands herbivores contribue à modifier la composition floristique du milieu ; elle favorise le développement des espèces végétales les moins consommées, au détriment des espèces les plus appétentes. Les grands herbivores contribuent à la création de nouvelles niches écologiques, en particulier des milieux ouverts ou semi-ouverts. Ils participent également à la dissémination des graines et à la dispersion d’espèces de petite taille peu mobiles (insectes, mollusques, parasites, etc.) au cours de leurs déplacements. La démographie des populations de grands herbivores est impactée à la fois par des facteurs biotiques (action des prédateurs et parasites, compétition avec d’autres espèces concurrentes et au sein d’une même espèce, etc.) et abiotiques (capacité d’accueil du milieu, conditions météorologiques, etc.).

En France, le fonctionnement de la relation forêt-faune diffère sensiblement de celui observé dans les forêts naturelles. En effet, les milieux naturels français ont été largement anthropisés depuis des centaines d’années, et ce à plusieurs niveaux :

• Jusqu’à la première moitié du 20e siècle :

o les carnivores, concurrents naturels de l’homme pour l’accès à la ressource alimentaire constituée par les grands herbivores (qu’ils soient sauvages ou domestiques), ont été victimes de campagnes d’éradication, jusqu’à disparaître totalement comme le loup par exemple ;

o les grands herbivores sauvages ont été victimes de prélèvements excessifs par l’homme jusqu’à disparaître totalement dans certaines régions, en seulement un siècle et demi après la suppression du droit de chasse exclusif suite à la Révolution française ;

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• Depuis la seconde moitié du 20e siècle :

o l’ensemble du territoire a été fortement artificialisé (agriculture intensive, fragmentation des milieux par les infrastructures de transport, urbanisation, etc.), renforçant ainsi le rôle de refuge de la forêt4 et limitant la circulation des animaux entre les massifs forestiers ;

o les pratiques sylvicoles ont été modifiées, avec l’apparition de méthodes plus artificialisantes défavorables à la résilience du milieu, à l’exemple de la futaie régulière résineuse en plaine qui diminue fortement la capacité d’accueil du milieu pour les ongulés sauvages et concentre ainsi leur prise alimentaire sur les arbres à vocation économique.

Parallèlement, après avoir connu un minimum au milieu du 19e siècle, la superficie forestière française a regagné son niveau de la fin du Moyen Age. Ceci s’explique par la combinaison de plusieurs phénomènes : l’instauration d’une législation protectrice des espaces forestiers, les politiques d’incitation au reboisement, l’abandon de la ressource bois au profit des énergies fossiles et la déprise agricole. La surface forestière reste globalement stable depuis le milieu des années 2000 au niveau national, malgré de fortes disparités locales. Elle représente ainsi 30% du territoire métropolitain en 2014.

En réponse à ces problématiques, différentes mesures ont été mises en place afin de favoriser le retour de la grande faune dans les milieux naturels :

• Les carnivores, en particulier les grands prédateurs (loup et lynx), bénéficient de mesures de protection légales. Ils font désormais l’objet de plans de réintroduction, de renforcement ou recolonisent naturellement le territoire. Néanmoins, la pérennité de ces espèces est loin d’être acquise et leur situation reste très préoccupante ;

• Les grands herbivores sauvages font l’objet de plans de chasse visant à limiter et encadrer les prélèvements. Dans certains territoires, des mesures de réintroduction ont été mises en œuvre. Des introductions accidentelles ont également eu lieu (et se produisent toujours) suite à des évasions d’individus de parcs et enclos d’élevage.

En Corse, le cerf de Corse (sous-espèce du cerf élaphe) et le mouflon de Corse (sous-espèce du mouflon) sont protégés notamment dans le cadre des Annexes II et IV de la directive européenne Habitats-Faune-Flore5. A ce titre, bien qu’il s’agisse d’espèces chassables, elles font l’objet de plans de chasse nuls.

Plus de 20 ans après la généralisation des plans de chasse sur l’ensemble du territoire, l’efficacité de ces mesures réglementaires pour les espèces d’ongulés sauvages présentes en France métropolitaine peut aujourd’hui être évaluée.

4 Une partie des espèces animales actuellement rencontrées en forêt fréquentent ce milieu car leur milieu d’origine a disparu ou est devenu défavorable. C’est le cas notamment du cerf élaphe ou du chevreuil, qui sont plutôt des espèces de milieux ouverts ou semi-ouverts.

5 Pour accéder au texte de la directive européenne du 21 mai 1992 concernant la conservation des habitats naturels ainsi que de la faune et de la flore sauvages : http://eur-lex.europa.eu/legal-content/FR/TXT/HTML/?uri=CELEX:31992L0043

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2. Dynamique récente des populations d’ongulés sauv ages en France métropolitaine

2.1. Des méthodes d’estimation des populations, mai s pas de méthodes d’évaluation

Les ongulés sauvages partagent des caractéristiques qui ne facilitent pas le comptage des populations. Leur habitat est fermé avec le plus souvent une faible visibilité et leurs mœurs sont discrètes6. Les comptages exhaustifs ne sont pas réalisables, ce qui contraint à suivre des plans d’échantillonnage. Les comptages sont donc très imprécis, alors même que ces opérations sont lourdes en termes de logistique, ce qui ne permet pas de les répéter dans le temps pour améliorer la fiabilité des données recueillies. La connaissance des effectifs est donc relativement mauvaise, avec comme conséquence une sous-estimation des populations réelles (Gaillard, 2013).

Néanmoins, les données collectées périodiquement par le réseau « ongulés sauvages ONCFS-FNC-FDC »7 auprès des Fédérations Départementales de Chasse permettent d’approcher l’évolution des aires de répartition et des effectifs des différentes espèces sur le long terme.

2.2. Toutes les espèces d’ongulés sauvages sont en progression

2.2.1. Aire de répartition des espèces d’ongulés sauvages

L’aire de répartition de l’ensemble des ongulés sauvages a fortement progressé au cours des 30 dernières années. Ainsi, à titre d’exemple, le cerf élaphe occupait 25% du territoire boisé national en 1985 contre 45% en 2005 (Figure 1 ). Le chevreuil et le sanglier sont quant à eux présents sur la quasi-totalité du territoire depuis les années 90.

Figure 1 : Evolution de la surface colonisée par le cerf élaphe entre 1985 et 2005 (Source : Réseau Ongulés Sauvages ONCFS-FNC-FDC)

6 Le statut de proie de ces espèces dans la chaîne alimentaire explique qu’elles manifestent des comportements visant à limiter leur prédation.

7 Ce réseau est géré conjointement par l’Office National de la Chasse et de la Faune Sauvage (ONCFS), la Fédération Nationale des Chasseurs (FNC) et les Fédérations Départementales des Chasseurs (FDC)

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En ce qui concerne les ongulés de montagne, la situation est comparable à celle des ongulés de plaine : leur aire de répartition a cru de manière importante, à l’exception du bouquetin dont les réintroductions ont constitué le facteur quasi-exclusif d’extension. L’aire de répartition du mouflon de Corse reste en revanche stable, tandis que le cerf de Corse fait encore l’objet de projets de lâchers sur l’île.

Pendant que le cerf élaphe, le chevreuil et le sanglier progressaient fortement en altitude, au point d’être observés jusqu’à 2 500 mètres, les ongulés de montagne ont au contraire colonisé les milieux de basse altitude. La cohabitation entre les différentes espèces s’est donc généralisée. Ainsi, en 2005, 93% des forêts étaient occupées par au moins deux espèces d’ongulés sauvages et 6,1% des forêts étaient occupées par 4 à 6 espèces.

2.2.2. Effectifs des populations d’ongulés sauvages

Même si elle ne reflète pas parfaitement l’évolution des populations, la méthode la plus fiable pour estimer les effectifs d’ongulés sauvages reste celle des tableaux de chasse annuels, qui correspond au nombre d’individus prélevés pour chaque espèce soumise à un plan de chasse.

Entre 1973 et 2009, les tableaux de chasse du cerf élaphe ont été multipliés par 9 (Figure 2), ceux du chevreuil par 10, ceux du sanglier par 14, ceux du chamois et de l’isard par 4 et ceux du mouflon par 35.

De manière récurrente, les prélèvements réalisés sont assez largement inférieurs aux attributions, notamment pour le cerf élaphe et le chevreuil (Réseau Ongulés Sauvages ONCFS-FNC-FDC, 2012).

Figure 2 : Evolution des tableaux de chasse du cerf élaphe entre 1973 et 2009

(Source : Réseau Ongulés Sauvages ONCFS-FNC-FDC)

Note de lecture : les attributions correspondent au nombre d’individus prévus au plan de chasse, les réalisations au nombre d’individus effectivement abattus

La présence croissante des ongulés sauvages dans le milieu n’est pas sans conséquence pour la forêt, qu’il s’agisse de l’écosystème dans son ensemble, ou de manière plus ciblée, des peuplements forestiers. La question de l’impact économique qui en découle pour les gestionnaires forestiers, bien qu’encore actuellement peu étudiée à l’échelle globale, mérite également d’être abordée.

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3. Impacts des ongulés sauvages sur la forêt

3.1. Impacts écologiques

En France, les ongulés sauvages sont herbivores, excepté le sanglier qui est frugivore-omnivore, avec un comportement de type opportuniste. Les principaux impacts sur le milieu forestier sont ainsi liés à la consommation de la végétation.

3.1.1. Impacts globaux sur l’écosystème forestier

Le régime alimentaire des ongulés sauvages de plaine est très varié (Mulliez et al., 2011) :

• Le cerf élaphe, brouteur peu sélectif, s’alimente majoritairement de plantes herbacées, parmi lesquelles les graminées représentent entre le tiers et la moitié de la consommation totale annuelle. Les besoins alimentaires du cerf englobent en proportion à peu près équilibrée des aliments tendres (végétation herbacée), coriaces (écorce, pousses ligneuses, callune, etc.) ou durs (fruits forestiers).

• Le chevreuil est quant à lui très sélectif et recherche une alimentation riche et diversifiée. Les rameaux et les feuilles des végétaux ligneux et semi-ligneux sont prépondérants dans son régime alimentaire. La plus grande partie est fournie par les semi-ligneux, en particulier le lierre et la ronce, ainsi que la callune, la myrtille, l’airelle et le framboisier. Les essences ligneuses à feuilles caduques sont surtout consommées durant la phase végétative (printemps et été).

• Le sanglier s’adapte à une très vaste diversité de sources alimentaires selon leurs disponibilités au fil des saisons, avec une préférence pour les fruits forestiers (glands, châtaignes et faînes) et accessoirement les céréales (maïs et blé).

Les ongulés de montagne consomment quant à eux principalement des plantes herbacées, dont des graminées. Ponctuellement, ils se nourrissent également de ligneux (jeunes pousses et écorces), en particulier durant les périodes d’enneigement.

En forêt tempérée, les grands herbivores sont considérés comme des « ingénieurs écologiques ». En effet, leurs choix alimentaires influent directement sur la croissance et la survie de nombreuses espèces herbacées et ligneuses, modifiant ainsi leur abondance et les dynamiques de végétation. Ces effets peuvent ensuite se répercuter en cascade sur les autres compartiments de l’écosystème tels que les insectes, les oiseaux et les autres mammifères (Côté et al., 2004) (Figure 3 ).

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Figure 3 : Schéma conceptuel des interactions entre les ongulés sauvages et le milieu

forestier (Source : Marell et al., 2013)

Note : Les interactions à l’intérieur de l’écotone8 et du milieu ouvert ne sont pas précisées. Ces milieux sont présentés pour montrer les échanges potentiels entre le milieu forestier et le milieu ouvert liés aux déplacements des ongulés sauvages dans le

paysage.

3.1.2. Impacts sur les peuplements forestiers

Les espèces d’arbres consommées préférentiellement par les grands herbivores sont le sapin pectiné, l’if, les chênes, l’érable, le frêne, le merisier, l’orme, le robinier, le saule et le sorbier des oiseleurs. Les espèces de pin (sylvestre, laricio, maritime), l’épicéa, le mélèze, le hêtre, le tremble, le châtaignier, le noyer et le bouleau pubescent sont moins appréciés. Certaines essences comme le bouleau verruqueux, l’aulne et le tilleul sont rarement abrouties. Cette préférence varie néanmoins au cours de l’année en fonction de leur disponibilité dans l’habitat.

En hiver, les pousses ligneuses et les bourgeons terminaux émergents sont broutés, particulièrement les résineux, qui sont généralement considérés comme une nourriture de pénurie. Lors du débourrement printanier, l’ouverture des bourgeons, l’apparition des feuilles, suivies de l’émergence des jeunes pousses tendres constituent des sources d’aliments frais de choix, après le régime hivernal plus pauvre de rameaux résineux lignifiés (Van Lerberghe, 2013).

De manière plus globale, l’impact des grands herbivores favorise les espèces herbacées au détriment des espèces ligneuses et semi-ligneuses (telles que la ronce). Parmi les herbacées, les espèces héliophiles sont favorisées par les ongulés sauvages au détriment des espèces sciaphiles (Boulanger et al., 2014), plus typiquement forestières.

Les ongulés sauvages exercent un ensemble de rôles positifs pour les peuplements forestiers. Ils contribuent ainsi à la fertilisation des sols9, à la dissémination des graines et à

8 Ecotone : zone d’interface marquant de façon progressive la transition entre deux écosystèmes. Il possède des caractéristiques écologiques propres qui le différencient des écosystèmes dont il marque la limite (Bastien et al., 2011).

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la limitation de la végétation d’accompagnement. Animal fouisseur, le sanglier laboure et aère le sol, favorisant ainsi la germination des diverses semences des essences forestières et l’installation des semis. Sa consommation d’insectes, larves et rongeurs participe à l’équilibre biologique du milieu forestier.

Mais ces espèces peuvent également avoir des conséquences néfastes sur les peuplements. Lorsque la faune altère les arbres, on parle de dégât, ce qui désigne toute action des ongulés sauvages « qui, par sa présence, sa consommation et/ou son comportement, réduit le rendement, actuel ou futur, quantitatif ou qualitatif, d’une production forestière » (Van Lerberghe, 2013). Les jeunes arbres, plus accessibles et plus sensibles, sont les plus touchés. Les cervidés sont responsables de trois types de dégâts principaux : les abroutissements, les écorçages et les frottis (Tableau 1 ). Le sanglier peut également occasionner des frottis lorsqu’il se gratte contre les arbres pour se débarrasser des parasites et déterrer ou arracher de jeunes plants au cours de ses recherches alimentaires.

La sensibilité d’un peuplement forestier à l’action des ongulés sauvages dépend de la capacité d’accueil du milieu, en particulier de l’offre alimentaire de l’habitat. En forêt gérée, ce paramètre est conditionné par le type de sylviculture pratiquée (gestion ou non de milieux associés à la forêt, mélange d’essences, présence ou non d’essences d’accompagnement, diversité des strates, etc.). Il dépend également de la pratique du nourrissage artificiel, qui peut générer localement des surdensités d’animaux. Ce phénomène peut être particulièrement problématique lorsque la circulation des animaux entre plusieurs massifs forestiers n’est pas possible, que ce soit volontaire (présence de clôtures) ou non (présence d’infrastructures de transport ou de zones fortement urbanisées notamment).

3.1.3. Impacts des populations d’ongulés sauvages surabondantes

En raison de leurs taux de croissance, les populations de cervidés peuvent dépasser la capacité d’accueil de leur milieu, générant ainsi des impacts négatifs forts et persistants sur la végétation (Côté et al., 2004).

Les espèces végétales forestières, dont la croissance est lente, sont particulièrement vulnérables à l’abroutissement. Dans les espaces où les cervidés sont abondants, leur croissance, leur survie et leur reproduction sont affectés négativement, au point même que ces espèces peuvent disparaitre au fil du temps. L’abroutissement intense réduit la couverture végétale et la complexité du sous-bois. La capacité d’accueil du milieu s’en trouve réduite pour les animaux, en particulier les invertébrés et les oiseaux (Côté et al., 2004).

En cas de forte pression d’abroutissement, une communauté végétale alternative peut se substituer à la communauté végétale d’origine, affectant ainsi profondément les processus de succession forestière. Ces effets sont difficilement réversibles (Côté et al., 2004) voire irréversibles au point que la végétation ne puisse plus revenir dans son état initial et ceci, même si la pression exercée est ramenée elle aussi à son niveau initial (Marell et al., 2013).

9 Par exemple, une population de chevreuils qui se nourrit en partie en milieu ouvert et se repose et défèque/urine davantage en forêt peut apporter en forêt l’équivalent de 20% du dépôt atmosphérique en azote et 13% de la réserve globale de phosphore dans le sol (Marell et al., 2013)

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Tableau 1 : Principaux dégâts générés par les cervi dés sur les ligneux (d’après Van Lerberghe, 2013)

Catégorie de dégât Type de dégât Espèces de cervidés

concernées et période Conséquences sylvicoles D

égât

s al

imen

taire

s

Abroutissement :

Consommation des semences, semis, bourgeons et jeunes pousses des ligneux

Tous les cervidés

Toute l’année, avec des pics en hiver et au printemps

Echec de la régénération naturelle dans le cas de fortes densités d’ongulés Entraîne rarement la mort de l’arbre, sauf dans le cas des abroutissements de semis Croissance de l’arbre ralentie L’arbre devient fourchu voire buissonnant en cas d’abroutissements répétés

Ecorçage : Consommation de morceaux d’écorce des ligneux

Cerf élaphe Chevreuil (en cas de disette)

Entraîne rarement la mort directe de l’arbre Croissance de l’arbre ralentie Résistance mécanique de l’arbre amoindrie ; risques de cassure par le vent et la neige Infection possible de l’arbre par des champignons générateurs de pourriture

Dég

ât

com

port

emen

tal

Frottis :

Blessures infligées à l’écorce des troncs et des tiges des jeunes arbres par le frottement du bois des cervidés mâles10

Cerf élaphe : février à mars, juillet à août, septembre à octobre

Chevreuil : printemps et été

Entraîne souvent la mort de l’arbre Croissance de l’arbre fortement ralentie

10 Suite à la croissance d’une nouvelle ramure, les cervidés mâles frottent leurs bois pour faciliter la chute du velours qui les recouvre. En période de rut, ils s’attaquent également aux arbres mais de manière plus violente, afin de décharger leur agressivité et marquer leur territoire.

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Lorsque la densité d’ongulés sauvages est élevée, la consommation des semences (en particulier les glands, faînes et châtaignes qui sont très appétents) et semis peut empêcher le renouvellement de la forêt. En ce qui concerne les arbres adultes, les mortalités restent plus limitées, mais leur physiologie est fréquemment affectée. Dans tous les cas, les conséquences de ces dégâts sur le long terme peuvent être importantes, en modifiant profondément la composition spécifique de la strate arborée. Par exemple, une hêtraie sapinière peut se régénérer uniquement en épicéa du fait d’un fort impact des ongulés sauvages et perdre ainsi une grande part de l’intérêt écologique de cet habitat à forte valeur patrimoniale (Ducousso et al., 2005b). Le repeuplement par de nouveaux semis est possible si la pression d’abroutissement diminue pendant une période de temps suffisamment longue. Dans le cas d’espèces à croissance lente comme Tsuga canadensis aux Etats-Unis d’Amérique, cette période a été évaluée à 70 ans (Côté et al., 2004)

3.2. Impacts économiques

Comme vu précédemment, la réaction des arbres à l’action des ongulés sauvages se manifeste par des altérations de leur architecture (vigueur, ramifications, etc.), de leur physiologie (croissance, floraison, etc.) et de leur survie. En forêt gérée, celles-ci auront un impact sur les coûts de production et la valeur économique des bois.

Boulanger et al. (2013) ont étudié cette question, en se fondant sur quatre essences emblématiques de la forêt publique française (chêne, hêtre, sapin et épicéa).

Les retards de croissance en hauteur liés à l’abroutissement peuvent atteindre 1,50 m sur 10 ans chez le chêne et 56% sur 12 ans chez le hêtre. Chez le sapin, l’abroutissement occasionne par exemple des mortalités de 50% en forêt domaniale de Gérardmer dans les Vosges, avec des retards de croissance de 20 ans.

En ce qui concerne l’écorçage, il a pour conséquence une dépréciation des bois (développement de bois sec au niveau de la zone écorcée ou d’une pourriture évolutive, rendant les bois impropres à la transformation) pouvant occasionner des pertes volumiques de 60% chez les petits bois à 40% sur les gros bois.

Dans nos territoires fortement anthropisés, le maintien de l’équilibre forêt-faune nécessite l’intervention de l’homme. De manière complémentaire, des actions peuvent être menées en direction du milieu, des populations d’ongulés sauvages et de celles de leurs prédateurs.

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4. Maintenir l’équilibre forêt-faune

4.1. Les réponses du forestier

Afin de réduire les risques de dégâts pouvant être occasionnés par les ongulés sauvages à un niveau techniquement et économiquement acceptable, le gestionnaire forestier est tenu d’intégrer la présence de ces espèces dans ses itinéraires sylvicoles.

Ainsi, il peut notamment (d’après Ducousso et al., 2005a et Persuy, 2008) :

• Choisir des essences adaptées à la présence de grands herbivores (le hêtre et l’épicéa sont moins attaqués que le chêne par exemple) ;

• Donner la priorité à la régénération naturelle : en effet, la ressource alimentaire y est beaucoup plus importante, la densité de plants plus élevée et leur appétence plus faible11 ;

• Maintenir la végétation d’accompagnement (strate arbustive et espèces fruitières notamment) ;

• Installer des aménagements spécifiques tels que les gagnages herbacés (prairies, clairières, lisières étagées, etc.) ou ligneux (taillis, jeunes régénérations, ronciers, etc.) ;

• Mélanger les essences, chaque fois que les stations forestières le permettent ;

• Privilégier la futaie irrégulière, où les possibilités de dégâts semblent plus diluées ;

• Maintenir les milieux naturels associés : pelouses, landes, clairières, de même que des talus herbeux.

Ces mesures auront néanmoins un impact plus limité sur les dégâts comportementaux. De plus, elles ne sont pas suffisantes lorsque les effectifs d’ongulés sauvages sont très abondants. Ces espèces peuvent ainsi poser de réels problèmes en matière de régénération des peuplements forestiers, en particulier pour les espèces feuillues qu’ils consomment préférentiellement.

Dans les cas les plus extrêmes, l’intégration de l’impact des cervidés va générer des travaux et des coûts supplémentaires, avec par exemple :

• L’installation de protections individuelles des plants dans le cas d’une plantation, d’un regarni ou d’une plantation d’enrichissement ;

• L’installation et l’entretien de clôtures de protection, dans le cas notamment des parcelles en régénération naturelle ou en présence d’essences d’accompagnement.

11 Les arbres issus de pépinières sont plus souvent broutés au cours des premières années suivant la plantation que les semis naturels. Ceci s’expliquerait par des différences nutritionnelles ou de forme des plants (Van Lerberghe, 2013).

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En 2011, le Centre Régional de la Propriété Forestière (CRPF) Nord-Pas-de-Calais Picardie donnait quelques exemples d’impacts des grands herbivores sur les itinéraires sylvicoles, dans des situations relativement extrêmes, repris dans le tableau ci-après.

Tableau 2 : Exemples de peuplements forestiers, de solutions techniques apportées et de coûts induits pour limiter l’impact de l’action des ongulés sauvages sur la

production de bois attendue par le gestionnaire for estier (d’après Mulliez et al ., 2011)

Peuplement forestier Constats Solutions techniques Surcoût 12

Régénération naturelle d’essences mélangées

• Les essences appétentes comme le merisier ont presque disparu

• Les autres essences sont fréquemment frottées, abrouties ou présentent des aspects fourchus

• Rajout de 200 plants/ha

• Mise en place de protections individuelles autour des plants introduits

590 à 1071 € /ha

Plantation feuillue

• Les frottis et abroutissements forment des zones entières totalement détruites

• La densité n’est plus suffisante pour mener à bien un boisement en plein

• Rajout de plants visant à atteindre des densités de 400 à 700 plants/ha

• Mise en place de protections individuelles autour des plants introduits

450 € pour 100 plants

4.2. Les réponses de la société

4.2.1. Contexte écologique

En France, les populations de chevreuil sont régulées par l’action de l’homme (chasse, circulation automobile, chiens) et les épidémies. Les prédateurs n’ont qu’un rôle très marginal du fait de leur rareté (loup, lynx) ou de la rareté des prélèvements (Crépin et al., 2006). Ce constat est valable pour l’ensemble des espèces d’ongulés sauvages de plaine. Les prédateurs favorisent néanmoins une meilleure répartition spatiale des individus au sein de l’habitat forestier (Ducousso et al., 2005b).

Dans le cas des zones de montagne, en particulier dans les Alpes, la prédation par le loup n’est pas négligeable : le chevreuil et le chamois constituent ainsi ses proies favorites (MEDDE & MAAF, 2013). Selon l’ONCFS, le loup est également le seul prédateur naturel du sanglier en France. Enfin, la proie de prédilection du lynx est le chevreuil. L’ours ne peut pas quant à lui être vu comme un régulateur des populations d’ongulés, son régime alimentaire étant essentiellement végétarien avec une consommation carnée occasionnelle et opportuniste.

Le rôle du loup dans l’écosystème est aujourd’hui toujours à l’étude, tout comme l’interaction entre la pression de chasse et la prédation par le loup sur la démographie des populations de proies (MEDDE & MAAF, 2013). Avec l’extension de l’aire de répartition et l’augmentation des effectifs de l’espèce, ces questions seront amenées à prendre une importance croissante dans les prochaines années. 12 Les montants sont indiqués hors taxe.

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Concernant la chasse, au-delà d’une action purement quantitative sur les effectifs et par conséquent la dynamique et la structure des populations, elle agit également sur le comportement des ongulés sauvages. Les pratiques de chasse ont donc un impact sur le niveau de dégât occasionné aux peuplements forestiers par les populations d’animaux. C’est le cas par exemple dans le cadre de la « chasse au trophée » chez les cervidés, qui consiste à tirer préférentiellement les mâles les plus imposants. La disparition des mâles dominants, qui occupent toujours les meilleurs territoires, va être compensée rapidement par l’installation de mâles plus jeunes qui devront marquer de manière importante leur territoire (frottis) du fait de la compétition et de leur manque de dominance (Crépin et al., 2006).

4.2.2. Contexte scientifique

Le constat d’une forte progression des principales espèces d’ongulés sauvages en France est aujourd’hui assez largement partagé. En revanche, la question de l’impact de ces espèces sur les milieux forestiers est perçue de manière divergente par les différentes parties prenantes.

À l’heure actuelle, il n’existe pas d'étude aboutie sur la quantification des dégâts des ongulés sauvages à une échelle globale. De plus, les outils permettant de réaliser un diagnostic objectif sont peu ou mal utilisés. Ils sont en effet souvent jugés trop coûteux ou trop complexes à mettre en œuvre (Soubieux, 2013).

À un niveau plus local, des données issues des résultats de la mise en place d’observatoires installés en forêt sont néanmoins disponibles. Ces dispositifs ont vocation à rassembler les acteurs d’un territoire concernés par la question de l’équilibre forêt-faune (forestiers privés et publics, chasseurs, scientifiques, administration, collectivités, etc.). L’objectif est d’aboutir à un diagnostic de l’état de la relation forêt-faune partagé afin d’élaborer conjointement des propositions d’actions concrètes à mettre en œuvre sur le terrain. Diverses initiatives sont en cours à ce sujet à différents niveaux (massif forestier, département, région, etc.).

En Alsace par exemple, les résultats de l’observatoire mis en place au niveau régional ont confirmé le déséquilibre entre la capacité d’accueil du milieu forestier dans plusieurs secteurs et les populations de cervidés, et la nécessité d’une réduction des effectifs et/ou d’un rééquilibrage des populations afin de réduire la menace sur la diversité biologique des forêts et leur régénération (DRE Alsace, 2010). Au niveau national, 10% des surfaces forestières ont des densités de cerfs élaphes supérieures à 6 animaux aux 100 ha et 13% ont des densités de chevreuil supérieures à 20 animaux aux 100 ha, ces valeurs étant considérées comme les densités limites pour une bonne gestion (MEDDTL & MAAPRAT, 2012). Or, ces espèces poursuivent actuellement leur expansion.

Pour connaître de manière directe l’état de la relation forêt-faune, la technique des enclos-exclos donne des résultats probants, car elle permet de visualiser et étudier l’impact de la consommation de la végétation. Cette technique consiste à délimiter aléatoirement deux zones au sein d’une forêt : un enclos, soustrait à l’influence de la faune, et un exclos. Les deux zones font l’objet de mesures périodiques de paramètres relatifs à la régénération forestière : densité de semis, croissance en hauteur des semis, espèces végétales présentes, etc.

Les difficultés d’évaluation des effectifs des populations d’ongulés sauvages, telles qu’évoquées précédemment, ont fait émerger la nécessité de disposer d’indicateurs mesurés à la fois sur les animaux et sur leur habitat. Une nouvelle approche est ainsi en cours de développement, avec l’utilisation d’indicateurs de changement écologique (ICE) qui vont traduire au cours du temps l’évolution de l’état d’équilibre entre les populations et leur

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environnement (Michallet et al., 2013). Elle est fondée sur le concept de densité-dépendance.13

Les ICE utilisent de manière couplée trois types d’informations :

• Abondance de la population d’ongulés sauvages : évaluée à partir d’indicateurs relevés lors de prospections sur le terrain (indices kilométriques, taille de groupes, indices phares, etc.) ;

• Condition physique de la population d’ongulés sauvages : évaluée à partir d’indicateurs mesurés sur les individus abattus (masse corporelle, longueur de mâchoire, longueur du métatarse, taux de gestation des femelles, état sanitaire, etc.) ;

• Impacts sur le milieu forestier : évalués à partir d’indicateurs observés en forêt (indice de consommation, indice d’abroutissement, etc.).

4.2.3. Contexte réglementaire

La chasse constitue la principale action humaine volontaire pour contrôler les populations d’ongulés sauvages. Son organisation est régie par les articles L420-1 à L429-40 du Code de l’environnement.

Droit de chasser et droit de chasse

Seuls les titulaires d’un permis de chasse valide (ou d’une autorisation de chasser accompagné, pour les mineurs de 15 à 18 ans notamment), à jour de leurs redevances cynégétiques, du droit de timbre et des cotisations statutaires d'une fédération de chasseurs et ayant souscrit à une assurance responsabilité civile spécifique sont autorisés à chasser.

En forêt privée, le droit de chasse des terrains est le plus souvent délégué obligatoirement à une Association Communale de Chasse Agréée (ACCA)14, dont les missions consistent principalement à assurer l’organisation technique de la chasse sur son territoire. L’association est composée de membres de droit (chasseurs domiciliés ou résidants dans la commune, chasseurs ayant fait apport de leur droit de chasse à l’ACCA, etc.) et de membres extérieurs (chasseurs n’ayant pas de lien avec la commune mais souhaitant chasser sur le territoire de l’ACCA). Les non-chasseurs peuvent également en être membres lorsqu’ils sont propriétaires de terrains incorporés dans le territoire de l’association.

Le territoire de l’ACCA exclut les terrains publics, ceux situés dans un rayon de 150 m autour des habitations, les terrains clôturés (enclos cynégétiques) et ceux ayant fait l’objet de l’opposition des propriétaires ou des détenteurs du droit de chasse lorsqu’ils respectent les conditions requises15. Lorsque le territoire ne relève pas d’une ACCA, le propriétaire du 13 A un certain niveau de densité de population, les ressources disponibles pour un individu donné diminuent. Au-delà d’un certain niveau d’effectif, la performance individuelle (taille, masse, etc.) et la production de la population (taux de croissance) vont donc diminuer (Michallet et al., 2013).

14 La constitution des ACCA est obligatoire dans 29 départements, elle est volontaire pour le reste des départements.

15 En particulier, les propriétés d’une superficie minimale de 20 ha d’un seul tenant et de 100 ha d’un seul tenant pour les terrains de montagne au-dessus de la limite de végétation forestière peuvent être exclues du territoire de l’ACCA (article L422-13 du Code de l’environnement). Le propriétaire peut également choisir d’interdire la chasse sur son terrain pour convictions personnelles (article L422-10 du Code de l’environnement).

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terrain choisit d’exercer ou non son droit de chasse ou de le louer à un tiers dans le cadre d’un bail de chasse.

En forêt publique, il existe plusieurs cas16. En forêt domaniale, le droit de chasse est le plus souvent loué, généralement pour une période de 12 ans. Dans certaines forêts domaniales, l'Office National des Forêts peut conserver la maîtrise de la gestion de la faune sauvage, en accordant des licences annuelles ou par le biais d’une exploitation en régie, sous la conduite directe des forestiers (licences dirigées ou guidées). Dans les forêts des collectivités et les autres forêts publiques, le droit de chasse relève de la compétence exclusive des propriétaires, qui peuvent ainsi choisir de le louer.

Enfin, l’Alsace et la Moselle relèvent d’un droit local spécifique créé en 1919 et lié à l’annexion de ces territoires par l’Allemagne entre 1871 et 1918. Il s’applique aux forêts privées et publiques, excepté les forêts domaniales. Le droit de chasse y est administré par les communes pour le compte des propriétaires fonciers, sauf pour les terrains de plus de 25 ha d’un seul tenant. Dans ce contexte, la commune a obligation de louer les territoires de chasse. Le produit de la location de la chasse revient néanmoins aux propriétaires du foncier, à moins que ceux-ci n’y renoncent au profit de la commune.

Dans tous les cas, la location du droit de chasse implique de contractualiser auprès du bénéficiaire les modalités selon lesquelles ce dernier est autorisé à pratiquer son activité (modes de chasse autorisés, espèces autorisées, etc.), en conformité avec le plan de chasse.

Plan de chasse

L’outil central de l’activité cynégétique pour les ongulés sauvages est le plan de chasse. Son objectif est « d’assurer le développement durable des populations de faune et de préserver leurs habitats, en conciliant les intérêts agricoles, sylvicoles et cynégétiques » (article L425-6 du Code de l’environnement). Attribué par le préfet sur proposition de la Commission Départementale de la Chasse et de la Faune Sauvage17, le plan de chasse est fixé pour une période de 3 ans renouvelable dans le cas des ongulés sauvages. Son principe consiste à maîtriser les prélèvements sur la base d’une répartition limitée et équilibrée entre classes d’âge et entre sexes pour une espèce donnée. Des bracelets de marquage correspondant au nombre d’individus à tirer au cours de la saison de chasse sont attribués. Le plan de chasse quantitatif fait intervenir un dispositif de marquage identique quel que soit l’animal abattu, tandis que le plan de chasse qualitatif prévoit différentes catégories de bracelets.

Lorsque le bénéficiaire du plan de chasse ne prélève pas le nombre minimum d'animaux qui lui est attribué, il peut voir sa responsabilité financière engagée pour la prise en charge de tout ou partie des frais liés à l'indemnisation des dégâts aux cultures et récoltes agricoles et à la prévention des dégâts. Les personnes ayant formulé une opposition à la chasse sur leur fonds sont également concernées par cette disposition (article L425-11 du Code de l’environnement).

16 Pour en savoir plus, consulter le dossier de presse de l’Office National des Forêts intitulé « Le fragile équilibre forêt-gibier » paru le 1er avril 2011 et disponible sur onf.fr.

17 La Commission Départementale de la Chasse et de la Faune Sauvage se compose pour un tiers de représentants de chasseurs. Elle comprend également des représentants de l’Etat, des forestiers privés et publics, des intérêts agricoles, des associations agréées au titre de la protection de l’environnement et des personnalités qualifiées en matière scientifique et technique dans le domaine de la chasse ou de la faune sauvage ( article R421-30 du Code de l’environnement).

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Affouragement et agrainage

L’affouragement18 et l’agrainage19, et plus particulièrement l’agrainage du sanglier, répondent à plusieurs objectifs (MEDDE, 2009) :

• La dissuasion vise à prévenir les dégâts agricoles en distribuant de la nourriture en forêt pour éviter que les animaux ne dégradent les cultures agricoles durant la période où elles sont sensibles et moins attractives que le grain distribué ;

• L’apport de nourriture complémentaire durant tout ou partie de l’année est destiné à entretenir plus d’animaux que ne le permettent les ressources naturelles de l’habitat ;

• L’attraction des animaux sur un territoire de chasse ou une partie de celui-ci vise à augmenter les résultats des actions de chasse ;

• L’appâtage est pratiqué de manière ponctuelle en réponse à des problématiques locales, telles que la mise en œuvre d’abattages massifs pour limiter la transmission d’une maladie de la faune sauvage à la faune domestique.

Les conditions de mise en œuvre de l’affouragement et de l’agrainage sont précisées dans le cadre du Schéma Départemental de Gestion Cynégétique. Elaboré par la Fédération Départementale ou interdépartementale des Chasseurs, en concertation notamment avec la Chambre d'Agriculture, les représentants de la propriété privée rurale et les représentants des intérêts forestiers (article L425-1 du Code de l’environnement), ce document est approuvé par le préfet pour une période de six ans après avis de la Commission Départementale de la Chasse et de la Faune Sauvage.

Réserves de chasse et de faune sauvage

Selon la nature du gestionnaire, le niveau de protection et les objectifs de conservation, on distingue les Réserves de Chasse et de Faune Sauvage (RCFS) et les Réserves Nationales de Chasse et de Faune Sauvage (RNCFS).

D’après le comité français de l’UICN (2010), les RCFS constituent « le plus important réseau d’espaces protégés en France métropolitaine », avec une superficie totale de 2,5 millions d’hectares. Elles comprennent notamment toutes les réserves constituées obligatoirement par les ACCA sur 10% de leur territoire. Les RCFS ont vocation à « protéger les populations d’oiseaux migrateurs », « assurer la protection des milieux naturels indispensables à la sauvegarde d’espèces menacées », « favoriser la mise au point d’outils de gestion des espèces de faune sauvage et de leurs habitats », « contribuer au développement durable de la chasse au sein des territoires ruraux » (article L422-27 du Code de l’environnement). Ce statut permet d’introduire des règles de gestion favorables à la faune sauvage et aux milieux, bien qu’il ne permette pas d’encadrer toutes les activités. De plus, ces réserves peuvent être déplacées tous les 5 ans. Les RCFS peuvent être organisées en réseaux départementaux dont la coordination est assurée par les Fédérations Départementales ou interdépartementales des Chasseurs.

Les Réserves Nationales de Chasse et de Faune Sauvage (RNCFS) constituent une catégorie particulière de RCFS, sélectionnées pour leur intérêt scientifique ou en raison de la présence d’espèces patrimoniales. Sous la responsabilité de l’Office National de la Chasse 18 Affouragement : action de nourrir artificiellement les animaux sauvages, dont les cervidés et les sangliers, à partir de fourrage, fruits, tubercules, aliments concentrés, etc. (Bastien et al., 2011).

19 Agrainage : distribution de grains sur le sol ou dans divers récipients destinée principalement aux oiseaux (faisan, perdrix, etc.) et au sanglier (Bastien et al., 2011).

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et de la Faune Sauvage et de la Fédération Nationale des Chasseurs, le réseau des RNCFS regroupe actuellement neuf sites : trois sont plus particulièrement destinés à la faune de montagne, deux à la grande faune des milieux forestiers et quatre à l’avifaune migratrice. Les RNCFS remplissent trois grands types de missions : la conservation et la gestion des espèces et des habitats, la réalisation de programmes d’étude, de recherche et d’expérimentation, la valorisation de ces espaces, la formation et l’accueil du public (Comité français de l’UICN, 2010).

Espaces protégés au titre de la réglementation environnementale

Les forêts métropolitaines bénéficiant d’une protection réglementaire relèvent des statuts suivants : Parcs Nationaux, Réserves Naturelles (Réserves Naturelles Nationales, Réserves Naturelles Régionales, Réserves Naturelles de Corse), réserves biologiques intégrales, réserves biologiques dirigées ou Arrêtés Préfectoraux de Protection de Biotope.

Dans ces espaces, la pratique de la chasse fait l’objet de dispositions réglementaires spécifiques au site concerné en fonction des enjeux locaux. Elle peut être interdite dès lors qu’elle est jugée incompatible avec les objectifs de gestion du site. C’est le cas notamment pour les Parcs Nationaux, à l’exception du Parc National des Cévennes.

Enclos cynégétiques et parcs de chasse

Pour être reconnu comme tels, les enclos cynégétiques doivent être attenants à une habitation et entourés d'une clôture continue et constante (article L424-3 du Code de l’environnement) afin d’empêcher complètement le passage des animaux sauvages « à poil ». Dans ces espaces, seules les dispositions réglementaires relatives au droit de chasser s’appliquent.

Dans le cas des sangliers, lorsqu’un enclos ou un parc accueille plus d'un animal par hectare, il constitue un « établissement d'élevage, de vente ou de transit de sangliers » et se trouve soumis à des dispositions réglementaires spécifiques.

Les effectifs surabondants d’animaux sauvages dans ces espaces clos peuvent entraîner la destruction de l’état boisé par défrichement indirect (article L341-1 du Code forestier). Il s’agit d’une opération volontaire entraînant à terme les mêmes conséquences que le défrichement direct, c'est à dire la destruction de l'état boisé et la fin de la destination forestière du sol, même si l'état boisé est maintenu temporairement.

Ainsi, la circulaire DGPAAT/SDFB/C2013-3060 précise que les élevages d’animaux sauvages (enclos ou non) en forêt « doivent faire l'objet d'une autorisation de défrichement dès lors que la densité des animaux est telle que l'avenir du peuplement forestier peut se trouver menacé. » Ce type d’élevage en trop forte densité « provoque un appauvrissement progressif du peuplement, compromet sa régénération, et conduit à sa ruine à terme plus ou moins éloigné. »

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Indemnisation des dégâts causés par la faune sauvage aux forêts

Depuis 2008, un dispositif d’indemnisation des dégâts causés aux forêts par les espèces soumises à un plan de chasse existe20. Les conditions en sont les suivantes :

• Les bois et forêts concernés doivent faire partie du territoire d’une ACCA agréée ;

• Ils doivent être dotés d’un document de gestion durable21 ;

• L’ACCA ne doit pas avoir prélevé le nombre minimum d’animaux qui lui a été attribué au cours de la campagne écoulée ;

• Il doit être démontré que le dommage concerne un territoire forestier dans lequel l’équilibre forêt-faune est fortement perturbé.

Néanmoins, ce dispositif très restrictif n’est pas fonctionnel, car à l’heure actuelle, aucun dossier de demande d’indemnisation n’a abouti (MEDDTL & MAAPRAT, 2012).

4.2.4. Contexte socio-économique

La question de l’équilibre forêt-faune est confrontée à la nécessité de faire dialoguer des acteurs issus de mondes différents dont les intérêts peuvent même être divergents. Ce manque de culture commune nuit à la qualité du dialogue.

L’activité cynégétique génère des revenus importants, pouvant par conséquent constituer un frein aux actions en faveur du maintien de l’équilibre forêt-faune. Ainsi, en 2003, la location de chasse a rapporté 72,5 millions d’euros dont 24 millions d’euros en forêt privée (FPF, 2009). En 2008, les revenus générés par les locations de chasse représentaient 42,2 millions d’euros en forêt domaniale et 19,5 millions d’euros dans les autres forêts publiques (MAAPRAT, 2010). De manière globale, la valeur des produits de chasse est estimée à 60,5 millions d’euros et cette activité draine environ 23 000 emplois (FPF, 2009).

En parallèle, on assiste à une artificialisation de la chasse avec l’apparition de chasseurs citadins « du week-end ». Cela peut inciter à entretenir des populations surabondantes de faune sauvage afin de satisfaire ce nouveau type de consommateurs, qui souhaite pouvoir voir et tirer des animaux (MEDDTL & MAAPRAT, 2012). Ainsi, il est notamment constaté que les objectifs de l’agrainage du sanglier peuvent être dévoyés en le pratiquant toute l’année. Par l’amélioration des taux de survie et de reproduction des populations, cette abondance alimentaire va entretenir artificiellement des effectifs d’animaux supérieurs à la capacité d’accueil du milieu.

Concernant les acteurs forestiers, les dégâts générés par les ongulés sauvages peuvent occasionner des pertes économiques significatives. D’autant que contrairement aux cultures agricoles, les dégâts en forêt ne bénéficient actuellement d’aucune indemnisation effective. En l’absence d’indicateurs fiables et partagés, les forestiers peuvent difficilement faire valoir leurs points de vue, en particulier auprès des instances chargées de définir les plans de chasse. Les résultats des observatoires mis en place encouragent à un meilleur partage des constats et éléments de réponse entre les acteurs. 20 Décret n°2008-259 du 14 mars 2008 pris en applicat ion de la loi n°2005-157 du 23 février 2005 relative au développement des territoires ruraux.

21 Il s’agit du document d’aménagement forestier pour les forêts publiques, du Plan Simple de Gestion pour les forêts privées, du règlement-type de gestion et des plans de gestion des espaces forestiers protégés (article L124-1 du Code forestier).

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Sur le plan sociétal, la population française est de plus en plus urbaine, ce qui contribue à une méconnaissance forte et croissante du fonctionnement des milieux naturels. Au-delà des combats légitimes pour la reconnaissance et la prise en compte de la sensibilité animale, le public peut développer une vision anthropomorphique de la faune sauvage ; il accepte difficilement de voir « tuer Bambi ». Certaines dérives cynégétiques entretiennent également la méfiance vis-à-vis du monde de la chasse. D’autant que cette activité génère de réels problèmes de sécurité pour les adeptes du tourisme vert et des « sports de nature », faisant ainsi émerger des conflits pour l’utilisation de l’espace forestier.

Une part également croissante du public est sensibilisée aux aspects de découverte de la nature, demandant ainsi légitimement à pouvoir observer une faune sauvage équilibrée, comprenant des populations de grands prédateurs, dont il comprend le rôle indispensable pour les équilibres naturels.

En guise de conclusion

L’expansion actuelle des principales espèces d’ongulés sauvages est le reflet du succès des mesures de régulation de leur prélèvement et du combat des associations de protection de la nature et de l’environnement en faveur de leur retour dans les milieux naturels initiés dans les années 1970. Cette situation nouvelle nécessite d’adapter les politiques et pratiques de gestion de ces espèces et de leurs habitats.

La question de l’équilibre forêt-faune est actuellement à un tournant, entre les questionnements concernant le choix des méthodes d’évaluation et de contrôle des populations d’ongulés sauvages, les techniques d’intervention sur le milieu permettant de réduire les dégâts sylvicoles générés par ces espèces et la remise en cause récurrente de la protection des grands prédateurs par une partie du monde agricole.

Les associations de protection de la nature et de l’environnement sont un acteur incontournable de ces débats, qui relèvent à la fois de considérations d’ordre éthique, social, écologique et politique. Leurs contributions et leurs positionnements sont essentiels, afin de contribuer à trouver des solutions démocratiques en matière de gestion des ongulés sauvages, dans un souci de l’intérêt général à long terme.

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Références bibliographiques

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