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REVUE GE ´ NE ´ RALE Les avatars de la transplantation à la face Facial transplantation: Avatars M. Stricker a, * , E. Simon a , C. Angrigiani b , C. Perroni c a Service de chirurgie maxillofaciale et plastique, ho ˆ pital Central, 29, avenue du Mare ´ chal-de-Lattre-de-Tassigny, Co n o 34, 54035 Nancy cedex, France b Buenos Aires, Argentine c Servicio de Cirugica y Quemados, Hopital de Ninos ‘‘Sor Maria Ludovicia’’ de la Plata, Calle 16 N8 212, La plata (1900), Buenos Aires, Argentine Rec¸u le 23 fe´vrier 2009 ; accepte´ le 18 aou ˆt 2009 MOTS CLÉS Homotransplantation ; Chirurgie plastique, histoire, techniques ; Face, chirurgie ; Complications Résumé L’avatar, au sens littéral, désigne l’une des incarnations de Vishnu, mais la signi- fication a dérivé vers une connotation péjorative. Dans le domaine de la transplantation à la face, nombreuses furent les incarnations successives. L’analyse de l’évolution des procédés s’avère éminemment instructive dans le cadre des délabrements étendus de la région crânio- faciale. # 2009 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. KEYWORDS Transplantation; Homologous; Surgery; Plastic, history, methods; Face, surgery; Complications Summary ‘‘Avatar’’ carries a pejorative connotation often related to an unfortunate hazard. In face transplants, incarnations were numerous. The analysis of their evolution through time and increasing sophistication of procedures turns out to be informative regarding the wide disrepairs in the craniofacial area. The authors report the principal constraints of face transplant and the evolution in minds to deal with it. # 2009 Elsevier Masson SAS. All rights reserved. L’avatar, au sens littéral, désigne l’une des incarnations de Vishnu, mais la signification a dérivé vers une connotation péjorative dans le sens d’aléa malencontreux. Dans le domaine de la transplantation à la face, nom- breuses furent les incarnations successives, au sein du conflit entre la beauté et l’apport vasculaire, conflit énoncé comme caractéristique de la chirurgie plastique par D.R. Millard dans l’introduction de « Principles and art of plastic surgery » écrit sous l’égide de Gillies [1]. Le souci de restauration à l’identique et aux moindres frais d’une mutilation d’un organe ou d’une région de la face Annales de chirurgie plastique esthétique (2010) 55, 318325 * Auteur correspondant. Adresse e-mail : [email protected] (M. Stricker). 0294-1260/$ see front matter # 2009 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. doi:10.1016/j.anplas.2009.08.011

Les avatars de la transplantation à la face

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REVUE GENERALE

Les avatars de la transplantation à la faceFacial transplantation: Avatars

M. Stricker a,*, E. Simon a, C. Angrigiani b, C. Perroni c

a Service de chirurgie maxillofaciale et plastique, hopital Central, 29, avenue du Marechal-de-Lattre-de-Tassigny, Co no 34,54035 Nancy cedex, FrancebBuenos Aires, Argentinec Servicio de Cirugica y Quemados, Hopital de Ninos ‘‘Sor Maria Ludovicia’’ de la Plata, Calle 16 N8 212, La plata (1900),Buenos Aires, Argentine

Recu le 23 fevrier 2009 ; accepte le 18 aout 2009

MOTS CLÉSHomotransplantation ;Chirurgie plastique,histoire, techniques ;Face, chirurgie ;Complications

Résumé L’avatar, au sens littéral, désigne l’une des incarnations de Vishnu, mais la signi-fication a dérivé vers une connotation péjorative. Dans le domaine de la transplantation à laface, nombreuses furent les incarnations successives. L’analyse de l’évolution des procédéss’avère éminemment instructive dans le cadre des délabrements étendus de la région crânio-faciale.# 2009 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.

KEYWORDSTransplantation;Homologous;Surgery;Plastic, history,methods;Face, surgery;Complications

Summary ‘‘Avatar’’ carries a pejorative connotation often related to an unfortunate hazard.In face transplants, incarnations were numerous. The analysis of their evolution through timeand increasing sophistication of procedures turns out to be informative regarding the widedisrepairs in the craniofacial area. The authors report the principal constraints of face transplantand the evolution in minds to deal with it.# 2009 Elsevier Masson SAS. All rights reserved.

Annales de chirurgie plastique esthétique (2010) 55, 318—325

L’avatar, au sens littéral, désigne l’une des incarnations deVishnu, mais la signification a dérivé vers une connotationpéjorative dans le sens d’aléa malencontreux.

* Auteur correspondant.Adresse e-mail : [email protected] (M. Stricker).

0294-1260/$ — see front matter # 2009 Elsevier Masson SAS. Tous droidoi:10.1016/j.anplas.2009.08.011

Dans le domaine de la transplantation à la face, nom-breuses furent les incarnations successives, au sein du conflitentre la beauté et l’apport vasculaire, conflit énoncé commecaractéristique de la chirurgie plastique par D.R. Millard dansl’introduction de « Principles and art of plastic surgery »écrit sous l’égide de Gillies [1].

Le souci de restauration à l’identique et aux moindresfrais d’une mutilation d’un organe ou d’une région de la face

ts réservés.

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[(Figure_2)TD$FIG]

Figure 2 Schéma du lambeau en Poncho.

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avait conduit, de longue date, les chirurgiens à prélever surd’autres individus, voire même sur des espèces différentes.L’échec patent de ces hétéro-xénogreffes, et à moindre titredes homo-allogreffes, avait imposé le dogme intangible de latransplantation autologue, hormis les quelques indicationsd’allogreffes de transition, destinées à gagner du temps et àfavoriser la cicatrisation.

L’analyse de l’évolution, au fil du temps et de la sophis-tication des procédés, desdits avatars et des contraintesd’utilisation, s’avère éminemment instructive dans le cadredes délabrements étendus de la région crâniofaciale, quellequ’en soit l’origine, sachant que la brûlure profonde panfa-ciale en a été l’origine.

L’avatar vasculaire

L’utilisation du tégument dorsal pour le resurfaçage de latotalité de la face brûlée illustre parfaitement les péripétiesévolutives de la transplantation monotissulaire destinée à laréparation des plans superficiels.

La transposition pédiculée

Gillies décrivait un lambeau dit « commando » [1] (Fig. 1),dessinant la face sur le dos et transposé sur un doublepédicule scapulaire postérieur en enjambant lecrâne. Nous l’avions utilisé pour traiter une angiomatosefaciale monstrueuse, mais un S. de Kasabach-Merrit decoagulation massive intravasculaire avait compliqué leprotocole.

Ce procédé a été repris par Carlos Perroni [2] sous leterme de lambeau en Poncho pour la correction deséquelles de brûlures de la totalité de la face chez l’enfant(Fig. 2 et 3).

[(Figure_1)TD$FIG]

Figure 1 Le lambeau « commando » selon Gillies.

L’affranchissement de la contrainte vasculairepar le transfert micro-anastomosé

La sécurité vasculaire est assurée sans la contrainte deconservation du pédicule ; ainsi C. Angrigiani [3] (Fig. 4)transfère le vaste lambeau dorsal sur une double anastomosevasculaire avec des résultats remarquables. Néanmoins, dupropre aveu de l’auteur, le tégument dorsal, épais et detexture grossière, contrarie quelque peu les mimiquesaffinées.

Cette transposition dorsale constitue en vérité une ébau-che de préfabrication sur le site donneur.

Les lambeaux préfabriqués

Lorsque la mutilation pluritissulaire requiert l’association detransplants osseux ou cartilagineux aux lambeaux cutanés,l’idée de préparer la région à réparer sur le lambeau avaitpour objet de minimiser les approximations dimensionnelleset les retouches inhérentes. L’idée est fort ancienne, Nela-ton armait un lambeau, souvent frontal, par transplantcartilagineux ou par une baguette osseuse prélevée in situpour la reconstruction du nez, mais le résultat obtenu àl’époque ne s’avérait qu’un « à peu près » morphologique(Fig. 5).

Le terme de « préfabrication », initié par Shen [4], maisdans un concept d’induction vasculaire, a été contesté parPribaz [5], qui préconise celui de « prélamination » dans laterminologie anglo-saxonne.

La préfabrication, dénomination préférentielle, à notresens, en langue française, consiste en l’édification préalablede l’unité anatomofonctionnelle à reconstruire sur le sitedonneur, la région temporale parfois, l’avant-bras le plussouvent.

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[(Figure_3)TD$FIG]

Figure 3 Lambeau Poncho à double pédicule scapulaire postérieur de C. Perroni.

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La région nasale a été fréquemment l’objet de cettepréfabrication, Baudet [6] et Pribaz (1999) [7] en ont montréles résultats et nous avons avec Michel Brice publié un casdans les Annales de Chirurgie Plastique de rhinopoïèse parpréfabrication antébrachiale avec transfert selon Taglia-cozzi (Fig. 6).

La région orbitopalpébrale a également été réparée decette manière, mais reconstruire l’ensemble orbitopalpébralest un défi encore plus ardu (Fig. 7) :

� au plan osseux, dimensionnel, la cavité orbitaire étanttributaire de la présence et de l’activité du globe ocu-laire, l’énucléation ou l’exentération dans la petiteenfance (avant dix ans) conduisent à un micro-orbitismepar arrêt de l’expansion du cône osseux d’obédiencemésenchymateuse. Agrandir la cavité orbitaire est lepréalable indispensable par ostéotomies ou par prothèsed’expansion ;� au plan palpébral, fonctionnel, les paupières reconstrui-

tes sont le plus souvent inertes ou dans les meilleurs casfort peu mobiles. L’ensemble reconstruit figure plus un« hublot » qu’une fente palpébrale.

Cependant, la satisfaction du patient n’étant pas forcé-ment celle du chirurgien, ces reconstructions sont licites ;souvent par des lambeaux préfabriqués :

� soit en région temporale ;� soit en région antébrachiale.

Cette approximation morphologique est à mettre enbalance avec la réalisation d’une prothèse implantoportée,parfois seule solution raisonnable envisageable, en particu-lier chez le patient âgé (Fig. 8).

Ko et Shaw en 1997 [8] analysent la résistance à l’infec-tion des lambeaux préfabriqués, définis comme plus fragileset de devenir biologique incertain, mais améliorable parl’addition d’un facteur de croissance de l’angiogenèse. Enfait, cette étude concerne des lambeaux préfabriqués selonle mode d’induction vasculaire.

L’avatar immunitaire

La contrainte immunitaire découverte avec la transfusionsanguine s’est avérée longtemps infranchissable, en dépitdes tentatives de contournement par le recours aux tissusmaternels, par exemple le cartilage destiné à la maquette del’otopoïèse (Gillies).

Pourtant, le recours à l’allogreffe dans le territoire faciala été prôné par nombre d’auteurs.

L’allogreffe de conduit auditif externe et de tympan dansle traitement de l’otite chronique et de certaines aplasies du

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[(Figure_4)TD$FIG]

Figure 4 Lambeau dorsal sur une double anastomose vasculaire de C. Angrigiani.

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conduit a connu une vogue certaine [9]. Marquet [10—12] en1966 avouait 16 cas avec 85 % de bons résultats, prônant sesqualités plastiques et architecturales, ainsi que le risqueréduit de cholestéatome iatrogène sous réserve d’aléadimensionnel du tympan et du marteau et d’aléa positionneldu manche du marteau rétracté en interne. L’épithélialisa-tion s’effectuait en deux semaines et la revascularisationadoptait une disposition radiaire favorable [13].

Après une période euphorique et la création debanques, elle est tombée en désuétude (en raison du risque[(Figure_5)TD$FIG]

Figure 5 Lambeau préfabriqué d’après Nelaton.

de contamination par le virus HIV et par le prion duCreutzfeldt-Jakob).

Cependant, le protocole d’homogreffe ossiculaire a étéremis à l’honneur en Europe à l’issue d’une argumentationserrée :

� les caractéristiques anatomiques du transplant : tissufibreux et os compact peu favorables à la présence duvirus HIV ;� l’absence de cas de maladie de Creutzfeldt-Jakob après

homogreffe tympano-ossiculaire ;� la définition d’un protocole d’inactivation — préservation

du transplant selon Hotz par trempage dans Na0H pendantune heure pour inactivation du prion, puis passage àl’autoclave à 134 8C pendant 8 ms à trois bars — substituéà l’inactivation par formaldéhyde-cialit proposée parNaujoks en 1978 [14].

Les résultats publiés par les différentes écoles (bernoise,anversoise. . .) sont d’une efficacité supérieure à ceux obte-nus avec les biomatériaux à un moindre coût et sans conta-mination constatée.

Plus étonnant, le protocole de transplantation d’uneallogreffe de mandibule comportant les organes dentairesa été publié par l’école russe de Plotnikov (Fig. 9).

Après des publications initiales en 1977 dans le SovietMedical [15], puis en 1988 dans Stomatologia [16], cet auteuren 1993 publie successivement :

� dans Stomatologia l’expérimentation sur 40 chiens [17] ;� dans Craniomaxillo-facial Surgery de mars à propos de

30 ans d’expérience chez 680 patients de l’allotransplan-tation de mandibules lyophilisées avec un pourcentaged’échec de 10 % [18].

On peut s’étonner du succès de ces réalisations, alors quel’homogreffe dentaire, très en vogue au XIX

e siècle, en parti-culier à Londres, a fait la preuve de son inefficacité à moyenterme, en raison de résorptions radiculaires, voire d’anky-lose (Andreasen) [19].

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[(Figure_6)TD$FIG]

Figure 6 Patiente ayant subi environ 40 interventions pour un angiome extensif centrofacial, irradié prédominant sur la pyramidenasale et la lèvre supérieure. Après deux échecs de lambeaux libres, un protocole est décidé : a : en premier lieu, la restructurationdes orifices narinaires ; b, c, d, e : en deuxième, un lambeau préfabriqué antébrachial droit, transféré en mode pédiculé selonTagliacozzi ; f : en troisième, une armature de la pointe par greffe cartilagineuse en fleur de lys ; g, h : le résultat est des plussatisfaisants.

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Néanmoins, cela prête à réflexion. Les bons résultatsavancés sont éventuellement explicables par la nature oula dimension des tissus transplantés :

� l’os lyophilisé dans le cas de la mandibule dentée ou non ;� la dimension très réduite des transplants tympano-

ossiculaires.

Il existe, en effet, une gradation dans la réponsetissulaire : chaque tissu possède en somme une signatureantigénique variable avec sa composition, à savoir :

� sa richesse en lymphocytes ;� la présence de capillaires perméables aux cellules.

De ce fait, l’os et le cartilage ont une réponse moindreque la peau, la muqueuse, les muscles, les nerfs et lesvaisseaux.

Les transferts composites déclenchent une sommation deréponse des différents tissus impliqués, d’autant que laréaction augmente avec la dimension du transplant.

L’avatar fonctionnel

Les données du conflit entre beauté et apport vasculaire ontévolué. La sécurité vasculaire est assurée, le résultat mor-phologique est admirable, mais à condition qu’il ne résumepas la formulation de Baudelaire « je hais le mouvement quidéplace les lignes » d’une forme inerte ou trop peu mobile.La réparation nerveuse est indispensable : « la vie estmouvement » disait Léonard.

L’avatar identitaire

L’affranchissement relatif de la contrainte immunitaire aremis à la mode l’allotransplantation, mais elle reste sou-mise à nombre d’aléas inhérents au protocole :

� le rejet est une menace permanente ;� la thérapeutique anti-rejet est grevée d’effets iatrogènes

à moyen et long terme ; à savoir la survenue d’épithélio-mas cutanés et/ou de lymphomes ;

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[(Figure_7)TD$FIG]

Figure 7 Patient ayant subi une exentération orbitaire droite pour tumeur maligne à l’âge de 18 mois. Une greffe cutanée a étéréalisée (Pr. Jouglard). À partir de 1983, un protocole de réparation est entrepris : c, d, e, f, g, h : ostéotomie d’agrandissement de lacavité orbitaire, retournement de la greffe cutanée pour créer une cavité d’accueil d’une prothèse, lambeau de Galéa d’étoffementpalpébral ; i : lambeau libre composite musculocutané de grand dorsal, réinnervé par le nerf facial ; j, k, l : ostéotomie de propulsionorbitaire externe, suspension du sourcil, désépaississement des néopaupières. Plus de 30 interventions réalisées, une activitéélectrique du transplant vérifiée par contrôle électromyographique.

[(Figure_8)TD$FIG]

Figure 8 Patiente ayant présenté un carcinome orbitaire réhabilitation par prothèse implantoportée. a : aspect initial ; b, c :prothèse implantoportée.

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[(Figure_9)TD$FIG]

Figure 9 Protocole de transplantation d’une allogreffe demandibule selon Plotnikov.

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� l’indication est soumise à l’approbation d’un comitéd’éthique, en fonction de la faisabilité et de la légitimitédu protocole.

Toutefois, le problème essentiel reste celui de l’identité.On distingue :

� l’identité extrinsèque, visible, morphologique, aisémentcontrôlable au niveau de ses deux supports principaux(Fig. 8) :� d’une part le visage, reconnaissable par la fiche anthro-

pométrique initiée par Bertillon,� d’autre part la main, par ses empreintes digitales.

La littérature a fantasmé sur les deux thèmes avecGaston Leroux, Fantômas est expert à contrefaire, par leport de masques, le faciès de ses victimes, tandis queChéri Bibi, le bagnard, se fait greffer la face et les mainsavec la peau d’un détenu par le médecin marron qu’est leKanaque.

L’iris est un support identitaire, d’utilisation plusrécente et plus restrictive. Il n’est pas mis en cause dansl’allotransplant de cornée.� l’identité intrinsèque, invisible, biologique, à savoir le

support antigénique, lequel varie avec les tissus. La sus-ceptibilité tissulaire oscille selon une échelle bien définie.

De fait, l’identité biologique protège l’identité morpho-logique, mais le phénomène bien connu de « non reconnais-sance de soi », déjà observé dans certaines modifications

esthétiques majeures de la face, risque de se retrouver,peut-être même amplifié.

Cet avatar identitaire débouche tout naturellement surun avatar psychologique, nous ne sommes pas qualifiés pouren disserter, mais à la décharge de l’allotransplantationcomposite, les techniques classiques de réparation desgrandes mutilations faciales, aux temps multiples se dérou-lant sur un laps de temps considérable, sont à l’origine d’unphénomène de dépendance vis-à-vis du chirurgien, parfai-tement énoncé par Orticochea, « il n’y a pas de dernièreopération » , l’annonce du dernier geste et donc de l’arrêtde la réhabilitation est vécue comme un abandon par lepatient et peut entraîner des réactions extrêmes (auto-lyse).

À cette dépendance du patient à son chirurgien se sur-ajoute, dans le cas de l’allotransplantation, une dépendanceau traitement anti-rejet, donc à l’immunologiste.

L’indication reste le temps essentiel, le devenir d’un telgeste chez un enfant étant perçu comme aléatoire, la réali-sation chez le patient âgé n’étant pas de mise, mais à notresens, le problème majeur est que l’allotransplantationcomposite équivaut à un bouleversement d’identité, respon-sable d’une équivoque identitaire à la limite de l’usurpation,d’autant que la tendance semble être à la falsificationbiologique, travestissant l’identité du donneur, sorte defausse piste identique aux contres-mesures usitées pourdérouter la détection en combat aérien, par exemple.

Enfin, tempérer l’enthousiasme de mutilés de la face nonjusticiables de ce protocole ne sera certainement pas choseaisée.

Pour terminer sur une note optimiste, on peut espérer unecertaine adaptation des parties molles du donneur sur lesoubassement squelettique du receveur pour aboutir à unesorte de compromis morphologique, conforté par une éven-tuelle intégration corticale.

L’avatar financier

Apparemment prosaïque, il participe pourtant de l’étuderisque/bénéfice. Le coût d’une allotransplantation compo-site ayant été chiffré à environ 150 000 dollars, auxquelss’ajoute le traitement antisuppresseur ; à savoir 10 à15 000 dollars par an.

Conclusion

L’allogreffe a connu un processus évolutif, initialementfrappée d’opprobre, elle a trouvé sa place :

� au plan fonctionnel, dans des indications ciblées relati-vement fréquentes ;� au plan morphologique pur, dans des indications plus

ciblées, mais plus rares.

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