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Revue internationale du Travail, vol. 145 (2006), n o 3 Copyright © Organisation internationale du Travail 2006 Les conséquences sociales de la mondialisation dans les pays en développement Eddy LEE * et Marco VIVARELLI ** epuis les années quatre-vingt, l’économie mondiale est marquée D par une interdépendance et une intégration accrues. Avec la diminution du coût du transport et la diffusion des technologies de l’information et de la communication, les distances ont beaucoup perdu en importance, et le niveau brut des échanges, les investissements directs à l’étranger (IDE), les flux de capitaux et les transferts de tech- nologie se sont considérablement accrus. Dans la plupart des pays, les conséquences sur l’emploi et la répartition des revenus de cette nou- velle vague de mondialisation suscitent de plus en plus d’inquiétudes. Quelles que soient les définitions et les indicateurs utilisés, le débat actuel se caractérise par un affrontement à couteaux tirés entre tenants et détracteurs de la mondialisation. Le conflit porte notamment sur les ef- fets de la mondialisation sur l’emploi et la répartition des revenus dans les pays développés, mais c’est sur la situation dans les pays en développe- ment que les positions divergent le plus. Les plus optimistes affirment qu’il y a une relation entre l’intensification des échanges et la croissance économique et en infèrent un effet favorable du commerce sur la crois- sance et de celle-ci sur la situation des plus pauvres (par l’effet conjugué des créations d’emplois et de la réduction de la pauvreté). Du côté des ** Institut international d’études sociales, Bureau international du Travail, Genève. ** Università Cattolica, Dipartimento di Scienze Economiche e Sociali, Plaisance; Centre for the Study of Globalisation and Regionalisation (CSGR), Warwick; Institut zur Zukunft der Arbeit (IZA), Bonn; Max-Planck-Institut für Ökonomik – Abteilung Entrepreneurship, Growth and Public Policy, Iéna. La présente étude est issue d’un programme de recherche économique de quatre ans (2001-2005) financé par le Department for International Development (DFID) du Royaume-Uni et mené à bien par le Bureau international du Travail (Groupe des politiques inter- nationales), qui visait de façon générale à combler les lacunes dans la connaissance théorique et pratique des conséquences de la mondialisation. Les articles signés, de même que les désignations territoriales utilisées, n’engagent que les auteurs et leur publication ne signifie pas que le BIT sous- crit aux opinions qui y sont exprimées.

Les conséquences sociales de la mondialisation dans les pays en développement

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Revue internationale du Travail,

vol. 145 (2006), n

o

3

Copyright © Organisation internationale du Travail 2006

Les conséquences socialesde la mondialisation

dans les pays en développement

Eddy LEE

*

et Marco VIVARELLI

**

epuis les années quatre-vingt, l’économie mondiale est marquée

D

par une interdépendance et une intégration accrues. Avec ladiminution du coût du transport et la diffusion des technologies del’information et de la communication, les distances ont beaucoup perduen importance, et le niveau brut des échanges, les investissementsdirects à l’étranger (IDE), les flux de capitaux et les transferts de tech-nologie se sont considérablement accrus. Dans la plupart des pays, lesconséquences sur l’emploi et la répartition des revenus de cette nou-velle vague de mondialisation suscitent de plus en plus d’inquiétudes.

Quelles que soient les définitions et les indicateurs utilisés, le débatactuel se caractérise par un affrontement à couteaux tirés entre tenants etdétracteurs de la mondialisation. Le conflit porte notamment sur les ef-fets de la mondialisation sur l’emploi et la répartition des revenus dans lespays développés, mais c’est sur la situation dans les pays en développe-ment que les positions divergent le plus. Les plus optimistes affirmentqu’il y a une relation entre l’intensification des échanges et la croissanceéconomique et en infèrent un effet favorable du commerce sur la crois-sance et de celle-ci sur la situation des plus pauvres (par l’effet conjuguédes créations d’emplois et de la réduction de la pauvreté). Du côté des

** Institut international d’études sociales, Bureau international du Travail, Genève.** Università Cattolica, Dipartimento di Scienze Economiche e Sociali, Plaisance; Centre

for the Study of Globalisation and Regionalisation (CSGR), Warwick; Institut zur Zukunft derArbeit (IZA), Bonn; Max-Planck-Institut für Ökonomik – Abteilung Entrepreneurship, Growthand Public Policy, Iéna. La présente étude est issue d’un programme de recherche économique dequatre ans (2001-2005) financé par le Department for International Development (DFID) duRoyaume-Uni et mené à bien par le Bureau international du Travail (Groupe des politiques inter-nationales), qui visait de façon générale à combler les lacunes dans la connaissance théorique etpratique des conséquences de la mondialisation. Les articles signés, de même que les désignationsterritoriales utilisées, n’engagent que les auteurs et leur publication ne signifie pas que le BIT sous-crit aux opinions qui y sont exprimées.

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pessimistes, on estime que la mondialisation n’a pas partout les mêmes ef-fets, qu’elle peut avoir des conséquences néfastes pour les secteursjusqu’alors protégés, qu’elle conduit à la marginalisation de régions entiè-res et qu’elle tend à aggraver les inégalités de revenu dans les pays. Cettedivergence de points de vue apparaît aussi à propos des indicateurs de lapauvreté. Les partisans de la mondialisation affirment ainsi que, àl’échelle de la planète, la pauvreté absolue diminue depuis vingt ans. Sesdétracteurs estiment que ce résultat découle uniquement d’artefacts sta-tistiques et de la croissance rapide de la Chine. Ils concluent pour leurpart à une augmentation de la pauvreté relative quasiment partout dansle monde et à celle de la pauvreté absolue dans beaucoup de pays en dé-veloppement.

L’objet du présent article est de traiter ces aspects de façon plus ap-profondie et de fournir, sur le plan théorique comme empirique, plu-sieurs éléments de réponse à la question de savoir si la mondialisation estvéritablement favorable à l’emploi, à l’atténuation de la pauvreté et à unerépartition plus équitable des revenus dans les pays en développement.Nous organiserons notre analyse en cinq sections. Dans la première, nousprésenterons plusieurs définitions et nos choix méthodologiques. Dansles trois suivantes, nous évoquerons et mettrons en relation dans uneperspective critique plusieurs études récentes, à visée théorique ou prati-que, relatives aux conséquences de la mondialisation sur l’emploi, la ré-partition des revenus et la pauvreté dans les pays en développement.Dans la dernière section, nous résumerons les conclusions principalesde l’étude et formulerons sur cette base quelques recommandationsd’action.

Définition et méthodologie

Si la mondialisation est aujourd’hui source de bien des débats etd’autant de polémiques, le terme reste souvent mal défini. On désigneainsi en effet, et parfois trop largement, l’intensification des échanges etles politiques de libéralisation du commerce ainsi que la diminution ducoût du transport et les transferts de technologie. Lorsqu’il est questiondes conséquences de la mondialisation, la discussion englobe générale-ment à la fois les effets sur la croissance économique, l’emploi et la répar-tition des revenus – souvent sans faire la distinction entre les inégalités in-térieures et les inégalités entre pays – et d’autres effets sur la pauvreté, lerespect des droits de l’homme et des droits au travail, la protection del’environnement, etc. En outre, le débat repose souvent sur des bases mé-thodologiques peu claires du fait de l’interaction de facteurs historiques,économiques, politiques ou relevant d’autres sciences sociales encore.Ces problèmes de définition et de méthodologie sont à l’origine pour par-tie de la franche opposition entre partisans et détracteurs de la mondiali-sation, qui semblent les uns et les autres camper sur leurs positions pour

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des raisons idéologiques et chercher à étayer leur point de vue, plus oumoins habilement, avec des faits anecdotiques plutôt qu’avec des élé-ments de preuve rigoureusement établis.

Compte tenu de cette confusion et de l’intrication des questions, leprésent article visera notamment à sélectionner plusieurs domaines biendéfinis et à faire le point sur des modèles théoriques et des travaux empi-riques ayant véritablement contribué à améliorer la compréhension desconséquences sociales de la mondialisation dans les pays en développe-ment. Compte tenu de ce projet, il convient dans un premier temps de dé-limiter la portée de notre analyse.

Définition

Aux fins du présent article, nous utiliserons une définition ex post,objective et reposant sur des valeurs chiffrées, de la mondialisation, àsavoir l’ouverture accrue aux échanges et l’augmentation des IDE.Nous chercherons alors à déterminer si l’accroissement effectif deséchanges et des flux d’IDE est favorable ou non aux pays en dévelop-pement. Sera donc exclu l’examen des programmes de libéralisation,qui sont de nature ex ante et se réduisent parfois à des déclarationsd’intention peu, voire aucunement, suivies d’effets. Pour évaluer lesconséquences de la mondialisation, ce qui compte en réalité, ce n’estpas l’impact attendu de mesures souvent restées ineffectives mais biencelui de l’augmentation effective des indicateurs chiffrés de la mondia-lisation tels que l’ouverture au commerce et les IDE. Ce postulat dedépart a un inconvénient majeur, à savoir que certains aspects de lamondialisation seront passés sous silence (migrations par exemple) etd’autres examinés de façon très superficielle (flux financiers, place-ments de portefeuille).

Champ de l’étude et méthodologie

La présente étude ne porte que sur les conséquences de la mondia-lisation (telle que définie précédemment) dans les pays en développe-ment pour les vingt dernières années. On trouvera cependant parailleurs une littérature économique abondante sur les conséquences dela mondialisation dans les pays développés.

L’étude ne portera que sur trois aspects particuliers des consé-quences sociales de la mondialisation, à savoir l’effet de l’accroissementdes échanges et des IDE sur l’emploi national, les inégalités intérieuresde revenu et la réduction de la pauvreté.

Les conséquences de la mondialisation pourraient aussi être exami-nées avec profit dans une perspective historique, sociologique, démogra-phique ou politique, mais nous adopterons aux fins du présent article une

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approche purement économique, en accordant une attention particulièreaux recherches appliquées.

Dans ce cadre général, le présent article vise trois objectifs particu-liers. Premièrement, il doit faire la synthèse de la littérature économiquerécente, à visée théorique ou empirique, relative aux conséquences de lamondialisation en ce qui concerne les trois domaines énoncés précédem-ment. Deuxièmement, il tente de répondre aux questions restées ouver-tes en l’état actuel de la recherche, à savoir: quels sont les effets potentielssur l’emploi et la répartition des revenus de l’exposition, voulue ou subie,d’un pays en développement à la mondialisation? Quelles sont les voiespar lesquelles les échanges et les IDE affectent l’emploi, la répartition in-térieure des revenus et la réduction de la pauvreté? Quelle est l’impor-tance à cet égard du niveau de développement et du cadre institutionneldu pays? Le troisième et dernier objectif du présent article est de propo-ser des recommandations d’action pouvant être utiles aux responsablesnationaux et internationaux soucieux des conséquences sociales de lamondialisation dans les pays en développement.

Mondialisation et emploi

Si l’on en croit la théorie des avantages comparatifs, tant les échan-ges que les IDE devraient tendre à exploiter l’abondance de main-d’œuvre des pays en développement, et y entraîner une spécialisationdans les activités à forte intensité de main-d’œuvre, donc des créationsd’emplois. Cette prédiction formulée par Heckscher et Ohlin ne semblepas toujours avérée après analyse de la littérature récente, qui montreque l’augmentation des échanges n’a pas nécessairement d’effet favora-ble sur l’emploi dans les pays en développement. Un assouplissement del’hypothèse de l’homogénéité des fonctions de production selon les diffé-rents pays débouche notamment sur la possibilité d’équilibres multiples(Grossman et Helpman, 1991) ou de tendances assez différentes pour cequi touche à l’emploi avec des modèles prévoyant une évolution par «rat-trapage» (Fagerberg, 1988 et 1994; Dosi, Pavitt et Soete, 1990; Cimoli etDosi, 1995; Verspagen et Wakelin, 1997; Targetti et Foti, 1997; Montob-bio et Rampa, 2005). En fait, lorsque la productivité totale des facteursaugmente sous l’effet de la mondialisation, l’effet bénéfique sur l’emploide la compétitivité ainsi acquise doit être évalué en tenant compte deséconomies de main-d’œuvre induites par l’adoption de technologies nou-velles (voir Haddad et Harrison, 1993; Coe, Helpman et Hoffmaister,1997; Aitken et Harrison, 1999; Kathuria, 2001). En d’autres termes, dansun pays en développement, l’impact sur l’emploi de l’augmentation deséchanges dépend en fin de compte du rapport entre augmentation de laproductivité et augmentation de la production de biens échangeablescomme non échangeables. Il est donc impossible de déterminer a prioriquel sera le résultat final du processus, et ce pour plusieurs raisons. D’une

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part, les exportations peuvent entraîner une croissance économique etdes créations d’emplois liées à l’augmentation de la demande. Del’autre, les importations peuvent condamner des entreprises nationalesjusqu’alors protégées, avec des licenciements à la clé. En outre, tant quecertains éléments limitent l’offre (infrastructures lacunaires, main-d’œuvre qualifiée en nombre insuffisant, faiblesses des investissements,dysfonctionnements du marché du travail), l’augmentation de la produc-tivité peut dépasser l’augmentation de la production même dans les sec-teurs exportateurs, au détriment de l’emploi. Enfin, les secteurs protégésde l’économie nationale – notamment l’agriculture, l’administration pu-blique, le bâtiment, les services non échangeables – peuvent servir à occu-per la main-d’œuvre, ce qui implique souvent chômage masqué et sous-emploi dans le secteur informel (voir Fosu, 2004; Reddy, 2004).

Si l’on s’intéresse non plus aux échanges mais aux entrées des IDE,on constate dans les pays en développement qui ont ouvert leurs frontiè-res aux capitaux étrangers un effet favorable des IDE sur l’emploi, direc-tement et indirectement, du fait de la création d’emplois par les fournis-seurs et les détaillants. Ces investissements ont aussi un effet à untroisième degré: l’augmentation de revenu qui en découle accroît la de-mande globale (voir Lall, 2004). Les IDE, lorsqu’ils visent la création decapacités de production entièrement nouvelles, favorisent donc l’emploipar plusieurs voies, mais cet effet doit être évalué en tenant compted’autres conséquences: les entreprises locales non concurrentielles etautrefois protégées peuvent être évincées (risques de faillites et de licen-ciements), les nouvelles technologies introduites par les entreprises mul-tinationales peuvent nécessiter moins de main-d’œuvre que les précéden-tes et les IDE, lorsqu’ils prennent la forme de fusions et d’acquisitions,peuvent aussi entraîner des réductions de personnel.

En fait, tant les importations que les IDE peuvent nuire, par évic-tion, à la production intérieure, notamment dans des secteurs précédem-ment protégés ou naissants, phénomène dont les grandes entreprises pu-bliques des villes chinoises ont notamment fait les frais (voir Rawski,2002; voir aussi Aitken et Harrison, 1999). Cet effet néfaste sur l’emploiest encore plus marqué lorsque les entrées des IDE se doublent d’une li-béralisation financière, suivie d’une augmentation du taux d’intérêt, quitend à entraîner une diminution de l’investissement intérieur (voir Berget Taylor, 2001).

Il semble donc difficile sur le plan théorique de déterminer quel estl’impact global sur l’emploi des échanges et des IDE, d’où la nécessité derecueillir des données sur l’interaction entre ces différents éléments etd’examiner quels sont, dans les faits, les effets directs et indirects de lamondialisation sur l’emploi intérieur dans un pays donné.

Matusz et Tarr (1999) passent en revue les études consacréesjusqu’à 1995 aux conséquences de la mondialisation sur l’emploi dans lespays en développement. La comparaison des taux d’emploi avant et après

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la libéralisation des échanges les mène à conclure que la libéralisation deséchanges et des IDE a eu un effet favorable sur l’emploi sauf dans les paysen transition de l’Europe de l’Est. Ghose (2000 et 2003) examine la rela-tion entre la libéralisation des échanges et l’emploi manufacturier. Touten notant que l’accroissement du commerce et des IDE n’a concernéqu’un petit nombre de pays récemment industrialisés, il affirme quel’augmentation des échanges de produits manufacturés a favorisé nota-blement l’emploi manufacturier dans les pays en question. D’autres étu-des nationales qui concernent aussi principalement le secteur manufactu-rier dressent un tableau plus contrasté. Dans les pays en développementayant réussi leur intégration, la libéralisation des échanges a eu sur l’em-ploi des effets divers (mais la plupart du temps défavorables) en Améri-que latine (voir Rama, 1994; Revenga, 1997; Levinsohn, 1999; BIT, 2002;Cimoli et Katz, 2003) mais dans l’ensemble favorables en Asie (voir Lee,1996; Orbeta, 2002).

Les aspects théoriques et les éléments de fait examinés dans Lee etVivarelli (2004) permettent de conclure effectivement que l’impact surl’emploi des échanges et des IDE varie selon le pays et le secteur et que,dans la plupart des cas, le modèle de Heckscher-Ohlin ne se vérifie pas.Ainsi, Lall (2004) établit clairement que, dans plusieurs pays en dévelop-pement, les exportations et l’emploi intérieur ont effectivement aug-menté suite à l’ouverture au commerce et aux IDE (voir aussi ONUDI,2002). Cet auteur met en doute cependant l’idée selon laquelle la mondia-lisation se traduit toujours par une croissance de l’emploi dans les pays endéveloppement. En effet, le cadre institutionnel, le niveau de qualifica-tion de la main-d’œuvre, la capacité technologique et la compétitivité desentreprises locales déterminent pour chaque pays une «capacité d’ab-sorption» ou «capacité sociale» (voir Abramovitz, 1986 et 1989), qui peutamplifier l’effet bénéfique de la mondialisation sur l’emploi. Parallèle-ment, des inadéquations institutionnelles entre le marché, les organisa-tions et l’Etat (voir Perez, 1983; Shafaeddin, 2005) et une insuffisance descapacités locales peuvent largement limiter le potentiel de la croissanceéconomique et de création d’emplois (voir aussi Basu et Weil, 1998).

Dans ce cadre, Gros (2004) note que l’ouverture au commerce setraduit à la fois par une augmentation de la valeur ajoutée et par un ren-forcement de la productivité du travail si bien qu’il est impossible de pré-voir a priori l’impact définitif sur l’emploi. En ce qui concerne la crois-sance de l’emploi, il semble que, dans la pratique, les résultats sontmeilleurs dans les pays en développement restés en marge de la mondiali-sation, principalement parce que la productivité du travail n’y a pas connula moindre amélioration – ainsi que dans les pays en développement oùl’ouverture a été progressive, qui se caractérisent par un équilibre entreproduction et productivité propre à préserver les intérêts des travailleurs.

Enfin, Spiezia (2004) examine l’impact des échanges sur l’emploidans le secteur manufacturier. Il compare l’intensité de main-d’œuvre

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dans le cas des biens exportés, des biens importés et des biens desti-nés au marché domestique et parvient à la conclusion que, dans 21 des39 pays en développement de son échantillon, l’augmentation duvolume des échanges s’est soldée par une croissance de l’emploi. Dansles 18 pays restants cependant, l’intégration accrue à l’économie mon-diale s’est traduite par une réduction de l’emploi (ce qui ne correspondpas aux prédictions du théorème de Heckscher-Ohlin). En ce qui con-cerne les IDE, Spiezia montre que l’impact de ce type d’investissementssur l’emploi augmente avec le revenu par habitant et qu’il est négligea-ble dans les pays en développement à faible revenu.

Mondialisation et inégalités intérieuresde revenu

Selon le théorème de Stolper-Samuelson, le commerce et les IDEdevraient exploiter l’abondance de travail peu qualifié des pays en déve-loppement, entraînant par là même une augmentation de la demande in-térieure de main-d’œuvre non qualifiée et, de ce fait, une diminution de ladispersion des salaires et des inégalités de revenu dans les pays considé-rés (voir Stolper et Samuelson, 1941)

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.Ce théorème présente cependant plusieurs failles théoriques, et non

des moindres. On peut se demander tout d’abord s’il est applicable auplan mondial ou seulement à l’échelle de ce que l’on appelle un «cône dediversification», c’est-à-dire d’un groupe de pays caractérisés par des do-tations comparables, des fonctions de production très similaires et une of-fre du même type quant aux catégories de produit (voir Davis, 1996). Si lethéorème de Stolper-Samuelson n’est pas applicable à l’économie mon-diale mais seulement à l’échelle d’un cône de diversification donné, onpeut imaginer qu’un pays disposant d’une main-d’œuvre non qualifiéeabondante par rapport à la moyenne mondiale soit en outre mieux dotéen capitaux et en main-d’œuvre qualifiée que d’autres pays du mêmecône. Dans ce cas l’application du théorème peut donner, sur la réparti-tion, des résultats très différents de ce que l’on pourrait imaginer sur labase d’une interprétation Nord-Sud simpliste. Ainsi, au Mexique, l’effetfavorable sur la répartition des revenus des échanges avec les Etats-Uniset des investissements directs de ces derniers peut être complètementneutralisé par l’influence contraire de la concurrence avec la Chine etd’autre pays d’Asie nouvellement industrialisés (voir Wood, 1997; Woodet Ridao-Cano, 1999).

Deuxièmement, le modèle de Feenstra-Hanson (1996 et 1997) mon-tre qu’une activité qui n’est pas à forte intensité de qualification dans un

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Pour un réexamen récent de l’effet que les échanges peuvent avoir sur la répartition desrevenus dans les pays nouvellement industrialisés, on consultera Wood (1994 et 1997); pour uneanalyse critique, voir Milanovic (2002a).

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pays développé peut l’être sur le marché du travail du pays en développe-ment considéré. Par conséquent, la délocalisation de la production despays développés vers les pays en développement (par le biais des IDE etde relations commerciales import-export) peut se traduire par un accrois-sement des inégalités dans les uns comme dans les autres. Ainsi, si des en-treprises des Etats-Unis externalisent leur production au Mexique via lesIDE, les usines caractérisées par une utilisation relativement importantede main-d’œuvre non qualifiée aux Etats-Unis seront par contre à forteintensité de qualification au Mexique (avec un rapport entre travailleursqualifiés et travailleurs non qualifiés supérieur à celui des usines locales),ce qui tendra à augmenter les salaires relatifs et l’inégalité de revenu dansles deux pays (voir aussi Zhu et Trefler, 2001).

Troisièmement, cette tendance à une accentuation des inégalitéspeut être encore amplifiée par le niveau de qualification élevé parfoisrequis par les technologies associées aux importations de biens d’équi-pement et aux IDE (voir Findlay, 1978; Wang et Blomström, 1992). Eneffet, l’accroissement des importations concerne pour une bonne partles biens d’équipement et les biens intermédiaires dans les pays endéveloppement qui viennent de s’ouvrir au commerce (voir Acemoglu,1998; O’Connor et Lunati, 1999). Il convient pour plus de clarté d’exa-miner séparément le rôle des IDE et celui des importations.

Si l’on considère que les IDE tendent à introduire de nouvelles tech-nologies, on peut recenser, outre un premier effet direct, plusieurs voiesaccessoires par lesquelles les innovations faisant appel à un niveau dequalification élevé utilisées par les entreprises étrangères tendent à ga-gner les entreprises locales. Il y a tout d’abord un effet d’exemple (les en-treprises locales adoptent les nouvelles technologies par imitation et co-pie des machines (voir Piva, 2003)). Il y a aussi des retombées verticales(les innovations induisent des aménagements en amont et en aval, entraî-nant une modernisation au sein du secteur mais aussi dans les autres (voirSaggi, 1999). Il faut évoquer encore une transmission de savoir-faire im-putable à la main-d’œuvre elle-même, notamment par la rotation de per-sonnel, parce que les travailleurs formés dans des entreprises étrangèrespeuvent être amenés par la suite à travailler pour une entreprise locale ouà créer leur propre entreprise (voir Kinoshita, 2000). On relèvera enfin lerôle de la concurrence, qui contraint les entreprises locales à se moder-niser pour rester compétitives face aux entreprises étrangères (voirBayoumi, Coe et Helpman, 1999).

Les biens d’équipement – qui sont à la base de l’innovation techni-que – jouent un rôle primordial par rapport aux autres importations à lafois parce qu’ils contribuent à la valorisation du capital et, plus large-ment, à la croissance économique des pays en développement (Xu etWang, 2000; Eaton et Kortum, 2001; Mazumdar, 2001) et parce qu’ils gé-nèrent des échanges tendant à élever le niveau de compétence des tra-vailleurs

(skill-enhancing trade)

(voir Robbins, 1996 et 2002; Barba Nava-

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retti, Soloaga et Takacs, 1998; Berman et Machin, 2000 et 2004; Vivarelli,2004). En fait, même en admettant que les pays développés ne transfè-rent pas nécessairement leurs technologies les plus avancées aux pays endéveloppement, il est raisonnable de supposer que les technologies trans-férées sont plutôt à forte intensité de savoir-faire et qu’elles le sont davan-tage en tout cas que celles qui prévalaient dans le pays avant la libéralisa-tion des échanges et des IDE. Si tel est bien le cas, l’ouverture au monde,par la voie de la technique, devrait entraîner une augmentation de la de-mande de main-d’œuvre qualifiée et de la dispersion des salaires et, parcontrecoup, une aggravation des inégalités de revenu, à savoir un effetcontraire à ce que prévoit le théorème de Stolper-Samuelson.

Enfin, l’ouverture à la mondialisation se double souvent de réfor-mes axées sur le marché dans des pays en développement, avec notam-ment la libéralisation du marché du travail national ou la privatisationdes entreprises publiques (voir Lee, 2000; Easterly, 2001; Stiglitz, 2002).Ces réformes favorisent souvent de leur côté un renforcement des iné-galités intérieures de revenu (Rodrik, 2000; Milanovic, 2003).

Sur le plan théorique, si l’on assouplit l’hypothèse de l’homogénéitétechnique de Heckscher-Ohlin en admettant la possibilité d’un renforce-ment du capital et d’une évolution technique axée sur les qualifications, ilapparaît que la mondialisation peut nuire dans une large mesure à l’éga-lité de revenu et, par conséquent, que la prédiction théorique ne s’avèrepas dans tous les cas, le résultat final dépendant en effet de l’importancerelative des déterminants examinés précédemment.

Sur le plan empirique, et en commençant par les simples études decorrélation, on relèvera que ni Bowles (2001) ni Dollar et Kraay (2001b)n’établissent de corrélation significative entre l’évolution en matièred’ouverture et l’évolution des inégalités. Du côté des études économétri-ques plus poussées, Edwards (1997) conclut que rien ne permet de faire lelien entre la libéralisation des échanges et l’accroissement des inégalités;Higgins et Williamson (1999) – qui utilisent un cadre fondé sur la courbeinconditionnelle de Kuznets – ne trouvent aucune relation significativeentre l’ouverture économique et l’évolution des inégalités; Spilimbergo,Londoño et Székely

(1999) établissent pour leur part que l’ouverture aucommerce a une influence positive sur les inégalités de revenu dans lespays riches en travail qualifié mais concluent à l’absence de toute relationsignificative entre ces deux éléments lorsqu’ils limitent leur examen auxseuls pays en développement; Ravallion (2001) montre que l’évolutiondes exportations en pourcentage du PIB n’a pas d’effet significatif surl’évolution du coefficient de Gini dans 50 pays donnés (développés pourcertains et en développement pour d’autres).

Cependant, dans son étude sur la Colombie, Birchenall (2001) con-clut que la libéralisation – vue comme l’adoption de nouvelles technolo-gies faisant appel à des qualifications plus poussées – creuse les disparitéssalariales, accentue la polarisation et accroît la mobilité des travailleurs.

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Pavcnik et coll. (2003) montrent que la réforme commerciale au Brésil acontribué à l’élévation du niveau de qualification requis suite à l’adop-tion des nouvelles technologies plus gourmandes en compétences ren-dues nécessaires par une concurrence internationale accrue (même si l’ef-fet global sur la dispersion des salaires reste relativement limité). Enfin,Vivarelli (2004) conclut que l’ouverture au commerce et les entrées desIDE n’ont pas d’effet significatif sur la répartition des revenus. Cette der-nière étude présente cependant certains éléments tendant à montrer que,dans les premiers temps de l’ouverture aux échanges, les importationspeuvent renforcer les inégalités intérieures de revenu (sans doute du faitde l’adoption de nouvelles techniques faisant appel à un niveau de savoir-faire élevé).

S’il fallait retenir de ces différentes études empiriques une conclu-sion commune, c’est bien que l’idée si répandue selon laquelle l’intégra-tion économique tend à accroître les inégalités dans les pays en développe-ment n’est pas nécessairement contraire aux modèles théoriques maisqu’elle n’est guère corroborée par l’analyse des données empiriques ré-centes. Comme Cornia (2004) le signale, il ne semble pas que la mondiali-sation soit la cause première de l’accroissement actuel des inégalités derevenu dans les pays en développement. Cependant, les observations ré-centes confirment l’hypothèse selon laquelle la diffusion dans les pays endéveloppement de nouvelles technologies faisant appel à un niveau dequalification élevé déjà utilisées par les pays plus riches peut entraîner, dumoins dans un premier temps, un accroissement des inégalités intérieures.

Mondialisation et réduction de la pauvreté

On estime généralement que les échanges et les IDE favorisent lacroissance économique des pays en développement (voir Banque mon-diale, 2002)

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. Si tel était bien le cas – et si l’on considère comme globale-ment nul l’impact de ces facteurs sur la répartition des revenus –, lamondialisation devrait contribuer à réduire la pauvreté. On relève effec-tivement dans la plupart des pays en développement une réduction im-portante du pourcentage de la population vivant au-dessous du seuil depauvreté, notamment dans ceux d’entre eux, comme la Chine, l’Inde ou leViet Nam, où la mondialisation a été particulièrement rapide. Le constatne vaut pas cependant pour beaucoup de pays d’Afrique subsaharienne,où l’ouverture au commerce a été lente.

Les fervents de la mondialisation voient dans l’évolution actuellele signe manifeste d’une réduction des inégalités dans le monde (Sala-i-Martin, 2002), alors que ceux qui la dénoncent montrent que les chiffresprésentés ne sont que des moyennes largement gonflées par la crois-

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On trouvera un point de vue beaucoup plus critique cependant dans Rodríguez et Rodrik(1999).

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sance exceptionnelle de la Chine, qui masquent une augmentation de lapauvreté absolue en Afrique subsaharienne et de la pauvreté relative(soit des inégalités) dans la plupart des pays (Milanovic 2002b; Reddyet Pogge, 2005).

Dans une perspective théorique, la croissance économique ne cons-titue pas la seule des voies par lesquelles la mondialisation peut influersur le niveau de pauvreté, aspect traité de façon générale par Winters,McCulloch et McKay (2004). En effet, la mondialisation a une influenceconsidérable sur plusieurs autres facteurs, notamment les suivants :

la productivité du travail (dont l’augmentation peut impliquer unehausse des salaires mais aussi des pertes d’emploi);

la demande de main-d’œuvre qualifiée, avec à la clé un risque delicenciement pour les travailleurs peu qualifiés, particulièrementnombreux parmi ceux qui vivent au-dessous du seuil de pauvreté(voir aussi la section précédente);

la nécessité d’assurer la stabilité macroéconomique, garante d’uneinflation limitée (les échanges devraient dans ce cas améliorer lasituation des pauvres, qui sont souvent parmi les plus durementtouchés par l’augmentation des prix (voir Bhagwati et Srinivasan,2002);

le fait que la libéralisation peut aussi s’accompagner de politiquesmacroéconomiques timides et restrictives ayant l’effet inverse (voirLangmore, 2004);

les prix relatifs, avec sur le pouvoir d’achat des ménages pauvresdes effets défavorables ou favorables selon la nature des réduc-tions des droits de douane et les modifications des termes deséchanges;

la compétitivité relative des entreprises nationales (qui risquentd’être évincées par des multinationales plus efficaces);

les recettes et les dépenses publiques, etc.

Globalement, il est vrai que la mondialisation contribue à la crois-sance économique et que la croissance économique contribue à laréduction de la pauvreté, mais à certaines conditions seulement. Leseffets bénéfiques sur le niveau de pauvreté peuvent être effectivementamplifiés ou atténués (voire annulés) par les facteurs et orientationséconomiques en vigueur par ailleurs.

Pour mieux comprendre ce point, il convient aussi de faire la diffé-rence entre l’effet des échanges et des IDE d’une part et celui de la libéra-lisation financière de l’autre. L’augmentation des premiers semble êtreassociée à une croissance économique accrue et à une réduction de lapauvreté absolue – mais sous réserve de beaucoup d’autres facteurs com-plémentaires. En effet, la pauvreté peut s’étendre rapidement du faitd’une vulnérabilité accrue, de crises économiques généralisées et de leur

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Revue internationale du Travail

contagion à des «victimes innocentes», autant d’éléments qui peuventêtre associés à une libéralisation financière rapide (voir Lee, 1999; Cor-nia, 2004; Taylor, 2004). La libéralisation des comptes de capitaux peutdonc contrer l’effet bénéfique sur la pauvreté des échanges et des IDE etelle a certainement une incidence sur le creusement des inégalités de re-venu (voir Taylor, 2004; Santarelli et Figini, 2004; voir aussi pour un pointde vue divergent Kaminsky et Schmukler, 2003, qui mettent en avant lesapports à long terme de la libéralisation financière sur le plan social).

Rien ne prouve pour conclure que la mondialisation a sur la pau-vreté un effet systématique, thèse défendue par exemple par Dollar etKraay (2001a et 2001b) avec un raccourci optimiste: «Si le commerceest bon pour la croissance et la croissance bonne pour les pauvres, alorsle commerce est bon pour les pauvres». Sur la base d’études empiri-ques, Dollar et Kraay classent les pays en «mondialisateurs» et «non-mondialisateurs» selon l’intensité de leur ouverture au commerce(mesurée par le rapport: exportations + importations/PIB) et montrentque les taux de croissance sont plus élevés chez les mondialisateurspour la période 1977-1997. Ils établissent ensuite que le revenu des pau-vres augmente de façon proportionnelle au revenu moyen et que lamondialisation n’a pas d’effet systématique sur la répartition des reve-nus, d’où leur conclusion que la croissance est bonne pour les pauvres.On trouvera une synthèse des critiques les plus intéressantes de ces étu-des dans Rodrik (2000), qui conteste la définition exogène des mondia-lisateurs de Dollar et Kraay, à qui il reproche l’exclusion arbitraire decertains pays ainsi que l’utilisation selon le pays de cadres temporelsdifférents. Rodrik procède au même travail empirique sans parvenir àétayer l’hypothèse selon laquelle les mondialisateurs présentent unecroissance économique véritablement supérieure aux autres.

Ravallion (2001) présente des conclusions bien plus prudentes etestime qu’il faudrait des études complémentaires au plan microécono-mique et à l’échelle nationale pour établir pourquoi les individus lesplus pauvres ne tirent pas tous profit pareillement des possibilités nou-velles offertes par la mondialisation des économies en développement.

Enfin, la CNUCED dénonce dans son rapport sur les pays lesmoins avancés

(CNUCED, 2002) le caractère simpliste de l’a prioriactuel selon lequel la pauvreté persistante des pays les moins dévelop-pés découlerait principalement d’un niveau d’intégration commercialeinsuffisant. En effet, les caractéristiques de l’intégration commercialeimportent plus que son intensité, et le rapport appelle l’attention sur lesrésultats très différents en matière de pauvreté des pays exportateursde produits de base autres que le pétrole – où la pauvreté a augmenté –et des pays exportateurs de produits manufacturiers, qui présententglobalement une tendance à la réduction de la pauvreté.

On retiendra par conséquent la conclusion particulièrement avi-sée de Winters (2000): la libéralisation des échanges aboutit de façon

Les conséquences sociales de la mondialisation

203

générale à un accroissement des possibilités et du potentiel économi-ques des pays en développement mais il serait absurde d’affirmer quela mondialisation n’a jamais réduit personne à la misère, ne serait-ceque parce que les catégories défavorisées sont très hétérogènes au seind’un même pays et parce que les pays pauvres sont eux-mêmes très dif-férents les uns des autres.

A partir de données portant sur 120 pays en développement, San-tarelli et Figini sont parvenus à établir ce qui suit:

l’ouverture au commerce contribue à réduire la pauvreté absolue,soit le nombre de ceux qui vivent au-dessous du seuil de pauvreté;

les flux d’IDE, notamment la libéralisation financière, semblentavoir une influence défavorable sur la réduction de la pauvreté,mais dans des proportions tout à fait minimes;

il n’y a pas de relation significative entre les échanges ou les IDE etla pauvreté relative, soit le nombre des individus dont le revenu estinférieur à la moitié du revenu moyen, résultat conforme aux con-clusions de la section précédente (voir Santarelli et Figini, 2004; etFigini et Santarelli, 2006).

Conclusions et action envisageable

La première section du présent article posait plusieurs questions gé-nérales auxquelles la suite du texte devait répondre sur le plan théoriqueet empirique. La première de ces questions était la suivante: quels sont leseffets potentiels sur l’emploi et la répartition des revenus de l’exposition,voulue ou subie, d’un pays en développement à la mondialisation?

L’analyse qui précède aura montré clairement que ni la réflexionthéorique ni l’observation des faits ne permettent de répondre defaçon tranchée à cette question: les résultats de la recherche poussent àla nuance.

Si une conclusion générale doit être faite cependant, c’est bien queles prédictions optimistes des théorèmes de Heckscher-Ohlin et deStolper-Samuelson ne s’appliquent pas à la vague de mondialisationactuelle; il apparaît en effet que l’accroissement des échanges et desIDE ne se traduit pas systématiquement par des créations d’emplois etune réduction des inégalités au sein des pays. Qui plus est, les effets surl’emploi peuvent être très différents selon la région du monde, entraî-nant des phénomènes de concentration et d’exclusion, et ils dépendentde la possibilité de renforcer la «capacité d’absorption» du systèmesocial et institutionnel considéré.

Il apparaît pour être plus précis que l’impact sur l’emploi dépendde l’intensité de main-d’œuvre initiale, de l’effet sur la production et del’effet sur la productivité, qu’il s’agisse des biens échangeables ou nonéchangeables. Selon la valeur de ces trois paramètres et l’importance

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Revue internationale du Travail

des lacunes éventuelles en ce qui concerne l’offre de capitaux, les infras-tructures et la main-d’œuvre qualifiée, le résultat en matière d’emploipeut être très différent. Des nuances très semblables s’imposent en cequi concerne les effets sur l’emploi des entrées d’IDE.

S’agissant de la répartition des revenus, de toute évidence, le théo-rème de Stolper-Samuelson ne s’applique pas. Il n’en est pas moins vraique l’intensification des échanges et les IDE ne semblent pas constituerles causes premières de l’accroissement des inégalités de revenu dansdes pays en développement. Certains éléments de fait semblent indi-quer que, à la suite immédiate de l’ouverture au commerce, les impor-tations de biens d’équipement tendent à accentuer les inégalités du faitde l’introduction de nouvelles technologies requérant un niveau dequalification important.

Enfin, l’accroissement des échanges semble effectivement favoriserla croissance économique et réduire la pauvreté absolue, même s’il existeen la matière quelques exceptions notables, notamment en Afrique sub-saharienne. Quant aux IDE, ils n’ont apparemment aucune influence surla répartition des revenus et la pauvreté, ce qui n’est pas le cas de la libéra-lisation financière, dont la propension à accentuer la pauvreté relative estétablie.

La deuxième question posée dans le présent article était la suivante:quelles sont les voies par lesquelles les échanges et les IDE affectent l’em-ploi, la répartition intérieure des revenus et la réduction de la pauvreté?

L’effet favorable sur la pauvreté de l’accroissement des échangespasse par l’augmentation de la croissance économique. Comme le niveauglobal des échanges (importations + exportations) reste sans effet sur larépartition des revenus mais favorise la croissance économique, on abou-tit au final à une réduction globale de la pauvreté.

En ce qui concerne l’emploi et la répartition des revenus, de nom-breuses études permettent de conclure sans hésitation à une influencedéterminante de la technologie. Si les échanges (notamment les impor-tations de machines) et les IDE font intervenir des technologies écono-mes de main-d’œuvre et requérant un niveau de qualification élevé, lesconséquences de la mondialisation peuvent être à l’inverse des prédic-tions des modèles de Heckscher-Ohlin et de Stolper-Samuelson, c’est-à-dire que l’on assistera à une diminution de l’emploi et une aggravationdes inégalités intérieures de revenu. Dans ces circonstances, les élé-ments théoriques et empiriques préliminaires examinés plus haut – ence qui concerne la diffusion de nouvelles technologies, faisant appel àun niveau de qualification élevé, des pays développés vers les pays endéveloppement à revenu intermédiaire – laissent entrevoir un nouveaudomaine de recherche très prometteur.

Il convient aussi de tenir compte d’un autre facteur déterminant ence qui concerne les conséquences de l’accroissement des échanges et desIDE, à savoir l’organisation institutionnelle du marché du travail, notam-

Les conséquences sociales de la mondialisation

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ment du secteur informel. La flexibilité du marché du travail et le recoursmassif au travail informel sont deux éléments qui peuvent renforcerquantitativement les effets favorables de la mondialisation sur l’emploi.Cependant, des effets contraires, nombreux et marqués, peuvent surgirpar ailleurs, avec notamment un accroissement des inégalités de revenuet un dumping social, soit un nivellement par le bas et une généralisationde la règle du «chacun pour soi» du fait même de la mondialisation. Cettetendance peut déboucher en définitive sur une réduction considérabledes capacités socio-économiques du pays en développement et finir paraffecter sa «capacité d’absorption», s’agissant des institutions politiques,de la cohésion sociale et des possibilités technologiques.

La troisième question traitée ici était la suivante: Quel est le rôledu niveau de développement et du cadre institutionnel du pays en déve-loppement considéré?

Dans l’ensemble, le niveau de développement économique et hu-main a une influence sur l’orientation et l’impact de la vague de mondia-lisation actuelle. Ainsi, l’infrastructure matérielle et les dotations enressources humaines d’un pays en développement jouent un rôle déter-minant dans sa capacité à exploiter au mieux le potentiel de l’accroisse-ment des échanges commerciaux et des IDE pour la création d’emplois etla réduction des inégalités. Au contraire, si l’offre de travailleurs bien for-més et qualifiés est insuffisante, de même que l’investissement privé etpublic (notamment pour la recherche et le développement), le pays ris-que l’exclusion, l’exploitation, un taux de chômage important et des iné-galités de revenus marquées.

Plusieurs recommandations d’action s’imposent donc. Elles con-cernent l’enseignement et la formation, les institutions réglementant lemarché du travail et le marché des capitaux, les modes de «gouver-nance» au plan local, régional et national (réformes fiscales et mesuresde lutte contre la corruption notamment), les politiques relatives auxentreprises et à l’innovation, visant les secteurs et produits particulière-ment novateurs et dynamiques, et l’instauration d’un système de pré-voyance sociale assorti de filets de protection pour ceux qui pourraientpâtir de la mondialisation en marche.

A la lumière des observations formulées en réponse aux trois ques-tions traitées, quelles sont les recommandations d’action pouvant êtreadressées aux pays en développement exposés à la mondialisation?

Sans examiner dans le détail les possibilités d’action ouvertes auplan national et international, nous dégagerons de la discussion ci-dessusquatre grandes orientations visant à porter au maximum les effets bénéfi-ques de la mondialisation pour l’emploi et la répartition des revenus dansle cas des pays en développement.

Tout d’abord, les dysfonctionnements du marché et les différencesde développement économique et humain initiaux, ainsi que l’existenced’une «capacité d’absorption» technologique et de «capacités sociales»

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Revue internationale du Travail

rendent nécessaires une «libéralisation contrôlée», meilleur accompa-gnement possible pour l’ouverture au monde. Les pays restés prudentsdans l’exposition à la mondialisation se caractérisent en effet par demeilleurs résultats sur le plan de l’emploi, alors que les intégrations rapi-des à la mondialisation semblent s’accompagner d’un renforcement desinégalités de revenu du fait de l’augmentation des importations. Asso-ciée à un certain contrôle de l’Etat sur les échanges et les IDE, la libérali-sation financière devrait faire l’objet de plus de restrictions encore danscertaines circonstances. Si elle est trop rapide en effet, elle peut entraînerune vulnérabilité accrue et une augmentation de la pauvreté.

Deuxièmement, compte tenu du rôle déterminant des caractéristi-ques institutionnelles, structurelles et technologiques initiales des pays,et comme les effets bénéfiques de la mondialisation ne concernent pastoutes les régions et tous les secteurs de la même façon, les politiquesnationales relatives à l’intégration régionale, aux entreprises et à l’inno-vation devraient acquérir une importance nouvelle.

Troisièmement, compte tenu que l’introduction de nouvelles tech-nologies «importées» nécessitant un niveau de qualification élevé risquede renforcer les inégalités de revenu, il faut accorder toute l’importancevoulue à l’enseignement et à la formation au plan national et local en vued’accroître l’offre de travailleurs qualifiés. En effet, une offre insuffisanteen travail qualifié limite la production et accentue la dispersion des salai-res, ce qui nuit à l’emploi et à l’égalité intérieure de revenu.

Quatrièmement enfin, comme les conséquences de la mondialisa-tion sur l’emploi et la répartition des revenus ne sont pas homogènes etqu’elles diffèrent selon les pays, il faut une action internationale pré-ventive, avec des régimes d’assurance ou des filets de sécurité socialepar exemple, et l’adoption des politiques multilatérales appropriéesrelatives aux questions sociales, au travail et aux revenus.

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