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Dominique Wolton CNRS, Paris LES CONTRADICTIONS DE L'ESPACE PUBLIC MÉDIATISÉ La démocratie recquiert l'existence d'un espace public où sont débattus contradictoire- ment les grands problèmes du moment. Cet espace symbolique inséparable du principe de « publicité » et de « sécularisation », est une des conditions structurelles du fonctionnement de la démocratie. La démocratie de masse a ensuite conduit à ce qu'un plus grand nombre d'acteurs s'exprime sur un plus grand nombre de sujets. Ce qui a modifié l'espace public dans le sens d'un élargissement, résultat conjugué de la démocratisation, et du rôle croissant des médias. C'est pourquoi, l'espace public contemporain peut être appelé «espace public médiatisé », au sens où il est fonctionnellement et normativement indissociable du rôle des médias. L'espace public est apparu dans sa forme moderne au XVIII e siècle. Il est alors limité, lié à l'existence d'une élite éclairée, petite en nombre, homogène sur le plan social et culturel, qui débat entre elle, en petits cercles, informée à la fois par ses contacts personnels et par une presse écrite et une librairie qui restent confidentielles dans leurs tirages. Rien à voir avec l'espace public d'une démocratie de masse. Ici on trouve au contraire le suffrage universel égalitaire ; l'élargissement constant du champ politique ; une institutionnalisa- tion des grandes fonctions (éducation; santé...); des acteurs d'origine sociale et culturelle différenciée ; des conflits plus nombreux mais plus institutionnalisés ; une internationalisation des problèmes; la présence des médias de masse; un rôle certain de l'opinion publique par HERMÈS 10, 1991 95

LES CONTRADICTIONS DE L'ESPACE PUBLIC …documents.irevues.inist.fr/bitstream/handle/2042/15362/HERMES_1991... · J'ai suffisamment insisté ailleurs4 sur le fait que la communication

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Dominique Wolton CNRS, Paris

LES CONTRADICTIONS DE L'ESPACE PUBLIC MÉDIATISÉ

La démocratie recquiert l'existence d'un espace public où sont débattus contradictoire-ment les grands problèmes du moment. Cet espace symbolique inséparable du principe de « publicité » et de « sécularisation », est une des conditions structurelles du fonctionnement de la démocratie. La démocratie de masse a ensuite conduit à ce qu'un plus grand nombre d'acteurs s'exprime sur un plus grand nombre de sujets. Ce qui a modifié l'espace public dans le sens d'un élargissement, résultat conjugué de la démocratisation, et du rôle croissant des médias. C'est pourquoi, l'espace public contemporain peut être appelé «espace public médiatisé », au sens où il est fonctionnellement et normativement indissociable du rôle des médias.

L'espace public est apparu dans sa forme moderne au XVIIIe siècle. Il est alors limité, lié à l'existence d'une élite éclairée, petite en nombre, homogène sur le plan social et culturel, qui débat entre elle, en petits cercles, informée à la fois par ses contacts personnels et par une presse écrite et une librairie qui restent confidentielles dans leurs tirages.

Rien à voir avec l'espace public d'une démocratie de masse. Ici on trouve au contraire le suffrage universel égalitaire ; l'élargissement constant du champ politique ; une institutionnalisa­tion des grandes fonctions (éducation; santé...); des acteurs d'origine sociale et culturelle différenciée ; des conflits plus nombreux mais plus institutionnalisés ; une internationalisation des problèmes; la présence des médias de masse; un rôle certain de l'opinion publique par

HERMÈS 10, 1991 95

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l'intermédiaire des sondages. Tout ceci n'a pas grand-chose à voir avec les références théoriques et historiques que beaucoup ont en tête quand ils parlent de l'espace public.

C'est aujourd'hui, plus qu'aux XVIIIe et XIXe siècles qu'apparaît la nécessité, pour comprendre ce qu'est la démocratie d'évaluer avec précision ce que recouvre ce concept. Si celui-ci s'est progressivement imposé en vingt ans, au point de devenir presqu'à la mode, il faut reconnaître par contre que les travaux le concernant restent peu nombreux {cf. note 1 et 2). Pour ma part, j'essaye depuis maintenant plusieurs années de réfléchir aux caractéristiques théoriques de cet espace public contemporain, et notamment au rôle qu'y jouent les médias.

Le paradoxe d'ailleurs de l'espace public médiatisé de la démocratie de masse est de s'être mis en place en un demi-siècle sans que beaucoup de travaux théoriques3 y soient consacrés. On parlait encore des conditions d'émergence du modèle démocratique libéral, de ses possibilités, on dénonçait le plus souvent ses impasses et ses mensonges, alors que de fait on était déjà entré dans une autre histoire politique, celle de la démocratie de masse. La réalité a été plus rapide que les idées.

J'ai suffisamment insisté ailleurs4 sur le fait que la communication n'est pas antinomique avec la démocratie de masse mais qu'elle en est au contraire une condition structurelle, pour qu'il soit nécessaire d'y revenir. Je voudrais plutôt examiner ici un certain nombre de contradictions liées au fonctionnement de cet espace public élargi, caractéristique de la démocratie de masse. Moins, pour remettre en cause son rôle et son statut, que pour analyser les dysfonctionnements consécutifs à son avènement.

Revenons un moment sur les caractéristiques de l'espace public médiatisé où les liens symboliques sont beaucoup plus importants que les liens réels et concrets. Π renvoie à une société ouverte, urbanisée, dans laquelle les relations sociales sont marquées par une forte valorisation de l'individu, tant sur le plan du travail que sur celui du modèle de consommation. Mais, cet espace est aussi marqué par l'organisation de masse, tant sur le plan du travail, que sur celui de la consommation, des loisirs, de l'éducation. La contradiction principale de notre société, et son intérêt, est de gérer ces deux dimensions opposées. Dans Eloge du Grand Public (1990), j'ai parlé de « société individualiste de masse » pour faire ressortir l'opposition entre ces deux dimensions : une priorité accordée à tout ce qui facilite l'expression, l'identité, la libération de l'individu, plus que de la personne d'ailleurs, et en même temps une société qui, sur le plan économique, politique et culturel repose sur l'échelle du grand nombre. Cette antinomie recquiert l'existence d'un espace public élargi médiatisé pour que les contradictions inhérentes à cette double orientation ne soient pas trop violentes.

L'espace public médiatisé est un des lieux symboliques, parfois le seul, où peut se gérer cette caractéristique contradictoire des sociétés actuelles.

C'est également un espace dans lequel la presse écrite et les médias audiovisuels jouent un rôle considérable en terme d'information et de communication. Non seulement parce qu'ils sont nombreux, libres et en concurrence, mais aussi parce que l'élargissement du champ de la

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politique leur confère un rôle central, tant pour la production que la diffusion de l'information. Les sociétés ouvertes doivent disposer d'un moyen de relation à l'autre : c'est la fonction de l'information, récit d'un monde qui élargit sans cesse ses frontières, mais qui s'adresse à une communauté bien particulière beaucoup plus réduite, et en général, nationale. Les sociétés ne peuvent s'ouvrir les unes sur les autres qu'à la condition de conserver leur identité. Communica­tion et identité ne sont donc pas antagonistes, mais substantiellement liées. La communication peut multiplier la diffusion d'informations de plus en plus nombreuses, venant de tous les coins du monde, uniquement parce qu'il existe simultanément des communautés restreintes de réception et d'interprétation de ces informations.

Enfin, c'est un espace public marqué par la présence des sondages. Ceux-ci construisent une représentation constante de l'opinion publique. L'information des médias sur les événe­ments d'une part, et l'information des sondages sur l'état de l'opinion d'autre part, sont la condition de fonctionnement de l'espace public élargi de la démocratie de masse. On y retrouve les caractéristiques de la société individualiste de masse avec la gestion de trois paramètres souvent contradictoires : la liberté et la pluralité de l'information ; la valorisation de l'individu ; une société marquée par le nombre et la standardisation.

J'examinerai dix contradictions de cet espace public médiatisé.

1. La tyrannie de l'événement

Le premier paradoxe est « la réduction » de toutes les échelles de temps à celle de l'événement. C'est l'impérialisme du « news », de l'instant et du direct. Le temps de l'informa­tion est littéralement réduit à la seule durée de l'instant. Il n'existe que ce qui surgit. Le triomphe de l'information est la conséquence d'un double changement : l'élargissement du champ de la politique, lié à la victoire de la démocratie et les fantastiques progrès sur le plan technique, sur la production, la diffusion et la réception de l'information. Toute la difficulté vient de ce double changement, politique et technique, l'un n'étant évidemment pas sans rapport avec l'autre. Le changement technique dans l'information a permis de réaliser les rêves les plus audacieux en donnant au citoyen le moyen de savoir ce qui se passe le plus rapidement et le plus complètement possible — quasiment partout en direct.

Résultat ? Le direct qui était hier à la fois l'horizon de l'information et son idéal, devient le pain quotidien, l'ordinaire. L'effet de ce changement de proportion sur la chaîne de l'informa­tion est considérable car le direct apparaît en quelque sorte comme le standard, dont l'effet est encore renforcé par le poids de l'image. La chronologie de l'information est aujourd'hui étalonnée par rapport « au direct » alors même que de très nombreuses situations d'informa­tions ne justifient pas un tel rythme ni une telle échelle de temps, ni surtout une telle échelle de compréhension. Si le direct s'impose pour certains événements, il ne peut s'imposer comme la

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norme et l'idéal de l'information. La domination d'un modèle de l'information marqué par l'urgence et l'événement a nécessairement un impact très lourd sur toute la conception de l'information : l'honnêteté d'une émission se jugerait simplement au fait d'être « en direct ». La valorisation de l'instant est déjà très forte puisque tout ce qui est neuf et nouveau est privilégié, tout ce qui est lent et complexe a tendance à être évacué. Quel événement peut durer plus d'une semaine dans les médias ? Tout ce qui dure trop longtemps lasse et n'attire plus l'attention. Il y a évidemment une contradiction entre la rapidité de l'information, la simplification qui en résulte et la complexité de l'histoire et des problèmes de société

La contradiction croissante entre la logique de l'information événementielle et le rythme du fonctionnement de la société résulte assez directement du triomphe de l'information. Mais la politique, et encore moins la société ne vivent au simple rythme de l'événement et du direct.

La démocratie nie le temps qu'il lui a fallu pour advenir. Elle devient chronophage de la durée, sans laquelle elle n'est pas. Quel temps ne lui a-t-il

pas fallu pour s'installer!... Pour que les hommes, les partis, et les intérêts apprennent à se confronter plutôt qu'à se battre. A dialoguer plutôt qu'à s'éliminer. A se reconnaître, si ce n'est à s'admettre. Seule la durée permet à la démocratie de trouver peu à peu ses marques. Pourquoi ce temps et cette durée, condition structurelle de son existence, sont-ils niés par l'information ? C'est, par et au travers de l'information que la démocratie gère ses conflits et ses contradictions. Si la durée est niée dans la production et la consommation de l'information, le temps indispensable à la gestion des contradictions au sein d'une démocratie risque lui-même d'être nié ou sous-estimé. Le poids de l'idéologie technocratique contribue à accréditer cette idée d'une rationalité du temps historique. Entre le temps technologique et le temps des médias, il est bien difficile de préserver le temps de l'histoire et de la société.

2. Le « bocal » médiatique La victoire de l'information aurait dû rapprocher les journalistes, les hommes politiques, et

en général les élites, du reste de la société. En effet, l'omniprésence des médias et des sondages permet de « tout savoir sur tout ». Pourtant, « la classe médiatique, intellectuelle et politique » n'est pas plus proche des problèmes de société qu'hier, même si elle a très exactement le sentiment inverse. En effet cette connaissance élargie de la réalité est très « médiatisée », c'est-à-dire liée à des informations, et dépend de moins en moins de l'expérience. A cet éloignement inévitable de l'expérience s'ajoutent les biais qu'introduisent les journalistes et les médias dans l'appréhension de la réalité. L'échelle de l'expérience ne s'est pas élargie proportionnellement au nombre d'événements couverts par les médias, si bien que l'accès aux événements hors du champ de l'expérience personnelle, est à la fois plus grand qu'hier et dépend d'une médiation journalistique. A cet inévitable biais s'en ajoute un autre : l'omni-

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présence des médias et de l'information ne peut rien contre le fait qu'il est impossible de tout savoir sur la réalité. On ne s'intéresse pas à tout, et de toute façon, un décalage demeure entre la perception que l'on peut avoir de la réalité, par l'intermédiaire de l'information, et l'expérience concrète que l'on en a par ailleurs. Il y a une « connaissance » de la réalité qui demande du temps, et une certaine expérimentation, les deux étant en quelque sorte antinomiques avec le schéma rationnel de l'information qui domine dans nos sociétés, avec la logique de l'événement, l'instantané des sondages, la sécheresse des statistiques et la distance des enquêtes.

C'est donc l'attitude à l'égard de la réalité qui change puisque, de bonne foi, les élites peuvent croire qu'elles savent l'essentiel. Mais elles savent tout sur « un certain mode ». De toutes façons, elles ont tendance à « s'auto-intoxiquer » en utilisant les mêmes informations, en partageant le plus souvent la même vision du monde, en changeant le plus souvent d'opinion ensemble. Sensibles aux mêmes mouvements d'idées, elles pratiquent parfois un véritable processus d'auto-identification, qui est à la fois un mode de distinction à l'égard des autres et un moyen d'entraide mutuelle.

En d'autres termes, ü n'y a pas de lien direct entre appartenir à la même élite culturelle, aujourd'hui plus nombreuse et plus « mélangée » qu'hier, et connaître mieux la réalité, même si l'on en est mieux informé. Non seulement l'usage des mêmes informations et des mêmes données tend à développer une vision identique du monde, mais surtout l'existence d'une « communauté des élites » aboutit à un processus d'auto-légitimation. Les élites ont moins le sentiment de tout savoir que de savoir l'essentiel, d'autant qu'elles voyagent beaucoup plus que la moyenne des autres catégories sociales et culturelles et qu'à l'étranger elles rencontrent le plus souvent des populations qui ont des caractéristiques socio-culturelles identiques. Contrairement à ce que l'on n'aurait pu penser, l'omniprésence de l'information ne donne pas aux élites le sentiment d'une réalité de plus en plus complexe, elle crée exactement le sentiment inverse. Il n'y a donc pas contradiction entre croissance de l'information et croissance de la hiérarchie sociale et culturelle, pas plus qu'il n'y en a entre l'élargissement de la vision du monde et le maintien d'un décalage dans l'expérience de cette même réalité.

La coupure entre les élites et le reste du monde est peut-être plus dommageable qu'hier, car hier le reste de la population ne voyait pas ce décalage, aujourd'hui plus visible grâce aux médias. Autrement dit, on observe toujours le même effet de « bocal » des élites mais cet effet est maintenant perçu par les autres catégories socio-culturelles.

Qui aurait pensé, il y a 60 ans, au début de l'essor des médias de masse, que leur généralisation, comme celle des sondages, considérés à juste titre comme un outil démocratique, aboutirait au renforcement d'un processus si ce n'est de non communication en tout cas de communication tronquée ?

Le risque de coupure est également renforcé par l'effet de saturation que le public peut avoir à l'égard d'un flot continu d'information. Le paradigme dominant de « l'information

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news » conduit à une consommation accélérée d'information qui s'accompagne d'un phéno­mène inévitable de rejet. Au bout d'un moment personne ne peut vivre sous « le bombardement médiatique ». La réaction à l'égard de la saturation d'information conduit à rejeter en même temps les médias et «la classe médiatico-intellectuello-politique». L'ouverture de l'espace public aboutit à l'effet paradoxal de refermement des différents composants de l'élite politique, culturelle et scientifique sur elle-même, alors que de bonne foi cette élite pense mieux intégrer les différents paramètres de la réalité.

3. Une communication sans interdits L'ouverture de l'espace public, depuis un demi-siècle, est contemporain du règne des

médias de masse. Ceux-ci après avoir été, en Europe, largement dominés par l'Etat sont aujourd'hui régis par une logique concurrentielle avec à terme la perspective d'un énorme marché de la communication.

De nombreux acteurs de ce secteur pensent même ouvertement que la communication devra être organisée exclusivement par les lois du marché. Le changement est notamment dû au fait que la communication est devenue un secteur « porteur ». On est passé de la réglementation publique, avec les inconvénients de politisation que l'on connaît, à l'idée toute différente qu'il vaut mieux laisser le marché assurer seul la régulation. Autrement dit, banaliser le secteur de la télévision et de la communication au sens large. Ne plus lui attribuer de responsabilité particulière, ni de statut particulier, et l'intégrer dans le lot commun de tous les autres secteurs d'activité économique de la société moderne. «Libérer la communication» de toutes les tutelles, et d'abord de la première d'entre elles, celle de l'Etat, même si cette liberté politique s'accompagne d'une nouvelle dépendance, cette fois-ci économique. Et même si parallèlement beaucoup continuent à réclamer des systèmes d'aides... mais pour la presse écrite. Pourquoi les aides souhaitables pour un secteur particulier de la communication — la presse écrite — ne le sont-elles pas pour d'autres ? Sans doute parce que la télévision et la communication, en général, sont des secteurs apparemment plus rentables que celui de la presse écrite. Encore faut-il distinguer la presse généraliste très fragile, qui demande l'aide de l'Etat, et la presse spécialisée qui se porte très bien sans cette aide de l'Etat. Un peu comme si les réglementations étaient souhaitables quand le marché n'est pas porteur, et inutiles quand il l'est...

Dans l'appel à la liberté, et au minimum de contraintes dans le domaine de la communica­tion, il y a confusion entre trois plans distincts. D'abord, celui de l'ouverture d'un marché, ensuite celui des possibilités techniques, enfin celui de la réglementation des usages. Si les deux premiers niveaux de la réalité peuvent éventuellement se satisfaire d'un libéralisme absolu, il n'en est pas de même pour le troisième. Le contresens consiste, à croire que la même liberté doit concerner les contenus et les usages, comme elle concerne les techniques et le marché. A

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supposer d'ailleurs, que les techniques et le marché doivent eux-mêmes rester libres de toute réglementation. Réintroduire des interdits, des réglementations, des normes et des valeurs est aujourd'hui d'autant plus nécessaire que le domaine de la communication est lui-même en pleine expansion et contribue assez directement à la représentation que les citoyens se font de la réalité historique. Il y a même un contresens dans l'appel à la déréglementation comme condition de l'explosion des médias. C'est au contraire l'explosion des médias, et leur rôle croissant dans la communication sociale, qui imposent le maintien d'une certaine règle, et non la déréglementation.

Les souvenirs du contrôle politique des médias hier ne suffisent pas à justifier le libéralisme actuel qui ressemble au laisser-faire, laisser-passer du début du XIXe siècle. Si la main invisible du marché était l'occasion d'une telle organisation harmonieuse, l'Histoire n'aurait pas manqué de le faire savoir, au lieu, d'avoir, à l'inverse, laissé le souvenir de tant d'inéquités, d'inégalités et de dominations.

Il n'y a pas d'espace public sans règles, et sans respect de certains principes d'intérêt public. Le premier concerne l'équilibre à maintenir entre les médias publics et les médias privés et entre les médias généralistes et les médias thématiques, justement pour éviter de trop gros déséquilibres de communication au sein de l'espace public. H est à la fois difficile de reconnaître que l'espace public est le lieu central de la démocratie, en terme d'émission et de discussion de messages et ne pas admettre l'impérieuse nécessité d'un minimum de réglementation en ce qui concerne son fonctionnement et notamment pour les médias. Pourquoi l'idée de l'intérêt général disparaît-elle au moment où l'on reconnaît le rôle déterminant des médias et de l'opinion publique dans l'espace public?

Le développement du secteur de la communication suppose également le maintien des cahiers des charges pour préserver la création, protéger la jeunesse, favoriser le droit d'auteur, limiter la violence, défendre la vie privée, protéger le cadre national... Si les contraintes étatiques et politiques sont génératrices d'inégalités, il est tout aussi naïf de croire que la communication laissée aux seuls arbitrages des lois du marché n'est pas porteuse d'inégalités au moins aussi fortes. D'autant plus pernicieuses qu'elles portent sur un secteur où chacun aspire à un certain universalisme et à un certain égalitarisme.

Le contexte idéologique actuel largement favorable à la déréglementation confond désétatisation, dépolitisation et fin des règles d'intérêt public. Il peut y avoir des télévisions publiques qui ne respectent pas leur mission de service public et des télévisions privées qui en sont plus proches. Mais il peut y avoir des télévisions publiques qui ne reproduisent pas le modèle administrativo-politique comme il peut y avoir des télévisions privées qui carricaturent l'idée de liberté en l'assujettissant à un impératif immédiat de profit. De toute façon on confond ce qui fut un modèle d'organisation de télévision lié à une certaine époque, avec le concept même de télévision publique.

La redécouverte du rôle déterminant de l'interdit dans la communication trouve un exemple dans la réglementation du « droit à l'expression » pour éviter de confondre expression

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et communication. En effet, la liberté de communication se réduit souvent à une revendication d'expression, sans beaucoup tenir compte du point de vue de l'autre. Ce que l'on appelle souvent communication, n'est souvent que la revendication du droit à l'expression. Mais l'expression n'existe pas sans l'autre, et l'autre peut avoir aussi quelque chose à dire, et pas seulement à écouter... La liberté de communication doit donc s'accompagner de cette première obligation : ne pas se limiter à un droit à l'expression, mais reconnaître que dans un processus de communication, il y a au moins deux partenaires et que l'autre peut avoir quelque chose à dire et ne peut pas seulement se comporter en récepteur. La contrainte est ici une condition de liberté !

La communication à travers son expansion retrouve le principe de base de toute activité sociale : pas de liberté sans contrainte. La liberté de communication ne peut uniquement servir à favoriser les industries de la communication, car au bout de ces industries se trouvent des citoyens, des valeurs et des enjeux qui dépassent le cadre d'une industrie. Avec la communica­tion, il ne s'agit pas seulement de vendre des techniques et des messages, il s'agit aussi de relier des citoyens, des communautés et de réfléchir aux conditions qui du côté des récepteurs, il y ait une certaine condition d'interlocution. Ceci ne résulte pas toujours, et même pas souvent, des seules règles du marché.

4. La standardisation

La multiplication des échanges, au sens où un plus grand nombre d'acteurs s'exprime sur un plus grand nombre de sujets, impose que les uns et les autres utilisent partiellement les mêmes codes. Ce code, c'est celui du discours laïc et rationnel dominant dans l'espace public démocratique, et très largement marqué par le discours politique. C'est en effet à travers les catégories politiques que les acteurs appréhendent le monde, construisent leurs discours et leurs oppositions. C'est parce que les uns et les autres utilisent plus ou moins le même langage politique, même s'ils le font au travers de discours conflictuels, qu'existe ce minimum d'intercompréhension que l'on observe dans les démocraties pluralistes. Le prix à payer à l'élargissement de l'espace public est donc la prédominance du discours politique, le seul compris par tous. Mais cette « unification », toute partielle et simple condition d'une communi­cation possible, conduit inévitablement à un certain appauvrissement, car le code politique appliqué à la plupart des sujets de société est nécessairement réducteur. Tout est communicable mais sur un mode plus ou moins politique dont la conséquence est une inévitable dichotomisa-tion. Selon que vous aurez telle ou telle appréhension de l'éducation, de la ville, de la santé, de la sexualité ou de la spiritualité, du voisin, de l'autre ou de la mort, vous serez plus ou moins de gauche ou de droite, plus ou moins conservateur ou progressiste. Les exemples sans doute les plus notoires de cet envahissement du discours politique, concernent la manière dont la mort, la

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sexualité, les manipulations génétiques, la religion, sont aujourd'hui abordés sur le même mode que l'économie, les élections, la fiscalité... Comme si l'existence d'un autre type de discours avait quelque chose d'insupportable.

Il y a dans ce processus de rationalisation et de « réduction » dans l'appréhension de la réalité, un inévitable appauvrissement dont la généralisation de la communication est l'une des causes. Ceci est d'autant plus paradoxal que l'on présente en général la communication comme un facteur « d'enrichissement ». Il n'y a rien à gagner à faire prévaloir un seul type de communication, la communication médiatisée, et un seul type de discours, le discours politique... La conséquence évidente de cette prééminence du discours politique est Pidéologi-sation de pans entiers de la réalité sociale. Avec pour conséquence l'accentuation des oppositions, et la dévalorisation des discours qui n'entrent pas dans cette logique dichotomique.

Certes, le fonctionnement de l'espace public est indissociable de l'existence de conflits, mais tous ne se traduisent pas nécessairement dans un vocabulaire et sur un mode politique. S'il faut parler un peu le même langage pour communiquer, la question est de savoir à partir de quel moment, cette prééminence d'un code — fut-il politique — n'est plus synonyme de liberté, mais plutôt d'appauvrissement. La solution à ce problème ne consiste pas dans l'organisation de l'expression des citoyens, par l'intermédiaire de multiples médias plus ou moins locaux, ou plus ou moins interactifs comme on l'a souvent dit, car cette expression reprend les mêmes codes de communication. Elle consiste plutôt à admettre la coexistence au sein de l'espace public d'un plus grand nombre de discours hétérogènes aux valeurs et aux références laïques et politiques dominantes. Admettre également qu'à côté du discours laïc et rationnel, cohabitent sans avoir à se justifier par rapport à lui des discours à caractère esthétique, religieux, spirituel... porteurs d'autres valeurs et d'autres représentations.

Evoquer l'appauvrissement de la communication, liée au triomphe du discours politique peut paraître paradoxal, quand on voit la difficulté avec laquelle celui-ci a réussi à s'imposer. Mais cette victoire est aujourd'hui acquise, et l'on est entré dans une autre histoire, celle de contradictions inhérentes à cette victoire! Le risque de standardisation des modèles de communication n'est pas seulement dû au triomphe du modèle démocratique, il résulte aussi de l'omniprésence des médias de masse qui facilitent inévitablement une certaine standardisation. Ils sont certes une condition essentielle du lien social, mais ils véhiculent aussi des modèles de représentation et des stéréotypes nécessairement moins nombreux et hétérogènes que ceux présents simultanément dans la société. Cela ne veut pas dire que les médias imposent leurs valeurs et leurs représentations (ne serait-ce que parce que ceux-ci n'existent pas en soi et dépendent du travail d'individus immergés dans cette même société), mais qu'il y a une disproportion entre la visibilité des valeurs véhiculées par les médias et celles présentes simultanément dans la société. Il faut donc une vigilance réelle pour ne pas confondre la visibilité d'un certain nombre de représentations « publicisées » par les médias, et la complexité de ce qui se vit simultanément dans une société.

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5. La personnalisation L'élargissement de l'espace public et le rôle croissant des médias accentuent les phéno­

mènes de personnalisation. Certes, il n'y a pas de politique sans personnalisation, et c'est ce qui en fait finalement sa grandeur, mais il faut néanmoins admettre que la généralisation de la communication médiatisée, à destination d'un grand public, accentue encore ce processus. Même si c'est à cette condition qu'une bonne partie du public peut comprendre des questions nécessairement techniques, et ardues de la société moderne. La complexité et la technicité de nombreux dossiers s'accommodent mal de ce traitement personnalisé de la politique. La plupart du temps, il n'y a pas de concordance entre l'existence d'un problème, le temps nécessaire à son émergence dans l'espace public, la prise de conscience qu'en ont les citoyens et la rapidité avec laquelle il est traité dans les médias, avant de ressortir du cercle de lumière médiatique. Ramener la politique à une question humaine a l'avantage de rappeler son caractère « solutionnable » mais a l'inconvénient de l'inscrire dans le calendrier des échéances électorales pratiquement jamais adéquat à leur solution. Il y a non seulement un risque de jeu de miroir, d'identification croisée, mais aussi « de perte de définition » dans un tel mécanisme. Ce que l'on gagne en personnalisation et en temps court, on le perd en compréhension de la complexité et de la durée des problèmes.

L'identification devient en quelque sorte la condition de production et d'émission du discours, mais il est évident que nombre de problèmes culturels, politiques, économiques, esthétiques... ne s'abordent pas seulement sur le mode identificatoire. Ceci conduit à éliminer des thèmes qui ne s'y prêtent pas, et à l'inverse à valoriser les autres. Si une telle distorsion de la politique, liée à la personnalisation n'est pas prise en compte, c'est tout simplement parce que ce sont aussi des hommes qui font l'information et la politique. Il y a donc inévitablement un jeu d'élimination de ce qui n'entre pas dans ce processus en miroir. Ce qui est éliminé ne disparaît pas pour autant, et se retrouve dans les innombrables conflits qui émergent de manière inattendue dans des sociétés qui pourtant possèdent toutes les batteries possibles et imaginables d'indicateurs et d'indices. Et d'ailleurs ces conflits semblent souvent s'imposer comme un fait « du destin » à des technocrates, des journalistes et des hommes politiques dont la tâche consiste pourtant à scruter en permanence « le social »... Tous sont en permanence « à l'écoute de la réalité » mais ne « voient rien venir », car cette écoute se fait sur le même mode, celui du temps, rationnel et personnalisé, fort différent du temps des problèmes de société.

6. L'identification action-communication En politique, l'action est inséparable de la communication, surtout en démocratie, où les

hommes politiques doivent expliquer leur décision pour gagner les élections, ou leur réélection. De toutes façons, une bonne partie de l'action devient indissociable d'une stratégie de

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communication pour obtenir l'acquiescement du plus grand nombre. Et chacun sait bien depuis longtemps que « parler c'est agir », notamment en politique, et progressivement cette assimila­tion entre communication et action se renforce comme on le voit dans le rôle que joue la télévision dans la politique. Les hommes politiques, après avoir cru utiliser la télévision à leur profit pour séduire les citoyens, ont compris qu'il ne leur suffisait pas de parler pour convaincre et que celui qui contrôlait les « tuyaux » ne contrôlait pas forcément les opinions publiques et encore moins les votes. Bref, qu'il y avait une autonomie, souvent étonnante de la part des récepteurs que l'on a pourtant longtemps cru passifs et manipulables ! Mais les hommes politiques ont aussi compris, à l'inverse, que sans communication, ils n'ont aucune chance de se faire comprendre. Si l'attitude à l'égard du processus de communication a changé en passant d'une idée simple « il suffit de parler pour convaincre » à l'idée plus complexe « il faut en tous cas parler et c'est le public qui se fera sa propre idée », ce qui n'a pas changé c'est l'importance de la communication. Elle est même d'une certaine manière plus grande puisque les hommes politiques ont compris « l'incertitude » dé la communication. Ils sont alors tentés de parler encore davantage puisqu'il existe une forte déperdition dans la communication!

Résultat ? La part de la communication dans l'action ne cesse de croître avec le risque d'un renversement du rapport entre les deux, au profit cette fois de la communication. D'autant que les médias ne cessent de faire pression pour que les hommes politiques se justifient, s'expliquent, «au nom du droit des citoyens à savoir». En outre, dans un système de communication où le rôle des sondages, comme capteurs partiels de l'opinion publique ne cesse d'augmenter, les hommes politiques ont beaucoup plus qu'hier tendance, quoi qu'ils disent, à modifier leur image et leur discours en fonction des informations que leur apportent les sondages. Ils ont beau rappeler la nécessité de ne pas confondre sondages et élections, ils sont enclins, dans une démocratie de masse où par nature ils ne « voient » ni le public ni ses réactions, à considérer les sondages comme de bons indicateurs.

Ces trois transformations contribuent à accroître la part de la communication dans l'action politique. Le résultat est que les hommes politiques passent entre 20 à 40 % de leur temps dans des stratégies de communication. Soit pour valoriser leur action, soit pour offrir et améliorer leur image du public, soit pour neutraliser des concurrents qui eux aussi jouent cette logique de la communication.

Dans l'espace de communication élargi d'aujourd'hui, ceux qui se taisent ont tort. S'il ne suffit pas de parler pour être entendu, il apparaît néanmoins indispensable de faire parler de soi. Un continuum s'établit donc de plus en plus entre communication et action, dont chacun perçoit l'aspect positif pour la démocratie, mais dont on devine aussi la dimension négative. Celle-ci a trait à l'effacement, pourtant essentiel, de la frontière entre les deux. Cette disparition est particulièrement préjudiciable en cas de crise politique car les hommes politiques jouent alors encore plus la communication — avec la presse et au-delà avec le public — afin de réduire l'isolement dans lequel les enferme la crise. On l'a vu par exemple lors de la guerre du Golfe où

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les dirigeants occidentaux n'ont cessé de multiplier les points de presse comme pour faire partager aux opinions publiques le poids de décisions difficiles à prendre. Trouver dans le dialogue avec la presse un moyen de réduire la solitude de l'action est tout a fait compréhen­sible, à ceci près que le dialogue ne fait que repousser la question essentielle, celle du moment solitaire d'une décision, par nature arbitraire.

Cette place croissante de la communication dans la politique moderne soulève une autre question : la difficulté de plus en plus grande à distinguer l'information, l'opinion et l'action. Certes, chacun reconnaît bien volontiers que les trois sont différentes, mais le sentiment dominant aujourd'hui est que plus il y a de médias et de sondages, plus il est possible d'agir continuellement. Ce qui n'est pas totalement faux, à condition de se remémorer la différence qui subsiste toujours entre information, communication et action. Même si cette différence est moins visible aujourd'hui du fait que la plus grande partie des gouvernements agissent au « centre ».

Le triomphe de la démocratie pluraliste, qui se traduit le plus souvent par une alternance entre une politique de centre-droite et de centre-gauche rend en effet plus difficile la tâche des hommes politiques : ce qui les sépare est faible et les rend encore plus dépendants de l'information et des sondages. Pourquoi? Parce que pour comprendre les lignes de force de l'évolution de la société et de l'opinion publique, ils sont obligés de suivre au plus près les réactions aux événements et à leur réaction dans l'opinion. De là à croire que c'est dans l'information et les sondages qu'ils peuvent trouver la source de leur discours et de leur action, il n'y a qu'un pas. A ne pas franchir. Ici réside l'ambiguïté de la politique moderne. Elle est plus modeste, dépend davantage de l'information, de l'état de l'opinion publique, et des connais­sances, mais doit néanmoins conserver sa spécificité sous peine de disparaître, ou de se transformer en simple gestion technocratique de la réalité.

Le risque ? L'effacement de la différence de nature entre action et communication. Quelle que soit la dimension communicationnelle de la politique, celle-ci reste définie par l'assomption de la décision, c'est-à-dire, l'exercice de l'arbitraire du pouvoir. L'interdépendance croissante entre information, communication et action ne met pas fin à leurs différences radicales.

7. Le thème de la transparence

Il résulte de la place croissante accordée à la communication et des deux mouvements complémentaires qui lui sont liés..

Le premier concerne l'omniprésence des médias et de l'information qui donnent de bonne foi le sentiment que les problèmes importants d'une société sont « visibles », en tous cas portés à la connaissance de tous. La première transparence vient de l'information, la seconde de la

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présence des sondages qui semblent fournir l'information complémentaire de celle des médias. Ceux-ci « couvrent » les événements, et les sondages « couvrent » l'état de l'opinion publique pour les problèmes plus ou moins publics du moment.

L'idée simple est que médias plus sondages donnent une assez bonne visibilité de la réalité sociale et de ses différents composants. Non pas forcément une « transparence », mais au moins une « représentation ». Il s'ensuit un relatif sentiment de « sécurité », quant à la capacité à prévoir les difficultés susceptibles de surgir. Médias et sondages.sont considérés comme les « capteurs » de la société démocratique même si l'on retrouve dans cette perception, l'illusion technocratique qui confond les outils de la politique avec la politique. Cette illusion d'une connaissance des faits est régulièrement battue en brèche, comme on le voit à longueur d'années, par les conflits sociaux, qui, mois après mois, déjouent les prévisions et les calendriers. Cette omniprésence des conflits, qui aurait dû conduire à une certaine remise en cause de l'efficacité prévisionnelle du couple médias-sondages, ne produit pourtant pas cet effet, tant l'ouverture sans limite de l'espace public suscite au moins l'idée que l'on peut savoir ce qui se passe.

Médias et sondages sont considérés comme des capteurs essentiels des problèmes à venir, alors même que la plupart du temps ils ne font qu'enregistrer ce qui survient et n'ont pas vocation à une fonction anticipatrice. Et c'est là que réside la contradiction. Médias et sondages produisent plutôt les informations sur ce qui arrive, même si l'on espère confusément trouver également dans leur information, une anticipation des problèmes à venir. Anticipation qu'ils n'apportent pas souvent car tel n'est pas le rôle. Même s'ils avaient cette fonction anticipatrice, il n'est pas certain que les responsables politiques prendraient ces anticipations pour certaines, car il y a déjà suffisamment de problèmes à gérer pour ne pas avoir à s'encombrer avec ceux qui ne se posent pas encore de manière aiguë ! Si chacun admet que l'information des médias et des sondages ne constitue pas une anticipation, mais la plupart du temps une photographie de l'instant, chacun souhaite y voir, cependant une dimension anticipatrice, sans pour autant s'y sentir lié ! Cette ambiguïté est encore renforcée par le poids des chiffres. On souhaite en effet implicitement que les sondages, par le simple fait qu'ils sont chiffrés, donneront une vision complémentaire, et parfois plus rigoureuse de l'information fournie par les médias.

Le chiffre a toujours quelque chose de magique, surtout s'il se rapporte à ce qui reste le plus compliqué à comprendre : le fonctionnement de la société. Traduire en chiffre la réalité est rassurant. D'autant que dans notre culture politique, le chiffre est le symbole de la démocratie : le pouvoir est délégué à celui qui obtient le plus grand nombre de suffrages. Le chiffre est donc toujours entouré de légitimité. Dans la mesure où il traduit un rapport entre deux camps, il est un peu le fétiche de la démocratie. Et c'est la même chose pour une information. Chiffrer une information lui donne incontestablement une légitimité plus forte. C'est ainsi d'ailleurs que les journalistes ont de plus en plus tendance à s'abriter derrière les chiffres des sondages et à produire moins d'informations spécifiquement de presse. Mais à renforcer ainsi le poids de l'information représentative, ils mettent en cause leur propre rôle puisque celui-ci, la plupart du

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temps, consiste à fournir une information qui n'a rien de représentatif puisque par nature, un événement est une rupture. Toutefois, dans un flot croissant d'information, l'information représentative paraît automatiquement plus légitime. Il s'opère ainsi une sorte d'isomorphie entre la logique représentative inhérente à la politique et la logique de plus en plus représenta­tive de rinformation. Le risque est évidemment que l'information puisse perdre sa spécificité qui est non pas d'être représentative, mais simplement d'être le récit de l'histoire. Ce qui est une toute autre histoire!

En se calquant sur le modèle de la politique, — le caractère plus ou moins représentatif de ce qui est avancé —, l'information risque de perdre ce qui est sa force, et sa légitimité : faire le récit de l'histoire. De toute façon, la représentativité en politique est très différente de celle qui prévaut dans les sondages, car en politique chacun par le vote donne ultérieurement sa décision. Par contre on ne vote pas pour la plus grande partie des phénomènes de société abordés aujourd'hui par ces sondages. Et l'information qu'ils apportent est inéluctablement renforcée par la légitimité qui en démocratie entoure tout ce qui est « représentatif ». A ceci près qu'ici il n'y a pas la contre-épreuve de l'élection. Le risque est donc que les sondages apparaissent comme une sorte de complément ou de forme dérivée de la légitimité politique, sans en avoir la signification. Risque d'autant plus grand que le nombre de problèmes entrant dans la sphère politique ne cesse de s'accroître et donc de légitimer cette dimension de représentativité liée à la politique.

Le mode « représentatif » d'appréhension, élargi au-delà des champs stricts de la politique a l'avantage d'unifier les représentations de la réalité, mais il a l'inconvénient d'appliquer un code commun à des phénomènes qui n'en relèvent pas.

Car il n'y a pas de continuité entre la vision de la société fournie par les médias, les sondages et la politique, même si les trois parlent évidemment de la même réalité. Il est souhaitable de conserver cette hétérogénéité de représentation pour deux raisons. D'abord pour préserver la spécificité de la représentation politique qui est la seule source de légitimité politique des démocraties pluralistes. Ensuite pour éviter que la généralisation de la communi­cation aboutisse, soit à homogénéiser artificiellement les différentes représentations, soit à trop reprendre, par l'intermédiaire des sondages notamment, une vision politico-représentative de la société. En d'autres termes, plus la politique envahit l'ensemble de la société, et plus la communication joue un rôle important dans cette même société, plus il faut faire cohabiter des représentations différentes de la société pour éviter une fausse homogénéité, donc une fausse transparence. Le prix à payer de cette fausse transparence serait le surgissement de conflits d'autant plus inexplicables, qu'a priori, le dispositif réunissant la politique, les sondages et les médias aurait dû permettre de voir l'essentiel.

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8. L'irénisme communicationnel

La démocratie suppose un langage partiellement commun pour que les oppositions idéologiques se jouent sur un mode communicationnel et non sur celui de la violence physique. Le passage de la violence à l'affrontement, plus ou moins argumenté, constitue d'ailleurs un signe de maturité politique et l'on mesure en général le développement de la démocratie à l'entrée d'un nombre croissant d'aspects de la réalité sociale dans l'espace public. C'est-à-dire dans un espace où les mots remplacent les coups. Le risque est évidemment de confondre la dimension communicationnelle nécessaire à l'affrontement politique avec un consensus poli­tique. De confondre l'acceptation d'un code commun de communication avec un consensus. Parler la même langue n'implique nullement être d'accord. Ceci chacun le savait tant que l'espace politique était étroit. Dès lors qu'il s'élargit, avec une tendance à traiter tous les problèmes de société dans l'espace public et donc à généraliser ce vocabulaire commun minimum, la tentation est grande de confondre partiellement le langage commun nécessaire à la communication politique, avec un accord sur le fond des problèmes.

Le paradoxe de la communication, dont le rôle croissant est lié à l'élargissement du champ de la politique, est de favoriser l'idée d'une réduction des antagonismes. Comme si être en plus grand nombre à s'opposer, au travers des processus de communication plus nombreux devait aboutir à des consensus plus faciles! Le second effet pervers dû au rôle croissant de la communication dans la politique, est de généraliser une approche des diverses oppositions en terme de « conservateur » et « progressiste ». Cette dichotomie est en quelque sorte le complément dans l'ordre politique du schéma rationaliste qui préside au modèle communica­tionnel. On aura tendance à gratifier de « conservateurs » les acteurs politiques n'utilisant pas le discours politique adéquat au monde de la communication, et de « modernes », ceux qui au contraire s'y soumettent ou le promeuvent.

Ce rapprochement entre la communication et l'opposition conservateur-moderniste, comme étalon de la politique, est cependant inadéquat à la communication, comme à la politique. A la communication, parce qu'il rationalise et réduit encore plus le code communica­tionnel nécessaire à la compréhension, alors même que l'Histoire montre combien sont peu rationnels la plupart des discours politiques ! A la politique dont la nature est justement de casser cette opposition dans laquelle à chaque génération, on veut enfermer les choix. En un mot, il n'y a pas de modernité communicationnelle, et la modernité n'est pas plus l'apanage de la politique que la communication n'en est l'étalon. Finalement, il n'y a pas de politique communicationnelle même s'il y a une condition communicationnelle à la politique.

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9. Le « village global »

Le changement essentiel, dans le domaine de la communication en cinquante ans, résulte dans la mondialisation des techniques de communication. Hier, seules les agences de presse avaient une couverture partiellement « mondiale » des événements. Aujourd'hui, grâce à l'alliance de l'informatique, des télécommunications et de l'audiovisuel n'importe quel événe­ment jugé important au bout du monde peut être couvert. Les satellites ont encore accentué cette possibilité, généralisant une information en temps réel. Du point de vue technique, nous ne sommes pas loin du « village global » dont parlait Marshall Mac Luhan. Mais plus il est facile de communiquer d'un point de vue technique, plus on s'aperçoit de la différence de nature entre technique de communication et contenu de la communication.

Il ne s'agit pas de « voir » ou de connaître les événements du monde pour savoir, encore faut-il s'y intéresser. Et non seulement personne ne s'intéresse à tout, mais plus il est facile de produire et de diffuser de l'information, plus on réalise que les conditions de réception sont difficiles et limitées. A l'ouverture de la communication s'oppose la fermeture de h réception. Hier, les limites de la communication venaient des contraintes de production et de diffusion et l'on s'inquiétait peu des conditions de réception, d'autant que le volume d'information était limité.

Aujourd'hui, c'est exactement l'inverse. Presque tout est visible et la principale restriction est du côté de la réception, car ce sont les codes langagiers, culturels, religieux, historiques, qui constituent les cadres au travers desquels les différents publics s'informent et communiquent. Personne n'est intéressé par tout, et d'ailleurs cette fermeture du côté de la réception est finalement un facteur favorable pour éviter que la communication n'aboutisse à une « tyrannie communicationnelle ». Autrement dit, il n'y a pas de communication sans compréhension et c'est le filtre de la compréhension qui oriente et limite « l'absorption » des messages.

Cela signifie concrètement deux choses. Il n'y a pas de compréhension sans une certaine durée : il faut du temps, beaucoup de

temps pour comprendre, un temps en tout cas plus long que le temps de la production, de la diffusion et de la réception de l'information. Un écart se creuse donc entre la rapidité de l'information et la nécessaire lenteur de sa compréhension. La deuxième condition est le partage de valeurs communes pour décoder et « comprendre » à peu près de la même manière les informations que l'on reçoit. Le problème principal pour l'avenir de la communication, réside dans la redécouverte de la complexité des facteurs mobilisés dans ce que l'on appelle d'un terme général « la réception ».

Dans les trois phases de la communication, l'émission, le message et la réception, c'est la réception qui est aujourd'hui la plus complexe. S'il peut y avoir une mondialisation de l'information du côté de la production, et de la diffusion, il n'y en n'a pas du côté de la réception. Il n'y a pas de citoyen universel, comme il n'y a pas de village global, sauf encore une

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fois au niveau des techniques. C'est en cela d'ailleurs que l'expression « village global » traduit assez bien l'idéologie techniciste des années 60. Mais cette idéologie n'a guère disparu si l'on observe la manière dont on l'a vue réapparaître lors de la guerre du Golfe, en 1991. Ce fut un événement très médiatisé mais sur un mode de traitement strictement occidental qui ne pût que décevoir les opinions publiques arabes. Ce n'était nullement le village global mais la surmédiati­sation d'un événement sur un mode strictement occidental. Il a même prouvé exactement le contraire du village global, en montrant qu'il n'y avait aucune unité d'appréhension d'un tel événement, mais au contraire des différences radicales selon les cultures et les différents endroits de la planète. Il s'agissait d'une couverture « techniquement mondiale » d'un événe­ment qui révélait toutes les oppositions de point de vue. Le contraire du mondialisme!

La conclusion ? Plus il y a d'information et de communication, plus la notion de point de vue est déterminante du côté de la réception.

Et dans l'ensemble les points de vue s'organisent autour des valeurs nationales. C'est même d'ailleurs au sein d'un espace public national que se structurent la plupart du temps le codage et le décodage des débats portant sur les grands événements du moment. Il suffit pour s'en convaincre d'observer comment les débats politiques sont radicalement différents en Belgique ou en Suisse, des pays pourtant fort peu éloignés de la France et qui utilisent largement le langue française !

En d'autres termes, la mondialisation de l'information, tant du point de vue des techniques que du nombre des sujets traités va de pair avec la redécouverte de l'importance du cadre national pour ce qui concerne le décodage et l'interprétation des événements. Plus les conditions de production et de diffusion de l'information et de la communication sont « internationales », plus sont importantes à maintenir les identités à partir desquelles sont décodées et interprétées ces informations. L'identité, condition de l'interprétation, s'oppose au caractère ouvert des processus de communication. C'est pourquoi il ne faut pas confondre le fait que la télévision s'organise sur le mode d'un marché mondial, avec l'autre aspect, à savoir que dans sa réalité communicationnelle, elle reste attachée à une identité nationale.

Le plus important n'est pas que la plupart des programmes de télévision s'échangent sur un marché international, car les produits qui bénéficient d'un succès mondial, mélangent un certain nombre de mécanismes universels et une identité culturelle fortement marquée. C'est typiquement le cas pour les feuilletons américains qui s'exportent dans le monde entier. Ce sont des produits internationaux dans leur succès mais pas dans leur conception. Ils mélangent habilement des mécanismes psychologiques et sociaux universels et une très forte identité américaine. C'est d'abord parce qu'ils montrent et illustrent une réalité américaine qu'ils plaisent partout. C'est donc l'identité qui est à la base du succès et non pas comme on le dit trop rapidement, le caractère banal et international de ces produits.

C'est le mélange de stéréotypes universels et de caractéristiques propres à la culture et à l'identité américaine qui fait le succès de ces produits. Retirez l'identité, ils deviennent «pâlots». En fait, le problème est moins le caractère plus ou moins international de ces

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programmes que la manière dont ils s'insèrent dans une grille et dans un style de télévision qui à chaque fois est marqué par une identité.

Autrement dit, la mondialisation de la production audiovisuelle et des techniques de communication n'est nullement contradictoire avec le fait que du point de vue de la réception et des valeurs partagées, ce soit le cadre identitaire, la plupart du temps national, qui reste primordial. Rien ne serait plus dangereux que de plaider, au nom de la modernisation, et de la rationalité, pour une réduction du rôle des différentes communautés au motif qu'elles constituent un frein à la « communication ».

Le frein est indispensable en ce qu'il symbolise, du côté de la réception, l'importance des processus identitaires sans lesquels il n'y a ni décodage, ni réappropriation de l'information et de la communication.

10. Un espace public sans frontières

L'histoire de la société depuis le XVIIe siècle, et de la démocratie depuis le XVIIIe siècle, est synonyme de l'émergence d'un espace public et du processus complémentaire de rejet de certains phénomènes, dans l'espace privé. Le principe de « publicité » est devenu la règle, au point qu'il y a aujourd'hui quasiment recouvrement entre espace public, espace politique et société civile. C'est l'espace public qui devient l'étalon, et le symbole de la société, avec en parallèle une dévalorisation de l'espace privé. Celui-ci est d'ailleurs le plus souvent régi par le vocabulaire et des critères quasiment décalqués de l'espace public. A preuve la manière dont sont abordées les questions liées à la conscience, à la mort, à la religion, à la morale. Elles ne relèvent quasiment plus de la sphère privée, appartiennent à la sphère publique et sont abordées avec le vocabulaire utilisé dans l'espace public. C'est-à-dire finalement avec un vocabulaire laïc, rationnel, parfois politique, en tous cas qui ne fait plus appel à d'autres catégories d'analyses que celles issues du fonctionnement concret de la société.

Le triomphe de l'espace public est aussi le triomphe d'un « vocabulaire sociologique » et l'élimination de toute référence externe à ce vocabulaire. Il est évident que la généralisation de la communication contribue à unifier les catégories de discours et plus généralement les cadres d'analyse utilisés au sein de l'espace public. Le problème est donc plutôt celui de la limite à apporter à l'extension de l'espace public, pour éviter la tyrannie d'un principe de publicité lié au schéma sécularisé du XVIIIe siècle. Pour éviter un risque — si ce n'est de tyrannie en tout cas d'unidimensionalisation — il est souhaitable de renforcer au sein de la société la coexistence voire l'affrontement de valeurs et de références de nature différente.

L'intérêt et la difficulté viennent du fait que les valeurs constitutives de l'espace public et de la communication appartiennent au même paradigme. Celui-ci est aujourd'hui le paradigme dominant. Il reste à éviter une forme de domination qui pourrait se manifester avec la

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généralisation de ce vocabulaire laïc. La tyrannie de l'espace public signifierait l'unidimensiona-lisation d'un type de discours dans l'appréhension des phénomènes de société et de culture.

Que signifient ces dix contradictions présentes dans le fonctionnement de l'espace public médiatique ?

Que la communication, au sens large, est aujourd'hui la condition fonctionnelle et normative de l'espace public et de la démocratie de masse, mais qu'elle ne peut, à elle seule, garantir la qualité du fonctionnement de cet espace public démocratique. Cet espace suppose aussi des valeurs politiques, qui sont relativement hétérogènes aux valeurs communica­tionnelles.

Autrement dit soit l'on souscrit au modèle démocratique initial, et l'on voit dans le mouvement quasiment synchronique, d'un nombre croissant de problèmes débattus dans un espace public lui-même sans cesse élargi, avec des processus de communication eux-mêmes de plus en plus nombreux, la condition d'un « bon modèle de fonctionnement politique ».

Soit au contraire on souligne que la croissance, en parallèle, de la communication et de la politique rendent encore plus nécessaire le maintien d'un antagonisme entre les valeurs inhérentes aux deux.

On assiste donc à un changement du point de vue normatif dans les relations entre communication et action. Si hier les deux étaient normativement liés au modèle démocratique, force est de reconnaître que la victoire du modèle démocratique, et donc de la communication oblige au contraire à les disjoindre. D'autant plus les différencier au plan normatif, qu'ils sont liés sur le plan fonctionnel. C'est pour préserver les conditions de fonctionnement d'un espace public élargi au sein d'une démocratie de masse largement médiatisée qu'il est souhaitable de maintenir, plus que par le passé, une différence de nature entre information, communication et action politique.

Le triomphe du modèle démocratique oblige à mieux distinguer ce que l'on souhaitait, au contraire, joindre hier. C'est à cette capacité à recréer une tension entre des valeurs complémen­taires, mais structurellement antinomiques, que l'on échappera à certaines dérives graves pour l'espace public médiatisé de la démocratie de masse.

Dominique WOLTON

N O T E S

1. La bibliographie sur l'espace public est limitée. C'est en fait le livre de J. Habermas l'Espace Public (1962, traduction de Marc B. de Launay, Paris, édition Payot, 1986) qui a relancé la réflexion sur ce concept un peu oublié depuis E. Kant et H. Arendt. Les références du livre et ces travaux sur ce concept sont plus centrées sur la philosophie

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politique du XVIIIe siècle et la naissance de l'espace public démocratique que sur les conditions de son existence contemporaine. J. Habermas a repris quelques-uns de ces thèmes dans Théories de l'Agir Communicationnel, Paris, édition Fayard 1987. On retrouve une réflexion et une critique sur l'espace public contemporain dans les travaux de l'Ecole de Francfort de la première et de la deuxième génération. Mais, les travaux concernant les conditions théoriques et sociologiques de l'espace public contemporain sont beaucoup moins nombreux. C'est un des axes principaux des recherches du laboratoire Communication et Politique et de la revue Hermès.

2. On trouvera des références explicites à cette problématique dans les articles suivants : — « Le Nouvel Espace Public », Hermès n° 4, Ed. du C.N.R.S., 1989 (notamment les articles de J.M. Ferry, A. Touraine, R. Boudon, E.N. Neumann...) — « Masses et Politique », Hermès n° 2, Ed. du C.N.R.S., 1990. — « Individus et Politique », Hermès n° 5/6, Ed. du C.N.R.S., 1990. C'est dans ces trois numéros et surtout dans Hermès n° 4, que se trouvent la plupart des références concernant l'espace public, ainsi que les travaux actuels et les bibliographies.

3. Le renouveau des travaux visibles en philosophie, science politique, histoire, sociologie, portant sur le statut actuel de la démocratie, la représentation, l'opinion publique, les rapports entre l'individu et la communauté, le rôle de la communication, la question de la nation... vont probablement contribuer à relancer une réflexion sur l' espace public. Mais les références explicites à une problématique construite sur l'espace public sont rares. Dans quelques années la bibliographie sera plus étoffée. Pour l'instant, on peut constater un décalage entre le fait que la référence à l'espace public soit beaucoup plus fréquente qu'il y a une trentaine d'années, avec le fait que les travaux concrets portant sur une réflexion théorique et sociologique de l'espace public restent limités.

4. En ce qui concerne mes travaux personnels sur ce sujet, on peut se reporter à : — « Le Nouvel Espace Public », in h Folle du Logis — la télévision dans les sociétés démocratiques, chapitre X, Paris, Gallimard, 1983. — « Télévision, lien social et espace public », (3e partie) in Eloge du Grand Public, une théorie critique de la télévision, Paris, Flammarion, 1990. — « Les nouvelles frontières, le temps, l'autre, l'histoire », in War Game, la guerre et l'information, Paris, Flammarion, 1991.

D'autre part : — « le statut de la communication politique dans les démocraties de masse. Ses rapports avec les médias et l'opinion publique», in Crises et modernisation, Paris, Ed. du C.N.R.S., 1991. — « La communication politique, construction d'un modèle », Hermès N° 4, Ed. du C.N.R.S., 1989. — « Les médias, maillons faibles de la communication politique », Hermès N° 4, Ed. du C.N.R.S., 1989.

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