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Les dépôts coquilliers (faluns) holocènes de Baie-Comeau, Côte-Nord de l’estuaire du Saint-Laurent, Québec Pascal Bernatchez, Jean-Marie M. Dubois et Jean-Claude Dionne Résumé : Il existe des dépôts coquilliers remarquables dans la vallée de la rivière aux Anglais, dans la région de Baie- Comeau, sur la Haute Côte-Nord du Saint-Laurent. Datés de 10,4 à 9,6 ka BP, ces amas, plus ou moins bien stratifiés et d’une épaisseur allant de 2 à 15 m, caractérisent la partie sommitale des formations meubles de la Mer de Goldthwait. Une dizaine de buttes, pouvant atteindre 50 × 10 3 m 2 et reposant généralement sur des sédiments silto– argileux et sableux stratifiés, sont composées de débris coquilliers dans une proportion atteignant par endroits 90 à 95% du volume. Y sont concentrés les débris de diverses espèces de cirripèdes (3), gastéropodes (7), brachiopodes (1), échinoïdés (1), mais surtout des pélécypodes (11) dont un pourcentage relativement élevé d’individus complets. Il s’agit de formations naturelles (faluns) liées à un milieu de sédimentation marin dans un contexte géomorphologique littoral du type ria, où les courants de marée et les vagues ont joué un rôle important dans la concentration des débris coquilliers. L’abondance des débris implique un milieu riche, bien oxygéné, favorisant une forte productivité primaire mais probablement aussi des conditions relativement froides (gel) causant une forte mortalité. Abstract: Extensive shell beds were found in the valley of Rivière aux Anglais, near Baie-Comeau, along the North Shore of lower St. Lawrence River. Those particular accumulations, more or less well stratified and ranging from 2 to 15 m thick, represent the top parts of unconsolidated formations of the Goldthwait Sea between 10.4 and 9.6 ka BP. About 10 mounds have been discovered up to now. Their sizes vary, but reach 50 × 10 3 m 2 . Most overlie fine stratified sediments, such as fine sand, silt, and clay. They consist mainly of shell remains, which sometimes represent up to 90– 95% of the volume. We can find various species of cirripeds (3), gastropods (7), brachiopods (1), echinoderms (1), and mostly pelecypods (11) including a large percentage of unbroken shells. Stratigraphic evidence suggests that these are natural formations (faluns) formed in a marine environment by sedimentation inside a seashore of ria type, where the sea currents and waves played a prominant role in the concentration of shell remains. The quantity of shells implies an environment of strong primary productivity, but also particular climatic conditions (frost) leading to a high number of deaths. Bernatchez et al. 531 Introduction Les dépôts coquilliers ont surtout retenu l’attention des géologues et des sédimentologues, notamment ceux qui ont étudié les formations consolidées d’âge pré-Quaternaire. Il en existe une grande variété d’où les nombreux vocables utilisés. Les dépôts coquilliers de l’importance de ceux de Baie-Comeau sont apparemment rares dans les formations holocènes des mers postglaciaires. Ce type de dépôt se rencontre de nos jours principalement dans des milieux littoraux caractérisés par de larges estrans et des chenaux de marée. Dans les formations consolidées, la plupart des dépôts coquilliers connus diffèrent considérablement de ceux de Baie-Comeau à la fois par leur épaisseur et par la concentration des débris coquilliers. À notre connaissance, aucun dépôt coquillier de l’importance de ceux de Baie- Comeau n’a encore été signalé, dans l’Est du Canada, dans les formations du Quaternaire. Dans ce contexte, il est apparu pertinent de signaler et de décrire les amas coquilliers d’âge holocène de la région de Baie-Comeau et de suggérer un mode de formation. En raison de leurs caractéristiques et de leur parenté avec les faluns (Lozet et Mathieu 1990), nous avons retenu ce vocable pour les désigner. Situation géographique et caractéristiques du milieu La vallée de la rivière aux Anglais où ont été observés les faluns est située au nord de Baie-Comeau, sur la Côte-Nord de l’estuaire maritime du Saint-Laurent (fig. 1). D’une dizaine de kilomètres de longueur par environ 500 m de largeur, cette vallée encaissée dans le Plateau laurentidien Can. J. Earth Sci. 36: 519–531 (1999) © 1999 CNRC Canada 519 Reçu le 24 avril 1998. Accepté le 16 novembre 1998. P. Bernatchez 1 . Centre d’études nordiques, Université Laval, Sainte-Foy, QC G1K 7P4, Canada, et Département de géographie et télédétection, Université de Sherbrooke, Sherbrooke, QC J1K 2R1, Canada. J.-M.M. Dubois. Département de géographie et télédétection, Université de Sherbrooke, Sherbrooke, QC J1K 2R1, Canada. J.-C. Dionne. Département de géographie et Centre d’études nordiques, Université Laval, Sainte-Foy, QC G1K 7P4, Canada. 1 Auteur correspondant (adresse de correspondance : Centre d’études nordiques, Pavillon Abitibi-Price, Cité universitaire, Sainte-Foy, QC G1K 7P4, Canada; mél. : [email protected]).

Les dépôts coquilliers (faluns) holocènes de Baie-Comeau, Côte-Nord de l'estuaire du Saint-Laurent, Québec

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Les dépôts coquilliers (faluns) holocènes deBaie-Comeau, Côte-Nord de l’estuaire duSaint-Laurent, Québec

Pascal Bernatchez, Jean-Marie M. Dubois et Jean-Claude Dionne

Résumé: Il existe des dépôts coquilliers remarquables dans la vallée de la rivière aux Anglais, dans la région de Baie-Comeau, sur la Haute Côte-Nord du Saint-Laurent. Datés de 10,4 à 9,6 ka BP, ces amas, plus ou moins bien stratifiéset d’une épaisseur allant de 2 à 15 m,caractérisent la partie sommitale des formations meubles de la Mer deGoldthwait. Une dizaine de buttes, pouvant atteindre 50 × 103 m2 et reposant généralement sur des sédiments silto–argileux et sableux stratifiés, sont composées de débris coquilliers dans une proportion atteignant par endroits 90 à 95%du volume. Y sont concentrés les débris de diverses espèces de cirripèdes (3), gastéropodes (7), brachiopodes (1),échinoïdés (1), mais surtout des pélécypodes (11) dont un pourcentage relativement élevé d’individus complets. Il s’agitde formations naturelles (faluns) liées à un milieu de sédimentation marin dans un contexte géomorphologique littoraldu type ria, où les courants de marée et les vagues ont joué un rôle important dans la concentration des débriscoquilliers. L’abondance des débris implique un milieu riche, bien oxygéné, favorisant une forte productivité primairemais probablement aussi des conditions relativement froides (gel) causant une forte mortalité.

Abstract: Extensive shell beds were found in the valley of Rivière aux Anglais, near Baie-Comeau, along the NorthShore of lower St. Lawrence River. Those particular accumulations, more or less well stratified and ranging from 2 to15 m thick, represent the top parts of unconsolidated formations of the Goldthwait Sea between 10.4 and 9.6 ka BP.About 10 mounds have been discovered up to now. Their sizes vary, but reach 50 × 103 m2. Most overlie fine stratifiedsediments, such as fine sand, silt, and clay. They consist mainly of shell remains, which sometimes represent up to 90–95% of the volume. We can find various species of cirripeds (3), gastropods (7), brachiopods (1), echinoderms (1), andmostly pelecypods (11) including a large percentage of unbroken shells. Stratigraphic evidence suggests that these arenatural formations (faluns) formed in a marine environment by sedimentation inside a seashore of ria type, where thesea currents and waves played a prominant role in the concentration of shell remains. The quantity of shells implies anenvironment of strong primary productivity, but also particular climatic conditions (frost) leading to a high number ofdeaths.

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Introduction

Les dépôts coquilliers ont surtout retenu l’attention desgéologues et des sédimentologues, notamment ceux qui ontétudié les formations consolidées d’âge pré-Quaternaire. Ilen existe une grande variété d’où les nombreux vocablesutilisés. Les dépôts coquilliers de l’importance de ceux deBaie-Comeau sont apparemment rares dans les formationsholocènes des mers postglaciaires. Ce type de dépôt se

rencontre de nos jours principalement dans des milieuxlittoraux caractérisés par de larges estrans et des chenaux demarée. Dans les formations consolidées, la plupart desdépôts coquilliers connus diffèrent considérablement deceux de Baie-Comeau à la fois par leur épaisseur et par laconcentration des débris coquilliers. À notre connaissance,aucun dépôt coquillier de l’importance de ceux de Baie-Comeau n’a encore été signalé, dans l’Est du Canada, dansles formations du Quaternaire. Dans ce contexte, il estapparu pertinent de signaler et de décrire les amascoquilliers d’âge holocène de la région de Baie-Comeau etde suggérer un mode de formation. En raison de leurscaractéristiques et de leur parenté avec les faluns (Lozet etMathieu 1990), nous avons retenu ce vocable pour lesdésigner.

Situation géographique et caractéristiquesdu milieu

La vallée de la rivière aux Anglais où ont été observés lesfaluns est située au nord de Baie-Comeau, sur la Côte-Nordde l’estuaire maritime du Saint-Laurent (fig. 1). D’unedizaine de kilomètres de longueur par environ 500 m delargeur, cette vallée encaissée dans le Plateau laurentidien

Can. J. Earth Sci.36: 519–531 (1999) © 1999 CNRC Canada

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Reçu le 24 avril 1998. Accepté le 16 novembre 1998.

P. Bernatchez1. Centre d’études nordiques, Université Laval,Sainte-Foy, QC G1K 7P4, Canada, et Département degéographie et télédétection, Université de Sherbrooke,Sherbrooke, QC J1K 2R1, Canada.J.-M.M. Dubois. Département de géographie et télédétection,Université de Sherbrooke, Sherbrooke, QC J1K 2R1, Canada.J.-C. Dionne. Département de géographie et Centre d’étudesnordiques, Université Laval, Sainte-Foy, QC G1K 7P4,Canada.

1Auteur correspondant (adresse de correspondance : Centred’études nordiques, Pavillon Abitibi-Price, Cité universitaire,Sainte-Foy, QC G1K 7P4, Canada; mél. :[email protected]).

s’étend vers le nord jusqu’au lac Inconnu. Lors de la sub-mersion par la Mer de Goldthwait, elle formait un bras demer du type ria comprenant de nombreux îlots rocheux. Ellea été en grande partie remblayée par les sédiments marins(sable, silt, argile) avant d’être en partie évidée lors del’encaissement de la rivière aux Anglais suite au relèvementisostatique. Dans le secteur amont, on trouve aussi desdépôts deltaïques, fluvioglaciaires et du till.

La région ayant été déglaciée vers 11,6 ka, la vallée de larivière aux Anglais a été submergée au rythme du recul dufront glaciaire, ce dernier se situant à l’intérieur des terres à25 km de la côte vers 9,7 à 9,5 ka (Dubois 1979). Les for-mations meubles liées à la glaciation, à la déglaciation et àla transgression et (ou) régression marine postglaciaire ontfait l’objet d’une étude détaillée (Bernatchez 1997). Le ni-veau maximal atteint par la Mer de Goldthwait est estimé à170 m. Toutefois, l’altitude des faluns est largement infé-rieure à celle atteinte lors de la transgression postglaciaire,le falun plus élevé étant à environ 87 m et le plus bas à25 m. Les dépôts coquilliers connus sont localisés sur lesversants en bordure de la rivière actuelle. Le territoire étantpresque entièrement boisé, l’existence de d’autres amas co-quilliers est vraisemblable. Bien qu’il existe des différencesmineures (dimensions, volume relatif et faune) entre les di-vers faluns, nous en avons retenu deux pour une étude plusdétaillée.

Caractéristiques des faluns

Falun no 1Le premier falun est situé à environ 300 m au sud du lac

Inconnu, à une altitude de 80 m (fig.1). Par ses dimensions

(275 × 180 × 10 m) et son volume estimé (49,5 × 104 m3), ils’agit d’un des plus considérables faluns connus (fig. 2).Une grande excavation au centre du dépôt a permis un exa-men relativement détaillé du falun.

Dans la coupe 1A pratiquée dans la partie nord, le dépôtcoquillier présente, sur une épaisseur de 2,3 m, un litage netavec alternance de lits riches en débris coquilliers (jusqu’à95%) quasi dépourvus de matrice minérale et de lits pluspauvres en débris coquilliers (29%) mais contenant davan-tage de sable et de petit gravier (tableaux 1 et 2; fig. 3). Versla base de la coupe, certaines couches sont en grande partiecomposées de graviers avec un faible volume de débris co-quilliers. Les graviers ont un façonnement allant de suban-guleux à arrondi. Dans la partie inférieure de la coupe,certains lits sont voilés d’une mince (5 mm) couche argi-leuse. Des galets et des petits blocs épars ont aussi été obser-vés à différents niveaux. Les couches sont parallèles les unesaux autres et elles sont inclinées de 14° vers l’OSO (253°),soit dans l’axe de la vallée.

Cette partie du falun est composée de dix espèces dont lesplus fréquentes sontBalanus crenatus, Mytilus eduliset Hia-tella arctica (tableau 3).Hiatella arctica est l’espèce lamieux conservée avecBalanus crenatus(individus complets)dans la moitié supérieure de la coupe (tableau 4). Le degréde fragmentation des coquilles est plus prononcé en profon-deur que dans la partie sommitale de la coupe. Par ailleurs,le degré de compaction de certains lits est relativementélevé, notamment ceux où les valves deMytilus edulissontbien imbriquées les unes dans les autres.

Dans la coupe 1B, localisée à environ 200 m au sud de laprécédente, le dépôt est composé presque uniquement (95%)de débris coquilliers avec un faible volume de matrice sa-bleuse. On note parfois une alternance de lits minces(10 mm) de sable coquillier avec des lits coquilliers à ma-trice sableuse et de lits quasi dépourvus de matrice. Les cou-ches sont grossièrement parallèles et obliques avec unpendage de 12 à 14° en général, mais parfois plus prononcéallant jusqu’à 35°. On y a aussi observé des stratificationsentrecroisées, en lentilles ou en arête de poisson (fig. 4). Leslits mesurent entre 2 et 8 cm d’épaisseur mais parfois jus-qu’à 15 cm; il y a une augmentation des lits coquilliers min-ces avec matrice silto–argileuse dans la partie inférieure dela coupe.

Cette partie du falun est aussi dominée parBalanus crena-tus, Mytilus eduliset Hiatella arctica (tableau 3). Le pour-centage d’individus complets est plus élevé que dans lacoupe 1A, notamment pourBalanus crenatus, Astarte mon-tagui, Hiatella arctica, Mytilus eduliset Hemithyris psitta-cea, cette dernière étant fréquente dans la partie inférieurede la coupe.Balanus crenatusest très abondante dans lamoitié supérieure, alors que la fréquence deHiatella arcticadiminue en profondeur.

Falun no 2Le deuxième falun étudié est situé à la décharge du lac

Éthier à une altitude de 87 m (fig. 1). Il a la forme d’un ver-sant abrupt faisant face au SO résultant de l’encaissement dela rivière aux Anglais et du ruisseau du lac Éthier. D’unelongueur (175 m) et d’une largeur (40 m) relativement res-treintes, il possède toutefois une épaisseur exceptionnelle de

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Fig. 1. Localisation des faluns du bassin de la rivière auxAnglais.

plus de 15 m, ce qui en fait, en terme d’épaisseur, le falunconnu le plus important (volume : 10,5 × 104 m3).

Il est constitué de couches riches en coquilles (générale-ment 90%) avec une faible matrice sablo–graveleuse, alter-nant avec des couches de coquilles ayant une importantematrice gravelo–sableuse, particulièrement dans la partie

sommitale où le pourcentage de coquilles est plus faible(38%). Cette disposition est uniforme sur l’ensemble de lacoupe. L’épaisseur des couches, qui sont parallèles et incli-nées de 16° vers 88°E, est généralement de 4,5 cm, maissouvent de 10 cm dans la partie supérieure. On y observeaussi des galets épars.

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Fig. 2. Vue d’ensemble du falun no 1. La pelle d’une hauteur de 1 m sert d’échelle.

CoucheÉpaisseur(cm) Description

M 50 Couche de coquilles avec lits de sable grossierL 6 Sable grossier avec gravier et fragments de coquillesK 20 Couche de coquilles avec matrice sablo–graveleuseJ 7 Sable et gravier avec fragments de coquilles et quelques galetsI 23 Couche de coquilles avec matrice sablo–graveleuseH 13 Couche de gravier et galets subarrondis avec fragments de coquillesG 5 Couche de coquilles généralement fragmentéesF 3 Couche de sable et gravier avec fragments de coquillesE 9 Couche de coquilles généralement fragmentées avec enduit d’argile sur les coquillesD 8 Couche sablo–graveleuse avec fragments de coquillesC 8 Couche de coquilles généralement fragmentéesB 14 Couche gravelo–sableuse avec galets et fragments de coquilles; présence d’argile dans la partie sommitaleA 60 Couche de coquilles avec matrice sableuse et quelques galets; présence d’argile sur les coquilles dans la partie

sommitale.

Tableau 1. Stratigraphie de la coupe du falun no 1A.

Phase totale (%)Matrice(%) Coquilles

Falun Gravier Sable Sable Mz So Sk Kc (%)

1 26–41 60–74 99 0,66–0,68 0,91–1,01 0,01–0,24 1,04–1,25 29–952 5 95 100 0,15 0,65 0,15 1,12 38–90

Nota : Mz, moyenne; So, coefficient de classement; Sk, coefficient d’asymétrie; Kc, coefficient d’acuité.

Tableau 2. Synthèse des paramètres granulométriques de la fraction non coquillière des faluns.

À l’instar du falun no 1, le falun no 2 comprend une dou-zaine d’espèces avec une prédominance deBalanus crenatuset deMytilus edulis, mais aussi avec une proportion impor-tante deLunatia sp. Buccinumsp. est aussi prédominantedans la partie supérieure. On a remarqué plusieurs individuscomplets, particulièrement desMytilus edulisdont les valvessont souvent jointes et sans remplissage, mais aussiAstartemontagui, Mya truncata, Hiatella arctica et Macoma bal-thica. Plusieurs individus deBalanus crenatusétaient encorefixés sur un substrat, particulièrement sur des gastéropodes.

Les onze échantillons datés de différents faluns ont donnédes âges14C compris entre 10 410 ± 130 et 9 620 ± 130 ansBP (tableau 5). La croissance des dates en fonction de laprofondeur pour le falun no 1 est typique des dépôtsd’exondation. Compte tenu des dates, il est vraisemblableque des coquilles composant les faluns en aval proviennentdu remaniement des dépôts en amont.

Interprétation et discussion

Les particularités des faluns de Baie-ComeauComparés aux dépôts coquilliers connus, ceux de Baie-

Comeau se distinguent sous plusieurs aspects. D’abord leurépaisseur est largement supérieure. En effet, la plupart des

dépôts coquilliers naturels signalés n’excèdent guère 1 md’épaisseur (Fürsich et Oschmann 1986; Banerjee et Kidwell1991). Les rares dépôts coquilliers ayant plusieurs mètresd’épaisseur (Stone 1995; Kidwell 1988) sont plutôt desdépôts minéraux riches en débris coquilliers et non devéritables amas coquilliers. D’après divers travaux (Gibbons1967; Greensmith et Tucker 1969; Kidwell 1988, 1989;Aliotta et Farinati 1990; Meldahl 1993), la teneur en débriscoquilliers varie de 15 à 35% et atteint ou excède rarement60%. La teneur élevée en débris coquilliers des faluns deBaie-Comeau, qui atteint fréquemment 90% par volume,paraît donc exceptionnelle. De plus, la majorité des dépôtscoquilliers naturels signalés sont des formations consolidées(ciment calcaire) mises en place dans des régions plutôtchaudes; les coquilles sont rarement aussi bien conservéessurtout lorsqu’elles sont dans une matrice sableuse (Fürsich1982). Les faluns de Baie-Comeau se sont formés dans uncontexte particulier (rias) et sous un climat plutôt froid(début de l’Holocène) et caractérisent des formationsmeubles mises en place dans une mer postglaciaire, de sortequ’ils sont aujourd’hui émergés en raison du relèvementglacio-isostatique des terres.

Mode de formationDivers modes de formation ont jusqu’à maintenant été

suggérés pour expliquer les dépôts coquilliers. L’origineanthropique a été avancée par de nombreux auteurs (Craig etPsuty 1971) pour rendre compte des amas coquilliers « mid-den » relativement purs en bordure d’anciens rivages.D’autres amas de grandes épaisseurs ont une originenaturelle, mais ornithologique, c’est du moins l’explicationfournie par Stone (1995) pour expliquer certains amascoquilliers (pouvant atteindre une hauteur de 13 m) observésdans la plaine côtière du nord de l’Australie.

L’effet des tempêtes est le plus souvent évoqué pour expli-quer la formation des dépôts coquilliers (Kreisa 1981;Kreisa et Bambach 1982; Henderson et Frey 1986; Meldahl1993), mais les dépôts de tempête de grande épaisseur impli-quent une très grande production d’organismes ou unelongue durée de concentration préalable à leur formation(Norris 1986). Mentionnons aussi l’influence des processuslittoraux, soit la dérive littorale (Greensmith et Tucker 1969;Albertzart et Wilkinson 1990), l’action des vagues déferlan-tes ou de la houle (Meldahl 1993; Zwiebel et Johnson 1995)et l’action des courants de marée soit le long de chenaux, dehauts fonds, de bancs isolés ou de deltas de débordementdans des lagunes (Van Straaten 1952; Waage 1964;Greensmith et Tucker 1969; Salazar-Jiménez et al. 1982;Henderson et Frey 1986; Meldahl et Cutler 1992). Quantaux milieux de sédimentation, on trouve des dépôts coquil-liers principalement dans les Wadden où ils sont souvent as-sociés à des chenaux de marée; il en existe aussi dans lesmilieux marins, estuariens, lagunaires et deltaïques, soit en-core dans des baies, des fjords et des plaines côtières (VanStraaten 1952; Dionne 1966; Greensmith et Tucker 1969;Henderson et Frey 1986; Davies et al. 1989; Albertzart etWilkinson 1990; Aliotta et Farinati 1990; Meldahl 1993;Stone 1995).

Face à cette diversité d’explications, pour l’interprétationde la genèse des faluns de Baie-Comeau, nous nous sommesbasés en partie sur la structure conceptuelle de Kidwell et al.

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Fig. 3. Vue partielle de la coupe du falun no 1A.

(1986) d’analyse et de classification des concentrations defossiles (fig. 5).

GéomorphologieLa présence d’un chenal sous-marin reliant la baie des

Anglais et le chenal Laurentien a pu favoriser la concentra-

tion de coquilles par les courants, principalement ceux demarée (fig. 6). Cette configuration bathymétrique pourraitêtre un des facteurs expliquant la présence de falunsuniquement dans la région de Baie-Comeau; en effet, iln’existe nulle part ailleurs, du moins pour l’estuaire mari-time du Saint-Laurent, de chenaux sous-marins aussi bien

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Fréquence

Espèces et classes Profondeur (m)a Salinitéa Températurea 1A 1B 2

PélécypodesAstarte montagui

striata6–20 Ultrahaline Moyenne ++ +

Chlamys islandicus 0–150 Ultrahaline Froide + + ++Clinocardium ciliatum 5–180 Ultrahaline Froide +Cyrtodaria siliqua 4–165 Froide +Hiatella arctica Moyenne : 12–15 1,8–3,5% Froide +++++ +++++ +++Macoma balthica 0–6 ou >15 Mesohaline à euhaline Tiède à froide + + ++Macoma calcarea 0–70 6–140 Ultrahaline Froide +Mya truncata 0–100; Moyenne : 25 Ultrahaline Très froide + + ++Mytilus edulis Moyenne : 10 Élevée Froide à tempérée +++++ ++++ +++++Venericardia borealisb 0–90 FroideZirphaea crispata 0–60 Froide +

CirripèdesBalanus balanus Moyenne : 5–15 froide +++ +++ +++Balanus crenatus Moyenne : 5–15 Froide +++++ +++++ +++++Balanus hamerib 20–35 à 100 Ultrahaline Froide

GastéropodesAcmaea testudinalisb 0–6Buccinum hancocki + +++ +++Buccinum tenue 20–40 ou 100 Très froide à froide + +++ +++Buccinum undatum 0–25 Froide + +++ +++Lunatia sp. 0–115 ++ ++++Natica clausa 0–100 Froide +++ ++Tachyrhynchus erosum 18–35 ++ +

BrachiopodesHemithyris psittacea 100 Élevée +

ÉchinoïdésStrongylocentrotus

dröbachiensis0–1000 Froide + + +

aSources : Hillaire-Marcel 1977, 1979; Wagner 1970; Bousfield 1964; Lubinsky 1980.bEspèce présente dans les autres faluns.

Tableau 3. Taxinomie et fréquence relative des espèces composant les faluns de Baie-Comeau.

Falun Articulation Fragmentation Abrasion Perforation Encroûtement

1A Moyenne Augmente avec la profondeur;beaucoup d’espèces bienconservées

Coquilles ayant subiune usure

Faible Moyen

1B Beaucoup deMytilusedulis et Astartemontaguivalvesjointes

Moyenne; beaucoup d’espècesentières

Importante surtout surles gastéropodes

Élevée pourLunatia sp. etHiatella arctica

Important

2 Beaucoup deMytilusedulis valves jointes

Forte proportion d’espècesentières

Faible à moyenne;Macoma balthicatrès polie

Sur Macoma balthicaet gastéropodes

Faible àmoyen

Tableau 4. État des coquilles dans les différents faluns.

développés que celui de la baie des Anglais. Cette baiefortement échancrée, combinée à l’étroitesse de la vallée dela rivière aux Anglais, devait amplifier la compétence descourants, facilitant ainsi un transport important de débriscoquilliers à l’intérieur du bassin. Bellaiche et Thiriot-

Quievreux (1982) ont signalé une formation coquillière dansle golfe du Lion (France) formée dans des conditionsbathymétriques semblables.

Par ailleurs, postérieurement à leur mise en place, lesfaluns ont été érodés par ravinement et par l’encaissement de

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Fig. 4. Structures sédimentaires dans le falun no 1B.

Laboratoire Échantillon Falun Espèce(s)Altitude(m)

Date(ans BP)

UQ-1231 770705-B 1 1 Mytilus edulis 67 9 850±100QU-574 770705-B 1 Mélange 66 9 970±130UQ-1232 770705-B 2 1 Mytilus edulis 65 10 000±100UQ-1233 770705-B 4 1 Mytilus edulis 64 10 350±100UQ-1234 770705-B 6a 1 Mytilus edulis 63 10 200±100UL-1396 940827-B6 1A Mytilus edulis 61,7 10 300±140UL-1395 940827-A6 1B Mytilus edulis 63,9 10 410±130UL-1397 941025-B3 3 Mytilus edulis 77 10 040±100UL-1438 950825-D 5 Mytilus edulis 44 10 270±150UL-1399 950825-B1 6 Mytilus edulis,

Mya truncata41 9 620±130

UL-1400 950825-C1 8 Mytilus edulis 25 10 110±110

Tableau 5. Liste des datations14C des faluns.

la rivière aux Anglais suite à l’abaissement du niveau marinrelatif. Ils constituent donc aujourd’hui des lambeauxparticulièrement bien conservés, notamment lorsqu’ils sontaccolés à un escarpement rocheux faisant face au secteursud, car dans ce cas le versant rocheux a servi d’écueilprotégeant les dépôts contre l’érosion de la rivière auxAnglais. Ainsi les coquilles des faluns situés dans la partieaval ne proviendraient pas forcément de faluns situés enamont.

Stratigraphie et sédimentologieLes faluns qui n’ont pas été perturbés après leur mise en

place occupent la partie sommitale des formations

sédimentaires et reposent, lorsqu’il est possible d’observerleur base, sur une formation marine de rythmites silto–argileuses. Cette séquence lithostratigraphique estcaractéristique de plusieurs dépôts coquilliers observés dansle monde, particulièrement lorsqu’ils ont été mis en placelors d’une transgression marine (Kidwell 1989; Aliotta etFarinati 1990). Toutefois, les lits coquilliers mis en placelors d’une transgression marine possèdent généralement ungranoclassement vertical décroissant et une diminution encarbonate du bas vers le haut de la séquence (Kidwell etAigner 1985), ce qui n’est pas le cas des dépôts coquilliersde Baie-Comeau. Par ailleurs, en se basant uniquement surles structures sédimentaires, l’hypothèse que les faluns deBaie-Comeau soient le résultat de vagues de tempêtessuccessives (Grenier 1986) est peu plausible puisque aucunedes structures associées aux tempêtes, telles les surfacesd’érosion irrégulières ou ondulées, les marques de courant,les structures d’affouillement et de remblaiement, les formesmamelonnées et les cavités allongées (Kreisa et Bambach1982; Fürsich et Oschman 1986), n’a été observée sur le ter-rain. D’autres types de structures, moins fréquents (stratifi-cations entrecroisées, en lentilles et en arête de poisson),caractérisent la coupe B du falun no 1. Les deux premièrespeuvent résulter soit d’un courant de faible énergie, soit d’uncourant de dérive littorale dans un environnement peu agité(Greensmith et Tucker 1969), soit aussi d’un courant de plusforte intensité (Du Bar et Johnson 1964). Toutefois, comptetenu de la granulométrie relativement uniforme et del’absence de matrice grossière, la capacité de l’agent detransport devait être faible et le régime hydrologique plutôtrégulier. Enfin, Sturani (1967) mentionne que les structuresen arête de poisson peuvent être formées par l’action de lahoule sur une plate-forme littorale submergée à très faibleprofondeur.

Pour l’ensemble des deux dépôts coquilliers étudiés, laphase totale minérale est constituée d’un pourcentage variant

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Géomorphologie SédimentologieStratigraphie

Taphonomie Taxinomie

TopographieBathymétrieFormes d'accumulationFormes d'érosion

Paramètres statistiquesGranulométrieMorphoscopieFigures et structuressédimentairesSéquence stratigraphique

OrientationDésarticulationFragmentationEncroûtementUsure, abrasionPerforationTriage

FauneTaille

Processus defaçonnement

Processus de transportet de sédimentation

Histoire de la viepré et post-mortemType d'enfouissement

BathymétrieSalinitéTempératureSubstrat

CONDITIONS ENVIRONNEMENTALES DE FORMATION

Fig. 5. Paramètres environnementaux utilisés pour l’interprétation des dépôts coquilliers.

Fig. 6. Bathymétrie de la baie des Anglais montrant un chenalsous-marin. Tiré de Loring et Nota (1973).

de 5 à 41% de petit gravier et de 60 à 95% de sable (tableau2). Quant à la matrice, elle est constituée de plus de 99% desable. La population de roulement prédomine avec des pour-centages variant entre 85 et 97,8%, tandis que les popula-tions de saltation et de suspension comptent respectivementpour 2,2 à 13% et pour moins de 2%, ce qui se rapproche devaleurs obtenues pour l’environnement deltaïque. Par ail-leurs, les couches de boue observées dans l’ensemble des fa-luns, et qui recouvrent de façon nette les lits coquilliers,refléteraient une sédimentation épisodique (Parsons et al.1988). Cet apport sédimentaire peut être mis en place lors decrues ou lors de grandes marées ou encore par remise ensuspension d’éléments fins lors de tempêtes et de leur trans-port dans la vallée qui, derrière les contreforts rocheux, pré-sentait un environnement calme favorable à la décantation.Les valeurs obtenues des paramètres statistiques montrentdes variations importantes reflétant des milieux de sédimen-tation complexes et diversifiés (tableau 2). Les valeurs des

paramètres du falun no 1 cadrent avec l’environnementdeltaïque, tandis que celles du falun no 2 n’ont pas pu êtrecorrélées avec un des environnements sédimentaires connus.

TaphonomieD’après de nombreux auteurs (entre autres, Fagerstrom

1964; Brett et Baird 1986; Parsons et al. 1988; Davies et al.1989), certains processus taphonomiques, incluant la disso-lution, la fragmentation, l’abrasion, le triage selon la tailleainsi que l’orientation et la position des coquillespermettent, dans une certaine mesure, de préciser certainsparamètres environnementaux comme la source des co-quilles, le milieu de sédimentation, la profondeur del’enfouissement, la profondeur de l’habitat, l’actionprédominante des courants de marée, des vaguesd’oscillation ou de déferlement, en autant que le dépôt n’apas été perturbé par la bioturbation ou d’autres mécanismes.

Nous avons effectué une analyse statistique surl’orientation et la position des valves deMytilus edulis, cettedernière étant utilisée en raison du fort degré de conserva-tion des valves. Les résultats montrent une grande variationd’un falun à l’autre et à l’intérieur d’un même falun, ce quiimplique des modalités complexes ou diversifiées de mise enplace (fig. 7). Dans le falun no 1, l’orientation des valves deMytilus edulis (grand axe) peut être parallèle, perpendicu-laire ou aléatoire à la direction des structures sédimentairesen fonction des différentes couches, de sorte qu’il est diffi-cile d’en arriver à une interprétation précise. Toutefois,l’orientation diversifiée observée dans le falun no 1 peutaussi indiquer une mise en place dans des eaux peu profon-des où les courants oscillatoires des vagues prédominent surles courants unidirectionnels (Parsons et al. 1988). De plus,certaines couches possèdent une orientation bimodale, ce quiserait aussi caractéristique des surfaces affectées par les va-gues ou les courants oscillatoires (Brett et Baird 1986). Pourle falun no 2, le grand axe des valves est généralement per-pendiculaire aux structures sédimentaires, ce qui correspondà l’orientation retrouvée dans les cordons de plage.

La position des valves avec le côté concave vers le basprédomine nettement pour la coupe 1B du falun no 1, tandisque celle avec le côté concave vers le haut est prédominantedans la partie supérieure de la coupe 1A et dans le falun no

2. Les dépôts coquilliers avec une prédominance de valvesavec le côté concave vers le bas peuvent être mis en placepar des courants, des vagues de tempête (Kreisa 1981; Nor-ris 1986; Albertzart et Wilkinson 1990) ou la dérive littorale(Uhlir et al. 1988); cette disposition est aussi souvent ob-servée dans des chenaux de marée et sur les plages (VanStraaten 1952; Meldahl et Cutler 1992). L’étude sommairedu transport des coquilles par les vagues et par les agentsfluviatiles sur la plage de la péninsule de Manicouagan, lo-calisée au SO du territoire d’étude, ont permis de dégagercertaines caractéristiques taphonomiques et de mieux com-prendre la formation des dépôts coquilliers holocènes émer-gés de Baie-Comeau. Nos observations montrenteffectivement que, en remaniant les coquilles, particulière-ment celles avec le côté concave vers le haut, la dérive litto-rale favorise le positionnement des valves avec le côtéconcave vers le bas, mais de façon moins nette que l’actionfluviatile. Ainsi, un temps d’exposition écourté à la surface

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Couche OrientationM

n = 4582 % 18 %

Kn = 29

90 % 10 %

In = 46

30 % 70 %

Fal

un1A

An = 15

53 % 47 %

Dn = 32

28 % 72 %

Cn = 23

35 % 65 %

Bn = 27

37 % 63 %

Fal

un1B

An = 19

21 % 79 %

Bn = 36

86 % 14 %

Fal

un2

An = 40

85 % 15 %

Fig. 7. Position et orientation des valves deMytilus edulisdansles faluns no 1 et no 2; n, nombre d’observations.

de l’estran et un faible remaniement par la dérive littoralepeuvent former une accumulation coquillière avec des co-quilles bien conservées, sans position préférentielle et mêmeavec une dominance de valves avec le côté concave vers lehaut. En effet, les coquilles à valves jointes et ouvertes sonttransportées sur la plage, le côté concave vers le haut, et el-les sont retournées, le côté concave vers le bas, par le cou-rant de retour, ce qui concorde aussi avec les observationsde Aberhan et Fürsich (1991). Il est donc vraisemblable quele falun no 2 ait été formé à la limite maximale des maréesde vive eau là où, en projetant les coquilles sur le haut deplage, le jet de rive pouvait former des accumulations avecune prédominance de valves avec le côté concave vers lehaut. Enfin, dans les dépôts avec une prédominance de val-ves avec le côté concave vers le bas et lorsqu’un lit coquil-lier est recouvert d’une mince pellicule d’argile, on observemême que les valves sont disposées avec le côté concavevers le haut, ce qui serait typique de l’action des courants deturbidité (Middleton 1967).

L’état des coquilles a été évalué qualitativement en fonc-tion des degrés d’articulation, de fragmentation, d’abrasion,de perforation et d’encroûtement (tableau 4). Dansl’ensemble, les coquilles n’ont pas été grandement affectéespar la dissolution.

Le degré d’articulation des bivalves varie selon les falunset aussi selon les espèces. D’ailleurs, la désarticulation dé-pend, en partie, de la propriété des ligaments des différentsbivalves (Beckvar et Kidwell 1988). En général, le degréd’articulation est plus élevé dans la partie sommitale des dé-pôts coquilliers.Mytilus edulis est fréquemment observéeavec les valves jointes dans les faluns no 1 et no 2, ce quisuggère une faible durée de résidence sur le fond marin. Eneffet, d’après Schäfer (1972), la désarticulation des bivalvess’effectue rapidement, généralement quelques semaines oumoins dans un environnement marin aérobique, alors quenous avons observé qu’il suffit de quelques jours de rema-niement d’une accumulation coquillière par la dérive litto-rale ou par un cours d’eau pour désarticuler l’ensemble descoquilles d’un dépôt. Ainsi, les dépôts coquilliers avec uneprédominance de valves entières et désarticulées, commepour les faluns no 1 et no 2, semblent refléter un faible rema-niement du dépôt originel de sorte que, malgré une appa-rence thanatocénotique, les espèces pourraient provenir desenvirons immédiats et constituer tout de même de bons indi-cateurs paléoécologiques. Dans l’ensemble, les coquilles deMytilus edulisà valves jointes sont vides de sédiments, cequi indique qu’elles ont été transportées vivantes ou qu’ellesont été enfouies rapidement dans leur habitat d’origine.Ma-coma balthicaet Astarte montaguiont aussi été observées defaçon occasionnelle avec les valves jointes dans les deux fa-luns. On a constaté que le degré d’articulation était plusélevé dans les faluns no 1 et no 2 comparativement aux fa-luns situés plus en aval. L’augmentation de valves articuléespourrait alors indiquer la proximité du site de vie des indivi-dus (Henderson et Frey 1986).

Le degré de fragmentation varie aussi selon les faluns etles espèces. LesBalanussont, dans l’ensemble, très frag-mentés, même s’ils sont parfois très bien conservés, tandisque lesHiatella arcticasont généralement les mieux conser-vés, probablement à cause de la dureté relative de leur co-

quille et de leur petite taille. D’une façon globale, les coquil-les des faluns no 1 et no 2 ont un plus faible degré de frag-mentation que les faluns localisés en aval avec uneproportion maximale d’individus entiers au falun no 2. Dansl’ensemble, la fragmentation est supérieure là où la matriceest grossière, ce qui constitue un indice d’un brassage plusimportant.

Le degré d’abrasion des coquilles constitue une autre ca-ractéristique des faluns de Baie-Comeau. L’abrasionconcerne particulièrement les gastéropodes au falun no 1 etles Macoma balthicaau falun no 2. Les coquilles fragmen-tées et usées ont souvent été associées aux accumulations detempête (Ball 1971; Brenner et Davis 1973), tandis que leslits contenant des individus entiers ont été associés à des ac-cumulations in situ (Heckel 1972). Toutefois, on a observé lelong des plages de la péninsule de Manicouagan que les va-gues de forte énergie lors des périodes de grands ventsn’étaient pas un agent efficace pour la désarticulation et lafragmentation des bivalves. Ce type de vague conserve plu-tôt intact les coquilles en les transportant sur le haut deplage, ce qui corrobore les affirmations de plusieurs cher-cheurs (Kreisa 1981; Brett et Baird 1986; Norris 1986; Mel-dahl 1993). D’ailleurs, dans ce même secteur, l’étude d’uncordon coquillier moderne, situé sur la partie inférieure del’estran de la pointe Manicouagan, montre que l’action jour-nalière des vagues a un pouvoir d’abrasion et de désarticula-tion important sur les coquilles, mais minime à l’égard de lafragmentation. Van Straaten (1952) a observé que la frag-mentation était plus importante dans les zones où le mouve-ment de l’eau était rapide, comme sur les hauts de plages etles bancs mais de préférence dans les chenaux plutôt qu’à lasurface des estrans.

Pour la région de Baie-Comeau, la fréquence des marquesd’encroûtement sur le substrat et la perforation n’ont paspermis de déduire d’information post mortem supplémen-taire. Tout au plus, la présence de balanes encore fixées surun substrat, comme aux faluns no 1 et no 2, indique un faibledéplacement et un milieu peu agité.

TaxinomieL’étude taphonomique a permis de mettre en évidence

plusieurs facteurs impliqués dans la destruction ou la conser-vation préférentielle de certains coquillages. Il est évidentque tous les organismes potentiellement conservables nesont pas forcément conservés (Powell et al. 1982; Cumminset al. 1986). Dans les faluns de Baie-Comeau ont observesouvent des épines deStrongylocentrotus dröbachiensis,mais exceptionnellement de gros fragments ou des testsentiers. Il en va de même ailleurs. La fragilité de la carapacedes oursins résiste mal au brassage par les vagues et lescourants. La conservation différentielle des espèces peutdonc affecter la reconstitution des paléocommunautés.L’étude des faunes marines et de leur développementrenseigne tout de même sur l’environnement de leur biotope.

On a dénombré cinq classes d’invertébrés regroupant 23espèces (tableau 3), dont les plus importantes sont :Balanuscrenatus, Mytilus edulis, Hiatella arctica, Balanus balanuset Mya truncata.

Une des caractéristiques des dépôts coquilliers de la ré-gion de Baie-Comeau est la nette dominance d’une épifaune

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(épibionte). Ces espèces, qui colonisent les substrats rocheuxet les matériaux grossiers, bénéficiaient d’un support idéaldans la vallée de la rivière aux Anglais. En effet,l’abondance de falaises littorales rocheuses ainsi que la pré-sence de dépôts glaciaires et fluvioglaciaires ont favorisé lacolonisation du milieu. Par ailleurs, la formation de lits co-quilliers a pu engendrer une réponse taphonomique favo-rable à la colonisation par des espèces épifaunales.Balanuscrenatusest la seule espèce qui prédomine la totalité des dé-pôts coquilliers surtout à cause d’abondants substrats ro-cheux dans ce milieu, favorables à sa fixation et à sondéveloppement. Les conditions de développement ont dûêtre favorables sur une période assez longue, puisque les fa-luns sont composés d’individus adultes et juvéniles. Par ail-leurs, les eaux devaient être froides et relativement saléescompte tenu de la préférence écologique pour ces facteursde la majorité des espèces retrouvées dans les faluns, maisavec des saisons estivales assez longues et assez chaudespour permettre à certaines espèces boréales de bien se déve-lopper (Mytilus edulisatteint une taille de 75 mm). Il est dif-ficile de déterminer avec précision, sans analyse isotopique,la profondeur de l’eau à partir des espèces puisqu’elles cou-vrent généralement un large domaine bathymétrique. Toute-fois, à partir de communautés types, les faluns no 1 et no 2correspondraient à une communauté littorale àHiatella arc-tica telle que décrite par Hillaire-Marcel (1979).

Modèle de genèseL’analyse des paramètres biophysiques permet de définir

le contexte environnemental lors de l’édification des falunset de proposer un mode de formation. Tout d’abord, la forte

accumulation de coquillages dans cette région implique uneproductivité biologique exceptionnelle et des conditionsparticulières pour une concentration aussi importante.D’ailleurs, même les formations marines silto–argileuses decette région sont très riches en fossiles. D’après les âges14C,les dépôts coquilliers de la vallée de la rivière aux Anglaisont été mis en place entre 10,4 et 9,6 ka BP (tableau 5). Ils’agit d’une période relativement courte qui devaitcorrespondre à une phase assez avancée du relèvementisostatique, car l’altitude maximale des faluns (87 m) estnettement inférieure au niveau maximal atteint par la Mer deGoldthwait (170 m). Compte tenu des caractéristiques desfaluns, le niveau marin ne devait pas être tellement supérieurà 90 m lors de leur formation, de sorte que la vallée de larivière aux Anglais épousait, en amont, la forme d’un longcouloir étroit aux parois abruptes et aux eaux peu profondes,tandis qu’en aval la vallée s’élargissait tout en étantparsemée d’écueils rocheux et avec des eaux plus profondes(fig. 8). C’est vraisemblablement dans un contexte littoral dutype ria que les faluns ont été édifiés selon différentesmodalités. Le falun no 1 a probablement été mis en placesous la forme d’un delta de marée. D’ailleurs, ce dépôt estl’un des rares à posséder des paramètres statistiques et unecourbe granulométrique cadrant avec ce typed’environnement. L’étroitesse de la vallée a favorisé letransport des coquilles par les vagues et les courants demarée, sur de courtes distances compte tenu du grandnombre d’individus entiers deBalanus encore accolés surdes coquilles ou sur des galets, et aussi de la fragmentationmoyenne des coquilles ainsi que du mauvais triage. D’aprèsles structures sédimentaires, la dérive littorale semble avoirremanié la partie aval du falun et repositionné desMytilusedulis avec le côté concave vers le bas. Les gastéropodes,qui sont facilement mobilisables à cause de leur forme,accusent une usure importante due à une expositionprolongée à l’action des vagues avant d’être enfouis(Kidwell 1989; Beckvar et Kidwell 1988). Par ailleurs, dansla partie amont où la dérive littorale ne semble pas avoirjoué un rôle important, les lits coquilliers, sans doute mis enplace pendant les marées de vive eau, contiennent surtoutdes valves avec le côté concave tourné vers le haut, àl’exception de certaines couches traduisant une influencefluviatile prédominante.

Avec des couches inclinées vers l’amont, le falun no 2 a laconfiguration d’un cordon littoral édifié lors des marées devive eau à partir des coquilles transportées par les vagues etabandonnées sur le haut de plage. Protégés de l’action quoti-dienne des vagues, beaucoup d’individus sont demeurés en-tiers, souvent avec les valves jointes, et mieux conservés queceux de l’ensemble des faluns. De plus, le fort pourcentagede valves avec le côté concave vers le haut est typique dansles cordons de coquilles formées sur le haut de plage.

D’autre part, des conditions climatiques sévères ont pu fa-voriser ces hécatombes. Certains auteurs (Dionne 1966;Greensmith et Tucker 1969) ont souligné que le gel est unfacteur important de mortalité de masse chez les invertébrés.Une forte mortalité d’individus constitue une source impor-tante de débris coquilliers pouvant être ensuite transportés etconcentrés en amas coquilliers. D’ailleurs, dans la baie dumont Saint-Michel, en France, Dionne (1966) indique qu’il

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Fig. 8. Région de Baie-Comeau lors du niveau régressif de 91 mde la Mer de Goldthwait.

est probable que les débris coquilliers composant les languesd’estran proviennent de la mortalité massive enregistrée sub-séquemment à un hiver rigoureux. Il en est de même desbancs coquilliers d’Essex, en Angleterre, qui ont rapidementpris du volume à la suite d’une hécatombe créée par le gelde l’estran lors d’un hiver sévère (Greensmith et Tucker1969). De plus, Waage (1964) explique la richesse en fossi-les d’une formation géologique de la région du Dakota dusud par une mortalité de masse répétitive. Il ajoute aussi quecette mortalité fut sélective puisque, comme pour les falunsde Baie-Comeau, les assemblages sont dominés par deux es-pèces. Dans cette perspective,Mytilus eduliset Balanus cre-natusétaient sans doute les plus vulnérables au gel. En effet,ils devaient coloniser les matériaux grossiers et les falaisesrocheuses, lesquels étaient localisés principalement en bor-dure de la vallée ennoyée sur un long estran aux eaux peuprofondes (particulièrement lors des marées basses), de sortequ’ils étaient particulièrement vulnérables à des change-ments brusques de la température. Les blocs observés à dif-férents niveaux dans les faluns étant vraisemblablementd’origine glacielle, l’estran était forcément couvert de glacedurant une certaine période de l’année lors de l’édificationdes faluns. Enfin, des tempêtes successives auraient pu en-traîner des mortalités répétitives et concentrer les coquillesdans le bassin préalablement à la formation des faluns, maisaucun indice n’appuie cette hypothèse. Une autre cause demortalité massive difficile à vérifier serait d’origine biolo-gique impliquant un virus ou une maladie quelconque.

Conclusion

Les premiers faluns de Baie-Comeau ont été formés dansla Mer de Goldthwait à la limite Pléistocène–Holocène aprèsune première période de relèvement isostatique. Lesparamètres biophysiques révèlent des conditions de forma-tion complexes et diversifiées dans un milieu littoral peuprofond du type ria influencé par des courants de marée.Une forte productivité biologique, notamment d’espècesd’eau froide et salée, un estran englacé pendant une certainepériode de l’année et des hivers sévères favorables à desmortalités massives répétitives caractérisaient le milieu lorsde la formation des faluns. Toutefois, considérant la tailleimportante de certaines espèces, ces hivers rigoureuxdevaient être assez espacés pour permettre aux individusd’obtenir leur taux de développement optimal et il n’est pasimpossible que l’amélioration climatique qui a suivi le Dryasrécent ait favorisé une meilleure productivité biologique(saison estivale plus longue et plus chaude) notammentd’espèces boréales. Jusqu’à maintenant aucun dépôtcoquillier aussi riche et contenant une diversité d’espècesrelativement importante n’avait été signalé dans l’Est duCanada. Dans l’état actuel des connaissances, il est impossi-ble de savoir si les faluns de Baie-Comeau sont exclusifs àce secteur. Si oui, la configuration bathymétrique de la baiedes Anglais pourrait avoir joué un rôle important dans leurformation; il faut aussi envisager la possibilité d’uneremontée d’eau froide « upwelling » à cet endroit favorisantainsi une forte productivité primaire. Or, pour vérifier cettehypothèse, il faudrait reconstituer le système des courantsmarins au début de l’Holocène dans le Saint-Laurent d’alors.

D’autre part, les études taphonomiques s’avèrent pertinentespour déterminer la provenance des espèces composant lesdépôts coquilliers d’apparence thanatocénotique et poursélectionner les individus susceptibles d’être utilisés pour lesreconstitutions paléoécologiques et chronologiques. Desétudes paléoécologiques et taphonomiques exhaustivesassociées à des analyses isotopiques permettrontultérieurement de préciser les conditions environnementalespour une période où nous avons peu d’information. Bref,nous souhaitons que les faluns de Baie-Comeau, quiconstituent des formations fossilifères particulières àl’échelle canadienne et le plus beau vestige biologique laissépar les mers postglaciaires au Québec, retiennent l’attentionde la communauté scientifique et soient protégés.

Remerciements

Nous tenons à remercier le Conseil de recherches en sci-ences naturelles et en génie du Canada pour sa contributionfinancière à ce projet de recherche. Un merci très sincère vaégalement à Mariette Lambert et à Guillaume Labrecque,respectivement du Laboratoire de géographie physique del’Université de Sherbrooke et du Laboratoire de14C du Cen-tre d’études nordiques de l’Université Laval. Merci aussi àLinda Dredge de la Commission géologique du Canada et àSerge Occhietti du département de géographie del’Université du Québec à Montréal pour leurs judicieuxconseils.

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