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Hygiene Los difficultCs d'interpr~tation de... LES DIFFICULTIES D'INTERPRETATION DES CONTROLES MICROBIOLOGIQUES ENVI RON N EM E NTAUX Frederic Barbut a,, Denis Neyme a RCsum6 La proprete visuelle de I'environnement hospital/or est une attente leg/time et evidente du patient, des soignants et des v/s/tours. II est cependant naturellement contamine par des microorganismes et leur r61e dans la survenue d'une infection nosocomiale est mal documente, en dehors du cas part/culler d'epidemies (aspergillose invasive en cas de travaux, legionellose nosocomiale). La maftrise de I'environnement repose sur I'application de regles de base (maintenance preventive des installations de traitement d'eau ou d'air, qualite du bionettoyage.... ). Une surveillance systematique de I'environnement n'a que peu d'intcrCt. Los contrCles environne- mentaux do/vent etre cibles et n'Ctre real/sos qu'apres une demarche d'analyse des risques adaptee aux differentes situations. IIs do/vent etre real/sOs solon une methodologie normalisee ou standardisee. L'interpretation dolt toujours se faire en fonction des objectifs recherches et par rapport & des niveaux cibles, d'alerte ou d'action definis Iocalement ou par des textes reglementaires. Environnement - contrSles - surveillance microbiologique - infection nosocomiale - eau - air - surface. Summary: Pitfalls in the interpretation of microbiologi- cal controls of the environment There is a genera/agreement for patients, health care workers and visitors to expect a high level of sanitation in our medical facih~ies. Nevertheless the hospital environment is naturally contaminated by microorganisms. Their contribution in the acquisition and spread of endemic nosocomiat infections is poorly documented, except in case of outbreaks (invasive aspergillosis, nosocomial legionellosis). The control of environmental contamination relies on the appfication of basic rules of hygiene (preventive maintenance of the ventilation systems and water treatment systems, quality of cleanup proce- dures,...). The routine monitoring of environment is of limited value. a Unite d'hygiene et de lutte centre los infections nosocomiales (UHLIN) HCpital Saint-Antoine 184, rue du Faubourg Saint-Antoine 75571 Paris codex 12 * Correspondance [email protected]. article re~u le 30 janvier, accept6 le 24 mars 2006. 9 Elsevier SAS. Controls should be selective and performed only after the analysis of the critical control points adapted to each situation. They must be carried out according to a standardized methodology. Results must always be interpretated according to the goals and to different levels of acceptability defined locally or defined by scientific agencies. Environment - control - microbiological survey - nosoco- mial infection - water - air - fomites. 1. Introduction L a surveillance microbiologique de I'environnement dans los eta- blissements de santo represente un des axes de la politique de tutte contre les infections nosocomiales. La strategie de contrSles envi- ronnementaux est definie par chaque Comite de lutte contre I'infec- tion nosocomiale (CLIN) en concertation avec I'equipe operationnelle d'hygiene hospital/ere et le laboratoire de microbiologie. Elle s'appuie sur des textes regtementaires et/ou des recommandations [11, 14, 15, 16, 19]. Hormis quelques situations particulieres, comme los epidemies, rares mais souvent fortement mediatisees (CpidCmies de legionellose par exemple) [9, 20, 27], la place reelle de I'environnement dans la sur- venue des infections nosocomiales n'est pas, & ce jour, connue avec precision [22, 23, 25, 26, 30]. Cette incertitude est liee aux difficul- tes methodologiques et au manque de preuve scientifique pour eta- blir un lien de causal/to entre contamination environnementale et infec- tion nosocomiale. Uhygieniste et le microbiologiste sont souvent sollicitCs par los soi- gnants 0u I'administration afin de << contrSler ,, I'environnement par des prelevements tous azimuts et evaluer le risque infectieux pour le patient ; cependant, its do/vent adopter, ie plus souvent, une attitude plus restrictive (comme te suggere los Centers for diseases control and prevention, CDC, et I'American hospital association (AHA)) [6, 11 ] du fait des difficultes d'interpretation des resultats, de I'absence de standard/sat/on des methodes de prelevements mais aussi du co0t de cos analyses. De ce fait, los moyens censacres par los h6pitaux dans la surveillance environnementale sont tres variables : dans une etude reatisee aupres de 487 etablissements hospitaliers, 80 % dCclaraient consacrer tous los ans moins de 7 600 euros, 17 % entre 7 600 et 76 000 euros et 1% plus de 760 000 euros [18]. Apres avoir rappete los differents risques infectieux lies & I'environ- nementT, nous tenterons d'analyser los difficultes et p/egos auxquels sont confrontes los microbiolOgistes et hygienistes pour I'interpr6ta- t/on des resultats. RevueFrancophone des Laboratoires, mai 2006, N ~382 2 7

Les difficultés d'interprétation des contrôles microbiologiques environnementaux

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Page 1: Les difficultés d'interprétation des contrôles microbiologiques environnementaux

Hygiene Los difficultCs d'interpr~tation de...

LES DIFFICULTIES D'INTERPRETATION DES CONTROLES MICROBIOLOGIQUES ENVI RON N EM E NTAUX

Frederic Barbut a,, Denis Neyme a

R C s u m 6

La proprete visuelle de I'environnement hospital/or est une attente

leg/time et evidente du patient, des soignants et des v/s/tours.

II est cependant naturellement contamine par des microorganismes

et leur r61e dans la survenue d'une infection nosocomiale est mal

documente, en dehors du cas part/culler d'epidemies (aspergillose

invasive en cas de travaux, legionellose nosocomiale). La maftrise

de I'environnement repose sur I'application de regles de base

(maintenance preventive des installations de traitement d'eau ou

d'air, qualite du bionettoyage . . . . ). Une surveillance systematique

de I'environnement n'a que peu d'intcrCt. Los contrCles environne-

mentaux do/vent etre cibles et n'Ctre real/sos qu'apres une

demarche d'analyse des risques adaptee aux differentes situations.

IIs do/vent etre real/sOs solon une methodologie normalisee ou

standardisee. L'interpretation dolt toujours se faire en fonction

des objectifs recherches et par rapport & des niveaux cibles, d'alerte

ou d'action definis Iocalement ou par des textes reglementaires.

E n v i r o n n e m e n t - c o n t r S l e s - s u r v e i l l a n c e m i c r o b i o l o g i q u e -

in fec t ion n o s o c o m i a l e - eau - air - sur face .

S u m m a r y : P i t f a l l s in t h e i n t e r p r e t a t i o n o f m i c r o b i o l o g i -

ca l c o n t r o l s o f t h e e n v i r o n m e n t

There is a genera/agreement for patients, health care workers and visitors to expect a high level of sanitation in our medical facih~ies. Nevertheless the hospital environment is naturally contaminated by microorganisms. Their contribution in the acquisition and spread of endemic nosocomiat infections is poorly documented, except in case of outbreaks (invasive aspergillosis, nosocomial legionellosis). The control of environmental contamination relies on the appfication of basic rules of hygiene (preventive maintenance of the ventilation systems and water treatment systems, quality of cleanup proce- dures,...). The routine monitoring of environment is of limited value.

a Unite d'hygiene et de lutte centre los infections nosocomiales (UHLIN) HCpital Saint-Antoine 184, rue du Faubourg Saint-Antoine 75571 Paris codex 12

* Correspondance [email protected].

article re~u le 30 janvier, accept6 le 24 mars 2006.

�9 Elsevier SAS.

Controls should be selective and performed only after the analysis of the critical control points adapted to each situation. They must be carried out according to a standardized methodology. Results must always be interpretated according to the goals and to different levels of acceptability defined locally or defined by scientific agencies.

E n v i r o n m e n t - cont ro l - m i c r o b i o l o g i c a l survey - n o s o c o -

mial i n f e c t i o n - w a t e r - a i r - f o m i t e s .

1. Introduct ion

L a surveillance microbiologique de I'environnement dans los eta- blissements de santo represente un des axes de la politique de

tutte contre les infections nosocomiales. La strategie de contrSles envi- ronnementaux est definie par chaque Comite de lutte contre I'infec- tion nosocomiale (CLIN) en concertation avec I'equipe operationnelle d'hygiene hospital/ere et le laboratoire de microbiologie. Elle s'appuie sur des textes regtementaires et/ou des recommandations [11, 14, 15, 16, 19].

Hormis quelques situations particulieres, comme los epidemies, rares mais souvent fortement mediatisees (CpidCmies de legionellose par exemple) [9, 20, 27], la place reelle de I'environnement dans la sur- venue des infections nosocomiales n'est pas, & ce jour, connue avec precision [22, 23, 25, 26, 30]. Cette incertitude est liee aux difficul- tes methodologiques et au manque de preuve scientifique pour eta- blir un lien de causal/to entre contamination environnementale et infec- tion nosocomiale.

Uhygieniste et le microbiologiste sont souvent sollicitCs par los soi- gnants 0u I'administration afin de << contrSler ,, I'environnement par des prelevements tous azimuts et evaluer le risque infectieux pour le patient ; cependant, its do/vent adopter, ie plus souvent, une attitude plus restrictive (comme te suggere los Centers for diseases control and prevention, CDC, et I'American hospital association (AHA)) [6, 11 ] du fait des difficultes d'interpretation des resultats, de I'absence de standard/sat/on des methodes de prelevements mais aussi du co0t de cos analyses. De ce fait, los moyens censacres par los h6pitaux dans la surveillance environnementale sont tres variables : dans une etude reatisee aupres de 487 etablissements hospitaliers, 80 % dCclaraient consacrer tous los ans moins de 7 600 euros, 17 % entre 7 600 et 76 000 euros et 1 % plus de 760 000 euros [18].

Apres avoir rappete los differents risques infectieux lies & I'environ- nementT, nous tenterons d'analyser los difficultes et p/egos auxquels sont confrontes los microbiolOgistes et hygienistes pour I'interpr6ta- t/on des resultats.

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Les difficult~s d'interpr~tation de...

2. Les risques infectieux lies b I'environnement

Uenvironnement hospitalier comprend habituellement I'eau, I'air, les sur- faces, I'alimentation, le linge, les dechets et les disposififs medicaux. Nous nous limiterons volontairement aux risques infectieux lies & I'eau, & I'air et aux surfaces. Ueau, I'air et les surfaces sent naturellement contamines par des microorganismes : bacteries, champignons filamenteux, levures, virus... Le niveau de contamination varie qualitativement et quantitati- vement au cours du temps et en fonction des services et des patients. La contamination depend aussi des conditions hygrometriques et de ta temperature. Les microorganismes appartiennent soit & la fiore sapro- phyte (Bacillus, staphylocoque & coagulase negative, Micrococcus, Pseudomonas...) soit de la fiore commensale de I'homme (patients, visiteurs, soignants) (Staphylococcus aureus, enterobacteries,...). Si le r(~le de cet environnement a ere assez bien demontr6 Iors d'episodes epidemiques [20, 27], son rSle dans les infections nosocomiales ende- miques est plus souvent discute [22, 23, 25, 26, 30].

2.1. L'eau

Ueau chaude sanitaire peut representer un reservoir de Legionella partir duquel les patients les plus fragilises peuvent se contaminer en inhalant des aerosols de microgouttelettes d'eau (douches, humidifi-

cateurs, nebuliseurs) [27]. Ueau potable contient egalement une fiore variee (Aeromonas, mycobacteries atypiques, Pseudomonas) qui peut proliferer au niveau de bras morts, de brise-jets ou d'embouts de robinets ou dans les circuits mal entretenus de fontaines refrigerantes [7, 20].

2.2. L'air

Les microorganismes de ?air sent vehicules sur des supports de taille variable : les poussieres (10-100 IJm), les squames cutanes (dans les services de grands brQles par exemple), les gouttelettes ou les micro- gouttelettes de salive (particules de 10 & 1 000 #m emises Iors de la toux, des eternuements, de la parole...) et les noyaux de condensa- tion issus de ces gouttelettes (les ,I dropplets nuclei ,~) (2-5 pm). Les plus grosses partieules sedimentent en quelques minutes alors que tes plus petites (dropplets nuclei) peuvent rester en suspension plu- sieurs heures, diffuser & distance et penetrer par inhalation jusque dans les atveoles pulmonaires des patients. Le rSle de I'air dans la survenue d'infections nosocomiales a surtout et6 etudie au cours de deux circonstances : - dans les epidemies d'aspergilloses invasives survenant chez des patients immunodeprimes (aplasiques, greffes...) & I'occasion de tra- vaux realises a proximite [5], -dans les infections de site operatoire : Lidwell et coll. [21] ont mon- tre qu'il existait une correlation entre la concentration de microorga- nimes dans t'air (exprimee en particules donnant naissances & cole-

Non ddmontr6 Stethoscope

Sanitaires

Faible

Moder6

I~lev6

Lit8 fluidises

Staphylococcus sp.

Bacilles & Gram negatif

Bacilles & Gram negatif, Aspergillus

Clostridium dilficile

Pseudomonas sp.

Fleurs

Thermometre

Lavabos brise-jets

Douche Legionella sp. Aerienne

Nutrition enterale Bacilles & Gram negatif Ingestion

Filtre Aspergillus sp.

Respirateur Pseudomonas sp.

Matelas

Glace alimentaire

Eau potable

Pseudomonas sp. Acinetobater sp.

Salmonella sp. Pseudemonas sp. Cryptosporidium

Legionella sp. Pseudomonas sp. Mycobacteries

Legionefla sp. Pseudomonas sp.

Contact

Contact, projection

Aerienne

Inhalation

Contact

Ingestion, contact

Contact

Aerienne, droplet Humidificateur

Antiseptique Pseumononas sp. Contact

Travaux d'excavation Aspergiflus sp. Aerienne

Endoscopes Contact Satmonelles Pseudcmonas

28 Revue Francophone des Laboratoires, mai 2006, N ~ 382

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H y g i e n e Les difficultb, s d'mteipr~at'on de...

nies ou PNC/m 3) et le taux d'infection de site operatoire apres chirurgie orthopedique prothetique.

I'air joue aussi un rele de vecteur dans le cas de transmission d'in- fections aeroportees comme la tuberculose.

2.3. Les s u r f a c e s

Les surfaces sent contaminees par les microorganismes issus du patient lui-meme (infecte ou simplement colonise) ou par sedimentation de par- ticules pr6sentes dans Fair (Aspergillus). II a ete montre par exemple, que I'environnement proche d'un patient porteur de bacteries multire- sistantes aux antibiotiques (BMR) peut se retrouver a son tour conta- mine et servir de reservoir secondaire [28]. La contamination des sur- faces depend, outre de la qualite du bionettoyage, de nombreux facteurs lies au microorganisme : sa duree de vie sur un support inerte (qui varie en fonction de la matiere, de la temperature, de la dessiccation), de son adherence ~. ta surface, de sa capacite & produire un biofilm et de sa capacite & resister aux conditions defavorables (sporulation). Par exemple, il a ete montre que la duree de survie d'Enterococcus faecalis est de 30 minutes sur une membrane de stethosocope [28] alors que celle de certains clones de S. aureus resistant a la meticilline peut aller jusqu'& plusieurs semaines [29]. Clostridium di~bile peut persister plu- sieurs mois sous forme sporulee [10].

3. La relation entre la contamination environnementale et I'infection nosocomiale En dehors des situations epidemiques tres particulieres (epidemies de legionelloses nosocomiales en relation avec la contamination du reseau d'eau chaude sanitaire par les legionelles, epidemie d'asper- gillose invasive associee & des travaux de demolition ou de renovation & proximite) [5, 27], le lien de causalite entre contamination environ- nementale et infection nosocomiale reste souvent tres difficile & prou- ver [22, 23]. En effet, celle-ci peut ~tre la cause ou la consequence de I'infection. Tout patient infecte ou simplement colonise peut conta- miner son environnement proche [28, 31]. La presence de microor- ganisme dans I'environnement n'est pas une condition suffisante pour impliquer ce reservoir dans la survenue d'une infection nosocomiale. Uinterpretation du resultat devra tenir cempte Q la fois de la nature du microorganisme, de son inoculum, de sa virulence, de son mode de transmission, de la porte d'entree (procedure invasive) et de la recep- tivite de I'hete (immunodepression). Weber et coll. [30], en reprenant les travaux de Rhame et coll. [25], ent propose 7 criteres permettant d'evaluer le degre d'imputabilite d'un reservoir environnemental dans la survenue d'une infection nosocomiale : 1. le microorganisme do!t pouvoir survivre dans I'environnement inerte, 2. le microrganisme dolt pouvoir s'y multiplier, 3. le microorganisme doit pouvoir etre cultive & partir de cet environ- nement, 4. aucune autre voie de transmission ne peut etre identifiee, 5. I'exposition & I'environnement contamine est demontree par des etudes prospectives comme etant la seule cause de relation entre I'ex- position et I'infection, 6. une association entre l'exposition & la contamination environne- mentale et Finfection est demontree par des etudes cas-t6moin, "7. la transmission est interrompue si I'on supprime le reservoir envi- ronnemental. En reprenant les etudes consacrees #. des epidemies dont le reser- voir environnemental etait potentiellement implique, Weber et coil. [30] ont classe les reservoirs environnementaux en 4 niveaux d'implication (eleve, modere, faible, non demontre) dans la survenue d'une infec- tion nosocomiale (tableau I). Par exemple, les humidificateurs et les

antiseptiques contamines representent respectivement un niveau eleve de risque de transmission aerienne de Legionella et de transmission contact de Pseudomonas. A I'oppose, le rele des stethoscopes conta- mines n'a pas ete demontr~ dans la survenue d'une infection noso- comiale.

4. Les difficultes et les pieges de I'interprdtation

4.1 . I n t e r p r e t a t i o n en f o n c t i o n du c o n t e x t e

Uinterpretation des contreles environnementaux dolt toujours se faire en fonction des objectifs fixes.

On distingue habituellement quatre situations.

4.1.1. Contr61es dans le cadre d'une procedure de qualification d'une installation Certaines zones dites & << environnement maftrise ,, (blocs operatoires, salle de radiologie interventionelle, zone de condif ionnement en sterilisation centrale, flux laminaire...) doivent repondre & des criteres specifiques pour leur qualification. Par exemple, le traitement d'air d'un bloc operatoire doit permettre Q celui-ci d'atteindre, au repos, une

BtO0 100

B20 20

B5 5

UFC : unite formant colonies.

1

2

3

4 0

5 00 3 500 4 000

6 000 40 000

7 0 000 3 5 0 0 0 0 400 000

8 00 000 !3 500 000 4 000 000

9 1 000 000

1 pied cube = 2.8310 .2 m 3.

Revue Francophone des Laboratoires, mai 2006, N ~ 382 29

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Les difficult#s d'interpretation de...

classe de proprete particulaire au moins equivalente a. ISO 7 (norme ISO 14-644 ) (tableaux II et III) et une classe de biocontamination B20 (norme NF S 90-351) [1,2,3,4]. En cas de flux laminaire ou de plafond soufflant, les niveaux a atteindre sont ISO 5 et B5. Si la mesure de I'empoussierement particulaire est bien normalisee, I'interpretation de la mesure de I'aerobiocontamination est plus delicate en raison de I'absence de technique de reference.

4.1.2. Contr61es ~ visee de surveillance

Les contreles realises 9. t i t re'de surveillance s'inscrivent dans une demarche pragmatique d'analyse des risques (methode HACCP (hazard analysis critical control point) ou methode ADPCM (analyse des points critiques pour leur maftrise). Leur frequence, leur Iocalisation et leur nature sont definies en fonction des objectifs : surveillance de la maintenance et du foncfionnement d'une installation & risque (exemples : mesure de l'aerobiocontamination et de I'empoussierement particulaire des salles propres et environnements maftrises apparen- tes, contreles des eaux bacteriologiquement maftrisees), adequation 9. des exigences reglementaires (exemples : autosurveillance des legio- nelles dans I'eau chaude sanitaire, contreles d e potabilite), ou mesure du risque dans le cadre de travaux (exemples : mesure de la conta- mination aspergiilaire Iors de travaux). Dans tous les cas, I'interpretation devra tenir compte de la regle- mentation ou des normes et definir differents niveaux de qualite : niveaux r d ' a l e r t e et d 'ac t ion. Le tableau IV presente les pro- positions de niveaux cible, d'alerte et d'action pour les prelevements d'air et de surfaces hors activite et apres bionettoyage dans des zones & haut risque et tres haut risque infectieux. Cette classification en dif- ferents niveaux permet d'apporter des actions correctives appropriees. Le niveau cible correspond & la qualite requise dans un contexte d'en- vironnement maitris& Le niveau d'alerte correspond & un seuil per- mettant de mettre en evidence des derives et de mettre en place les premieres mesures correctives. Le niveau d'action correspond 9. un dysfonctionnement majeur necessitant la mise en place immediate d'actions correctives.

II faut souligner que les resultats de ces prelevements de contreles constituent un constat a posteriori ; ils ne peuvent en aucun cas se

A-

Zones &tres haut risque infectieux

Bacteries < 1 10

Moisissures < 1 1 1

Zones a haut Bacteries 5 10 25 risque infectieux Moisissures < 1 1 1

B-

Zones & tres haut risque infectieux

Bacteries

: C i b l e -

< 1

Moisissures < 1

Zones 9. haut Bacteries 10 risque infectieux Moisissures < 1

�9 ; -

5 10

1 1

1 00 500

1 1

substituer aux contreles de processus (etablis par des audits de pra- tiques) qui ont un objectif preventif.

4.1.3. Contr61es r~alis~s ponctuellement dans le cadre d'investigation d'~piddmies En cas d'epidemie, si I'enquete epidemiologique s'oriente vers un reser- voir environnemental, les prelevements environnementaux ont pour objectifs d'identifier ce reservoir afin de te supprimer. Par exemple, au cours d'une pseudo-epidemie & Mycobacterium gordonae chez des patients de pneumologie, t'enqu@te epidemiologique a rapidement iden- title les fontaines refrigerantes comme source potentielle commune de contamination et des prelevements microbiologiques orientes ont per- mis de confirmer la nature du reservoir [20].

4.1.4. Contr61es a vis~e p6dagogique

Le microbiologiste ou l'hygieniste peuvent ~tre sollicites ponctuelle- ment pour realiser des centreles de surfaces dans des zones & envi- ronnement non maltrise, afin de verifier I'efficacite d'une procedure (de bionettoyage par exemple). Ces prelevements ont, le plus souvent, une valeur pedagogique pour objectiver, non pas la qualite d'un proces- sus en cas de resultat satisfaisant, mais plutet un dysfonctionnement dans le processus en cas de resultat ,, positif ,,. L'interpretation d'un resultat ,, negatif ,, dolt toujours rester prudente et ne pas conduire une fausse securite.

4 .2 . Les d i f f i cu l tes t e c h n i q u e s

De nombreuses techniques sont utilisees pour realiser les pretevements de I'environnement. Les surfaces peuvent #tre prelevees par ecou- villonnage ou par empreinte gelosee. Des techniques d'impaction ou de filtration voire de sedimentation peuvent etre'utilisees pour t'air. Ueau est souvent analysee soit par filtration et mise en culture de la mem- brane, soit par inclusion en milieu gelose.

4.2.1. Reproductibilit~

Les resultats obtenus avec des techniques differentes ne sont pas comparables et la reproductibil ite interlaboratoire est souvent mediocre. En effet, les difficult6s dans les prelevements environne- mentaux resident dans la complexite des ecosystemes et I'heteroge- neite des etats physiologiques des bacteries se trouvant au niveau de I'environnement (bacteries stressees, bacteries ench&ssees dans un biofilm, bacteries viables mais non cultivables...). Ceci explique ega- lement les difficultes & optimiser les conditions de culture.

D'autre part, pour les prelevements de surface par exemple, seul un petit nombre de bacteries presentes sur les surfaces se retrouvent sur la gelose. Le rendement de prelevements varie en fonction de plusieurs facteurs : la capacite de decrochage des bacteries de leur support qui depend de la pression exercee sur le support et de la nature de la sur- face, la presence ou non de neutralisant de residus de desinfectants dans le milieu de culture et des conditions d'incubation des milieux.

4.2.2. Standardisation/normalisation Compte tenu de la faible reproductibilite des prelevements environ- nementaux, des techniques normalisees ou standardisees seront uti- lisees aussi souvent que possible. Par exempie, pour les prelevements de surface, la norme ISO/DIS 14698 preconise d'appliquer une pres- sion uniforme sur la gelose (25g/cm 2) pendant 10 secondes [3, 4]. Les fournisseurs de consommables de laboratoire proposent des appli- cateurs permettant de standardiser ces pretevements. II est recom- mande que ces prelevements soient toujours realises par la meme per- sonne, specifiquement formee & la technique. Un plan d'echantillonage pertinent et reflechi, precisant les lieux et la frequence des preleve- ments, dolt etre defini & I'avance et respect& Pour les prelevements

30 Revue Francophone des Laboratoires, mai 2006, N ~ 382

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Les d/fficuit#_.s d'mterpr6tat/on de... Hygiene

d'air, on s 'e f forcera de respecter la norme ISO/DIS 14698-1 [3, 4] : on veil lera en part icul ier b. util iser toujours le m~me biocol lecteur (les caract6r ist iques techniques des dif f6rents biocol lecteurs varient d'un appareit & un autre), on verif iera qu'il a un debi t suff isant (> 100 l i tres/rain), qu'il est regut ierement 6ta lonne et que les prel6vements sont real ises dans les m6mes condi t ions (m6me op6rateur, mr milieux de culture).

4.2.3. Les l imites d'une recherche cibl~e Enfin, il convient de garder b. I'esprit, iors de l ' interpretation des r6sui- tats, que I'on ne peut t rouver que ce que I'on recherche. Par exemple, les contr61es de potabi l i te identif ient et numerent les col i formes ther- motolerants, les st reptocoques f6caux, la flore a6robie totale revMfiabte & 37 ~ et & 22 ~ et les spores de bacter ies anaerobies sulfite-reduc- trices. La conformit6 b. des criteres de potabilit6 n'assure pas une secu- rit6 absolue de I'eau potable. Une eau dite ,, potable ,, peut contenir des germes de I 'hospital isme infectieux tels les Pseudomonas aeru- ginosa ou des mycobacter ies atypiques (qui ne font pas partie des germes habituel lement recherch6s pour les cf i teres de potabil i te) qui rendent cette eau impropre a certains usages (par exemple le ringage terminal des endoscopes) .

4.2.4, Exemple de difficultes d'interpr~tation

M#me pour des pr61evements ,, normalises ,, et encadres par une regle- mentat ion r igoureuse, I ' interpretation des resultats reste delicate. Prenons I 'exemple des legionel les : d i f ferentes circulaires (Circulaire D G S n ~ 2 0 0 2 / 2 4 3 du 2 2 / 0 4 / 2 0 0 2 relative b. la pr6vention du risque lib aux legionel les dans les etabl issements de sante, Circulaire n ~ 2 0 0 5 / 3 2 3 du 11 juillet 2005 relative & la dif fusion du guide d'in- vestigation et d'aide & la gestion d'un ou plusieurs cas de legionellose) [12,13] pr6cisent les modal i tes de survei l lance et la norme A F N O R T 90-431 [24] defirl it tes condi t ions prat iques de recherche de legio- nelles dans ]'eau chaude sanitaire. Les facteurs suivants doivent etre pris en considerat ion pour interpreter les resultats :

- la dose infectante n'est pas connue et la correlat ion entre le degre de contamination et le risque de developper une 16gionellose n'est pas etabl ie ; - I 'analyse bact6r io logique n'est qu 'une est imation ponctuel le de la situation. La concentrat ion de legionel le dans les circuits d 'eau varie au cours du temps ; - I 'espece de legionelle mise en evidence n'est pas forc6ment patho- gene pour I 'homme ; - la presence de legionelles dans I'eau n'est pas suffisante pour expli- quer un cos de legionellose nosocomiale. I 'infection se fait par inhalation de micro gouttelettes d'eau contaminee alors que les contr6les se font en milieu liquide. La qualite de I'aerosolisation est sans doute aussi doter- minante que la quantite de legionelles dans la survenue de I'infection ; - un resultat negatif n'exclut pas ddinitivement la presence de legionelles : les techniques microbiologiques ont un seuil de sensibilit(~ dont il taut tenir compte. D'autre part, il existe, dans le reseau, des legionelles viables mais non cultivables (par exemple phagocytees par des amibes libres).

5. Conclusion

S i la maftrise de I 'environnement est ind ispensable dans un eta- bl issement de sante pour proteger & la fois les patients et les per-

sonnels, il n'en demeure pas moins vrai que le r61e de I 'environnement dans la survenue d'infection nosocomiale endemique est difficile & eva- luer. En effet, la presence de microorganismes dans I 'environnement ne suffit p a s a impliquer ce reservoir dans la survenue d 'une infection nosocomiale. Les preDvements de l 'environnement ne doivent etre rea- lises que si une strategie precise d 'analyse des r isques et un plan d 'echant i l lonnage adapte ont ere mis en place. L' interpretation des resultats se fait en fonction des object i fs recherches et des definit ions des niveaux de quali te A atteindre. D'un point de vue technique, les prelevements doivent 6tre realises selon une methodologie si possible normal isee ou b. defaut standardisee.

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