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Act,a Medica Scandinavica. Vol. LXXVIII, fnsr. 11, 1932. Les douleurs tnbbtiques sont- elles d’origine radiculrtirc? Par G. BERGMARK. Professeur 6 la faciilte de mbdeciue. Up~al. On sait que les douleurs lancinantos, si vari6es qu’elles puissent &re dans l’un ou l’autre cas du tabes, appartirnnent au tableau clinique de cette maladie. Quant i, leur pathoghie, DBjQrineet Thomas, parlant des troubles de la sensibilit6, s’expriment de la maniBre suivante (Maladies de la moelle BpiniBre, p. 670): ,La pathogenie en est simple, les troubles objectifs &pendent directe- nient de la d6g6n6rescence des racines posthieures et des nerfs p6riph6riques. Les douleurs en general et plus spkcialement les douleurs lancinantes et fulgurantes, les crises visc6rales sont dues A l’irritation des mQmes 616ments et surtout h celle des racines post6rieures.o Cette opinion semble avoir 6t6 accept6e par la plupart des neu- rologistes, du moins peut-on dire qu’on ne rencontre guBre d’oppo- sition dans la litterature courante. Les accBs de douleurs dans lc tabes surviennent assez souvent sans la moindre cause apprkciable. Dans d’autres cas, au contraire, les douleurs sont provoqu6es par des causes extkrieures Bvidentes, ce qu’on voit cependant assez souvent aussi dam d’autres Btats morbides: dans les tumeurs m6dullaires aux douleurs radiculaires typiques, les accBs douloureux peuvent ktre provoqu6es non seule- ment par la toux, oh la pression intraspinale est momentankment augment6e) mais encore par le simple effleurement de la peau, innerv6e par les racines mbdullaires en question. Cependant, dans le tabes la provocation de douleurs par une excitation p6riph6- rique est extrkmement frappante. Mon feu maitre Lennmalm a Ce travail est parvenu h. la rbdaction IC 23 svril 1932. 7-320263. Scta mcd. Scandirmv. k-01. LXXV111.

Les douleurs tabétiques sont- elles d'origine radiculairc?

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Act,a Medica Scandinavica. Vol. LXXVIII, fnsr. 11, 1932.

Les douleurs tnbbtiques sont- elles d’origine radiculrtirc?

Par

G. BERGMARK. Professeur 6 la faciilte de mbdeciue. Up~al .

On sait que les douleurs lancinantos, si vari6es qu’elles puissent &re dans l’un ou l’autre cas du tabes, appartirnnent au tableau clinique de cette maladie. Quant i, leur pathoghie, DBjQrine et Thomas, parlant des troubles de la sensibilit6, s’expriment de la maniBre suivante (Maladies de la moelle BpiniBre, p. 670): ,La pathogenie en est simple, les troubles objectifs &pendent directe- nient de la d6g6n6rescence des racines posthieures et des nerfs p6riph6riques. Les douleurs en general e t plus spkcialement les douleurs lancinantes et fulgurantes, les crises visc6rales sont dues A l’irritation des mQmes 616ments et surtout h celle des racines post6rieures.o

Cette opinion semble avoir 6t6 accept6e par la plupart des neu- rologistes, du moins peut-on dire qu’on ne rencontre guBre d’oppo- sition dans la litterature courante.

Les accBs de douleurs dans lc tabes surviennent assez souvent sans la moindre cause apprkciable. Dans d’autres cas, au contraire, les douleurs sont provoqu6es par des causes extkrieures Bvidentes, ce qu’on voit cependant assez souvent aussi dam d’autres Btats morbides: dans les tumeurs m6dullaires aux douleurs radiculaires typiques, les accBs douloureux peuvent ktre provoqu6es non seule- ment par la toux, oh la pression intraspinale est momentankment augment6e) mais encore par le simple effleurement de la peau, innerv6e par les racines mbdullaires en question. Cependant, dans le tabes la provocation de douleurs par une excitation p6riph6- rique est extrkmement frappante. Mon feu maitre Lennmalm a

’ Ce travail est parvenu h. la rbdaction IC 23 svril 1932. 7-320263. Scta mcd. Scandirmv. k-01. LXXV111.

98 (3. BERGMARK.

relev6 combien les tabetiques peuvent dtre sensibles A l’ktat de la temperature e t surtout au froid. I1 n’est pas du tou t necessaire qu’une excitation a u froid soit forte. M. Viggo Christiansen cite dans ses conferences u n CRS intkressant: u n homme Bprouvait des douleurs excessives dans les jambes aprBs avoir pendant les repas mis une serviette froide sur ses cuisses.

Tout rkcemment nous avons eu l’occwion de faire chez u n ta- betique quelques observations qui soulignent I’importance de ce moment peripherique pour la provocation des crises douloureuses dans certains cas d u tabes.

Un homme de 44 ans entre dans la clinique mkdicale pour inoculation de la malaria contre sa maladie tabktique. E n 1905 sa jambe gauche avait B t k kcraske et on avait dii faire une amputation immediate de la jambe un dkcimPtre au-dessous du genou. La gukrison n’ktait pas bonne. Au bout de deux ans, on a da rkskquer encore quelques centimetres de la jambe. Apr&s cela on a obtenu une gukrison rapide et la proth6se ne gene pas le malade. Depuis son accident c’est-&dire depuis 27 ans, il Bprouve des douleurs qu’il localise A la jambe gauche e t surtout au pied. Les douleurs sont bnsantes, comme si on enfonqait un coin dans l’in- tervalle des orteils, particuli6rement entre les deux orteils 1atBraux. Ces sensations sont provoqukes surtout par des efforts de la jambe. Froid, mauvais temps, etc., n’y sont pour rien. D’abord les douleurs ktaient tr&s ghantes . Pendant ces derniPres annkes, elles ont diminue, mais elles n’ont pas disparu.

En juillet 1929, il commenqa & kprouver des troubles de la balance; pendant l’autornne de la m&me annee des douleurs lancinantes se sont installkes. I1 les sentait dam toute la jambe et le pied droits e t dans la cuisse gauche. I1 n’avait jamais de sensations pknibles de cette sorte localisees au-dessous du genou gauche. Ces douleurs ktaient rapides comme l’kclair, il les 6prouvait tant6t et surtout dans la peau, tantGt dans les parties profondes. I1 les decrit comme tranchantes ou gla- yantes. Ellev ktaient surtout provoqukes par le froid ou le mauvajs temps. nJe suis devenu sensible, & faire rire, au moindre froid ou courant c1’air.s

Le malade nt: sait pas s’il a contract6 la syphilis. La rkaction de Was- sermann est nkgative et dans le sang et dans le liquide ckphalo-rachi- dien, mais il existe une plirocytose assez marquke dans le liquide, 54 mon. par em3. Le diagnostic du tabes est hors de doute. I1 prksente le sympt6me d’ilrgyll des plus nets, les reflexes rotulien e t achillken sont abolis, on trouve une hypotonie musculaire assez marquke, le sens musculaire est infkrieur au normal, et il prksente des symptbmes ataxi- ques kvidents.

Si on lui place un tube rempli d’cau froide au-dessus ou au-dessous du genou droit, il kprouve au bout d’un instant des douleurs lancinantes et h la place oh on le touche et dans une partie plus ou moins grande, situke au-dessous de la place du contact; assez souvent il sent des don- leurs jusque dans le pied ou dans les orteils, quand on le touche au ni-

L E ~ DOULEURS TAB~TIQUES, SONT- ~ L L E S D’ORIQINE RADICULAIRE ? ’ 99

veau ou au-dessus du genou. Si au contraire on place le tube froid A la cuisse gauche, il Bprouve des douleurs B cette place-lit et plus ou moins au-dessous d’elle, mais jamais il ne localise ses douleurs dans la partie amputee.

Le 14 dec., on lui a inoculk la malaria. La fikvre a dtd interrompue au bout de 8 accits. Dans ces acchs il kprouve des douleurs lancinantes. Pendant les frissons avant les Qlkvations de la temphatwe, ces douleurs sont assez modBrkes, mais pendant les chutes de la temphrature elles sont B peu prits intolkrables. La localisation des douleurs est toujours la mCme, jamais il ne les localise au-dessous du nioignon.

Comme nous avons vu en d’autres cas du tabes trait& de la meme maniGre, les douleurs lancinantes ont 6th attknu6es bient8t aprBs la cure de la malaria. Yendant les semaines qui suivaient, il avait quelquefois des douleurs lancinantes spontanbes, mais elles furent toujours faciles & provoquer par le froid. Les douleurs de l’autre catkgorie, c’est-&-dire celles qu’il ressent au-dessous du moignon et qui sont provoqu6es par l’effort, ne sont chang6es en aucune mani8re.

Comment expliquer ce phQnomGne? Les racines posterieures qui correspondent & la partie aniput6e de la jambe gauche peuvent, il est vrai, avoir subi une atrophie pendant I’espace de 27 ans qui s’est 6coul6 aprBs l’op6ration, mais il ressent toujours aprBs un effort des genes, qu’il localise au-dessous du moignon. Evi- demment les fibres radiculaires en question ne peuvent pas toutes &re atrophikes. Pourquoi n’6prouve-t-il pas de douleurs lan- cinantes localis6es 1& pendant les chutes de la tempkrature, oii elles sont si fkroces dans toute la jambe droite ainsi que dans la cuisse gauche?

Si ces racines Btaient capables de transmettre les douleurs pro- voqu6es par l’effort, elles auraient dG &re capables de transmettre aussi les douleiirs provoqukes par le froid.

fividemment c’est surtout d’une irritation des nerfs p6riph6- riques que d6pendent dans ce cas les douleurs lancinantea.