Les Espaces Publics Urbains

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mission interministrielle pour la qualit des constructions publiques

Les espaces publics urbainsRECOMMANDATIONS POUR UNE DMARCHE DE PROJET

JACQUES CABANIEU SYLVIE WEIL JEAN-MARIE GALIBOURG, ANAS GUERVILLY GRARD LAMOUR, JEAN-PAUL PHILIPPON, PIERRE VETTER FRDRIC MIALET COLETTE GRGOIRE MISSION INTERMINISTRIELLE POUR LA QUALIT DES CONSTRUCTIONS PUBLIQUES

directeur de la publication rdaction et coordination comit de rdaction

iconographie

Arche Sud 92055 La Dfense cedex tl. 01 40 81 23 30 fax 01 40 81 23 78 www.archi.fr/MIQCP novembre 2001

AVANT-GARDE/01 45 74 61 61 ISBN 2-11- 093329-1

conception et ralisation

Les espaces publics urbains

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Place du Thtre franais ,1898. Transgressant ici les rgles picturales du paysage, Camille Pissarro limine l'horizon et capte l'espace urbain dans tout le champ visuel ; il signifie par l que la vie citadine s'y focalise, concentrant la ville sur elle-mme. Photograph 2001 Museum Associates/LACMA Los Angeles County Museum of Art, Mr. and Mrs George Gard De Sylva Collection

PRFACE Les espaces publics urbains

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oursuivant sa rflexion sur lorganisation des relations matrise douvrage publique - matrise duvre, la MIQCP aprs avoir abord la question des infrastructures de transport, souhaite contri,

buer ici clarifier la dmarche dapproche et dlaboration des projets sur les espaces publics urbains.

On pourrait penser que les nombreuses recherches et rflexions consacres au cours de ces dernires dcennies aux espaces publics urbains ont puis le sujet et apport lensemble des clairages pour traiter en toute srnit les oprations damnagement intgrant ce type despaces.

Lcoute des nombreuses interrogations et interpellations des collectivits locales semble confirmer que la question demeure dactualit.

En effet, toutes les municipalits, quelle que soit la taille de la ville, sont aujourdhui confrontes limprieuse ncessit dintervenir avec efficacit dans ces espaces-cls o se jouent la fois lconomie, la convivialit et lidentit de la cit.

Aujourdhui, les espaces publics urbains ne peuvent plus tre considrs comme de simples vides rsiduels entre les constructions le plus souvent entirement ddis la voirie et lautomobile ; au contraire, les lus locaux ne cessent dtre sollicits pour rsoudre des conflits dusage, pour amliorer le cadre de vie et lenvironnement de chaque quartier de la ville, ou encore pour affirmer ou protger avec plus de vigueur les qualits du paysage urbain faonn par lhistoire propre chaque ville.

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Les collectivits locales sont de plus en plus amenes intervenir dans la comptition conomique, en crant les conditions du dveloppement et en attirant les entreprises cratrices demploi. Leur politique damnagement urbain, expression de leur dynamisme et de leur identit, est dterminante pour le succs des efforts quelles entreprennent face la concurrence des autres villes. Plus que par son impact sur les constructions, cest sur les espaces publics que cette politique va se rvler et crer une dynamique de renouvellement.

Accompagnant la pression des usagers, peu peu, le contexte rglementaire et juridique sest considrablement alourdi, dessinant un cadre nouveau dinterventions sur lespace public qui simpose dsormais aux collectivits territoriales : renouvellement urbain, dveloppement durable, lois sur lair, leau, la pollution, le bruit, plans de dplacements urbains, de prvention des risques, sont autant de directives nouvelles qui illustrent la complexit et la diversit des questions traiter pour aborder tout projet damnagement despace public. Dsormais dans ce contexte, le recours lassistance de professionnels comptents simpose, pour rpondre aux exigences de qualits multiples des espaces publics.

Rpondre aux attentes du moment, tout en cherchant anticiper lvolution des usages sur un espace, et viter ainsi de futurs conflits, clarifier les intentions initiales dagir, identifier prcisment qui sadresse le projet pour le valider et obtenir ladhsion des divers groupes dusagers concerns, sont aujourdhui de la pleine responsabilit des municipalits qui ont fait de lintervention sur les espaces publics urbains le vecteur rvlateur de leur politique urbaine.

PRFACE Les espaces publics urbains

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Cest pourquoi la MIQCP a souhait apporter sa contribution mthodologique et rpondre aux multiples questions poses par toute intervention sur lespace public urbain : quelles sont les attributions et les responsabilits de lacteur public sur ce domaine ? Quelles sont les tapes-cls de la dmarche de projet ? Comment organiser la matrise douvrage, quels types de partenariat nouer avec la matrise duvre, quels professionnels faut-il faire appel ? Comment travailler avec le temps et dans la dure ? Quelles procdures et quels outils contractuels mettre en uvre, dans ltat du droit communautaire et national daujourdhui ?

Ce document sadresse donc toute institution publique attentive lamnagement, la requalification ou le simple entretien des espaces publics dont elle a la charge, cest--dire aux lus locaux comme aux responsables de services techniques des collectivits territoriales, et aux responsables dtablissements publics grant des patrimoines importants (universits, hpitaux, organismes HLM), lieux dexpression de vie sociale et urbaine, en volution permanente.

Jean-Paul ALDUY Prsident de la MIQCP

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mission interministrielle pour la qualit des constructions publiques

SOMMAIRE Les espaces publics urbains

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SOMMAIRE

02 Prface 09 La problmatique

14 Comprendre et reconnatre lespace public, avant dagir16 Les responsabilitsde lacteur public, matre douvrage

60 Comment passer de lintention de projet la ralisation62 La dmarche de projet :prsentation des 6 tapes-cls

114 Annexe : les fiches pratiques

116 Le fonds documentaireet le diagnostic urbain et paysager

26 Les angles de lecturede lespace public urbainUne lecture spatiale et paysagre Une lecture juridique Une lecture urbaine et sociale

68 La dmarche de projet :contenu des 6 tapes-cls1> La phase pralable 2> La phase de recherche conceptuelle et de souplesse crative 3> Les tudes davant-projet et de projet 4> La phase de ralisation des travaux 5> La livraison des travaux et la mise en service des amnagements 6> Lassistance lappropriation et lobservation des nouvelles pratiques

122 La concertation 124 Le processusde programmation (pr-programme et programme)

128 Laccompagnementde la matrise douvrage

59 Synthse : les spcificitsdu projet despace public

134 Le contrat dematrise duvre

140 La procdure dalignement 142 Les outils mthodologiques 154 Lenvironnement juridique 162 Leau 165 Rglements et projet

168 Bibliographie

171 Et sil fallait conclure...

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La couverture de l'Autoroute A1 La Plaine St Denis, en limite de la Capitale, a t l'occasion de crer une suite de jardins et de places mme de recoudre ses deux rives qui taient dsunies depuis plus de trente ans par cette coupure. Cette opration entre dans le cadre d'un projet urbain ambitieux - certes coteux - , fond sur l'espace public, le maillage viaire et la trame vgtale.

> La problmatique

Les espaces publics urbains

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( Pourquoi lespace public urbain ?Lactualit du projet despace public

Quel espace public ?Tandis qu la priphrie des agglomrations, lespace ouvert est envahi par la circulation automobile au dtriment des autres usages, dans les centres des villes les rues souvrent des pratiques diversifies. Tandis que se dveloppe lespace public virtuel des autoroutes de linformation qui tendent rduire la plante aux proportions dun village sans hsiter franchir les limites de lintimit, lespace public rel subsiste et, prservant lespace priv, il rend intelligente et intelligible notre perception du monde. Il la dilate et la complexifie. Malgr son absence de plus en plus frquente au monde qui lentoure, lhomme ne peut oublier quune part irrductible de lui-mme continue de vivre en marchant, en respirant. Lauthenticit de lexprience vcue dans lespace public de la cit constituera toujours le rfrent inalinable, fertilisant notre imagination. Cette exprience, individuelle, quelle soit celle des potes et des flneurs, secrte, prserve par lanonymat des grandes villes apprci de Balzac ou de Baudelaire, quelle soit ouverte la communication avec autrui dans les grands rituels de lchange que sont les ftes, les manifestations ou les marchs, fonde notre prsence de citoyen dans la cit.

devenir ce Prince qui jouit partout de son incognito Charles Baudelaire, par Walter Benjamin

Parc, march, rues, places, galeries, terrasses, passages, rseauxLa richesse des variations et des itinraires potentiels permet lhabitant dprouver la libert de ses comportements et de projeter mentalement le lieu o il habite : adresse rue, quartier, ville. Ainsi sous toutes ses formes, lespace public donne-t-il accs la citoyennet. Lieu dune vie collective et libre, lieu par prin-

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Aristote, La Politique, Les Formes et les Pouvoirs : Aristote met en vidence la fixit et la mobilit relative, tant de la cit que de ses habitants, comparant le renouvellement des habitants dans la cit aux fleuves qui restent les mmes en dpit du perptuel coulement de leurs eaux

cipe de louverture des villes la diversit des populations, lespace public compense les tendances foncirement sgrgatives et classificatrices de nos socits. Ces deux aspirations, louverture ou la fermeture, coexistent ou saffrontent ds lorigine des villes. Mais cest un euphmisme de dire que les formes de lurbanisme de la seconde moiti du vingtime sicle, ignorant volontairement lespace public pour ne plus apprcier que le vide relatif entre les objets construits et lefficacit exclusive du transport automobile ont accentu un processus dexclusion des populations nouvelles. Tandis que lespace priv concrtise la fermeture aux autres, cest bien lespace public qui porte, au contraire, la volont douverture. Cest pourquoi il convient de rquilibrer aujourdhui lurbanisme moderne, focalis sur la question du logement comme donne dintrt gnral, par une conception de lespace public comme support indispensable de lexistence citoyenne.

Parcellaire, faades, gabarits, concessions, surplombsMais lespace public nest pas seulement lespace non-priv. Il se ramifie jusquen des lieux plus intrioriss, rgis par un statut particulier et induisant des rgles de comportements diffrencies (domaines privs ouverts au public, commerces, espaces de rencontre divers, ou domaines publics usages privs, administrations, universits, thtres, coles, palais de justice). Il se ngocie aussi la limite entre priv et public pour favoriser certains usages, et imposer certaines rgles ou servitudes, la collectivit assurant avec vigilance les prrogatives desthtique, dhygine, de scurit, plus globalement dintrt gnral, contribuant ainsi la constitution dun patrimoine collectif valeur culturelle sur ses limites. Cette vigilance collective quexercent les citoyens par ces rglementations nombreuses et parfois difficiles concilier doit saccompagner, pour russir un espace public, de la synthse des rgles et de larbitrage des contradictions.

Si un lieu peut se dfinir comme identitaire, relationnel et historique, un espace qui ne peut se dfinir ni comme identitaire, ni comme relationnel, ni comme historique dfinira un non-lieu Marc Aug, Non-Lieux, Seuil, 1992

Les principales vertus de lespace publicFavorisant la distribution des parcelles, les dplacements et les relations entre les hommes, il est aussi le lieu (en opposition ce que Marc Aug appelle les non-lieux parkings dhypermarchs et autres bretelles dautoroutes) o se stratifie lhistoire, o se ngocie la limite, o sprouve la loi. Cest le lieu o des populations diffrentes trouvent le dnominateur commun leur culture. Cest un lieu didentification. Lespace public est donc un vrai sujet de cration : il est support de la diversit des usages, domaine dapplication de textes juridiques abondants ayant trait lair, la scurit, le bruit, leau, la publicit, laccessibilit, le patrimoine, la voirie, lurbanisme. Il offre la possibilit ceux qui rgissent la ville de lamliorer pour le mieux-tre de ses habitants. Lespace public est un pralable urbain : il devrait tre une priorit des communes. Il devrait permettre par sa transformation, dagir aussi sur les comportements, de favoriser la combinaison de pratiques qui peuvent paratre contradictoires, de diversifier les modes de dplacements.

LA PROBLMATIQUE Les espaces publics urbains

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Des espaces fdrateursTransformation qualitative de lieux existants, cration de nouveaux lieux. Il est ncessaire, et aujourdhui possible, que des espaces de statut ambigu, des espaces de non-droit deviennent des espaces publics part entire, que dautres espaces trop exclusifs dans leurs usages soient reconsidrs pour souvrir tous. Il est souhaitable aussi que cette volont franchisse les limites des quartiers pour favoriser la cration de vritables espaces fdrateurs qui, lexemple des Ramblas Barcelone, des quais de la Seine, du Canal Saint-Martin Paris ou du Cours Mirabeau Aix, favorisent, par leurs qualits urbaines, paysagres et architecturales, par lextrme diversit de leurs usages, les frquentations les plus htrognes tout en tant porteurs dune forte image identitaire de leur ville. Ces espaces constituent des liens morphologiques puissants tant entre les quartiers quentre le centre et la priphrie. Il est envisageable que l o la morphologie ou lhistoire le permet, soient crs de nouveaux espaces de cette nature. Ils pourront tre le soutien dune politique efficace de transports collectifs. A lchelle de villes de moindre importance, cette qualit fdratrice se retrouve aussi dans le tissu plus serr o prvaut la fonction commerciale : quartiers historiques pitonniers de nos villes moyennes ou bazars des villes orientales. Quelle quen soit lchelle, lespace public constitue lossature ncessaire au dveloppement urbain. En complment de cette structure, comme la musculature anime le squelette, une politique foncire est indispensable pour assurer sa vie conomique et, par les changes, les mutations, la construction, garantir ainsi la collectivit le retour de linvestissement consenti.

Perception paysagre, composition rationnelle, prvention situationnelleComme armature de ces projets, le trac morphologique de lespace public peut rsulter de dmarches diffrentes : guide par la perception paysagre selon les principes mis en uvre par Nash dans Regents Street et thoriss par Gordon Cullen et Kevin Lynch, ou bien obissant aux lois de la composition rationnelle des symtries ou du maillage, lexemple des plans de LEnfant pour Washington, de Cerda pour Barcelone, de Tony Garnier pour sa Cit industrielle. Mais aujourdhui de telles approches densemble* Source : La thorie de lurbanisation de Cerd - ditions du Seuil - 1978

L'exemple de Cerd est porteur d'une nouvelle ide de la ville. Ce grand quartier de Barcelone, baptis lEixample, a t trac avant dtre construit et lauteur de son plan en damier sest intress lchelle des lots en rapport avec les immeubles qui allaient y tre btis. Relevs effectus * daprs le plan de Cerd. En haut : lespace du mouvement. En bas : lespace du sjour.

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Pierrick Sorin Nantes : projets d'artistes . Le recours des trucages numriques permet Pierrick Sorin, ici vidaste, de simuler des interventions dartiste sur des monuments de la ville ou dans des espaces publics. De tous les pitons courant pour monter dans le tramway, il en est quelques-uns que chaque jour la camra fixe au hasard pour en projeter l'image sur un mur-cran virtuel trs en vue, lendroit d'un carrefour. Des cratures holographiques dansent entre les statues qui ornent le fronton du thtre. Une opration mdicale cur ouvert est retransmise grande chelle sur la faade de l'hpital.

LA PROBLMATIQUE Les espaces publics urbains

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saccompagnent de dmarches plus spcifiques, certes ncessaires, mais dont on doit sassurer quelles ne prendront pas lavantage sur lide gnrale. Ainsi la toute nouvelle thorie de la prvention situationnelle vise traiter des problmes de scurit urbaine en mettant la ville sous surveillance par des principes quivalents ceux qui ont guid Bentham pour la conception de son Panopticon, lorigine du plan concentrique de nombreuses prisons. On voit cependant que la proccupation scuritaire na pas interdit Haussmann, ds lors quelle ntait pas son unique souci, de crer pour Paris de nouveaux espaces publics ouverts la diversit des usages. De mme, la mise en uvre dune approche trs dterministe du fonctionnement en rseaux, a russi rendre invivables nombre de villes lorsquelle tait exclusive. Elle constitue cependant lune des bases toujours ncessaires la conception de la voie publique. Cette dmarche faisait aussi partie du bagage des ingnieurs haussmanniens dont lesprit de synthse reste exemplaire.

Espace rel, espace virtuel ; matrise politique ou chaos conomiqueAlors que la dispersion des interventions humaines se manifeste aussi bien par le dveloppement physique des villes que par la prolifration de lespace virtuel, une approche synthtique est plus que jamais dactualit. Si le territoire est lune de nos ressources, sa matrise passe par un mode dorganisation de la cit que lon nomme politique et dont linstrument conceptuel est lurbanisme. Limage chaotique et dvorante dune ville prtendument mergente dont la violence procure le plaisir esthtique de quelques-uns nest- elle pas aujourdhui un avertissement de ce que nos pulsions conomiques, ds lors quelles restent incontrles par le politique, peuvent engendrer sur le territoire ? Un territoire que nous aurions tort de gcher. Espace rel, espace virtuel, ces deux figures de lespace public resteront-elles longtemps sur deux trajectoires parallles, ignorantes lune de lautre ? Par linformation, le tlguidage, la retransmission, lespace virtuel affirme dj sa prsence sur lespace rel. Par la cration dvnements, de manifestations lespace rel est de plus en plus instrumentalis comme support dimages et de messages destination de lespace virtuel. Des plasticiens, non sans quelque ironie parfois, utilisent les capacits de transgression de limage virtuelle pour subvertir lespace rel. Aprs bien des dcennies de mconnaissance ou de mpris pour cette part constitutive de la ville quest lespace public, peut-tre pourrions-nous attendre de la confrontation avec son double virtuel, pour lequel notre regard est de plus en plus tendre, quelle suscite lmergence de nouvelles manires de voir et de concevoir lespace public rel. Laffirmation, de plus en plus ncessaire, des identits urbaines face la globalisation des changes, la coordination par linformation de lespace de la ville, ne devraient-ils pas conduire les communes se soucier, maintenant et de manire coordonne, de lespace public sous ses deux aspects : physique et virtuel ?

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> Comprendre et reconnatre lespace public, avant dagir

COMPRENDRE ET RECONNATRE LESPACE PUBLIC, AVANT DAGIR Les espaces publics urbains

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Les responsabilits de lacteur public, matre douvrage Les angles de lecture de lespace public urbain :> Une lecture spatiale et paysagre > Une lecture juridique > Une lecture urbaine et sociale

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Synthse : les spcificits du projet despace public

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Comprendre et reconnatre l espace public, avant d agir

( Les responsabilits

de lacteur public, matre douvrage

LESPACE PUBLIC CONSTITUE LE FONDEMENT DE LARCHITECTURE ET DU PAYSAGE DE LA VILLE. IL EN EST SON ARMATURE, OFFRANT LE CADRE DE LA MISE EN RELATION CONTINUE ET PERMANENTE DES HOMMES, DES BIENS ET DES IDES. VIVANT ET CONU EN OSMOSE AVEC LES ACTIVITS DE LA VILLE, IL EN RVLE SON DYNAMISME ET SON IDENTIT.Composante majeure du domaine public de la collectivit, il est par essence le patrimoine commun tous ses habitants, se nourrissant par frottements des domaines privs qui le jouxtent, et intgrant progressivement les volutions sociales. Ainsi, lventail du vocabulaire employ pour dsigner tout ou partie de lespace public (non bti), quil soit sociologique (espace collectif, de voisinage, daccompagnement, espace libre ou rsiduel), ou quil soit typologique (avenue, boulevard, rue, trottoir,

place, square, parvis, carrefour, belvdre, esplanade, mail, alle, jardin, parc), devient rvlateur de la fonction de cet espace, des usages qui lui sont affects et de sa force symbolique dans la ville. Propritaire de ce domaine public, la collectivit, par son reprsentant, est ds lors lgitime pour agir sur les lieux qui le composent, et pour investir, rglementer, fiscaliser, contrler, entretenir, inciter, etc. Les attributions et les responsabilits de lacteur public se dclinent sur plusieurs domaines qui interfrent les uns sur les autres, et qui rvlent la politique urbaine densemble poursuivie par la collectivit. Les champs de ces responsabilits sont prciss ci-aprs : lventail est large, mais tous sont ncessairement concerns, dune manire ou dune autre, pour produire ou grer un espace public de qualit.

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Qui dsigne-t-on ici par acteur public ? Llu, reprsentant de la collectivit territoriale, en tout premier lieu. Mais les dveloppements qui suivent, prsents par simplification son adresse, intressent dune manire strictement identique un Prsident dUniversit, un Directeur dtablissement hospitalier, un directeur dOPAC, ou dorganisme HLM gestionnaire de zones dhabitation collective, chacun responsable dune proprit, de ltat ou dune collectivit, ouverte au service du public, quil faudra grer, entretenir, valoriser, adapter aux nouvelles activits, comme un lu sa commune. Chaque acteur public sera amen ngocier avec la collectivit o sinsre son patrimoine toutes les interfaces, telles que continuit des rseaux de desserte, transports, accessibilit, ouverture au public, surveillance et scurit, gestion des dchets, du bruit, etc. qui rsultent des dcisions damnagement de son domaine.

Dans le domaine routier, lalignement saccompagnera de prescriptions sur le nivellement (niveau altimtrique fix pour les voies publiques).

La dtermination de laffectation et des usages des espaces publicsLa collectivit devra dterminer la rpartition des diverses fonctions dvolues aux espaces publics sur son territoire (dplacements, loisirs, commerces, etc.), dfinir pour chaque site les usages qui en dcoulent, prvoir leur mode de fonctionnement et dappropriation pour amnager chaque espace en consquence. A chaque fonction : une organisation adquate des espaces qui lui sont affects, une rflexion des mutations dusages possibles, un jeu dacteurs particulier (usagers, dcideurs, exploitants). Prenons par exemple la fonction mobilit et son espace dexpression privilgie : la voirie. Le travail sur la voirie (qui reprsente prs de 90 % des espaces publics dune commune) rapparat comme un enjeu prpondrant pour la qualit de vie des citoyens. Lieu de la libre circulation pour tous, la conception de la voirie a t de fait restreinte, jusqu un pass rcent, celle de la chausse , exclusivement ddie la circulation automobile. Dsormais, la voie publique devra tre amnage pour permettre et organiser tous les modes de dplacements (deux roues, voitures individuelles, transports en commun, livraisons, skate, rollers, etc.), tout en redonnant sa place au piton de tout ge, ainsi quaux personnes handicapes ou mobilit rduite.

La question foncire la proprit prive et publique des solsLes limites entre domaine public et domaine priv (autre que celui de la collectivit) devront tre clairement tablies et portes la connaissance des habitants (cf. cadastre). Ce qui suppose en particulier que la collectivit ait une connaissance prcise de son patrimoine et quen cas dambiguts, quant au statut de certaines parcelles, celles-ci puissent tre leves. Spatialement, ces limites devront tre matrialises (alignement, cltures, simple distinction entre matriaux de revtement de sols, etc.).

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Le quai urbain est aujourdhui reconquis par les modes de circulation lente - on dit alternatifs - pour redevenir un lieu damnit part entire.

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Mobilit et accessibilit pour tous, assures dans le confort et la scurit, sont un dfi contemporain. Tous ces usages ne pouvant tre assurs simultanment partout, des priorits devront tre tablies. Chaque espace du rseau viaire se verra attribuer un rle et des fonctions appropris sa configuration, son chelle, sa situation dans la ville et les activits quil dessert : le boulevard, la place, la ruelle, lalle, etc. En mme temps, on se proccupera du traitement des limites de la voie, des carrefours, des traverses, des conditions de stationnement, de llargissement des trottoirs, des accs aux activits riveraines, des contraintes lies lentretien et lexploitation, etc. Lenjeu damnagement sera ds lors de redonner ou de conserver chaque espace une lisibilit densemble, cohrente et homogne, renforant lvidence de sa fonction, et de coordonner les diffrents acteurs, garants de cet amnagement : la commune, mais aussi peut-tre le conseil gnral, ltat, le syndicat intercommunal, etc. vers un objectif commun tous. Une dmarche de mme type devra tre conduite pour chaque fonction : ainsi, pour le traitement des espaces verts (promenades), ou de jeux et de loisirs amnags ; ou pour lorganisation de la fonction commerciale soit temporaire (marchs forains), soit permanente (rue commerante, etc.).

La relation a lamnagement urbainprogrammation/distribution urbaine/ compositionLespace public tant indissociablement li aux activits quil dessert et leur architecture, la dcision de son affectation et des usages quil autorise ne peut tre spare de la rflexion permanente que conduit llu en matire durbanisme, amenant des choix stratgiques sur les modes dhabiter, les activits sociales et conomiques favoriser, leur implantation, les conditions de desserte, les fonctions logistiques diverses assurer, la dfinition des densits, et lorganisation spatiale qui en rsulte. En particulier, les principes directeurs qualitatifs grant la composition urbaine (tracs, continuits ou non, ouvertures ou resserrements, chelles) qui sera souhaite pour mettre en valeur les objectifs de contenu et de fonctionnement , doivent faire lobjet dautant dattention sur le tissu urbain existant maintenir et valoriser, que sur les zones moins dynamiques o le dveloppement des potentialits dvolution doivent tre favorises (rhabilitation dlots rsidentiels, de friches industrielles, etc.), ou encore sur les quartiers nouveaux qui se greffent sur lexistant, en recherche de continuit (lotissements, par exemple). Les possibilits de mutation des quartiers devront tre tudies et prpares avec les acteurs concerns, porteurs des activits conomiques et rsidentielles (industriels, commerants, propritaires bailleurs, prestataires de services) en prenant en compte les initiatives prives potentielles.

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La politique damnagement urbain saccompagne indissociablement des orientations dfinissant :

La politique patrimoniale et sa traduction : le projet de paysage urbainCette politique sera tablie sur la base dune bonne connaissance des ensembles constitutifs du patrimoine bti et non bti (espaces verts, perces visuelles, perspectives, etc.), de leur tat et des volumtries quils crent. Un reprage sera tent pour dgager des ensembles les plus porteurs dintrts du fait de leur histoire, ou leur valeur culturelle et symbolique, leur effet structurant sur le paysage (alignement darbres, de faades, uvres dart), ou leur valeur sociale reconnue (cole, poste, gare, halte fluviale, march, etc.). Les lments remarquables du vocabulaire employ dans la composition de ces ensembles seront reprs et identifis : particularits locales demploi de matriaux, traitement des limites, essences darbres, orientation, proportion des espaces, mode dassemblage, etc.). Sappuyant sur ce diagnostic, des principes gnraux de mise en valeur, des souhaits de conservation ou de raffectation, ou de restructuration seront tablis, reflet dun consensus, pour guider lorganisation et la composition des espaces au fur et mesure des opportunits et du dveloppement des projets publics ou privs. Le traitement des espaces publics et privs tant complmentaire, des actions daccompagnement sur le patrimoine priv (incitations financires pour

ravalement, par exemple) peuvent aider renforcer rapidement les effets de laction publique sur les espaces publics et leur qualit. Lvaluation de certaines oprations de redynamisation de quartiers ou de villages linitiative soutenue des collectivits territoriales sur les espaces publics (ralisation dassainissement) montre leffet dentranement sur les initiatives prives. Cette implication conjointe publique et prive rejaillit bnfiquement sur la revalorisation du patrimoine priv dune part, et contribue la constitution dun vritable patrimoine collectif de qualit dautre part. La cohrence dans les choix mis en place par la collectivit se retrouvera dans

Sa politique de gestion du patrimoineCette politique se traduira : - dune part par les dispositions prises pour la conservation, lentretien et lexploitation du patrimoine public en termes techniques et de moyens humains en fonction des capacits financires, dautre part par les dispositions rglementaires et fiscales correspondantes (arrts de police gnrale, autorisations doccupation temporaire, montant des redevances, etc.). Pour chaque type despace, les dispositions techniques pour son entretien et sa maintenance, et les moyens humains adapts devront slaborer simultanment aux choix dinvestissements faits lors de la phase de conception de lamnagement crer ou rhabiliter (choix des matriaux, des mobiliers adquats laffectation, sa dure, la frquence des renouvellements envisager, etc.).

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Promenade plante sur lancien viaduc ferroviaire de lavenue Daumesnil, Paris, dans le 12e arrondissement. Cette opration a t un facteur de redcouverte du quartier. Il y a eu un effet d'entrainement : rimplantation de boutiques et promenade plante offrent un nouveau regard sur la ville.

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Vue arienne du canal St Martin (10e arrondissement). Le passage dun canal dans la ville donne du recul aux espaces publics qui le bordent. Lespace de la promenade profite de leau qui dort, porteuse dimaginaire.

Ces missions de gestion patrimoniale seront assures : soit en rgie directe par les services de la collectivit, soit par concession ou dlgation de service public, soit par attribution de marchs publics de prestations de service, ou de fournitures, des entreprises prives. Quel que soit le mode de gestion retenu, il va de soi que cest la collectivit qui dcrit et impose par les cahiers de charge notifis aux prestataires, les conditions de leur mission, et les performances atteindre. Pour cela, il sera intressant quelle puisse organiser le plus en amont possible, les contacts entre ses services, les concepteurs, et les prestataires gestionnaires extrieurs, pour affiner conjointement

la mise en uvre du cahier des charges, la mise en place des moyens techniques et humains adquats, et llaboration dune mthode de suivi et dvaluation des actions dexploitation pour pouvoir remdier rapidement aux dysfonctionnements ventuels constats. En effet, cette dmarche de gestion et dentretien va concerner de trs nombreux mtiers trs diffrents les uns des autres, qui gnralement signorent : les concessionnaires de rseaux, les mtiers de la production horticole pour les espaces de parcs et jardins, les spcialistes de lentretien et de llagage des arbres ou du nettoyage des espaces verts, les mtiers de lclairage public (raccordement du mobilier aux rseaux, choix des quipements suivant destination, voirie, espaces de

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proximit rsidentielle, clairage festif temporaire, de mise en valeur de monuments, de scurit, etc.), les mtiers touchant la collecte des dchets, la lutte contre les pollutions canines, etc. Par ailleurs, une proccupation particulire intresse la conservation des uvres dart, rparties dans lespace urbain, quil faut prserver des actes de vandalisme, des intempries ou des accidents, dans le respect des droits des artistes et de la proprit intellectuelle.

Les recherches actuelles en matire de gestion du risque, et de la politique de prvention qui lui est lie montrent en particulier limportance de la ngociation avec les habitants qui se sentent victimes dinscurit et les associations reprsentatives, et la ncessit damnagements de qualit des quartiers difficiles pour leur donner une image de normalit . Mais la politique damnagement urbain mene par la commune ne se dcline pas seulement travers ses choix de dveloppement et sa politique de gestion patrimoniale. Elle est sous-tendue aussi par des choix difficiles conduire en matire de politiques plus techniques , de plus en plus prgnantes, touchant la qualit environnementale. La prise de conscience de leur importance est dautant plus dlicate que leur impact est priori non visible immdiatement : elles reprsentent en fait la face cache de liceberg.

Il reviendra de fait la collectivit dtre attentive tous ces prestataires, en organisant la coordination de ces diffrents mtiers et des interfaces dans leurs modalits dintervention respectives. Nous verrons plus bas, dans lapproche juridique des responsabilits incombant au propritaire et au gestionnaire du domaine public, que celui-ci voit son pouvoir de gestion domaniale renforc dune part par un pouvoir de police de conservation qui lui permet de prciser les modes dutilisation du domaine public et les redevances ventuellement associes au service rendu, et dautre part par un pouvoir de police gnrale permettant dassurer lordre public et le respect de lexigence de tranquillit et dagrment pour tous et chacun. La question peut se poser des limites de ce pouvoir, tant le problme de la scurit urbaine devient sensible dans certains cas. Depuis quelques annes, on assiste une demande croissante de scurit, se traduisant par la mise en place de barrires, la privatisation despaces communs ou la fermeture de lotissements et le gardiennage des espaces publics par des entreprises prives spcialises.

La politique environnementaleIl est reconnu aujourdhui que lamnagement des espaces publics urbains accompagne souvent la mise en uvre dune politique dinvestissement en quipements devant rpondre aux besoins logistiques de la collectivit : distribution de lnergie, des fluides, des rseaux de communication, etc. Dsormais, le projet de paysage urbain de la collectivit sera de plus en plus marqu par des choix techniques prenant en considration la gestion des composantes majeures naturelles de notre environnement : la gestion de lAIR (contrle de la pollution atmosphrique et politique des dplacements et transports) ; la gestion du BRUIT (politique des

Voir en annexe fiche Leau

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dplacements, implantation et traitement du voisinage des activits gnrant des nuisances sonores, choix des matriaux de revtement rduisant le niveau sonore du trafic, etc.) ; la gestion de lEAU, et celle des DCHETS. Ces aspects de protection environnementale renforcent lide que le projet despace public ne peut ignorer ce qui se passe en dessous de la surface : il ne peut tre circonscrit un projet d habillage la mode dune poque. Il abrite toutes les capacits de dveloppement dynamique dune collectivit, et ses potentialits le grer dans le temps. Le projet despace public, au-del de linvestissement ncessaire la ralisation des fonctions urbaines, participe ainsi pleinement de la politique de gestion urbaine, conomique, sanitaire et sociale. Cest aussi un lieu de ressources financires pour la collectivit (cf. redevances), entranant lobligation de donner en change une rponse satisfaisante aux attentes et aux exigences des habitants.

et rendant ses objectifs opposables tous. En effet, chaque domaine peut sasseoir sur des rglements tablis au niveau local ou national. Ces rglements permettent dassurer et de conforter la gestion de lavenir. Encore faut-il prendre conscience que les rglements eux-mmes, par leur diversit et leur superposition au fil du temps, peuvent influencer profondment la conception mme du projet damnagement, au risque davoir parfois le sentiment quau bout du compte, cest le rglement qui fait le projet . La bote outils rglementaires doit donc tre matrise intelligemment au service de la stratgie de la politique urbaine souhaite et recherche par lacteur public. Pourquoi cette stratgie ne relverait-elle pas dabord de prconisations ngocies et acceptes par les partenaires (conventions, chartes, etc.) ? Autant de domaines sensibles pour tel ou tel groupe dhabitants ou de partenaires. Autant de choix et darbitrages conduire dans la cohrence et la dure. Autant de motifs imposant la collectivit la mise en uvre dune politique dinformation et de communication, adapte la dmarche du projet despace public urbain, destination des habitants, des usagers, des partenaires publics et privs. Concertation, dbat sur les scenarii, coute de tous les types dusagers, tablissement en commun de tous les principes directeurs respecter, explication des arbitrages rendus, coordination des partenaires la ralisation et la gestion du projet, autant dactions prpares, transmises, entretenues, suivies,

Voir en annexe fiche Rglements et projet

Lventail des responsabilits que doit assurer la collectivit propritaire et gestionnaire de lespace public est donc trs large. Les domaines concerns sont trs divers, rendant ncessaire lassociation de nombreux partenaires pour prparer les actions conduire. Limpact des choix tablir et mettre en uvre sera sensible pour chaque habitant, quil soit ou non propritaire priv riverain, ou quil soit responsable de services publics lis au projet. Un consensus sur les options prises sera recherch, qui pourra trouver sa traduction rglementaire donnant lacteur public les moyens de son action

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travers les outils de diffusion qui accompagneront la stratgie de communication et formaliseront la mmoire des dispositions approuves. La gamme des outils possibles rpond la nature des objectifs poursuivis : plutt conviviale, dans le cas de runions dinformation ou dexposition prsentant un thme dbattre ; plus formalise, travers la production de chartes pour entriner les principes de fonctionnement ou damnagement de telle ou telle activit ; contractuelle, pour les cahiers des charges dintervention des dlgataires de services publics ; rglementaire, pour rendre opposables tous dans le temps les dispositions communes arrtes aprs concertation et enqutes publiques (il sagira du PLU et de ses annexes, du plan de dplacements urbains, de prvention des risques, etc.) ; journalistique enfin, pour suivre lvolution des dbats et des ralisations et donner un support toutes les interventions. Mais les meilleurs supports ne suffisent pas toujours. Leur efficacit peut tre dmultiplie dans un lieu permanent de runion et dinformation ddi aux projets de la ville. Cest lintrt de dvelopper un centre dinformation local qui sappuie sur un rseau dacteurs institutionnels impliqus dans les questions darchitecture et durbanisme. Il peut avoir pour vocation de rpondre lattente du public en favorisant la diversit des points de vue, de capitaliser et valoriser les documents concernant le territoire, etc.

Multiplicit des domaines, multiplicit des mtiers Le dfi du projet sur lespace public urbain sera ainsi de tenir compte de lapport des expertises croises des professionnels et des partenaires engages dans lopration, den assurer la coordination et la synthse pour le meilleur rsultat collectif final. Ces regards croiss sont runis dans lexpression mme d ESPACE PUBLIC URBAIN . Trois lectures soffrent ds lors, complmentaires et indissociables, donnant reconnatre lensemble des composantes sur lesquelles porteront les actions damnagement et de gestion de lespace public : elles permettent ainsi de dresser le cadre lgitime de laction publique : une lecture spatiale et paysagre : de quel espace parle t-on ? une lecture juridique : les droits et les devoirs lis au statut public ; une lecture urbaine et sociale enfin.

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> Comprendre et reconnatre l espace public, avant d agir

( Les angles de lecture

de lespace public urbain

> Une lecture spatiale et paysagreLAPPROCHE SPATIALE ET PAYSAGRE DE L ESPACE PUBLIC SE RATTACHE A UN CONSTAT SIMPLE VCU PAR CHACUN DENTRE NOUS = LESPACE PUBLIC, QUIL SOIT JARDIN, RUE, PLACE, BELVDRE, PROMENADE, EST UN VOLUME OUVERT, EXTRIEUR AUX ARCHITECTURES, LMENT CONSTITUTIF DUN PAYSAGE, COMPOS DE LESPACE LUI-MME, ET DE TOUS LES LMENTS NATURELS OU URBAINS PERCEPTIBLES JUSQUA LHORIZON DEPUIS CE LIEU.Lespace public est un fragment de paysage qui est dabord vu, puis vcu, par chacun et chaque moment avec une sensibilit diffrente.

1. Lire et comprendre lespace publicPour nous guider dans notre analyse, rfrons-nous au point de vue du concepteur, architecte ou paysagiste. Celui-ci explique quun paysage se compose : dun socle, constitu par le relief ou les stratifications urbaines ; dun ciel ; dun parcours, physique ou visuel, du socle au ciel. Cette approche du parcours et de ses lments constitutifs a t approfondie par de nombreux auteurs (depuis le XVIIIe sicle et les traits sur les parcs et jardins), soulignant que la conception du paysage ne pouvait se dvelopper correctement que sur les axes de parcours et en retenant le point de vue privilgi de lobservateur en dplacement. Ainsi, lespace public urbain, au-del de sa propre forme et de son contour, peut tre apprhend trois chelles : celle de la rue, celle de la structure urbaine rvle par le parcours dans la ville et celle du site.

Comment dpasser ce premier stade de lexprience visuelle et sensorielle pour lire cet espace, le comprendre avant dy intervenir ?

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A chaque chelle, la lecture des lments constitutifs de lespace public permet de comprendre lidentit du lieu et sa culture.

public. Celle-ci se transmet dans lorganisation de lespace public qui la dessert. En cela, lespace public est lui-mme architecture et paysage.

> A lchelle de la rue Du point de vue formel, on identifiera le plan du sol (horizontal, en pente, convexe ou concave) et les plans verticaux qui dlimitent la rue, et qui lui donnent des faades, des crans, dgagent des champs visuels ou des ouvertures sur des perspectives plus ou moins lointaines. Limplantation de ces plans les uns par rapport aux autres produit des effets (de repre, de dcouverte, de respiration, dinvitation, dencadrement, etc.) mis en valeur par des thoriciens tels que Gordon Cullen et Kevin Lynch (voir planche jointe). Le ciel cadre lensemble et apporte par la lumire quil transmet suivant lheure, les saisons et le climat, une quatrime dimension au paysage, modifi par le jeu des ombres et du soleil, du vent, de la pluie, etc. Ces effets, ne rsultent pas seulement de la composition des plans et des lignes. Ils sont accentus et enrichis par les architectures qui les crent avec leurs rythmes, leurs textures, leurs couleurs, leurs caractres, les fonctions et les valeurs quelles prsentent. Espaces publics et architectures vivent en osmose. Espaces privs et publics sont indissociables et se valorisent les uns les autres. Mme si le promeneur ne voit pas ce qui se passe derrire les faades ou dans le paysage plus lointain, il ressent lactivit prsente dans les paisseurs qui bordent lespace

Mais les schmas proposs, destins faire comprendre les composantes du paysage ne sont pas une invitation une lecture strictement morphologique ou esthtique des lieux parcourus. Les vritables dterminants sont ailleurs, et la forme perue nest quune rsultante du fond qui donne son sens chaque espace, model par lhistoire et les usages. Ainsi, la composition et lordonnancement des lments architecturaux rvlent la superposition des poques, ladaptation constante des lieux lvolution des fonctions et par l mme, lhistoire et le vcu des lieux. La forme et la morphologie de la rue rsultent aussi de lorganisation de lespace souhaite pour rpondre lusage ou aux usages du lieu = au fil des annes, se sont crs ou transforms les places, les rues, les trottoirs pour les pitons, les parvis des monuments ou quipements majeurs, les cltures, et les alignements darbres, les accs aux activits riveraines ; puis se sont greffs les clairages publics, les panneaux de signaltique, les enseignes commerantes ou publicitaires, les mobiliers urbains divers, etc., autant dlments venant ponctuer le paysage mais, dont la cohabitation, parfois non matrise perturbe la lisibilit densemble de lespace, et rend inoprante lefficacit recherche de chacun de ces signes.

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Planche de dessin de Pierre Pinon extraite de l'ouvrage intitul Lire et composer l'espace public . Le plan du sol et les plans verticaux des faades produisent des effets perspectifs varis qui font sens dans le champ visuel du passant.

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> A lchelle de la structure urbaine, la lecture se poursuit, formelle, morphologique, historique, sociologique : en effet, lespace public de la rue nest quun moment dans le parcours de la ville, tout comme lest la place, le jardin : lapproche de chacun de ses lments ne se lit, ne se vit et ne se comprend quen relation avec celui qui le borde, qui le prcde et celui qui le suit, quil soit apprhend visuellement ou non. Chaque lment du parcours ne peut tre peru et conu comme un objet, comme une architecture qui possde des limites prcises. Il rentre dans une composition plus globale, faite de nuds, de secteurs homognes, de repres, qui constituent lossature spatiale de la ville (voir planche jointe : analyse du paysage urbain par G. Cullen). Cette armature, lespace en creux est ainsi le lieu o se tissent et se sont tisss les liens spatiaux entre la ville et son paysage. Il est le lieu o sexpriment la fluidit mais aussi le morcellement, les fragmentations et les ruptures dans lorganisation urbaine. Inversement, on comprend aujourdhui que sa prise en compte dans la qualit urbaine contribue rtablir ou crer des continuits : visuelles, spatiales, au del de ses propres limites. Cest aussi le lieu des relations sociales : lespace public, accessible librement tous, doit tre le rseau continu de la mise en relation des hommes, des biens, des ides. Reflet de lidentit dun territoire, de ses forces et de ses valeurs, cet espace devrait tre trait avec gale qualit, et homognit dans ses lments de composition, que lon passe dun quartier un autre, du centre tradition-

Rome en 1748 : plan d'ensemble de la ville tabli par Noli. La vue en plan rvle la diversification des vides et leur hirarchie. L'enchevtrement des vides se diffrencie selon leur nature, rues, places, puis selon leur chelle et leur morphologie. Cet espace de la ville se prolonge dans les vides intrieurs que sont les cours des Palais, leurs jardins et mme les intrieurs d'glises qui constituent ce vaste espace public, parfois avec un toit, parfois sous le ciel. (A. Yedid)

nel aux quartiers nouveaux en priphrie (cf. lotissement). Pour recoudre des morceaux de ville composs dun patchwork dlots, lespace public ne pourrait-il tre le lien fdrateur de lidentit dune communaut, tout en permettant chaque quartier dexprimer ses particularits ?

> A lchelle du site, ( le socle ), la lecture par le paysagiste nous aide comprendre sa volumtrie, son caractre, sa continuit. Il permet galement dapprhender le mode de dveloppement urbain au cours de lhistoire, et donc la dynamique du site. Ainsi, il est frquent, voire habituel, de constater la prcision avec laquelle se sont superposes, jusquau milieu du XXe sicle, les formes urbaines ou les architectures avec les lignes (de crte, de talweg), les surfaces (terrasses, glacis) et les volumes (cuvettes, perons) du paysage. Puis dobserver que ces mmes lignes, surfaces et

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Planche de dessins extraite de l'ouvrage Townscape de Gordon Cullen. L'enchanement des lments du parcours - le porche, la rue, la place, etc. les met en relation et authentifie leur identit dans la ville.

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volumes ont fabriqu une armature spatiale continue qui organise et irrigue la ville de faon varie, selon les usages et les fonctions.

2. Enjeux de conception pour une intervention sur lespace publicLes repres essentiels qui viennent dtre dcrits pour la lecture dun site prsagent de la complexit travailler sur lespace extrieur, cest--dire le paysage , quil soit naturel, rural ou urbain, et quelque soit lchelle traiter. Lespace public urbain est un support vivant, mmoire de la collectivit, qui traverse le temps. Les enjeux de conception seront : dabord, les enjeux de connaissance et de reconnaissance du site ; puis, des enjeux de programmation prospective, fonctionnelle, technique, et aussi environnementale ; enfin, des enjeux de production et dvolution dans la dure.

approfondie en identifiant les caractristiques du lieu, urbaines, naturelles et en faisant ressortir les caractristiques morphologiques des espaces, le relief et le sol, loccupation urbaine ou rurale et vgtale du sol, le bti et le non-bti, les rues, leur fluidit, les effets visuels tels que la perspective et champs largis ; les palettes chromatiques des vgtaux, des constructions, des quipements et leur stylistique. Cette lecture descriptive constate lorganisation dun espace et en dcrit les caractres. Enfin, on recherchera parmi les constituants du paysage et les formes parcellaires et urbaines, quels sont ceux qui ont motiv des choix (lemplacement dune place publique, lorientation dun btiment ou dun monument, le trac dune route, par exemple) et qui ont initi les occupations successives du sol. Lorganisation de lespace et les rsolutions successives rendues ncessaires lusage des lieux, mises en uvre par loccupant pour raliser chacun de ses choix doccupation ont gnr la qualit des espaces et les ambiances propres chacun deux.

> Intervenir sur lespace public, ramnagerune place, une traverse de bourg, repenser et redistribuer les espaces ouverts dun quartier rsidentiel, etc. exige dabord de connatre ou de faire connatre le site et son histoire. Il reviendra au matre de louvrage de donner au concepteur choisi les directives principales pour fonder sa rflexion et ses propositions. Dans la pratique, cette connaissance de la culture du lieu sappuiera dabord sur le relev des lments de composition du paysage : patrimoine, vgtation, architectures Puis, lanalyse sera

> Prparer une intervention sur lespace public, cest rflchir la production dun paysage urbain, dans une dmarche prospective.Ltude de programmation du volet fonctionnel (les dplacements, les usages, les occupations foncires) ou technique (rseaux), est une approche relativement connue. Par contre, le volet paysage est souvent ignor, bien que complment indispensable intgrer dans une perspective damnagement de tout ou partie dun site. Cette rflexion permettra dorganiser le

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La cit des Fleurs Paris, dans le 17e arrondissement. Frquente par le public au moins le jour, cette voie parisienne - de statut priv depuis 1847 exerce, en dpit d'une typologie viaire trs banale, un charme certain, fruit du respect scrupuleux de prescriptions d'intrt commun pour sa pratique (grilles aux entres, rejet de l'automobile...) et pour la composition des espaces privs (ordonnance des grilles de clture, recul du bti au-del des plantations...).

schma urbain notamment en fonction des proprits naturelles des sites et de dfinir les espaces ouverts, existants ou crer dans le territoire physique et visuel tudi. Ce schma sappuiera sur une hirarchisation des enjeux urbains et paysagers. Sur ces bases, la conception de lespace public ne devra pas se contenter de la seule prise en considration dun environnement fonctionnel (accs, traverses, liaisons) et de contraintes techniques (rseaux, voiries, seuils, altimtries). Elle devra intgrer aussi les autres lments naturels et leurs dynamiques auxquels lespace extrieur est soumis : le relief, leau, la plante, la lumire et leurs transformations permanentes. Dans le projet, le concepteur (architecte ou paysagiste) explorera les rapports plastiques et sensibles

dans lorganisation de lespace (travail sculptural de lespace) et la nature des rsolutions (matire, forme, couleur, odeur). En mme temps, il mettra en relation des lments dordre naturels : la topographie, les hauteurs, les pentes, les directions, les orientations, les volumes vgtaux avec des lments dordre construits : les volumes architecturaux, les infrastructures, les rseaux, le mobilier. Intgrer lcoulement de leau, la direction du vent, lintensit de la lumire, la croissance de la plante, la phnologie (1) du vgtal et la dynamique de la vgtation dans la conception de lespace et dans(1) phnologie : ensemble de variations de formes et de couleurs observes, lies au dveloppement et lvolution saisonnire du vgtal.

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la rsolution des contraintes techniques fait vivre le lieu. Parfois, une rponse simple suffit, une diffrence de niveau organise un espace, dfinit les directions, gre la circulation de leau Lespace entretient ainsi un rapport mtaphysique et dynamique avec lusager. Travailler sur lespace public ne se restreint donc pas apporter un simple ornement, ou dcor un lieu, ni mme mettre des formes en face de contraintes (imposer un chemin vert parce quendessous passe une canalisation).

> Prparer une intervention sur lespace public, cest la replacer dans la dure et dans le temps. La dure de sa production et de lvolution de ses composants dans le temps (vgtaux par exemple, couleurs, vieillissement et remplacement des matriaux). Le temps des jours et des saisons, et les changements climatiques. La dure du mouvement de lusager (cf. mobilit et parcours) : la perception des lieux et des perspectives diffrera suivant que lon est piton, cycliste ou automobiliste, suivant sa vitesse de dplacement dans lespace. La perception des repres nourrira ou non un sentiment de scurit, de confort et de plaisir du parcours vcu. Cette considration est essentielle pour travailler par exemple sur la voirie : faciliter ou non la perception des perspectives, des enchanements des espaces, par leur traitement, sont des facteurs dterminants incitant ou non la matrise de sa vitesse et au respect des sites traverss.

La conception de lespace public doit permettre de concilier les points de vue du professionnel (concessionnaire, gestionnaire), de lhabitant, commerant un jour, promeneur un autre jour, du propritaire riverain, du touriste avide de dcouvertes historiques ou ludiques et de laisser la libert chacun de vivre lambiance produite. La matrise du projet se rvlera dans la capacit grer les alas : les rseaux (non vus, mais indispensables), les hommes, les circulations, les activits, les jeux, les manifestations et permettre la cohabitation. Elle se traduira aussi dans la recherche de la meilleure rponse aux multiples besoins de service aux usagers en vitant de trop instrumentaliser lespace pour ne pas martyriser le site et rendre sa perception chaotique.

Cest le rle du responsable de la collectivit concerne dorganiser cette gestion. Le choix des actions quil va conduire trouve sa source lgitime dans le statut juridique de lespace public et des consquences en termes de responsabilits.

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> Une lecture juridiqueLa premire consquence de la volont de traduire une politique urbaine travers le projet despace public est de nature juridique, car il faut clarifier les rgles qui sappliquent ce type despace. Pour lui assurer la prennit, le protger des appropriations particulires susceptibles den privatiser durablement lusage au dtriment de lintrt de la collectivit, son utilit publique doit tre affirme, et officiellement dclare. Il existe en effet des espaces privs dusage public de fait : - ainsi, les alles dun centre commercial, ou une halle de march non municipale ; - ainsi, les espaces communs extrieurs des zones dhabitation collective (ZUP ZAC) dont la proprit , foncire est dtenue par un organisme HLM gestionnaire. Dans cette hypothse, les rapports entre la collectivit publique et la personne prive propritaire peuvent tout fait se contractualiser. Lespace en question reste cependant rgi par des rgles de droit priv. Ces espaces privs, grs par le priv, et ouverts au public ne seront pas traits ici proprement parler. La prsentation expose ci-aprs de la notion de domaine public nest en rien exhaustive mais doit permettre de disposer de repres essentiels sur cette notion. Ainsi, cette dfinition permettra de donner appui des propositions dactions pour lacteur public, et par voie de consquence aux droits et devoirs qui y sont attachs et dalerter lacteur public sur les conditions de leur mise en jeu.

CEST POURQUOI LE RATTACHEMENT DE L ESPACE PUBLIC AU DOMAINE PUBLIC , PAR NATURE PROPRIT DE LA COLLECTIVIT PUBLIQUE, DE PLUS DCRT INALINABLE, APPORTE LES GARANTIES JURIDIQUES DE PERMANENCE DE LESPACE DANS LE TEMPS ET DANS LHISTOIRE DE LA CIT.Si le cadrage juridique apparat ncessaire, la prsentation des notions et des principes sur lesquels il sappuie restera ici relativement sommaire, la matire tant complexe et en perptuelle volution. Ici, une remarque pralable simpose : si, en principe, lespace public appartient au domaine public des collectivits publiques, les deux notions ne se confondent pas cependant totalement.

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Les personnes publiques disposent dun patrimoine considrable et diversifi puisquil va des btiments des ministres la voirie routire, en passant par une partie des forts franaises ou les collections des muses. Une part importante des biens publics est voue lusage du public, comme la voirie routire ou les rivages de la mer, ou lusage des services publics comme les voies ferres ou les universits et hpitaux ; mais les personnes publiques possdent galement des biens quelles grent dans un intrt financier, comme les sources deaux minrales, certaines entreprises nationalises, ou encore des immeubles lous des particuliers. Les biens des personnes publiques sont donc trs htroclites. Parmi ces biens une distinction est traditionnellement opre entre ceux qui relvent du domaine public et ceux qui relvent du domaine priv. La distinction du domaine public et du domaine priv au sein des patrimoines publics nest apparue quau XIXe sicle. Sa raison dtre est la volont de protger certains biens publics plus que dautres : ceux qui sont destins directement lusage du public. Pendant tout le XIXe sicle, la doctrine prcise et dveloppe la notion de domaine public. On assiste de nombreux dbats et une lente volution jurisprudentielle, nourrie par lexplosion urbaine et les progrs raliss dans le domaine de lamnagement et de lquipement de la ville : larrt du Conseil dtat en 1909 (Ville de Paris) consacre la proprit des collectivits publiques sur leur domaine ; la notion daffectation lusage public apparat comme un critre dterminant pour qualifier le domaine public, lusage de tous.

Les biens appartenant au domaine public sont soumis un rgime juridique tout fait spcifique compte tenu de leur nature particulire et de leur affectation lintrt gnral. Le contentieux relve du juge administratif. Les biens appartenant au domaine priv sont soumis un rgime de droit priv comme toute personne de droit priv. Le contentieux relve du juge civil. Cest essentiellement la jurisprudence qui a dtermin les critres dappartenance dun bien au domaine public ; quant aux biens du domaine priv, ce sont ceux qui ne relvent pas du domaine public. Compte tenu de la diffrence de rgime et les consquences qui sy attachent, la dfinition du domaine public est tout fait dterminante. Nous tudierons donc dans un premier temps la notion de domaine public et dans un second temps son rgime juridique.

1. Comprendre la notion de domaine public Ses fondementsLa loi et la jurisprudence font une distinction entre domaine public naturel cest--dire le domaine rsultant des phnomnes naturels (fluvial, maritime, arien) et le domaine public artificiel cest--dire le domaine rsultant du travail de lhomme (routier, ouvrages maritimes et fluviaux, btiments affects des services publics de sant, denseignement, domaines des compagnies nationales de transport public, de production dnergie, etc.). En ce qui concerne lespace public , nous nous intresserons plus spcifiquement aux caractris-

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tiques attaches au domaine public artificiel immobilier dans le cadre du territoire urbanis. La dfinition du domaine public est avant tout jurisprudentielle. A cet gard, la jurisprudence est complexe, abondante et volutive. Par ailleurs, le juge administratif a dvelopp plusieurs thories qui largissent le champ de cette domanialit : la thorie de laccessoire, la thorie de la domanialit publique globale, la thorie de la domanialit publique virtuelle. Notons, toutefois, que certains textes particuliers incorporent explicitement certains biens soit dans le domaine public soit dans le domaine priv.

1.2. La dfinition jurisprudentielle du domaine publicEn labsence de dfinition lgislative du domaine public, la jurisprudence a t amene tablir les critres de la domanialit publique. Ainsi, un immeuble fait partie du domaine public lorsque trois conditions sont runies simultanment : limmeuble est la proprit dune personne publique ; il est affect lusage direct du public ou un service public ; il est amnag ou quip spcialement cet effet. Cest sur lexistence ou non de ces lments que la juridiction administrative se fonde pour dclarer, au cas par cas, que tel bien relve du domaine public ou du domaine priv dune collectivit publique.

1.1. Lincorporation dans le domaine public par des textes lgislatifs et rglementairesCertaines catgories de biens font partie du domaine public en vertu dun texte. A titre dexemple, le code de la voirie routire (loi du 22 juin 1989) fait entrer dans le domaine public : les voies communales, les routes et les autoroutes nationales, les routes dpartementales. A linverse, certains textes ont exclu certains biens du domaine public. Ainsi, les chemins ruraux appartiennent au domaine priv de la commune.

> La proprit dune personne publiqueLe foncier Ses limites public-priv La proprit dune dpendance du domaine public ne peut tre dtenue que par une personne publique : tat, commune, dpartement, rgion, et aussi tablissement public tel que la SNCF, RATP Port , Autonome, universits, hpitaux, OPHLM, OPAC, etc.

> Laffectation lusage direct du public ou un service publicSeuls font partie du domaine public les biens : Affectation des sols affects directement lusage du public (ex : voies, jardins publics, plages, bois de Vincennes et Boulogne, les ports et leurs dpendances, les cimetires appartenant aux collectivits publiques, les lavoirs et fontaines publics, les espaces verts, de jeux, de stationnement) ;

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Les usages affects au service public (ex : domaine militaire, domaine ferroviaire, poste, htel de ville, universits, coles maternelles, hpitaux, aroports). Nous verrons que de cette distinction dcoulent les possibilits ou non pour la personne publique propritaire dintervenir (cf. paragraphe 2.2. Responsabilits de la collectivit et droits des administrs).

> Lamnagement spcialLe critre de lamnagement spcial a t institu afin que le rgime de la domanialit publique ne sapplique pas systmatiquement tous les biens affects lusage du public ou un service public considr, mais en fonction de limportance de ces biens pour lutilit publique. Cependant, force est de constater quaujourdhui au regard de la jurisprudence la notion damnagement spcial est trs largement comprise. Quelques exemples pour illustrer la notion damnagement spcial qui voque lide dune installation matrielle, artificiellement ralise par la main de lhomme : la plantation darbres, la cration de massifs de fleurs, linstallation de bancs pour une promenade publique, la transformation du sol en piste ou en terrain de comptition pour un stade municipal, ou la construction de tribunes ou de vestiaires pour les joueurs Pratiquement, on peut dire que tout ce qui est qualifiable de promenade ou jardin publics fait partie du domaine public (des communes en gnral) parce que lon y trouve invitablement tout ou partie de ces amnagements spciaux que sont les bancs, kiosques, installations de jeux ou, tout simplement

Plan de Montpazier en Dordogne. Plan au sol dune parcelle et structure urbaine type. (D. Dryjski). (M. H. n158). Les fondateurs de bastides, dans leur souci d'une quipartition du sol, ont rparti les fronts de parcelle selon une trame serre. Le couvert, tage complet situ au-dessus de la rue, est un enjambement du parcellaire priv sur la voie publique qui en a garanti la permanence et la souplesse : le temps a effac la fragmentation des actes constructifs et l'image de la bastide, avec son jeu d'arcades, s'est applique polir la vision du couvert qui est n des imprcisions de la loi.

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Passage Brady Paris, passerelle Biarritz et funiculaire St Jean Lyon. Les trois points-clef du domaine public sont : appartenir la collectivit et tre affect et amnag pour l'usage du public. Mais les espaces l'usage des citoyens se ramifient dans la ville et nuancent l'interface public-priv.

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alles pour pitons, pelouses et massifs de fleurs. Sur linterprtation large du juge de cette condition, on peut citer lexemple dune partie de plage affecte lusage du public qui a t dclare incluse dans le domaine public par le juge en raison du fait quelle est lobjet dun entretien dans des conditions telles quelle doit tre regarde comme bnficiant dun amnagement spcial. La doctrine sest dailleurs interroge sur le point de savoir si le critre de lamnagement spcial ntait pas purement et simplement abandonn au moins dans certaines hypothses. En revanche, aux termes de la jurisprudence, les forts domaniales restent dans le domaine priv, en dpit damnagements pour louverture au public. Cependant, compte tenu de leurs caractristiques, le Bois de Vincennes et le Bois de Boulogne appartiennent au domaine public.

louvrage pour les usagers. Il en est galement ainsi du rseau dassainissement et de ses infrastructures, de lclairage public, des feux de signalisation, etc.

> La domanialit publique globaleEn vertu de cette thorie, dans le cas o des services publics sont exercs sur une emprise foncire dtermine, la jurisprudence choisit de ranger sous un mme rgime de domanialit publique lensemble des biens inclus dans cette emprise foncire, y compris ceux qui ne sont pas ou pas encore affects au service public ou lusage du public. Il peut en tre ainsi des parcelles situes dans lenceinte dun aroport, dune gare, dun hpital ou dune universit

1.3. largissement du domaine public : la thorie de laccessoire, la thorie de la domanialit publique globale et de la domanialit publique virtuelle > La thorie dite de laccessoireEn vertu de cette thorie, lorsquun bien fait corps avec une dpendance du domaine public, il appartient lui-mme au domaine public. Cest ainsi quune partie dun immeuble non affect un service public appartient tout de mme au domaine public si cette partie est indissociable dune autre partie de cet immeuble qui appartient au domaine public. Par exemple, un mur de soutnement dune voirie publique est considr comme un accessoire indissociable en ce quil assure la stabilit et la scurit de

> Lapplication des principes de la domanialit publique en vertu de la thorie de la domanialit publique virtuelleAfin que les personnes publiques ne prennent pas de dcisions qui seraient en contradiction avec laffectation venir dun bien au service public ou lusage du public, la jurisprudence a admis, dans certaines circonstances, que le rgime de la domanialit publique et en particulier de linalinabilit lui soit appliqu de faon anticipe. La doctrine parle dans ce cas de domaine public virtuel . A titre dexemple, si une collectivit locale propritaire dun terrain affecte celui-ci un jardin par dlibration du conseil municipal, ds ce moment, bien avant que tout travail ait t ralis, alors mme que ce bien nest pas encore dans le domaine public, les principes de la domanialit publique sappliquent.

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2. Le rgime juridique du domaine public Les consquences pour la conception et lintervention sur lespace public2.1. Ltendue du domaine public > Lincorporation dans le domaine publicLincorporation est le fait pour un bien dentrer dans le domaine public dune collectivit publique. Le principe est que lincorporation ne se dcrte pas, elle se constate : lintervention dune dcision de classement dans le domaine public nest ni ncessaire ni suffisante. Il suffit de constater que le bien rpond aux critres du domaine public savoir : appartenir une collectivit publique ; tre affect directement lusage du public ou un service public ; Les limites public-priv tre amnag spcialement cet effet. Le foncier Ainsi ds quune collectivit publique amnage un espace lui appartenant pour louvrir au public, le bien entre dans le domaine public avec toutes les consquences qui sy attachent, en dehors de tout acte juridique.

trale traditionnelle permet de poser les limites du domaine en deux dimensions (public, priv), mais occulte le fait que le domaine public stend et se poursuit en trfonds et en sursol sans limite (sauf dclassement en volumes - cf. ci-aprs : la sortie du domaine public). En vertu de la thorie de laccessoire (cf. plus haut) le sous-sol et le sursol du domaine public appartiennent eux-mmes au domaine public. La dlimitation de la proprit du domaine public chappe aux rgles du droit commun priv. Il ny a pas de bornage amiable ou contradictoire. La dlimitation dune proprit riveraine du domaine public est opre par ladministration au moyen dun acte unilatral. Cette dlimitation est aussi un droit pour le riverain, qui peut lexiger de ladministration. Lamnagement urbain Leau La dlimitation du domaine routier bnficie dun rgime original : la procdure dalignement. Cette procdure peut porter non seulement sur lalignement, mais aussi sur le nivellement (cf. niveau fix pour la voie publique). tablie en 1607, la procdure dalignement, a t maintenue en raison des avantages quelle prsente pour la rectification et llargissement des voies publiques. Cest aujourdhui le code de la voirie routire (articles L.122-1 et R.112-1 et suivants) qui prcise les rgles applicables en la matire. Ce qui caractrise le rgime de lalignement est le fait quil permet lautorit administrative de fixer les limites quelle entend donner aux voies publiques, cest--dire quil lui permet de modifier dans une certaine mesure le trac des voies existantes et cela, notamment en empitant sur les proprits riveraines.

Voir en annexe fiche La procdure dalignement

> Le voisinage du domaine public La dlimitation du domaine public Les limites du domaine public : A linstar du domaine priv la proprit du sol emporte la proprit du dessus et du dessous (article 552 du code civil). La reprsentation cadas-

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Domaine public et rapports de voisinage Le domaine public chappe aux charges de voisinage de droit commun dtermines par le code civil (ex : servitude de passage). Ces charges de droit commun peuvent par contre grever les proprits prives au profit du domaine public (ex : cession de mitoyennet). Le domaine public peut, en revanche, tre grev de charges de voisinage spciales rgies par le droit public (aisances de voirie) ; de telles charges peuvent tre imposes aux proprits prives au profit du domaine public (servitudes administratives). Les charges de voisinage au profit du domaine public. Outre les charges de voisinage de droit commun, un grand nombre de charges spciales prvues par des textes divers, psent sur les proprits voisines du domaine public. On appelle couramment ces charges servitudes administratives . Ces servitudes administratives tendent essentiellement assurer que les dpendances du domaine public pourront toujours tre utilises au mieux et conformment aux exigences de leur affectation. Ces servitudes se rpartissent en trois catgories distingues selon la nature des obligations la charge des proprits voisines : les servitudes non faciendo qui sanalysent comme des obligations de ne pas faire (ex : servitude de halage, servitude de marchepied, obligations de ne pas procder des plantations darbres ou des fouilles une certaine distance de voies routires ou ferres, servitude non aedificandi autour des cimetires), les servitudes in patiendo qui sanalysent comme des obligations de supporter (ex : obligation de lais-

ser ladministration procder la rsection de talus dpendant de proprit riveraine dune route et dont lexistence gne la visibilit des usagers de la route art L. 114-3 du code de la voirie routire, obligation de recevoir le dpt des terres provenant du curage des fosss dune route, servitude de rejet des fosss, obligation de recevoir les eaux provenant de la voie publique, servitude dcoulement des eaux, servitude de passage du littoral), les servitudes in faciendo qui sanalysent comme des obligations de faire (ex : obligation pour les propritaires riverains des voies publiques de supprimer les murs de clture et plantations gnant la visibilit, notamment des croisements, ou, plus gnralement des points dangereux ou incommodes article L. 114-1 du code de la voirie routire -). La mconnaissance de ces servitudes constitue une contravention de grande voirie qui expose son auteur des condamnations (voir ci-aprs). Les charges de voisinage grevant le domaine public. Il ny a que les voies publiques qui soient greves de charges de voisinage au profit des immeubles riverains. Ces charges constituent ce que lon appelle les aisances de voirie , qui permettent aux riverains : laccs leur immeuble, pied ou avec un vhicule, mais sans droit stationnement ; le droit de vue ; le droit dversement des eaux de pluie et rejet deaux mnagres, sous rserve dune autorisation officielle tant entendu que dans la plupart des agglomrations ces eaux sont diriges par canalisations vers les gouts destins les vacuer. Ces aisances de voirie sont protges et doivent tre respectes tant par ladministration que par les

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tiers. Ainsi, lautorit de police doit tenir compte du droit daccs et du droit darrt li au droit daccs quand elle rglemente la circulation et le stationnement des vhicules.

> La sortie du domaine publicAux termes dune jurisprudence constante, la sortie dun bien du domaine public implique une mesure de dclassement (acte juridique : dlibration du conseil municipal par exemple) qui, elle-mme, ne peut intervenir quaprs une mesure de dsaffectation (acte matriel), cest--dire quaprs que ces immeubles auront cess dtre affects au service public ou lusage du public.

peut citer lurbanisme de dalles, les passages de tunnel SNCF, les constructions de rame de mtro, ou plus gnralement les passages couverts des centres commerciaux passant au-dessus des voies. Ainsi, galement, une voie publique passant sous un porche dimmeuble peut constituer un volume public traversant une proprit prive

2.2. Responsabilits de la collectivit et droits des administrsLaffectation dcide par la collectivit publique commande le rgime des utilisations du domaine public, et par consquent les pouvoirs de la collectivit (pour protger le domaine public), et les droits des usagers (lutilisation du domaine public).

En effet, si le dclassement intervient sans que le bien ait t dsaffect au pralable, le bien retombe immdiatement dans le domaine public puisque les conditions de la domanialit publique exposes ci-dessus sont ncessairement remplies. Ainsi, en cas de remembrement foncier, il est important de bien respecter ces tapes pour viter toute remise en cause ultrieure. Le dclassement de la voirie nationale, dpartementale ou communale, est rgi par les procdures prvues au code de la voirie routire. Pour les voiries dpartementales et communales, une enqute publique pralable est ncessaire. En rgle gnrale, il est considr que le domaine public stend et se poursuit en trfonds et en sursol sans limite. Une solution pour limiter ce principe a t invente par la pratique : le dclassement en volume qui permet de sortir du domaine public des volumes situs en trfonds ou en sursol de terrains affects au domaine public. A titre dexemple, on

> La protection du domaine public Lobligation dentretien Ladministration est oblige dentretenir le domaine public en tat de satisfaire son affectation. Cette obligation protge le domaine public contre ladministration elle-mme et ses ngligences. Elle incombe la collectivit publique propritaire ou affectataire du domaine (les biens du domaine public ferroviaire appartiennent ltat et sont remis en gestion la SNCF). Le dfaut dentretien est de nature engager la responsabilit de ladministration. Linalinabilit du domaine public La protection du domaine public contre toute atteinte ou dgradation qui pourrait compromettre son affectation constitue la pierre angulaire de son rgime juridique, elle-mme organise principalement autour du principe dinalinabilit. Linalinabilit est limite la priode pendant

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laquelle un bien fait partie du domaine public cest-dire la dure de son affectation. Cest ldit de Moulins en 1566 qui a rig ce principe dinalinabilit du domaine en loi fondamentale du Royaume, une poque o la distinction entre le domaine public et le domaine priv nexistait pas. Le principe dinalinabilit est aujourdhui proclam larticle L.52 du code du domaine de ltat pour les biens appartenant ltat et larticle L.1311-1 du code gnral des collectivits territoriales pour les biens appartenant aux collectivits locales et leurs tablissements publics. Le principe dinalinabilit emporte plusieurs consquences fondamentales : Leffet direct du principe : linalinabilit interdit toute forme dalination des dpendances du domaine public. De telles alinations sont nulles. Les effets indirects : Limprescriptibilit du domaine public. La signification du principe est limpossibilit pour les tiers dacqurir un droit sur ces biens par voie de prescription, cest-dire par une possession prolonge. Limpossibilit dexproprier le domaine public. Linterdiction de constituer des droits rels sur le domaine public : bail emphytotique, bail construction, hypothques, usufruit et servitudes relles. Par exception, le lgislateur, en vertu de larticle 13 de la loi du 5 janvier 1988 (codifi larticle L.1311-1 du code gnral des collectivits territoriales) pour le domaine des collectivits locales et de la loi du 25 juillet 1994 pour le domaine de ltat a permis sous certaines conditions la constitution de droits rels sur le domaine public.

Le seul moyen dchapper ces interdictions est de sortir le bien du domaine public conformment aux principes exposs ci-avant (cf. sortie du domaine public). La protection pnale du domaine public : la police de la conservation du domaine public La police de la conservation est constitue par les dispositions lgislatives et rglementaires ayant pour objet dassurer tant la protection de lintgrit matrielle des dpendances du domaine public que le respect de leur affectation. Elle se distingue de la police de lordre public, dont la mise en uvre se traduit par ldiction de mesures tendant au maintien de la scurit, de la tranquillit et de la salubrit publiques. Ces deux polices se distinguent par leurs objectifs et par le rgime applicable en cas de mconnaissance des rglementations dictes. Cette mconnaissance est constitutive dune contravention de voirie ou dune contravention de police selon que la rglementation inobserve relve de la police de la conservation du domaine public ou de la police de lordre public. Un mme fait peut dailleurs tre la fois une contravention de voirie et une contravention de police. Les contraventions relatives la police de la conservation du domaine public se distinguent en deux catgories : Les contraventions de petite voirie qui concernent les atteintes portes la voirie routire et ses dpendances, ainsi que les entraves de toute nature apportes lusage auquel elles sont destines. Leur rgime est codifi au code de la voirie

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routire. On peut citer comme exemple de contraventions : dgradation de la chausse dune route, occupation non autorise, excution de travaux sur la chausse non autoriss Les infractions peuvent tre constates par procsverbal des agents ou officiers de police judiciaire, par les gardes champtres et les fonctionnaires des Ponts-et-Chausses. Le jugement des infractions est de la comptence des tribunaux judiciaires. Les contraventions de grande voirie qui concernent les infractions aux textes tendant assurer la conservation des dpendances du domaine autres que la voirie routire. Le jugement de ces infractions relve des tribunaux administratifs. Les contraventions de grande voirie ne sont constitues que si les faits reprochs sont contraires une disposition textuelle. Ainsi, faute de textes, les atteintes portes lintgrit ou laffectation de certains biens du domaine public (cimetire, btiments administratifs) ne sont pas susceptibles de poursuites pour contravention de grande voirie. Les textes servant de fondement aux poursuites pour contravention de grande voirie sont nombreux et pars (ex : le dversement deaux uses ou de dtritus sur lemprise dune ligne de chemin de fer, la circulation en voiture sur un chemin de halage, la dgradation dune piste darodrome). Les contraventions sont constates par procs-verbal tabli par les agents ou officiers de police judiciaire ou galement par divers agents habilits (fonctionnaires des Ponts-et-Chausses, agents de la SNCF, officiers des ports). En cas dinfraction, ladministration est oblige de poursuivre.

Les biens du domaine public autres que la voirie publique et dont aucun texte ne prvoit un rgime de poursuite de contravention de grande voirie (ex : btiment administratif, universit) sont rgis par le droit commun de la protection pnale du droit de proprit.

> Les utilisations du domaine publicLes modes dutilisation du domaine public varient en fonction du caractre des dpendances concernes. Par dfinition, les dpendances affectes au service public (SNCF, hpitaux, universits, muses) ne peuvent pas tre utilises par le public, si ce nest par lintermdiaire du service public. Elles font lobjet dune utilisation exclusive par le service affectataire. Dans cette hypothse, le public, usager indirect du domaine public sera considr avant tout comme lusager direct dun service public, au rgime duquel il sera soumis. En revanche, lorsque le bien est affect lusage du public ce qui est le cas des espaces publics de la ville , les usagers ont un titre direct son utilisation, dautant mieux protge quil sagit souvent dune libert publique. Il convient de distinguer deux types dutilisation : les utilisations collectives ; les utilisations privatives. Quel que soit le type dutilisation, deux principes rgissent lutilisation du domaine public : dune part, les utilisations doivent tre conformes ou au moins compatibles avec laffectation du domaine. Elles ne doivent pas compromettre sa conservation. dautre part, ladministration dispose toujours de la facult de modifier laffectation du domaine.

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Fte de la musique Paris. Procession religieuse. Lespace public est pour chaque individu un lieu partager et o sexprimer. Cest une scne pour agir ou simplement consommer Mais l'ide de fte repose sur un rel savoir-faire dans lamnagement.

Concession prive sur lespace public. Le kiosque capte les regards des passants sans conflit avec le reste du mobilier urbain. Sa mise en scne s'intgre dans le traitement des abords.

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Les utilisations collectives Il sagit de lutilisation du bien par le public en gnral ou par une catgorie de personnes objectivement dtermines. Lexemple-type est lutilisation des voies publiques par les pitons et les automobilistes. Trois principes rgissent lutilisation collective : libert, galit, gratuit. La libert dutilisation Ce principe signifie que ladministration ne peut imposer lutilisation collective du domaine que des limitations de police qui ne doivent pas dpasser ce qui est strictement ncessaire pour assurer une utilisation du domaine conforme son affectation. La jurisprudence a toutefois reconnu aux collectivits publiques la possibilit de rglementer lutilisation collective non seulement dans le but de prserver lordre public mais plus gnralement en vue dassurer la meilleure utilisation du domaine. La libert de circulation donne une illustration marquante : la libert daller-et-venir peut tre ou non rglemente pour les pitons, les vhicules, etc. Elle doit saccommoder du droit au stationnement. La ncessit de circulation gnrale doit tre maintenue. La voie publique ne peut tre considre comme le lieu normal de manifestations ou de cortges : il peut donc y avoir interdiction temporaire pour prserver le principe gnral. Laffectation la circulation de tous, exclut la libert de certains. Lgalit de lutilisation Ce principe signifie que toutes les personnes se trouvant dans une situation identique au regard du domaine public doivent tre traites de manire identique. Toutefois, ce principe souffre de nombreuses excep-

tions, tels que linstitution de couloirs de circulation ou de stationnements rservs sur le fondement dune diffrence entre les usagers du domaine public. La gratuit La gratuit du domaine public nexiste que relie la loi (exemple : utilisation ddifices culturels ou cultuels), ou comme indispensable lexercice dune libert publique. Dans les autres cas, la collectivit apprcie sil est prfrable ou non de faire payer le cot du service lusager, ou de le financer par limpt. Ainsi, le stationnement payant qui nentrave pas la libert de circulation, ou de commerce, ou daccs aux immeubles riverains. Les utilisations privatives Il sagit de lutilisation faite par des personnes titre individuel sur la base dun titre leur donnant le droit doccuper dune manire privative une portion dtermine du domaine public. On peut citer lexemple de linstallation de terrasses de cafs, des kiosques journaux sur la voie publique. Il faut souligner l encore lvolution du droit qui admet dsormais le droit dune meilleure utilisation du domaine public considr comme une richesse collective et objet dexploitation. Ainsi, il a facilit laccueil dutilisations privatives et par l mme dinvestissements privs pour la mise en valeur des dpendances. Toutes les utilisations privatives sont soumises autorisation pralable et doivent tre conformes ou compatibles avec laffectation du domaine. Elles permettent de satisfaire aux proccupations de mise en valeur du patrimoine commun et sont donc l facteurs de ressources pour la collectivit par le biais des redevances lies ces autorisations doccupation qui doivent tre conclues aux conditions du march.

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Si loccupant privatif du domaine public bnficie dune certaine protection, il nen demeure pas moins que sa situation demeure dsquilibre au regard des pouvoirs importants reconnus au profit de ladministration en matire doctroi et de retrait de lautorisation. Le principe est que lautorisation est dlivre titre prcaire et rvocable. Une des consquences importantes de ce principe est que les baux commerciaux sont interdits sur le domaine public. Il permet aussi de rglementer sans texte loccupation. Ainsi, une commune en qualit de propritaire du domaine public peut imposer son cahier des charges lors de limplantation de ses rseaux un concessionnaire de V.R.D. ou de mobilier urbain qui sera titulaire dune occupation du domaine public. Aujourdhui, plus quun pouvoir de police dordre public, il est reconnu la collectivit un pouvoir de gestion domaniale qui permet de refuser, de ne pas renouveler ou de rvoquer des titres occuper le domaine public pour un motif dintrt gnral. Toutefois, ce rgime doccupation privative drogatoire au droit commun a pou