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1 Le CESER mène depuis 2001 un travail significatif sur la situation des femmes en région Centre. Le regard qu’a voulu porter la section « Egalité, mixité et lutte contre les discrimina- tions » sur les familles monoparentales en région Centre s’inscrit dans la continuité de ces travaux. CONSEIL ECONOMIQUE SOCIAL ENVIRONNEMENTAL CONSEIL ECONOMIQUE SOCIAL ENVIRONNEMENTAL CONSEIL ECONOMIQUE SOCIAL ENVIRONNEMENTAL LES FAMILLES MONOPARENTALES à l’épreuve des transformaons sociales CR Un peu d’histoire… Depuis les années 60, la famille a connu de nombreuses mutaons qui ont profondément changé la nature des liens qui unit ses membres. L’émancipaon des femmes par la maîtrise de la procréaon et par leur accession au travail salarié et l’effondrement du patriarcat ont boule- versé le lien conjugal et fragilisé la place du père. Même si la famille nucléaire tradionnelle reste encore le type de famille le plus fréquent, on assiste à une diversifica- on des configuraons familiales. Le terme « familles monoparentales », inventé dans les années 60 par les anglo-saxons, est relayé en France dans les années 70 en tant qu'objet de recherche dans les domaines de la psychologie et de la sociologie. Dans les années 80, suite à un accroissement de ce nou- veau modèle familial, l’expression « familles monopa- rentales » est adoptée en France pour désigner une nouvelle catégorie de familles englobant une diversité de situaons (mères célibataires, veufs (ves), divorcés, séparés avec enfants). Cee diversité marque la difficulté de la construcon d’une définion unifiée. Néanmoins, on peut retenir que le terme de monoparentalité désigne un parent (père ou mère) qui élève seul son (ses) enfants. La monoparentalité en Europe et en France En 2008, d’après la base de données « famille » de l’OCDE, les familles monoparentales représentent en moyenne 18,7 % des familles avec enfants, avec de fortes différences d’un pays à l’autre : 16 % en Belgique, 18 % au Danemark et en Allemagne mais 26,4 % au Royaume-Uni et 40 % en Leonie. La monoparentalité est très majoritairement féminine. La France se situe dans la moyenne. L’INSEE esme à plus de 2 millions le nombre de familles monoparen- tales. Elles représentent 21 à 23 % des familles avec en- fants (tout dépend si l’on ent compte uniquement des enfants à charge ou sans limite d’âge). En France comme en Europe, les familles monoparen- tales constuent une populaon en forte augmenta- on. Leur nombre a presque doublé en quarante ans. La monoparentalité concerne tous les milieux sociaux et tous les territoires même si le nombre de familles monoparentales est plus élevé dans les zones urbaines que dans les zones rurales. Elle varie selon les régions. Elle est plus élevée dans les régions du sud (Aquitaine, PACA) ; elle est moins importante dans l’ouest. Les raisons qui conduisent à l’entrée dans la monopa- rentalité ont évolué. Dans les années 60, 55 % des fa- milles monoparentales se constuaient suite à un veu- vage et 15 % suite à un divorce. De nos jours, les rup- tures conjugales (divorces ou séparaons) sont la raison principale de l’entrée dans la monoparentalité. En France comme en Europe, la précarité touche par- culièrement ces familles.

LES FAMILLES MONOPARENTALES - … · parents sont variables d’un foyer monoparental à un autre. La monoparentalité est dans certains cas une étape provisoire, une séquence de

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Le CESER mène depuis 2001 un travail significatif sur la situation des femmes en région

Centre. Le regard qu’a voulu porter la section « Egalité, mixité et lutte contre les discrimina-

tions » sur les familles monoparentales en région Centre s’inscrit dans la continuité de ces

travaux.

CONSEIL ECONOMIQUE SOCIAL ENVIRONNEMENTALCONSEIL ECONOMIQUE SOCIAL ENVIRONNEMENTALCONSEIL ECONOMIQUE SOCIAL ENVIRONNEMENTAL

LES FAMILLES MONOPARENTALES à l’épreuve des transforma�ons sociales

CR

Un peu d’histoire…

Depuis les années 60, la famille a connu de nombreuses muta$ons qui ont profondément changé la nature des liens qui unit ses membres. L’émancipa$on des femmes par la maîtrise de la procréa$on et par leur accession au travail salarié et l’effondrement du patriarcat ont boule-versé le lien conjugal et fragilisé la place du père. Même si la famille nucléaire tradi$onnelle reste encore le type de famille le plus fréquent, on assiste à une diversifica-$on des configura$ons familiales. Le terme « familles monoparentales », inventé dans les années 60 par les anglo-saxons, est relayé en France dans les années 70 en tant qu'objet de recherche dans les domaines de la psychologie et de la sociologie. Dans les années 80, suite à un accroissement de ce nou-veau modèle familial, l’expression « familles monopa-rentales » est adoptée en France pour désigner une nouvelle catégorie de familles englobant une diversité de situa$ons (mères célibataires, veufs (ves), divorcés, séparés avec enfants). Ce=e diversité marque la difficulté de la construc$on d’une défini$on unifiée. Néanmoins, on peut retenir que le terme de monoparentalité désigne un parent (père ou mère) qui élève seul son (ses) enfants. La monoparentalité en Europe et en France En 2008, d’après la base de données « famille » de l’OCDE, les familles monoparentales représentent en moyenne 18,7 % des familles avec enfants, avec de fortes différences d’un pays à l’autre : 16 % en Belgique, 18 % au Danemark et en Allemagne mais 26,4 % au Royaume-Uni et 40 % en Le=onie. La monoparentalité est très majoritairement féminine. La France se situe dans la moyenne. L’INSEE es$me à plus de 2 millions le nombre de familles monoparen-tales. Elles représentent 21 à 23 % des familles avec en-fants (tout dépend si l’on $ent compte uniquement des enfants à charge ou sans limite d’âge).

En France comme en Europe, les familles monoparen-tales cons$tuent une popula$on en forte augmenta-$on. Leur nombre a presque doublé en quarante ans.

La monoparentalité concerne tous les milieux sociaux et tous les territoires même si le nombre de familles monoparentales est plus élevé dans les zones urbaines que dans les zones rurales. Elle varie selon les régions. Elle est plus élevée dans les régions du sud (Aquitaine, PACA) ; elle est moins importante dans l’ouest. Les raisons qui conduisent à l’entrée dans la monopa-rentalité ont évolué. Dans les années 60, 55 % des fa-milles monoparentales se cons$tuaient suite à un veu-vage et 15 % suite à un divorce. De nos jours, les rup-tures conjugales (divorces ou sépara$ons) sont la raison principale de l’entrée dans la monoparentalité. En France comme en Europe, la précarité touche par$-culièrement ces familles.

Les familles monoparentales en région Centre

81 305 : c’est le nombre de familles monoparentales (parent vivant seul avec ses enfants, dans un même loge-ment, sans limite d’âge) recensé par l’INSEE en 2008 en région Centre. Elles représentent près d’une famille sur cinq. L’augmenta$on en région Centre est iden$que à celle observée au niveau na$onal. En 10 ans, leur nombre a augmenté de 26 %. La part des pères monoparents a fortement augmenté (+ 36,6 % en 9 ans), même si 82,2 % des

chefs de famille monoparentales sont des femmes.

Caractéris�ques des monoparents allocataires

En 2010, la région Centre compte 60 455 familles mo-

noparentales allocataires des CAF (parent seul avec

enfants à charge).

Le Loiret et l’Indre-et-Loire, qui comptent le plus d’al-

locataires, concentrent la moi$é des familles monopa-

rentales. A l’inverse, 8,6 % des familles vivent dans

l’Indre. Dans les trois autres départements, les pour-

centages varient entre 11,8 % et 16,4 %.

90 % des chefs de familles monoparentales allocataires

des CAF sont des femmes. Les 3/4 des monoparents

ont entre 30 et 50 ans. La moi$é d’entre eux ont un

seul enfant. 15,10 % ont trois enfants ou plus.

107 730 enfants de la région Centre relevant des CAF

vivent au sein de familles monoparentales, soit 16 %

du total.

Les foyers monoparentaux sont plus nombreux dans

les zones les plus urbanisées qui offrent plus de ser-

vices.

Près de 90 % d’entre eux sont locataires de leur loge-

ment , majoritairement dans le parc public

(57 %). Bien que 63 % d’entre eux aient un emploi,

plus de 40 % vivent en-dessous du seuil des bas reve-

nus. La situa$on de précarité est plus marquée dans le

Cher, l’Eure-et-Loir et l’Indre où les taux de chômage

et/ou d’inac$vité sont les plus élevés.

La diversité des situa�ons : les témoignages

Si les familles monoparentales sont de plus en plus nombreuses, elles n’en cons$tuent pas pour autant un groupe homogène. Les audi$ons et les témoignages ont confirmé la disparité des situa$ons de ces familles en termes de caractéris$ques mais aussi d’ancienneté dans la monoparentalité, de niveaux de ressources, de

trajectoires professionnelles, de parcours antérieurs et de difficultés engendrées par la sépara$on. La place, le rôle et le sou$en de l’autre parent, voire des grands-parents sont variables d’un foyer monoparental à un autre. La monoparentalité est dans certains cas une étape provisoire, une séquence de vie. Ces différences jouent un rôle important dans la manière dont se construit la vulnérabilité des foyers monoparentaux.

Zoom sur les familles monoparentales allocataires d es CAF en région Centre

(Source : données 2010 des CAF de la région Centre )

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Une coparentalité peu partagée

Etre parent ne va pas de soi. Les exigences d’écoute, de disponibilité, d’autorité sont plus difficiles à tenir pour une personne qui élève seule ses enfants.

Face à la fragilisa$on du lien conjugal et suite aux sépara-$ons plus nombreuses, l’Etat a cherché à renforcer le lien parental avec l’affirma$on d’un nouveau principe : la co-parentalité qui s’appuie sur la con$nuité du lien de l’en-fant avec ses deux parents y compris après la sépara$on. La loi du 4/03/2002 marque un tournant en donnant une nouvelle défini$on de l’autorité parentale conjointe et en prônant notamment la résidence alternée.

Les audi$ons et les témoignages ont révélé cependant que le poids d’une parentalité peu partagée pèse bien souvent sur les chefs de foyers monoparentaux. Le regard encore stéréotypé de l’entourage assigne bien souvent encore la charge des enfants à la mère ; le lieu de rési-dence de l’enfant est souvent considéré comme le lieu de l’autorité parentale ; les obliga$ons de la coparentalité sont insuffisamment connues.

Même si un nombre plus important de pères revendique leurs droits, la résidence alternée se développe mais très lentement, les condi$ons n’étant pas toujours faciles à réunir. Dix ans après la loi, seuls 15 à 20 % des enfants de couples séparés vivent chez leurs deux parents.

Face à la complexifica$on de la fonc$on éduca$ve, le sou-$en à la parentalité est devenu un des piliers de la poli-$que familiale. Il se caractérise par une grande diversité de disposi$fs visant à informer, rétablir le lien, accompa-gner...Ces disposi$fs ont fait l’objet de plusieurs cri$ques de la part de la Cour des Comptes : « un empilement des disposi$fs géographiques et sans ar$cula$on entre eux... ».

La monoparentalité : plus de contraintes, une pau-

vreté accrue et un risque de marginalisa�on

Malgré les presta$ons sociales des CAF et les aides des Conseils généraux, des CCAS et des organisa$ons carita-$ves, la monoparentalité s’accompagne bien souvent de précarité, voire de pauvreté.

Selon l’INSEE, en 2009, 30 % des familles monoparentales de la région Centre (contre 20 % en 2004) sont pauvres. Même si ce=e propor$on reste plus faible qu’au niveau na$onal (33 %), la tendance est à la hausse. Plus de 30 % des allocataires du RSA sont des foyers monoparentaux.

Aux difficultés financières liées à la baisse des revenus après une sépara$on s’ajoutent des contraintes et des con-di$ons de vie pénibles.

Les audi$ons de terrain ont montré les difficultés majeures que ces familles rencontrent : emploi à temps par$el ou absence d’emploi, des logements précaires ou non adap-tés, des problèmes de garde d’enfants (peu ou pas de place d’urgence), de mobilité notamment pour celles qui habi-tent en milieu rural et un grand isolement social.

Certains monoparents renoncent à une ac$vité profession-nelle ou préfèrent travailler à temps par$el parce que la monoparentalité accroît les difficultés de concilia$on entre la vie professionnelle et la vie familiale surtout si les res-ponsabilités vis-à-vis des enfants ne sont pas partagées avec l’ex conjoint. A cela s’ajoute le problème de garde d’enfants (peu ou pas de places d’accueil d’urgence, peu de structures aux horaires atypiques).

Les foyers monoparentaux courent un risque plus grand de précarité parce que le risque de cumuler plusieurs facteurs de vulnérabilité est plus grand dans un contexte de mono-parentalité.

Un des enseignements de ce=e étude est l’aggrava$on de la précarité : les de=es sont liées principalement à l’éner-gie dont le coût ne cesse d’augmenter. Les CCAS et les or-ganisa$ons carita$ves sont confrontés à une augmenta$on du nombre de demandes d’aides de la part des familles monoparentales.

Les inégalités de genre croisent les inégalités sociales : les monoparents femmes sont plus « exposés » à la précarité que les hommes comme le montre leur sur-représenta$on parmi les allocataires des CAF et du RSA majoré.

4

Des axes de progrès pour améliorer l’inser�on et les condi�ons de vie des familles

monoparentales et pour les soutenir dans leur fonc�on parentale

De nombreux disposi�fs mais qui sont mal

adaptés

La plupart des disposi$fs d’aides et des services s’adres-

sent à l’ensemble des familles même si la par$cularité

des parents qui élèvent seuls leurs enfants est en par$e

prise en compte (plafond de ressources ou majora$ons

d’alloca$ons par exemple).

Plus récemment, les Conseils généraux ont dû élaborer

des Pactes Territoriaux d’Inser$on (PTI) dans le cadre de

la mise en œuvre du RSA. Ils comportent des ac$ons

visant à lever les freins à l’emploi, la garde d’enfants, la

mobilité…des allocataires.

Néanmoins, ces disposi$fs présentent des limites ou ne

sont pas encore opéra$onnels.

Des axes de progrès qui visent trois champs :

Inser�on économique : faciliter l’accès à la forma�on

et à l’emploi

L’inser$on dans l’emploi est déterminante pour contre-

carrer les risques de précarisa$on. Il faut améliorer l’ac-

compagnement de manière à ce qu’il s’inscrive dans

une démarche mixte, sociale et professionnelle. Cela

implique une meilleure coordina$on des partenaires

(Conseils généraux, Pôle Emploi, CAF, CCAS, Région,

associa$ons d’inser$on, entreprises…) qui semble être

actée dans les PTI.

Il faut maintenant faire vivre ces PTI de manière à orien-

ter les foyers monoparentaux en difficulté vers le par-

cours le plus adéquat.

Condi�ons de vie et inser�on sociale : refuser la vulné-

rabilité et faciliter le quo�dien

Il paraît indispensable de lever les freins :

• en facilitant l’accès des familles monoparentales

aux structures de garde d’enfants en par$culier

(me=re en place un réseau d’assistantes mater-

nelles mobilisables pour l’accueil d’urgence ; dé-

velopper les horaires atypiques par exemple) ;

• En favorisant leur mobilité, en par$culier pour

celles qui habitent en milieu rural (développer les

aides individuelles)

• En aidant les familles à mieux lu=er contre la pré-

carité énergé$que.

Parentalité : accompagner et soutenir les parents dans

leurs fonc�ons parentales

Il est essen$el de mieux informer les parents sur la mé-

dia$on et sur la coparentalité en diffusant largement le

livret parental.

Il paraît souhaitable également d’évaluer les disposi$fs

de sou$en à la parentalité et de leur donner davantage

de cohérence et de visibilité afin qu’ils aident les pa-

rents de manière efficace dans leur fonc$on sans les

s$gma$ser. Les comités départementaux de sou$en à la

parentalité qui doivent être mise en place ont un rôle à

jouer dans ce domaine.

Conclusion :

La famille contemporaine est devenue mul$ple : monoparentale, recomposée, homoparentale. Ces

transforma$ons sociétales majeures interrogent notre vision de l’ins$tu$on familiale et nous poussent

à avoir de nouveaux regards, de nouvelles défini$ons et de nouvelles prises en compte de la parentali-

té.

Conseil Économique, Social et Environnemental du Centre

9, rue Saint Pierre Len$n - CS 94117 45041 Orléans Cedex 1

Contact communica$on : Cécilia Roncucci - tél : 02 38 70 31 71 - [email protected]

Le rapport est disponible sur le site : www.regioncentre.fr