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Les femmes dans les fciences de l' homme || Au hit-parade du changement: les études et recherches féministes

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Au hit-parade du changement: les études et recherches féministesAuthor(s): Michèle KailSource: Nouvelles Questions Féministes, No. 3, Les femmes dans les fciences de l' homme(AVRIL 1982), pp. 78-98Published by: Nouvelles Questions Féministes & Questions Feministes and Editions AntipodesStable URL: http://www.jstor.org/stable/40619230 .

Accessed: 15/06/2014 13:47

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Michèle Kail

Au hit-parade du changement: les études et recherches féministes

ail * S3Í1ÒIDO 1 OIDOS S3HDS3HD3H 3d 3dH<

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MAISONS ALFCRT PP£M3- 2-82

DANS LA RECHERCHE COMME AUX PTT... QUE D'HOMMES, QUE D'HOMMES

Sciences de l'Homme ; Sciences de l'homme et de la société ; Hom- mes et structures ; Les hommes : formation et emploi... Au hasard des titres choisis pour les Commissions de travail du Colloque national sur la Recherche et la Technologie (Paris, Janvier 1982) s'étale le sexisme ordi- naire de l'Académie. Il ne faut voir là, dira-t-on, que les résidus des fâcheuses habitudes linguistiques d'un temps où, en toute innocence, on ne faisait pas les distinguo subtils que des féministes pointilleuses et tatil- lonnes veulent imposer. Nous disons « sciences humaines et sociales ». « Nous n'y voyons pas d'objection », rétorquent le Président de séance et d'autres participants lors d'une Commission du Colloque. « D'ailleurs c'est la même chose », s'empressent-ils d'ajouter. L'un d'entre eux s'est autorisé un petit couplet bien patriarcal comme garantie de sa compré- hension : « Je vous comprends car j'ai moi-même une femme et une fille féministes... »

Enfin, parmi les grandioses et nobles projets élaborés par les plus démocrates de nos collègues, soucieux de la responsabilité sociale des scientifiques, s'inscrit celui d'un « Institut des Droits de l'Homme » (cf. Rapport p. 89).

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Plus çà change..., plus c'est pareil ! Les propos tenus dans les instan- ces officielles du Colloque suffisent pour indiquer le climat dans lequel les femmes, enseignantes et* chercheuses ont dû intervenir. Lors de l'ou- verture des Assises Régionales Rhône-Alpes, l'une d'entre nous rapporte ces propos du Ministre de la Recherche et de la Technologie, J. P. Chevè- nement : « La recherche est comme une belle femme pour laquelle il faut savoir faire des sacrifices. » ! Lors de la séance plénière (15 janvier) du Colloque National, le rapporteur de la Commission Apport culturel de la recherche : « II a fallu attendre la fin du 19ème siècle pour que le qualifi- catif « savant » soit accordé à une personne du sexe. » Après avoir évo- qué certains thèmes prioritaires, le rapporteur de la Commission 1 Β (Sciences Humaines), ajoute : « // nous est demandé* de mettre en avant la nécessité de recherches et d'études féministes. »

Oui, il faut l'avouer... nous avons même dû vraiment insister. Enfin, et pour finir sur une note très gaie, parce qu'on se lasse de tout noter : lors de l'ouverture des travaux de cette commission, l'un des rapporteurs introduit ainsi son rapport matinal (14 janvier) : « Comme vous l'avez entendu ce matin en vous rasant, l'écho du Colloque National dans les médias est... ». Loin de nous l'idée de penser que cet homme subtil venait de découvrir qu'en réalité, comme 40 % de la population (excluant les vraies femmes, les barbus de tout poil, les imberbes), ses collègues viriloïdes se livrent à cette pratique quotidienne et clandestine et qu'il entendait ainsi le révéler...

Quant aux médias... voici un extrait du Monde consacré aux Scien- ces et Techniques (20 janvier 1982), qui constitue un véritable chef d 'œuvre du genre.

EVE ET L'ARBRE DE LA

CONNAISSANCE Dans la troisième partie de de la société, la place dont

son rapport, M. Philippe Lazar l'histoire les a progressivement fait référence « aux mythes fon- frustrées ». dateurs de l'aventure humaine : C'est aussi l'occasion de prè- le mouvement de la main vers ciser que si les femmes n'étaient l'Arbre de la connaissance - qu'une petite minorité parmi les bravant les interdits et l'ordre participants des Journées natio- établi du monde ». Il indique nales, ce sont en grande majo- alors que « c'est la femme qui, rite des femmes qui, sous la la première, fit ce geste » et sou- houlette de la secrétaire exécn- ligne à cette occasion « l'impé- tive, Mme Marie-Simone Detœuf, rieuse nécessité de rendre aux ont assuré l'organisation maté- femmes dans la recherche et la rielle du colloque, technologie, comme dans le reste

... Moins par les propos dont cet encadré se fait l'écho que par l'ab- sence totale de commentaire à l'égard d'une situation caricaturale (et néanmoins prototypique) de division sexuelle du travail scientifique.

1. Souligné par nous

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VOUS DITES... LES ETUDES ET RECHERCHES FEMINISTES ?*

Pendant quatre jours - 13-16 janvier - s'est tenu à Paris le Colloque National sur la Recherche et la Technologie. Point final d'une vaste cam- pagne mise en route, il y a trois mois, par J. P. Chevènement, Ministre de la Recherche et de la Technologie et marquée par la tenue préalable d'Assises Régionales, le Colloque National a donné lieu à une véritable inflation de contributions : « Plusieurs centaines de kilos de documents, d'innombrables palabres et dix millions de francs lourds auront été en- gloutis dans cette grande kermesse destinée à célébrer les noces de la recherche et de l'industrie. » {Libération, 31 janvier 1982).

Ce colloque devait être grandiose ou n'être pas. Les 31 Assises Ré- gionales (Métropole et Outre-Mer) ont vu la participation de 22 000 personnes, parmi lesquelles 10 000 chercheurs environ, des syndicalistes, des industriels, des élus locaux. Bref, la plus large consultation de scienti- fiques jamais réalisée. Si ce colloque a souvent pris des allures de messe (voire de grand'messe lors de l'inauguration par Mitterrand), il faut pour- tant dire qu'aucune conception véritablement nouvelle de la recherche n'y a été présentée et que l'idée directrice, « Définir une nouvelle politi- que scientifique et technologique pour sortir de la crise » est plutôt ap- parue comme une solution miracle voire comme un slogan que comme une problématique capable de susciter et d'articuler des propositions concrètes.

Par ailleurs, ce n'est un secret pour personne : le projet de loi-pro- gramme sur la recherche et la technologie, véritable plan pour les années à venir était d'ores et déjà très largement élaboré, même s'il n'est pas « rédigé » comme Chevènement a tenu à le préciser. De sorte que les amendements et les propositions issus du Colloque ne pourront que très faiblement modifier les orientations du projet présenté au Parlement au printemps 82. Toutefois une certaine réalité de la volonté de changement se concrétise dans des mesures nouvelles d'augmentation du finance- ment : le budget 1982 prévoit pour les organismes de recherche fonda- mentale (C.N.R.S., INSERM, INRA3...) une augmentation de 30 à 35 % en autorisation de programmes par rapport à 1981. Ce dont les cher- cheurs ne peuvent que se réjouir. Mais conservons quand même à l'es- prit que ces augmentations touchent des programmes importants, enga- ges pour plusieurs années et peuvent ne retentir que faiblement au niveau des crédits annuels disponibles. A notre connaissance (dans l'état actuel de l'information) elles ne concernent pas les recherches en Sciences Humaines et Sociales gérées par le C.N.R.S.

2% Pour l'essentiel ce compte-rendu fait référence à une expérience parisienne. 3. C.N.R.S. : Centre National de la Recherche Scientifique,

INSERM : Institut National de la Santé et de la Recherche Médicale, INRA : Institut National de la Recherche Agronomique.

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Quels que soient les jugements que l'on puisse porter sur le Colloque, sa préparation, ses enjeux et les suites qui en seront données, deux cons- tatations s'imposent : - ce Colloque a suscité dans les divers milieux de recher- che des discussions, l'élaboration de multiples projets, la production de contributions sur tous les sujets possibles et imaginables, bref toutes les apparences d'une mobilisation sans précédent du monde de la recherche.

- sans notre détermination collective d'intervention, le secteur des études féministes et sur les femmes aurait continué d'être ignoré. Dans le même temps où tous les discours étaient ponctués de : « prise en compte de la demande sociale », « nouvel essor des sciences humaines et sociales », « interdisciplinarité », « recherche finalisée par les besoins sociaux », pas un mot nous concernant. Nous n'étions pas prévues dans cette grande confrontation, pas même le strapontin habituel des colloques scientifiques... Le changement dans la continuité, en quel- que sorte.

UNE COURSE D'OBSTACLES REUSSIE...

Etre entendues aux Assises Régionales4 Dès le début du mois d'octobre, une idée fait son chemin dans les

réunions et séminaires réguliers de divers groupes concernés par les re- cherches et études féministes : nous sommes interpellées directement puisqu'aussi bien cette vaste consultation a pour objectif de proposer au gouvernement une nouvelle politique de la recherche prenant largement en compte la demande sociale, insistant sur le nécessaire changement des mentalités. Nous devons répondre. Quel sens précis donner à notre parti- cipation ?

Ce que nous voulions : rompre le silence, témoigner du développe- ment depuis dix ans d'un nouveau domaine de recherches, en soulignant que celui-ci est étroitement lié à la renaissance du mouvement de libéra- tion des femmes, que pour cette raison s'y développent des problémati- ques entièrement nouvelles. Nous entendions montrer que les études et recherches féministes articulent d'une manière originale et féconde re- cherche et mouvement social. D'une part, elles renouvellent les réflexions sur certains thèmes (ceux de la famille, du partage des rôles, de la divi- sion sexuelle du travail, de l'éducation...) dans le même temps où elles mettent en question les sciences humaines et sociales, leurs cloisonne- ments disciplinaires, leurs fondements théoriques et méthodologiques. D'autre part, elles participent à l'émergence de thématiques où démarche politique et aemarcne scientiiique ne sont plus conçues comme étrangè- res, mais intégrées dans un instrument irremplaçable de connaissance de la société.

4. Les trois textes joints en Annexes émanent des groupes suivants : - Groupe d'Etudes Féministes, G.E.F, Universite de Paris VII, - Groupe Interdisciplinaire Féministe, G.I.F, Maison des Sciences de l'Homme, Paris, - Université des Femmes, Paris.

Ces trois textes ont été largement diffusés lors des Assises Régionales Ile de France Centre, 19.20.21 novembre 1981.

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Nous entendions rappeler, ou plutôt faire savoir, dans quelles condi- tions sont actuellement menées de telles recherches : sans insertion insti- tutionnelle, contraintes de se déguiser pour exister, le plus souvent découragées et parfois même réellement pénalisées. Privées de moyens, fragilisées par l'isolement et la dispersion, elles présentent un retard notable par rapport aux recherches étrangères correspondantes. Dans de telles conditions, comment renforcer leur impact critique ? Comment assurer le développement de leur potentiel novateur et créatif ? Com- ment promouvoir la diffusion des remises en cause idéologiques dont elles sont porteuses ? Il n'est pas besoin d'insister sur les multiples raisons de notre volonté commune d'intervention ; d'ailleurs les différents textes expriment et illustrent à leur manière cette nécessité.

Ce que nous ne voulions pas : sortir de la clandestinité pour entrer dans le ghetto : celui des recherches finalisées, à court terme, recherches dont les priorités sont définies par d'autres que celles qui les mènent (ces priorités fussent-elles décidées par le Ministère des Droits de la Femme5 . S'il n'est pas question de reprendre à notre compte la distinction, contes- table à maints égards, entre recherche fondamentale et recherche appli- quée, en revanche, c'est bien de fa reconnaissance des recherches et étu- des féministes comme d'un champ de recherche à part entière dont il s'agit, champ dont au demeurant nous revendiquons l'originalité et les spécificités.

Si nous nous sommes trouvées le plus souvent d'accord sur les dif- férents points d'analyse que je viens d'évoquer, des désaccords, des di- vergences ont surgi ici ou là, imputables en partie à notre absence d'habitudes de travail réellement collectives. Mais sur l'essentiel, nous sommes parvenues à déterminer une attitude commune : être à la fois convaincantes et offensives tout en demeurant vigilantes quant à la natu- re et aux implications des propositions qui pourraient être avancées nous concernant. Pour respecter à la fois nos nuances et accroître notre « visi- bilité » nous avons opté pour la diffusion collective de plusieurs textes et décidé de concentrer nos interventions orales dans deux commissions : « Sciences de l'Homme et de la société » ; « Hommes et structures »... bien persuadées qu'il nous faudrait nous bagarrer pour nous faire au moins entendre, ou mieux comprendre. Nous n'avons pas été démen- ties !*.

5. Une création récente du Ministère des Droits de la Femme, également subventionnée par le F.I.C et la Solidarité nationale, le C.R.I. F : Centre de Recherche et d'Information Féministe. Selon l'état actuel de nos informations et tel que Ta présenté Françoise Pasquier (lors de l'Atelier du 12 janvier), il s'agit d'un centre principalement consacré à la documentation française et étrangère (information, publication, diffusion) mais, par ailleurs susceptible de promouvoir et financer des recherches sur contrat.

Précisons, tout de même, que cette création s'est effectuée sans consultation réelle des mi- lieux intéressés.

6. Il est intéressant de lire dans le numéro spécial du B.I.E.F. (7-8) : « Les femmes et la recherche », le compte-rendu des Assises Alpes-Côte d'Azur-Corse pour voir à quel point nos ex- périences ont été identiques. ,

B.I.E.F : Bulletin d'Information des Etudes Féminines, publié par le CEFUP (Centre d'Etudes Féminines de l'Université de Provence).

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Nous sommes intervenues dans des conditions difficiles, souvent nettement hostiles.

-le 19 novembre : Commission « Sciences de l'homme et de la socié- té » ; thème des interventions : demande sociale et recherche. Il faut une bonne dose de mauvaise foi, pour prétendre - En effet dans son intervention l'une d'entre nous démontrait en quoi les recherches fémi- nistes constituent un cas exemplaire d'articulation entre mouvement social et recherche précisant à l'occasion notre conception de la « de- mande sociale » - que notre place n'était pas dans cette commission, mais dans la commission « Hommes et structures ». Quoiqu'il en soit de cette opinion de la Présidente de séance, cette intervention a suscité une réponse de P. Barret, conseiller pour les sciences humaines et sociales auprès du Ministère ; il a précisé qu'en vertu des accords interministériels, l'enveloppe Recherche consacrée aux femmes avait pour 1982 fait l'objet d'un transfert (1 million de nouveaux francs) au Ministère des Droits de la Femme. Où l'on voit que nos craintes de « ghettoïsation » étaient plus que fondées...

A celles d'entre nous qui intervenaient au même moment dans la Commission « Hommes et structures » ne venait-on pas de recommander un départ vers la Commission « Sciences de l'Homme et de la société », lieu plus propice pour faire état d'un domaine nouveau. Plutôt que de parler de mauvaise foi, c'est une tactique implicite de diversion qu'il convient de dénoncer. Fort heureusement, seule une partie d'entre nous décida de suivre les recommandations de déplacement, si bien que loin de nous croiser dans quelque couloir, nous nous sommes trouvées regrou- pées, décidées cette fois à nous faire entendre là où nous étions. Nous avons donc fait savoir de manière très vigoureuse aux organisateurs de la Commission « Hommes et structures » que nous n'accepterions pas d'être ballottées de commission en commission, exigeant un temps de parole pour le lendemain dans une assemblée de participantes et partici- pants qui n'avaient pas l'air de trouver la demande illégitime.

Nous avons obtenu d'intervenir le lendemain dans un planning d'in- terventions plus que chargé.

- le 20 novembre, les choses se présentaient plutôt mal. D'une part, le débat sur le statut des chercheurs traînait en longueur. D'autre part, tout semblait bien indiquer que seules les questions relatives à la si- tuation des femmes dans la recherche (discrimination à l'embauche, retards de carrière, discriminations de toutes sortes) pourraient être abordées. Questions au demeurant urgentes, mais en posant celle de la nature et place des études et recherches féministes, nous avions toutes chances de n'être toujours pas au bon endroit... A moins de montrer, qu'en réalité , les difficultés institutionnelles que rencontrent les femmes dans l'exercice de la recherche, quelle que soit leur discipline et le silence des institutions sur les recherches féministes ne sont que des expressions diversifiées d'une même réalité : notre exclusion. Rappelant donc, l'engagement pris à notre égard, nous sommes intervenues, assez longue-

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ment d'ailleurs, et nous avons été certes entendues mais partiellement : le rapport de synthèse de cette commission présenté lors de la séance plénière des Assises Régionales (le 2 1 novembre) a pris en compte certai- nes de nos propositions (formulées lors des interventions ou figurant dans les textes diffusés).

Enfin, nous avons exposé dans cette séance plénière notre projet d'organiser un Atelier National d'« Etudes et de recherches féministes ou sur les femmes » à l'occasion du Colloque National de janvier et renouve- lé notre demande de représentation7 des différents groupes aux travaux de ce Colloque. Ces propos ont été accompagnés de lettres aux instances responsables ainsi qu'au Ministre. Courrier demeuré sans réponse.

Cependant, au cours de la journée bilan sur les sciences sociales (14 décembre), organisée dans les locaux du ministère (Ecole Polytechnique), P. Barret à l'occasion de conversations avec celles d'entre nous qui avaient participé à cette journée s'est engagé à attribuer un local (Amphi Poincaré, Ecole Polytechnique) pour le 12 janvier, date retenue pour l'Atelier. Il était en effet symboliquement important que cette rencontre ait lieu dans des locaux officiels. Ainsi, l'excellente idée d'Atelier Natio- nal proposée dans le texte du G.E.F., soutenue ensuite par l'ensemble des groupes ou personnes ayant participé à la préparation des Assises Régionales devenait une initiative susceptible de créer un réel rapport de force en notre faveur. Organisé de façon autonome, il permettait la ren- contre d'enseignantes, chercheuses, étudiantes au niveau national, la confrontation de leurs expériences et pratiques.

Seules et nombreuses : Γ Atelier du 12 janvier Pour la première fois en France, cet atelier a réuni plus de 200 parti-

cipantes venues de Province - Lyon, Grenoble, Nantes, Tours, Aix, Mar- seille, Toulouse, Lille - et de Paris. Nombreuses et diverses, chercheuses, enseignantes, étudiantes, praticiennes, il nous fallait d'abord nous ren- contrer, faire connaissance. L'occasion était réalisée d'appréhender la multiplicité des groupes et individues engagés, à des titres divers, dans les études et recherches féministes ou sur les femmes et travaillant le plus souvent sans lien, sans confrontation.

Une exception toutefois : nous ne voulions aucune confrontation avec le groupe Psychanalyse et Politique, qui dans « Des Femmes Heb- do » (n° 74, janvier 1982) diffusait, sur la base d'une information men- songère8 , un appel de participation « en toute ouverture et toute indé- pendance » à l'Atelier. Ce groupe, nous ne le connaissons que trop

7. Contrairement aux Assises Régionales ouvertes, la participation au Colloque National était prévue sur la base d'invitations.

8. Leur appel faisait mention d'une exclusion du CEFUP par les groupes organisateurs de l'Atelier. Rectification a été faite par l'une des représentantes du CEFUP lors de la présentation de son groupe.

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(appropriation du Mouvement de Libération des Femmes, procès, impos- tures, falsifications...) pour vouloir engager avec lui quelque débat que ce soit. Nous avons donc laissé monologuer ses principales représentantes et, c'est en vain, qu'elles ont tenté à maintes reprises d'établir un dialogue avec la salle. Malgré leur tactique de diversion, voire d'obstruction, cet Atelier a été une réussite, un moment fort, tant du point de vue de la participation que de la qualité des débats.

Un compte-rendu de présentation des groupes, de synthèse des dis- cussions, actuellement en cours d'élaboration, sera diffusé ultérieure- ment. L'existence d'un tel document viendra pallier les lacunes du présent texte qui n'intègre pas les discussions (en cours de transcription) mais présente pour chacun des thèmes abordés dans l'Atelier9 des points de repère.

Le rapport introductif rappelle dans quelles circonstances et dans quels buts les groupes organisateurs (G.E.F., G.I. F., Université des Fem- mes, Séminaire Limites et Frontières) ont conçu cet atelier dont l'intitulé lui-même constitue un thème de réflexion : recherches sur les femmes, recherches féministes. Du développement de ces recherches réalisé en dépit des multiples obstacles idéologiques et matériels, rappelés à cette occasion, surgissent des nécessités nouvelles : tout particulièrement celle de réseaux d'information et de communication dotés d'une certaine per- manence, de la nécessaire confrontation d'idées sans laquelle aucune progression réelle du domaine ne peut être envisagée.

Avoir une autre pratique de la recherche, c'est d'abord pouvoir se référer à une démarche unitaire, conclusion essentielle du rapport intro- ductif : « Nos travaux individuels ne seront reconnus que dans la mesure exacte où les travaux de toutes le seront c'est-à-dire dans la mesure où l'ensemble des études féministes et sur les femmes sera reconnu comme un domaine à part entière. Toutes nous l'avons créé, il nous appartient à toutes maintenant d'exiger pour lui la place qui lui revient, de le promou- voir et d'assurer les conditions de sa continuation et de son progrès. »

Les différents groupes provinciaux et parisiens ont ensuite briève- ment présenté leurs spécificités, parfois leurs thématiques et évoqué leurs conditions d'existence. Cette présentation a fait apparaître très claire- ment la multiplicité des voies suivies, des expériences réalisées, la plurali- té des démarches et la disparité d'insertion dans les structures de recher- che existantes. Très clairement aussi l'existence de carences, à tous les niveaux.

9. Rapport introductif à l'Atelier : Christine Delphy. Thème 1 : Pluridisciplinarité des recherches : Françoise Picq, Françoise Ducrocq. Thème 2 : Mouvement social et recherche : Liliane Kandel, Martine Chaudron, Michèle

Ferrand. Thème 3 : Les lieux de la recherche féministe. Structures et institutions : Michèle Kail,

Nicole Echard. Recherche hors institution : Jeanne Peiffer, Hélène Rouch.

Thème 4 : Problèmes de publication et diffusion : Christine Delphy.

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Pluridisciplinarité des recherches :

Du nouveau regard que les femmes posent sur la société, résulte une remise en cause générale des schémas d'analyse à l'œuvre dans les diffé- rents champs de savoir, faisant éclater l'étanchéité des disciplines, dévoi- lant les fondements idéologiques de leurs principes de classification. Partant d'exemples, la présentation de ce thème a souligné comment le monopole masculin sur le savoir se dote d'outils méthodologiques qui ont pour effet de dévaloriser les femmes, de les exclure. Nos recherches sont par définition pluridisciplinaires, l'approche globalisante, transver- sale qu'elles mettent en œuvre implique la confrontation des démarches spécifiques de tel ou tel secteur de la connaissance. Le point de vue qui consiste à considérer que tout ce que les disciplines traditionnelles ont produit doit être totalement invalidé, a été critiqué : nous devons utiliser à nos propres fins et pour notre propre compte les outils théoriques dont nous disposons et qui d'ores et déjà nous permettent de conceptualiser notre oppression, par exemple.

Mouvement social et recherche :

C'est sur l'analyse des conséquences théoriques introduites par les ruptures politiques fondamentales que le mouvement des femmes a opérées (par exemple, le privé est politique) qu'est centrée la présenta- tion.

Recherches en mouvement, inscrites dans un contexte militant, oui mais recherches pour les femmes et non un chapitre de plus, un nouvel objet de discours : les femmes, bon candidat pour une analyse des nou- veaux mouvements sociaux... (impatience bien connue de nos collègues - cf A. Touraine et son équipe - pour produire des bilans savants nous concernant).

- Parmi les questions urgentes : celle de la Demande sociale : quelles formulations ? Quel contrôle politique de cette demande ? Quelle nou- velle orthodoxie ?

Les lieux de la recherche féministe : structures et institutions.

La méfiance à l'égard des institutions trouve son origine dans l'ex- clusion massive que celles-ci opèrent à notre encontre, s'appropriant de surcroît, en fonction de leurs finalités propres, les contenus novateurs qui les servent. Il nous faut donc formuler une série d'exigences qui pré- sident à la recherche et mise en place de structures adéquates, mais non normalisantes ; structures où des pratiques inédites puissent être encoura- gées à se développer. Comme on le voit, beaucoup de vigilance et de clairvoyance sont requises dans cette réflexion.

Parmi les exigences minimales formulées dans la présentation (con- crétisation de la pluridisciplinarité, matérialisation du lien politique

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établi entre les femmes) c'est l'exigence d'autonomie c'est-à-dire le refus de tout « pilotage par l'aval » des programmes de recherches (que celui-ci émane de l'Etat. ou de groupes divers) qui a été présentée comme la plus fondamentale. Revendication de structures souples non centralisées, sus- ceptibles d'intégrer aussi des praticiennes venues d'autres lieux que la recherche. Quelques exemples ont été proposés. Si nous devons être in- ventives, la question d'une attitude offensive par rapport aux structures existantes reste posée : quelles stratégies développer, ne serait-ce que pour éviter le professionnalisme et l'académisme, rançon de l'intégration au système ?

S'il est vrai que la recherche dans les institutions renvoie à un proces- sus précis de production des connaissances, généralement associé à un statut professionnel - fut-il précaire -, ce n'est pas le cas de la recherche hors institution. La recherche hors institution peut être le fait de femmes isolées mais aussi de groupes. Dans ce cas on peut entendre par ce terme une réflexion collective critique menée hors des lieux professionnels sur le savoir patriarcal et son mode de production ; les problèmes ne sont plus définis à partir des disciplines constituées, mais à partir de la si- tuation des femmes opprimées dans et par le savoir considéré alors comme un terrain de lutte. Ce type de recherche qui entend maintenir ses distances, sans rester dans le bénévolat, pose alors et la question de sa reconnaissance et celle de sa survie. Qu'il s'agisse donc de recherches me- nées dans les institutions ou à l'extérieur, comment éviter d'être fragili- sées par la normalisation ou le dilettantisme ?

Problèmes de publication et diffusion

Nous parlons ici de la publication des études et recherches féministes, et non de l'édition féministe en général qui pose d'autres problèmes. En 1977, soit sept ans après la renaissance du mouvement, il n'existait pas d'endroit où publier des articles de fond féministes :

1 - les revues scientifiques les refusaient et les refusent pour des rai- sons politiques

2 - la presse féministe ne pouvait les intégrer pour des raisons d'abord de format - ils sont trop longs - et subsidiairement de contenu - ils sont trop « savants », trop « spécialisés », pas assez « orientés vers l'ac- tion ».

Donc un vide, un besoin, existaient et c'est pour y répondre que Questions Féministes en 1977 puis Nouvelles Questions Féministes en 1981 furent créés et que, dans un genre légèrement différent, Pénélope le BIEF et le GRIEF virent le jour.

L'importance des revues pour l'existence de n'importe quel domaine d'études n'est pas à démontrer : c'est sous forme d'articles que les spécia- listes font paraître leurs derniers travaux, et c'est par les revues qui les publient que l'on peut se tenir au courant de l'état d'un domaine ; enfin

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les revues, de par leur format - incluant par définition plusieurs articles par numéro - et de par leur périodicité, peuvent seules assumer une fonction d'échange : circulation rapide des idées, réponses, que le livre ne permet pas. On peut donc dire qu'un champ d'études n'est pas constitué tant qu'il n'a pas sa ou mieux ses revues.

Le problème qui se pose pour les revues féministes en France est celui d'un champ en voie de formation, et de surcroît non reconnu par les institutions. Alors que dans d'autres pays occidentaux une aide insti- tutionnelle est apportée aux revues féministes, jusqu'à présent en France il n'en a pas été question. Or on sait que les revues en général et en par- ticulier les revues scientifiques ne sont pas « rentables » commerciale- ment pour les éditeurs et ne peuvent donc survivre qu'avec des aides institutionnelles. La politique d'ignorance des revues féministes va évi- demment de pair avec le sort plus généralement fait au domaine, par exemple avec l'absence quasi totale de programmes d'enseignement supé- rieur. Le résultat, paradoxal, est que ces revues, faites de façon entière- ment bénévole et à un grand coût de travail et financier - sans parler des pénalités professionnelles-pour celles qui les font, sont constamment en sursis : menacées de disparaître, dans le même temps qu'elles sont d'autant plus nécessaires, qu'elles tiennent souvent lieu pour les étudian- tes des cours qui n'existent pas et constituent donc leur seul instrument de travail.

Une journée, nous le savions, c'est un temps bien trop court pour aller au fond des problèmes, approfondir des questions que nous ne pour- rons pas laisser sans réponse : celle de la reconnaissance (de quoi, de qui, par qui, pour qui ?), celle des critères de validation et d'évaluation des recherches (avec la hiérarchie des compétences qui lui est généralement associée), articulation de tout cela avec l'indispensable autonomie ? Cet atelier s'est d'abord voulu une première rencontre, une manifestation pu- blique de notre existence, une étape importante pour le développement des elaborations communes à venir.

L'épreuve finale : la participation aux journées du Colloque National (13-16 janvier 82)

Notre demande de représentation des différents groupes est restée sans réponse... et sans l'insistante vigilance de l'une d'entre nous, nous n'aurions même pas eu l'aumône d'une unique invitation de dernière heure. L'absence de contrôle des invitations, pourtant nominales, nous a permis de « couvrir » les séances de deux commissions10 (Apport culturel

10. Au programme du Colloque National, onze commissions : 6a. les échanges économiques internationaux 1. L'Apport culturel de la Recherche Scientifique et Technologique 6b. recherche scientifique et innovation technologique au service 1 bis. Les sciences humaines : l'enjeu du développement du tiers-monde 2. La responsabilité sociale du scientifique 7. Les hommes : l'information et l'emploi scientifique 3. Equilibre, domaines clés, stratégie 8. Les institutions. Les grands organismes de recherche publics. 4. Recherche technologique et nouveau mode de développement 9. Science, technologie, les acteurs du choix 5. Recherche, technologie et industrie 10. Recherche et communication 6. L'enjeu international : 11. Les moyens d'une politique scientifique.

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de la recherche scientifique et technologique ; Sciences humaines : l'en- jeu) en fonctionnant à deux ou trois par roulement au cours des 4 jours. En participant à ces journées nous savions :

- que nous allions assister à la quintessence des synthèses de synthè- ses des synthèses. - que nos possibilités d'intervention effective seraient très restreintes et l'écoute à notre égard très faible.

Mais nous comptions sur deux précédents : - d'une part, le rapport de synthèse des Assises Régionales, à ce mo-

ment là diffusé, mentionnait notre existence (en tant qu'études et re- cherches féministes) ainsi que certaines de nos propositions, dont la création d'un Atelier (Rapport J.L Malgrange et M. Séné, p. 9). - d'autre part, nous pensions pouvoir y faire état des débats de l'Atelier, tant du point de vue de l'importance de la participation, des thèmes abordés que des constats de carence généralisée et d'un ensemble de demandes à court terme.

C'est à tout autre chose que nous avons été confrontées, par l'exis- tence d'un volumineux rapport (500 pages) distribué à chaque partici- pant (e), que le travail en commission avait en fait pour but d'amender et de compléter par la rédaction d'Annexés... Pour le reste, comme prévu : rapports souvent soporifiques, débats où dominaient les lieux communs, les déclarations d'intention, les vœux pieux, le tout fortement teinté de corporatisme ; préchi prêcha des uns, envolées lyriques des autres sur la démocratie, le changement, les décloisonnements, émaillées de quelques propositions plus novatrices, de temps à autre.

Il fallait donc parer au plus pressé : - étudier le rapport et faire des propositions écrites (c'est bien con- nu : les paroles s'envolent...) qui puissent constituer des amendements ou figurer comme annexes.

- obtenir que le rapporteur de la Commission Sciences Humaines (dans laquelle nous avions l'invitation officielle) nous mentionne dans son rapport oral de synthèse en séance plénière du Colloque (durée : 18 minutes). Il l'a fait de la façon que j'ai indiquée en commençant : « II nous est demandé... »

La lecture de cet intéressant document (dont, n'en doutons pas, usage sera fait) est proprement affligeante : contrairement aux rapports issus des Assises Régionales, il demeure totalement muet sur la question des études et recherches féministes... Si à deux reprises il se réfère à « la condition féminine » (p. 35) et à « l'emploi féminin dans la recherche scientifique » (p. 286), dans son recensement des attitudes rétrogrades, il ne souffle mot du sexisme. « C'est pourquoi à long terme, le progrès et la diffusion des connaissances ont un effet culturel certain, en ce qu'elles favorisent une prise de conscience des facteurs réels de vie sociale, édu- quent l'esprit critique et permettent de juger au-delà des apparences. Ce

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sont celles-ci qui fondent les attitudes les plus rétrogrades : l'obscuran- tisme, le racisme, le préjugé de classe, la xénophobie, l'intolérance doc- trinale, le dogmatisme, l'aveuglement autoritaire, les attitudes discrimi- natoires, etc.. »

Nous avons donc proposé les amendements suivants : - dans tous les chapitres ou paragraphes où a été employée l'expres-

sion « Sciences de l'homme », la remplacer par l'expi;ession « Sciences humaines »,

- dans le paragraphe consacré aux attitudes rétrogrades (p. 31), ajou- ter le sexisme,

- dans le paragraphe intitulé : la difficile émergence des disciplines neuves ou des champs d'étude neufs (p. 34), faire figurer parmi les exem- ples cités « Les études et recherches féministes »,

- dans le paragraphe : rompre avec des attitudes malthusiennes vis-à- vis de la « demande sociale » (p. 35), « l'étude des minorités culturelles, des relations inter-ethniques (donc du racisme et de la xénophobie), des problèmes liés à la condition féminine » ; supprimer « des problèmes liés à la condition féminine » et le remplacer par : « l'étude des problè- mes liés à la division hiérarchique des sexes dans tous ses aspects (donc du sexisme) ».

Si ces amendements sont en faible nombre, c'est que, dans ce rapport caractérisé par l'extrême généralité de ses propos, les amendements ne pouvaient s'insérer qu'à l'occasion d'exemples précis. Ce sont toutes ces occasions que nous avons exploitées. Parallèlement, nous avons proposé que soit jointe au rapport de la Commission IB (Sciences humaines) l'annexe 4 ci-jointe en document. Ces diverses modifications seront-elles intégrées ? Le rapport lui-même sera-t-il effectivement remanié ? Si des réponses positives à ces questions sont souhaitables, il ne peut s'agir pour nous d'un point final. Le Colloque national sur la Recherche et la Tech- nologie est terminé... Nous continuons aillleurs et autrement.

PREPARONS LE 1er COLLOQUE NATIONAL SUR LES ETUDES ET RECHERCHES FEMINISTES

La mobilisation réalisée durant ces trois derniers mois, les diverses interventions orales et écrites à Paris et en province viennent de se con- crétiser. Le projet d'organisation à l'Automne 1982 d'un Colloque National qui étendrait à une échelle réellement nationale, en l'élargissant à l'ensemble des groupes et personnes concernés, le débat instauré au cours de l'Atelier du 1 2 janvier a reçu une réponse positive de prise en charge financière par le Ministère de la Recherche et de la Technologie11. 11. Cette réponse positive un budget d'environ 300 000 F serait accor- Entrevue dont un compte-rendu a circulé dans les divers groupes dé- a été donnée lors de la rencontre du 14 février 1982 au Ministère de parisiens et provinciaux. la Recherche et de la Technologie A cette rencontre participaient : A cette occasion, M. Godelier a précisé que le dossier qui lui a été

- P. Barret : Conseiller auprès du Ministère pour les Sciences Humai- remis sur les études et recherches féministes serait inclus dans son pré- nes et Sociales. rapport. Par ailleurs, il a invité les groupes existants ou individues à ré-

- M. Godelier : Chargé de mission auprès du Ministère pour les Seien- pondre à la circulaire qu'il diffuse, où peuvent être formulées des pro- cès de l'Homme et de la Société, dans le cadre de la réorganisation de ce positions. secteur.

- M. Coquillat : Responsable de la recherche au Ministère des Droits

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Le Comité d'Initiative du Colloque qui associe des groupes et des individues parisiens et provinciaux a formulé les propositions suivantes :

1 - Organiser un réseau d'échanges systématiques, indispensables au développement des recherches et des enseignements.

2 - Etablir un premier bilan de l'état du domaine : a) des personnes et de leur situation, b) des thèmes de recherche et d'enseignement, c) des cadres et des moyens dont disposent ces recherches.

3 - Evaluer les besoins et formuler des propositions pour le dévelop- pement du domaine, tant en ce qui concerne ses orientations théoriques que ses conditions matérielles de mise en œuvre : infrastructure (bi- bliothèques, documentation, locaux), financements, modalités insti- tutionnelles.

Compte-tenu de l'ampleur de ce projet, il se déroulera en trois étapes .

a - Un recensement préalable nécessairement effectué au niveau ré- gional.

b - La tenue de journées préparatoires dans au moins cinq grandes régions (Rhône-Alpes ; Provence-Côte d'Azur ; Midi-Pyrénées ; Ouest ; Paris, Nord et Est).

c - Enfin le Colloque National lui-même, prévu pour une durée de 3 jours à Toulouse en Novembre 1982.

Ce projet est un canevas : il ne péjuge pas les multiples suggestions et propositions qui surgiront dans un premier temps, par le biais d'une par- ticipation aussi large que possible à la préparation des Assises Régiona- les^.

La réussite de ce colloque est notre affaire à toutes : les recherches et études féministes ne peuvent pas constituer un domaine séparé, ré- servé à quelques spécialistes. Son existence, sa vitalité, son expansion sont intimement liés aux luttes collectives des femmes. De ce lien poli- tique, qui implique des relations multiples avec d'autres lieux que les institutions de recherche - groupe de femmes, collectifs divers -, naît une nouvelle conception du partage des savoirs, des connaissances, de leur appropriation et critique collectives.

Dans la diversité mais ensemble, nous avons affirmé à l'occasion du Colloque sur la Recherche que nous ne voulions plus de l'exclusion, de la marginalisation ou du ghetto. Ensemble et plurielles, nous allons mon- trer que, si nous existons déjà, nous voulons exister autrement.

12. Pour renseignements, propositions, écrire à : Colloque National : Etudes et Recherches Féministes, Maison des Femmes, 8, Cité Prost - 7501 1 Paris.

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ANNEXES ANNEXE 1 GEF

GROUPE D'ETUDES FEMINISTES de l'Université Paris Vu

CONTRIBUTION AUX ASSISES DE LA RECHERCHE Le G.E.F. a été créé en 1975 pour répondre au besoin qu'éprouvait un certain

nombre de chercheuses et d'étudiantes de mettre en commun leurs interrogations et leurs recherches dans une structure souple et ouverte.

Font partie du G.E.F. notamment des enseignantes qui assurent dans différentes universités des séminaires de recherche, des U V d'enseignement et dirigent des tra- vaux (maîtrises, doctorats de 3ème cycle, doctorats d'état) sur la question des femmes.

En dehors des activités et des publications des différents membres du groupe, le G.E.F. produit une revue en liaison avec des chercheuses du Centre de Recherche His- torique de l'Ecole Pratique des Hautes Etudes, Pénélope, destinée à faire connaître les études sur les femmes.

L'une des originalités du G.E.F. est d'être parvenu à instituer une véritable pluridisciplinarité, à partir des formations de chacune - histoire, sociologie, philo- sophie, littérature, civilisation, psycho-sociologie, linguistique, droit économique, sciences politiques. Si cette expérience a réussi, c'est qu'au-delà de cette diversité certaines démarches nous sont communes. Ainsi nous avons constaté que la structura- tion des différentes disciplines ne faisant guère de place à la question des femmes, il fallait la remettre en cause et rétablir un point de vue global, une analyse transver- sale, qui seule permet d'appréhender le réel.

De même, si le féminisme n'est certes pas pour nous une ligne politique homogè- ne, il nous donne un regard critique sur les présupposés masculins qui sont aux fon- dements des différents discours scientifiques. C'est dans ce sens que nous cherchons à élaborer la réflexion sur les ruptures épistémologiques provoquées par l'émergence du féminisme dans les discours scientifiques.

Nous pensons que pour lutter contre les pesanteurs de la recherche, il faut favori- ser ce type d'initiative qui, bien qu'elle ne soit pas ancrée dans une tradition universi- taire, a le mérite d'explorer des voies inconnues. Une recherche qui ne tiendrait pas compte de l'importance de cette démarche, sous prétexte qu'elle ne répond pas aux objectifs prioritaires de la nation, creuse ses propres ornières et se prive, en sciences humaines en tous cas, de toute compréhension de l'avenir. Car il ne s'agit pas unique- ment de répondre à la demande sociale, il faut aussi savoir la catalyser et analyser ses dynamiques, souvent à l'état de potentialité, qui travaillent la société française.

Nous proposons à titre expérimental la création d'un institut d'enseignement et de recherche féministe, pluridisciplinaire, rassemblant chercheuses, enseignantes, étudiantes en sciences exactes et humaines.

Nous proposons la création d'un centre de documentation sur les femmes, tels qu'il en existe aux Etats-Unis, en Angleterre, aux Pays-Bas, en Allemagne, en Italie : constitution de bibliographies, fichiers de centre de recherches, dépouillement des revues, fichier des thèses, biblothèque de base, banque de données, etc..

Nous suggérons pour l'immédiat au niveau des assises régionales, puis nationales de la recherche un atelier d'une demi-journée sur le thème : études féministes, trans- formation de la société.

G.E.F. Contact : Françoise Basch et Françoise Ducrocq Université Paris VII

UER G.S.S. Couloir 34 - 44 - 3ème étage 2, pl. Jussieu 75005 PARIS

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ANNEXE 2

LES ETUDES ET RECHERCHES FEMINISTES

Résumé : A la demande sociale adressée à la recherche par le mouvement des femmes , les institutions scientifiques répon- dent par le silence. La production d'études et de recherches féministes est le fait de groupes souvent informels dont le tra- vail - gratuit - est récupéré en partie et sert à masquer, au plan international la carence totale de la France dans ce do- maine. Une meilleure évaluation de la demande sociale et la transformation des structures d'enseignement et de recherche devraient permettre le développement d'études féministes in- terdisciplinaires qui resteraient associées au mouvement so- cial les ayant fait émerger.

Le mouvement des femmes est actuellement le plus important des mouvements sociaux. La façon dont il a imprégné l'ensemble de la société, la pertinence et la mul- tiplicité des questions qu'il soulève appellent des réponses spécifiques. Or, face à une telle demande, le silence de l'Institution est total.

Situation actuelle des Etudes Féministes

La nécessaire prise en compte de la demande émanant du mouvement des fem- mes a été assumée par des acteurs sociaux qui se situent au croisement de l'Insti- tution et du mouvement féministe. Ce sont, d'une part des chercheurs isolés ayant conduit des recherches en Sciences de la Société et en Sciences de la Vie, d'autre part des groupes plus ou moins formels ^Depuis des années, ces groupes ont organisé des débats, des enseignements, des séminaires, voire même des colloques. Au plan de la diffusion des connaissances, ils ont produit des bulletins, des publications, des revues. Par exemple : le G.E.F., qui fonctionne dans un cadre institutionnel, est éditeur de Pénélope dont un numéro a pour thème « Les femmes et la science » ; le séminaire « Limites et Frontières » a diffusé les textes de toutes les interventions présentées lors de ses séances ; des groupes, dont les membres appartiennent en majorité à la Recherche, se sont donnés pour propos la publication de revues non subventionnées consacrées aux Etudes Féministes, telles Questions Féministes, Nouvelles Questions Féministes.

Ces entreprises ont en commun leur interdisciplinarité et la constitution de nou- velles problématiques de recherche alimentées par l'émergence des théories féminis- tes. Les séminaires cités regroupent des chercheurs, des enseignantes et des praticien- nes qui viennent de toutes les disciplines et dont les demandes ainsi que les apports sont fortement différenciés. La mise en commun et la confrontation des résultats acquis avec les méthodes propres à chaque discipline ont entraîné : d'une part le développement de réflexions nouvelles sur un certain nombre de thèmes, tels la

1. Groupes non institutionnels : Groupe d'Etude Féminisme et Sociobiologie, Groupe Science Féministe, Séminaire Limites et Frontières, Groupe de Réflexion Féministe Critique. Groupes en partie insérés dans Γ Institution : Groupe de Recherche Interdisciplinaire d'Etude des Femmes (G.R.I.E.F.) de Toulouse, Centre d'Etudes Féminines de l'Université de Provence (C.E.F.U.P.), Centre Lyonnais d'Etudes Féminines (C.L.E.F.), Groupe Femmes et Mathématiques inter IREM, Groupe d'Etudes Féministes (G.E.F.) de Paris VII, Groupe Femmes et Langage, Groupe de Recherche pour l'Histoire et l'Anthropologie des Femmes.

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distinction des sexes, les rapports entre reproduction biologique et reproduction so- ciale, Tinter-action entre recherche et mouvements sociaux ; d'autre part l'émergence de nouvelles thématiques, telles la productivité du travail domestique, la production sexuée des connaissances, le concept de patriarcat. Ces nouvelles problématiques in- forment de plus en plus la recherche traditionnelle qu'elles contribuent ainsi à fé- conder et à renouveler. Dans cette mesure elles profitent à l'Institution. Par ailleurs, c'est grâce à ces travaux que la France n'est pas considérée comme totalement dé- pourvue d'Etudes Féministes, lesquelles existent dans de nombreux pays occiden- taux. Or, si quelques unes de ces entreprises se développent au sein de l'Université ou des institutions de recherche - mais malgré celles-ci -, la plupart de ces recher- ches et de ces enseignements se font ailleurs, de façon non seulement bénévole mais coûteuse pour les femmes qui les conduisent en sus de leurs activités professionnelles.

En effet, toute tentative d'insertion dans une structure institutionnelle qui auto- riserait des programmes scientifiques spécifiques et accorderait les moyens néces- saires à leur réalisation se heurte au refus - général - de l'interdisciplinarité et la crainte - particulière - de voir se développer des problématiques nouvelles. Cette peur d'une remise en cause des fondements idéologiques de la politique des sexes a pour effet, au bout du compte, la production - gratuite - d'Etudes Féministes dont les résultats sont récupérés et souvent édulcorés par l'Institution, servant plu- tôt mal que bien à occulter la carence totale en ce domaine.

Suggestions

Une meilleure évaluation de la demande, exprimée et potentielle, émanant du mouvement des femmes et s'adressant à la recherche est nécessaire. Cette évalua- tion devrait être effectuée au sein de l'Institution qui :

1. se donnerait les moyens de la ré-actualiser au cours du temps ; 2. réaliserait les conditions d'une inter-action permanente entre, d'une part les

institutions de recherche et d'enseignement, d'autre part les mouvements sociaux ; 3. mettrait en place des structures permettant la constitution d'Etudes Féminis-

tes sur le plan de l'enseignement et la promotion de recherches féministes inter- disciplinaires.

D'où deux ordres de propositions, les unes concernant l'organisation de la Re- cherche (1), les autres plus particulièrement le développement des études et recher- ches féministes (2).

1. - D est nécessaire que les institutions de recherche et d'enseignement se donnent les moyens d'exercer une véritable interdisciplinarité, laquelle se heurte aux effets organisationnels du découpage traditionnel des disciplines. Les Recherches Coopé- ratives sur Programme (R.C.P.) du C.N.R.S., qui permettent le regroupement tempo- raire de chercheurs à l'occasion d'une étude particulière, est l'un des rares exemples actuels des réalisations effectuées dans cette perspective. Leur fonctionnement sup- pose, en effet, une dissociation souhaitable entre les infrastructures lourdes (centres, instituts) et les programmes scientifiques, permettant une plus grande mobilité et une réponse mieux adaptée aux besoins exprimés.

- Compte tenu de l'ignorance totale dans laquelle sont tenues des demandes sociales telle^ celles du mouvement des femmes, il paraît nécessaire de revoir le modè- le de l'interface mouvements sociaux / institutions d'enseignement et de recherche, et de mettre en place les conditions permettant de nouvelles procédures.

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2. Le développement des études et recherches féministes passe, à un premier ni- veau, par la reconnaissance des recherches actuellement en cours menées en dehors de l'Institution afin que cesse une situation au terme de laquelle il paraît normal de pénaliser des études menées dans un cadre non institutionnel.

A un second niveau, il est nécessaire de développer les recherches et les ensei- gnements qui existent déjà dans l'institution par :

- la mise en place d'enseignements dans les universités permettant une spécialisa- tion et, partant, la formation de chercheurs (enseignements à partir de la maîtrise, habilitations pour la direction de Doctorats de Hlème cycle...) ;

- l'attribution de moyens décents à des recherches jusque là méconnues et à de nouveaux programmes scientifiques interdisciplinaires à thématique féministe ;

- le développement de centres de documentation à partir de ceux déjà existants ;

- la liberté d'accès à ces centres ainsi qu'aux divers enseignements et, de ce fait, la création d'enseignements à la carte répondant aux divers besoins, particulièrement ceux de la formation permanente.

Seules des mesures de ce type feront justice à l'émergence des nouvelles problé- matiques et permettront la constitution et le développement des Etudes Féministes en France. En effet, il est difficilement concevable qu'une recherche ré-orientée vers les besoins réels du pays et le changement social continue plus longtemps à se priver de cet instrument indispensable de connaissance de la société.

Cette note, qui n'est qu'une première et rapide approche du problème des Etu- des Féministes en France, a été élaborée par un groupe interdisciplinaire de cher- cheurs et d'enseignantes des Sciences Exactes, des Sciences de la Vie et des Sciences Sociales (Enseignement supérieur, enseignement secondaire, CN.R.SJ. (Groupe Interdisciplinaire Féministe - G.I. F.) Contact pour le G.I.F. : Michèle KAIL - 28, rue Serpente 75006 Paris

ANNEXE 3

POUR UNE PARTICIPATION DES FEMMES AU COLLOQUE NATIONAL DE LA RECHERCHE

Les luttes de femmes ont interpellé l'ensemble des sciences parce qu'elles ont dé- voilé une réalité sociale qui était demeurée masquée, mis en évidence d'une part l'appauvrissement que représente le cloisonnement des disciplines, d'autre part la nécessité d'un va et vient permanent entre les pratiques sociales et la théorisation. Ces questions concernent directement le COLLOQUE NATIONAL « RECHERCHE ET TECHNOLOGIE ».

La recherche a tendance à mettre l'homme (l'Homme au masculin) au centre de ses préoccupations et a laissé inexplorés des champs d'investigation entiers. A partir de leurs luttes, les femmes ont formulé des questions nouvelles qui avaient échappé à une saisie partielle et partiale de la réalité : la violence contre les femmes comme base de régulation sociale, le caractère productif du travail domestique, la

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répartition des rôles et du pouvoir dans la famille, l'histoire des femmes, etc.

Ces nouveaux domaines de recherche remettent en cause les méthodes tradition- nelles de travail : l'analyse des mécanismes de la violence par exemple n'est pas le fait d'une seule discipline, mais procède d'un travail pluridisciplinaire.

De plus, la participation active aux luttes sensibilise les femmes aux structures d'oppression et enrichit l'analyse de nouveaux points de vue, ceux des opprimées, liées à l'action, ces recherches ne sont pas exclusivement théoriques, mais visent à une compréhension plus complète.

Qu'elles soient menées dans ou hors l'institution, les réflexions, études, recher- ches découlant des actions de femmes doivent être stimulées :

1) Au niveau du colloque lui-même par la prise en compte dans les thèmes des étu- des et recherches en cours concernant les mouvements de femmes tant au plan na- tional qu'international. Ceci pourrait prendre la forme d'un « atelier » préconisé par le G.E.F.

2) L'attribution de subventions plus nombreuses à des revues, éditions et publica- tions féministes.

3) La création d'un institut de recherche qui à la recherche proprement dite alliera des activités d'enseignement et de développement dans les divers secteurs techniques et scientifiques, économiques, juridiques, financiers, culturels et artistiques.

Contribution proposée par « L'UNIVERSITÉ DES FEMMES » Contact : Jeanne Peiffer - 21, rue Hermel 75018 Paris

ANNEXE 4

COLLOQUE NATIONAL SUR LA RECHERCHE ET LA TECHNOLOGIE LES ETUDES ET RECHERCHES FEMINISTES

Si le rapport Introductif de la Commission 1 Β (Sciences Humaines) a le mérite de signaler l'émergence de nouveaux champs et leurs difficultés de constitution, en revanche, il manque à signaler parmi ces champs d'étude nouveaux l'un des plus im- portants : les Etudes Féministes. Leur absence de la recherche française serait-elle moins scandaleuse, cette lacune serait-elle moins criante que celles qui sont pourtant mentionnées dans le même paragraphe du Rapport ?

« L'écart croissant au profit des recherches étrangères » est particulièrement marqué dans le domaine des études et recherches féministes. Et il est d'autant plus marqué que ce domaine n'a même pas encore d'existence officielle d'une part ; que d'autre part les recherches qui participent à la constitution de ce champ sont isolées et privées de moyens au mieux, découragées voire pénalisées au pire. Dans tous les cas, elles sont considérées comme secondaires et marginales ; elles sont souvent trai- tées comme sectorielles et renvoyées au domaine de la recherche finalisée.

Cette perception nie deux éléments constitutifs de ce champ :

1 . Son lien privilégié avec un mouvement social porteur d'une demande de chan- gement qui engendre un renouvellement radical des problématiques ;

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2. Son caractère intrinsèquement interdisciplinaire qui est générateur d'un point de vue critique des disciplines et de leur cloisonnement (ainsi, l'application d'une pro- blématique économique à l'objet « famille » chasse gardée de la psychologie ou de la sociologie). Mais surtout cette perception ignore que le domaine des études et recher- ches féministes, loin de se réduire à la description et éventuellement l'analyse de « la condition féminine », construit un point de vue original et global sur l'ensemble de l'organisation sociale.

Les Etudes Féministes constituent bien un champ neuf et interdisciplinaire dont l'émergence se « heurte à un ensemble d'obstacles institutionnels et mentaux ». N'en- trant pas dans les divisions académiques classiques, les Etudes Féministes n'en cons- tituent pas moins un domaine de recherche fondamentale qui doit donc, à ce titre, pouvoir se développer d'une façon autonome, dans sa logique propre. Cela implique que le danger général de « pilotage par l'aval » dénoncé dans le rapport - dans notre cas le renvoi de ces recherches aux Ministères des Droits des Femmes ou de la Solida- rité ou encore de la Santé - soit évité.

Tous ces points ont été abordés au cours de la Journée nationale sur les enseigne- ments, études et recherches féministes tenue le 12 janvier dans le cadre du Colloque National. Cette journée, organisée par le G.E.F., le G.I.F., le Séminaire limites et Frontières et l'Université des Femmes, a réuni plus de 200 participantes venues tant de la province - Lyon, Aix-en-Provence, Marseille, Tours, Toulouse, Nantes, Lille -

que de Paris.

De cette journée ont émergé :

1 . Un constat de carence généralisé a - au niveau des moyens en infrastructures (locaux, bibliothèques, fonds spécia-

lisés, documentation etc..) ; b - au niveau des moyens de financement et, en particulier, de financements

propres (par opposition aux financements sur contrats) ; c - au niveau des structures, des institutions de recherche qui sont totalement

inadéquates aux besoins du champ. 2. Une série de demandes - de moyens pour les recherches existantes aussi bien à l'intérieur qu'à l'extérieur

des institutions, - de développement d'équipes nouvelles, - de créations d'infrastructures appropriées, - de mise en place de structures à la fois souples et non centralisées, susceptibles

également d'accueillir des praticiennes et autres personnes compétentes qui ne sont pas des professionnelles de la recherche.

L'accent a été mis sur la nécessité de l'autonomie des programmes de recherche, nécessité qui s'inscrit dans l'exigence de la reconnaissance de ce champ de recherche comme recherche fondamentale et domaine à part entière.

A la suite de cette Journée Nationale sont prévues des réunions, cette fois région par région, en vue de préparer la tenue, en Novembre 1982, du 1er Colloque Natio- nal sur les enseignements, études et recherches féministes pour l'organisation duquel les organisatrices demandent un financement au Ministère de la Recherche et de la Technologie. - Séminaire Limites et Frontieres - G. Ε. F. (Groupe d'Etudes Féministes)

Hélène Rouch 8, rue François Coppée - 75015 Paris Françoise Basch - 4, rue Caron - 75004 Paris - Université des Femmes - G.I. F. (Groupe Interdisciplinaire Féministe)

Jeanne PEIFFER - 21, rue Hermel 75018 Paris Michèle Kail - 28, rue Serpente - 75006 Paris

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