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Les « feux tricolores » en pe ´diatrie : e ´tat des lieux des connaissances en de ´but de 3 e cycle de me ´decine ge ´ne ´rale § ‘‘Traffic lights’’ in pediatrics: What do residents beginning their family residency know about them? E. Launay a, * ,b , J.-P. Cane ´vet c , R. Senand c , J.-C. Roze ´ d,b , V. Gournay e,b , G. Picherot a , B. Vrignaud f , K. Levieux f , A. Hamel g,b , M.-D. Leclair g,b , C. Gras le Guen a,b,f a Service de pe ´diatrie ge ´ne ´rale, ho ˆpital Me `re-Enfant, CHU de Nantes, 7, quai moncousu, 44000 Nantes, France b Universite ´ de me ´decine de Nantes, 44000 Nantes, France c De ´partement de me ´decine ge ´ne ´rale, universite ´ de me ´decine de Nantes, 44000 Nantes, France d Service de re ´animation ne ´onatale et pe ´diatrique, ho ˆpital Me `re-Enfant, CHU de Nantes, 44000 Nantes, France e Service de pe ´diatrie spe ´cialite ´s, ho ˆpital Me `re-Enfant, CHU de Nantes, 44000 Nantes, France f Service d’urgences pe ´diatriques, ho ˆpital Me `re-Enfant, CHU de Nantes, 44000 Nantes, France g Service de chirurgie infantile, ho ˆpital Me `re-Enfant, CHU de Nantes, 44000 Nantes, France Disponible en ligne sur ScienceDirect www.sciencedirect.com Summary Objectives. Pediatric practice is a difficult task requiring physi- cians to discriminate potentially serious situations among a variety of benign situations. The goal of this study was to assess the knowledge of students beginning their residency in family medicine on these situations. Methods. One hundred and three students were evaluated on pediatric ‘‘traffic lights’’ using 103 true/false questions. Pediatric and family medicine teachers of the Nantes University Hospital defined ‘‘traffic lights’’ as the fundamentals of pediatrics, misleading situations, and diagnosis and treatment that should not to be missed. Emergency levels were defined by colors, with ‘‘red light’’ corres- ponding to life-threatening emergencies. Results. Thirty-six percent of the questions (n = 103) had a correct response rate below 75%. Thirty-two percent of the questions on emergency situations (‘‘red lights’’) (n = 37) had a response rate below 75%. Fifteen percent of the questions (n = 103) had a correct response rate below 50%, half of which were ‘‘red light’’ (e.g., on meningitis, diabetic acidocytosis, or shock). Questions concerning infants (n = 24) had significantly fewer correct answers (correct Re ´sume ´ Objectifs. La pratique pe ´diatrique est un exercice difficile ou ` il faut apprendre a ` distinguer parmi une multitude de recours pour des motifs be ´nins des situations cliniques rares mais potentielle- ment graves. Notre but e ´tait d’e ´valuer les connaissances des e ´tudiants entrant en 3 e cycle de me ´decine ge ´ne ´rale sur ces situations. Me ´thodes. Cent trois e ´tudiants ont e ´te ´e ´value ´s sur les « feux tricolores » sous forme de 103 questions a ` choix multiple (QCM) a ` 2 modalite ´s (vrai/faux). Ces feux tricolores avaient e ´te ´ de ´finis par des praticiens pe ´diatriques du centre hospitalier universitaire (CHU) et des enseignants de me ´decine ge ´ne ´rale de Nantes comme des fondamentaux de la pe ´diatrie : situations pie `ges, diagnostiques ou the ´rapeutiques a ` ne pas manquer. Le degre ´ d’urgence e ´tait de ´fini par la couleur, le rouge correspondant aux urgences vitales imme ´diates. Re ´sultats. Trente-six pour cent des QCM (n = 103) ont eu un taux de bonnes re ´ponses infe ´rieur a ` 75 %. Trente-deux pour cent des QCM concernant des situations avec urgence vitale feux rouges ») (n = 37) ont eu un taux de bonnes re ´ponses infe ´rieur a ` 75 %. Quinze § Ce travail a e ´te ´ pre ´sente ´ partiellement au congre `s de la Socie ´te ´ franc ¸aise de pe ´diatrie a ` Clermont-Ferrand le 17 mai sous la forme d’une communication libre avec la re ´fe ´rence CO-83. * Auteur correspondant. e-mail : [email protected] (E. Launay). Rec ¸u le : 12 avril 2013 Accepte ´ le : 23 de ´cembre 2013 Disponible en ligne 24 janvier 2014 Me ´moire original 265 0929-693X/$ - see front matter ß 2014 Elsevier Masson SAS. Tous droits re ´serve ´s. http://dx.doi.org/10.1016/j.arcped.2013.12.025 Archives de Pe ´diatrie 2014;21:265-271

Les « feux tricolores » en pédiatrie : état des lieux des connaissances en début de 3e cycle de médecine générale

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Memoire original

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Les « feux tricolores » en pediatrie : etat deslieux des connaissances en debut de 3e cyclede medecine generale§

‘‘Traffic lights’’ in pediatrics: What do residents beginningtheir family residency know about them?

E. Launaya,*,b, J.-P. Canevetc, R. Senandc, J.-C. Rozed,b, V. Gournaye,b,G. Picherota, B. Vrignaudf, K. Levieuxf, A. Hamelg,b, M.-D. Leclairg,b,C. Gras le Guena,b,f

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Recu le :12 avril 2013Accepte le :23 decembre 2013Disponible en ligne24 janvier 2014

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Service de pediatrie generale, hopital Mere-Enfant, CHU de Nantes, 7, quai moncousu,44000 Nantes, Franceb Universite de medecine de Nantes, 44000 Nantes, Francec Departement de medecine generale, universite de medecine de Nantes, 44000 Nantes,Franced Service de reanimation neonatale et pediatrique, hopital Mere-Enfant, CHU de Nantes,44000 Nantes, Francee Service de pediatrie specialites, hopital Mere-Enfant, CHU de Nantes, 44000 Nantes, Francef Service d’urgences pediatriques, hopital Mere-Enfant, CHU de Nantes, 44000 Nantes, Franceg Service de chirurgie infantile, hopital Mere-Enfant, CHU de Nantes, 44000 Nantes, France

Disponible en ligne sur

ScienceDirectwww.sciencedirect.com

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SummaryObjectives. Pediatric practice is a difficult task requiring physi-

cians to discriminate potentially serious situations among a variety of

benign situations. The goal of this study was to assess the knowledge

of students beginning their residency in family medicine on these

situations.

Methods. One hundred and three students were evaluated on

pediatric ‘‘traffic lights’’ using 103 true/false questions. Pediatric

and family medicine teachers of the Nantes University Hospital

defined ‘‘traffic lights’’ as the fundamentals of pediatrics, misleading

situations, and diagnosis and treatment that should not to be missed.

Emergency levels were defined by colors, with ‘‘red light’’ corres-

ponding to life-threatening emergencies.

Results. Thirty-six percent of the questions (n = 103) had a correct

response rate below 75%. Thirty-two percent of the questions on

emergency situations (‘‘red lights’’) (n = 37) had a response rate

below 75%. Fifteen percent of the questions (n = 103) had a correct

response rate below 50%, half of which were ‘‘red light’’ (e.g., on

meningitis, diabetic acidocytosis, or shock). Questions concerning

infants (n = 24) had significantly fewer correct answers (correct

ResumeObjectifs. La pratique pediatrique est un exercice difficile ou il

faut apprendre a distinguer parmi une multitude de recours pour

des motifs benins des situations cliniques rares mais potentielle-

ment graves. Notre but etait d’evaluer les connaissances des

etudiants entrant en 3e cycle de medecine generale sur ces

situations.

Methodes. Cent trois etudiants ont ete evalues sur les « feux

tricolores » sous forme de 103 questions a choix multiple (QCM) a

2 modalites (vrai/faux). Ces feux tricolores avaient ete definis par

des praticiens pediatriques du centre hospitalier universitaire

(CHU) et des enseignants de medecine generale de Nantes comme

des fondamentaux de la pediatrie : situations pieges, diagnostiques

ou therapeutiques a ne pas manquer. Le degre d’urgence etait

defini par la couleur, le rouge correspondant aux urgences vitales

immediates.

Resultats. Trente-six pour cent des QCM (n = 103) ont eu un taux

de bonnes reponses inferieur a 75 %. Trente-deux pour cent des

QCM concernant des situations avec urgence vitale (« feux rouges »)

(n = 37) ont eu un taux de bonnes reponses inferieur a 75 %. Quinze

§ Ce travail a ete presente partiellement au congres de la Societe francaise depediatrie a Clermont-Ferrand le 17 mai sous la forme d’une communicationlibre avec la reference CO-83.* Auteur correspondant.e-mail : [email protected] (E. Launay).

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0929-693X/$ - see front matter � 2014 Elsevier Masson SAS. Tous droits reserves.http://dx.doi.org/10.1016/j.arcped.2013.12.025 Archives de Pediatrie 2014;21:265-271

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E. Launay et al. Archives de Pediatrie 2014;21:265-271

response rate below 50%: 29% versus 10%; P = 0.047). All the

students answered seven questions correctly. The students’ mean

score (percentage of good answers) was 76% (� 6%). No student had

100% or less than 50% good answers.

Conclusions. Some life-threatening situations or situations

concerning infants had not been mastered by most of the students.

It is therefore essential to optimize the teaching of pediatrics during

the second cycle of medical studies.

� 2014 Elsevier Masson SAS. All rights reserved.

pour cent des questions (n = 103) ont eu un taux de bonnes reponses

inferieur a 50 %, la moitie concernant des « feux rouges » (meningite,

decouverte de diabete, choc). Les questions concernant les nourris-

sons (n = 24) ont eu significativement moins de bonnes reponses

(taux de bonnes reponses inferieur a 50 % de 29 % versus 10 %,

p = 0,047)

Conclusions. Certaines situations d’urgence ou concernant les

nourrissons ne sont pas maıtrisees par la majorite des etudiants.

Il est donc indispensable de mener une reflexion sur l’optimisation de

l’enseignement de la pediatrie au second cycle.

� 2014 Elsevier Masson SAS. Tous droits reserves.

1. Introduction

Parmi le flot d’enfants porteurs de pathologies benignes quiconsultent en medecine generale ou dans un serviced’urgences, il est parfois difficile d’identifier celui qui estporteur d’une maladie grave. Pres de 70 % des recourspediatriques en medecine generale concernent en effetdes infections benignes notamment respiratoires ou desactes de prevention [1]. Une des difficultes du diagnosticen pediatrie est le caractere frequent et peu specifique decertains symptomes comme la fievre et les vomissementsqui peuvent etre le signe d’une infection virale benignecomme ceux d’une meningite. Si l’experience du medecinest un element essentiel de l’evaluation clinique, elle estdifficilement transmissible ; il est donc indispensable dedonner aux plus jeunes des reperes fondamentaux pour lesaider a detecter dans leur exercice futur les signes d’alertechez l’enfant [2,3]. En effet, selon des donnees de 2007, lapediatrie represente 13 % de l’activite des medecins gene-ralistes [1] noyee dans une pratique exigeant une polyva-lence extreme du suivi systematique de l’enfant bienportant aux problemes specifiques des personnes agees.C’est dans ce but que les enseignants de pediatrie ont misau point des « feux tricolores ». Ces « feux tricolores », pre-sentes initialement sous la forme d’une liste de phrases courtes,sont enseignes au cours du deuxieme cycle des etudes medi-cales et ont fait l’objet d’une publication dans une revue demedecine generale [4]. Ils sont un outil d’enseignementmais egalement d’evaluation des etudiants et donc de notrepedagogie.Le but de notre travail etait d’evaluer les connaissancesdeclaratives des etudiants entrant en 3e cycle de medecinegenerale au centre hospitalier universitaire (CHU) de Nantesconcernant les « feux tricolores » et ainsi d’evaluer indirecte-ment la qualite de leur enseignement au cours du secondcycle. L’objectif secondaire etait d’evaluer l’adequation entreces feux tricolores et la pratique de la medecine generale ensoumettant ces « feux tricolores » a un panel de medecinsgeneralistes.

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2. Materiel et methodes

2.1. Definition des « feux tricolores »

Les « feux tricolores » ont ete definis initialement par lesenseignants de pediatrie du CHU de Nantes comme desnotions essentielles en pediatrie qui devraient etre acquisespar les etudiants de fin de deuxieme cycle d’etudes medicales.Ces notions essentielles concernent des situations pieges (parexemple, ne pas etiqueter trop vite « gastroenterite » desvomissements isoles et savoir se mefier des causes neurolo-giques ou chirurgicales), des situations rares mais graves ou lavitesse de la reponse therapeutique adaptee conditionne lepronostic a court terme (par exemple, savoir reconnaıtre unPurpura fulminans et administrer une antibiotherapie pre-hospitaliere), des situations de prevention essentielle qui,meconnues, peuvent avoir des consequences nefastes (savoirreconnaıtre un enfant ou un adolescent en danger, savoir sereferer au calendrier vaccinal en vigueur. . .). Ces « feuxtricolores » ont ete etablis en concertation avec l’ensembledes praticiens hospitaliers pediatres du CHU, chacun propo-sant 3 a 4 « feux » dans sa surspecialite. Les enseignants demedecine generale ont propose de hierarchiser ces « feux »selon l’orientation a donner au patient pour les adapter a lapratique de la medecine generale : situation pouvant etregeree par le medecin generaliste, situation necessitantun recours aupres d’un specialiste et situation necessitantun recours hospitalier. Les items ont ete classes en rougelorsqu’ils correspondaient a une urgence vitale et necessitaientun traitement urgent, en orange pour les urgences relatives(definies ici comme des situations ne mettant pas le pronosticvital en jeu a court terme mais necessitant une prise en chargespecialisee) et en vert pour les regles de bonne pratiqueelementaires et fondamentales pour une medecine de qualite.

2.2. Soumission des « feux tricolores » a un panelde medecins generalistesAfin d’evaluer la coherence de ces competences etablies pardes medecins hospitaliers a la pratique « de ville », ces « feux

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Connaissances en pediatrie des etudiants en debut de 3e cycle

Tableau IRepartition des questions par disciplines.Disciplines Effectifs (%)

(n = 103)Specialites medicales 53 (51)

Neurologie/developpement 16 (15)Medecine de l’adolescent 7 (7)Nephrologie 6 (6)Cardiologie 5 (5)Endocrinologie 5 (5)Gastro-enrerologie 4 (4)Hematologie 3 (3)Neonatalogie 3 (3)Dermatologie 2 (2)Pneumologie 2 (2)

Infectiologie 33 (32)Specialites chirurgicales 7 (7)Pediatrie sociale 4 (4)Generalites (croissance, constantes vitales. . .) 3 (3)Situations de reanimation 3 (3)

tricolores » ont ete discutes avec deux enseignants de mede-cine generale qui les ont soumis a un panel de 20 medecinsgeneralistes maıtres de stage d’etudiants du 3e cycle. Il leur aete demande d’evaluer la pertinence de ces « feux tricolores »sur une echelle de 0 a 4 (0 = non pertinent, 1 = pas importantdu tout, 2 = pas important, 3 = assez important, 4 = tresimportant).

2.3. Deroulement de l’evaluation

Les 103 « feux tricolores » ont ete transformes en 103 questionsa choix multiple (QCM) avec 2 modalites de reponse : vrai oufaux. Chaque question ne portant que sur un « feu tricolore ».Pour chaque question, il etait egalement demande l’orienta-tion du patient (medecin generaliste, specialiste ou hopital).Ces questions ont ete mises au point par les enseignants demedecine generale et de pediatrie. L’evaluation s’est derouleesur 2 heures, en novembre 2011, lors d’une epreuve ecrite audecours de la reunion d’accueil de 103 etudiants (sur les109 constituant la promotion) entrant en 3e cycle de medecinegenerale.

3. Analyses

Les analyses ont porte sur :� la description des caracteristiques generales des etudiants(faculte d’origine et rang de classement a l’examen classantnational) ;� la description generale des questions (discipline, caractered’urgence vitale, tranche d’age specifique concernee. . .) ;� les taux moyens de bonnes reponses par question (et doncpar « feu tricolore ») afin de degager les notions acquises decelles non acquises par la majorite des etudiants ;� les taux moyens de bonnes reponses par etudiants et leursdispersions ;� l’evaluation de l’importance des feux tricolores par unpanel de medecins generalistes.Les donnees quantitatives ont ete analysees en termes demoyenne et d’ecart-type ou de mediane et d’interquartile encas d’effectifs inferieurs a 30 et comparees par t test deStudent et analyse de variance pour les donnees normalesou par test de Mann-Withney et Kruskal-Wallis pour lesdonnees ne suivant pas une distribution normale. Les donneesqualitatives ont ete analysees en termes de pourcentage avecleur intervalle de confiance a 95 % (en cas d’estimation) etcomparees par test du chi2. Les analyses statistiques ont etefaites avec le logiciel Stata 11.0W.

4. Resultats

4.1. Description des etudiants

Cent trois etudiants ont ete evalues et ont repondu au test surles 109 de la promotion. Pres de 40 % des etudiants avaient

recu l’enseignement de deuxieme cycle a l’universite deNantes. Le rang median de classement a l’examen classantnational (ECN) etait 4338 [extremes 217–7686].

4.2. Description des questions (« feux tricolores »)

La moitie des questions concernaient des disciplines medica-les et un tiers la pathologie infectieuse (tableau I). Vingt-quatre questions (23 %) etaient specifiques au nourrisson.Cinquante-huit questions (56 %) correspondaient a des situa-tions pouvant etre gerees par le medecin generaliste, 23(22,5 %) necessitaient un recours aupres d’un medecin spe-cialiste et 22 (21,5 %) une hospitalisation.

4.3. Taux de bonnes reponses par question (sansl’orientation)

Le taux moyen de bonnes reponses (vrai/faux) pourl’ensemble des questions et l’ensemble des etudiants a etede 76 % (� 24 %), Quarante-huit pour cent des feux rouges ontobtenu une bonne reponse pour moins de 90 % des etudiants(tableau II). Sept questions dont un feu rouge (7 %) ont obtenuun taux de bonnes reponses de 100 % (tableau III) et 15 (15 %)ont obtenu un taux de moins de 50 %, pres de la moitieconcernant des « feux rouges » et pres d’une moitie egale-ment (47 %) concernant le nourrisson (tableau IV). Il y a eusignificativement plus de questions avec un taux de bonnesreponses de moins de 50 % parmi les questions concernantspecifiquement les nourrissons que parmi les 79 autres (29 %versus 10 %, p = 0,042).

4.4. Taux de bonnes reponses avec bonneorientationLe taux moyen de bonnes reponses (vrai/faux) avec bonneorientation (medecin generaliste, specialiste, hopital) pour

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E. Launay et al. Archives de Pediatrie 2014;21:265-271

Tableau IIRepartitions des questions selon leur taux de bonnes reponses,n (%) [IC95 %].Taux debonnesreponses(%)

Ensemble desquestions(n = 103)(%)

Questionsspecifiquesau nourrisson(n = 24)(%)

« Feux rouges »(n = 37)(%)

100 7 (7) [2–12] 2 (8) 1 (3)[90–100] 33 (32) [23–41] 8 (33) 18 (4)[75–90] 26 (25) [16–34] 1 (4) 6 (16)[50–75] 22 (21) [13–29] 6 (25) 5 (13)< 50 % 15 (15) [8–22] 7 (29) 7 (19)IC : intervalle de confiance.

Tableau IIIDetails des questions ayant un taux de bonnes reponses de100 %.Intitule de la questionDevant un amaigrissement chez l’adolescente suspecte

d’anorexie, il n’y a pas lieu de faire un bilan somatiqueDevant des cephalees, il faut rechercher systematiquement

les autres signes d’hypertension intra-cranienne(bradycardie, vomissements, paralysie oculomotrice,asymetrie pupillaire, fontanelle bombante. . .)

Il faut changer de lait en cas de gastroenterite chez un enfantde plus de 4 mois

Il ne faut pas alterner de principe paracetamol et ibuprofenedans la prise en charge de la fievre de l’enfant

L’inquietude des parents dans l’evaluation d’un enfantmalade n’est pas un critere a retenir

Peser tout enfant de moins de deux ans qui presente unegastroenterite n’est pas indispensable

Tout etat d’agitation de l’adolescent est en lien avec unepathologie psychiatrique

l’ensemble des questions et l’ensemble des etudiants a ete de44 % (� 23 %). Le detail de la repartition des reponsesconcernant l’orientation est donne dans le tableau V.

4.5. Taux de bonnes reponses par etudiants

Le taux moyen de bonnes reponses (vrai/faux) des etudiants aete de 76 % (� 6 %). Aucun etudiant n’a eu un taux de bonnesreponses � 90 %, 63 etudiants (61 %) ont eu un taux debonnes reponses entre 75 % inclus et 90 %, 40 (39 %) onteu un taux de bonnes reponses entre 50 % (inclus) et 75 % etaucun n’a eu un taux de bonnes reponses de moins de 50 %.

Tableau IVDetails des questions ayant eu un taux de reponses de moins de 50Intitule de la question

Avant 6 ans toute sinusite maxillaire doit etre traitee par antibiotiqDevant une augmentation recente du perimetre cranien, toujours p

la fontanelle (bombante ?) et demander une imagerieIl faut debuter le massage cardiaque externe chez un nourrisson

bradycarde < 60/min car il s’agit d’une inefficacite circulatoireIl faut demander un scanner cerebral chez tout enfant porteur d’un

ventriculaire qui presente des cephalees ou vomissementsL’absence de raideur chez le nourrisson elimine le diagnostic de meLa presence d’une ecchymose ou fracture avant l’age de la marche

d’une maltraitanceMeme en l’absence de fievre ou en l’absence d’otalgie chez l’enfant

le diagnostic d’otite moyenne aigue se fait sur le seul examen otToute decouverte de diabete necessite une hospitalisation en urgenToute infection urinaire au-dela de 5 ans doit faire rechercher une inUn bilan endocrinien doit etre programme si la vitesse de croissancUn jeune garcon qui presente des troubles recents de la marche ave

pour se relever doit faire pratiquer un dosage de LDHUn souffle cardiaque isole, detecte chez un enfant de moins de un

l’avis d’un cardiologueUne boiterie febrile est une infection osteo-articulaire justifiant de

d’un traitement antibiotique sans delai par le medecin traitantUne fievre a 39 8C peut s’accompagner isolement d’une tachycardie

un enfant de 3 ansUne otite moyenne aigue avant 3 mois doit etre mise d’emblee souLDH : lactate deshydrogenase.

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4.6. Evaluation des « feux tricolores » par un panelde medecins generalistesDix medecins generalistes impliques dans la formation desetudiants en 3e cycle (maıtres de stage) ont repondu. Huit ouplus d’entre eux ont considere 25 « feux tricolores » (24 %)comme tres importants et 83 (80 %) comme assez ou tres

%.Nombre de bonnes reponses

ue 24 (23 %)alper 44 (43 %)

8 (8 %)

e derivation 26 (25 %)

ningite 10 (10 %)est le signe 51 (49,5 %)

d’age verbal,oscopique

31 (30 %)

ce 41 (40 %)stabilite vesicale. 35 (34 %)

e est < 4 cm/an 30 (29 %)c difficultes 13 (13 %)

an, necessite 51 (49,5 %)

la mise en route 47 (46 %)

a 170/min chez 15 (15 %)

s antibiotique 19 (18 %)

Page 5: Les « feux tricolores » en pédiatrie : état des lieux des connaissances en début de 3e cycle de médecine générale

Connaissances en pediatrie des etudiants en debut de 3e cycle

Tableau VRepartitions des reponses « orientations » en cas de bonne reponse a la premiere partie de la reponse (vrai/faux) (n = 8101).

Reponses donneesMedecin generaliste Medecin specialiste Hopital Pas de reponse ou non valablea

Reponses attendues n (%)Medecin generaliste n (%)

n = 46732969 (64) 471 (10) 450 (10) 783 (16)

Medecin specialiste n (%)n = 1705

275 (16) 721 (42) 349 (20) 360 (22)

Hopitaln = 1723

202 (12) 136 (8) 1028 (60) 357 (20)

a La reponse etait consideree comme non valable lorsque plus d’une orientation avait ete cochee.

importants. La moitie au moins des medecins a considere 102« feux tricolores » (99 %) comme assez ou tres importants.Vingt-neuf (28 %) « feux tricolores » ont ete juges nonpertinents par au moins un des medecins dont 7 par au moins2 medecins. Ces 7 « feux tricolores » concernaient l’indicationde la voie intra-osseuse, le diagnostic de syndrome hemoly-tique et uremique (SHU), l’equilibre hydro-sode et la trau-matologie. Quatorze des 37 (38 %) « feux rouges » ont etejuges comme tres importants par 8 ou plus des medecinsgeneralistes ayant repondu, 27 (73 %) « feux rouges » ont eteevalues comme assez ou tres important par 8 ou plus desmedecins. Un « feu rouge » a ete evalue comme non pertinentou pas important par plus de la moitie des medecinsgeneralistes.

5. Discussion

L’evaluation des etudiants entrant en 3e cycle de medecinegenerale au CHU de Nantes en novembre 2011 a mis enevidence que pres de la moitie des « feux rouges », corres-pondant a des situations d’urgences vitales en pediatrie, etaitmaıtrisee par moins de 90 % des etudiants. Dix-neuf pour centont obtenu de mauvaises reponses de la part de plus de 50 %des etudiants et le taux de bonnes reponses etait significa-tivement plus souvent inferieur a 50 % quand les questionsconcernaient les nourrissons (29 % versus 10 %, p = 0,042).Quatre-vingt pour cent des 103 « feux tricolores » ont etejuges comme assez ou tres important par 8 ou plus des10 medecins generalistes ayant repondu.Le but de cette etude etait de faire un etat des lieux desconnaissances declaratives des etudiants entrant en debutde troisieme cycle concernant les « feux tricolores » enpediatrie et donc d’evaluer indirectement l’enseignementde pediatrie au second cycle. Le choix de la modalite d’examen(QCM vrai/faux) nous a permis d’evaluer l’ensemble des « feuxtricolores » de facon rapide avec une correction aisee. Cepen-dant, cette modalite d’evaluation ne nous a pas permis d’acce-der au raisonnement clinique des etudiants contrairement ad’autres modalites d’examen comme les vignettes cliniques oule test a concordance de script [5,6]. Il ne permet pas non plus

d’evaluer la capacite de decontextualisation/recontextualisa-tion des connaissances acquises par les etudiants.La population etudiante n’a pas ete constituee par echantil-lonnage aleatoire representatif de l’ensemble des etudiantsfrancais entrant au 3e cycle. Cependant environ 60 %venaient d’une autre faculte que celle de Nantes : cetteevaluation des etudiants n’etait donc pas uniquement lereflet de l’enseignement local. La comparaison de nos resul-tats a l’echelle internationale est delicate du fait des grandesdifferences dans les systemes d’enseignement et du peud’etudes publiees dans la litterature sur l’evaluation globaledes connaissances en pediatrie des etudiants de medecinegenerale. Thompson et al. se sont interesses a la questionspecifique de la prise des constantes vitales par les medecinsgeneralistes lors des consultations pediatriques et aux symp-tomes qu’ils evaluaient en priorite pour detecter une infec-tion severe. Ils ont montre que sur les 162 medecins ayantrepondu a leur questionnaire (soit 77 % des interroges), seuls21 % mesuraient la frequence cardiaque au moins une fois parsemaine (les autres la prenaient moins souvent). Ils ontegalement mis en evidence que seulement 37 % des medecinsparticipant consideraient la frequence cardiaque et 52 % lafrequence respiratoire comme de bons indicateurs de gravite[7]. Cette question correspondait a 2 « feux rouges » et 1 « feuxvert » : « chez un enfant febrile dont la frequence cardiaquen’est pas correlee a la temperature (compter environ 15 bat-tements supplementaires par degre de temperature au-delade 37 8C) », « rechercher de principe des signes de gravite chezun enfant febrile (purpura, Glasgow < 15, frequences car-diaque et respiratoire chiffrees interpretees en fonction dela temperature, allongement du temps de recolorationcutane) » et « chiffrer precisement la frequence cardiaquelors de l’examen clinique de l’enfant (en battements parminute), avoir a disposition les normes correspondant al’age ». Une des questions « feux rouges » n’a obtenu que15 % de bonnes reponses (tableau II). Ces resultats sontcomparables a ceux de l’etude de Thompson et al. cependantles 2 populations etudiees n’etant pas les memes il estdifficile de conclure que l’absence de prise de constantespar les medecins generalistes est associee a un defaut de

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E. Launay et al. Archives de Pediatrie 2014;21:265-271

connaissance theorique de leur importance. Dans une etudeneerlandaise s’interessant a la relation entre competence etperformance chez 36 medecins generalistes, il apparaissaitque les scores obtenus aux tests de competences etaient depres de 50 % meilleurs que ceux obtenus au tests de per-formances [8]. Performance et competence ne sont donc pasassociees de facon lineaire.Les « feux tricolores » ne constituent pas un referentielnational d’apprentissage et n’ont ete valides qu’a l’echellelocale par des medecins specialistes et generalistes. Il estimportant que la reflexion sur la problematique des compe-tences indispensables aux medecins generalistes soit colle-giale [9]. En 2011 une equipe canadienne a publie une etudedont l’objectif etait de redefinir par methode Delphi lescompetences des medecins generalistes en interrogeant302 medecins examinateurs a l’examen de certification.Ils ont ainsi identifie 99 sujets prioritaires pour evaluerles competences des medecins generalistes, parmi les sujetspediatriques ou potentiellement pediatriques les plus cites :les infections respiratoires hautes (35 %), le suivides nourrissons (25 %), les violences familiales (33 %), l’asthme(33 %), la fievre ou la meningite n’etant citees que par 15 % et2 % respectivement [10]. Les preoccupations des medecinsgeneralistes ne sont donc pas forcement toujours en adequa-tion avec celles des specialistes pediatres notamment hospi-taliers. Il est donc important que nos « feux tricolores » soientvalides par un plus large echantillon a la fois de medecinsgeneralistes et de medecins specialistes.Les apprentissages des etudiants au cours du second cyclesont conditionnes par le programme de l’ECN. Il peut etredifficile pour les etudiants de distinguer les notions fonda-mentales a leur exercice futur dans ce vaste programme, peutetre marque par la « couverturite » (« une attitude d’espritplus ou moins violente, consciente ou inconsciente de la partd’un enseignant (ou d’un etudiant) tendant a vouloir couvrirun sujet, theme ou partie du contenu d’un cours ou d’unprogramme ») decrite par Guilbert [11,12]. Une des difficultesest bien sur de trouver un consensus autour de ces « notionsfondamentales ». Les « feux tricolores » ne se substituentevidemment pas au programme de l’ECN. Ils constituent unsupport d’apprentissage dont l’efficacite reste a evaluer etun outil d’enseignement qui doit etre optimise. Leur legitimitedoit etre renforcee par une validation par un plus largeechantillon de professionnels et d’enseignants en medecinegenerale et en pediatrie. Leur modalite est egalement ame-liorable en renforcant par exemple l’enseignement du savoir-faire par des mises en situations scenarisees. La pratiquepediatrique implique en effet des capacites de communica-tion avec les parents, de discrimination des symptomesimportants a travers ceux rapportes par les parents et ausside gestion du stress liee a la vraisemblance du contexte [13].Les mises en situation scenarisees se pretent tout a fait al’exercice de cette pratique. Une difficulte de la pediatrieest egalement de savoir reperer les enfants malades ou

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potentiellement severement malades (ce que les anglaisdecrivent comme le « gut-feeling ») [3]. La pratique cliniquelors de stages hospitaliers ou en soins primaires permet dedevelopper cette capacite mais le nombre croissant d’etu-diants pourrait limiter leur exposition clinique. Il en est dememe du developpement d’outils video comme cela a ete faitpar une equipe anglaise a la demande du ministere de la santequi a mis a la disposition des enseignants et des etudiants desvignettes cliniques filmees, axees sur l’evaluation cliniqueface a differents symptomes courants en pediatrie (fievre,rash, gene respiratoire. . .) (www.spottingthesickchild.com)[14,15].

6. Conclusions et perspectives

L’enseignement de la pediatrie au cours du second cycle desetudes medicales est l’occasion de former des praticiensnotamment generalistes qui devront prendre en charge desenfants en premiere ligne. Devant ce constat d’une insuffi-sance des connaissances declaratives des etudiants entrant en3e cycle concernant les « fondamentaux » de la pediatrie, il estimportant de mener une reflexion sur la mise au point d’unsupport d’apprentissage commun a la medecine des enfantset l’utilisation de moyens pedagogiques interactifs et effi-cients adaptes a chaque cycle de formation (2e, 3e cycle etdeveloppement professionnel continu).

Declaration d’interets

Les auteurs declarent ne pas avoir de conflits d’interets enrelation avec cet article.

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