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Les Français et la mort : nouvelles représentations, nouvelles attentes Tanguy Châtel Sociologue Etude menée pour la CPFM et la CSNAF Salon Funéraire, Paris, 18 novembre 2011

Les Français et la mort : nouvelles représentations, nouvelles attentes Tanguy Châtel Sociologue Etude menée pour la CPFM et la CSNAF Salon Funéraire,

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Les Français et la mort :nouvelles représentations,

nouvelles attentesTanguy Châtel

Sociologue

Etude menée pour la CPFM et la CSNAF

Salon Funéraire, Paris, 18 novembre 2011

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Des métiers sous pression

Familles (clients)- Caractéristiques - Besoins- Préférences

Journalistes (phénomènes)- Coût- Tendances (nouveau)

• Innovation (provocation)• Ecologie• Nlles technologies

Observateurs (chercheurs):-Modernité :

• Socialités• Personnalisation• Ritualités

12%

33%

48%

7%

Oui, souvent Assez souvent Rarement Non, jamais

Be

soin

s

Lieu et circonstances du décès (fin de vie et mort)

Observateurs (sondages):- État des lieux- Tendances

Pouvoirs publics- Nouvelles normes

58%26% 11%

Pre

statio

ns?

15%

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Une nouvelle étude ?

Pourquoi ?• Suivi régulier de l’évolution du secteur

• Un champ en pleine reconfiguration

– Tensions de la modernité sociologie (culture, marché…)

– Hypermédiatisation – « mort intime »

Une étude croisée :• Le points sur les regards extérieurs (macro)

Etude bibliographique

+ enquêtes d’opinion (quantitatif)

• Vécus et représentations intimes (micro)

Enquête de terrain (qualitatif) : entretien

Convergences Divergences

Repères pour les professionnels

Les études disponibles :• CREDOC : enquêtes de

comportements consommation

• Sondages (IFOP, CSA…) : approches quantitatives

• Communiqués et articles de presse

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Quelques paradoxes courants•On se sent seuls – la mort aide à (re)faire lien•Parler – Ne rien dire•Célébrer le défunt – faire sens pour les vivants•Un évènement ordinaire – unique•Hommage au défunt - déni de la mort•Conserver (corps, mémoire) - tourner la page•Intérêt pour les cimetières – peu visités…

Quelques repères sociologiques : tendances paradoxales

Individualisme et utilitarisme

Matérialisme et économie

Urgence et anticipation

Globalisation

MOI(individualisme)

TOUT(+ détails)

CONTRÔLE(matérialism

e

VITE(rapport

au temps)Retour du

sens

Hyper spécialisation

Responsabilité et solidarité

Patience et tempérance

Qui ?

Comment ?

Quoi ?

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INDIVIDUALISME MATERIALISME

Le regard des observateurs sur la mort

La mort n’échappe pas à la modernitéElle est toujours de son temps… : Reflet de la culture de son temps : coût, socialités, technologies, écologie, artElle est le reflet des ambivalences humaines : injonctions paradoxales

Individualisée (MOI)Privatisation ; ma mort

Matérialisée (CONTRÔLE)Hyper maîtrise ; choix et liberté

DésocialiséePerte du lien, des

solidarités, sortie du langage (tabou)

Dépersonnalisée Factuel ; déconstruction

DéshumaniséeMédicalisation

(acharnement thérapeutique)

DéréaliséeVirtualisée, à distance Désertée (cimetières)

Tendances : anticipation, resocialisation, réhumanisation, respiritualisation…

DéspiritualiséeProfane ; perte

symbolique(trop humaine)

RetardéeEspérance de vie

SoulagéeLutte c/souffrance

DéritualiséeHommage

Personnalisation

Constats : perte de lien, perte de sens, perte de réalité, excès de réalisme

InstitutionnaliséeProfessionnalisée

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Les Français et la mort (nouvelles représentations)

• La mort est étrangère

91% des Français en ont une expérience personnelle (Ifop)

45% y pensent régulièrement Ils pensent à leur mort ou à

celle de leurs proches (2/3), plus qu’aux défunts (1/2).

L’expérience change le regard

• La mort fait peur

C’est la maladie, la souffrance, la perte d’autonomie et la solitude (plus que la mort elle-même), qui font aujourd’hui surtout peur

39% se déclarent même « sereins » et 15% « détachés » (Sofrès)

La peur de quitter semble primer sur la peur de perdre

• On ne sait plus (peut plus) parler de la mort

La parole tend à se libérer et à libérer.

Le tabou recule (IFOP) : la mort tend à retrouver « droit de cité »

Réinventer les mots ?

• On est forcément très seuls dans la mort

La moitié des Français se figurent qu’on meurt forcément très seuls

En pratique, peu meurent seuls (INED)

La mort continue de rassembler (91%)

• La mort est de moins en moins célébrée et ritualisée

Le besoin de célébration demeure (Bréchon : 72%) : hommage

Besoin d’un lieu de recueillement même s’il est moins visité

Des besoin de rites et de symboles même en cas de cérémonie civile

• La crémation est de plus en plus appréciée

En intentions En pratique… A posteriori : plutôt

négatif• Violent• Aseptisé, sans âme• Pauvre de sens/lien

Un constat moins tranché que ce qui est annoncé…

« Les cématoriums ? On dirait parfois un hôtel de luxe… C’est

beau, mais froid.»

«  La mort révèle bien des souvenirs… et bien des

secrets…  »

« Ils étaient là… »« Je ne lui ai jamais pardonné de ne pas être venu… »« On s’est rejoint. Dans la douleur, mais on s’est rejoint. »

«  On ne savait pas quoi dire, mais c’était finalement

bien comme ça…  »

« Le cercueil, au moins il est à sa taille. Alors que l’urne...»

« Trop rapide. Moi j’avais besoin d’étapes...»

« A l’Eglise, c’est autre chose ! »

« Qu’est-ce qu’ils vont devenir sans moi ? »

« Ca s’est fait en catimini !!! »

« Je n’y vais pas mais je sais où il est et qu’il y est bien. »

« Je me souviens même du dernier souffle de mon chat… »

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Des nouveaux besoins ?

• Des besoins traditionnels de prestation funéraire

Une exigence accrue de qualité compétence, formation, discrétion

• Des besoins modernes d’information, de conseil, d’assistance

Impréparation devant la mort

Des options de plus en plus abondantes

Effacement des traditions et des solidarités

Aider au choix : autonomie

• Des besoins forts d’accompagnement

Prendre soin : le professionnel du funéraire tend à remplacer le médecin, le curé, le notaire…

Personne de confiance : accompagnement au long de la vie (maladie/vieillissement, deuil)

Valeur ajoutée de la qualité de la relation : humanité

Or une aide extérieure est encore rare (29%, Ifop)

Elargissement du champ d’intervention• Avant : contrats obsèques• Pendant : formalités légales, funérarium,

banque, assurance, rapatriement, soins de conservation, modalités des

funérailles, organisation de la cérémonie, sépulture…• Après : cérémonie du souvenir

L’obsession de la qualité

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Des nouveaux besoins ?• Des besoins avérés, confirmés

• Du professionnalisme : compétence, conseils avisés, zéro défaut (risques traumatiques)

• De l’accompagnement humain : accueil, écoute, sollicitude…

• Du multiservices : délégation de multi-tâches aux entreprises

• De la personnalisation : rester fidèle (à la personne, à des traditions) dans des cérémonies « à la carte »..

• Du « sacré » : de la ritualisation et de la symbolisation mais pas artificielle. Du spirituel également à la carte.

• Du beau : attentes à l’égard de l’art funéraire mais mal identifiées. Insatisfaction globale mais pas d’idées précises. Peu d’intérêt pour les objets funéraires

• Du sobre : pas d’ostentatoire (Crédoc)

• Des lieux de recueillement (funérarium, cimetières…) renouvelés : moins austères, plus « vivants », modernisés (87% fréquentent les cimetieres, crédoc 2009).

• Des besoins moins évidents

• De l’anticipation (conventions obsèques) ? Attentes ambigües (23% crédoc 2009)

• De l’innovation ? Pas évident. Pas au risque de l’extravagance…

• De l’écologie : un « plus » pas primordial.

• Internet : avis plutôt négatif. Ok si outil. Rejet du « gadget » ou du pathos ?

• Le coût : pas mis en avant.

« Le cimetière, c’est mon refuge. Je n’ose pas pleurer

devant ma famille… »

« Les soins de conservations ? Elle était jolie, mais ce n’était pas elle… »

« Il faudrait que je le fasse… »

« Ils nous ont fait comme une messe...»

« Le cercueil décoré, c’était rigolo mais ça me détournait

du recueillement…»

« Le thanatopracteur, c’était un artiste… »

« Le funérarium, c’est immonde… »« Ca sentait bon… »

« Il repose à côté d’un inconnu… J’ai réservé l’autre côté pour qu’il me sente près de lui »

« Les objets ne sont pas beaux. Pourquoi ils ne font pas de beaux objets ? »

« Je suis déjà tellement sur internet toute la journée…»

« Les condoléances par mail, ca s’efface vite…»

« Ils étaient très bien… »

« Mais les autres, la deuxième fois, qu’est-ce qu’ils m’ont bien accueillie… Rétrospectivement les premiers m’ont paru pas assez compétents »

« Ca soulage… »

« Elle n’aurait pas voulu ça… »

« On a fait le bilan carbone ?»

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Questions émergentes : à accompagner…

• Une injonction forte à réussir sa mort :

La bonne fin de vie, la bonne mort, le bon décès, le bon deuil

• Modèle, sécurités : recours aux professionnels (zero défaut)

• Réglé comme du papier à musique : anticipation, planification, orchestration

La mort un évènement comme un autre (banalisation) - un évènement unique (enquête)

Des demandes de simplicité - hommage

• Les nouveaux désirs d’immortalité liés à la modernité

• Devenir inoubliable :

• La conservation du corps, des souvenirs… L’éternité à portée de clic

• Rien ne se perd, tout se conserve : Tout régler et subsister…

• Devenir immortel : les sirènes de la transhumanité

• L’oubli malgré tout : la séparation et le deuil.

• Passer…

« La bonne mort » : modèles

Deux visions antagonistes : Accompagnée, soulagée,

consciente Volontaire, rapide, indolore,

inconsciente

Et la mort par surprise ? La mort douce La mort violente

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Questions émergentes : à accompagner…

Identité et pratique catholique

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1950 1970 1990 2006

Identité(IFOP)Pratique(IFOP)Pratique(CSA)

• La place du tabou

• La persistance du tabou ? Un mal ?

• La fin du tabou ? Une panacée ?

• La fonction du tabou : entre déni et tabou

• Les nouveaux besoins spirituels

• Un fracassement des repères et des pratiques en matière religieuse

• Le besoin de rituel – de sacré – de spirituel (crédoc 2009 : 15% inutile)

• L’ensauvagement de la mort l’ensauvagement du rituel et du spirituel

Renouveau spirituel ou paganisme ?

Selon vous qu'y a-t-il après la mort ?

Nsp3%

La résurrection des morts

10%La réincarnation

dans une autre vie

8%

Il y a quelque chose mais je ne sais pas

quoi53%

Il n'y a rien26%

Source CSA 2007

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Perspectives : au carrefour de la tradition et de la modernité

• Alléger le soupçon (mort-argent) : transparence, éthique

• Soigner l’image : a priori – a posteriori (84% crédoc)

• Accompagner la mutation culturelle du rapport à la mort

• Recueillir de l’information : S’adapter ou anticiper ?

Développer les études qualitatives

• « Professionnaliser » l’accueil et l’accompagnement Un recours accru aux professionnelsUne double confiance professionnelle et humaineDes métiers en cours de féminisationDes métiers au plus près des ambivalences humainesDes besoins de sélection, de formation, de supervisionLa satisfaction des personnels (sens, reconnaissance)

• Contribuer à une mise en sens de la mort

• Participer au renouvellement des lieux funéraire et à « l’urbanité » de la mort : Aider la mort à retrouver « droit de cité »

« Innover sans trahir… »