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LESFRICHESCULTURELLESD’HIERÀAUJOURD’HUI:ENTREFABRIQUESD’ART

ETDÉMARCHESARTISTIQUESPARTAGÉES*

PhilippeHENRYJanvier2013

RésuméLa revitalisation de bâtiments industriels et commerciaux délaissés en espaces de projets

artistiquesetculturelsestrécemmentdevenuunenjeud’aménagementlocal.Cesespacespeuventdésormaissesituerassezloindespremièresexpériencesdefrichesculturelles,apparuesenEuropedès la fin des années 1970. Héritières des formes de contestation sociale et politique de cetteépoque, celles-ci se sont longtemps voulues exemplaires d’une circulation entre processusartistiquesetautresdimensionsdelaviesociale.Leséquipesartistiquesquigèrentaujourd’huidetels espaces ne se réclament pas toutes de cette dynamique historique. Elles se trouvent plusnettementconfrontéesàunetensioncroissanteentre,d’unepart, leurvolontéd’êtreouderesterdeslieuxd’expérimentationetdeprésentationartistiques,auseindefilièresquisesontfortementprofessionnalisées,et,d’autrepart,leurdésir–trèsvariableselonlescas–depriseencomptedespréoccupationsidentitairesetculturellesdespersonnesvivantdansleurterritoiredeproximité.

AbstractThe revitalizing of abandoned industrial or commercial buildings transformed into spaces

dedicated to artistic and cultural projects has recently become a stake in local development. Thosespacescanbelocatedratherfarfromwheretheculturalfactorieswerefirstexperimented,thatistosayinEuropebytheendof1970s.Astheheirsoftheformsofsocialandpoliticalcontestofthetime,they have longwanted to exemplify the circulation between artistic processes and other aspects ofsocial life.Today’sartisticteamsthatmanagesuchplacesdonotyetallclaimtohavetheirroots inthathistoricalprocess.Theyaremoreclearlyconfrontedwithanincreasingtensionbetween,ontheone hand, theirwill to be or remain placeswhere experiments aremade and artisticworks shownwithinsectorsthathavebecomestronglyprofessionalized,andontheotherhandthedesiretheyhave,whichcangreatlyvary,totakeintoaccountthesearchforidentityandcultureofthepeoplelivingintheareawheretheyareestablished.UNEHISTOIREDÉSORMAISPLUSQUETRENTENAIREExpérimenterdenouvellesdémarchesartistiquesetculturellesLaréappropriationpardesgroupesd’artistesoudesporteursdeprojetsculturelsdebâtiments

industriels délaissés, souvent situés en périphérie de centres urbains, est un phénomèneinitialementapparuàpartirdesannées1970dans leNordde l’Europe,pourconcerner laFrancesurtoutdepuislemilieudesannées1980.Danslamesureoùlaprésenteétudeporteavanttoutsuruneanalyseproblématiséedecesdémarchesdanslecontextefrançaisetpourlapériodeentrefindu 20ème et début du 21ème siècles, nous emploierons le terme de «friches culturelles» qui y aprévalupourdésignerde façongénériquecesaventures,pourtantàchaque foissingulières.DanslespaysduNordde l’Europeet toujoursen lienavec lepassédesespacesreconvertis,on trouve

*Cetarticleestlareprise,revueetaugmentéedenouveauxcas,delapremièrepartieduRapportdesynthèsedéjàécritepar l’auteur en avril 2010pour la tâche “Identificationdes spécificités des bâtiments en friche recyclés en espaces deprojets artistiques et culturels”, dans le cadre du projet CPER 2008-2009 Haute-Normandie «La friche, cadre d’uneaventureculturelleetespaceurbainpolyvalentetdurable».

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plutôt le termede «fabrique» (factory, Fabrik) diversement associé aux vocables art ou culture,uneterminologiequitendd’ailleursdepuispeuàsedévelopperenFranceetquenousutiliseronsdoncégalementdansnotrepropos.Héritièresdesformesdecontestationsocialeetpolitiquedecesannées1970etinfluencéespar

lesmouvementsdecontre-culturequi leursontassociés, lespremièresfrichesculturellessontentoutcasexemplairesd’unevolontédesedistinguerdelaconceptiondespratiquesartistiquesquidomineàl’époquedansleséquipementsartistiquesetlesmondesinstituésdel’art.Àunetrèsfortecentrationsurl’originalitédel’œuvred’artetl’autonomiedel’artisteprofessionnel,s’opposeainsiune volonté de circulation plus affirmée et réciproque entre processus artistiques et autresdimensionsdelaviesociale(Henry,2010).Selon des choix pragmatiques divers depuis l’ouverture duMelkweg à Amsterdam en 1970,

l’installation de praticiens artistiques et culturels à la ufaFabrik de Berlin dès 1979, au ConfortModerne à Poitiers à partir de 1985 ou à L’Usine à Genève depuis 1988 illustrent clairement cephénomène (Raffin, 2007). Le développement des friches culturelles coïncide aussi avec lebasculementdenossociétésversunnouveaurégimegénéraldedéveloppement,oùlesproductionsculturellesjouentunrôledeplusenplusdéterminant(Warnier,1999;Mattelart,2007).Faceàlapuissance pour partie uniformisante des industries culturelles, les friches représentent, dès leurouverture,une revendicationde«diversité culturelle»qui vadevenirbientôtunepréoccupationgénéraledenossociétés.Danscespremierslieux,ilestaumoinstoujoursquestiond’expérimenterdenouvellesmodalitésd’inscriptiondel’artdanslasociétéetd’explorerdenouvellesesthétiques.

Toutau longdesannées1980et surtout1990, ces initiativesvontdévelopper–en interneetdans le rapport à leur environnement – une véritable esthétique de la coopération artistique etculturelle,fondéesurl’horizond’unerelationplussymétriqueentreacteursporteursd’altérité(enparticulierculturelleetsociale)lesunsvis-à-visdesautres.EnFrance,onassisteàuntriplemouvement.Lesmembreslesplusactifsdesfrichesculturelles

seprofessionnalisent,assimilantàleurmanière–toujoursquelquepeudécalée–lesconventionsetles modes de fonctionnement de mondes de l’art qui se développent, se structurent et sehiérarchisent au même moment (pour le spectacle vivant non musical, voir: Abirached, 2005;Henry, 2009). Dans une succession ininterrompue de projets, le plus souvent limités dans leurdurée,unemultiplicitéd’actions,dedispositifs,demisesenrelationtrèsdiversesentreartistesetnonartistessetrouveexpérimentée.Cettelogiquedeprojetspermetdemainteniruneplaceetuneattentionréellespourlespratiquesdesamateursoudesnonprofessionnelsdel’art,enparticulierquandleursmotivationsculturellesviennentcroiserdesenviesplusprécisémentartistiques.

DeCultureCommunemiseenplacesurunanciensiteminieràLoos-en-Gohelle(1990),àSystèmeFricheThéâtres’installantsurceluidelaSeitadanslequartierdelaBelledeMaiàMarseille(1992),jusqu’auTNTouvrantdanscequifutunemanufacturedechaussuresàBordeaux(1998-2012)ouMains d’œuvres investissant un établissement délaissé d’activité sportive et sociale del’équipementier Valeo à Saint-Ouen (1999), les exemples abondent en France de cette secondepériode.Touteunepalettedesituationsestnéanmoinsperceptible,del’opportunitédonnéeàuneéquipe porteuse d’un projet artistique de s’installer dans un lieu qui a surtout l’avantage d’êtredisponible(TNT) jusqu’ausauvetaged’unespacepatrimonialvouéà ladestructionetquidevientsupport d’un projet de développement pour tout un territoire (Culture Commune). Demême, onpeut avoir affaire à un bâtiment non inscrit dans un périmètre de rénovation urbaine (Mainsd’œuvres)ou,aucontraire,partieprenanted’unerequalificationdegrandeampleur(FrichelaBelledeMai).Tousceslieuxs’inspirentencoretrèslargementdelaconceptionfondatriced’uneautrefaçonde

fairedel’art.Ilssontimprégnésparl’idéed’envisagerdemanièreplusinteractiveetsymétriquelesrapports entre l’art, lespopulationset leurs territoiresdevie,mêmesi cettevisée comporteunepart d’idéal dont il faut évaluer les possibilités effectives et les réalisations. D’un autre côté, lesenjeux propres aux porteurs de projets, les nouvelles générations qui cherchent d’abord àconstruireleurpropreparcoursprofessionnel,lesfortesévolutionscontextuellesaboutissentàdetrès nets changements d’attitude et de fonctionnement. Ainsi et à côté de positionnements plusidéologiques, sont désormais centraux les nécessités de survie économique ou d’existence

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institutionnelle, tout autant que les besoins de reconnaissance sociale. La volonté d’investir unefriche comme espace d’abord destiné au travail artistique est trèsmarquée en France. Ce choixn’exclut pourtant pas que la morphologie des lieux ou leur environnement spatial et socialnourrissent,enretour,leprojetinitialetconduisentàdespropositionsesthétiquessingulières.Lesquatre cas qu’on vient de citer illustrent cette tension permanente – et l’ajustement constant –entreprojetsartistiquesparticuliersetréalitéducontexteproximaldechaquefricheculturelle.

Ces véritables espaces de projets restent marqués par une très grande précarité socio-économique.Celle-cirésulte,pourunelargepart,deleurdifficultéàmieuxfairereconnaîtreleursapportsspécifiquesaudéveloppementartistiqueetculturel–auplanlocal,commesurunplanplusélargi – en complément des établissements artistiques et culturels et des politiques culturellespubliques déjà en place. De ce point de vue, le contexte français, où les politiques publiques enmatièred’artsontencoretrèslargementdominéesparledoublethèmedel’excellenceartistiqueetdel’accessibilitéduplusgrandnombreauxœuvresd’artproduitespardesprofessionnels,signalela marge très étroite de viabilité symbolique et économique pour les expériences de fricheculturelle. Des aides duministère de la culture sont bien observables, parfois dès l’origine,maissurtout sur des projets particuliers et ayant une dimension affirmée de création artistique. C’estd’abordparlebiaisdelapolitiquedelavilleetdel’aideauxquartiersdéfavorisés(Gazeau,2012),parlespolitiquesd’aidesocialeoudesoutienàl’emploi,aussiparunsoutiendespouvoirslocaux(plussensiblesauxenjeuxcroisésdudéveloppementterritorialisé)quelesfrichesculturellesvonttrouver des aides publiques minimales, complémentaires à leurs ressources propres et leurpermettantdetenirmoisaprèsmois.UnenouvelledonnedansunenvironnementglobaltransforméL’étude comparative et dans la durée de cas concrets1 permet d’avancer l’idée que les friches

culturellesaccompagnent lesbouleversements internes,dans ledernierquartdu20èmesiècle,desmondesdel’artet,enretour,participentauxmutationsdesrapportsdecesderniersaveclasociétédanssaglobalité.Lenetmouvementdeprofessionnalisationetdestructurationdecesmondesenfilièressocio-économiquesconstituéescroisedesévolutionsdetrèsgrandeampleur.Autraversdelamondialisationd’unnouveaumodededéveloppement(BoltanskietChiapello,1999),onassisteàlamontéeenpuissanced’unehybridationinéditeentredéveloppementcultureletartistiqued’unepart, développement économique et organisa-tionnel de l’autre. Que l’on parle de capitalismecognitif (Moulier Boutang, 2007) ou de capitalisme esthétique (Assouly, 2008), une complèteredéfinitiondelaplace,durôleetdelafonctiondelaculturedansnossociétés–etensoncœurdel’art, en tant quepourvoyeurd’œuvres sensibles et d’expériences esthétiques – est en cours. Leshiérarchies des champs artistiques héritées du siècle dernier s’en trouvent profondémentquestionnées.Noussommesdésormaisdansuncontexteoùjoueàpleinuneconsommationartistiqueélargie,

modelée tout au long du 20ème siècle par les industries culturelles, avant de l’être depuis deuxdécenniesparlesnouvellestechnologies.Noussommesdansunmondeoùlavaleurd’unobjetoud’un service semesure de plus en plus à son utilité symbolique et fonctionnelle, perçue par desutilisateurs qu’on cherche à rendre les plus nombreux possible. Nous sommes dans un boule-versementencorenonrégulédesrapportsentrecapitalet travail,développementéconomiqueetemploi,nécessitédesedistingueretbesoind’insertionsocialeouderémunérationsuffisantepourmener sa propre vie. Nous sommes aussi dans une société où les dimensions artistiques etculturellessontànouveaufondatrices,maisdanslecadrerenouveléd’uneéconomiecréativequ’ils’agit d’alimenter et dedynamiser toujoursplus. Leparadoxe apparent est que les valeurs et lesmodesd’actiondesartistes(créativité,singularité,investissementpersonneletflexible,logiquedeprojets successifs, coopération plus horizontale que hiérarchique…) n’ont jamais été aussi

1L’auteurregarded’assezprèsl’évolutiondesfrichesculturellesenFrancedepuislafindesannées1990,enparticulierdanslecadredel’associationAutre(s)pARTs(2000),dontilestundesmembresfondateurs.Ilaparailleursréalisétroisétudes de cas approfondies (Culture Commune, Système Friche Théâtre, Mains d’œuvres) sur la dizaine de cas plusparticulièrementétudiésdanslecadreduprojetderechercheprécédemmentmentionné.

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compatiblesavecdesthèmesmajeursdumodededéveloppementactueldenossociétés(Menger,2009).Le21èmesiècles’ouvresurdesreconfigurationstrèsconflictuelles.Denouvellesrevendications

d’autonomie (au moins relative) et de spécificité des pratiques artistiques et culturellesapparaissent.Celles-cisontpourtantdeplusenplusintégréesdansunmodededéveloppementquel’onvoudraitparailleursplus«soutenable» (selonune terminologie récenteàmieuxexaminer).Danslemêmetemps,l’extensiondel’exploitationmarchandedelaproductionartistique–etpluslargement sémiotique – conduit à la montée en puissance d’une économie culturelle (Scott etLeriche, 2005) qui s’inscrit dans les territoires et en reconfigure la géographie industrielle etd’échange (Leriche et alii, 2008). Désormais, chaque milieu artistique est bien à simultanémentappréhender (Béra et Lamy, 2003) en tant que monde de l’art où interagissent une diversitéd’acteurs interdépendants, champ artistique constamment traversé de luttes de définition et dehiérarchisation symbolique et institutionnelle, marché culturel structurellement marqué parl’incertitudedesvaleursattribuablesauxbiensetservicesproposés(Pilmis,2008;Karpik,2007).

Pour lemoins, lesconditionsdepositionnement,destratégieetdefonctionnementdesfrichesculturelles s’en trouvent largement transformées. Sous lapressiondesnécessitésde survie etdereconnaissanceinstitutionnelle,l’intégrationauxnormesdesfilièresartistiquesprofessionnaliséesetdespolitiquesculturellespubliquesserenforcedemanièreplusoumoinsprécoce(Couac,2012).Certainslieuxrenforcenttrèsviteleurfonctiondeproductiond’œuvresetdeprocessusartistiques–letermedefabriqued’artseraiticiadéquat–.L’Atelier231àSotteville-lès-Rouen(1990)ouTouScene à Stavanger (2001) en fournissent deux exemples,même si on y trouve aussi la trace desautresenjeuxhistoriquesdes frichesculturelles.D’autres lieuxplusanciens, comme lesHallesdeSchaerbeek à Bruxelles (à partir de 2002) ou le Confort Moderne (à partir de 2001), reviennentassez largementau tripodeusuelde laproduction,diffusionetmédiationartistiques.Sansmêmealler jusqu’au cas desDocks café (1998) ou desDocks océane (2000) au Havre, qui privilégientencore plus le pôle de la diffusion, on peut observer que tous les autres lieuxmentionnés sonttravaillés par desmutations internes, contextuelles et générationnelles. Certains fondateurs sontdésormais partis ailleurs ou vont bientôt prendre leur retraite. La responsabilité artistique,culturelleetmanagérialedes frichespasseàdesgénérationsplus jeunes,quin’ontpasconnu lesannées1970etpeulesannées1980.Onpeutdésormaisrepérerdesencadrementsinstitutionnelsplusmarqués.ÀParis,laMaisondesMétallosdansle11èmearrondissement(2007)oule104dansle19ème (2008) reçoivent de lamunicipalité une injonction plus nette en faveur d’une ouverture àl’émergence de nouveaux talents, à leur quartier, à une diversité de pratiques artistiques etculturelles,mêmesichaqueétablissementgardeuneréelleautonomiedepropositionetd’initiative.En tout cas, partout se fait plus présente la question d’une confrontation entre, d’une part, lespropositionsartistiquescontemporaineset,d’autrepart,lesnouveauxcomportementsculturelsdenos concitoyens et les nouvelles «utilités» qu’ils attendent de ces offres en termes d’expériencesensiblevécue,d’apportidentitairepersonnelouderéseaudesociabilité.UncontexteparticulierdereconfigurationurbaineDès la fin du siècle dernier, les collectivités publiques – et d’abord locales – deviennent

favorables à la réutilisation de nombreux sites désaffectés, mais insérés dans le tissu urbainexistant, d’autant qu’ils permettent d’attirer de nouvelles activités. Les réhabilitations semultiplient et leur insertiondansdes stratégies de remodelageurbaindevient un enjeumajeur:transformation parfois lourde de bâtiments et insertion de ceux-ci dans un projet urbanistique,aidesàl’installationd’activités«innovantes»,demandedeconnexiondespratiquesartistiquesauxenjeux du développement territorial ou de l’économie nouvelle, constitution de «quartierscréatifs»…Onsetrouvebiendansunrapportrenouveléentrel’artetlasociété,maispasdanslestermesouselonlesrêvesdesinitiateursdeprojetdesannées1970.Loin des schémas institutionnels d’aménagement urbain, les premières friches culturelles

procèdenteneffetd’unevolontéderequalificationsocialeetspatiale«parlebas»,lafaiblessedesmoyens disponibles tout autant que la nature du projet conduisant à des aménagementsarchitecturaux souvent minimaux et à un impact très modeste sur le tissu urbain environnant

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(Gravari-Barbas, 2004). Par contre, certains sites se trouvent inclus dans la requalification dequartiersdontlesdisponibilitésfoncières–pourceuxsituésenouprèsducentre-villenotamment–vontattirerdenouvellesentreprisesetdenouveauxhabitants.L’intégrationdecesquartiersàunschémad’aménagementurbainaccéléreraleur«gentrification»progressive,lespremièresformesde redynamisation artistique et culturelle pouvant en être pratiquement totalement chassées(Vivant, 2009). Le cas du Tacheles dans le quartier des Granges à Berlin, entre 1990 et cesdernièresannées(Grésillon,2005),estexemplairedecevéritablechangementdeparadigme.Sicetextrêmeneseretrouveencorequ’exceptionnellement,TouScene signaleune fricheculturellequiparticipeclairementàlaconstitutiond’unnouveauquartiercréatif,oùlesfacteursdegentrificationsontbienprésents.L’Usine àGenèveestdésormaisquasiment entouréeparunnouveauquartierd’activitéetd’habitat.LesaménagementsencoursàlaFrichelaBelledeMairenforcentunpôletrèsimportantd’activitéartistiqueetcultureldansunquartierpeuéloignéducentre-ville,maisencoremaldesserviparlestransportsencommunetloind’êtrereconfigurésocialement.

Chaquefricheculturelle,désormaiscomposanteàpartentièredufaiturbain(Grésillon,2008),se trouve ainsi confrontée à un contexte local spécifique, qui conditionne ses chances dedéveloppement futur et sa capacité de poursuivre (ou non) ses façons de faire et ses objectifsinitiaux.Desécarts irréductiblesapparaissentainsientre laFricheRVI (2002-2010)dans le3èmearrondissement de Lyon ou encore Mix’Art Myris (1995) dans le Nord de Toulouse, collectifsartistiquesautogérés,et lanorvégienneTouScene.Lesaventuresquicherchentàexisterdans lespaysde l’Esteuropéen, tellesque leCentrek@2 (2000-2008)àLiepajaenLettonieouStanica–TrucspheriqueàZilina(2003)enSlovaquie,n’ontdanslapratiquerienàvoiraveclecentrehavraisd’activitésmultiplesdesDocksOcéaneouceluiàvisée internationaleetsituéenborddemerdesDocks de la Joliette (2002) dans le 2ème arrondissement de Marseille, au plein cœur del’impressionnanteopérationd’aménagementEuroméditerranée.Onabienaffaireàuneréalitéaumoinsduale,quandoncomparecesdeuxderniersexemplesavecletravailmenéaucontactdenonprofessionnelspardeuxéquipes–LesPasPerduset l’Artdevivre–quipartagentdes locauxdansl’ancien comptoir d’épices et d’herboristerie du Comptoir de la Victorine (2000) dans le 3èmearrondissementdeMarseille.

Ens’intéressantdéfinitivementdanslasuitedenotreproposàceseultypedefrichesculturelles,il s’agira dans un premier temps de proposer un ensemble de traits qui permet de mieux lesqualifier. Nous le ferons selon une approche compréhensive et comparative d’expériences quigardent toujours leurs singularités. Néanmoins, nous mettrons dialectiquement l’accent sur desrécurrencesoudesconvergencesrepérablesentreelles.Dansunderniertemps,nousproposeronsune réflexion finale sur une des principales tensions auxquelles ces expériences se trouventactuellement confrontées, alors que les conditions d’accès et de maintien dans les professionsartistiquessesontparticulièrementdurciesdanslesvingtdernièresannées.L’idéald’unenouvelleallianceentreprofessionnelset«occasionnels»del’arts’entrouvealors,luiaussi,transformé.DESFABRIQUESD’ARTETDECULTURETERRITORIALISÉESDeslieuxensituationcomplexed’intermédiationLaspécificitédes«espaces-projetsartistiques» (Henry,2002),héritiersde l’histoirequenous

venonsderappeler,sembledoncàrechercherautourd’unefonctiondeproductionetd’échangedeprocessus artistiques, dont le développement pour partie territorialisé implique uneinterdépendanceforteavecdespartenairessociauxmultiples.Cecilesconduitàtenir,bienplusqued’autreséquipementsartistiques,unepositioncomplexed’intermédiaire.Nousreprenonsàdesseince terme qui a été utilisé dans le premier rapport officiel sur les friches culturelles en France(Lextrait, 2001) en les désignant comme «lieux intermédiaires», avant que celui de «nouveauxterritoires de l’art» ne soit employé, en particulier autour et suite au premier colloqueinternational sur ces nouveaux espaces à la Friche la Belle de Mai qui s’est tenu à Marseille enfévrier2002(LextraitetKahn,2005).

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Dans lesenspréciséd’instanceactivequimetenrelationaumoinsdeuxsituationsouacteursdistincts et qui, parce que justement située entre ces réalités, assure une transition et unecommunication transformatricesentrecelles-ci, ladésignationd’intermédiaireresteadéquate.Eneffet et au-delà d’une simple fonction de médiation entre deux mondes, les friches culturellesexistentbienparelles-mêmes,commeespacesdeprojetsartistiquesetculturels identifiés, situésaucarrefourd’enjeuxdivers.Espacesdetransactionsmultiplesentreacteurssociauxhétérogènes,ces «go between» réalisent – ou pour le moins ont la volonté de réaliser – une véritablereconfigurationdestermesdel’échangeentrelesacteursconcernés.Enprenant ànouveaud’abordappui sur la situation française, on soulignera septdimensions

qualifiantesquipourraientpermettredemieuxévaluer laspécificitédeces lieuxdans lepaysageartistiqueetculturelcontemporain.UnetriplespécificitépotentielleIntermédiaires, les friches culturelles le sont dans le processus de valorisation d’abord

symboliqueet socialeque les jeunes (oumoins jeunes) amateurs cherchentpour leurspratiquesartistiques.Quellesqu’ensoientlesmodalités,ils’agittoujoursd’inscrireunprojetdansunréseaude sociabilité, donc dans un ensemble culturel élargi de relations et de savoir-faire. Les frichesaccueillent de nombreux projets qui partent d’une préoccupation personnelle et privée, voireintime, tout en cherchant à accéder à une reconnaissance dans un premier espace public. Laprésence simultanée ou l’interaction de projets initiés et portés par des amateurs (débutants oupassionnésdepluslonguedate)etdesartistesprofessionnels(jeunesoudéjàconfirmés),ainsiqueles modes d’accompagnement de ces projets par l’équipe permanente des friches sont autantd’indicesdecettedimension.Ceslieuxontdoncunefonctionpluslargequedesimplementfournirunespacedetransitionversdeslieuxplusinstitutionnelsoureconnus,pourdesjeunesjustesortisd’uneformationartistiqueprofessionnelle.Maisilestvraiquelastructurationactuelledesfilièresartistiquesconduitaurenforcementdecettedynamique.Cettedimensionapparaîtdanstouslescasdéjàmentionnés,maisavecuneintensitéparfoisplus

affirméedansleprojetglobal,commeàl’ufaFabrikouMainsd’œuvres.

Intermédiaires, les friches le sont également dans lamise enœuvre de démarches artistiquespartagées (Henry, 2011) entre des artistes en inscription ou déjà bien inscrits dans les réseauxprofessionnelsd’unepart,despopulationslocalesdansleurspropresterritoiresdevied’autrepart.Face au désir demultiplier ces coopérations, les difficultés sont pourtant nombreuses et réelles.Fondamentalement, tout projet artistique de cet ordre se confronte en effet aux différencesd’appréhensionetdemobilisationduprocessuspar chacundes acteurs sociaux concernés, selonsesproprespriorités,valeursetmodesd’action,brefselonsonpropreréférentielculturel.Vouloirco-construire des processus artistiques entre artistes professionnels et autres acteurs locauxrevientdoncà faireentrersimultanémentenrésonanceetenconfrontation lacultureportéeparles premiers et celle des personnes, des groupes, des communautés avec lesquels ces artistesengagentunéchangequiseveutplussymétrique.Cesquestionsseposentd’autantplusquandcespublicsappartiennentàdescatégoriessocialesdéfavorisées,pourlemoinsenbutteàdenombreuxproblèmesdereconnaissance.Toutelaproblématiquedessituationsetdeséchangesinégauxentrehumainssetrouve(ré)activée.Lesprocessusdeco-constructiondeprojetsartistiquesapparaissentainsi comme des projets nécessairement socio-politiques, parce que foncièrement culturels(Hurstel,2009).CettedimensionestfondatricepourlegroupeLesPasperdusoulacompagnieL’Artdevivre.Elle

est au cœurduprojetduTéATRéPROUVèTe, résident associédepuis2003à l’AbbayedeCorbignydans leMorvan,monument historique désormais requalifié en espace artistique et culturel. Ellesigne l’activitédeLaCité–compagnieetespacederécitscommuns, installéedepuis2005dansunancien cinéma du 6ème arrondissement de Marseille. Elle est un axe majeur de la rechercheartistiquedelacompagnieHendrikVanDerZee,enrésidencedès1998,puisartisteassociéàCultureCommune.

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Uneautredimensionestà souligner.Dans leurvolontéd’ouvertureà lavie sociale, les frichesculturelles peuvent vouloir rassembler plusieurs catégories de structure, relevant chacuned’objectifs spécifiques, mais aussi de compétences et d’un environnement institutionnel etréglementaire particuliers. Un exemple historique reste l’ufaFabrik avec ses différentesorganisations centrées sur les arts proprement dits (spectacle vivant et arts plastiques surtout,mais aussi cinéma), son centre familial et social de proximité (dont une ferme pour enfants), saboulangerie, son café, son magasin d’alimentation naturelle et sa structure d’hébergement, sesactivités en faveur de l’écologie et d’un développement soutenable… Autre exemple berlinois, laFabrikOsloerStrasse(1982),ancienneusinereconvertieencentreplurield’activitésculturellesetsociales. Les aménagements en cours à la Friche la Belle de Mai vont aussi dans le sens d’unrenforcementdeladiversitéd’organisationsetd’usagesprésentssurlesite.Faireinteragir–etauminimum cohabiter – sur un même site une diversité d’activités et d’organisations n’est jamaissimple,chacuned’entreellesportantsaproprehistoireetsonpropremodededéveloppement.Laforte segmentation idéologique et institutionnelle des champs d’activité en France y rend cetteoptiontrèsproblématique.Elleestpourtantaucœurdelaconceptionplushétéronomeetglobaledelanotiondeculturequeceslieuxrevendiquentsouvent.Ontrouved’ailleursdestracesdecettedimension dans la plupart des friches culturelles, par exemple sous forme d’accueil demanifestations ou de résidences – temporaires ou plus longues – d’organisations relevant deschampsdelaformation,del’actionsociale,del’économiesolidaire…Uneattentionauxprojetsissusdegroupesoucommunautésdeproximitéest souventperceptible.Surunautremode,OChapitô(1986), dans le quartier du château Sao Jorge à Lisbonne,met àmême niveau d’importance lesenjeuxdedéveloppementartistiqueetdesolidaritésociale,demêmequel’AteneuPopular9Barris(1977)dansunquartierNorddeBarcelone,quiimpliqueégalementdeshabitantsdanslagestiondulieu.D’autresspécificitéspluspartagéesDeuxautresaspectssontàsignaler,mêmesionlesretrouvedansd’autrestypesd’équipements

artistiques. Ladifférence tient surtout à leursdéclinaisonsparticulièrespar les friches et à leursarticulationsauxtroispremièresdimensions.Ilssontentoutcasprésentsdanstouslesexemplesmentionnés.

La volonté d’interaction artistique et culturelle se joue à l’échelle des relations de proximitéterritoriale,duquartier,delavilleoudu«pays»(géographiqueetculturel)oùlafrichesetrouvephysiquementinscrite.Maiscettevolontésenourritégalementdetouteunedynamiqued’échangeavec des projets, des équipes ou des structures ayant des perspectives comparables,mais situésdansd’autrescontextesgéographiques,politiquesetculturels(ycomprisdansd’autrespaysetpasseulementeuropéens).Au-delàde l’enrichissementdespratiquesparcomparaisonethybridationpartielle des expériences, cette dimension fait de nouveau ressortir la question des difficultésd’appréhension et de compréhension des façons d’agir dans des contextes culturels distincts. Onpourrait d’ailleurs dire que la spécificité foncière des friches est de se trouver constammentimpliquées– etplusqued’autres établissements artistiques–dans toutes lesproblématiquesdel’interculturalité(Costa-Lascouxetalii,2000).

C’est dans ce même questionnement sur l’interculturalité qu’on pourrait resituer le thèmerécurrentducroisemententredisciplinesartistiquesetdeshybridationsinterartistiques.Nonqu’iln’y ait pas des enjeux propres à chacune de ces disciplines, au décloisonnement entre formeshéritées et genres artistiques, au déplacement interne dans lesmodalitésmêmes de l’art. Sur cepoint, ilconvientdenoterquelesfrichesculturellessont,pourlaplupart, largementcentréessuruntripletàdosagevariable:lesmusiquesamplifiées,avecnotammentl’accueildeconcertsetdesstudiosderépétitionoud’enregistrement;lesautresartsduspectaclevivant(artsthéâtraux,artsde la rue, danse…), avec des représentations, mais aussi des espaces de répétition ou pour desateliers de transmission, des locaux d’administration; les arts plastiques (aujourd’hui étendusjusqu’aux arts numériques), avec des ateliers et des expositions. La question de la confrontationréelle et physique de différents publics avec les propositions artistiques y est donc constante, et

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pourrait-on dire fondatrice, même si elle n’est pas exclusive (comme le montre l’introductiondésormaisfréquented’unquatrièmevoletautourdesnouvellestechnologies,dumultimédiaetdesartsnumériques).Lecôtoiementdeplusieurspratiquesartistiques–etdoncdepublicsdivers–yestorganisé,dans l’espoirentretenuetpouvantêtredéçud’unplusgrandbrassageentreceux-ci.Les lieux de convivialité (espaces d’accueil, de restauration ou de bar…) font alors l’objet d’uneattentionparticulière.Cetteorientationmultimodalerejointentoutcaslamodificationstructurelledescomportementsculturelsdesjeunesgénérations(Donnat,2009).Autantdirequelesenjeuxdel’interartistiquesontfortementassociésàceuxd’unesociabilitédiversifiéeetd’uneinterculturalitéétendue,maisquidanslapratiquenevontpasnécessairementdesoi.Destraitsd’uneautreéconomiepolitique?L’organisationpropredesfrichesmarqueunesixièmedimensionpar laquelleellesconstituent

une réalité intermédiaire entre les micro-structures de production et de diffusion (comme laplupart des compagnies théâtrales ou des groupes musicaux, pour le spectacle vivant) et leséquipementsartistiquesouculturelsmieuxétablis(commelesScènesnationalesoulesthéâtresdeville, ces derniers se rapprochant au fond le plus des friches culturelles selon les qualificationsqu’on vient de présenter). Plus ou moins insérées dans des dispositifs d’aide publique de droitcommun (aides au projet ponctuel ou à la structure, convention pluriannuelle avec certainspouvoirspublics),lesfrichesculturellesrestentnéanmoinsencorepeureconnuespourcequ’ellesontdespécifique.Lesaidessouventbienmaigresetnonpérennesdemécénatprivénechangentpasfondamentalementladonne.Historiquementsituéesaucarrefourd’enjeuxmultiples,lesfrichesse sont peu à peu constituées dans une précarité qui les a encore plus amenées à des modesd’organisationnonstandard.Latensionconstanteentrelogiquedeprojetssuccessifsetbesoindepérennité structurelle s’est accompagnée d’une gouvernance cherchant à concilier l’initiative dechacun,unecollégialitéderéflexion– sinondedécision–aumoinssur lesgrandesorientations,uneéquiperestreinte«chefdefile»quiréguleetpilotel’ensemble.Leurvolontédepréserveruneautonomied’orientationetde fonctionnement vis-à-vis tantdespouvoirspublicsquede la seulelogique marchande reste en tout cas un autre trait constant. Il transparaît nettement dans lamanièredontlesquelquessoixante-dixmembresetamisdeTransEuropeHalles,quidéveloppentleur activité artistique, culturelle et sociale dans des bâtiments relevant très largement dupatrimoine industriel, se définissent d’abord comme formant un réseau européen de «centresculturelsindépendants».Cesdifférentsélémentsfontdechaquefricheculturelleuneorganisation«adhocratique»,c’est-

à-dire agencée selon la singularité de chaque situation et non rapportable à un mode demanagement identifiable selon des normes et des conventions de gestion stabilisées. Tout ceciconduit,pourchaquelieu,àunesorted’ambiancegénéralefortementtypée.Celle-cijoued’ailleurstoujoursdanslecharmeetl’attractionqueceslieuxcontinuentàexercerauprèsd’amateursetdepublics en recherche d’espaces d’accueil et de proposition plus à leurmesure, en désir aussi derelationplussymétriqueentreartistesetautresacteursdelacommunautésociale.Par ailleurs, l’économie propre aux friches repose d’abord sur le couplage d’une logique

d’échangeréciprocitaire(bénévolat,échangesnonmonétarisés,«travailinvisible»nonrémunéré)etd’unelogiqueredistributive(aidesetsubventionsmonétarisées,publiquesouciviles).Cedoubletest fondateuret leurapporte lamajoritéde leursressourceshumaines, techniqueset financières.Lapartd’autofinancementmarchand(ventedeprestationsetdeservicesàdesusagers,individuelsoucollectifs)constituelatroisièmelogiquequi,mêmesielleresteminoritaire(de10à40%danslescasquenousavonspuétudier),estindispensablepourassurerl’équilibretoujourstrèsfragiled’unmodèleeneffetspécifiqued’économieplurielle.

Au final et dans une septième dimension, les friches culturelles se présentent comme devéritables«arènesciviles»,oùsurchaqueprojetserencontre,seconfronteetnégocieunepluralitéd’acteurs parties prenantes.D’unemanière plus oumoins formalisée, elles constituent autant delieux demise en débat public de projets artistiques qui se trouvent souvent enchâssés dans desproblématiquessociales,culturelles,territorialesetpolitiques.Celles-citouchentenparticulierauxquestions de porosité et de reconfiguration, aujourd’hui permanente, des rapports entre sphère

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privéeetsphèrepublique.Parcequeplutôtsituéesducôtédeceuxquisontmoinsreconnusetontsocialementmoinsdevoixqued’autres,lesfrichessereconnaissentaussisouventdanslethèmedel’émancipation. Elles le déclinent pour les personnes impliquées dans les projets qu’ellessoutiennent,mais également dans leur recherched’une autonomiede leur projet global.De cela,leur volonté d’indépendance décisionnelle et leur mode associé de gouvernance sontsymptomatiques,mêmesiellessaventbienquelaforcedeleursinitiativescivilesn’estviablequedanslecontexted’unappuirésoludespouvoirspublics.Partouscesaspects,lesfrichesculturellesparticipent au foisonnement contemporain d’espaces publics de proximité qui rejettent uneséparationtropstricteentrel’économique,lepolitiqueetleculturel(DacheuxetLaville,2003).

Même si ces multiples dimensions peuvent être à chaque fois associées de manière trèsparticulière, une analyse affinée des friches culturelles conduit en définitive à ne pas lesappréhender comme de simples fabriques d’art, mais bien plutôt comme des organisationscomplexes où se confrontent et s’articulent constamment une diversité d’enjeux artistiques,culturels et sociaux. A minima, ce serait donc le terme de fabrique d’art et de culture qu’ilconviendraitd’utiliserpourdésignercetypededémarches.ENTREPRIMATDUTRAVAILARTISTIQUEETVOLONTÉD’INSCRIPTIONTERRITORIALENousl’avonsdit,l’évolutiondesmondesdel’artetdelasociétédanssonensembleconduit,ence

début de 21ème siècle, à de nouvelles polarités pour les friches culturelles auxquelles nous nousintéressons.Ainsi,toutescellesquisontportéespardeséquipesartistiquessetrouventconfrontéesàundilemmequ’illustrel’exemplefranciliendu«réseausolidairedelieux“intermédiaires”»Actesif, créé en 1997. Cette tension apparaît clairement dans la façon dont cette vingtaine de lieux arécemmentretenulevocabledefaitplususitédansleNorddel’Europedefabriquepourdésignerleurtypededémarche(Actesif,2011).Destraitsessentielssontmisenexergue.Projetsinitiéspardesartistesoudeséquipesissuesde

lasociétécivile,ceslieuxsontd’aborddéfinisentantqu’espacesdetravailartistique,mêmesiunevolonté de rencontre et de partage du fait artistique avec les populations de proximité estégalement avancée. S’il s’agit de tendre à dépasser les oppositions binaires (entre artistesprofessionnels et amateurs, cultures populaire et savante,mais aussi production et diffusion, oucréationetmédiation),l’actecréateuresttoujoursposécommeurgentetprioritaire.Lesfonctionsderechercheetd’expérimentationartistiquessontainsifortementvalorisées.Silapartconsacréeàladiffusiond’œuvres (concerts, expositions, spectacles)peutêtre importantedans certains lieux,cette programmation s’attache surtout à faciliter la socialisation de nouvelles productions oud’artistesémergents.Cecidit,lapriseencompted’unepluralitéd’enjeuxetdeproblématiques,propreànotreépoque

autant qu’à la particularité territoriale et contextuelle de chaque lieu, conduit à simultanémentaffirmer l’importance vitale d’un enjeu culturel. Celui-ci se décline par la prise en compte de ladimension locale, le développement de réseaux de sociabilité et d’espaces critiques entre ladiversitéd’acteurspartiesprenantesdesprocessusartistiquesengagés.Surunautreplan,sontrevendiquéeslasouverainetéetl’autonomiedel’équipe,danslechoixde

sesobjectifsetdesesrèglesdefonctionnement,toutensachantquel’indépendancedesfabriquesnepeutêtrequerelativeentermesaussibiendepartenariatquedefinancement.L’objectifdenonlucrativité et demise en réserve collective des bénéfices est souligné, la limitation des écarts desalairesauseindesstructuresestmentionnée.Plus largement,estdéfendueuneéthiquedupartage,de lacoopérationetdelaresponsabilité,

qui s’applique autant à une direction interne à visée collégiale qu’à l’accueil équitable etrespectueuxd’équipesartistiquespourdesrésidencesoulaprésentationpubliquedetravaux.Uneinsistance est donnée à la proximité d’échange et à l’approche artisanale que permet la taillehumainedeslieux,àlamodularitédesespaces,àlapossibilitédeduréepluslonguepourletravail

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et les échanges, à la capacité de résistance à l’uniformisation de l’espace urbain et du paysageculturel.

Ces partis pris se déclinent à chaque fois de façon particulière, par exemple à La Nef –Manufactured’utopies,compagnieetlieudecréationautourdelamarionnette,duthéâtred’objetsetdel’écriturecontemporaine,installéedansuneanciennebriqueterieàPantin(2007),àAnisgras,espacedecréationcontemporainepluridisciplinaire,installédansuneanciennedistilleried’Arcueil(2005),ouencoreàL’Echangeur–CompagniePublicChéri,dontletravailportedepuissacréationsurlatransversalitédesformesartistiquesetl’accueildelajeunecréationcontemporaineetquiainvestid’anciensateliersdecoutureàBagnolet(1996).On retrouve en tout cas dans ce réseau de nombreux échos des postures et des difficultés

repéréesdansl’histoireantérieuredesfrichesculturelles.Lenombreimportantdelieuxaniméspardes équipes de création y participe probablement. On mentionnera également combien cesfabriquesd’artetdeculturerestentdansdessituationsderéelleprécaritééconomique,plusieursdeslieuxmembresd’Actesifsetrouvanten2012faceàlaprobableimpossibilitédepoursuivreleuractivité. La récente ligne budgétaire votée par le Conseil Régional d’Île-de-France, au titre dusoutien aux «fabriques de la culture», est une nouveauté à saluer, mais qui ne sauraitstructurellementrésoudreleproblème.

Pour leprésentpropos,nousvoudrionsaussi insistersur laplaceaccordéedansces lieuxauxliens avec leur territoire de proximité. De nombreux partenariats sont perceptibles avec unediversité d’acteurs éducatifs, sociaux, dumonde de la santé…Des ateliers ouverts aux amateurssont fréquents, des débats sont proposés à l’occasion d’expositions ou de spectacles… Undéplacements’opèrequichercheàdonnerplusd’importance«àceluiqui regarde»etàsonrôlecritique, àune relationà l’œuvre artistiqueet auprocessusde sonélaborationplusqu’à l’œuvrepourelle-même.Uneplaceestdoncaccordéeauxnonprofessionnelsdel’artpourparticiper,avecleurspropressingularités,àdescanevasd’actioninitialementconçusetpourpartiedéjàcomposéspar des artistes professionnels.Mais cela ne vapas jusqu’à affirmerune orientation collective etexplicite en faveur de démarches partagées, où les canevas d’action se construiraient plusnettementdansetaufuretàmesuredel’interactionmêmeentredesartistesprofessionnelsetdes«occasionnelsdel’art».Sidetellesdémarchesexistentbien,ellesrestentennombrelimitéetsontplus liéesà lanatureduprojetglobaldecertainsartistesouéquipesqu’à leur implantationdansune friche réhabilitée. Dans les faits et selon les lieux, la relation active aux populations deproximitépeutdoncêtretrèsvariable.Autrementdit,sontencoreunefoisdéterminanteslaconceptiondel’artquesefontlesartistes

professionnelsetlamanièredontilsappréhendentsarelationconcrèteàlasociété,etnonl’espaceprivilégiéde travailqu’ilsontpu trouver.Lamutationdesconditionsdeproductionetd’échangeartistiquesaucoursdesdernièresannéesconduituneparttoujoursplusimportantedespersonnesen recherche de professionnalisation dans les mondes de l’art – mais aussi cherchant à s’ymaintenir–àseretrouverdanslesfabriquesd’artetdecultureinstalléesdansd’anciennesfrichesindustrielles ou commerciales. Les exemples abondent alors pour lesquels l’enjeu premier restefondamentalement le soutien à des équipes émergentes ou reconnues de création et à desdispositifs rénovés de médiation et de démocratisation de processus ou d’œuvres artistiquesessentiellementconçuesetproduitespardesprofessionnelsdesmondesde l’art.Uneassociationplus intensive à la production et l’échange artistiques de personnes ou de groupes non partiesprenantes des mondes professionnalisés de l’art, mais vivant dans le voisinage de ces lieuxculturels, est bien au cœur de projets particuliers. Elle peut aller jusqu’à des démarches de co-créationd’œuvresoud’évènementsentreprofessionnelsetnonprofessionnelsdel’art.Maiscetteperspective est désormais très rarement annoncée comme le centre du projet global des lieux,mêmesicertaineséquipescontinuentàtoujourslaconsidérercommeunenjeumajeurpournotreprésentetlesannéesquiviennent.

Auboutducompte,onsetrouvedésormaisfaceàunevariétédesituations–nonéquivalentes–dereconversiondefrichesindustriellesenlieuculturel.UncolloqueuniversitaireorganiséàRouen

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fournitàluiseuldesexemplesdecetteréalité(Lucchini,2012),particulièrementperceptibledanslecasfrançais.La recherche par des artistes d’espaces de travail et parfois de vie, suffisamment vastes et le

moins onéreux possible, s’est amplifiée dès les années 1980. Si les opportunités d’espaces degrande ampleur se sont vite réduites enmilieu urbain, cemouvement a conduit à la reprise denombreuxpetitsateliersoucommercesdélaissés.Ilamêmeaboutiàunereconfigurationpartiellede l’activitéde certainsquartiersurbains (lequartierduBasMontreuil en régionparisienne)oumêmedequelquesvillagesruraux(levillagedeSaint-Julien-Molin-MolettedansleMassifduPilat).Dans ces cas, la question d’une implication auprès de populations locales ou dans l’animationculturelleterritorialepeutn’êtrequerésiduelleouseulementreliéeaurenforcementd’uneimagecollectivede«quartierartistique».À l’autre extrémité du spectre, pourrait-on dire, on repère une réaffectation culturelle et

fonctionnelle,leplussouventmenéeparlespouvoirspublicsouenlienétroitaveceux,degrandsbâtiments industriels ou commerciaux désaffectés, mais désormais porteurs d’une valeurpatrimoniale reconnue. Espaces reconvertis en musées, centres culturels ou nouveaux centresd’activité tertiaire plurielle, l’enjeu premier relève d’abord d’une volonté de redynamisationterritorialeoùlaquestiondelapoursuited’unedémocratisationdel’accèsauxbiensculturelsn’estqu’unélémentdanslaconstructiondenouvelles«métropolescréatives»(larequalificationdel’ÎledeNantesrassemble,parexemple,cesdiversingrédients).Entrecesdeuxpôles,uneautresituationàdoublefacetteestrepérable,pourdesfrichesleplus

souventdetaillemoyenne.Nousavonsprécédemmentévoquélesfabriquesportéespardesacteursdelasociétécivileetquiassumentd’abordunrôled’expérimentationetd’accompagnementdelaproduction artistique dans l’amont de la chaîne de valeur de leurs filières professionnelles. Sil’envie d’un autre partage avec les populations ou leurs territoires d’implantation persiste, laprécaritéstructurelledeceslieuxnelesaidepaspourdévelopperplusavantcetenjeu.Lapriseencompte de la population de proximité, comme élément central du projet, apparaît parfois plusexplicitement dans des fabriques dont les collectivités territoriales se sont porté propriétaires(comme pour le réseau des onze «fabriques culturelles» voulu par la Communauté urbainelilloise).Diversesdémarchesdemédiationetd’actionculturelleviennentalorssystématiquementcompléter le travail d’élaboration ou de diffusion des œuvres. Pour une part, ces lieux restentd’ailleursgérésselonleprincipedelaconcessiondeservicepublicàdesorganisationsprivéesàbutnonlucratif.Ilsnesontd’ailleursplusnécessairementd’anciennesfrichesindustrielles.

Quand on regarde de près les actionsmises enœuvre, peut-être est-ce finalement dans cettedernière palette de possibilité que persiste, pour le futur et dans le contexte français, les plusgrandes chances de poursuivre des reconfigurations significatives des rapports de l’art à nosconcitoyens, qui prendraient en compte la réalité de leurs parcours culturels respectifs etaideraient à les enrichir par des pratiques partagées avec des artistes professionnels. Pourconclure, la Friche l’antre-peaux (1992) nous servira d’exemple historique de ces situationsdésormaisnombreusesenFrance.CetteancienneusinedefabricationdematériauxdeconstructiondansunquartierSuddeBourges,estdésormaispropriétédelaville.Lesiteestmisàdisposition,parconvention,deplusieursassociationsdont l’associationEmmetrop (1984), initiatricemajeurede l’ensemble du projet (Emmetrop, 2012). Elles y développent autant de «laboratoiresd’expérimentationartistiquesetculturels»àlacroiséecomplexedesenjeuxd’intermédiationquenousavonsprécédemmentsignalés.

Derrière chaque espace de production et d’échange artistique ou culturel, il est doncdéterminant–aujourd’huiencoreplusqu’hier–deseposerlesquestionsduprojetréellementmisenjeu,desconditionsconcrètesdereconnaissanceetdesurviedespersonnesquis’ycroisentetytravaillent,dudésirdedémocratieartistiqueetculturellequisous-tendvraimentleprojetglobaldechaqueétablissement.

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PhilippeHENRYestchercheurensocioéconomiedelaculture.Contact:[email protected]

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