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5S33 © 2004 SPLF, tous droits réservés L’année 2004 en pneumologie Rev Mal Respir 2005 ; 22 : 5S33-5S41 Les fumeurs de cigarettes meurent en moyenne 10 ans plus jeunes que les non-fumeurs Doll R, Peto R, Boreham J, Sutherland I. Mortality in relation to smoking : 50 years’observations on male British doctors. BMJ 2004 ; 328 : 1519-27. Introduction L’équipe des Professeurs Richard Doll et Richard Peto a suivi, à partir de 1951, 34 439 médecins britanniques, hommes, et a recensé les causes des décès survenus, sur une période de suivi de 50 ans. Cette nouvelle publication com- plète et prolonge les observations faites par cette équipe, sur la même cohorte, et publiées en 1994 [1]. Méthodes et résultats Un questionnaire a été adressé en 1951 à l’ensemble des médecins résidant au Royaume Uni. Au total, 34 439 réponses ont pu être considérées comme valides, du moins en ce qui concernait la description de la consommation de tabac. Parmi les 31 496 médecins dont le suivi a pu être assuré au cours des décen- nies, les causes de mortalité ont été précisées dans 99,2 % des cas. Au cours des années, l’ensemble des médecins de cette cohorte a été sollicité avec des questionnaires ayant pour objet de décrire, de façon de plus en plus détaillée, leur éventuel tabagisme. Les risques relatifs ont été calculés à partir de taux stan- dardisés de mortalité. Des courbes actuarielles de survie ont été établies. Les observations faites à partir de cette cohorte excep- tionnelle sont multiples ; les principales sont les suivantes : - pour les hommes britanniques nés entre 1900 et 1909, le fait de fumer des cigarettes a doublé, approximativement, le taux de mortalité spécifique, lorsque ceux-ci arrivaient à un âge moyen ou plus avancé, Tabagisme et sevrage tabagique Y. Martinet 1,2 , N. Wirth 1 , A. Bohadana 1,3 , A. Spinosa 1 1 Unité de Tabacologie, Service de Pneumologie - Hôpital de Brabois , CHU de Nancy - Vandœuvre-lès-Nancy 2 Comité National Contre le Tabagisme – Paris 3 Inserm ESPRI [EP]2R - Faculté de médecine de Nancy, Vandœuvre-lès- Nancy Correspondance : Y. Martinet Service de Pneumologie, Hôpital de Brabois, Allée du Morvan, 54511 Vandœuvre-lès-Nancy Cedex, France. E-mail : [email protected]

Les fumeurs de cigarettes meurent en moyenne 10 ans plus jeunes que les non-fumeurs

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Page 1: Les fumeurs de cigarettes meurent en moyenne 10 ans plus jeunes que les non-fumeurs

5S33© 2004 SPLF, tous droits réservés

L’année 2004 en pneumologie

Rev Mal Respir 2005 ; 22 : 5S33-5S41

Les fumeurs de cigarettes meurent en

moyenne 10 ans plus jeunes que les

non-fumeurs

Doll R, Peto R, Boreham J, Sutherland I.Mortality in relation to smoking : 50 years’observations on male British doctors.BMJ 2004 ; 328 : 1519-27.

Introduction

L’équipe des Professeurs Richard Doll et Richard Peto asuivi, à partir de 1951, 34 439 médecins britanniques,hommes, et a recensé les causes des décès survenus, sur unepériode de suivi de 50 ans. Cette nouvelle publication com-plète et prolonge les observations faites par cette équipe, sur lamême cohorte, et publiées en 1994 [1].

Méthodes et résultats

Un questionnaire a été adressé en 1951 à l’ensemble desmédecins résidant au Royaume Uni. Au total, 34 439 réponsesont pu être considérées comme valides, du moins en ce quiconcernait la description de la consommation de tabac. Parmi les31 496 médecins dont le suivi a pu être assuré au cours des décen-nies, les causes de mortalité ont été précisées dans 99,2 % des cas.

Au cours des années, l’ensemble des médecins de cettecohorte a été sollicité avec des questionnaires ayant pour objetde décrire, de façon de plus en plus détaillée, leur éventueltabagisme.

Les risques relatifs ont été calculés à partir de taux stan-dardisés de mortalité. Des courbes actuarielles de survie ont étéétablies. Les observations faites à partir de cette cohorte excep-tionnelle sont multiples ; les principales sont les suivantes :

- pour les hommes britanniques nés entre 1900 et 1909,le fait de fumer des cigarettes a doublé, approximativement, letaux de mortalité spécifique, lorsque ceux-ci arrivaient à un âgemoyen ou plus avancé,

Tabagisme et sevrage tabagique

Y. Martinet1,2, N. Wirth1, A. Bohadana1,3, A. Spinosa1

1 Unité de Tabacologie, Service de Pneumologie - Hôpital de Brabois , CHUde Nancy - Vandœuvre-lès-Nancy

2 Comité National Contre le Tabagisme – Paris3 Inserm ESPRI [EP]2R - Faculté de médecine de Nancy, Vandœuvre-lès-Nancy

Correspondance : Y. Martinet Service de Pneumologie, Hôpital de Brabois, Allée du Morvan,54511 Vandœuvre-lès-Nancy Cedex, France. E-mail : [email protected]

Page 2: Les fumeurs de cigarettes meurent en moyenne 10 ans plus jeunes que les non-fumeurs

5S34 Rev Mal Respir 2005 ; 22 : 5S33-5S41

Maladies respiratoires : l’année 2004 en perspective

- pour les hommes nés vers 1920, le fait de fumer descigarettes a triplé leur taux de mortalité par rapport aux non-fumeurs de cette classe d’âge,

- si la longévité des non-fumeurs s’est rapidement amé-liorée au cours du XXème siècle, celle des médecins qui ontcontinué de fumer des cigarettes a stagné ,

- en moyenne, un fumeur de cigarettes est décédé 10 ansplus jeune qu’un non-fumeur (fig. 1) ,

- l’arrêt de la consommation de cigarettes à l’âge de 50ans a diminué de moitié les risques sanitaires qui lui sont liés,

- un arrêt de la consommation de cigarettes à l’âge de 30ans a permis d’éviter la presque totalité de ceux-ci,

- arrêter de fumer à l’âge de 60, 50, 40 ou 30 ans a permisde gagner, respectivement, à peu près 3, 6, 9 ou 10 ans de vie.

Commentaires

Le fait de fumer des cigarettes durant toute la vie a totale-ment effacé l’allongement de la durée moyenne de vie observéechez les non-fumeurs au cours du XXe siècle. A l’occasion d’unepublication, à partir de cette même cohorte, rédigée en 1994 [2],les auteurs concluaient, alors, que les risques liés à la consomma-tion de tabac avaient été clairement sous-estimés auparavant etque « 50 % des fumeurs réguliers de cigarettes mouraient de leurhabitude ». La poursuite du suivi de cette cohorte jusqu’en 2001a démontré que ce risque sanitaire est sans doute encore plus élevéet que la consommation continue de cigarettes entraîne la mortde près de 2/3 des fumeurs. L’équipe de Sir Richard poursuit que,compte tenu de l’incidence actuelle du tabagisme mondial et deson évolution prévisible, il n’est pas déraisonnable de prévoir lamort d’environ un milliard d’individus au cours du XXIème siècledu fait de la consommation de cigarettes. Enfin, ils démontrent,

à nouveau, que l’arrêt de fumer, même à un âge déjà avancé,s’accompagne d’un bénéfice sanitaire quantifiable et significa-tif pour le fumeur.

Référence

1 Doll R, Peto R, Wheatley K, Gray R, Sutherland I : Mortality in rela-tion to smoking: 40 years’observations on male British doctors. BMJ1994 ; 309 : 901-11.

**********

La consommation de tabac à usage

oral et à faibles taux de nitrosamines

réduit de 90 % les risques sanitaires

par rapport à celle de tabac sous forme

de cigarettes

Levy D, Mumford EA, Cummings KM, Gilpin EA,Giovino G, Hyland A, Sweanor D, Warner KE. The relative risks of a low-nitrosamine smokelesstobacco product compared with smoking cigarettes:estimates of a panel of experts. Cancer Epidemiol Biomarkers Prev 2004 ; 13 : 2035-42.

Introduction

Du fait des politiques promotionnelles agressives prati-quées par les compagnies cigarettières, et en dépit d’avancéesnon négligeables concernant la prévention et le traitement dela dépendance à la nicotine, le nombre de fumeurs dans lespays « riches » diminue encore lentement et celui dans les payspauvres augmente rapidement. En l’absence de « révolution »prévisible dans l’efficacité des traitements de la dépendancenicotinique (y compris avec les molécules en cours d’évalua-tion clinique), il est licite de se poser la question du bien fondérationnel et éthique de proposer, aux fumeurs qui ne peuventpas et/ou ne veulent pas arrêter leur consommation de tabac,de consommer d’autres produits (que les cigarettes) pouvantleur procurer les effets psycho-actifs qu’ils recherchent dans laconsommation de tabac, mais au prix d’un risque sanitairemoindre.

Méthodes et résultats

Un panel d’experts en épidémiologie des risques sanitairesliés à la consommation de tabac a été constitué et la méthodolo-gie retenue est celle dite de « Delphi » légèrement modifiée. Lesrisques sanitaires évalués étaient les suivants : mortalité totale pré-coce et mortalités spécifiques attribuables au cancer du poumon,aux maladies cardiaques et au cancer de la bouche. Les membresdu panel étaient identifiés, mais leurs contributions spécifiquesont été anonymisées. Une revue détaillée de la littérature en rap-port avec les questions posées leur a été adressée et ils ont proposé

Fig. 1.

Survie à partir de l’âge de 35 ans de fumeurs poursuivant leurconsommation de cigarettes et de « jamais-fumeurs », parmi lesmédecins hommes du Royaume-Uni nés entre 1900 et 1930, avecpourcentages de survivants à chaque décennie de la vie.(D’après Doll R et coll., BMJ 2004).

Médecins nés 1900-1930

100

80

60

40

20

040 50 60 70 80 90 100

Age (années)

Surv

ie à

par

tir d

e l'â

ge

de

35 a

ns

Fumeurs de cigarettes

Non fumeurs

97

9491

8181

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10 ans