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Emmanuel NETTER – Les garanties indemnitaires (résumé) Page 1 Emmanuel NETTER Les garanties indemnitaires Thèse de doctorat en droit privé, soutenue publiquement le 17 mai 2010 à l'Université de Strasbourg, devant un jury composé de : Monsieur Jean-Pierre SORTAIS Professeur émérite de l'Université de Lausanne Monsieur Philippe SIMLER Professeur émérite de l'Université de Strasbourg, Doyen honoraire de la Faculté de Droit, de Sciences politiques et de Gestion de Strasbourg Monsieur Philippe DELEBECQUE Professeur à l'Université Paris I – Panthéon-Sorbonne Madame Isabelle RIASSETTO Professeur à l'Université du Luxembourg Monsieur Nicolas RONTCHEVSKY Professeur à l'Université de Strasbourg Directeur de thèse Présentation générale Le cautionnement fut longtemps l'unique sûreté personnelle connue du droit français. Mais, depuis quelques décennies, il est devenu banal de souligner ses faiblesses et de proposer des solutions alternatives. L'une de ces propositions doctrinales a pour nom « garanties indemnitaires ». Elle pourrait être formulée comme suit : plutôt que de s'engager à se substituer au débiteur principal en cas d'inexécution, le garant indemnitaire contractera une obligation nouvelle, consistant à faire ou à ne pas faire quelque chose. S'il échoue, sa responsabilité contractuelle sera engagée, et il devra réparer le préjudice ainsi causé au créancier. Les promoteurs des garanties indemnitaires présentent souvent le « porte-fort d'exécution » comme l'archétype de cette nouvelle catégorie de sûretés. L'idée est la suivante : l'article 1120 du Code civil, selon lequel on peut promettre « le fait d'un tiers », est habituellement utilisé dans le cadre de la conclusion d'un contrat sans pouvoirs, le pseudo-représentant donnant sa parole que le pseudo représenté ratifiera ultérieurement la convention passée en son nom ; mais le fait promis pourrait être, plutôt qu'une ratification, l'exécution d'une obligation préexistante. La responsabilité

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Emmanuel NETTER – Les garanties indemnitaires (résumé) Page 1

Emmanuel NETTER

Les garanties indemnitaires

Thèse de doctorat en droit privé, soutenue publiquement le 17 mai 2010 à l'Université de Strasbourg, devant un jury composé de :

Monsieur Jean-Pierre SORTAISProfesseur émérite de l'Université de Lausanne

Monsieur Philippe SIMLERProfesseur émérite de l'Université de Strasbourg,Doyen honoraire de la Faculté de Droit, de Sciences politiques et de Gestion de Strasbourg

Monsieur Philippe DELEBECQUEProfesseur à l'Université Paris I – Panthéon-Sorbonne

Madame Isabelle RIASSETTOProfesseur à l'Université du Luxembourg

Monsieur Nicolas RONTCHEVSKYProfesseur à l'Université de StrasbourgDirecteur de thèse

Présentation générale

Le cautionnement fut longtemps l'unique sûreté personnelle connue du droit français. Mais,

depuis quelques décennies, il est devenu banal de souligner ses faiblesses et de proposer des

solutions alternatives. L'une de ces propositions doctrinales a pour nom « garanties indemnitaires ».

Elle pourrait être formulée comme suit : plutôt que de s'engager à se substituer au débiteur principal

en cas d'inexécution, le garant indemnitaire contractera une obligation nouvelle, consistant à faire

ou à ne pas faire quelque chose. S'il échoue, sa responsabilité contractuelle sera engagée, et il devra

réparer le préjudice ainsi causé au créancier.

Les promoteurs des garanties indemnitaires présentent souvent le « porte-fort d'exécution »

comme l'archétype de cette nouvelle catégorie de sûretés. L'idée est la suivante : l'article 1120 du

Code civil, selon lequel on peut promettre « le fait d'un tiers », est habituellement utilisé dans le

cadre de la conclusion d'un contrat sans pouvoirs, le pseudo-représentant donnant sa parole que le

pseudo représenté ratifiera ultérieurement la convention passée en son nom ; mais le fait promis

pourrait être, plutôt qu'une ratification, l'exécution d'une obligation préexistante. La responsabilité

Emmanuel NETTER – Les garanties indemnitaires (résumé) Page 2

contractuelle du promettant serait donc engagée du seul fait que le contrat principal n'est pas

exécuté correctement.

Toutefois, on ajoute généralement que les lettres d'intention seraient elles aussi des garanties

indemnitaires. Aujourd'hui consacrée à l'article 2322 du Code civil, cette figure juridique peut certes

consister en une promesse, faite au bénéficiaire, qu'il obtiendra satisfaction, mais aussi en un

engagement d'adopter un certain comportement, simplement susceptible d'augmenter les chances

d'exécution du contrat principal : une société mère promettra par exemple de conserver une

participation dans une filiale, de surveiller sa gestion, de procéder à une augmentation de capital.

L'étude révèlera que la catégorie des garanties indemnitaires ne présente, en réalité, qu'une

faible homogénéité. L'engagement d'adopter un certain comportement est bel et bien une obligation

de faire ou de ne pas faire, obéissant aux règles de la responsabilité contractuelle en cas

d'inexécution. Mais promettre à un créancier qu'il sera satisfait, est-ce un engagement de faire ?

Oui, répond-on classiquement, il consiste à « rapporter l'exécution, par le tiers, de son engagement

». Toutefois, si l'on peut essayer de convaincre une tierce personne d'agir d'une certaine manière, on

n'est jamais certain de réussir. La soi-disant obligation de faire consiste bien plutôt à endosser un

risque. En France, une doctrine minoritaire l'avait déjà remarqué. L'étude du porte-fort tel qu'il est

conçu en droit suisse incite à poursuivre les recherches dans cette direction. Un contrat par lequel

on prend en charge le risque qui pesait auparavant sur autrui : on songe à l'assurance. L'étude des

histoires respectives du cautionnement et du mécanisme assurantiel révèle une vérité parfois

oubliée : la sûreté personnelle de référence est mentionnée dans l'Ancien Testament, tandis que la

généralisation du contrat d'assurance, fut, en France, postérieure au Code civil. Ainsi s'explique la

prise en charge maladroite du concept de risque dans un article consacré au porte-fort. On comprend

également que les domaines respectifs du porte-fort appliqué au risque de crédit, et du

cautionnement, soient mal définis et entrent en concurrence : la question n'avait pas été envisagée,

et ne pouvait pas l'être.

À partir de cette idée, il est possible de proposer une réorganisation du paysage des sûretés

personnelles françaises autour des deux principales catégories d'engagements que sont la promesse

portant sur son propre comportement, et la prise en charge d'un risque créé par le comportement

d'autrui. Le régime de ces garanties sera étudié en détail, avec l'appui ponctuel des solutions

dégagées en droit des assurances. Enfin, plusieurs mécanismes apparaissant aujourd'hui comme sui

generis pourront être rattachés aux grandes figures ainsi définies.

Emmanuel NETTER – Les garanties indemnitaires (résumé) Page 3

Introduction

L'économie ne peut fonctionner sans confiance, c'est-à-dire sans la conviction qu'ont les agents

que la situation dans laquelle ils s'engagent aura pour eux une situation favorable, malgré les risques

qu'elle présente. Le droit des sûretés est l'un des instruments privilégiés par lesquels la confiance

peut être instaurée. Son rôle, toujours fondamental, est particulièrement éminent dans une période

de crise financière telle que celle que nous traversons. Depuis la faillite de la banque Lehman

Brothers, une ère de la défiance et du soupçon s'est ouverte. Pourtant, le besoin de crédit est plus

important que jamais. Le droit français des sûretés, en particulier des sûretés personnelles, est-il à la

hauteur d'un tel défi ? La réponse semble malheureusement négative. L'ensemble de la doctrine

s'accorde pour constater que le cautionnement rencontre de sérieuses difficultés en droit positif.

Plusieurs alternatives ont été proposées durant ces trente dernière années. Certaines s'inspirent

des pratiques du commerce international, comme les garanties autonomes ; d'autres proposent une

lecture nouvelle de mécanismes classiques du droit des obligations (solidarité passive, délégation) ;

d'autres encore s'inspirent de droits étrangers (cautionnement à première demande). Aucune n'a

cependant permis de pallier durablement les insuffisances du cautionnement. C'est dans ce contexte

qu'il convient d'examiner attentivement une proposition doctrinale jusqu'ici trop peu étudiée : les

garanties indemnitaires. Les promoteurs de ce type d'engagements proposent de faire souscrire au

garant une obligation de faire ou de ne pas faire, au soutien du contrat principal. Si cette obligation

n'est pas correctement exécutée, l'effet de sûreté est obtenu par le jeu des règles de la responsabilité

civile contractuelle.

Séduisant au premier abord, le concept révèle rapidement des zones d'ombre. Il doit pourtant

être parfaitement cerné, tout d'abord, sur le plan théorique. Alors seulement, il deviendra possible de

le mettre au service des opérateurs économiques, de la pratique, en exposant en détails le régime et

les usages envisageables d'un tel engagement.

Cette démarche implique que soit adopté un plan en deux grandes parties, qui se développe

ensuite comme suit.

Emmanuel NETTER – Les garanties indemnitaires (résumé) Page 4

Sommaire

PREMIÈRE PARTIE –CONCEPT DE GARANTIE INDEMNITAIRE

Titre 1 – Les limites de l'analyse fondée sur la responsabilité contractuelle

Chapitre 1 – L'originalité revendiquée : l'obligation de faire ou de ne pas faire du garant

Chapitre 2 – L'originalité contestée : l'assimilation au cautionnement

Titre 2 – Les apports de l'analyse fondée sur la couverture de risque

Chapitre 1 – L'idée d'un rapprochement entre assurance et sûretés personnelles

Chapitre 2 – La mise en œuvre du rapprochement entre assurances et sûretés personnelles

DEUXIÈME PARTIE –PRATIQUE DES GARANTIES INDEMNITAIRES

Titre 1 – Régime juridique

Chapitre 1 – Formation

Chapitre 2 – Exécution

Chapitre 3 – Extinction

Titre 2 – Applications

Chapitre 1 – Mécanisme à vocation générale : la garantie professionnelle du risque de crédit

Chapitre 2 – Mécanismes à vocation particulière

Emmanuel NETTER – Les garanties indemnitaires (résumé) Page 5

Bref résumé des développements

PREMIÈRE PARTIE – CONCEPT DE GARANTIE INDEMNITAIRE

L'étude va révéler que l'approche actuelle des garanties indemnitaires en termes de

responsabilité contractuelle est inadéquate, en tout cas insuffisante. Le plan retenu insiste donc sur

notre volonté de renouveler ces analyses.

Titre 1 – Les limites de l'analyse fondée sur la responsabilité contractuelle

Un premier chapitre intitulé "l'originalité revendiquée : l'obligation de faire ou de ne pas

faire du garant" présente de manière détaillée les différentes garanties indemnitaires telles qu'elles

sont actuellement conçues dans le débat doctrinal français.

La première, le porte-fort d'exécution, est fondée sur un usage renouvelé de l'article 1120 du

Code civil. C'est l'occasion d'explorer l'histoire de cette disposition, qui remonte au droit romain, et

se prolonge chez Domat et Pothier, jusqu'au travaux préparatoires du Code civil. Il apparaît que ce

texte était à l'origine d'une grande plasticité, propre à de nombreux usages qui se sont cependant

réduits au fil du temps. L'utilisation actuelle, celle du porte-fort de ratification, n'est donc pas la

seule envisageable.

La seconde forme que peuvent revêtir les garanties indemnitaires a pour nom « lettres

d'intention ». Il n'est plus question de promettre purement et simplement au créancier qu'il obtiendra

satisfaction – c'est le porte-fort d'exécution –, mais seulement de souscrire une obligation d'adopter

un comportement, action ou abstention, susceptible de favoriser l'exécution du contrat principal.

L'étude souligne l'hétérogénéité de la catégorie que la pratique nomme « lettres d'intention »,

critique l'usage majoritaire de ces documents – pour contourner des règles de droit comptable et des

sociétés –, contraire aux principes élémentaires de la corporate governance. Mais elle révèle une

très grande proximité entre le concept de garantie indemnitaire comportementale, et le récent article

2322 du Code civil consacrant les lettres d'intention.

Un deuxième chapitre, intitulé « l'originalité contestée : l'assimilation au

cautionnement », revient sur les critiques formulées à l'encontre du concept de garantie

indemnitaire, accusé de masquer un plagiat du cautionnement, privant le garant d'utiles protections

Emmanuel NETTER – Les garanties indemnitaires (résumé) Page 6

au prétexte d'une originalité conceptuelle factice. Ces critiques émanent d'une partie de la doctrine,

mais aussi sans doute de la Cour de cassation. Celle-ci a en effet rendu deux arrêts surprenants, l'un,

daté du 25 janvier 2005 et rendu par sa Première chambre civile, l'autre, daté du 13 décembre de la

même année et rendu par sa Chambre commerciale. La seconde de ces décisions, en particulier,

feint de reconnaître une identité propre au porte-fort d'exécution, mais lui accole immédiatement le

régime du cautionnement, ce qui le prive de tout intérêt.

Les critiques ainsi examinées ne sont pas toujours entièrement convaincantes. Elles soulignent

cependant un point essentiel : si le debitum, la prestation spécifique attendue du garant, apparaît

avec éclat dans le cas des garanties indemnitaires comportementales, ce n'est pas le cas s'agissant du

porte-fort d'exécution. Le second titre en expose les raisons.

Titre 2 – Les apports de l'analyse fondée sur la couverture de risque

Un premier chapitre émet « l'idée d'un rapprochement entre assurances et sûretés

personnelles » . Isolé à son époque, Jean Boulanger avait déjà démontré dans sa thèse de doctorat

que la définition même du porte-fort contient une contradiction intrinsèque. Il s'agit en effet de

« promettre le fait d'un tiers », ce qui est logiquement impossible, puisque le tiers est autonome. Il

s'agit en réalité de prendre à sa charge la couverture d'un risque. Une analyse de droit comparé

révèle que c'est en ces termes que raisonne la doctrine suisse, lorsqu'il s'agit d'interpréter l'article

111 de son Code des obligations, très proche de notre article 1120 C. civ. Pourquoi les textes n'ont-

ils pas pris position clairement en ce sens ? Des investigations historiques s'imposent à nouveau.

Elles révèlent que la concept de contrat visant à prendre en charge le risque pesant sur autrui est

récent. Il n'apparaît véritablement qu'au 15ème siècle, et ne prend la forme moderne de l'assurance

qu'à l'issue d'une lente gestation, largement inachevée en France quand le Code civil est adopté. De

cela découlent deux conséquences. Premièrement, la notion de prise en charge d'un risque issu du

par contrat est ignorée pour l'essentiel – le contrat d'assurance, qui ne saurait alors être que

maritime, est renvoyé au Code de commerce –, et remplacé par le porte-fort, teinté des conceptions

archaïques du droit romain. Deuxièmement, les éventuels rapports entre un contrat de prise en

charge du risque de crédit et le cautionnement n'ont pas pu être envisagés, ce qui explique les

problèmes de frontières auxquels la doctrine est aujourd'hui confrontée. De ce constat étonnant, il

faut alors tirer des leçons.

Un deuxième chapitre envisage à cet effet « la mise en œuvre du rapprochement entre

assurances et sûretés personnelles » . Elle prend appui sur l'obligation de couverture, mise en

évidence par Christian Mouly en France, mais aussi par une partie de la doctrine japonaise. Cette

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couverture, c'est la prise en charge d'un risque, dont Mouly avait déjà affirmé qu'elle est un point

commun essentiel entre l'engagement de la caution et celui de l'assureur. Il semble même que l'on

retrouve l'idée de couverture dans certaines formes de responsabilité civile délictuelle totalement

déconnectées d'une appréciation du comportement du responsable (ainsi de la responsabilité des

parents du fait de leurs enfants mineurs). En matière contractuelle, la couverture de risque se

rencontre sous la forme d'une prestation accessoire à un objet principal distinct, qu'elle vient

renforcer (ainsi de la garantie des vices cachés). Mais elle peut constituer elle-même la prestation

principale : c'est le cas du porte-fort, de l'assurance, mais aussi du cautionnement.

La conclusion est surprenante : les garanties indemnitaires doivent bel et bien être séparées en

deux ensembles dont le premier, les garanties comportementales, se rattache au droit commun des

obligations de faire ou de ne pas faire, mais dont le second, les garanties reposant sur une

couverture de risque, rejoint le cautionnement jusqu'à la confusion. Certains auteurs suisses

l'affirmaient : le cautionnement n'est qu'une espèce du genre que constitue le porte-fort – lui-même

n'étant que le contrat de prise en charge d'un risque. C'est le porte-fort appliqué au risque de crédit.

Ainsi présentés, les problèmes de délimitations rencontrés par la doctrine entre les deux figures

s'expliquent parfaitement.

À l'issue de cette première partie conceptuelle, le paysage français des sûretés personnelles se

trouve redessiné. Quel impact cela doit-il avoir sur la pratique ?

DEUXIÈME PARTIE – PRATIQUES DES GARANTIES INDEMNITAIRES

Il convient ici de révéler en détail le régime juridique qui doit être associé aux garanties

indemnitaires, et qui découle des qualifications précédemment retenues. Des applications concrètes

peuvent alors être suggérées.

Titre 1 – Régime juridique

Trois chapitres consacrés à la formation, à l'exécution et à l'extinction du contrat de

garantie indemnitaire permettent d'envisager l'intégralité du fonctionnement d'une telle

convention. Au fil des développements, un certain nombre de distinctions binaires sont notamment

proposées pour assoir le régime juridique de ces sûretés. La distinction entre garant intégré et non

intégré est ainsi utilisée. Ce critère permet de savoir si le garant mérite de bénéficier de certaines

informations, tenant notamment à la solvabilité du débiteur principal au moment de la mise en place

Emmanuel NETTER – Les garanties indemnitaires (résumé) Page 8

de la sûreté. La distinction entre garant averti et non averti, quant à elle, permet de savoir, face à un

créancier professionnel, s'il existe un différentiel de compétence justifiant que le bénéficiaire de la

garantie réalise certaines études prospectives pour le garant. Si tel est le cas, il devra notamment

s'assurer que le crédit sollicité par le débiteur principal n'est pas inopportun ou excessif, et que la

sûreté est proportionnée au patrimoine et revenus du garant. Enfin, la distinction entre garants

profanes et garants professionnels se révèle être d'une grande importance. Le garant professionnel

est un garant compétent, et cette compétence n'est pas révélée par un contrôle concret réalisé a

posteriori : elle est certaine dès le départ. Cela permet l'adoption de mesures qui ne pourraient pas

être adoptées face à un garant dont la compétence n'est constatée qu'à l'issue d'un débat judiciaire :

par exemple, les priver sans hésitation de toute mention d'avertissement, dont ils n'auraient que

faire. Leur expertise est telle qu'il peut être envisagé de les soumettre à un système d'éclairage de

leur consentement complètement dérogatoire au droit commun : celui de l'information provoquée.

C'est même plutôt le consentement du bénéficiaire qui doit être protégé : il est nécessaire de

s'assurer que la garantie, rémunérée, n'est pas vidée de sa substance par des exclusions subreptices.

La qualité de professionnel implique encore une certaine solidité financière, de sorte qu'il est inutile

de vérifier si leur engagement est proportionné à leur patrimoine.

De nombreuses autres questions sont résolues jusqu'à aboutir à un régime juridique clair et

précis. Sur cette base, quelques applications concrètes peuvent être proposées.

Titre 2 – Applications

Le premier chapitre décrit un mécanisme à vocation générale : la garantie professionnelle

du risque de crédit. Sous cette appellation, il devient possible de rapprocher deux mécanismes

habituellement considérés comme irréductiblement distincts : le cautionnement bancaire, et

l'assurance-crédit. La catégorie des garanties indemnitaires par couverture remet en cause ce

clivage, qui ne repose en dernière analyse sur aucun critère solide.

La garantie professionnelle du risque de crédit se révèle être un instrument d'une grande

plasticité, susceptible d'être utilisé dans de nombreux domaines. Cette souplesse se manifeste dès la

conclusion du contrat, qui peut être aussi bien le fait du créancier que du débiteur principal. Dans

tous les cas, les rapports noués entre le souscripteur et le garant auront un impact sur l'efficacité de

la garantie. Cela est évident, lorsqu'elle est rémunérée par le créancier pour lui-même. Mais c'est

également le cas lorsque la prestation est fournie à l'initiative du débiteur : si un unique contrat est

conclu avec le garant, les règles de la stipulation pour autrui feront dépendre les droits du créancier,

tiers bénéficiaire, de la validité de cette convention ; si deux contrats successifs sont conclus par le

Emmanuel NETTER – Les garanties indemnitaires (résumé) Page 9

garant, l'un par lequel le débiteur lui ordonne d'accorder sa couverture et le rémunère, l'autre par

lequel le créancier accepte cette protection, ces contrats formeront un ensemble indivisible, qui

vacillera si l'un des deux piliers qui le soutiennent s'écroule, sauf à stipuler une clause de

divisibilité. La souplesse de la couverture professionnelle se manifeste, encore, dans les modalités

de garantie, qui sont autant de curseurs que les parties peuvent déplacer de manière à aboutir, pour

le bénéficiaire, à une protection suffisante ; pour le garant, à un risque maîtrisé.

Le deuxième chapitre présente des mécanismes à vocation particulière. Il est possible de

regrouper, sous la bannière des garanties indemnitaires par couverture, plusieurs figures jusqu'ici

considérées comme sui generis : les garanties financières des professionnels, certaines garanties de

bonne fin, le ducroire d'intermédiaire, et certaines garanties récentes en matière de baux

d'habitation. Ces dernières comptent notamment la « garantie universelle des risques locatifs »,

connue sous l'acronyme GRL. Ce mécanisme est présenté par le Gouvernement comme ayant

vocation à remplacer le cautionnement d'une personne physique dans de très nombreux baux

d'habitation. Pourtant, aucun manuel de droit des sûretés ne s'y intéresse, sous prétexte qu'il s'agit

d'un mécanisme de droit des assurances. Il a pourtant vocation à conforter la position du bailleur, en

levant toutes ses inquiétudes quant au bon recouvrement de ses créances : n'est-ce pas l'objet même

du droit des sûretés ? Il y a là, certainement, un exemple de ce que pourrait être l'évolution future de

la matière, avec l'aide d'un outil conceptuel comme la garantie indemnitaire par couverture d'un

risque.

CONCLUSION GÉNÉRALE

Cette conclusion propose une refonte du titre du Code civil consacré aux sûretés personnelles.

Elle s'organiserait autour de deux grandes figures : les garanties comportementales, et les garanties

par couverture. Certaines dispositions leur sont communes, puis le droit propre à chacune est

développé, s'agissant tant des conditions de forme que des conditions de fond du contrat. La

réglementation des garanties par couverture est inspirée en partie du droit des assurances, et

s'articule autour d'un couple composé du risque couvert, et de la prestation fournie en cas de

sinistre.