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Médecine des maladies Métaboliques - Mars 2011 - Hors série 1 9 © 2011 - Elsevier Masson SAS - Tous droits réservés. Le coin biblio de la SFD Les inhibiteurs de la CETP : l’heure d’un nouveau départ ? Cannon CP et al. Safety of anacetrapib in patients with or at high risk for coronary heart disease N Engl J Med 2010 ; 363 : 2406-2415 À l’heure actuelle, la prise en charge médi- camenteuse des dyslipidémies repose essentiellement sur l’abaissement du LDL-cholestérol (LDL-C) par les statines [1,2]. Chez certaines populations à haut risque cardiovasculaire, il persiste un risque résiduel qui est en partie liée à des concentrations abaissées de HDL-cholestérol (HDL-C). Une des cibles thérapeutiques pour augmenter le HDL-C est la CETP (protéine de transfert du cholestérol estérifié), qui assure un transfert de cholestérol estérifié des HDL vers les VLDL et un échange réciproque de triglycérides des VLDL vers les LDL. L’inhibition pharmacolo- gique de la CETP par des inhibiteurs conduit ainsi à une augmentation du HDL-C et à une baisse du LDL-C. Le torcetrapib, médicament « first in class », a vu son développement prématurément arrêté en phase III en raison d’une surmortalité cardiovasculaire [3]. Il a été suspecté que cette surmortalité était en partie secondaire une hypertension artérielle liée à une stimulation directe de l’expression de l’aldostérone par le torcetrapib [4]. L’objectif de ce travail est d’évaluer l’efficacité biologique et la tolérance d’un deuxième inhibiteur de CETP : l’anacetrapib. Des résultats convaincants et une tolérance acceptable L’étude DEFINE (Determining the Efficacy and Tolerance of CETP Inhibition with Anacetrapib) est une étude randomisée, en double aveugle, contre placebo, qui a évalué l’efficacité de l’anacetrapib (100 mg/j pendant 18 mois) chez des patients à haut risque cardiovasculaire (i.e. prévention secondaire ou score de Framingham prédisant > 20 % d’événements cardiovasculaires à 10 ans). Tous les patients étaient sous statines avec un LDL-C en moyenne à 0,82 g/l et un HDL-C à 0,40 g/l à l’inclusion. À noter que plus de la moitié (53 %) des patients étaient diabétiques. Le critère primaire était la baisse de LDL-C observée à 24 semaines. Le LDL-C a diminué jusqu’à 0,45 g/l dans le groupe anacetrapib contre 0,77 g/l dans le groupe placebo (-39,8 % vs placebo, p < 0,001). À noter, que 17,6 % des patients sous anacetrapib ont vu leur niveau de LDL-C s’abaisser en dessous de 0,25 g/l, conduisant à l’arrêt du traitement. Dans le même temps, le HDL-C a augmenté jusqu’à 1,01 g/l dans le groupe anacetrapib contre 0,46 g/l dans le groupe placebo (+138 %, p < 0,0001) ; alors que les triglycérides ont été modérèment abaissées de 6,8 %. Ces modifications du bilan lipidique se sont maintenues jusqu’à 76 semaines. La tolérance a été correcte, avec notamment l’absence d’hypertension artérielle ou d’aug- mentation des concentrations d’aldostérone dans le groupe anacetrapib. La tolérance car- diovasculaire a été excellente avec l’absence de différences du nombre des événements cardiovasculaires entre les 2 groupes. Dans le groupe anacetrapib, le nombre des revas- cularisations coronaires a été néanmoins significativement réduit (8 vs 28 dans le groupe placebo, p = 0,001). À noter, enfin, chez les patients diabétiques, une tendance en faveur d’une baisse de l’HbA 1c sous anacetrapib (-0,11 % vs placebo à 76 semaines, p = 0,08). Quel avenir pour les inhibiteurs de la CETP ? Cette étude relance clairement l’intérêt de l’inhibition de la CETP comme cible thérapeu- tique pour le traitement de l’athérosclérose. Les déboires du torcetrapib semblent donc être liées à un effet molécule sur la stimulation de la production d’aldostérone et non pas à un effet classe commun aux inhibiteurs de la CETP. Néanmoins, dans l’attente des études de morbi-mortalité cardiovasculaires qui débutent, il convient de rester prudent. En effet, une question cruciale concerne la fonctionna- lité des molécules de HDL dans le cadre d’une inhibition de la CETP. De façon rassurante, il faut noter ici qu’une étude in vitro à démontré que les HDL obtenues après traitement par l’anacetrapib gardaient leur capacité d’efflux du cholestérol des macrophages [5]. La ques- tion d’un effet anti-inflammatoire et pleïotrope des HDL, y compris vis à vis de la cellule β pancréatique [6], est également soulevée par l’observation d’une baisse de l’HbA 1c dans le groupe anacetrapib. Pour finir, il faut mention- ner le fait qu’un deuxième inhibiteur de la CETP, le dalcetrapib, est en cours de développement avec le lancement d’un programme d’études de phase III. Contrairement à l’anacetrapib qui est inhibiteur complet de la CETP, le dalcetrapib n’inhibe qu’environ 30 % de son activité, d’où peut-être des différences d’efficacité clinique à attendre entre ces 2 inhibiteurs. Quoi qu’il en soit, la CETP n’a pas fini de faire parler d’elle… B. C. Références [1] Darmon P. LDL-cholestérol: Lower is (truly) better. Le « coin de la biblio SFD ». Décembre 2010. [2] Cholesterol Treatment Trialists (CTT) collaboration. Lancet 2010;376:1670-81. [3] Barter PJ, et al. Effects of torcetrapib in patients at high risk for coronary events. N Engl J Med 2007;357:2109-22. [4] Hu X, et al. Torcetrapib induces aldostérone and cortisol production by an intracellular calcium-mediated mechanism independtly of cholesteryl ester protein transfer inhibition. Endocrinology 2009;150:2211-9. [5] Yvan-Charvet Y, et al. Cholesterol efflux potential and anti-inflammatory properties of High-density lipoprotein after treatment with niacin or anacetrapib. Arterioscler Thromb Vasc Biol 2010;30:1430-8. [6] Kruit JK, et al. HDL and LDL cholesterol significantly influence beta-cell function in type 2 diabetes mellitus. Curr Opinion Lipidol 2010;21:178-85.

Les inhibiteurs de la CETP : l’heure d’un nouveau départ ?

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Dossier thématique

Médecine des maladies Métaboliques - Mars 2011 - Hors série 1

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© 2011 - Elsevier Masson SAS - Tous droits réservés.

Le coin biblio de la SFD

Les inhibiteurs de la CETP : l’heure d’un nouveau départ ?Cannon CP et al. Safety of anacetrapib in patients with or at high risk for coronary heart disease N Engl J Med 2010 ; 363 : 2406-2415

À l’heure actuelle, la prise en charge médi-camenteuse des dyslipidémies repose essentiellement sur l’abaissement du

LDL-cholestérol (LDL-C) par les statines [1,2]. Chez certaines populations à haut risque cardiovasculaire, il persiste un risque résiduel qui est en partie liée à des concentrations abaissées de HDL-cholestérol (HDL-C). Une des cibles thérapeutiques pour augmenter le HDL-C est la CETP (protéine de transfert du cholestérol estérifié), qui assure un transfert de cholestérol estérifié des HDL vers les VLDL et un échange réciproque de triglycérides des VLDL vers les LDL. L’inhibition pharmacolo-gique de la CETP par des inhibiteurs conduit ainsi à une augmentation du HDL-C et à une baisse du LDL-C. Le torcetrapib, médicament «  first in class », a vu son développement prématurément arrêté en phase III en raison d’une surmortalité cardiovasculaire [3]. Il a été suspecté que cette surmortalité était en partie secondaire une hypertension artérielle liée à une stimulation directe de l’expression de l’aldostérone par le torcetrapib [4]. L’objectif de ce travail est d’évaluer l’efficacité biologique et la tolérance d’un deuxième inhibiteur de CETP : l’anacetrapib.

Des résultats convaincants et une tolérance acceptable

L’étude DEFINE (Determining the Efficacy and Tolerance of CETP Inhibition with Anacetrapib) est une étude randomisée, en double aveugle, contre placebo, qui a évalué l’efficacité de l’anacetrapib (100 mg/j pendant 18 mois) chez des patients à haut risque cardiovasculaire (i.e. prévention secondaire ou score de Framingham prédisant > 20 % d’événements cardiovasculaires à 10 ans). Tous les patients étaient sous statines avec un LDL-C en moyenne à 0,82 g/l et un HDL-C

à 0,40 g/l à l’inclusion. À noter que plus de la moitié (53 %) des patients étaient diabétiques. Le critère primaire était la baisse de LDL-C observée à 24 semaines. Le LDL-C a diminué jusqu’à 0,45 g/l dans le groupe anacetrapib contre 0,77  g/l dans le groupe placebo (-39,8 % vs placebo, p < 0,001). À noter, que 17,6 % des patients sous anacetrapib ont vu leur niveau de LDL-C s’abaisser en dessous de 0,25 g/l, conduisant à l’arrêt du traitement. Dans le même temps, le HDL-C a augmenté jusqu’à 1,01 g/l dans le groupe anacetrapib contre 0,46 g/l dans le groupe placebo (+138 %, p < 0,0001) ; alors que les triglycérides ont été modérèment abaissées de 6,8 %. Ces modifications du bilan lipidique se sont maintenues jusqu’à 76 semaines. La tolérance a été correcte, avec notamment l’absence d’hypertension artérielle ou d’aug-mentation des concentrations d’aldostérone dans le groupe anacetrapib. La tolérance car-diovasculaire a été excellente avec l’absence de différences du nombre des événements cardiovasculaires entre les 2 groupes. Dans le groupe anacetrapib, le nombre des revas-cularisations coronaires a été néanmoins significativement réduit (8 vs 28 dans le groupe placebo, p = 0,001). À noter, enfin, chez les patients diabétiques, une tendance en faveur d’une baisse de l’HbA1c sous anacetrapib (-0,11 % vs placebo à 76 semaines, p = 0,08).

Quel avenir pour les inhibiteurs de la CETP ?

Cette étude relance clairement l’intérêt de l’inhibition de la CETP comme cible thérapeu-tique pour le traitement de l’athérosclérose. Les déboires du torcetrapib semblent donc être liées à un effet molécule sur la stimulation de la production d’aldostérone et non pas à un effet classe commun aux inhibiteurs de la

CETP. Néanmoins, dans l’attente des études de morbi-mortalité cardiovasculaires qui débutent, il convient de rester prudent. En effet, une question cruciale concerne la fonctionna-lité des molécules de HDL dans le cadre d’une inhibition de la CETP. De façon rassurante, il faut noter ici qu’une étude in vitro à démontré que les HDL obtenues après traitement par l’anacetrapib gardaient leur capacité d’efflux du cholestérol des macrophages [5]. La ques-tion d’un effet anti-inflammatoire et pleïotrope des HDL, y compris vis à vis de la cellule β pancréatique [6], est également soulevée par l’observation d’une baisse de l’HbA1c dans le groupe anacetrapib. Pour finir, il faut mention-ner le fait qu’un deuxième inhibiteur de la CETP, le dalcetrapib, est en cours de développement avec le lancement d’un programme d’études de phase III. Contrairement à l’anacetrapib qui est inhibiteur complet de la CETP, le dalcetrapib n’inhibe qu’environ 30 % de son activité, d’où peut-être des différences d’efficacité clinique à attendre entre ces 2 inhibiteurs. Quoi qu’il en soit, la CETP n’a pas fini de faire parler d’elle…

B. C.

Références

[1] Darmon P. LDL-cholestérol: Lower is (truly) better. Le « coin de la biblio SFD ». Décembre 2010.[2] Cholesterol Treatment Trialists (CTT) collaboration. Lancet 2010;376:1670-81.[3] Barter PJ, et al. Effects of torcetrapib in patients at high risk for coronary events. N Engl J Med 2007;357:2109-22.[4] Hu X, et al. Torcetrapib induces aldostérone and cortisol production by an intracellular calcium-mediated mechanism independtly of cholesteryl ester protein transfer inhibition. Endocrinology 2009;150:2211-9.[5] Yvan-Charvet Y, et al. Cholesterol efflux potential and anti-inflammatory properties of High-density lipoprotein after treatment with niacin or anacetrapib. Arterioscler Thromb Vasc Biol 2010;30:1430-8.[6] Kruit JK, et al. HDL and LDL cholesterol significantly influence beta-cell function in type 2 diabetes mellitus. Curr Opinion Lipidol 2010;21:178-85.