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LES INVESTISSEMENTS CHINOIS EN EUROPE Jean-François Di Meglio et al. Editions Choiseul | Géoéconomie 2014/1 - n° 68 pages 51 à 66 ISSN 1284-9340 Article disponible en ligne à l'adresse: -------------------------------------------------------------------------------------------------------------------- http://www.cairn.info/revue-geoeconomie-2014-1-page-51.htm -------------------------------------------------------------------------------------------------------------------- Pour citer cet article : -------------------------------------------------------------------------------------------------------------------- Di Meglio Jean-François et al., « Les investissements chinois en Europe », Géoéconomie, 2014/1 n° 68, p. 51-66. DOI : 10.3917/geoec.068.0051 -------------------------------------------------------------------------------------------------------------------- Distribution électronique Cairn.info pour Editions Choiseul. © Editions Choiseul. Tous droits réservés pour tous pays. La reproduction ou représentation de cet article, notamment par photocopie, n'est autorisée que dans les limites des conditions générales d'utilisation du site ou, le cas échéant, des conditions générales de la licence souscrite par votre établissement. Toute autre reproduction ou représentation, en tout ou partie, sous quelque forme et de quelque manière que ce soit, est interdite sauf accord préalable et écrit de l'éditeur, en dehors des cas prévus par la législation en vigueur en France. Il est précisé que son stockage dans une base de données est également interdit. 1 / 1 Document téléchargé depuis www.cairn.info - National Chung Hsing University - - 140.120.135.222 - 21/03/2014 02h20. © Editions Choiseul Document téléchargé depuis www.cairn.info - National Chung Hsing University - - 140.120.135.222 - 21/03/2014 02h20. © Editions Choiseul

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LES INVESTISSEMENTS CHINOIS EN EUROPE Jean-François Di Meglio et al. Editions Choiseul | Géoéconomie 2014/1 - n° 68pages 51 à 66

ISSN 1284-9340

Article disponible en ligne à l'adresse:

--------------------------------------------------------------------------------------------------------------------http://www.cairn.info/revue-geoeconomie-2014-1-page-51.htm

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Pour citer cet article :

--------------------------------------------------------------------------------------------------------------------Di Meglio Jean-François et al., « Les investissements chinois en Europe »,

Géoéconomie, 2014/1 n° 68, p. 51-66. DOI : 10.3917/geoec.068.0051

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Distribution électronique Cairn.info pour Editions Choiseul.

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La reproduction ou représentation de cet article, notamment par photocopie, n'est autorisée que dans les limites desconditions générales d'utilisation du site ou, le cas échéant, des conditions générales de la licence souscrite par votreétablissement. Toute autre reproduction ou représentation, en tout ou partie, sous quelque forme et de quelque manière quece soit, est interdite sauf accord préalable et écrit de l'éditeur, en dehors des cas prévus par la législation en vigueur enFrance. Il est précisé que son stockage dans une base de données est également interdit.

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Jean-François Di Meglio est président de l’Asia Centre et du cabinet DM&F. Jacques Gravereau est directeur d’HEC Eurasia

et professeur à HEC.

Les investissements chinois en Europe

Jean-françois Di MeGlio, Jacques GraVereau ”

Entretien réalisé par Stéphane Cholleton*

* Conseiller éditorial de la revue Géoéconomie.

Géoéconomie : Depuis la crise asiatique de 1997, la Chine a accumulé, principalement grâce à ses excédents commerciaux, plus de 3 500 milliards de dollars de réserve de change, les premières au monde. Pourtant le total des investissements chinois à l’étranger reste très loin derrière ceux de l’UE ou des États-Unis, économies quant à elles largement endettées. Pourriez-vous nous expliquer cette apparente contradiction ? Quelle part de ses réserves est consacrée aux investissements étrangers ?

Jacques Gravereau : Tout d’abord, identifier avec certitude l’origine de certains investissements est quasi impossible puisque ces derniers passent par différents canaux, fonds d’investissements internationaux, de Chine, de Hong Kong, de Londres ou encore des îles Caïman. Il en résulte une connaissance nécessairement approximative de la valeur des investissements chinois à l’étranger, que ces derniers émanent de fonds d’État ou d’entreprises industrielles chinoises.

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S’agissant du domaine financier, que l’on peut mieux cerner, comme vous l’évoquiez les réserves de change chinoises s’élèvent actuellement à 3 500 milliards de dollars, autant que le PIB de l’Allemagne ! Leur gestion est confiée à la State Administration for Foreign Exchange (SAFE) et alimente diverses utilisations, notamment le fonds souverain China Investment Company (CIC) ou le placement dans les bons du Trésor américains (de l’ordre de 1 300 milliards de dollars actuellement), ou encore la holding financière Huijin.

Le système financier chinois s’ordonne autour d’une « Holding » d’État, Huijin, qui est directement actionnaire des banques chinoises. Depuis 15 ans, Huijin a par exemple massivement investi dans la recapitalisation des banques nationales qui étaient dans un état catastrophique. Quelques centaines de milliards de dollars ont été investis dans ces banques.

Au sein des deux entités, SAFE et CIC, les réserves sont gérées de façon prudente, par exemple les achats de bons du Trésor américains déjà cités, mais l’on a parfois du mal à identifier une stratégie claire, comme en témoignent les prises de participations dans de grandes institutions financières américaines avant la crise financière de 2008 (Fonds Blackstone, Banque Morgan), qui se sont avérés des gouffres.

Les investissements opérés par ces deux entités sont donc très variés. Il s’agit souvent de prises de participation minoritaires (5 à 10 %) au sein de différentes sociétés issues de secteurs d’activités multiples. Suite à la grande crise de 2008, il est aisément imaginable que la stratégie d’investissements a dû être revue par les autorités chinoises. Ceci peut expliquer d’ailleurs en partie une certaine frilosité ou du moins prudence de la Chine quant à ses investissements financiers internationaux, les investissements industriels étant guidés par une toute autre logique, notamment dans le secteur des matières premières énergétiques ou minières.

En juillet 2013, sur les 4 500 milliards de dollars de bons du Trésor américains émis, près de 1 300 milliards étaient détenus par la Chine. Le Japon en détenait quant à lui 1 100 milliards, les Caraïbes 300

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milliards – dont 85 % sont en fait issus de fonds chinois et taïwanais. Cet argent chinois aux Caraïbes sert notamment à acheter des bons du Trésor américains, mais également pour investir en Europe et réinvestir en Chine. C’est l’une des raisons pour laquelle il est difficile d’estimer le montant total des investissements chinois à l’étranger.

La Chine est donc le plus gros souscripteur de bons du Trésor américains, à hauteur de 30 %. Est-ce-que cela signifie que les États-unis sont trop dépendants d’une politique chinoise qui pourrait menacer par exemple de vendre ses titres, créant ainsi les conditions d’une réaction en chaîne qui pourrait conduire à une chute de la valeur du dollar et une crise du système monétaire américain ? Ce scénario catastrophe est improbable, car l’interdépendance dans la mondialisation contraint les deux parties à s’accorder cahin caha.

Il existe sans doute une forme de réflexe dans cette thésaurisation gigantesque de liquidités, peut-être un complexe d’« ancien pauvre » que l’on retrouve dans d’autres sociétés confucianistes (Taïwan, Singapour), qui ont une mémoire encore trop récente de leurs années de disette.

Jean-François Di Meglio : Si l’on part du principe que la politique d’accumulation de réserves a été délibérée et n’a jamais été remise en cause au plan domestique, si on considère que le niveau actuel est estimé « satisfaisant » par les autorités qui gèrent ces réserves, il n’y a aucun doute sur la pertinence du commentaire ci-dessus et pas de difficulté à y adhérer. On peut cependant se poser la question de l’accélération de la constitution de ces réserves, et des inflexions passées de la politique de change. une lecture rétrospective peut indiquer que, si la constitution des réserves avait pu être ralentie par des inflexions plus volontaristes et des réformes du compte de capital intervenant à des moments où elles étaient plus faciles qu’aujourd’hui, l’intégration « positive » (et non pas consécutive au rôle grandissant qu’elle a pris dans les échanges, presque « passive ») de la Chine dans le jeu international au milieu de la dernière décennie, un peu après l’entrée dans l’OMC, aurait largement décrispé les positions respectives. Mais il y a eu la « crise » (en « Occident »).

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La Chine a cherché à se prémunir contre les risques, et peut-être plus volontariste au départ qu’elle n’a été conduite à l’être à partir de 2008, lorsqu’elle a d’ailleurs stoppé l’appréciation entamée en 2005 de sa devise, avant de la reprendre en 2010 et d’ouvrir un pseudo-marché de la devise convertible à Hong Kong, elle aurait pu vouloir dégonfler cette bulle, qui n’est pas seulement un « coussin de sécurité », mais peut-être aussi un rembourrage parfois un peu encombrant et certainement générateur de risques en cas de dépréciation du dollar. La solution adoptée pour alléger les inquiétudes générées par ces risques est d’ailleurs de diviser l’exposition en diversifiant les devises dans lesquelles les réserves sont investies. Encore faut-il le faire progressivement, sans heurt, et en évitant les pertes de change, donc au meilleur moment possible. L’art de gérer les réserves est la marque des grandes banques centrales. Quelques pays asiatiques en ont donné l’exemple dans le passé, « the jury is still out » concernant la Chine, mais on peut quand même faire un large crédit à ses gestionnaires, sur qui pèse au demeurant une responsabilité écrasante.

Géoéconomie : Si l’Europe est désormais la destination d’un nombre croissant d’investissements chinois, ceux-ci arrivent relativement tard si l’on compare aux investissements chinois dans les PED. Par ailleurs la part de la Chine parmi les investisseurs étrangers en Europe reste relativement faible au regard de sa force de frappe. Quelles seraient pour vous les raisons de cet apparent retard et de la relative faiblesse de ces investissements en Europe ?

Jean-François Di Meglio : La principale raison est à trouver dans la qualité des sous-jacents recherchés et acquis par les investisseurs (fonds souverains, sociétés administrées par la « SASAC », et groupes purement privés) issus de Chine. La grande masse des investissements à l’étranger s’est historiquement concentrée sur l’acquisition d’actifs liés aux matières premières, aux infrastructures ou à la génération d’énergie, qui par définition ne se trouvaient pas en Europe. La variation dans le poids relatif des investissements chinois

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et l’émergence nouvelle de l’Europe comme destination principale est d’ailleurs (d’une façon un peu paradoxale) liée à l’investissement massif (au regard des stocks existant jusque-là et des flux de l’année concernée) du fonds souverain chinois dans une structure commune avec le groupe GDF SuEZ. On reste donc bien dans le domaine d’intérêt principal des flux d’investissement chinois. Pour le reste, la disparité entre « force de frappe chinoise » et dilution des investissements chinois dans la masse des investissements entrant en Europe s’explique de plusieurs façons :

- tout d’abord, c’est un phénomène classique dans l’émergence de voir un retard des investissements à l’étranger par rapport à la croissance du pays investisseur. Les États-unis eux-mêmes sont entrés dans le cercle des grands investisseurs (directs, et non « financiers ») globaux bien après leur accession au rang de première économie mondiale au début du XXe siècle ;

- par ailleurs, l’Europe est attractive à de nombreux points de vue, et pour tous : la Chine ne représente après tout que moins de 10 % du PIB mondial, la taille de ses réserves justifierait qu’elle représente plus de 10 % des investissements directs étrangers en Europe, mais jusqu’à une période récente, les investissements à l’étranger étaient soumis à une réglementation complexe, parfois aléatoire et subordonnée à la non-convertibilité de la devise, donc à la disponibilité de devises étrangères pour le candidat à l’investissement : ceci a restreint la liste des investisseurs éligibles, même si désormais cette liste s’allonge de façon moins contraignante ;

- ensuite, la « traçabilité » des investissements chinois est parfois plus complexe que celle des flux venant de pays dépourvus de contrôle des changes. Les statistiques indiquant la montée des investissements chinois en Europe, même s’ils montrent l’importance relative qu’a prise notre continent, continuent peut-être de sous-estimer les flux chinois qui, parfois, arrivent par des canaux « non-chinois » (et d’ailleurs pas forcément issus de paradis fiscaux). Les investissements purement immobiliers sont aussi rarement englobés dans les statistiques ;

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- pour finir, il faut rappeler l’importance des stocks d’investissement et de réserves financières de la Chine. La Chine investit « financièrement » (ce n’est pas ce que l’on appelle « l’investissement direct ») massivement en Europe et de plus en plus, de façon à diversifier ses risques par rapport au « risque-dollar ». Cependant, le rééquilibrage est lent à s’opérer et la disponibilité de réserves en dollars permet aussi d’arbitrer rapidement les destinations dans une même zone, dollar en l’occurrence : des fonds en dollars déjà existants peuvent être convertis d’actifs financiers en actifs « durs » libellés en dollars aussi sans encourir d’éventuelles pertes de change dues à la baisse du dollar par rapport à l’Euro. La Chine a aujourd’hui environ 20 % de ses réserves en euros probablement, ce qui place très favorablement l’Europe comme destination des investissements chinois et peut aussi servir de futur « levier » d’investissements directs.

Sur une note encore plus positive, les investissements chinois sont ciblés. Sans parler des investissements immobiliers, fonciers (qui eux aussi sont sans doute sous-estimés), il faut souligner la manifestation d’intérêts motivés pour la haute technologie, les entités héritant d’un savoir-faire ou de marques reconnues, et d’un potentiel de synergie positive avec le marché chinois. C’est exactement l’esprit des investissements effectués par le groupe Fosun par exemple, qui n’a pas « buté » sur les difficultés juridiques ou administratives que vous évoquez lorsqu’il a investi dans Club Med puis a lancé son offre de reprise, ou acheté des marques de luxe italiennes.

La principale difficulté à mon sens vient de la complexité naturelle, perçue par les investisseurs chinois, d’accompagner efficacement les investissements une fois réalisés. Comme dans toute projection vers l’étranger, il faut que la logistique et la gestion suivent et ceci n’a rien à voir avec la règlementation ou les barrières politiques. Or les managers chinois sont encore trop peu nombreux, et c’est aussi un frein. L’« interculturel » a un rôle important à jouer dans le renforcement de ces investissements.

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Jacques Gravereau : Pour ce qui est des IDE chinois en Europe, il faut quand même souligner que ces derniers auraient triplé entre 2010 et 2011 passant de 3 à 10 milliards de dollars. Il est vrai que comparé au PIB européen qui s’élève actuellement à 18 000 milliards de dollars, c’est une goutte d’eau dans la mer.

Le premier objectif de Pékin, comme le précisait Jean-François Di Meglio, fut d’investir dans les matières premières pour assurer son approvisionnement. Ces investissements ont donc été réalisés en direction des pays d’Afrique, au Brésil, etc. Par ailleurs, lorsque la Chine a pu commencer investir à l’étranger elle ne disposait pas d’un éventail de possibilités comme nous avons pu en disposer en Occident. Les principales sources de matières premières – les champs pétrolifères du Moyen-Orient par exemple – étaient déjà occupés par des puissances concurrentes. Il ne restait donc que très peu de place pour de nouveaux « compétiteurs » comme la Chine. C’est pour cela, notamment, que ses choix d’investissements se sont portés vers d’autres pays ou zones émergentes. En revanche, là où il y a de nouvelles opportunités, il y aura forcément des acteurs chinois. On l’a vu par exemple en Irak récemment où les Chinois ont acquis la quasi totalité des champs de pétrole d’Irak, ou encore au Nigéria, en Angola, où ils ont rattrapé de beaucoup les investisseurs traditionnels.

Au-delà des matières premières, les entreprises chinoises investissent d’autres secteurs d’activité. Ainsi, les dirigeants de Huawei par exemple, société de télécom chinoise, premier déposant de brevets télécom au monde, ont privilégié une stratégie de développement organique, sans investissements massifs. Ils ont remporté des appels d’offres et se sont implantés sur place. En Europe, ils ont commencé par les « petits » pays périphériques puis se sont rapprochés du « cœur » et sont aujourd’hui très bien implantés en Allemagne, au Royaume-uni, en France, etc.

J’observe enfin que malgré la crise économique que nous vivons depuis 5 ans, la Chine n’a pas pour autant – contrairement à ce qu’on aurait pu imaginer – profité de cette situation pour faire son « marché » en Occident en rachetant/investissant des pans entiers de

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nos économies en difficulté, à l’exception peut-être des installations portuaires du Pirée en Grèce.

Géoéconomie : Le nouveau président chinois Xi Jinping occupe

ce poste depuis mars 2013. Percevez-vous dans sa politique les signes de réajustements par rapport aux choix d’investissement de son prédécesseur ?

Jacques Gravereau : Il est trop tôt pour se prononcer sur ce point. Mais on sait que la Chine a perdu trois points de croissance depuis trois ans. C’est très important et cela nécessite des réajustements économiques.

Parallèlement les salaires chinois augmentent de 20 % par an en moyenne depuis plusieurs années. Cela a pour conséquence directe de diminuer la compétitivité de la main-d’œuvre chinoise, aujourd’hui bien plus chère qu’au Cambodge, au Vietnam ou au Bangladesh par exemple. C’est notamment à ces questions que le gouvernement de Xi Jinping va devoir répondre par des réformes adaptées.

Le principal moteur de l’économie chinoise est l’investissement, non la consommation (la consommation ne représente que 40 % du PIB en Chine contre 70 %, dans les autres pays développés). La Chine bénéficie de sources de financement « illimitées » entre ses surplus accumulés, les bénéfices des entreprises d’État et les grandes banques chinoises qui sont des banques d’État très « généreuses » avec les entreprises chinoises.

L’État central a une très faible dette déclarée, mais les collectivités locales chinoises sont souvent endettées au-delà du raisonnable, et il faudra bien porter le fer dans ce domaine également. C’est un très vaste chantier, qui bousculera bien des situations acquises.

Jean-François Di Meglio : Je rejoins Jacques Gravereau pour dire qu’il faut encore attendre d’avoir plus de visibilité sur les réformes engagées par le gouvernement pour répondre à cette question ainsi que sur le rôle des investissements. En effet, malgré les divergences

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d’évaluation, le poids des investissements (principalement domestiques) dans la croissance chinoise est très important. C’est d’abord là-dessus qu’il faut que le nouveau pouvoir travaille, pour rendre l’économie chinoise plus soucieuse du critère de « rendement du capital investi », sous-estimé jusqu’ici et d’où découlent forcément toutes les décisions d’investissement, domestique ou étranger.

Ensuite, dire qu’il y aurait « réajustement » sous-entendrait que la politique du « Plan » est encore plus importante qu’elle ne l’est dans le choix des destinations. Or la tendance sera de plus en plus à la montée d’investissements directs issus du secteur privé chinois, donc en théorie de moins en moins soumis à injonction ou sujets à des faveurs concernant l’obtention des autorisations d’investissement à l’étranger.

Ceci étant dit, les orientations politiques, et celles du Plan, orientent forcément en cascade les décisions des privés cherchant à tirer parti des zones de croissance et des besoins futurs de l’économie chinoise. Certainement, au-delà des sources traditionnelles d’énergie, les technologies permettant le « nettoyage » (greening) de la croissance chinoise seront des cibles intéressantes.

À l’inverse, il sera intéressant de voir comment les messages concernant l’ostentation du luxe et la consommation trop tapageuse ralentiront l’appétit pour « les marques » européennes qui ont été des cibles très visibles des investissements chinois. Or les toutes dernières interventions des investisseurs chinois dans les marchés européens n’ont pas encore illustré cette tendance potentielle, qui reste donc à argumenter.

De façon générale, la qualité des technologies liées aux services en Europe (services financiers, assurances en particulier) devrait intéresser les investisseurs chinois, que ce soit à destination de l’Europe ou du reste de l’Asie. Pour développer de tels flux, et même si l’Europe demeure plutôt ouverte et en tout cas moins restrictive que la Chine, la réciprocité et les preuves données par la Chine de sa détermination à lever les barrières pourra aussi aider à « faciliter » l’exécution de telles décisions chinoises.

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Pour finir, et parmi les tendances désormais en voie d’affirmation, la libéralisation financière incarnée par le Gouverneur (maintenu, à l’encontre des pronostics initiaux) sera sûrement un facteur d’accélération des investissements chinois à l’étranger, car la marche vers une plus grande ouverture du compte de capital, même si elle sera encore longue, semble favorisée.

Géoéconomie : Du point de vue européen, quels sont les enjeux autour de ces investissements extérieurs chinois ? Doit-on y voir – comme on l’entend beaucoup actuellement – une menace à la souveraineté ou à l’intégrité de notre économie et de nos savoir-faire ?

Jean-François Di Meglio : Les investissements directs venus de Chine ne constituent pas un bloc uniforme. La réponse à cette question ne peut donc être univoque. Il faut aussi se souvenir que la méfiance a pu être, à l’inverse, originaire des récipiendaires chinois d’investissements européens, reprochant souvent aux investisseurs de ne pas transférer assez de technologie. La principale menace reste le refus potentiel de réciprocité : malgré son entrée dans l’OMC, la Chine continue de protéger certains de ses secteurs (financier, automobile, télécommunications). Dans ces conditions une progression dissymétrique des investissements chinois en Europe, si les secteurs dans lesquels les investisseurs européens souhaitent aller en Chine continuent d’être restreints demeurera effectivement une menace pour le climat de confiance et potentiellement aussi pour la compétitivité relative de nos entreprises.

Pour le reste, les flux d’investissement, en « net » sont de façon générale, et dans l’approche libérale qui doit prévaloir pour nous dans le contexte économique qui est le nôtre, générateurs de croissance et pas de dépendance. Cette dernière dérive directement du manque de compétitivité, avant tout. C’est à cela que nous devons veiller. Et les menaces contre notre savoir-faire et nos technologies peuvent aussi bien provenir d’intrusion (non liées à des flux d’investissement) dans nos systèmes d’information et de communication. Il ne faut donc pas se tromper de débat.

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Jacques Gravereau : Tout d’abord, il est clair que lorsqu’un projet est jugé stratégique par Pékin, par exemple l’acquisition d’une industrie automobile autonome en faisant monter en puissance quelques champions nationaux au détriment des entreprises étrangères qui étaient jusqu’ici très fortement implantées sur le marché chinois, sa mise en place ne représente pas de difficultés financières. Ainsi, la mise en vente de Volvo (2010) est apparue comme une opportunité pour les décideurs chinois. Ces derniers ont donc demandé à Geely, l’un des trois plus grands constructeurs du pays, d’acheter Volvo puis se sont assurés de la réussite du projet en mettant à la disposition de Geely les ressources nécessaires pour financer l’acquisition de Volvo (ou de toutes autres marques si cela était le cas) en activant les banques, la SAFE, etc. Quel que soit le prix, quel que soit la rentabilité, les entreprises chinoises disposeront des réserves suffisantes pour acquérir l’entreprise ciblée.

C’est là l’un des intérêts de disposer de telles réserves. Cela leur octroie une grande marge de manœuvre qui serait parfaitement impossible en France et/ou en Occident où les impératifs de rentabilités sont plus importants.

Pour autant, nous sommes suffisamment grands, que ce soit au niveau des entreprises ou des administrations, pour savoir si c’est une menace ! Bien évidemment, cela dépend du secteur visé. Pour tout ce qui est des technologies de défense ou autres domaines stratégiques, j’ose espérer que nous sommes suffisament alertés, y compris en matière de pillage de données sensibles. La Commission européenne veille également, comme en témoigne le refus européen récent d’autoriser un gros investissement chinois dans un domaine stratégique sensible.

Nous avons également besoin de vendre et de commercer avec les Chinois et de profiter de ce marché en pleine croissance. Le salut de nos entreprises passe par leur développement sur ce marché. Pour deux raisons très simples : la première est que nous avons une croissance nulle en Europe alors que la Chine continue à caracoler à plus de 7 % ; la seconde est que notre déficit commercial avec la

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Chine est énorme. Tout maire d’un bassin d’emploi sinistré est prêt à dérouler le tapis rouge à un investisseur nouveau. Et même de très grandes entreprises sont aujourd’hui disposées à faire entrer dans leur capital de l’argent chinois.

Géoéconomie : Ces investissements continuent malgré tout de susciter toutes les craintes et méfiances quant à l’objectif réel de la Chine (on parle alors de suspicions émises par les autorités et les opinions de certains pays, que l’État chinois pourrait utiliser ces investissements à des fins politiques, stratégiques, de captations de technologies, voire même d’utilisation de la marque « made in EU », on évoque également l’opacité des flux financiers). Forts de vos expériences respectives que pensez-vous de cela ? Dans quelle mesure peut-on aujourd’hui affirmer que ces investissements ne présentent aucune menace ?

Jean-François Di Meglio : C’est à l’Europe aussi de mettre de l’ordre dans sa maison si elle souhaite rester compétitive, propriétaire de ses marques et récipiendaire de flux « propres ». Des procédures sont en place, y compris pour que la concertation entre pays membres de l’union européenne garantissent que les risques que vous décrivez sont prescrits. Ce qui n’a pas été toujours le cas bien évidemment dans les derniers mois.

Le détournement du made in EU est, à l’image de l’exemple que vous prenez, le résultat d’attitudes opportunistes et « nationales » dans certains états-membres, et pas en priorité d’intentions hostiles.

Il ne faut cependant pas faire d’angélisme. L’Europe est moins « méfiante » et protectionniste que nombre de ses concurrents. Son hétérogénéité, ses hésitations, la complexité de ses structures de décision, même si elles progressent sans cesse, la rendent vulnérable.

Là où, en particulier, des intentions délibérément stratégiques et pas forcément amicales pourraient être identifiées, c’est dans le domaine des infrastructures, où la détermination à s’assurer des débouchés échappant aux aléas juridiques ou liés au marché de

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l’emploi se manifeste. Les investissements dans les ports grecs et d’autres infrastructures stratégiques pourraient appartenir à cette catégorie de « visée à long terme ».

Il faut aussi prendre l’occasion ici de souligner deux éléments contradictoires mais constitutifs des investisseurs chinois, communs à la plupart d’entre eux :

un très grand souci démontrant un grand professionnalisme, de bien comprendre les techniques et les éléments constitutifs des cibles auxquelles ils s’intéressent. Sans parler de due diligence au sens financier ou sophistiqué du terme, l’observation d’investisseurs chinois en cours d’étude de marché ou d’acquisition démontre une connaissance des secteurs et une capacité à comparer entre elles les cibles qui ne cadre pas toujours avec l’image principalement hostile et donc psychologisée) que nous avons conçue de l’investisseur chinois-type.

En revanche, le passage à l’acte, la décision finale d’investissement de la part de l’investisseur chinois échappe souvent à nos critères, reste relativement imprévisible et ne suit que très rarement les processus « conseillés » (au sens propre du terme ou pas) qui caractérisent nos propres approches occidentales.

Jacques Gravereau : J’ajouterai que les Chinois sont collectivement très bien organisés pour acquérir l’intelligence économique et mettre en place des stratégies en conséquence, exactement sur le modèle japonais d’antan d’ailleurs. Cela signifie par exemple que plutôt que d’essayer d’acquérir une entreprise en entier, ils vont davantage essayer de repérer la ou les entreprises qui participent à cette activité et qui permettraient d’acquérir la technologie et les connaissances suffisantes pour le développement économique. C’est là leur grande force et la grande agilité chinoise dans le domaine économique, à savoir acquérir les informations nécessaires et pertinentes pour le développement économique.

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Géoéconomie : Pensez-vous que cela puisse constituer une opportunité pour les acteurs économiques européens et français pour développer et renforcer leur investissement en Chine ? Accéder au marché chinois ? Faire valoir la réciprocité ?

Jean-François Di Meglio : C’est tout l’enjeu du type de réponses que nous pourrons apporter aux situations « sensibles », à l’opposé de ce qui s’est passé dans le cas désormais illustratif et célèbre des « panneaux solaires ». Le résultat de notre lenteur et de notre pas de clerc discordant aura tendance à encourager la perception par les investisseurs que nous sommes peu préparés à réclamer la réciprocité. Mais il faut se rendre compte que l’apprentissage mutuel du partenaire est un processus lent. Quelle que soit l’issue de la négociation de PSA avec Dongfeng, ce qui est remarquable dans le parcours des deux parties en cause c’est la constitution d’une histoire commune dans le temps long. Les cadres des deux entreprises ont appris à travailler ensemble et à construire une culture et des expériences communes. C’est aussi le paradoxe chinois. Tout semble aller très vite avec la Chine car effectivement la vitesse de l’émergence nous a frappée. Cependant sans la densité et la profondeur qu’apporte le temps long, rien ne se fera, et c’est bien dans cette logique que travaillent les investisseurs chinois. Nous devons aussi prendre le recul nécessaire pour juger la valeur du travail que nous faisons en direction de la Chine et l’apport que constitue cette longue fréquentation, vrai gage de l’accès au marché : il faut connaître son interlocuteur pour le convaincre, comprendre ses raisons et identifier les besoins à satisfaire.

Jacques Gravereau : L’adhésion à l’OMC impose aux gouvernements signataires de faire appliquer des règles supranationales. Il s’agit d’un traité, dont les stipulations sont par définition supérieures à la loi nationale. Les Chinois l’ont ratifié, après avoir supplié pendant quatorze ans qu’on les y accepte.

En Chine, il est encore impossible de s’établir seul dans certains grands secteurs, à l’encontre des préconisations de l’OMC. La participation des Occidentaux dans le cadre d’une joint venture

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automobile par exemple ne peut excéder 50 %. Geely a pu racheter 100 % de Volvo mais l’inverse ne serait pas possible. Il n’y a pas donc pas de réciprocité sur le marché chinois, quoi qu’en dise les traités internationaux en vigueur.

Que peut-on y faire ? Pas grand-chose en l’état car nous sommes tous demandeurs de faire des affaires en Chine. Leur situation favorable leur permet de rester inflexibles sur ce point.

Prenons un autre exemple dans le secteur des télécoms. Le premier équipementier historique en Chine est Alcatel Shanghai Bell, filiale chinoise d’Alcatel, qui est le premier investissement étranger en Chine en 1984. C’est une grande réussite, avec quelques 3 500 personnes à Shanghai en R&D uniquement pour le marché chinois. Mais d’un autre côté, ce grand opérateur occidental leader en Chine est lui-même dans une situation plus que délicate en Occident où Huawei est, quant à lui, en train de s’implanter durablement en Europe et notamment en France où il est devenu le premier équipementier télécom. On est là face à un grand paradoxe.

Le monde a changé avec l’apparition des grands « émergents ». L’économie mondiale double de taille tous les dix ans. Le dynamisme des pays émergents s’accompagne de la montée en puissance de leurs nouvelles multinationales.

Il y a dix ans, qui pouvait citer une entreprise significative d’Inde, de Chine, du Brésil, de Turquie ? Nous sommes donc face à une perspective avec de plus en plus de « joueurs » que nous ne connaissons pas encore.

Et parallèlement, ces « nouvelles » entreprises exotiques ont encore beaucoup à apprendre des modus operandi au dehors de leurs frontières. Il existe de nombreux cas en Afrique où des managers Chinois appliquaient leur façon de faire brouillonnes et brutales, ce qui a conduit à des révoltes de la part des locaux, par exemple dans les mines de cuivre de Zambie. Ils vont apprendre et s’adapter, comme les Japonais l’ont fait trente ans avant eux.

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Géoéconomie : Quelles seraient les perspectives des investissements chinois en Europe ? Quelles opportunités pour l’Europe ?

Jacques Gravereau : L’Europe, représente 500 millions d’habitants et quelques 18 000 milliards de dollars de PIB, soit la première entité économique et commerciale du monde.

Il est clair que tout développement d’entreprise chinoise passe et passera par le marché européen. C’est donc dans l’ordre naturel des choses que des investisseurs chinois arrivent en Europe.

De plus, le niveau actuel des investissements chinois en Europe est tellement bas que cela ne peut qu’augmenter.

Mais savoir sur quels domaines est bien trop compliqué notamment en raison de ce que j’exposais précédemment sur le manque de véritable stratégie centralisée sur ce sujet en Chine. Mais peut-être que cela aussi va évoluer.

N’oublions pas que les Chinois comprennent, s’adaptent et apprennent vite, ce qui est l’une de leurs forces principales ! De la compréhension à la modification des comportements, il y a là un défi culturel qui sera sans doute semé d’embûches pour beaucoup de citoyens de l’Empire du milieu.

Jean-François Di Meglio : En Chine, on parle sans cesse de win-win. Il faut que l’Europe s’invente une terminologie symétrique. Dans la tradition chinoise, on dit toujours que c’est à partir de la rectification des termes (zhengming) que l’on réorganise le monde. À l’Europe de trouver sa propre formulation du win-win en réponse à celui qui a été formulé unilatéralement, il y a déjà quelque temps, par la Chine. C’est un travail qui reste à faire mais qui demande des efforts, comme ceux que la Chine a accompli et que vient de signaler mon interlocuteur !

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