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Les labels « paysage de reconquete », la recherche d'un nouveau modele de developpement durable LUCETIE LAURENS 11 est commun a'aametire qu'i1 existe des correspondances euoue: qeneratemen! consiaerees comme positives, entre un paysage et un pays, un pays et un produit, un paysage et un produi; ces trois termes etantmisenrapport les uns avec ies autres a travers des pratiques agricoles. Cette idee a ete a la base d'une operation du ministere de I'Environnement visant a concilier Ie aevetoppemem agricole dans un contexte moderne et la preservation des paysages ; on peut consiaerer qu'ona affaire la a sa mise en ceuvte en quelque sorte expenmenuue. L:interet deproceaer a ranotvse des traces ecntes de cette experience vientde ce qU'elles suscitent des questions sur ies conditions aut: devetoppemesv: durable. En effet, elles mettent en evidence tes incettnuaes et les contingences dujeu po/itique, au sommei comme a ta base; elles conduisent meme as'interroger surto pottee reeue. voire suria perti- nence, de rassoctanon- mecanique» entre ces termes. D'oi: les commentaires qUi se ressaisissent des conclusions du texte atravers des pointsde vue differents, montrant ainsi qU'i1 s'agitdeprocessus complexes et subtifs. [elucidation des relations fines entre des pratiques agricoles contemporaines et un paysage est indispensable. Elle extqe uneconfrontation apptcfonaie avec Ie terrain. Le mmtstere de I'Environnement - sur !'initiative de Segolene Royal - a engage en 1992 une politique de labellisation des paysages de quahte en attribuant Ie label • Paysage de reconquete » a une centaine de sites et une enveloppe de 150 KF a chacun d'eux, t:objectif y est de maintenir ou de requalifier des paysagesqui revelent des valeurs patrimoniales (histo- rique, culturelle, esthettque, identitaire) pouvant renforcer Ie caractere attractif de ces sites. Cette action paysagere du mlnlstere de I'Environnement doit etre replacee dans Ie fonction- nement et les logiques de cette administration. La politique de I'environnement s'est structuree en France a partir de 1971 autour de trois domaines, la gestion des ressources naturelles, la protection de la nature et la prevention des pollutions et des risques. Ainsi, trois directions thematlques ont ete creees, la direction de l'Eau, la direction de la Nature et des Paysages. la direction de la Prevention des pollutions et des risques. Apres s'etre interesse a des milieux naturels spedflques, Ie mlnlstere a elargt son champ d'intervention et d'actlon en lntegrant des preoccupa- tions patrimoniales (recensement, gestion, preserva- tion et mise en valeur des paysages). Cetype d'actton est territorialise mats a partir de quels crtteres ? Comment aft-on selectionne les dossiers ? Lannee 1992 est une annee partlcullere dans Ie sens ou I'espace et les paysages ruraux se trouvent au centre de nombreuses procedures europeennes et nationales 1 qui autorisent des regimes spectaux pour • les aides nationales dans des zones sensibles du point de vue de I'environnement en vue de contri- buer a l'introduction ou au maintien de pratiques de production agricole qul soient compatibles avec les exigences de la protection de I'environnement naturel et dassurer un revenu adequat des agricul- teurs... » (eEE. 1985) et definlssent les • methodes de production agricole compatibles avec les exlgences de la protection de renvironnement atnsl que l'entre- tien de I'espace naturel » (CEE, 1992). La diverslte biologique et ecologique est Ie leitmotiv et Ie fil conducteur. t:argument fort sous-jacent de cette operation de labellisation est que te developpement durable passe par Ie maintien de la dlversrte, ouest ce que cela signifie en termes de patrimoine ? l.operatlon • Pays age de reconquete » utilise comme slgne Ie terme • label • ; cela pose differentes ques- tions, pourquoi ce cnoix et que garanttt-It, pourquoi lui faire confiance ? rorigmaute de cette demarche transparait a travers dltferents supports. Lassoclatton entre paysage et produit fait que les agriculteurs peuvent avoir un role actif dans cette demarche. Quelle agriculture souhaite-t-on devetopper ? Le contexte de la creation du label « Paysage de reconquete » La mise en place de ce label en 1992 par Ie lancement d'un appel d'offre aupres des Diren 2 represents une experience, I'approfondissement de recherches Iancees par Ie mlnlstere de I'Environnement qul doivent symboliser • l'ldentlte et la dlverslte du territoire LUCETIE LAURENS Maitre de conferences geographie, Eso-UMR CNRS 6590, unlversite du Maine, BP 535, 72085 Le Mans cedex 9. Tel. 02 43 83 31 83 ; fax 02 43 83 31 92 1 Application de l'artlcle 19 en France depuls 1989 en fonction du reglernent (CEE) n" 797/85 du 12 mars 1985 concemant l'amelioratlon de l'efftcactte des structures de ragrtculture, puis des mesures agrienvironnementales 11 partir de 1992 issues du regtement (CEE) 2078/92 du 30 juin 1992 concernant les methodes de production agrlcole compatiblesavec les exigences de la protection de I'environnement ainsi que I'entretien de I'espace nature!. NSS, 1997. vol. 5. n" 2, 45-56 / © Elsevier

Les labels « paysage de reconquête », la recherche d'un nouveau mod`le de développement durable

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Les labels « paysage de reconquete »,la recherche d'un nouveau modele dedeveloppement durable

LUCETIE LAURENS

11 est commun a'aametire qu'i1 existe des correspondances euoue: qeneratemen! consiaerees commepositives, entre unpaysage etunpays, unpays etunproduit, unpaysage et unprodui; ces troistermes etantmisenrapport les uns avec ies autres atravers des pratiques agricoles. Cette idee a ete ala base d'une operation duministere deI'Environnement visant aconcilier Ieaevetoppemem agricoledans uncontexte moderne et la preservation des paysages ; onpeutconsiaerer qu'ona affaire laasamise enceuvte enquelque sorte expenmenuue. L:interet deproceaer aranotvse des traces ecntes decette experience vientdeceqU'elles suscitent des questions suries conditions aut: devetoppemesv:durable. En effet, elles mettent enevidence tes incettnuaes et les contingences dujeupo/itique, ausommei comme ata base;elles conduisent meme as'interroger surtopottee reeue. voire suriaperti­nence, derassoctanon- mecanique» entre ces termes. D'oi: les commentaires qUi se ressaisissent desconclusions du texte atravers des pointsdevue differents, montrantainsi qU'i1 s'agitdeprocessuscomplexes etsubtifs. [elucidation des relationsfinesentre des pratiques agricoles contemporaines etunpaysage est indispensable. Elle extqe uneconfrontation apptcfonaie avec Ie terrain.

Le mmtstere de I'Environnement - sur !'initiative deSegolene Royal - a engage en 1992 une politique delabellisation des paysages de quahte en attribuant Ielabel • Paysage de reconquete » a une centaine desites et une enveloppe de 150 KF a chacun d'eux,t:objectif y est de maintenir ou de requalifier despaysagesqui revelent des valeurs patrimoniales (histo­rique, culturelle, esthettque, identitaire) pouvantrenforcer Ie caractere attractif de cessites.

Cette action paysagere du mlnlstere deI'Environnement doit etre replacee dans Ie fonction­nement et les logiques de cette administration. Lapolitique de I'environnement s'est structuree enFrance a partir de 1971 autour de trois domaines, lagestion des ressources naturelles, la protection de lanature et la prevention des pollutions et des risques.Ainsi, trois directions thematlques ont ete creees, ladirection de l'Eau, la direction de la Nature et desPaysages. la direction de la Prevention des pollutionset des risques. Apres s'etre interesse a des milieuxnaturels spedflques, Ie mlnlstere a elargt son champd'intervention et d'actlon en lntegrant des preoccupa­tions patrimoniales (recensement, gestion, preserva­tion et mise en valeur des paysages). Cetype d'acttonest territorialise mats a partir de quels crtteres ?Comment aft-on selectionne les dossiers ?

Lannee 1992 est une annee partlcullere dans Iesens ou I'espace et les paysages ruraux se trouventau centre de nombreuses procedures europeennes etnationales 1 qui autorisent des regimes spectaux pour• les aides nationales dans des zones sensibles dupoint de vue de I'environnement en vue de contri-

buer a l'introduction ou au maintien de pratiques deproduction agricole qul soient compatibles avec lesexigences de la protection de I'environnementnaturel et dassurer un revenu adequat des agricul­teurs... » (eEE. 1985) et definlssent les • methodes deproduction agricole compatibles avec les exlgencesde la protection de renvironnement atnsl que l'entre­tien de I'espace naturel » (CEE, 1992). La diversltebiologique et ecologique est Ie leitmotiv et Ie filconducteur. t:argument fort sous-jacent de cetteoperation de labellisation est que te developpementdurable passe par Ie maintien de la dlversrte, ouestce que cela signifie en termes de patrimoine ?l.operatlon • Paysage de reconquete » utilise commeslgne Ie terme • label • ; cela pose differentes ques­tions, pourquoi ce cnoix et que garanttt-It, pourquoilui faire confiance ? rorigmaute de cette demarchetransparait a travers dltferents supports. Lassoclattonentre paysage et produit fait que les agriculteurspeuvent avoir un role actif dans cette demarche.Quelle agriculture souhaite-t-on devetopper ?

Le contexte de la creation dulabel « Paysage de reconquete »

Lamise en place de ce label en 1992 par Ie lancementd'un appel d'offre aupres des Diren2 represents uneexperience, I'approfondissement de recherches Ianceespar Ie mlnlstere de I'Environnement qul doiventsymboliser • l'ldentlte et la dlverslte du territoire

LUCETIE LAURENS

Maitre de conferencesgeographie, Eso-UMRCNRS 6590, unlversite duMaine, BP 535,72085 Le Mans cedex 9.Tel. 02 43 83 31 83 ;fax 02 43 83 31 92

1 Application de l'artlcle 19en France depuls 1989 enfonction du reglernent(CEE) n" 797/85 du 12 mars1985 concemantl'amelioratlon de l'efftcacttedes structures deragrtculture, puis desmesuresagrienvironnementales 11partir de 1992 issues duregtement (CEE) n°2078/92 du 30 juin 1992concernant les methodesde production agrlcolecompatiblesavec lesexigences de la protectionde I'environnement ainsique I'entretien de I'espacenature!.

NSS, 1997. vol. 5. n" 2, 45-56 / © Elsevier

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2 Direction reglonaledeI'Environnement.

3 Centre permanentd'lnltlatlon a

I'environnement.

4 Le haut Jurabeneficiaitd'une operation Leader 1,Beaumes-de-Venise avait

ete choisicommeterritoireexperimental pour la

reflexlon sur lesPlans dedeveloppement durable.

t:article 19-0GAFenvironnements'apptlqualt

aux espaces retenusdanslesdossiers de la Venise

verte, leshautesterresdeMargeride, lesprairiesinondablesde 1'111, les

montagnes d'Aubrac, lacomichede Bompas, la

montagnevosgienne, lescommunauxdu marais

pottevln, les maraissalantsde Guerande, Ieval d'Arly,

Ie PNR du iuberon lesdalrteresde la Chaise-Dieu,

lescoteauxdu Haut-Gers,Nans-sous-sainte-Anne, Ie

haut JuraSud, lachatalgnerale de Saint­

Pierreville, les boucles de laSeine.

5 Cette missionva deveniren 1994 Ie Bureau dupaysage directement

attachea la direction de laNatureet des Paysages.

SOn budgetd'etudeset detravaux est passe de 4

millions de francsjusqu'en1992 a22 millions en

1993 et 40 millions en1994. Ces structures ont

soutenuet soutiennentdesrecherches sur les

methodes de gestiondespaysages.

6 Assemblee permanentedeschambres d'agriculture,

francais... concilier les valeurs du passe et celles deravenir, meier les deux echelles du terroir et du terri­toire • (ministere de l'Environnernent, 1993). Les deuxprincipaux partenaires sont Ie mlnlstere deI'Agriculture et les chambres d'agrlculture. Cette poli­tique devait porter sur des paysages constderescomme remarquables tant par leurs valeurs esthe­tiques et culturelles que par les productions assodees.La strategte retenue etatt de distribuer des subventionsau travers de I'attribution du label qui • reconnait etencourage la quahte de I'espace et peut etre utilisepour valoriser la reconquete locale des paysages etdes produits • (mlntsterede I'Environnement, 1993).

La rapldlte de la mise en place de cette experiencea parfols prts de court les Diren qui ont fait appel aleur reseau et a leurs partenaires habituels. De ce fait,iI n'y a pas eu de selection des dossiers, rneme siaucun projet global n'apparalssalt dans la candida­ture, Ainsi, Ie support de cette etude resutte d'uneaction volontariste du rnlnlstere de I'Environnementdont I'objectif premier a ete deftnl mais laisse a \'inter­pretatlon des interlocuteurs.

Lesdossiers labelllses revelent les reseaux qui fonc­tionnent autour des preoccupations paysageres. Lespares naturels reglonaux surtout (Landes deGascogne, Armorique, Marais Poitevin, Morvan, Nord­Pas-de-Calais, Ballons des Vosges, Lorraine, Volcansd'Auvergne, Normandie-Maine, Luberon. Livradois­Forez, Haut-Languedoc, Haut-Jura, Brotonne) etsecondairement les pares nationaux (Cevennes,Ecrins) sont presents.D'autres partenaires regtonaux ;les CPfE3, les delegations Bretagne et PACA duConservatoire de respace littoral, Ie Centre rnedtterra­neen de I'environnement (association partenaire dela Mission du paysage) ont ete rnobllises, Les acteursbien representes sont soit des structures intercommu­nales pour Ie developpernent local, solt des orga­nismes professionnels travaillant sur un produit. Cesdossiers peuvent souvent avotr une existence prea­lable a la candidature, en raison de l'appllcaticnd'autres procedures", La plupart des dossiers retenusmontre que rappel d'offres a ete saisi par des struc­tures et des personnes qui etalent deja senstblllseesaux questions paysageres,

Cette operation ponctuelle complete I'arsenal d'ln­tervention du mlnlstere de I'Environnement pour Iepaysage. Se posent des 1993 des questions sur l'in­teret d'une telle demarche dont iI est difficile demesurer la portee et \'impact. Avec du recul, nousverrons qU'elle a donne lieu a de nouvelles politiques,de nouvelles demarches ancrees dans la duree. En1992, Ie terme de paysage est largement utilise etrecouvre des significations variees (Donadieu, 1994).Le mot paysage est charge de connotations histo­riques, physiques et ideologiques qui sont appro­priees et valorisees a des degres divers en fonctionde la population consideree. On retrouve toujours lanotion de regard en position elevee, I'expression detortes emotions, \'idee de voyage. Si I'on se place dupoint de vue du ministere de I'Environnement, Iepaysage devient un produit dont la qualite esthetiqueest fondamentale. Existe-t-i1 une n~elle sensibilitepaysagere ou n'apparait-elle qu'au travers deproblemes ecologiques et d'environnement ?

Du fait de cette forte charge symbolique et de l'lm­pact possible de I'action paysagere, I'Etat a reactivecette notion recurrente, Dans un premier temps, I'Etats'est interesse au patrimoine culturel (siteshistoriqueset archeotoglques) qu'il a lnventorle, classeet protege(loi de 1913 etargle par la lol de 1930 aux sites etmonuments naturels). Progressivement, Ie paysage afait I'objet de textes de Iol, notamment a partir de ladecennte 1970 et a donne lieu a la creation du Centrenational d'etudes et de recherches sur Ie paysage en1972 rernplace par la Mission du paysage en 19795

(Strates, 1994-1995 ; Cabanel, 1995). Durant cettedecennle, on prtvllegle la protection des habitats etdes ecosysternes de la vie sauvage et partots lespaysages remarquables. La Mission et Ie Bureau dupaysage ont mls en place une organisation du travailtondee sur un reseau de cornpetences et de compli­cites qui a donc ete sollldte lors de la mise en placedu label· Paysagede reconquete -. Cette experiencea ete concue pour apporter un complement de savoirsur les structures paysageres et leur interet econo­mique et pour completer les fondements des poll­tiques amettre en place,

Des sa mise en place en 1979, la Mission a deve­loppe l'ldee et nnteret dune approche et d'un projetglobal pour Ie paysage recevant Ie consensus desdivers acteurs concernes. Les operations • paysagesde pays· lancees en 1980 repondalent a cette preoc­cupation. Les relations souhaltees entre agriculture etpaysage ont permis d'lntrodulre la prise en compte dela qualite paysagere dans les procedures classiquesd'amenagement foncier agrlcole. Par fa suite, lareflexlon s'est orientee sur I'avenir de I'agriculture etses relations avec Ie devenir des paysages. Au traversdes travaux menes par la Mission du paysage sur les• paysages de terrasses " iI s'aglssalt de falre passer\'idee quus constituaient une • structure paysagere •dont • la connaissancedes caractertstiquesphysiques,sensibles, econorntques est indispensable pour rae­tion car chacune d'elles correspond a un systemspaysager, hydrologique, agronomique dont iI tautcomprendre et respecter la coherence pour assurer laperennlte d'un territoire • (Cabanel, 1995). Ce principeest approprle egalernent par tes organismes agricoleset Ie mmtstere de I'Agriculture et sexprtme dans Iecolloque • Agriculture et environnement • organisepar rApca6 en 1990. La quallte des paysages devientainsi un objectif dont les contraintes et les exigencessont mieux partagees tout au moins dans lesinstances dirigeantes. Les labels • Paysage de recon­quete • sont consideres comme un support pourpromouvoir cette idee, Cela permet egalement decomprendre que la Mission du paysage se soitengagee dans la mise en CEuvre des Plans de deve­loppement durable (PDD) et dans I'appui a I'agricul­ture biologique. Y a-t-i1 n~elle collaboration entre lesdeux ministeres ?

La notion de paysage acquiert progressivement unstatut complexe dans lequel interferent des aspectsphysiques, la mise en valeur, I'exploitation et la valo­risatlon. L'approche ecologique du ministere deI'Environnement se double d'une entree sociaIe eteconomique qui s'affirme a la fin des annees 1980 etau debut des annees 1990.

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Lelabel « Paysage dereconquete », la reconnaissancede la ressource paysagere

Le label « Paysage de reconquete ' represente doneune reponse aux nouvelles orientations du debat surIe paysage. Lentree sociale est essentielle et transpa­rait dans les trois termes de l'lntltule et Ie texte desegolene Royal. Ces sources fort disparates sontcomplementatres dans I'analyse du sens et de la signi­fication de cette experience.

Les trois termes de l'lntltule - label, paysage, recon­quete - sont fondamentaux dans cette operation devalorisation et revelent 11 eux seuls toute la philoso­phie de la demarche, les approches et les sensibtlttesretenues. Les mtltules cumulent ainsi I'utilisation d'unsigne reconnu par Ie grand public mais largementutilise, la prise en compte de la preoccupationpaysagere et une vision dynamique. Un effort de defi­nition est necessalre afin de comprendre la portee etl'tnteret susdte par ce classement.

Le label est utilise par I'administration 11 chaque foisque celle-ci desire donner 11 un produit les moyens dese differencler, Les producteurs beneficiaires d'un teldassement peuvent faire reconnaitre leurs pratiquespartlculteres. Dans Ie cas present, ce label garantitl'orlglnaltte des pays ages et la qualite des produitsagroalimentaires et artisanaux associes. II permetd'tnformer Ie public sur la speciftdte des peri metresconcernes, II garantit l'orlginattte de produits issus duterroir, la quallte superteure de ces produits et I'exac­titude des informations. Cette garantie repose sur uneprocedure particullere, les conditions d'attrlbutton etde retrait du label sont mises en place par I'Etat,chaque partenaire du label sengage sur un cahierdes charges defini et vallde, un systeme de contr61edu bon fonctionnement est cree. II s'aglt done d'unslgne de qualite. Est-ceque toutes ces conditions sontrem piles ici ?

Ce label associe deux termes qu'll convient d'explt­citer. Cette formule « Paysage de reconquete ' estongtnale car elle concrettse les reflexlons dumlntstere de I'Environnement sur les conditions d'undeveloppement durable. Le paysage est defini icidans Ie sens retenu par Augustin Berque : Ie paysagerevele Ie rapport entre une societe locale et son envt­ronnement. II sera it done une representation, uneimage. t.:approche systerntque retenue par JeanCabanel (1995)7 precedemment citee, revele I'orienta­tlon des travaux de la DNp6 Celle-ci resulte desnombreuses collaborations que Ie mlntstere a sumettre en place avec differents chercheurs. Lepaysage retenu assode plusieurs approches quipeuvent etre slmultanement ou de tacon concomi­tante mise en oeuvre par la Direction de la nature etdes paysages.

- La presentation et la prise en compte d'unpaysage peuvent avoir une entree naturaliste au sensd'ecosysteme, Le maintien de la dlverstte repose surune politique de gestion visant a la conservation desmilieux naturels et des especes. Cela se traduit pardivers classements pour des milieux d'interet majeur

(reserve naturelle, zone naturelle d'lnteret ecologtquefaunistique et floristique, arretes de biotopes). Cetteentree constitue la vocation premiere du rnmtstere deI'Environnement.

- Le paysage represente aussi un patrimoine 11sauver, materiel, tmrnatertel et symbolique. II partl­ctpe 11 l'Identtte et 11 la reconnaissance d'un lieu. Danscette opttque, I'agriculture est Ie principal producteurde nature et de paysages. Cela conduit de fait 11 uneretlexlon sur les pratiques agricoles 11 soutenir. Cesdivers paysages deviennent un argument touristiqueet economtque car i1s peuvent renforcer la diversifica­tion des usages. Toutefois iI y a une ambigutte, faut-i1choisir entre des conservatoires des paysages, desrnusees ou des possibllites d'alller production etpreservation ? Ce dilemme est 11 t'orlgtne de lademarche du mintstere de I'Environnement qui sepropose de concilier les deux. II reflete done l'elargis­sement des preoccupations du mmtstere.

- Ces paysages doivent etre 11 la base d'un projetcar Ie mtnistere a esttme que la protection n'etalt passufflsante en sot. Plusieurs interrogations se font jour.Les pouvoirs publics souhaitent soutenir un projetglobal pour chacun de ces territoires. Plusieurs fonc­tions sont envlsagees pour ces paysages. Y a-t-Iltoujours un projet pour ces territoires ou bien certainsd'entre eux revelent-ils un opportunisme local? Cetteinterrogation constitue Ie principal reproche qui a eteadresse a l'expertence a posteriori.

En 1992, Ie nom retenu pour ce label etait celui de« Paysage de reconquete ' qui semble evotuer aujour­d'hul vers celui de « Paysage de terroir -. En effet, Ierntntstere de I'Environnement etablit une equivalencede sens entre paysage, pays et terroir, deflrussantainsi des territoires homogenes, lndlvlduallses. Leterme de reconquete induit la notion de reappropria­tion ou de reinvestissement qui recouvre ici plusieursidees forces ; la redecouverte de la vartete, de ladlverslte. la sauvegarde de valeurs patrimoniales,d'Identite, la definition de paysages remarquables, Lemaintien de caracteres attractifs permet denvlsagerune diversification des usages, notamment Ietourlsme, la prise en compte des differents tnterets ettlnalltes.

Lanalyse de l'intitule conduit a un questionnementcomplexe qui revele les ambitions de ce label et l'ac­tuallte de ce sujet. Ces labels vehlculent diversesrepresentations revelatrices des dtfterentes approchesecologlques, patrimoniales et econorntques. Cesrepresentations des paysages doivent permettre etsupposent Ie maintien d'une agriculture, l.analyse desdocuments permettra de reperer de quelle agricultureiI s'aglt, Est-ce que ces pays peuvent etre encore desespaces de vie ? Les liens etabfls entre pays etpaysages, reconnus par Ie mlnistere deI'Environnement, impliquent que Ie sentiment identi­taire repose sur une association des deux, La mobili­sation autour du paysage permettrait de renouvelerla reflexlon sur Ie developpement local. Les termesutilises, les photographies participent a la construc­tion d'Images, qui peuvent etre stereotypees, genera­Iisantes et passeistes. Les reponses se trouvent enpartie dans I'analyse des supports et des contenusdes differents labels.

7 Diredeur du Bureau dupaysage du rnmtstere deI'Environnement.

8 Direction de la Nature etdes Paysages,ministere deI'Environnement.

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Les interrogations soulevees par l'analyse de !'intl­tule trouvent une partie de leurs reponses dans Iediscours developpe par Ie ministre deI'Environnement. segotene Royal (1993) a precisedans un ouvrage grand public les idees qui l'ontanlrnee dans la mise en place de cette operation. Sonargumentaire repose sur une interrogation centrale:quel paysage voulons-nous ? L.:objectifest de parvenira !'instauration d'un developpernent durable reposantsur la dlverslte des pays et des paysages. Cette diver­site constitue l'ldenttte du territoire national etconduit naturellement a refuser l'homogenetsatlon.Le developpement soutenable suppose done de refle­chir aux tacons de produlre et d'occuper I'espace qu'ilconvient de promouvoir. Ce label a done pour objectifd'allier tradition et moderntte. J.:analyse de la presen­tation retenue par les demandeurs du label faitressortir les grandes idees qui peuvent se resumerainsi:- Les paysages sont la rnemotre et l'Inscrtptton devaleurs du passe tout en ayant une dimension pros­pective (Ies valeurs que ron souhaite valoriser dansI'avenir).- Le label est la reconnaissance du savoir-faire, deI'authenticite. II apporte ainsi une valeur aux espaces.- Les sites retenus constituent des reperes essentielsdans la complementante entre espaces, productions ethommes.

Ce discours presenteplusleursdimensions que ronpeut reprendre en fonction des definitions retenuesprecedernment et qui sexprtment en terme dap­proches et de senslbllltes (tableau I).

Le raisonnement est fonde sur Ie concept depaysages remarquables en termes d'ldentlte locale,de reference, d'identification, de vecu,Lindividualisation de ces paysages suppose la recon­naissance et la prise de conscience de ces identifiants.t'onglnante de cette demarche tient au fait qu'Il nestpas fait mention de I'approche naturaliste. II n'y a pas

de discours naturaliste protectionniste, tout est centresur I'homme. Les dimensions prises en compte sontdu domaine du sensible, du subjectif dans lequel lesnotions d'herttage et de transmission sont fondamen­tales (senstblltte symbolique, historique...).

Le projet de developpernent local reste tres vaguequant aux actlvites economlques qu'tl serait pertinentde devetopper. II met en avant les notions de terroiret de territoire. Le local devient un gage de develop­pement et les paysages, un stgne de demarcation,d'individualisation. On ne refuse pas ta modernisationde I'agriculture mats on souhaite que celle-ci soitrespectueuse de son environnement.

Le discours mlnlsteriel et les dimensions retenuesfont que cette experience apparait etre en symbioseavec Ie concept dagrlcutture environnementale deve­toppe par la Cornmunaute europeenne a la fin desannees 1980 (article 19 puis 21-24, mesures agrienvi­ronnementales). II n'y a done pas a priori de contra­diction entre les efforts menes par les mlnisteres deI'Environnement et de I'Agriculture, ta communauteeuropeenne en faveur des paysages ruraux. II s'agltdessals en vue de mettre en place une politique plusglobale repondant aux preoccupations atflchees dedeveloppement durable ? Mais y a-t-i1 pour autantefttcadte coruuguee de ces dlfferentes aides?

les reponses, la volonte d'allierdeveloppement et protection

Lappel d'offre a donne lieu a des reponses dont ron­gine est blaisee en raison de la mise en action et durejeu, par reaction a une sollicitation, de reseauxpreexlstants. De plus, ces candidatures n'ont pas eteselectlonnees, mais retenues au fur et a mesure deleur arrtvee (100 au total en 1992-1993). Soixante­neuf dossiers « retardataires • n'ont pu benefider du

1abIeau L US dimensionsvehiculees par Ie label « Paysage

Projet de developpement local

Disposer d'une agriculture mogernetout en sachant preserver la diversltede sespaysages a travers des.~<:Jno­

mtes locales speeifiques et peH'or­mantes

IdentM du territoire nationalQual~de la vie quotidienneRepere geographlque

Histoire des lIeuxMemolre - Valeur du passeHi:stoirede Ia campagne francalse

Lesill"""" fKIII1mees~.

Fragil~ - Menace d'homogeneis~

Affective Cultures locales

Atout pour Ie developpement~ConOll1IeS locales spedttqueset

perforrnlilntesDes prOduits nouveaux et de qualite

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labels, quelques exemples.

I.e Confolentais (Charente)I.aG8tlne (Deux-Sevres)l.eBlamontois (Meurthe-et-Moselle)l.e~aufortin (savoie)

l.es Grands causses de tozereLavaHeede la cartempe (Vienne)tes coteaux du haUl Boulonnais (Pas-de-Calais)Lamontagne vosglenne (Vosges)EstuaIre de Trieux,For@(de Penhoat Lancerf (COtes-d'Armor)

Lepays d'Olmes : de Belesta a Montsegur (Ariepl1Lepilys de Beaulieu (Correze)Le pays de Racan (Indre-et-Loire)

l.es pressales du Mont-Saint-Michel (Manche)l.es communaux du marais Poltevin (Vendee)l.es vJgnobles de Ramatuelle (Var)Lebocage bressuirals (Deux-sevres)l.es hautes chaumes du massif vosgien (Haut-Rhln)

LaientiUe verte du Puy (Haute-Loire)l.es mlrabelliers de Lorraine (Meurthe-et-Mosell"tes clalres d'OJeron (Charente-Maritlme)

l.es enaos granltlques du Sidobre (Tarn)tes ocres (Vaucluse)

label rneme st leur Interet ne faisait aucun doute.L:analysedes dossiers retenus permet de mieux cernerles arguments et les contenus et de mesurer les Iimitesde ces actions. Le support de I'analyse est constltuepar les fiches descriptives de chaque site rassembleesdans un ouvrage promotionnel (mlntstere deI'Envlronnement, 1993). Cette presentation est interes­sante car elle utilise les arguments developpes par Iemtntstere de I'Environnement dans Ie cadre de sareorientation politique en matiere de paysage. Letudeplus approfondie de quelques exemples a pour objetde mettre en evidence les ambitions et parfois lescontradictions de ces candidatures.

I:analyse du corpusdes reponsesLaphilosophie du rnlnlstere de I'Environnement trans­parait tout d'abord dans l'tntltule des labels, puis dansles fiches de presentation (realisees par Ie mmtstere),Au-dela de I'appellation, il est lnteressant de releverdans Ie document de presentation les aspects tech­niques utilises. Cet ouvrage est d'une lecture tresagreable, cnaque label est presents sur une doublepage comprenant des documents analogues rnaisdans des proportions variables, une carte de localisa­tion, une Illustration photographique, une descriptionde la region concernee, la presentation du projet etdes objectifs, les partenaires Institutionnels de l'opera­non,

Dans l'lntltule, les paysages de reconquete sontl'image et a rlmage d'un « pays» (tableau II), Ainsl.tous les labels sont nornmes par Ie nom d'une petiteregion ou d'une ville qui peut avotr une connotationhistorlque, Ces noms ne sont done pas torcementconn us du grand public et encore moins localises, Dece fait pour reussir sa communication, Ie mlnlstere adO preciser pour chaque label les noms du departe­ment et de la region dappartenance. La denomina­tion par des pays dolt renforcer radheston des popu­lations locales car ces noms ont une valeur affective,une signification. lis ant aussi une valeur symboliquepour les populations exterteures, car ils font referencea l'hlstoire, au passe, Ces noms participent done a laconstruction dune image qui renforce l'authentldterecherchee, On peut distinguer plusieurs cas defigures en tentant de classer les 100 labels offlclalises.

La reconnaissance, la notorlete d'un label estsomme toute complexe puisque plusieurs elements ycontribuent : un nom porteur assode a un paysage,un pays, un produit, un element geograpruque. unterroir. Plusieurs entrees sont done possibles pourparvenir a I'objectif du label. Mais on peut stnterrogersur la portee de cette notoriete. non-on s'arreter auxpaysages ayant une forte reconnaissance ? La refe­rence au pays lalsse penser que ces labels s'lnteres­sent au developpernent local d'une zone et ne dit rienen soi de la problematique paysagere. L:ajout d'unnom geographtque. dun territoire au dun produitagricole indique que ron sattache a la perennite d'unpaysage construit. La formulation de l'lntltule revereen sol des logiques differentes, L:existence de ces

Page 6: Les labels « paysage de reconquête », la recherche d'un nouveau mod`le de développement durable

projets suppose une prise de conscience locale forte,t'habltude plus ou morns ancienne de travaillerensemble ou/et la capacite de saisir l'opportunlte d'unfinancement (ici 150 KF par dossier). Les territoiressont remoblllses mais les Iimites peuvent varier d'uneoperation aune autre. La figure 1 permet de mettre enevidence qU'1I n'y a pas de repartition hornogene deslabels sur Ie territoire national. On note ra frequenceelevee des zones de montagne, de marais, de Iitto­raux, II y a une nette predominance du sud-est et derouest, notamment des zones pertphertques. La mobi­lisation locale et la capaclte a faire ernerger desprojets sont fortes dans certaines regions comme IeLanguedoc-Roussillon, Poitou-Charentes, la Lorraine,PACA. Certains departements possedant pourtant despaysages remarquables ne sont absolument pasrepresentes (exemple : I'Aveyron, les Hautes-Pyrenees.la Haute-Vienne), Est-ce revelateur de blocages, dunemoindre implication des Diren ?

En reprenant les six cas de figures precedents, onpeut relever Ies arguments developpes (tableau III).On retrouve tous les concepts et une demarche iden­tique, presentation de revolution patrimoniale et desrisques d'appauvrtssernent, Ie developpement desarguments pour agir (Ies valeurs patrimoniales essen­tiellement esthetlques et ecologiques ; les valeursidentitaires et recreatlves n'apparatssent pastoujours ; les actions econorntques a mener). Cesactions demeurent generalernent ponctuelles. Ledeveloppernent economlque d'une zone peut-ildevenir rargument pour agtr sur I'environnement ?

Lapplication, les ambitionset les contradictions au traversde quelques exemples

Les espaces retenus et les actions envtsagees presen­tent une grande varlete. Le label porte sur des terri­toires de taille variable qui ne sont pas toujours deli­mites (exemple : 28 communes pour les boucles de laSeine, 15 000 ha pour Ie haut Jura Sud, 25 000 napour la chataigneraie du sud Morvan, 3 SOD ha pourIe marais de Saint-Orner). Ces quelques exemplesmontrent bien que les problemattques paysageres nepeuvent are que differentes en fonction des caracte­ristiques et de la taille de ces territoires. Luntte paysa­gere n'est pas toujours respectee puisque Ie decou­page tient compte d'autres crlteres et clivages(politique, administratif). Au-deja de la dimensionmedlatlque recherchee, Ie label « Paysage de recon­quete » comprend des applications concretes prenantappui sur les agriculteurs. La question centrale est desavoir quelle agriculture on souhaite maintenir.Plusieurs crtteres et plusieurs objectifs se combinent :- Elle doit participer a l'entretten des paysages et gererles espaces ruraux de demain (exemple : dans Iemarais de Saint-Orner, !'installation de jeunes agricul­teurs sur des exploitations marakheres devrait assurerravenir du marais).- Pour y parvenir, elle do it etre competitive(exemple : la promotion de la culture de la peche dans

les petites exploitations familiales de la valleed'Eyrieux apporte un plus en termes de revenu).- L:amelioration des performances de cette agriculturedevrait lui permettre de se maintenir d'ou Ie besoin desoutenir la modernisation de certains aspects de laproduction tout en respectant ce qui fait I'orlglnalltede son terroir (exemple : rentretien des terrasses deBanyuls : murets, reseau de tosses et de ngoles, et desbancels a oignons doux des Cevennes dans la regionde Saint-Martial).- Cette agrlculture est centree sur des produitsreconnus de quante (exemple : rAOC lentille verte duPuy, Ie fromage de Maroilles par l'arnelloratlon desconditions sanitaires de production). Cependant,toutes ces productions ne disposent pas d'un signeparticulier de qualite.- Lactlvlte agricole de ces sites s'lndlvlduallse par despratiques et des productions ancrees dans un territoireet un terroir (exemple : Ie reencepagernent de qualltesur des friches dans Ie Minervois, la lavande dans Iepays de Sault: amelioration des techniques de distilla­tion afin de reduire les risques de pollution).

Le produit agricole est au centre du fonctionne­ment de ces labels, c'est lui qui construit Ie paysage.Dans un second temps, lors de la commercialisationde ce produit, Ie paysage servira dargument, d'allb].L:elaboration de ces reponses assoctant etrotternentagriculture et paysage revele rexistence d'unereflexlon commune entre administrations de ragncut­ture et de renvironnement. Mats des rlvalttessemblent persister entre ces deux organismes.

Lldentlte de ces sites provient d'une combinaisonentre un pays, un paysage et une agriculture. Elledevient en soi un moyen de promotion, de commer­cialisation et sert a la construction de l'Irnage promo­tionnelle, au ciment de l'experlence. Le paysagen'exlste que parce qU'1I repose sur une portion des­pace materiel visualise au travers de l'illustrationphotographique (relief, vegetation, habitat), sur unnom. Quelle est la realite de ce nom ? Au-dela desaspects concrets, les paysages retenus vehlculent unepart de reve a laquelle participe Ie nom du pays. Payset paysage deviennent ainsl des elements de refe­rence et de reperage communs. Ce patnrnolneconstitue une ressource rare a mettre en valeur, uncapital. Mais quelle est la pertinence des Iimitesgeograpniques retenues, si ce nest qu'elles ternot­gnent d'une dynarnlque locale? Cet appel a candida­tures apparait improvise compte tenu d'un delat detemps tres court et d'une tmpreparation dans nombrede regions.

Le terroir est aujourd'hui Ie terme vers lequel glissete label qui prtvllegte ainsi renracinement, Ie lieu; est­II plus porteur ? La reconnaissance de ces biens patrt­moniaux (paysages, produits) impose la definition decomportements et d'attttudes capables de perennlserces ressources. Cela suppose une adhesion prealabledes differents acteurs concernes, Cette negoclattonpasse par la definition des lnterets patrimoniaux etI'engagement de chacun des partenaires sur lespratiques apromouvoir. Les acteurs en presence sontnombreux et divers, et refletent l'ortgtnallte des siteset la vartete des lnterets en jeu, preservation, protec­tion, production, developpement local (tableau IV).

Page 7: Les labels « paysage de reconquête », la recherche d'un nouveau mod`le de développement durable

• Pays• Pays + element geographique

• Pays de ....

o Paysage + territoire agricole

o Pays + produits

o Paysage

Cette demarche patrimoniale pnvllegle deuxapproches, une problemattque paysagere et un lienfort entre un paysage et un prodult (exemple :Beaufortin). Dans quelle mesure et comment ce

SOKm

Source: Ministere de l'environnement

produit participe a la sauvegarde d'un paysage ? Lesimages venlculees par ces productions sont plus ournolns fortes en fonction de la notoriete et de l'lndlvl­dualisation etablles, Les produits retenus influencent-

Figure 1 Les labels" Paysages derecon­quete- agrees en1992­1993Classement selonlintitule

Page 8: Les labels « paysage de reconquête », la recherche d'un nouveau mod`le de développement durable

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Page 9: Les labels « paysage de reconquête », la recherche d'un nouveau mod`le de développement durable

ils fortement revolution paysagere des sites ou nesent-Its qu'un element parmi d'autres ? L:existencedun marcne porteur, sa structuration peuvent assurerla perennlte de ces pratlques agricoles recherchees.L:exemple des montagnes d'Aubrac revele des contra­dictions. 51 ron en croit la fiche de presentation, Iemalntlen des estives d'altltude est lie a la productionfromagere tradltionnelle de Laguiole : « Le fameuxfromage laguiole se fabrlque dans des constructionslsolees et frustes, les burons. " Or ron sait que cetteproduction a fortement decline notamment en tozereet qu'etle a ete rernplacee par la production d'anl­maux de boucherie. Cette evolution n'a cependant pasremls en cause les paturagesd'altitude qui sont l'objetd'une utilisation Intensive. cer exemple demontrequ'un paysage peut se maintenir merne st la produc­tion agrlcole Change. II est cependant fortement lie aumaintlen d'une activite agncole, Quelle est la realitede cette zone de moyenne montagne ? Le label portesur la zone de plateau vokanlque d'altitude deI'Aubrac lozerien et ne retient pas les contreforts pluspentus ou la deprtse agrlcole est beaucoup pius forte.Bien que cette region solt tres peu peuplee (molns de6 habltants/krn-), elle demeure tres convouee. Lesexploitants demandent que les estives, au nombre de300, solent amenagees (acces, amenagement, compa­tibilite avec la randonnee). De telles aides avalent dejaete apporteesau cours des annees 1960-1970aftn defaclliter et d'accompagner la modernisation agricole.Ce dossier label a ete complete en mai 1993 par IedepOt d'un dossier OGAFenvironnement « tozere : ses'montagnes' d'Aubrac, gestion pastorale et environne­ment " dont Ie souci etait de lutter contre la deprtse etde preserver renvironnement. De ce fait, Ie label« Paysage de reconquete " tonctlonne comme unfinancement complementaire, La reference au produltest ici un faux argument.

Le lien paysage-produit est somme toute peuutilise dans les lntitules et met en jeu des produitsayant des notorietes fort dlfferentes (exemple : sur lesGrands Causses de Lozere, ragneau de lait Elovel ! etIe from age Fedou ; la montagne vosgienne et Iemunster fermier). Ce dernier dossier a pour objet derenforcer la production de munster dans les exploita­tions laltleres qui beneflclent d'une AOe. Cetteproduction ferrnlere est marginale, en 1990 laproduction ne serait plus que de 467 t9 . Elle s'estconcentree dans les secteurs les plus difficiles et lespius isoles du massif (Ies hautes vallees de la Moselleet de la Mosellotte sont dans Ie perlmetre retenu). Autotal, 165 petits producteurs ont ete recenses parI'Inao10 transformant en moyenne 30 a 40 000 L delait par an. Daniel Ricard affirme que cette filiere estassez dynamique et rencadrement efficace. Ceproduit est redevenu aujourd'nul un produit attractif,rernunerateur et ce dautant plus que les fermesauberges se sont multlpllees. On comprend que cecontexte favorable art incite l'mter-professlon adeposer un dossier. Le paysage n'apparalt ici qu'enarrtere-plandu produit.

Les techniques de production jouent un grand rotedans cette demarche. Le respect de certains cantersdes charges, comme celui de ragriculture biologiquene peut quavotr des effets sur I'entretien despaysages. Ce mode de production renforce l'image demarque souhanee et recherchee au travers du label• Paysage de reconquete -, Les autres, plus courantsparticipent tout de meme 11 rentretien de paysagescar ils sont tres souvent 11 leur origine (exemple : rete­vage). lis confortent ainsi les promoteurs de ropera­tion dans la mise en place de la flliere « Pays,paysages, produits et paysans -.

La deuxleme approche prtvllegle l'entreepaysagere. Au travers d'exemples, iI sera possible de

9 ct. Daniel Ricard (1994).Les mantagnesframageresenFrance, Ceramac,Clermont-Ferrand, 495 p.

10 Institut national desappellations d'ortgme.

6m~:un pilysage, un produit

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(agrtculteurs et urbalns)promotion de l'identlte

Lespartenalres

anique alpin de GaJt-CI1IC1J'i1I'Jte·£crins

Hautes-AJpesanlquedePorquerolles

Page 10: Les labels « paysage de reconquête », la recherche d'un nouveau mod`le de développement durable

11 Laln°93-24 du 8 janvier1993 sur la protection et la

miseen valeurdespaysages et modlflantcertaines dispositions

leglslatlves en matleresd'enquetes publlques,

12 Quelques exemples depublication : Anne Kriegel,Pierre Pinon, tescanaux et

lepaysage, STU,1982 ;Regis Ambroise, Pierre

Frapa, sebastien Glorgls,Paysoges deferrasses,

Edlsud, 1989, reedltion1993.

13 Suite au bllan du label« Paysage de reconquete "

Ie rnmtstere deI'Envlronnement a cree des

labels' Paysages deterrolr '. Cependant, une

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plusmodeste.

montrer ces differentes logiques, les permanences etles speclflcltes. les problernatlques paysageres fontressortir des preoccupations de developpement localet d'arnenagement du territoire a l'echelle locale. Dece fait, Ie label « Paysage de reconquete ' est un pluset vient en complement d'autres procedures qui sepreoccupent elles aussi d'amenagernent terrttortallseet environnemental, telles les pares naturels regto­naux, les mesures agrienvironnementales. D'allleurs,ces financements peuvent s'addltlonner sur certainssecteurs et accroitre ainsi leur portee. Ces preoccupa­tions peuvent se classer en fonction de l'actlvlte agri­cole dominante et du type de territoire concerne.- Dans la montagne vosgienne (a !'image des autreszones montagneuses retenues), I'agriculture se trouvefragtllsee en raison des conditions naturelles, deshandicaps structurels. la modernisation recente deI'agriculture a conduit a une selection tres forte desespaces. Ainsi, les terrains en pente sont de moms enmoins utilises et s'embroussatuent, le boisementprogresse et peut conduire vers une fermeture despaysages.- A l'image du vignoble de l'lrouleguy sur les collinesde I'Arradoy, fa culture sur terrasses est tres exigeanteet coQteuse. tarret de I'entretien, l'accessibilite difficileaccelere la disparition de cette construction.Lexlstence d'un produit de qua lite reconnue (AOe)peut cependant freiner ce processus. la relance de laculture des oignons doux des Cevennes, « faRayolette " dans la region de Saint-Martial (Gard)permet d'assurer I'entretien de ces terrasses. Environ1 500 t environ sont produites aujourd'hui dans lesCevennes basses et sont vendues aun prix plus eleveque celui de I'oignon normal.- La remise en cause d'une production sur laquellerepose un paysage caractertstique peut avolr des inci­dences sur I'image de la region, comme les vergers apoiriers du Domfrontais (Cadiou, 1992). La disparitiond'un element conduit a la remise en cause dunpaysage dans son ensemble, les poiriers a haute tigeet Ie bocage, les mirabelliers dans une zone d'elevagedominant en lorraine. Deux problemes sont sous­jacents, I'entretien de ces espaces, Ie renforcement desftlleres de transformation et de commercialisation(exemple : la demande d'une AOC pour Ie calvados duDomfrontais).- Le besoin de renforcer la reconnaissance de faquaute de produits au travers de signes. La demarca­tion de ces spedahtes est necessalre pour elarglr lesmarches. Des formes vartees de commercialisationtelle ta vente directe sont envlsagees,- Assurer la protection de I'agriculture dans des zonesou la competition avec d'autres usages est vigoureuse(exemple : dans res boucles de la Seine en aval deRouen). On comprend ainsi l'lrnpllcatlon des paresnaturels reglonaux,

Ces deux entrees, par Ie produit ou par Ie paysageont de nombreux points communs et aboutissent ades demarches similaires. Une boucle retroactivefonctionne entre Ie produit et Ie paysage. Toutefois, iIexlste sur ces differents sites des blocages ou desfreins. Le developpement des produits a la fermepose Ie probleme de la maitrise des conditions d'hy­giene avec des normes de plus en plus strictes.

Certaines cultures menees de tacon intensive commeles oignons doux des Cevennes ne paraissent pas apriori respectueuses de I'environnement, dans lamesureou iI y a un usage important d'engrais et detraitements. les moyens financiers debloques sonturnlteset l'impact est variable. Dans I'Arradoy, I'enve­loppe tmanctere de 150 KF a aide a la renaissance de180 ha de vignes. les retornbees sont enoncees parles promoteurs du label qui insistent sur Ie fait que lesagriculteurs locaux ont su mettre en place un systernecooperatlf fort. Aujourd'hul, 56 viticulteurs benefldentde I'AOe. Dans les Cevennes, cinq agriculteurs ont eteaides a Saint-Martial, la Diren du languedoc­Roussillon souligne la dimension redutte de ropera­tion tout en reconnaissant l'lnteret de cette produc­tion. L:avenir et Ie devenir de ces paysages face arevolution des populations, des actlvltes sont parrotsdifficiles dans les zones de deprtse, de decltn(exemple : la zone pastorale des plateaux d'altltudedu Cantal). Cela est partlcullerernent sensible dans lescas ou la cohesion de la societe locale n'est plusassuree, Comment s'y prendre pour evlter de figerune situation lorsque la tentation de protection esttresforte.

Ces Iimites bien reelles peuvent etre en partie atte­nuees deputs 1993 grace a I'application de la lolPaysage 11 qui offre de nouveaux moyens. Ceux-ciprlvtleglent une demarche globale permettant laparticipation d'un grand nombre d'acteurs autour dudevenir du site.

Les suites donnees acetteoperation experimentaleLa mise en oeuvre du label « Paysage de reconquete •a permis au mlntstere de I'Environnement de pour­suivre Ie travail engage sur la connaissance des struc­tures paysageres et de renforcer l'interet economtquede celles-ci. Par Ie biais de sa Mission et du Bureau dupaysage, Ie mlnlstere a une actlvlte reguuere de publl­cations12 qui reverent ses preoccupations. L:intereteconomlque du paysage a plusieurs facettes ; attlrer etretenir les tourlstes, promouvoir une image de marquedes regions concernees, valoriser les prodults, attirerdes entreprises. Cette approche econorntque permetdone de prectser Ie projet de developpement localsous-jacent du label. La qualite des paysages devienten soi un element de developpernent local et joue unrole moteur dans la valorisation des territoires. Ceslabels sont attrtbues pour' une duree de 4 ans. En1995, Ie minlstere a octroye dix labels « Paysages deterroir • 13.

II semble bien que cette operation label et la lolPaysage de janvier 1993 aient donne au rnlnlstere leselements pour une nouvelle dynamique en faveurdes paysages remarquables et ordinaires. Cette« volonte politique d'assurer la reconquete et laperennite de la qualite et de la variete des paysages •a conduit a I'elaboration de nouveaux outils issus deI'application de la loi Paysages.

Un decret d'avril 1994 fixe les conditions d'applica­tion des « Directives de protection et de mise en

Page 11: Les labels « paysage de reconquête », la recherche d'un nouveau mod`le de développement durable

5.Paf5 + produitsLa lentitle verte du Puya LesmirLorraine. Lesc\aires d'Oleron adans Ies Alpllles a Leble nolr du

6.Paysage.L:AirIaI.Lespierres debout deoaesaPompey ou la reconqbassinlndustrlel en reconversiogranillques du Sidobre

4. Paysage + territoire~LesterrtJsses de Charancea GapaRibes -.a cMtaigneraie de Saintpastorale des plateaux d'altitudebancels It raTolettes des Cevennes~les du bassinde Thau aFouzon.Les dameres de la Cha'salamsde Guerandea Lesprairies1'01. 'I:mlsses de Garonne-jardinrnontaanes d'Aubrac a Lesvergerssegreen.Lespres salesdu Mont­vergersddricoles de Barenton •I'Avesnoisale domaine de la Pouhoublonnieres des monts de AapoIriersdu Domfrontals a PaysageBoulonnais. Un verger en Arnecoteaux du JurarlQlnnaisa LestBanyUI$•• Hautes chaumes duchatallJleraie du sud Morvan a~ ales communaux duhortiIlonages d'Amlens a LesviRamatuellea La ceriseraie de la vcressormK!res OU Iesjardlns des

_lISre~en 1992 et 1993.

valeur des paysages '. II s'agit d'un moyen regternen­taire de protection destine a • proteger les structurespaysageres d'un espace " c'est-a-dlre .... de manlereselective, les elements essentiels, marquants, quldonnent l'ecnelle et la composition d'un site amst queles vues sur ces structures' et un document de refe­rence pour la gestion de I'espace. Ces directives vontetre appllquees sur des· territoires remarquables parleur Interet paysager • et oo se font jour des enjeuxforts. Quatre directives ont deja ete engagees fin1994, concernant les Alpllles, les coteaux de laMeuse, les vues sur Chartres, la vallee de I'Yerres.

Par ailleurs, Ie mmlstere de I'Environnement entenddevetopper les demarches partenariales, lncitatives etcontractuelles. Trois formules sont proposees. Outreles labels « Paysage de terroir " deux nouvellesoperations ont ete lancees en 1995, les plans depaysage et les contrats de paysage. Ces operations

reposent sur des unites paysageres pertinentes. Ellesbeneftctent de financements speclfiques du mlntstere,

Le plan de paysage est une demarche de projetlocal qut identifie les actions concretes a engager etles moyens necessalres a leur gestion et leur suivi.Trois etapes sont necessalres, comprendre et fairecomprendre aux utilisateurs et aux producteurs Iepaysage (diagnostic), l'elaboratlon d'un projet sur unterritoire autour de tous les acteurs, la constructiond'un programme d'actlons et la mobilisation despartenaires. Ce document a pour but de provoquerune adhesion autour du projet. II se veut contractuel.Plusieursplans sont en cours de realisation (exemple :dans la haute vatlee du Rahin et Ie pare naturelregional (PNR) des Ballons des Vosges sur une super­ficie de 10 000 ha ; dans Ie PNR Livradois-Forez15 500 ha sont concernes ; dans Ie PNR des Volcansd'Auvergne).

Page 12: Les labels « paysage de reconquête », la recherche d'un nouveau mod`le de développement durable

Ce programme peut prendre la forme d'un contratpour Ie paysage, entre I'Etat et une ou plusieurscollectlvltes territoriales. II materialise une reflexionprealable et globale en matiere de paysage et doltdeboucher sur la definition d'un programme a courtet moyen terme (mise en valeur des territoires, recon­quete des paysages degrades, creations de nouvellesformes paysageres, operations de sensibilisation etde formation), Ce contrat comprendra I'expressiondes objectifs poursuivis et les orientations strate­giques de la collectlvlte en matiere de paysage. Unecirculaire de mars 1995 precise l'objet, Ie contenu etla mise en oeuvre de tels contrats.

Lentree paysagere est jugee aujourd'hul pertinentepar de nombreux acteurs. Elle permet une approcheglobale du devenir d'un territoire car elle est transver­sale aux differents secteurs d'actlvltes. I:approchedynamique, innovatrice semble necessalre pourmettre en oeuvre un projet de devetoppement local.

Ces demarches parviennent progressivement a unensemble coherent de mesures en faveur du paysagegrace a un sulvl dans Ie temps rneme s'i1 y a change­ment d'appellatlon. Cependant, iI semble bien qu'Il yait un deficit de communication avec Ie mlmstere deI'Agriculture qul a en charge de son cote I'applicationdes mesures agrt-envtronnementales. N'y a-t-ll pas unrisque d'egarer les agriculteurs, de les conduire an'etre que des « chasseurs • de primes? Ce morcelle­ment des interventions, des operations ne rtsque-t-llpas de gener l'emergence de verltables projets locauxautour d'une reflexlon sur Ie paysage ?

Conclusion

En sengageant dans la demarche de labellisation« Paysage de reconquete • en 1992, Ie mintstere deI'Environnement souhaitait accroitre sa competencedans la gestion des paysages. Cette demarche etaltconc;ue comme une phase experlmentale permettantde travailler a relaboranon d'outns reglernentatres. lesprincipaux reproches adresses a cette experiencereposent sur son manque de llslblllte et son insuffi­sante rigueur. On regrette l'absence de projet prea­lable clair a roctroi du label. Un bilan a ete ettectue enaoOt 1994 a la demande du mlnlstere del'Envtronnement. II propose une analyse du contenudes dossiers retenus mais iI ne repond pas a la ques­tion de fond.

les paysages concernes sont varies dans leurcontenu, leur problernatlque, leur objectlt Au regarddes exemples retenus, les liens entre activlte etpaysage sont bien plus complexes que ne Ie laissentparaltre les problematlques retenues, Est-ce que cetteentree paysagere laisse une place a revolution desproductions agricoles ? Est-ce que cette evolution estcompatible avec Ie maintien de la dlversttepaysagere ? Comment ces productions peuvent lnte­grer la remuneration des agriculteurs pour I'entretiendes paysages ? C. laurent (1994) pose avec beaucoupde pertinence la question de la remuneration pourcette « production de paysage '. les labels « Paysagede reconquete • se trouvent dans les memes ambi-

gultes que les mesures agrienvironnementales. Cestransferts financiers sont ltmites, ne sont pas perenneset ne reposent pas sur un contrat clair (revaluationprealable et Ie suivi sont insuffisants). Quelles sont lesnormes qualitatives retenues ? Comment a-t-onevatue les liens entre les prodults agricoles et Ieprodult paysager ? Peut-on, sait-on produlre unpaysage determine apartir de l'actlvlte agricole ?

Cette phase d'experlmentatlon s'est aujourd'hul tresnettement consohdee au travers de la loi Paysage. Ellepoursuit une demarche patrimoniale dans laquelle lespaysages representent une ressource. Qui va tirerprofit de cette ressource ? Son application nen estencore qu'a ses batbutlernents, Mais au regard de cequt se passe dans les pares naturels regtonaux (obliga­tion de revision de la charte), cette loi presente desperspectives originales. le mlntstere deI'Environnement devient un veritable partenaire dansla reflexion actuelle sur Ie developpement localdurable, Une question essentielle na toutefois pasencore ete resolue : comment envisager une harmoni­sation et une coherence entre toutes les dispositionsreglernentalres qut sappllquent a I'artlculation entreagriculture et environnement ou paysage ?

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