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1 LES LIVRES HISTORIQUES

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LES LIVRES HISTORIQUES

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1. LE PENTATEUQUE

1.1 Introduction au Pentateuque

1.1.1 Le nom

Signifie en tant que tel « le (livre) en 5 parties ». Cela vient de la LXX. C’est une référence aux

5 morceaux de peau qui entouraient le livre en forme d’un gant. Ce mot est passé à la

Vulgate puis à nous.

Le canon hébraïque nomme les livres par les premières paroles :

Genèse : Bereshit = Commencement

Exode : Semot = Les noms

Lévitique : Wayyiqra = Et il appela

Nombre : Bamidbar = Dans le désert

Deutéronome : Dbarim = Des paroles (discours d’adieu de Moïse).

La tradition juive appelle ces livres la Torah.

- La Torah est le Pentateuque ;

- Les Néviim sont les prophètes antérieurs (tradition Deutéronomiste) et les prophètes

postérieurs (livres prophétiques) ;

- Les Kétoubim sont les récits poétiques et sapientiaux.

Ces trois éléments de Torah, Néviim et Kétoubim sont le TaNaK.

Le Pentateuque commence avec le récit de la création et s’achève aux dernières paroles de

Moïse en Moab. C’est donc une structure historiographique.

1.1.2 L’auteur

Pour la tradition juive, c’est Moïse qui est l’auteur, sauf pour le chapitre 34 du Deutéronome

qui raconte sa mort. Quoi que certains aient affirmé qu’étant prophète c’est lui qui l’aurait

écrit.

Les commentateurs juifs du Moyen Age posent des problèmes. Surtout Ibn-Ezra qui au 12ème

siècle montre des incongruités d’expression.

Ainsi il relève :

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� Gn 36,31 : « Voici les rois qui régnèrent au pays d'Edom avant que ne régnât un roi des Israélites. »

Or, au temps de Moïse, les juifs n’ont pas de roi.

� Gn 13,7 : « Il y eut une dispute entre les pâtres des troupeaux d'Abram et ceux des troupeaux de Lot

(les Cananéens et les Perizzites habitaient alors le pays). »

Moïse n’a pas pu dire cela par rapport aux cananéens car au moment où le texte est

écrit il sous-entend que désormais les Cananéens et le Perizzites n’y habitent plus.

� Gn 50,10 : « Etant parvenus jusqu'à Gorèn-ha-Atad, - c'est au-delà du Jourdain, - ils y firent une

grande et solennelle lamentation, et Joseph célébra pour son père un deuil de sept jours. ».

Or, celui qui parle est en Canaan et Moïse n’est jamais entré en Canaan.

On ne remet cependant pas en cause Moïse comme auteur avant le 16ème siècle. Vient

ensuite l’idée en milieu juif avec Baruch Spinoza.

1.1.3 Origine de la théorie documentaire classique :

De la fin du 18ème siècle à maintenant c’est la patronne de l’interprétation sur les auteurs du

Pentateuque. Elle est :

� à la base de l’exégèse,

� la plus en vogue,

� on la trouve dans les manuels classiques

� mais Paximadi ne la partage pas.

� cependant il est impératif de la connaître.

La théorie de Jean Astruc (mi 18ème

, protestant).

Il remarque que quelques parties du Pentateuque utilisent le tétragramme sacré pour le

nom de Dieu et que d’autres utilisent Elohim. Aussi, le Pentateuque serait une fusion de

textes antiques mis en une seule œuvre. C’est pour cela que souvent on voit une histoire en

2 récits. Il s’agit de deux œuvres différentes qui sont unies.

J. G. Eichhorn s’unit à Astruc et les deux donnent une exposition autoritaire.

Le document originaire contenant le tétragramme est le « document Yahviste », l’autre qui

contient Elohim est le « document Elohiste ».

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En 1798, un autre exégète, K. D. Ilgen fait une autre observation en se fixant sur le

document Elohiste. Il montre que ce n’est pas une seule œuvre. Il y a des caractéristiques

théologiques, stylistiques, littéraires… Il y aurait le 1er Elohiste qui serait le document ou code

ou œuvre Sacerdotale, et le 2ème Elohiste.

Nous avons là le squelette de la théorie documentaire. Le Pentateuque est comme une

fusion de documents complets en tant que tel.

Selon l’hypothèse fragmentaire, il ne s’agit pas d’œuvres entières, mais de fragment mis

ensemble par le dernier rédacteur. Ceci n’a eu que peu de succès.

Le Deutéronome était à part.

Il y aurait donc 4 sources :

1. Yahviste : J

2. 1er Elohiste : E1 ou P (Priester codex) = code Sacerdotal

3. 2ème Elohiste : E2

4. Deutéronome : D

En 1865 Karl Heinrich Graf (1815-1869) publie une œuvre où l’on accepte cette répartition.

Jusque là on pensait que le Sacerdotal était le plus ancien. Mais lui pense que c’est le

Sacerdotal le plus récent. Il démontre que les lois sacerdotales contenues dans le

Pentateuque (prescriptions liturgiques, lois de pureté, législation sur le sacerdoce, etc.) sont

inconnues du Deutéronome, des Prophètes antérieurs à l’exil et des livres historiques, qui ne

les citent jamais. Il en conclut que l’ensemble des lois sacerdotales et leur cadre narratif sont

postérieurs à ces livres et n’ont pu $être rédigés qu’après l’exil. Ce serait la base sur laquelle

on a inséré les autres sources que l’on a distribué selon la structure du code Sacerdotal. Le

cadre de base du Pentateuque est donc Sacerdotal. Il y a donc un changement de datation et

de cadre.

Abraham Kuenen (1828-1891), à la suite de Graf, reconstitue l’ensemble de la source P du

Pentateuque (récits + lois Sacerdotales), qui se trouvaient correspondre exactement au

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document E1. Ainsi, ce que l’on pensait être un écrit très ancien, apparaissait désormais

comme la couche la plus récente du Pentateuque.

Graf et Kuenen disent que d’abord vient le Yahviste puis l’Elohiste et enfin le Deutéronome

qui aurait été rédigé peu avant la réforme de Josias en 622 comme manifeste de la réforme

religieuse. Le code Sacerdotal aurait donc été écrit après l’Exil et promulgué par Esdras.

L’ordre est donc J. E. D. P. La source P aurait fournit le cadre conceptuel de base du

Pentateuque.

Julius Wellhausen (1844-1918) est celui qui rend systématique la pensée de Graf en 2

œuvres :

1. Prolegomena zur Geschichte Israels, Berlin 1883. C’est son chef-d’oeuvre.

2. Die Composition des Hexateuchs und des historischen Bücher des Alten Testaments,

Berlin, 1876. On peut voir Hexateuch in T. K. Cheyne – S. Black, Encyclopedia Biblica,

II, Londres 1901.

A l’époque à Berlin, c’est l’idéalisme allemand de Hegel et tout ce qui s’en suit. Il y a une

théorie évolutionniste du phénomène religieux :

Thèse : L’origine serait une religion naturaliste.

Antithèse : L’évolution serait venue par les prophètes : religiosité spirituelle. Ceci donne le

monothéisme éthique fondé par le prophétisme.

Synthèse : Après l’exil, la religion cultuelle légale du code Sacerdotale.

Or, eriger le prophétisme est anti-historique car le prophétisme est une partie du culte et du peuple.

Le but de Wellhausen est de reconstruire l’histoire d’Israël. Le post-exil est vu négativement.

(Influence anti-sémite). Le sommet est pour lui le prophétisme.

Ensuite, la synthèse devient thèse, l’antithèse sera le christianisme et la synthèse sera

l’Esprit Absolu. On retrouve donc l’être protestant et hégélien de Wellhausen.

Sa méthode :

Pour évaluer les successions des différentes couches, il part des lois sacrales (qui sont

conservatrices car une fois le précepte donné il n’y a aucune raison qu’il change et donc c’est

un acquis) et regarde leur évolution. La loi la plus ancienne sur les lieux saints se trouve dans

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l’Elohiste et le Yahviste. Il y a une absence d’unicité de lieux d’adoration, il y a des usages de

stèles et d’autres représentations, il y a une diversité de lieux de cultes autorisés par une

manifestation divine. (Ex. de Béthel, Penuel).

Ceci est très différent du code Sacerdotal et Deutéronomiste :

Le Deutéronomiste réagit polémiquement et affirme en Deut 12 un seul lieu de culte

qui est à Jérusalem. C’est le manifeste de la réforme du roi Josias en 622.

Le Sacerdotal est tranquille et l’unicité du lieu est présupposée, à cette époque, le

problème ne se pose plus. Le Sacerdotal projette cette unicité à l’épisode du désert

où l’on voit la tente (Ex 25) qui serait le Temple de Jérusalem dans le Désert.

D’un prêtre dans chaque sanctuaire (Silo, Béthel) on passe à un phénomène où les

prêtres vont à Jérusalem laissant les sanctuaires périphériques (est-ce la naissance

des lévites ?). Il est post-exilique.

L’étiologie : ce sont des légendes qui veulent expliquer une origine. Le Sacerdotal insère tout

dans une généalogie qui est l’instrument prince du Sacerdotal.

Aussi, les textes de J et E sont de pures légendes, et les textes de P sont des légendes

narratives dans le but d’une systématisation pour rendre définitive la doctrine.

On en arrive donc à un rigide évolutionnisme religieux et à l’exclusion de toute possibilité

d’intervention surnaturelle. C’est évident.

1.1.4 Exposition systématique de Graf et Wellhausen.

On la partage ou on ne la partage pas, mais il faut la savoir. La Vulgate a influencé

pratiquement toute la littérature successive. Il y a plusieurs points :

1. Premier moment : en plusieurs étapes :

a. Peut-être à l’époque de Moïse, en tout cas en époque pré-monarchique, il y a

l’élaboration de traditions autour de 2 noyaux principaux qui sont un peu comme des

catalyseurs et qui sont les sanctuaires et les traditions étiologiques des groupes

tribaux.

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L’étiologie est l’histoire des origines d’une chose particulière comme un sanctuaire, un lieu,

un nom, une personne… des héros éponymes. (L’éponyme donne son nom à quelque chose).

Dans notre cas, il s’agit d’étiologie liée à des lieux, comme par exemple le cas du sanctuaire de

Béthel où Jacob a vu monter et descendre des anges du ciel et il s’est dit que c’était la maison

de Dieu d’où le nom de Béthel qui en est la traduction. Mais l’étiologie peut aussi concerner

des héros éponymes qui sont à l’origine des races ou lignées.

b. Durant la monarchie unitaire (règne de Saül, David et Salomon), ces traditions

prennent forme en récits poétiques ; le Livre du Juste (Josué 10,12) ; le Livre des

guerres de Jahvé (Nb 21,14).

c. Après le schisme (925) ces traditions continuent à exister en un mélange de

particularisme locaux et de fidélité à l’idée de base d’une providence divine envers

Israël.

2. Le deuxième moment : le Yahviste

Il vient après le schisme religieux et politique (925) ; ces traditions continuent d’exister. Il y a

des idées particulières locales comme par exemple l’élection d’Israël et la providence de

Dieu pour Israël.

C’est alors que nous voyons la formation du Yahviste. Le Yahviste est la tradition propre du

sud. Ce n’est pas une œuvre unitaire, il y aurait 3 couches :

1. Le 1er Yahviste qui contient Caïn : l’histoire primitive Yahviste sans

le déluge ;

2. vers la moitié du 9ème siècle, le 2ème Yahviste

3. plus tard le 3ème Yahviste.

Le terminus post quem pour attribuer cette date est Gn 27,40 : la libération d’Esaü du joug

du frère est l’affranchissement d’Edom de la tutelle de Juda, qui advient sous le règne de

Joram (853 ?-841). Cf. 2Rois 8,20.

Nous savons que Esaü est le 2ème

héro éponyme des Edomites. (Le 2ème

nom d’Esaü est Edom). Les

édomites ont longtemps été sous la tutelle de Juda. L’affranchissement à lieu sous le règne de Joram

(853-841) cf. 2Roi 8,20. Le Yahviste aurait été formé après cela. C’est le terminus post quem.

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Les caractéristiques de J sont un langage vivace et tendant à l’anthropomorphisme

(humaniser le divin), la simplicité, le coloris, la finesse psychologique et la profondeur

religieuse, une vision théologique créative souvent basée sur la dialectique

promesse/accomplissement.

3. La troisième étape : l’Elohiste.

C’est la tradition du règne du Nord, très influencée par la « religion morale » des prophètes

typique du Nord. Il y a :

1. E1 qui contient les oracles de Balaam en Nb 23. Ce serait un texte du début du

8ème siècle.

2. E2 qui intègre E1 et il serait postérieur au règne de Jéroboam II (vers 770), qui

repousse Moab au sud de l’Arnon (cf. Nb 21,131), mais antérieur à la chute de

Samarie en 721.

La caractéristique de E est la majeure attention à la dimension éthique et un soulignement

de la réponse d’Israël à l’initiative de Dieu en terme de Foi et de Crainte. De style plus sobre

que le Yahviste, ses récits sont aussi plus épisodiques, le plan général de l’œuvre est moins

nettement dessiné. Il se préoccupe plus de l’aspect moral et il se plaît à souligner les

interventions divines qui se produisent souvent dans un songe la nuit et très rarement en

anthropomorphismes.

En Ex 20,24 à 23,19 nous voyons le code de l’alliance qui par soi ne fait pas partie des

sources et dont la datation est très discutée. Il est intégré au Pentateuque après le E2.

En 721 il y a la chute de Samarie, et l’Élohiste qui est déjà conclu émigre au sud à Jérusalem.

4. La quatrième étape : la Fusion

A Jérusalem, après la chute de Samarie, l’Elohiste et le Yahviste sont fusionnés et

harmonisés, soit après 721, mais avant 622 qui est la réforme religieuse de Josias et la

publication du Deutéronome.

5. La cinquième étape : le Deutéronome.

1 (« Ils partirent de là et campèrent au-delà de l'Arnon. Ce torrent sortait, dans le désert, du pays des Amorites. Car l'Arnon était à la frontière de Moab, entre les Moabites et les Amorites. »). Ce passage nous éclaire pour la datation de E2. Jéroboam fait en sorte que le fleuve Arnon soit une frontière entre les Moabites et les Amorites. Ceci est le terminus post quem pour la rédaction de E2. Mais E2 ne connaît pas la chute de Samarie en 721 qui est le terminus ante quem.

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Le Deutéronome est publié la 18ème année du règne de Josias, soit en 622 qui est l’année de

la réforme (2Roi 22,3ss).

Selon la théorie de Graf et Wellhausen, le Deutéronome est une « pia fraus ». Le clergé de

Jérusalem aurait rédigé le Deutéronome pour fonder sa suprématie sur les autres

sanctuaires et l’aurait caché à temps pour que les commissaires du roi le retrouvent. Ceci

correspondrait à l’idéologie de centralisation du temple de Josias. Le Dt « retrouvé » sous

Josias (D1) fut ensuite intégré en diverses reprises (D2a, D2b, D2c) jusqu’à ce qu’un

rédacteur l’unisse à JE, en harmonisant ce dernier en donnant ainsi origine à JED.

Le Deutéronome a un style que l’on ne peut pas confondre : il aime les répétitions en style

homilétique, la parénétique, l’exhortatif. Sa forme littéraire est celle d’une suite de

discours ; la pensée s’y développe en périodes d’une ampleur inégalée, soutenue par un

souffle puissant et une émotion religieuse profonde. L’amour et la sollicitude de Dieu pour

son peuple éclairent d’une lumière nouvelle le rappel des évènements survenus depuis

l’Horeb. C’est une préoccupation morale. Israël doit montrer sa crainte par l’obéissance aux

commandements divins. Typique de D est la théologie de la rétribution : à l’obéissance

correspond la récompense et la désobéissance est punie par un châtiment, longuement

menacé et décrit dans sa réalisation.

La centralité du culte a une importance fondamentale. Elle est accompagnée d’une théologie

typique qui pense le Temple comme le lieu où Dieu fait habiter son Nom et non pas lui-

même. Il écoute les prières à son nom qui y réside.

Le culte en D est important, mais pas il n’y a pas d’intérêt de type technico-liturgique.

6. La sixième étape : le document Sacerdotal P

1. Pendant et peut-être après l’exil, peut-être sous l’influence d’Ezéchiel, divers

documents d’origine sacerdotale sont unis et harmonisé. Le plus antique semble

être la Loi de sainteté (Lv 17-26, appelée Ph, de l’allemand Heiligkeit), qui semble

avoir des points de contact avec le Dt. Ces documents sont intégrés en un écrit

fondamental (Pg, Grundschrift), qui part de la création, suit en exposant les

généalogie des Patriarches et les épisodes de leur vie qui fondent une loi rituelle

(par ex. Gn 17 : Abraham et la circoncision), culmine avec la construction du

Tabernacle (Ex 25-31 ; 35-40), poursuit avec la mort de Moïse et l’installation des

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israélites en Canaan. Aussi, le texte comprend une partie de Josué. Pg est publié

après l’exil comme œuvre d’Esdras (444 ?).

2. Ensuite, Pg est intégré par de nombreux suppléments (Ps) sacerdotaux qui

regardent des lois cultuelles de genre varié : les sacrifices (Lev 1-7) ; la pureté (Lev

11-15) et diverses lois en Nb.

Aussi, Ph + Pg + Ps1 + Ps2 + Ps….. = P

Du point de vue du style, celui de P ne peut pas être confondu. Il n’y a pas le pathétique du

Deutéronome. P aime les répétitions formulaires et les technicismes légaux. Il a un style sec,

net et précis et monotone, abondant de terme techniques. P a une vraie passion pour les

généalogies et les chiffres, pour les sentences brèves qui reviennent comme un refrain. P

bannit les anthropomorphismes et met en relief la transcendance de Dieu : Yahvé habite au

milieu de son peuple, mais de façon invisible et dans la Tente de la Rencontre, dont ne

s’approchent que les prêtres et les lévites consacrés à son service. Le culte est décrit dans

ses aspects technico-liturgiques les plus minutieux sans qu’apparemment en soit donnée

une explicite justification théologique. La présence de Dieu dans le Temple est pensée en

terme d’habitation de la gloire-nuée Kavod.

En parallèle avec le Yahviste et l’élohiste dans le livre de l’Exode, il s’intéresse à la naissance

du peuple, à la vocation de Moïse, au rôle de Moïse et d’Aaron dans les plaines, à la Pâque

dont il recueille toutes les prescriptions rituelles,…. C’est au Sinaï que ce document situe ses

plus abondantes législations.

Vers 400, un rédacteur sacerdotal prend J E et D qui sont déjà unifiés, il les fragmente et les

insère dans les lieux appropriés de P (Pg + Ps) en harmonisant.

Vers 330, sous Alexandre le grand, le Pentateuque est l’ensemble canonique que l’on

connaît.

1.1.5 Evaluation de la théorie fragmentaire

Wellhausen et Graf n’ont jamais eu le consensus de tous. Mais sa capacité de synthèse est

devenu la colonne vertébrale.

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- Il y a le problème des précompréhensions théologiques et philosophiques sur

l’évolution du phénomène religieux. Il n’y a pas de surnaturel, la religion spirituelle

vaut mieux que celle de la loi.

- Wellhausen ne connaît rien du monde antique au Moyen Orient. L’idée serait que le

culte et la loi viennent après la religion morale qui vient après la religion naturelle. La

loi a sclérosé le tout.

Dans le Moyen Orient, cette idée ne tient pas. Des parallèles de culte se trouvent au 2ème et 3ème millénaire dans le bassin méditerranéen comme par exemple la tente de l’exode. L’archéologie et l’histoire du Moyen Orient sont beaucoup plus tardives. Ainsi, les recherches de Pierre Emile Botta et de S. H. Lagard commence en 1840 en Mésopotamie. Le déchiffrage des normes akkadiennes sont faites en 1849 lorsque l’on découvre à Bisitum une inscription. G. Smith publie l’épopée de Gilgamesh retrouvée à Ninive en 1876. L’archéologie en Palestine commence encore plus tard. C’est Sir F. Petrie qui commence en 1890. Aussi, à l’époque de Wellhausen, on étudie surtout sur la Bible.

- On peut aussi noter le naufrage de l’historicité des textes. Les textes sont vus

uniquement comme de pure légendes.

- L’explosion des subdivisions ultérieures que les critiques retinrent de devoir

introduire. On en est ainsi arrivé à une situation de consensus de base sur l’existence

de traditions reconductibles à ce qui a été émis comme hypothèses par la théorie

documentaire, mais on est loin d’un accord sur le particulier. En exagérant, on peut

dire que chaque exégète s’est occupé de ces textes en proposant une reconstruction

personnelle.

- L’impossibilité de mieux définir les caractéristiques de la source E, au point

qu’aujourd’hui on préfère ne pas distinguer explicitement un Elohiste. Les passages

attribués auparavant à cette source sont désormais vus comme des interpolations de

différentes provenances.

Bien qu’aujourd’hui on ne puisse plus accueillir la théorie fragmentaire dans sa forme

classique, la grande majorité des scientifiques n’ose pas la remettre totalement en crise.

Cependant beaucoup de voix se lèvent pour la réviser dans un sens ou un autre. De façon

particulière on tend toujours davantage à ne plus concevoir J E P D comme « sources »

dotées de leur autonomie littéraire originaire, mais plutôt comme des traditions (orales ou

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écrites) assumées et utilisées en divers modes au niveau rédactionnel. Quelques juifs ont

revendiqué P à une époque préexilique (J. Milgrom et M. Haran) par des arguments

historico-archéologiques ou linguistiques.

Une chose claire est que l’on ne peut pas retourner à l’époque précédant la théorie

documentaire, mais le consensus qu’elle avait créé a été cassé sans que personne ait été

capable de produire une synthèse. Il en reste tout de même que quelques affirmations de la

théorie documentaire comme la présence de différentes traditions remontant à des époques

diverses, les caractéristiques de D et de P, l’existence de J sont des acquisitions acceptées

par la grande majorité des chercheurs. On a aussi réévalué les informations historiques

contenues dans les différentes sources.

Von Rad affirme qu’au moins le souvenir d’un évènement fondateur au Sinaï, d’une

expérience de salut à la mer des Roseaux et d’une permanence dans le désert liée à l’Oasis

de Cadès, doivent être reconduit à des souvenirs historiques très anciens, même si les

circonstances concrètes de tels évènements ne peuvent plus être reconstruits. Aussi l’idée

d’un lien originaire avec les Madianites (grand nomades du Désert) et donc d’une origine

nomadique de la religion d’Israël secoue quelques faveurs, vue la présentation positive que

le Pentateuque fait de Jéthro, le beau-père de Moïse Madianite, qui est montré dans l’acte

d’adorer le vrai Dieu (Ex 18,12). Il parait difficile ensuite de chasser définitivement dans la

sphère du légendaire la figure et le rôle de Moïse.

1.1.6 Possibilité de proposition différente : la proposition de R. Rendtorff

Dans son volume Das überlieferungsgeschichtliche Problem des Pentateuch R. Rendtorff

soumet à une critique serrée la théorie des sources : il affirme que l’incertitude à déterminer

à quelle source doit être attribuée un certain texte et la prolifération de textes qui dans le

doute sont classés comme « glose » (ou texte dont l’attribution à des sources spécifiques est

impossible) , a porté à une prolifération incontrôlée de divisions et subdivisions à l’intérieur

des diverses sources car il faut aussi y ajouter la toujours plus grande difficulté à établir les

frontières entre les sources singulières

Rendtorff retient que le présupposé méthodologique lui-même est erroné et doit être

changé : il faut distinguer un moment rédactionnel Deutéronomiste exilique et un moment

rédactionnel Sacerdotal postexilique. Mais il affirme que le matériel sur lequel travaillèrent

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ces rédacteurs était des grands cycles narratifs d’histoires centrés sur différents

personnages : Abraham, les patriarches, Moïse, etc.…, qui arrivèrent à l’exil de façon

substantiellement indépendante et furent ensuite unis. Il faut noter que Rendtorff accepte

tout de même l’idée d’un Sacerdotal totalement postexilique (au moins comme rédaction).

1.1.7 Une révolution copernicienne : les méthodes synchroniques

Une position totalement différente du problème non seulement du Pentateuque mais de la

totalité de l’interprétation biblique est donnée les chercheurs qui retiennent important de

partir non de reconstructions plus ou moins probables d’un texte « originaire », mais de la

considération que l’objet de notre interprétation, et particulièrement de l’interprétation

théologique, est le texte que nous lisons et qui nous arrive canonisé par la communauté de

foi dans laquelle nous vivons.

La prise en charge de l’unité canonique est la ligne discriminante entre deux modes assez

différents de s’approcher de la Sainte Ecriture : deux modes qui proviennent de questions et

préoccupations entre elles étrangères.

P. Beauchamp : « il y a une différence idéologique qui sépare deux exégèses, l’une qui

s’estime récompensée quand elle a pu conjecturer le premier état d’un texte, et l’autre qui se

laisse prendre par les raisons et convaincre par les forces qui sortent d’un texte ».

L’exégèse moderne appelle ce type de lecture « approche synchronique », en l’opposant à

« l’approche diachronique », de type historico-critique. On pourrait dire que la lecture

patristique de la Sainte Ecriture a toujours eu une approche plus synchronique que

diachronique. On pourrait même dire exclusivement synchronique, dans le sens que les

Pères de l’Eglise étaient beaucoup plus préoccupés d’individuer dans leur lecture la

cohérence globale du texte biblique et surtout d’observer comment les singulières parties

trouvent leur achèvement et illumination dans le mystère du Christ.

Il n’est cependant pas bon d’aplatir l’exégèse synchronique sur la lecture biblique que

faisaient les Pères de l’Eglise, parce que la lecture synchronique, même d’un point de vue

chronologique, vient après les résultats et les considérations émergées de l’exégèse

historico-critique et donc elle ne peut pas faire abstraction de ses apports. C’est une richesse

pour donner à sa lecture une perspective que les anciens ne connaissaient pas.

Cette perspective synchronique porte avec soi l’exigence de prendre en considération l’unité

des deux testaments, et des deux Instrumenta qui en sont le document écrit (les deux

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moments de l’histoire du salut ; et les deux sections du texte biblique qui pour souligner

cette distinction sont appelés Instrumenta). C’est une exigence qui vient du fait même qu’ils

font partie de la même textualité qui est structurée autour de la narration de la rencontre

entre Dieu et l’homme, qui se spécifie dans la rencontre entre Dieu et son peuple et rejoint

son extrême concrétude dans l’évènement de Jésus Christ. Scinder le Novum Instrumentum

du Vetus Instrumentum signifie ne pas reconnaître l’unité des deux Testaments, c'est-à-dire

l’unité du projet divin sur l’histoire et sur le cosmos, et se situer ainsi hors de la perspective

canonique et aussi de cet évènement qui structure tant la Sainte Ecriture que la

communauté croyante.

Un tel point de vue demande nécessairement d’assumer quelques présupposés.

Le premier est admettre la possibilité d’un tel évènement, ou bien l’existence d’une

dimension surnaturelle et la possibilité pour une telle dimension surnaturelle de faire

effectivement irruption dans l’histoire de l’homme en la modifiant.

Un autre présupposé indispensable à une telle approche est l’affirmation que

derrière l’autorité du texte biblique il y a une autre réalité qui la précède : la

communauté croyante précède l’écriture. L’écriture se présente ainsi comme le

témoignage écrit d’un événement qui la précède et de la réflexion que de tel

évènement la communauté a fait en étant le protagoniste. Tout naturellement sous

la conduite de l’Esprit Saint.

La communauté précède l’Ecriture sous un certain point de vue, dans le sens qu’elle se met à

l’écoute de cette parole qui est à la base de son existence. Pour reprendre l’analogie de

l’Eucharistie on peut dire que l’Ecriture fait l’Eglise et l’Eglise fait l’Ecriture.

Ce type d’approche canonique prend en premier lieu la considération de l’état des textes

comme ils nous sont consignés par la tradition normative de la communauté croyante,

toutefois l’analyse historico-critique, avec ses découvertes inégalables, malgré les évidentes

limites théologiques et méthodologiques, ne peut pas être simplement refusé, sous peine de

tomber en une forme d’anti-historicisme. Mais on réagira à la tentation de voir dans la

forme la plus antique du texte la forme la plus originaire et de considérer les interprétations

postérieures comme des trahisons conditionnées par des dialectiques sociopolitiques qui ont

pollué la pureté originaire de la parole de Dieu. Les relectures font partie de

l’approfondissement de sens de l’histoire. Ceci en révèle la réalité profonde.

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Les diverses formes de lecture synchronique de l’écriture peuvent cependant tomber dans

un risque grave, celui de tomber dans une méfiance dans la possibilité d’une reconstruction

historique et de limiter ainsi la propre interprétation d’une lecture intra-textuelle. Une telle

méfiance dérive d’une position qui dévalue la possibilité de lire l’implication de Dieu avec

l’homme comme un évènement historique.

Il vaut donc la peine d’écouter ces paroles de B. Childs : « L’objet de la réflexion théologique

ne sont pas les évènements historiques ou les expériences subjacentes au texte ou

considérées de façon séparée de l’interprétation scripturaire donnée par une vive

communauté de foi. D’autre part, vue que le texte témoigne ponctuellement des évènements

et des réactions dans la vie d’Israël, la littérature ne peut pas être isolée de ses évidentes

références ».

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1.2 LA GENESE

1.2.1 Structure du livre

La forme actuelle du livre est structurée par le recours à une formule généalogique répétée :

« Telles sont les toledot de … » qui apparaît avec des variations en 2,4a ; 5,1 ; 6,9 ; 10,1 ; 11,

10, etc.… Le mot n’a pas une signification universellement partagée, mais il dérive tout de

même du verbe ‘alud qui signifie générer. On le traduit donc par génération ou

descendance. Cette formule peut être suivie par une généalogie ou par un récit narratif.

On peut diviser le texte sur des bases de contenu : les chapitre 1-11,26 (histoire de

l’humanité jusqu’à Abraham), se distinguent des chapitre 11,27-50 (histoire d’Abraham et de

sa descendance). Le toledot permettent d’identifier les divisions suivantes (l’astérisque

indique une des toledot) :

1. Le récit des nations (1,1-11,26) :

a. La création du monde (1,1-2,3)

b. La création de l’homme et de la femme et leur descendance (2,4*-4,26)

c. Les générations antédiluviennes (5,1*-6,8)

d. Le déluge (6,9*-9,29)

e. Les descendants de Noé et Babel (10,1*-11,0)

f. Récit : la généalogie de Shem à Térach (11,10*-26)

2. Le récit des ancêtres d’Israël (11,27*-50,26)

a. L’histoire d’Abraham (11,27*-25,11)

[La branche secondaire : les descendants d’Ismaël (25,12*-18)]

b. L’histoire d’Isaac et de Jacob (25,19*-35,29)

[La branche secondaire : les descendants d’Esaü à Canaan (36,1*-8) et en

Edom (36,9*-43)]

c. L’histoire de Joseph et de ses frères (37,1-50,26)

Selon Von Rad qui est accueilli par Childs, les chapitres 1-11 qui sont prémisses des histoires

patriarcales, doivent être vus comme une préparation à l’histoire du salut qui commence

avec Abraham. Il s’agit d’une histoire où est racontée la croissante aliénation de l’humanité.

Tout commence ave l’expulsion du jardin d’Eden ; le péché se répand et croît : l’homicide

d’Abel, le péché des anges, le déluge et le sommet dans la tour de Babel, le retour au chaos.

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La réponse de Dieu au péché de l’homme est l’élection d’Israël qui n’est pas seulement donc

l’histoire d’un peuple particulier, mais est liée à l’histoire de l’humanité et de ses rapports

avec le créateur. Ces chapitres affirment la priorité de la création. La relation de Dieu avec le

monde dérive du projet initial pour l’univers et pas seulement pour Israël, mais le rôle

rédempteur d’Israël dans la réconciliation des nations est présent depuis le début.

1.2.2 Lecture de Genèse 1,1-2,4a. :

[1] Au commencement, Dieu créa le ciel et la terre. [2] Or la terre était vide et vague, les ténèbres couvraient l'abîme, un vent de Dieu tournoyait sur les eaux. [3] Dieu dit : "Que la lumière soit" et la lumière fut. [4] Dieu vit que la lumière était bonne, et Dieu sépara la lumière et les ténèbres. [5] Dieu appela la lumière "jour" et les ténèbres "nuit." Il y eut un soir et il y eut un matin : premier jour. [6] Dieu dit : "Qu'il y ait un firmament au milieu des eaux et qu'il sépare les eaux d'avec les eaux" et il en fut ainsi. [7] Dieu fit le firmament, qui sépara les eaux qui sont sous le firmament d'avec les eaux qui sont au-dessus du firmament, [8] et Dieu appela le firmament "ciel." Il y eut un soir et il y eut un matin : deuxième jour. [9] Dieu dit : "Que les eaux qui sont sous le ciel s'amassent en une seule masse et qu'apparaisse le continent" et il en fut ainsi. [10] Dieu appela le continent "terre" et la masse des eaux "mers", et Dieu vit que cela était bon. [11] Dieu dit : "Que la terre verdisse de verdure : des herbes portant semence et des arbres fruitiers donnant sur la terre selon leur espèce des fruits contenant leur semence" et il en fut ainsi. [12] La terre produisit de la verdure : des herbes portant semence selon leur espèce, des arbres donnant selon leur espèce des fruits contenant leur semence, et Dieu vit que cela était bon. [13] Il y eut un soir et il y eut un matin : troisième jour. [14] Dieu dit : "Qu'il y ait des luminaires au firmament du ciel pour séparer le jour et la nuit ; qu'ils servent de signes, tant pour les fêtes que pour les jours et les années ; [15] qu'ils soient des luminaires au firmament du ciel pour éclairer la terre" et il en fut ainsi. [16] Dieu fit les deux luminaires majeurs : le grand luminaire comme puissance du jour et le petit luminaire comme puissance de la nuit, et les étoiles. [17] Dieu les plaça au firmament du ciel pour éclairer la terre, [18] pour commander au jour et à la nuit, pour séparer la lumière et les ténèbres, et Dieu vit que cela était bon. [19] Il y eut un soir et il y eut un matin : quatrième jour. [20] Dieu dit : "Que les eaux grouillent d'un grouillement d'êtres vivants et que des oiseaux volent au-dessus de la terre contre le firmament du ciel" et il en fut ainsi. [21] Dieu créa les grands serpents de mer et tous les êtres vivants qui glissent et qui grouillent dans les eaux selon leur espèce, et toute la gent ailée selon son espèce, et Dieu vit que cela était bon. [22] Dieu les bénit et dit : "Soyez féconds, multipliez, emplissez l'eau des mers, et que les oiseaux multiplient sur la terre." [23] Il y eut un soir et il y eut un matin : cinquième jour. [24] Dieu dit : "Que la terre produise des êtres vivants selon leur espèce : bestiaux, bestioles, bêtes sauvages selon leur espèce" et il en fut ainsi. [25] Dieu fit les bêtes sauvages selon leur espèce, les bestiaux selon leur espèce et toutes les bestioles du sol selon leur espèce, et Dieu vit que cela était bon. [26] Dieu dit : "Faisons l'homme à notre image, comme notre ressemblance, et qu'ils dominent sur les poissons de la mer, les oiseaux du ciel, les bestiaux, toutes les bêtes sauvages et toutes les bestioles qui rampent sur la terre." [27] Dieu créa l'homme à son image, à l'image de Dieu il le créa, homme et femme il les créa. [28] Dieu les bénit et leur dit : "Soyez féconds, multipliez, emplissez la terre et soumettez-la ; dominez sur les poissons de la mer, les oiseaux du ciel et tous les animaux qui rampent sur la terre." [29] Dieu dit : "Je vous donne toutes les herbes portant semence, qui sont sur toute la surface de la terre, et tous les arbres qui ont des fruits portant semence : ce sera votre nourriture. [30] A toutes les bêtes sauvages, à tous les oiseaux du ciel, à tout ce qui rampe sur la terre et qui est animé de vie, je donne pour nourriture toute la verdure des plantes" et il en fut ainsi. [31] Dieu vit tout ce qu'il avait fait : cela était très bon. Il y eut un soir et il y eut un matin : sixième jour. 2 [1] Ainsi furent achevés le ciel et la terre, avec toute leur armée. [2] Dieu conclut au septième jour l'ouvrage qu'il avait fait et, au septième jour, il chôma, après tout l'ouvrage qu'il avait fait. [3] Dieu bénit le septième jour et le sanctifia, car il avait chômé après tout son ouvrage de création.

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[4] Telle fut l'histoire du ciel et de la terre, quand ils furent créés.

Ce passage qui ouvre la Bible fait partie de la source Sacerdotale. Il est possible de

l’accepter. Le langage est clair, les liens avec la tradition Sacerdotale s’imposent.

Mais d’habitude, la source Sacerdotale s’interrompt en 2,4a et reprend en 5,1 avec la

généalogie d’Adam.

De 2,4b à 4,26 ce serait la source Yahviste. On le voit en 2,4b « Au temps où Yahvé Dieu fit la

terre et le ciel (…) »

4,26 : « alors on commença à invoquer le nom de Jahvé ».

Le nom du Seigneur est connu depuis le neveu d’Adam qui l’invoque en premier. Donc avant

le déluge. Dans nos traductions nous avons YHWH = le Seigneur et Elohim = Dieu. Alors que

l’Elohiste n’utilise pas avant l’exode 3,14. Le Yahviste dit que c’est quelque chose de connu

depuis le début de l’humanité. C’est la théorie des sources classique.

Mais cette affirmation de passer de 2,4a à 5,1 rencontre des problèmes : jusqu’à 2,4a le mot

Adam est utilisé dans une signification générique = homme (ish). Alors que si nous allons en

5,1 Adam est un nom propre. Ce serait une source où l’on passe d’un nom commun à un

nom propre en quelques versets, ce qui est étrange.

Comment se fait ce passage au nom propre ? Avec les chapitres 2, 3 et 4 qui sont Yahvistes.

En juxtaposant les chapitres, le rédacteur a fait en sorte qu’il y ait une cohérence, une

transition qui permette de passer au chapitre 5. On ne peut pas tailler les chapitres Yahvistes

pour soi-disant retrouver le Sacerdotal dans son état pur. Ici le texte a été réélaboré.

Autre exemple : en 1, il y a une refrain : « Dieu vit que cela était bon » à la fin il dit « c’est chose très

bonne ».

Dans le chapitre 2 on trouve au verset 8 « il n’est pas bon que l’homme soit seul ». C’est donc une

reprise du refrain du chapitre 1. Ceci se rencontre sur le fait que selon la théorie ces deux sources ne

se connaissent pas.

Aussi le rédacteur a travaillé pour faire une harmonisation en donnant une homogénéité.

Donc, il n’est pas possible herméneutiquement de lire un texte comme si un texte n’existait

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pas. On ne peut pas parler d’un premier et d’un deuxième récit de la création. Il y a un livre

avec du matériel réélaboré pour une compréhension.

La réélaboration a donc été très profonde et il est désormais impossible de redécomposer le

texte pour soi-disant l’interpréter dans sa pureté originelle. C’est similaire dans le Nouveau

Testament lorsque l’on veut reconstruire la théologie de la source Q : c’est une hypothèse,

elle n’existe pas en tant que telle. On peut l’utiliser comme hypothèse, mais pas comme

moyen herméneutique et scientifique.

L’auteur qui a recomposer les textes était insatisfait des deux textes et les a réharmonisés

selon sa théologie et les deux ne sont plus qu’un.

Nous avons donc une recomposition profonde du texte. Ce texte veut être programmatique.

Il est d’une tradition très longue et en même temps il présente une élaboration et une

concentration théologique très forte.

Nous pouvons noter un fait très important : ce texte qui semble être mythologique pour

nous ne l’est pas. C’est un des premier – sinon le premier – texte scientifique qui cherche à

avoir une description claire du monde et précise. Ce n’est plus notre conception du monde

par rapport à la description physique. Mais pour la description ça l’est beaucoup plus d’un

point de vue de l’impression de l’œil humain. C’est la description objective de l’œil humain.

On ne voit pas que la terre est ronde, mais ce n’est pas immédiat.

Cette vision du monde finit par être scientifique, objective de l’univers, on le voit en

comparaison avec les autres textes qui circulaient à l’époque. Les textes qui circulaient

étaient des cosmogonies et des théogonies (histoires divines de la terre et des cieux) ; les

dieux du ciel ont le mieux sur ceux de la terre.

Enuma elis : « comment en haut ». C’est un poème trouvé en akkadique de la bibliothèque

de Ninive qui glorifie Mardouk (dans la Bible c’est Beel). Ce n’est pas lui le dieu primordial et

ordinateur du monde.

Il introduit deux personnages : Apsu le dieu masculin et dieu des eaux profondes douces.

Tiamat est un dieu féminin monstre des abysses marin. Dans le delta des deux fleuves Tigre

et Euphrate s’unissent avec la mer. Cela donne le marais, là où les mondes ne sont pas

distinguables, une sorte d’entre deux. Par leur union, ils génèrent quelque chose qui devient

une génération de divinité. Apsu et Tiamat sont les premiers et après viennent les autres.

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Dans la genèse, on ne cherche pas à expliquer qui est Dieu, d’où il vient, comment il est…

Dieu est un donné à priori.

Des divinités naissent encore et un problème naît entre Apsu et le dieu Ea qui est le dieu des

eaux canalisés, le dieu agricole (soumise au régime de l’homme). Ce dieu Ea se rebelle

contre le Père Apsu et le tue et prend sa place. Tiamat n’est pas contente de la chose et

prépare sa vengeance. Il ne faut pas oublier que c’est le monstre marin (TmT de Thm téom =

chaos originaire). Tiamat réunit ses alliés et met Kingu à sa tête et l’épouse. Ea qui est

devenu le roi des dieux convoque le conseil des dieux et met sur le tapis le problème de la

défense de ce dieu Kingu et de sa mère Tiamat. On propose le dieu Mardouk dieu de la ville

de Babylone (nous somme avant la création du monde et des hommes). Ils acceptent la

proposition de mettre Mardouk sur le trône si il vainc l’ennemi. Il vainc Tiamat et devant le

cri de la reine il lui vient l’idée de faire quelque chose avec le corps de Tiamat : le monde.

Mardouk met les astres, dispose les montagnes sur l’autre moitié de dessous. Il utilise les

yeux pour faire deux fleuves, le Tigre et l’Euphrate.

A un moment les dieux ont une autre idée : ce serait mieux qu’un autre travaille pour eux.

Les animaux sont trop bêtes, Mardouk crée donc un être à moitié avec le sang de Kingu qu’il

tue et la terre : il crée les hommes.

Dans ce deuxième récit il y a dieu qui crée l’homme de la poussière de la terre. Mais ici c’est

l’explication de pourquoi l’homme est mortel alors que dans la Bible, c’est l’explication de la

dignité de l’homme. La création est une évolution divine.

En Egypte le dieu primordial Atum crée un monde qui auto-évolue. Il est aussi appelé le

masturbateur car il crée le monde en se masturbant. Parfois c’est son éclaboussure qui crée.

C’est le dieu qui s’autoféconde. C’est l’évolution de la réalité qu’est le pays. Pour les

Egyptien c’est l’Egypte, les Assyriens c’est l’Assyrie…

Dans la cosmologie antique, l’univers est divisé en trois parties : une zone abyssale, d’eau de

mort. Au centre de cet océan abyssale la terre ferme : une grande île appuyée sur des

colonne qui la soutiennent. A l’extrémité de l’océan des montagnes mystérieuses sur

lesquelles s’appuie la voûte du firmament. Sur celui-ci les eaux supérieures que Dieu peut

laisser tomber du ciel en ouvrant les cataractes. Suspendues au firmament les étoiles, le

soleil et la lune.

Dans le texte de la création c’est un seul qui prend l’initiative. On ne sait pas qui il est, ni son

identité, en tout cas il est présupposé qu’il existe.

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Le verbe Bara est un verbe qui signifie créer. Dans le texte massorétique, il n’y a que Dieu

qui bara. Sinon on utilise un autre verbe.

Le rédacteur Sacerdotal fait tout pour éloigner la mythologie. C’est un texte anti-

mythologique.

Si on prend le psaume 104 (103) de la création, on trouve un langage qui frise à la

mythologie : la lumière est le manteau de Dieu ; construit sur les eaux tes demeures (c’est

l’océan supérieur) alors que dans le récit de la création, Dieu ne se construit pas une maison,

encore moins dans sa création. On ne sait pas où il habite. Tu marches sur les ailes du vent.

Psaume 68,5 : « Chantez à Dieu, jouez pour son nom, frayez la route au Chevaucheur des nuées, jubilez

en Yahvé, dansez devant sa face. »

Le chevaucheur des nuées est Baal. A la fin du psaume il y a une montagne de Dieu.

Donc dans la genèse on cherche à épurer au maximum ce qui peut avoir un aspect

mythologique.

Le passage de Genèse : 7 unités en sept jours de la création.

La liberté, la spontanéité de la création. Il donne origine au ciel et à la terre. C’est un

mérisme (figure rhétorique typique sémitique qui consiste à nommer les extrêmes pour

parler de tout ce qu’il y a entre : père et mère = la famille ; ciel et terre = univers ; bon et

méchant = tous les hommes). Il n’y a donc pas d’obligation en Dieu. Il ne travaille pas comme

Mardouk qui construit l’univers à partir de Tiamat.

Ce premier chapitre montre un Dieu qui crée et qui a un rapport avec sa créature.

Ce texte montre t-il la création ex nihilo ?

2Maccabée 7,28 : « Je t'en conjure, mon enfant, regarde le ciel et la terre et vois tout ce qui est en eux,

et sache que Dieu les a faits de rien et que la race des hommes est faite de la même manière. »

On ne dit pas que Dieu créa de quelque chose le monde. Il faut savoir qu’en Hébreu, le verbe

être signifie « da sein ; exister ». Notre réflexion sur l’être vient du grec qui permet de

l’exprimer de façon adéquate. Il n’y a pas de façon adéquate en hébreu pour parler de l’être

et du non-être.

Le verset 2 se présente comme une digression théologique.

Comment se traduit le rapport entre le verset 1 et le 2 ? Il y a deux possibilités, celle de

mettre un point à la fin du verset 1, ou de dire : « v.1 au principe où Dieu créa le ciel et la

terre, v.2 la terre était informe… ». Dans un cas c’est mis côte à côte. Dans le deuxième cas

c’est une subordonnée. Donc, selon la traduction la différence est importance. Dans un cas,

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c’est une sorte de titre donné par le verset 1. Dans l’autre le chaos est description de ce que

Dieu crée. Dans le premier il y a une introduction et on voit le départ qui est le chaos. Dans

le deuxième cas, c’est Dieu qui crée le chaos.

P. Paximadi soutient que ce sont deux propositions indépendantes. La première est une

introduction et la deuxième est le point de départ.

Le v.1 est un compendium, et le v.2 est la description de l’abysse du chaos qui est la

description du rien, du nihil. Comme c’est inintelligible on dit que ce n’est pas.

Il y a toujours le risque que cette création retourne dans cet état informe si elle n’est pas

soutenue par Dieu. C’est non seulement un nul, mais un nul qui peut engloutir. Il faut Dieu

qui soutient. Dieu maintient sa création.

Problème de l’Esprit de Dieu qui plane sur les eaux : 2 solutions

1. Von Rad pense que cet esprit de dieu fait encore partie du chaos et doit se traduire

en vent (rouah) c’est un superlatif, un vent très fort. Le vent très fort serait un

élément de désordre qui fait partie du chaos. Ceci pourquoi ? Parce que ce vent de

Dieu apparaît ici et disparaît complètement sans aucune incidence sur le texte.

2. Le verbe est intéressant merahefet exprime le geste de la couveuse, de l’oiseau qui

couve en tenant sous les ailes les oisillons. Rouah en hébreu est féminin. Certaines

mythologies égyptiennes voient l’oiseau primordial poser l’œuf primordial dans le

marais, le couver et en sort le monde. C’est déjà l’action de Dieu qui agit. Quelque

chose fait penser à l’idée que l’oiseau primordial est l’oiseau du déluge qui tourne sur

les eaux et donne le signal du monde qui recommence. Du déluge le monde ressort

renouvelé. Le fait de Noé peut faire penser à l’esprit de Dieu en ordre à l’esprit de

dieu comme un ordre de la création. Ce vent est donc déjà un moment d’ordre.

Au verset 3 on voit la lumière qui apparaît et qui semble indépendante des astres qui n’en

sont pas la source. La première chose que fait le Seigneur est de mettre l’intelligibilité dans

ce chaos, de mettre la lumière. C’est encore une fois une polémique anti-mythologique. Une

telle lumière vient par le moyen de la parole.

Dans la suite on voit Dieu à l’œuvre : v.7 ; v.16 Dieu fit ; v.17 Dieu pose.

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Mais surtout on voit que Dieu opère par la parole. Mais ceci a des antécédents dans la

mythologie. Mardouk opère aussi par la parole, mais elle arrive par de formules magiques.

Par là il peut opérer par la parole. Pour nous, l’œuvre de Dieu par la parole sert à souligner le

détachement entre le monde créé et Dieu. Le monde crée n’est pas une émanation de Dieu,

ce n’est pas le fruit de son évolution à la différence des poèmes babyloniens. Le seul rapport

entre Dieu et sa création est la parole qui en plus n’est pas magique.

Premier jour. Par la lumière il sépare le jour de la nuit. Le verbe hébreu est habdîl qui signifie

séparer, distinguer. Dans la théologie Sacerdotale il est connoté par une signification

Sacerdotale. Le prêtre distingue, détermine, sépare, organise. C'est-à-dire qu’il individu la

structure de la réalité. C’est donc très fort. Lorsque le prêtre distingue le pur de l’impur, il

fait une opération semblable à celle de Dieu qui distingue le chaos. Nous sommes donc en

pleine théologie Sacerdotale.

Deuxième jour. La seconde opération de Dieu est de nommer, appeler : ce qui est distingué

est intelligible. Par le nom on donne l’être, la réalité. Il s’agit d’un passage à l’être. Donner le

nom est donner, constituer la réalité. C’est donc une opération fondamentale. C’est un vrai

texte de théologie.

Etre nommé signifie être destiné à une existence. Le chaos est d’être destiné au nul, au rien.

Les v.6 à 10 mettent les bases du monde. Le firmament est à entendre au sens

étymologique, comme quelque chose de fixe comme une chape, quelque chose de solide. Ce

firmament « sépare » (habdil) encore une fois c’est la distinction des eaux supérieures des

eaux inférieures.

Les eaux profondes de la partie intérieure (inférieure) sont le symbole par excellence du

chaos. (cf. le schéma). Pour les juifs, la mer est signe de la stérilité et le mont est le signe de

la fécondité, de la positivité, de la fertilité. La mer est toujours très négative. Dans le monde

européen c’est différent.

L’abysse demeure, mais sous le contrôle de Dieu, soumis à sa volonté. On peut conforter ce

texte avec le psaume 104, 7-9 : « A ta menace, elles prennent la fuite, à la voix de ton

tonnerre, elles s'échappent ; [8] elles sautent les montagnes, elles descendent les vallées vers

le lieu que tu leur as assigné ; [9] tu mets une limite à ne pas franchir, qu'elles ne reviennent

couvrir la terre. » L’abysse est comme personnifié.

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Le troisième jour arrivent les plantes. Au v.12 on peut noter une sorte de médiation : Dieu

ordonne à la terre de produire les plantes. Les plantes sont comme produites par la terre qui

est la médiatrice maternelle. A la fin du troisième jour on voit que Dieu vit que c’était une

bonne chose. Cette création de la structure de base du monde : terre, plante. La création de

cette structure contient donc aussi les plantes.

Le 4ème jour, v. 14-19. Dieu fait les lampadaires. Il les pose dans le firmament et Dieu voit que

c’est une chose bonne. On peut noter que la lune, le soleil et les étoiles ne sont pas

nommées : pourquoi, parce que ce sont des divinités, des objets de culte. On parle donc de

lampadaire majeure et de lampadaire mineur. Ils servent à réguler, c’est un but de service

pour scander le temps. Comme une grande horloge dans le temps pour réguler le temps.

C’est comme si Dieu prépare l’arrivée de l’homme car pour l’instant tout cela ne sert à rien.

Le 5ème jour marque une étape : l’arrivée de la vie. Les plantes ne sont pas la vie car la vie

bouge et pas les plantes. Les animaux sont présentés comme ceux qui bougent, qui

gesticulent. La vie est quelque chose de nouveau. Son apparition est quelque chose de

nouveau.

Au verset 21 on voit que Dieu crée encore. C’est donc une nouveauté. La succession des

animaux : d’abord les monstres marins (des petites Tiamat) qui sont dans leur abysse et

n’approchent pas la terre. Ils ont leur place dans le plan de Dieu. D’abord, donc les lointains

de l’abysse. Viennent ensuite les poissons puis les oiseaux. Ils sont créés par Dieu

directement car ils sont étranges et ont besoin que ce soit Dieu. Les poissons vivent dans

l’eau : de quoi vivent-ils si la mer est le règne du chaos ? C’est la puissance de la vie de Dieu

qui doit les assister personnellement. Les oiseaux sont étranges car ils sont plus lourd que

l’air mais volent dans l’air. Ils sont donc eux aussi dans la main directe de Dieu. Ils peuvent

dépasser les limites. Il y a une assistance majeure de Dieu. De ces animaux anormaux on dit

qu’ils sont bons et sont bénis. Il n’y a pas d’éléments négatifs qui doivent être combattus.

Tout fait partie de ce plan qui est bon.

La première œuvre du 6ème jour est aussi vue comme liée à la terre au verset 24. L’eau de la

mer ne peut pas participer de cette production car l’eau ne peut pas avoir cette fonction de

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donner la vie. La création des animaux ne reçoit pas la bénédiction. On voit que c’est une

chose bonne, mais Dieu ne bénit pas les animaux terrestres alors que les poissons et les

oiseaux sont bénis. Au seuil de la création de l’homme pour montrer la distance entre les

animaux et l’homme.

Au verset 26 nous avons la création de l’homme. Elle se distingue en mode significatif de

celle des animaux. Il y a une décision divine qui caractéristiquement est exprimée au pluriel.

Pourquoi ? Il y a eu beaucoup de recherches. Ce pluriel avec beaucoup de probabilités, se

réfère à l’assemblée des dieux. D’habitude les dieux prennent une décision ensemble. Par

exemple en 1Roi 22,19s on voit cette notion d’assemblée des dieux où c’est plutôt une

assemblée de ministres, une cour du roi. En Job 2,1 on voit aussi les Fils de Dieu qui se

présentent devant le trône. Peut-être qu’il s’agit des débuts d’une angélologie ? En Isaïe 6 on

en voit une autre qui est beaucoup plus autocrate, un souverain plus autoritaire. Cette idée

est très présente : d’un côté c’est comme si Dieu promulguait son désir de créer l’homme.

Ce pluriel nous fait comprendre l’idée de l’assemblée des dieux. On utilise un langage

mythologique là où personne ne participe à cette décision. C’est fait pour solenniser le geste

de Dieu. C’est un consistoire qui ne décide pas mais applaudit les décisions du souverain qui

viennent promulguées.

L’image et la ressemblance. Il y a encore une référence mythologique. Dans le poème

Mardouk fait aussi à partir de la terre une création. C’est une idée présente dans la

mythologie qui montre que l’homme est moins que Dieu, un sous-produit. Dans notre

conteste anti-mythologique on veut montrer la splendeur de l’homme qui est fait à l’image

et ressemblance de l’assemblée divine. C’est peut-être lié avec le psaume 8,6 « tu l’as fait un

peut moindre que les dieux ». Il est clair que l’on est dans un milieu monothéiste et que ce

mot signifie être céleste.

Ici nous avons un homme qui est fait à l’image d’une réalité divine. En ce sens on peut

expliquer comment est introduite cette idée de l’assemblée divine. Donc faisons à l’image de

l’assemblée divine (notre image) pour montrer que l’homme a une dignité supérieure aux

autres animaux, mais il n’y a pas de connaturalité entre Dieu et l’homme.

En Gn 3,22 revient ce pluriel curieux « l’homme est devenu comme nous… » : C’est encore

l’image de l’assemblée qui est en dessous de Dieu et à laquelle l’homme ressemble. La

distance est encore marquée. Il y a tout de même une ambiguïté ; si il est clair que le texte

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ne veut pas référer à Dieu cette chose, on sait que c’est à l’image de Dieu que l’homme est

crée. Il y a le désir de montrer une distance et de montrer la vraie présence de la dignité, de

la réalité divine.

L’image de l’hypostase est très tardive et regarde la période sapientiale. C’est très

postérieur. On ne peut pas le faire entrer ici en jeu.

Il y a donc une image de Dieu et aussi une distance. De ce projet originaire fait partie

l’opposition sexuelle qui n’est pas compris comme différenciation secondaire. Le 2ème

chapitre réfléchira là-dessus. Cela fait partie de cet aspect. Cette différenciation n’est pas

attachée à l’aspect génératif. C’est ensuite que Dieu les béni et leur dit d’être féconds. La

fécondité est due à une autre bénédiction de Dieu. On ne veut pas sexualiser Dieu. Là n’est

pas l’image de Dieu. Le risque est d’introduire la fécondité sexuelle en Dieu et par là on

aurait fait entrer les rites cananéens avec la prostitution sacrée… Dieu n’est pas fécond par

voie de génération sexuelle. La fécondité en l’homme est distingué : la fin unitive est

distincte de la fin procréative. La fin n’est pas seulement la fécondité. Du premier couple

c’est une réalité relationnelle qui est image de Dieu ; vient ensuite la fécondité.

Dieu ne produit pas par l’union sexuelle. Cette idée de la distinction sexuelle comme image

divine de la possibilité de relation.

Dans le verset 28 Dieu les béni et leur dit. C’est la première fois que Dieu s’adresse à une de

ses créatures. Avant il avait parlé à la troisième personne : qu’il y ait… Ici il crée l’homme, le

béni et lui donne la fécondité en s’adressant à lui.

Au verset 29-30, l’homme reçoit la seigneurie sur la création, mais pas pour manger les

animaux. Le verset 31 Dieu voit que ce qu’il a fait était très bon. Le vertige de la création est

le shabbat où Dieu se repose. C’est un moment de mystère inaccessible qui est réservé à

Dieu. C’est le plan d’un langage mythologique. Lorsque Mardouk crée l’homme, les dieux lui

offrent un palais, un festin et un repos des dieux. Ce repos a cette caractéristique de

déborder sur la création.

Le 7ème jour fait partie de la création, mais le repos de Dieu consacre ce jour et la création.

Dieu agit le shabbat, que fait-il ? Le shabbat. C’est une partie de la création qui est la

possibilité pour l’homme d’accéder au monde divin ; c’est une réalité créée qui est

constituée, bénie et consacrée. Dans le code Sacerdotal la bénédiction est très importante.

Ce 7ème jour est consacré et il est médiateur entre le monde et Dieu. Il y a une possibilité

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salvifique pour l’homme d’entrer en ce repos de Dieu. Les rabbins disent que Dieu continue

d’agir le shabbat : donner la vie (car les enfants naissent aussi à shabbat), enlever la vie (car

les hommes meurent aussi le shabbat), et si les hommes meurent, il juge. Ce sont donc trois

gestes propres de Dieu ce jour-là. On peut donc parler d’une sacramentalité du shabbat. On

le voit bien dans la théologie Sacerdotale. Ici c’est une médiation entre l’homme et Dieu. Le

tabernacle sera l’autre grande médiation entre le monde de Dieu et les hommes. Le shabbat

est cité en Ex 25-31 les instructions de Dieu à Moise ; 35-40 : les exécutions des ordres de

Dieu à Moïse. La référence sur le shabbat arrive à la fin des instructions de Dieu à Moïse en

31,12-17, et au début des exécutions en 35,1-3. L’homme reconnaît une priorité de l’agir de

Dieu et on respecte le shabbat en premier. De plus Dieu bénit ce jour, et il manque la

formule « il y eut un soir, il y eut un matin… », donc le shabbat n’a pas de fin, il s’étend sur

toute la création.

Il n’y a pas de textes très anciens qui parlent d’un shabbat hebdomadaire avant l’exil. C’était

peut-être une fête de la lune pleine et de la nouvelle lune. L’emphase sur le shabbat serait

restée alors que les sacrifices n’étaient plus possibles. Pour Paximadi c’est une institution

préexilique, mais qui connaît son expansion durant l’exil où le culte et les fêtes sont limitées

voire impossibles. Ce serait donc un croître dans la conscience de cet aspect. Il est difficile de

penser que tout soit de l’exil.

Le destinataire du shabbat est le monde entier alors que le tabernacle est pour le peuple juif.

Le but pour le Sacerdotal est que Dieu habite dans le temple, mais il faut un peuple pour

cela. Ce sont deux ordres différents.

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1.2.3 Lecture de Gn 2,4-25

[4] Telle fut l'histoire du ciel et de la terre, quand ils furent créés. Au temps où Yahvé Dieu fit la terre et le ciel, [5] il n'y avait encore aucun arbuste des champs sur la terre et aucune herbe des champs n'avait encore poussé, car Yahvé Dieu n'avait pas fait pleuvoir sur la terre et il n'y avait pas d'homme pour cultiver le sol. [6] Toutefois, un flot montait de terre et arrosait toute la surface du sol. [7] Alors Yahvé Dieu modela l'homme avec la glaise du sol, il insuffla dans ses narines une haleine de vie et l'homme devint un être vivant. [8] Yahvé Dieu planta un jardin en Eden, à l'orient, et il y mit l'homme qu'il avait modelé. [9] Yahvé Dieu fit pousser du sol toute espèce d'arbres séduisants à voir et bons à manger, et l'arbre de vie au milieu du jardin, et l'arbre de la connaissance du bien et du mal. [10] Un fleuve sortait d'Eden pour arroser le jardin et de là il se divisait pour former quatre bras. [11] Le premier s'appelle le Pishôn : il contourne tout le pays de Havila, où il y a l'or ; [12] l'or de ce pays est pur et là se trouvent le bdellium et la pierre de cornaline. [13] Le deuxième fleuve s'appelle le Gihôn : il contourne tout le pays de Kush. [14] Le troisième fleuve s'appelle le Tigre : il coule à l'orient d'Assur. Le quatrième fleuve est l'Euphrate. [15] Yahvé Dieu prit l'homme et l'établit dans le jardin d'Eden pour le cultiver et le garder. [16] Et Yahvé Dieu fit à l'homme ce commandement : "Tu peux manger de tous les arbres du jardin. [17] Mais de l'arbre de la connaissance du bien et du mal tu ne mangeras pas, car, le jour où tu en mangeras, tu deviendras passible de mort." [18] Yahvé Dieu dit : "Il n'est pas bon que l'homme soit seul. Il faut que je lui fasse une aide qui lui soit assortie." [19] Yahvé Dieu modela encore du sol toutes les bêtes sauvages et tous les oiseaux du ciel, et il les amena à l'homme pour voir comment celui-ci les appellerait : chacun devait porter le nom que l'homme lui aurait donné. [20] L'homme donna des noms à tous les bestiaux, aux oiseaux du ciel et à toutes les bêtes sauvages, mais, pour un homme, il ne trouva pas l'aide qui lui fût assortie. [21] Alors Yahvé Dieu fit tomber une torpeur sur l'homme, qui s'endormit. Il prit une de ses côtes et referma la chair à sa place. [22] Puis, de la côte qu'il avait tirée de l'homme, Yahvé Dieu façonna une femme et l'amena à l'homme. [23] Alors celui-ci s'écria : "Pour le coup, c'est l'os de mes os et la chair de ma chair ! Celle-ci sera appelée "femme", car elle fut tirée de l'homme, celle-ci !" [24] C'est pourquoi l'homme quitte son père et sa mère et s'attache à sa femme, et ils deviennent une seule chair. [25] Or tous deux étaient nus, l'homme et sa femme, et ils n'avaient pas honte l'un devant l'autre.

Avec Gn 2,4b nous entrons dans la tradition Yahviste. Attention à ne pas absolutiser ces

données. Le rédacteur les a aussi profondément réélaborées. Ce texte voit aussi en lui la

présence d’autres traditions ; les fleuves par exemple sont comme cela au milieu.

Le problème de notre justification doit expliquer non pas ce qu’il y avait comme texte, mais

ce qu’il y a.

Verset 4a : ceci sont les origines et ce serait la conclusion de ce qui précède. Les tolédot sont

ce qui a une saveur Sacerdotale ; donc la conclusion selon la tradition Sacerdotale de la

création. En réalité, il faut se rendre compte que bien que la formule soit Sacerdotale, elle a

une fonction de titre. Elle ne ferme pas ce qui précède, mais ouvre ce qui suit ; on ne peut

donc encore pas couper au couteau les deux textes. Ce verset typiquement Sacerdotale est

utilisé pour introduire un texte Yahviste ;

Nous voyons une différence de vocabulaire entre les deux chapitres. Dans le 1er chapitre,

nous voyons Dieu qui crée par la parole ; Asah signifie faire, sans spécifier comment cela se

fait.

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Ici au contraire, nous avons un Dieu qui forme, donc il a des mains, il souffle, donc il a une

bouche, il se promène, donc il a des jambes et des pieds pour se rafraîchir le soir. Alors que

le 1er chapitre cherchait à éviter tout anthropomorphisme ce 2ème est tranquillement

anthropomorphique ; au 3ème nous verrons un animal qui parle (ce n’est pas un miracle !) ; la

fable est une communication importante. En tout cas, nous avons ces caractéristiques très

différentes, mais nous sommes loin d’un récit primitif. Le texte Sacerdotal a une

préoccupation plus abstraite, une terminologie plus étroite. Ici nous sommes dans le

domaine de la métaphore littéraire. Il y a ensuite une différence d’intérêt.

Le récit Sacerdotal veut faire un panorama de la création.

Le récit Yahviste est préoccupé plus par la narration sur les rapports entre l’homme et Dieu.

On a vu que dans le conteste Sacerdotal il y a aussi cette préoccupation, mais ici c’est au

premier plan.

Si nous le voulons, le récit Yahviste est comme une sorte d’objection au récit Sacerdotal qui

montrait la bonté de la création (très bonne).

Ici on constate le mal, d’où vient-il si la création est très bonne ? Donc le récit Yahviste est

une étiologie qui cherche à expliquer l’origine de cette contradiction. Comment cela surgit-

il ?

Von Rad : comme l’histoire Sacerdotale décrit la création du monde par Dieu depuis le

chaos, ainsi l’histoire Yahviste veut montrer en quel mode, de la création bonne on est arrivé

au chaos, au mal que l’on constate. Les deux parties sont donc en dialogue entre-elles ; c’est

un discours théologique uniforme. Contrairement à ce qui a été dit avant, l’homme est la

première créature et non la dernière. Le concept est toujours le même. Le mode de

l’exprimer est différent ; dans le récit Sacerdotal, des réalités vivantes l’homme est le

sommet ; dans le Yahviste, l’homme est l’archétype.

Verset 7 : description de la création de l’homme.

C’est important de noter les deux éléments anthropologiques de cette action divine. Dieu

modèle l’homme avec la poussière du sol. Il le forme avec des actions de potier, la matière

n’est pas l’argile mais est la poussière de la terre, du sol. Adam et Adama (‘adam et adamah)

(homme et terre rouge) ont une racine très proche. Ici c’est la poussière du sol. L’homme a

un rapport privilégié avec le sol : il est fait de ce qu’il cultive. L’idée du Dieu potier est très

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présente dans les mythologies antiques. Le dieu Khnum avec une tête de bélier fait des

vases. Dans le texte nous cueillons un effort de démythologisation, on ne parle pas de potier.

Un premier élément anthropologique est celui-là ; contrairement à d’autre mythe de la

création, l’homme n’est pas crée pour la subsistance des dieux. En effet, à un moment les

dieux sont vus comme des classe inférieurs : il y a les dieux supérieurs les igigi et les dieux

inférieurs les anunnaki (surtout à Babylone) ; les dieux inférieurs travaillent pour les dieux

supérieurs, mais ils se rebellent et cessent le travail ; donc ils créent l’homme qui ne peut

pas se rebeller. Par les sacrifices ils sont nourris ; l’homme est là pour nourrir les dieux. Cet

aspect n’existe pas dans notre texte. Ce n’est pas Dieu qui a besoin de l’homme, mais

l’homme est mis dans le jardin et exprime dans le travail sa dépendance par rapport à Dieu

qui est providence.

Le travail exprime donc la réalité humaine.

La seconde action de Dieu est d’insuffler dans les narines l’air vital. La Nephesh (nepes)

signifie souffle et ensuite devient quelque chose de relatif au souffle vital qui va et vient et

prend ensuite la signification de la force, de la valeur de l’homme. Nephesh (LXX psyché)

peut signifie le ‘moi’, le centre de la personne. L’aspect sentimental est réservé aux rahamim

que sont les viscères, c’est le siège de la haine et de l’amour. Dieu prend la nephesh et la

souffle et l’homme devient un être vivant qui respire. Dieu est le possesseur de l’élément

vital. La psyché est la force vitale de l’homme et des animaux que Dieu possède. Dieu la

donne aux animaux et aux hommes et peut ensuite la retirer.

Le psaume 104, 29-30 en parle : « Tu caches ta face, ils s'épouvantent, tu retires leur souffle, ils

expirent, à leur poussière ils retournent. Tu envoies ton souffle, ils sont créés, tu renouvelles la face de

la terre ». C’est donc là le signe de dépendance à Dieu de l’homme.

Is 30,33 : « Car depuis longtemps est préparé Tophèt, - il sera aussi pour le roi - profond et large son

bûcher, feu et bois y abondent ; le souffle de Yahvé, comme un torrent de soufre, va y mettre le feu ».

Is 42,5 : « Ainsi parle Dieu, Yahvé, qui a créé les cieux et les a déployés, qui a affermi la terre et ce

qu'elle produit, qui a donné le souffle au peuple qui l'habite, et l'esprit à ceux qui la parcourent ».

Job 9,4 : « Parmi les plus sages et les plus robustes qui donc lui tiendrait tête impunément ? »

La traduction ne le laisse pas voir.

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Cette nephesh n’est pas l’âme de Dieu, ce n’est pas une étincelle divine mise en l’homme, l’homme ne

participe pas de la vie de Dieu. C’est encore une différence d’avec les mythologies.

Après la description de la création.

Nous avons dans le chapitre 2 un ‘il n’est pas bon’, l’homme n’est pas fait pour être seul, il

est fait pour la relation ; c’est un thème sapiential.

Qo 4,9-12 : « Mieux vaut être deux que seul, car ainsi le travail donne bon profit. En cas de chute, l'un

relève l'autre ; mais qu'en est-il de celui qui tombe sans personne pour le relever ? Et si l'on couche à

deux, on se réchauffe, mais seul, comment avoir chaud ? Là où un homme seul est renversé, deux

résistent, et le fil triple ne rompt pas facilement ».

Dieu veut faire une aide à l’homme. L’expression est « un secours ». Cette aide n’est pas

trouvée chez les animaux. Ils sont subordonnés à l’homme qui détermine son rapport avec

eux en les nommant. Dieu amène les animaux à l’homme pour qu’il donne leur être. Il y a

une nouvelle initiative de Dieu qui crée la femme.

L’homme n’assiste pas à cette création, il dort. Tardemah signifie la stupeur qui envahi

l’homme lorsque Dieu ou un de ces envoyés lui parle en direct, c’est comme un

obscurcissement des facultés humaines.

Par exemple Gn 15,12 : « Comme le soleil allait se coucher, une torpeur tomba sur Abram et

voici qu'un grand effroi le saisit. »

Job 9,4 : « Parmi les plus sages et les plus robustes qui donc lui tiendrait tête impunément ? »

Il y a donc une stupeur mystérieuse. Adam ne voit pas la femme au moment de sa création ;

l’attitude d’Adam indique cette nouveauté absolue. Par rapport aux animaux, Adam lui

donne le nom, mais la signification est différente : il reconnaît que la femme a son nom qui

est le même que l’homme (‘is et ‘issah), c’est la chair de sa chair.

Cette origine forme la raison v24 de l’attraction de l’homme et de la femme. Là aussi nous

voyons une narration à fond étiologique : justifier la réalité par un évènement passé. Le

texte nous fait comprendre l’origine de la situation actuelle de l’homme. L’étiologie part

d’un donné de fait existant, donc pas de quelque chose de paradisiaque, et qui est perdu.

Arrêter la création à l’exemple de l’homme n’est pas bon, car c’est l’état de solitude. Mais

l’homme n’est pas un androgyne.

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Dans le Banquet Platon raconte le mythe des hommes ronds en trois genres : les masculins,

les féminins et les bi. Mais les dieux ont rompu cette réalité ; on cherche donc sa moitié. Seul

les androgynes cherchent le sexe opposé car c’est leur moitié perdue.

Pour le mythe biblique, cette solitude est un inachevé à assainir. Dès l’origine, l’homme est

fait pour un rapport, avec Dieu et avec la femme. L’homme peut se découvrir dans la femme

et la femme peut se découvrir dans l’homme. Ils sont nus et n’en éprouvent pas de honte, il

y a la conscience de la complétude que l’on trouve dans l’autre.

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1.2.4 Lecture de Gn 3

[1] Le serpent était le plus rusé de tous les animaux des champs que Yahvé Dieu avait faits. Il dit à la femme : "Alors, Dieu a dit : Vous ne mangerez pas de tous les arbres du jardin ?" [2] La femme répondit au serpent : "Nous pouvons manger du fruit des arbres du jardin. [3] Mais du fruit de l'arbre qui est au milieu du jardin, Dieu a dit : Vous n'en mangerez pas, vous n'y toucherez pas, sous peine de mort." [4] Le serpent répliqua à la femme : "Pas du tout ! Vous ne mourrez pas ! [5] Mais Dieu sait que, le jour où vous en mangerez, vos yeux s'ouvriront et vous serez comme des dieux, qui connaissent le bien et le mal." [6] La femme vit que l'arbre était bon à manger et séduisant à voir, et qu'il était, cet arbre, désirable pour acquérir le discernement. Elle prit de son fruit et mangea. Elle en donna aussi à son mari, qui était avec elle, et il mangea. [7] Alors leurs yeux à tous deux s'ouvrirent et ils connurent qu'ils étaient nus ; ils cousirent des feuilles de figuier et se firent des pagnes. [8] Ils entendirent le pas de Yahvé Dieu qui se promenait dans le jardin à la brise du jour, et l'homme et sa femme se cachèrent devant Yahvé Dieu parmi les arbres du jardin. [9] Yahvé Dieu appela l'homme : "Où es-tu ?" Dit-il. [10] "J'ai entendu ton pas dans le jardin, répondit l'homme ; j'ai eu peur parce que je suis nu et je me suis caché." [11] Il reprit : "Et qui t'a appris que tu étais nu ? Tu as donc mangé de l'arbre dont je t'avais défendu de manger !" [12] L'homme répondit : "C'est la femme que tu as mise auprès de moi qui m'a donné de l'arbre, et j'ai mangé !" [13] Yahvé Dieu dit à la femme : "Qu'as-tu fait là ?" Et la femme répondit : "C'est le serpent qui m'a séduite, et j'ai mangé." [14] Alors Yahvé Dieu dit au serpent : "Parce que tu as fait cela, maudit sois-tu entre tous les bestiaux et toutes les bêtes sauvages. Tu marcheras sur ton ventre et tu mangeras de la terre tous les jours de ta vie. [15] Je mettrai une hostilité entre toi et la femme, entre ton lignage et le sien. Il t'écrasera la tête et tu l'atteindras au talon." [16] A la femme, il dit : "Je multiplierai les peines de tes grossesses, dans la peine tu enfanteras des fils. Ta convoitise te poussera vers ton mari et lui dominera sur toi." [17] A l'homme, il dit : "Parce que tu as écouté la voix de ta femme et que tu as mangé de l'arbre dont je t'avais interdit de manger, maudit soit le sol à cause de toi ! A force de peines tu en tireras subsistance tous les jours de ta vie. [18] Il produira pour toi épines et chardons et tu mangeras l'herbe des champs. [19] A la sueur de ton visage tu mangeras ton pain, jusqu'à ce que tu retournes au sol, puisque tu en fus tiré. Car tu es glaise et tu retourneras à la glaise." [20] L'homme appela sa femme "Eve", parce qu'elle fut la mère de tous les vivants. [21] Yahvé Dieu fit à l'homme et à sa femme des tuniques de peau et les en vêtit. [22] Puis Yahvé Dieu dit : "Voilà que l'homme est devenu comme l'un de nous, pour connaître le bien et le mal ! Qu'il n'étende pas maintenant la main, ne cueille aussi de l'arbre de vie, n'en mange et ne vive pour toujours !" [23] Et Yahvé Dieu le renvoya du jardin d'Eden pour cultiver le sol d'où il avait été tiré. [24] Il bannit l'homme et il posta devant le jardin d'Eden les chérubins et la flamme du glaive fulgurant pour garder le chemin de l'arbre de vie.

Ce chapitre est la deuxième face de ce texte Yahviste. C’est une étiologie du mal. Nous avons

de grands problèmes interprétatifs. Pour comprendre les autres chapitres, le contexte

méditerranéen nous a aidé. Mais là nous n’avons aucun texte antique qui nous raconte un

tel récit. C’est donc isolé dans le contexte culturel du temps : maso hiératique.

Ez 28,13s il y a une allusion à ce texte, mais en sens figuré : « tu étais en Eden, au jardin de Dieu.

Toutes sortes de pierres précieuses formaient ton manteau : sardoine, topaze, diamant, chrysolithe,

onyx, jaspe, saphir, escarboucle, émeraude, d'or étaient travaillées tes pendeloques et tes paillettes ;

tout cela fut préparé au jour de ta création. »

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Sg 2,23s : « Oui, Dieu a créé l'homme pour l'incorruptibilité, il en a fait une image de sa propre nature ;

c'est par l'envie du diable que la mort est entrée dans le monde : ils en font l'expérience, ceux qui lui

appartiennent ! »

Sir 25,24 : « C'est par la femme que le péché a commencé et c'est à cause d'elle que tous nous

mourons. »

Soit tous des textes tardifs. Nous trouvons des choses semblables au péché originel dans les

apocryphes : Apocalypse de Moïse, Esdras 4…

Le fondement de la doctrine ecclésiale du péché originel n’est pas Gn 3, mais la relecture de

Ro 5,12s ! Le cœur de notre doctrine : la solidarité de tous les hommes en Adam ; cette

perspective est absente en Gn 3. Paul part de la rédemption de tous les hommes en Christ.

[Pour compléter : les cours de Paul et de Dogmatique. Commentaire à la lettre aux Romains de H.

Schlier aux p 110-113 ; Catéchisme de l'Eglise Catholique n°402-403.]

Le péché originel est purement une conception chrétienne car ceci est fondé par la

rédemption en Christ. Nous trouvons des conceptions dans les intertestamentaires.

Le problème du texte : quel est l’origine du mal ? Il convient de voir la psychologie de

l’auteur.

Le serpent n’est pas le diable. Le texte se situe dans une époque où l’angélologie et la

démonologie sont peu développées. (Daniel, intertestamentaires). Donc identifier le serpent

avec le diable ne doit pas être fait très rapidement. Le fait est que nous nous trouvons

devant un être perfide et insaisissable. Nous sommes dans un contexte de fable : Le serpent,

comme on aurait dit « le loup ». C’est une façon typique de la fable de présenter les choses.

On ne pense pas qu’il y ait un rapport avec le serpent des Madianites qui était une réalité

positive. On a proposé une relation avec l’histoire de Gilgamesh, mais c’est très faible, car

Gilgamesh n’a pas une relation personnelle avec le serpent. Il est vrai qu’il y a l’algue de la

vie qui est dérobée.

Le fait que l’animal parle est propre à la fable. Ici on veut éviter de détacher la responsabilité

de l’homme. Le serpent est la manifestation du dialogue intérieur de l’homme qu’il a avec

lui-même. Le ton de fable permet à chaque interlocuteur de se mettre, de s’identifier avec la

narration. Tout le monde doit pouvoir s’identifier. Le dialogue entre le serpent et Eve nous

fait voir le processus intérieur de la tentation.

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Le serpent commence en insinuant un doute sur l’essence du plan de Dieu : « est-ce vrai

que…? ». C’est un mensonge évident. Il dit cela pour entrer en discussion. La femme tombe

dans le piège, elle corrige le serpent, mais elle ajoute quelque chose que le Seigneur n’a pas

dit. Elle veut se donner loi elle-même. C’est un commandement qu’elle s’est donnée.

« "Nous pouvons manger du fruit des arbres du jardin. [3] Mais du fruit de l'arbre qui est au

milieu du jardin, Dieu a dit : Vous n'en mangerez pas, vous n'y toucherez pas, sous peine de

mort." ».

Elle a peur de transgresser et se pose un autre commandement : ne pas toucher.

Dieu n’a rien dit du genre. Elle répond à un commandement qu’elle s’est donnée. Elle

manifeste une peur et une insécurité ; en trouvant le point faible, le serpent attaque. Dieu

aurait des intentions sur l’homme. Ainsi elle est posée face à un choix. Elle est encore

indépendante. Là il n’y a pas de transgression. Il y a la possibilité de choix entre la confiance

à la parole de Dieu ou sa compréhension à elle.

Pourquoi l’homme après avoir mangé connaît-il le bien et le mal ? Parce qu’il a posé son

jugement sur la chose, c’est une prise d’autonomie de jugement. La décision de la femme

provient de l’insinuation du serpent que Dieu agit contre l’homme. Elle accepte donc ce

jugement.

La nudité reconnue révèle la fracture profonde dans l’homme et la femme. Avant c’était le

signe de leur rapport réciproque. Maintenant c’est la possibilité que ce rapport devienne

violent. Le cœur même de l’homme qui est capacité de relation est abîmé. Le cœur de la

théologie biblique est cela. En observant que la nudité de l’homme et la femme exprime

cette absence de liberté, de réciproque donation, l’auteur biblique veut montrer que c’est le

cœur qui est touché par la faute. C’est la réalité la plus profonde.

Pourquoi le serpent n’a pas de pattes ? C’est le seul qui avance sans jambes. L’étiologie

explique la forme étrange de cet animal et la naturelle antipathie de l’homme par une

condamnation. L’activité tentatrice du serpent perdure durant toute l’existence de l’homme.

Contrairement au serpent, l’homme et la femme ne sont pas condamnés. Mais il y a des

fractures dans leurs activités. Ils sont nus et en ont honte. Ensuite les activités

caractéristiques : la génération douloureuse, les rapports entre les deux ne sont plus

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transparents ; l’homme est assujettit à la fatigue dans son travail (v. 17-18). [Ne pas oublier

que c’est la description de l’époque de la situation des rapports homme/femme…].

L’immortalité est à éloigner du texte. Dieu donne la Nephesh et c’est donc provisoire. A

l’origine l’homme n’est pas immortel. L’immortalité est vue comme une condamnation, un

défi par rapport à un désir d’auto-décision. Lorsque Dieu dit si vous mangez vous mourrez,

ceci ne signifie pas que l’homme ne mourrait pas.

Annexe au point 1.2.4 Reprise de la question sur comment interpréter ces

textes qui sont très important en tant que fondement du dogme du péché originel ?

Le Catéchisme de l'Eglise Catholique donne quelques lignes d’interprétation :

Le péché originel – une vérité essentielle de la foi

388 : Avec la progression de la Révélation est éclairée aussi la réalité du péché. Bien que le Peuple de

Dieu de l’Ancien Testament ait connu d’une certaine manière la condition humaine à la lumière de

l’histoire de la chute narrée dans la Genèse, il ne pouvait pas atteindre la signification ultime de cette

histoire, qui se manifeste seulement à la lumière de la Mort et de la Résurrection de Jésus-Christ (cf.

Ro 5, 12-21). Il faut connaître le Christ comme source de la grâce pour connaître Adam comme source

du péché. C’est l’Esprit-Paraclet, envoyé par le Christ ressuscité, qui est venu “ confondre le monde en

matière de péché ” (Jn 16, 8) en révélant Celui qui en est le Rédempteur.

389 : La doctrine du péché originel est pour ainsi dire “ le revers ” de la Bonne Nouvelle que Jésus est

le Sauveur de tous les hommes, que tous ont besoin du salut et que le salut est offert à tous grâce au

Christ. L’Église qui a le sens du Christ (cf. 1 Co 2, 16) sait bien qu’on ne peut pas toucher à la révélation

du péché originel sans porter atteinte au mystère du Christ.

Pour lire le récit de la chute

390 : Le récit de la chute (Gn 3) utilise un langage imagé, mais il affirme un événement primordial, un

fait qui a eu lieu au commencement de l’histoire de l’homme (cf. GS 13, § 1). La Révélation nous donne

la certitude de foi que toute l’histoire humaine est marquée par la faute originelle librement commise

par nos premiers parents (cf. Cc. Trente : DS 1513 ; Pie XII : DS 3897 ; Paul VI, discours 11 juillet 1966).

Ce texte n’a pas toujours été interprété pareillement, mais cela fait partie du processus de la

révélation. C’est le Christ comme sujet de la grâce qui nous révèle Adam comme sujet du

péché. La rédemption en Christ révèle l’action du Christ ; sans le Christ on ne comprend pas

la profondeur du péché.

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Mais, comment lire le texte de la chute, car nous savons que c’est une « fable » pour

expliquer l’origine du péché ? Mais lisant Ro 5 et la littérature du Nouveau Testament, Christ

n’est pas une métaphore ! Y a-t-il un Adam de l’histoire comme il y a un Christ de l’histoire ?

Ce qui est sûr c’est qu’il y a la factualité du péché. Actuellement on ne peut pas montrer

avec certitude l’existence d’Adam. Aussi, le Catéchisme de l'Eglise Catholique explique en

390 comment lire. Il parle d’évènement primordial. Il n’utilise pas l’évènement historique

(historique = dans le sens que la science historique peut le confirmer). Il faut tenir le concept

d’historique et de métahistorique.

Le récit de la chute n’est pas historique, la chute est un évènement. Du récit de la chute nous

ne pouvons pas trouver quoi que ce soit du particulier de cet évènement primordial. Le récit

de Genèse en tant que tel est relu par Ro 5. Dans notre texte, le mal semble préexistant à

l’homme.

Nous sautons le problème des 12 chapitres du début de la Genèse. Nous allons au chapitre

12 avec une introduction à l’histoire patriarcale.

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1.2.5 Introduction aux Histoires Patriarcales

Nous sommes partis du fait que la religion d’Israël est une religion historique par les faits qui

sont historiques. Tout est historique. Nous avons vu la différence entre le mythe et l’histoire.

De fait dans les peuples à côté, on n’arrivait pas à concevoir une histoire à cause des

influences mythologiques. Dans notre cas, Abraham est un homme ; en Egypte, le pharaon

est un dieu, lorsqu’il meurt, c’est une apparente victoire du chaos, mais un nouveau surgit.

Dans la Bible ce sont des évènements historiques. Les histoires patriarcales sont encadrées

dans un contexte historique d’une certaine objectivité. Les faits ont été retravaillés,

embellis…

La première ébauche de l’histoire peut être retrouvé dans ces phénomènes ; c’est commun

avec la civilisation classique grecque qui parle un langage très semblable au langage de la

Bible. Mais l’histoire biblique se construit à partir de l’aventure avec Dieu. Dans l’histoire

classique, c’est construit contre la propre religion.

Il faut aussi rappeler le caractère religieux de ces populations du 2ème millénaire. C’est une

reconstruction difficile, mais nous pouvons dire une chose : (Cf. Alt, Le Dieu des Pères) est

typique de ces cultures non pas la vénération d’une divinité liée à un lieu précis, mais la

reconnaissance d’un dieu qui a des relations particulières avec le clan, avec la tribu par le

chef. D’où la notion de Dieu des pères. Ces rapports : une manifestation originaire où le dieu

promettait au clan une certaine fécondité et une possession de terre. C’est une aspiration

pour ces nomades de posséder une terre. (Cf. la différence entre les Grands et petits

nomades).

Nous savons que ce thème du Dieu du Père revient souvent : « le Dieu d’Abraham » voir Gn

26,24 ; 28,13 ; 32,10. Nous trouvons en Gn 31,53 « le Dieu d’Abraham et le Dieu de Nahor ».

Gn 31,45 : « la terreur d’Isaac ».

Gn 49,24 : « les mains du Puissant de Jacob, par le Nom de la Pierre d'Israël, [25] par le Dieu

de ton père, qui te secourt, par El Shaddaï qui te bénit… »

La divinité se réfère à un père, le dieu protecteur d’un clan. Ce dieu n’est pas totalement

détaché d’un culte local. Mais le culte local est le dieu protecteur des points de référence

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comme les puits dans le désert. Dieu assure la marche dans le désert en assurant les puits.

Cf. Ps 18, 3.32.37. Deut 32,4.

Chaque clan se réfère à un fondateur auquel étaient adressées les promesses divines.

Derrière ces fondateurs il y a des rappels historiques qui nous empêchent d’en faire des

personnages totalement légendaires. Ce n’est donc pas de la mythologie, mais des récits très

anciens. Ce que l’on ne peut pas prendre sont les généalogies ; ce sont des manières à

posteriori de reconnaître l’unité du peuple. Il faut penser aux patriarches comme étant les

ancêtres de beaucoup de clans. Ensuite on se réunit en un seul groupe familial. Ces

généalogies veulent montrer une unité qui dépassait les divisions internes. La conscience de

cette unité n’est pas fausse car ces clans font partie d’une même racine ethnique. La

situation historique de ces migrations peut être située en une époque que l’on connaît : celle

des grands mouvements migratoire araméens du 19-18ème siècle. La tradition biblique

concorde avec ces traditions sur les mouvements, le style de vie de ses populations. Les

généalogies sont donc à entendre en ce sens. Ces chefs de clans entrent en relation avec les

sanctuaires cananéens et donc avec le Dieu ‘El. C’est la divinité principale, mais pas la plus

adorée. A ce contact, ils identifient le dieu des pères avec le dieu cananéen ‘El.

A l’époque, le Dieu est attaché à un lieu, si je change d’endroit, je change de Dieu (Cf. David

et Saül). C’est seulement avec Ezéchiel que cela changera avec la vision du char divin qui suit

son peuple et qui donc peut être adoré partout.

Cette opération de reconnaissance se fait en attribuant aux pères l’histoire des sanctuaires

qui pourtant étaient pré-historiques. Pourquoi le dieu de mon père Jacob est adoré à

Béthel ? Parce c’est lui qui l’a fondé en Gn 28,10.

Israël fonde Sichem, Gn 33,18-20, qui est originairement distinct de Jacob :

« Puis Jacob arriva sain et sauf à la ville de Sichem, au pays de Canaan, lorsqu'il revint de

Paddân-Aram, et il campa en face de la ville. [19] Il acheta aux fils de Hamor, le père de

Sichem, pour cent pièces d'argent, la parcelle de champ où il avait dressé sa tente [20] et il y

érigea un autel, qu'il nomma "El, Dieu d'Israël." »

• Jacob fonde Béthel, où est adoré le dieu ‘El.

• Israël est distinct de Jacob et fonde Sichem, du dieu ‘El bérit, le dieu créateur.

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‘El est le dieu céleste. Il est vénéré en ces sanctuaires. Ces sanctuaires sont au centre

Nord du pays.

• Le patriarche Isaac est lié à Bersabée, à l’extrême sud du Pays, la dernière ville

d’Israël, où le dieu est ‘El-olam.

• Abraham est attaché à Mambré. La tradition l’identifie avec Hébron. Mais c’est très

postérieur. Ce n’est pas vrai, mais c’est cette zone des montagnes au sud et

Bethlehem. On y adore ‘El-Shaddaï qui se traduit avec « tout puissant ». En réalité ça

n’a rien à voir. On ne sait pas ce que cela signifie. Quelqu’un pense à « ‘El des

montagnes ».

Ensuite ces personnes furent mises en un seul clan. On parlera du dieu des pères. On a

ensuite donné une autre généalogie de patriarches, mais à un niveau historique différents :

ce sont les douze patriarches des douze tribus (2ème moitié du 2ème millénaire).Ce sont les

ancêtres éponymes.Traces de l’originaire indépendance de ces clans est l’attention entre les

fils des différentes matriarches : les fils de Rachel et les autres tribus.

Généalogie :

Térah enfante 3 fils : Nahor, Abraham et Harân.

Nahor épouse Milka la fille d’Harân enfante Bétuel et 8 autres ; Bétuel enfante Rébecca

(future femme de Isaac) et Laban. Laban enfante Léa et Rachel qui seront les deux épouses

de Jacob.

Abraham d’Agar enfante Ismaël et de Sarah enfante Isaac. Il a une troisième concubine

Qetura qui donnera origine aux madianites, aux Sabéens et aux Dedanites les habitants de

Dedân (cf. Is 21,13).

Isaac épouse Rebecca et enfante Esaü dit aussi Edom qui donnera les édomites ; et Jacob

d’où viendront les 12 tribus d’Israël.

Harân enfante Milka qui épouse Nahor ; et Lot. Lot donnera Moab et Amon.

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1.2.5.1 Arbre des origines des patriarches

Térah

Abraham

Nahor Harân

Milka Lot

Moab Amon

Isaac Ismaël

+ 8 autres (Gn 22,21s)

Bétuel

Jacob Esaü/Edom

Rebecca

Edomites

Laban

Léa Rachel

Lévi Juda Dan Nephtali Gad Asher

Siméon

Benjamin

Joseph

Zabulon Issachar

Ruben

Ephraïm Manassé

12 patriarches

Il y a deux systèmes de tribu : une avec Joseph et Lévi ; un autre qui met à part Lévi et insère Ephraïm et Manassé à la place de Lévi et Joseph.

Agar

Sara

Qetura

Madianites

Sabéens

Dedanites

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Jacob a quatre femmes de qui il aura 12 fils et une Fille :

- Ruben de Léa - Siméon de Léa - Lévi de Léa - Juda de Léa - Dan de Bila - Nephtali de Bila - Gad de Zilpa - Asher de Zilpa - Issachar de Léa - Zabulon de Léa - Dina (fille) de Léa - Joseph de Rachel Ephraïm et Manassé de Joseph - Benjamin de Rachel

Benjamin a fait le pont entre le Nord et le Sud en Israël comme frère direct de Joseph.

Joseph a deux fils : Ephraïm et Manassé qui sont insérés comme fils de Jacob. Ils sont

importants car ils sont adoptés par Jacob et font un saut générationnel. Il y a deux systèmes

de tribu : une avec Lévi et la maison de Joseph, et une qui exclue Lévi qui est prêtre ainsi que

Joseph et insère les deux autres d’Ephraïm et Manassé. Joseph et Benjamin sont fils de la

même mère. Ces deux tribus d’Ephraïm et Manassé ont toujours eu des bonnes relations

avec Benjamin qui est au nord.

De par les mères, il y a des relations plus intimes entre les tribus. Ces généalogies ne sont

pas vraies, mais elles montrent ces relations.

Le Dieu des pères a aussi un autre nom, celui du tétragramme sacré ; YHWH. Ce nom peut

venir de la tradition madianite : un clan qui a immigré plus au sud, et a fini en Egypte.

Certains pensent sous le règne de Ixos (dynastie d’origine sémitique) où des peuples

envahissent le sud, et c’est peut-être là que des clans entrent dans le delta. En 1400 environ,

lors de la 18ème dynastie, on a une régression de ces nomades qui sont mis en esclaves. Nous

en avons des nouvelles au temps de Ramsès qui règne de 1290-1224.

Merneptah (1224-1204) est le fils de Ramsès qui régna peu à cause de la durée du règne de

son père.

Ramsès fonde une nouvelle capitale ‘Pyrames’ qui a une vie éphémère et ne dure pas. Or, au

moment où l’écrivain écrit exode 22, cette ville n’existe plus, il l’a donc appris par des notes

historiques. Ramsès a des ouvriers forcés, les Hapirû qui seraient peut-être les juifs parce

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que les consonnes sont semblables, les racines des mots se ressemblent. Or, ce n’est pas

évident. Il s’agissait de certains travailleurs d’une certaine classe sociale. Ces Hapirû sont une

population mal définie, attestée par les documents mésopotamiens, cananéens et égyptiens

entre le 19ème et le 13ème siècle a.C. dans tous les documents du 2ème millénaire, ce terme

désigne une population instable et mal contrôlée, vivant souvent de razzia, ou en

s’engageant au service du plus offrant, soit comme main d’œuvre, soit comme mercenaire.

Sur une stèle découverte à Thèbes en 1896 qui décrit les victoires de ce pharaon sur les

libyens et les peuples d’Asie (à Anet), figure Israël alors que c’est un peuple nomade2. C’est

le seul témoignage extrabiblique d’Israël en Egypte.

Ex 1,11 : « On imposa donc à Israël des chefs de corvée pour lui rendre la vie dure par les

travaux qu'ils exigeraient. C'est ainsi qu'il bâtit pour Pharaon les villes-entrepôts de Pitom et

de Ramsès ».

Lorsque les textes sont écris, la ville n’existe plus.

La mer des roseaux, une chose au Sinaï particulière, un personnage, Moïse auquel est lié le

groupe. Lien avec les araméens en Palestine. Arrive dans la terre de ses pères ces groupes.

Les araméens ont identifié le dieu ‘El comme dieu, le groupe de Moïse a aussi ce nom : donc

ils sont parents parce qu’ils ont le même dieu. Si le dieu de ton père est le même que celui

de mon père, alors nous sommes cousins et notre dieu est le même. C’est la fusion.

Il y a des indices qui permettent d’avancer cette hypothèse que Jahvé était lié à ces peuples

qui revendiquait un territoire sur le golfe d’Akaba. Ils entrent en Palestine en ayant identifié

le dieu de leur père avec ce Jahvé et conclu un pacte avec le clan d’Israël à Sichem où est

vénéré le Dieu de l’alliance témoigné en Josué 24. Ainsi l’histoire de la libération devint

patrimoine commun au fur et à mesure qu’il avançait en notoriété. C’est sans doute un nom

madianite.

L’hypothèse madianite : Le groupe des Qénites qui est un sous clan des madianites d’où

vient l’associé de Moïse Jg 1,16 et 4,11. Ex 3,1s le beau père est dit madianite.

Ex 18,1s, Jéthro reçoit le titre de prêtre de Madian qui offre des sacrifices auxquels

participent Moïse et Aaron, donc le sacrifice est au dieu juste. Donc Moïse a eut des

2 Stèle de Merneptah, (ca. 1200 av. J.-C. lignes 26-27) : « les princes sont prosternés, disant ‘Paix !’ Pas un des Neuf Arcs ne lève la tête. Téhénu (la Libye) est dévasté, le Hatti (le royaume hittite) est en paix. Canaan est dépouillé de toute sa malfaisance : Ashqelôn a été déporté, on s’est emparé de Gézer, Yeno‘am a été anéanti, Israël est dévasté, il n’y a plus de semence. Le Haru est la veuve du Pays bien aimé. Tous les pays ensemble sont pacifiés. »

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relations avec les madianites. C’est Jéthro qui conseille à Moïse d’organiser le groupe en

clan, c’est madianite.

Découverte de Timna

A Timna dans le désert du Néguev on a retrouvé un lieu d’extraction de cuivre qui

appartenait à l’Egypte du 4ème millénaire. On y a trouvé un petit temple à Hator (qui est

représenté par une vache) destiné au culte pour les mineurs. Après Ramsès viennent les

madianites qui adaptent leur culte, enlèvent le toit et mettent à la place une toile ornée que

l’on a retrouvée sur le lieu grâce à la bonne conservation dans le désert. On a retrouvé

l’image d’un serpent de bronze avec la tête dorée qui ressemble à celui d’Exode 22 avec

Nehushtân. De plus, sur le côté de l’autel du temple Yahviste de Beér-Sheba un serpent est

sculpté. Donc le serpent est fortement attaché à ce culte.

(Là où il y a des os de chameaux, c’est madianite. Ils ont apprivoisé le chameau.)

Le mont Sinaï est souvent lié à la terre de Madian et Orar. L’actuel Sinaï où l’on va en

pèlerinage n’a rien à voir. Le culte du Gebel Mussah est liée au corps d’une sainte très

vénérée en Orient : Catherine d’Alexandrie. C’est donc une tradition chrétienne.

Plus à l’intérieur des terres il y a le Gebel Serbal où on a trouvé une importante quantité

d’inscription, les protosinaïtiques qui témoignent d’un culte très ancien qui est maintenu

ensuite après le passage de Moïse.

1.2.6 Lecture théologique des histoires patriarcales

De la théologie propre des traditions singulières, la tradition canonique nous donne une

relecture de tout cela. Elle amplifie, réfléchie… mais c’est enraciné dans le fond le plus

ancien de ces traditions qui sont historiques. Quel est le thème développé de façon

profonde : celui de la promesse. La promesse aux patriarches qui est le point nœudal de la

foi des pères est développée en deux lignes :

1. Le critère de lecture, même là où ce n’est pas présent. Tout est lu sous cet angle ;

2. Une dilatation temporelle du thème de la promesse. Ceci est important.

Le thème prophétique y est lié, le thème dialectique entre la prophétie et son

accomplissement. Ceci n’a en soi rien à voir avec la promesse à l’origine.

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Relu par la tradition prophétique, ceci se dilate. On n’a plus une promesse pour le présent,

mais elle se dilate ; le père ne voit plus la promesse, il vit dans la foi. On voit donc une

relecture radicale ou l’élément religieux montre une tendance permanente de Dieu avec son

peuple. Dieu promet une terre limitée, mais il la dilate toujours davantage avec les

descendants.

La religion d’Israël est historique, c’est un élément archaïque de la religion d’Israël.

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1.2.6.1 Lecture de Gn 12,1-9 :

[1] Yahvé dit à Abram : "Quitte ton pays, ta parenté et la maison de ton père, pour le pays que je t'indiquerai. [2] Je ferai de toi un grand peuple, je te bénirai, je magnifierai ton nom ; sois une bénédiction ! [3] Je bénirai ceux qui te béniront, je réprouverai ceux qui te maudiront. Par toi se béniront tous les clans de la terre." [4] Abram partit, comme lui avait dit Yahvé, et Lot partit avec lui. Abram avait 75 ans lorsqu'il quitta Harân. [5] Abram prit sa femme Saraï, son neveu Lot, tout l'avoir qu'ils avaient amassé et le personnel qu'ils avaient acquis à Harân ; ils se mirent en route pour le pays de Canaan et ils y arrivèrent. [6] Abram traversa le pays jusqu'au lieu saint de Sichem, au Chêne de Moré. Les Cananéens étaient alors dans le pays. [7] Yahvé apparut à Abram et dit : "C'est à ta postérité que je donnerai ce pays." Et là, Abram bâtit un autel à Yahvé qui lui était apparu. [8] Il passa de là dans la montagne, à l'orient de Béthel, et il dressa sa tente, ayant Béthel à l'ouest et Aï à l'est. Là, il bâtit un autel à Yahvé et il invoqua son nom. [9] Puis, de campement en campement, Abram alla au Négeb.

Ici nous sommes face à un exemple paradigmatique de la promesse faite au patriarche.

Bénédiction et malédiction ne sont plus liées. La bénédiction assume une caractéristique

plus ample. C’est l’intervention gratuite de Dieu. Elle est immanente à l’histoire d’Abraham.

Nous sommes dans la tradition Yahviste. Elle nous présente le récit le contexte des

araméens. Ce que l’auteur Yahviste avait sous les yeux était une tradition qui racontait

l’histoire des voyages d’Abraham. C’est donc schématique ; normalement dans les histoires

patriarcales : celle de la descendance et de la terre sont unies comme les deux faces d’une

médaille. Ici c’est disjoint. La promesse de la terre devient une preuve posée à la foi

d’Abraham. Lui vient soustrait quelque chose de clair : l’appartenance à son clan, à sa tribu.

L’appartenance à la tribu et la vie physique coïncide pour un antique. Ici c’est ce qui est

demandé à Abraham.

Pour ce contexte, sortir de la terre implique la renonciation totale à tout en vue d’une

promesse d’une terre qui n’est pas donnée comme ça. La terre en second temps. D’abord il

part et ensuite il reçoit la promesse de la terre.

C’est donc en lien avec sa foi. Nous avons la première irruption du personnage d’Abraham

dans l’histoire. Ce moment a été précédé par une sorte d’histoire universelle sur le péché.

Les 11 premiers chapitres montre la décadence de l’humanité. Avec le chapitre 12 nous

avons un retournement d’Abraham qui se détache du péché et part. On voit la foi

d’Abraham. L’auteur veut nous dire : comme Abraham a donné une réponse de foi, ainsi

tout homme.

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Aussi dans des moments où Abraham est introduit dans le pays, c’est tout autre que la

promesse. On voit encore sa foi.

Il va a Sichem, il construit un autel, descend au sud, plante encore une tente et un autel. Il

construit donc un autel au Nord (ville du nord Sichem) [Béthel est le centre du pays] et il en

fait un au sud.

Il traverse donc le pays occupé par les cananéens et peut seulement construire 2 autels. Il ne

se passe rien, tout est dans le grand silence.

La promesse de la descendance ne trouve pas tout de suite son accomplissement.

11,30 : Sarah est stérile. Contraste entre l’énormité de la promesse et ce voyage pauvre en

évènement et la rencontre préoccupante avec les cananéens et leurs sanctuaires idolâtres

de Sichem et Béthel. Ils font partie d’une vision négative.

Par ce contraste on voit la foi d’Abraham qui se fie en la parole de Dieu. Ce fil rouge parcourt

toute l’histoire d’Abraham jusqu’au chapitre 22 ;

Selon Cassuto, le cycle d Abraham peut être construit autour de 10 épreuves. Chacune est

suivie d’une consolation de Dieu.

1. Chapitre 12, 1-4 : l’émigration du pays, vient la promesse d’un terre.

2. Chapitre 12,10-13,1 : le voyage en Egypte dangereux avec l’histoire de Sarah

qu’Abraham fait passer pour sa sœur. Peut-être est-ce amorite : chez les amorites

nobles, les femmes n’avaient aucun droit. Pour ne pas être traité ainsi, le père du

mari adoptait comme fille la femme de son mari. Ainsi elle avait des droits. Peut-être

qu’à l’origine de cette narration il y a un usage de l’époque que le rédacteur n’aurait

pas compris mais conservé. C’est une hypothèse. La consolation est au v.2 et 3 : le

bétail, le culte.

3. Chapitre 13,2-18 : le conflit avec Lot. Abraham laisse le choix de la terre à Lot qui

prend la meilleure. De v.14-18, le Seigneur montre le pays qu’il va donner. Soit une

renouvellement de la promesse.

4. Chapitres 14 et 15 : la guerre des 4 rois. Cette histoire d’origine incertaine qui est

insérée dans notre narration par le verset 12 : la capture de Lot. Abraham intervient.

Il y a un grand renouvellement de la promesse au chapitre 15 qui est le centre.

5. Chapitre 16 : le danger d’Ismaël. Agar et Sarah ont un litige. Agar est chassée.

Abraham est consolé par la promesse qu’aussi à travers Ismaël naîtra une

descendance.

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6. Chapitre 17 : la circoncision et le renouvellement de l’alliance qui suit. En vertu de

cette alliance naîtra un fils à Sarah (Chap. 21).

7. Chapitre 18-19,29 : Sodome. Lot est en danger là-bas et Abraham discute avec Dieu.

La consolation est le salut de Lot jusqu’au v. 29. histoire sur l’origine

8. Chapitre 20 : quelque chose sur l’histoire de l’Egypte : Abraham et Abimélek. Il

présente à Abimélek sa femme qui la prend comme concubine, mais le Seigneur

l’avertit. Abraham est intercesseur. Le problème est au niveau sexuel. La consolation

est la naissance d’Isaac.

9. Chapitre 21,8-34 : l’histoire de l’expulsion d’Ismaël qui se conclu au v.21. il y a

ensuite la possibilité d’avoir une alliance ave Abimélek. V. 33-34 finissent par une

invocation à Dieu.

10. Chapitre 22 : le sacrifice d’Isaac. Après il y a le renouvellement de la promesse avec

les versets 15-18.

1.2.6.2 Lecture de Genèse 22, 1-19 :

[1] Après ces événements, il arriva que Dieu éprouva Abraham et lui dit : "Abraham ! Abraham !" Il répondit : "Me voici !" [2] Dieu dit : "Prends ton fils, ton unique, que tu chéris, Isaac, et va-t'en au pays de Moriyya, et là tu l'offriras en holocauste sur une montagne que je t'indiquerai." [3] Abraham se leva tôt, sella son âne et prit avec lui deux de ses serviteurs et son fils Isaac. Il fendit le bois de l'holocauste et se mit en route pour l'endroit que Dieu lui avait dit. [4] Le troisième jour, Abraham, levant les yeux, vit l'endroit de loin. [5] Abraham dit à ses serviteurs : "Demeurez ici avec l'âne. Moi et l'enfant nous irons jusque là-bas, nous adorerons et nous reviendrons vers vous." [6] Abraham prit le bois de l'holocauste et le chargea sur son fils Isaac, lui-même prit en mains le feu et le couteau et ils s'en allèrent tous deux ensemble. [7] Isaac s'adressa à son père Abraham et dit : "Mon père !" Il répondit : "Oui, mon fils" - "Eh bien, reprit-il, voilà le feu et le bois, mais où est l'agneau pour l'holocauste ?" [8] Abraham répondit : "C'est Dieu qui pourvoira à l'agneau pour l'holocauste, mon fils", et ils s'en allèrent tous deux ensemble. [9] Quand ils furent arrivés à l'endroit que Dieu lui avait indiqué, Abraham y éleva l'autel et disposa le bois, puis il lia son fils Isaac et le mit sur l'autel, par-dessus le bois. [10] Abraham étendit la main et saisit le couteau pour immoler son fils. [11] Mais l'Ange de Yahvé l'appela du ciel et dit : "Abraham ! Abraham !" Il répondit : "Me voici !" [12] L'Ange dit : "N'étends pas la main contre l'enfant ! Ne lui fais aucun mal ! Je sais maintenant que tu crains Dieu : tu ne m'as pas refusé ton fils, ton unique." [13] Abraham leva les yeux et vit un bélier, qui s'était pris par les cornes dans un buisson, et Abraham alla prendre le bélier et l'offrit en holocauste à la place de son fils. [14] A ce lieu, Abraham donna le nom de "Yahvé pourvoit", en sorte qu'on dit aujourd'hui : "Sur la montagne, Yahvé pourvoit." [15] L'Ange de Yahvé appela une seconde fois Abraham du ciel [16] et dit : "Je jure par moi-même, parole de Yahvé : parce que tu as fait cela, que tu ne m'as pas refusé ton fils, ton unique,

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[17] je te comblerai de bénédictions, je rendrai ta postérité aussi nombreuse que les étoiles du ciel et que le sable qui est sur le bord de la mer, et ta postérité conquerra la porte de ses ennemis. [18] Par ta postérité se béniront toutes les nations de la terre, parce que tu m'as obéi." [19] Abraham revint vers ses serviteurs et ils se mirent en route ensemble pour Bersabée. Abraham résida à Bersabée. [20] Après ces événements, on annonça à Abraham que Milka elle aussi avait enfanté des fils à son frère Nahor : [21] son premier-né Uç, Buz, le frère de celui-ci, Qemuel, père d'Aram, [22] Késed, Hazo, Pildash, Yidlaph, Bétuel [23] [et Bétuel engendra Rébecca]. Ce sont les huit enfants que Milka donna à Nahor, le frère d'Abraham. [24] Il avait une concubine, nommée Réuma, qui eut aussi des enfants : Tébah, Gaham, Tahash et Maaka.

Le principe de la relecture est ici très présent.

Il y avait des cultes de sacrifices humains dans des sanctuaires. Le narrateur en fait un

morceau de bravoure littéraire. Il est aussi attentif aux notations qui pourraient permettre

d’identifier le sanctuaire dont on est entrain de parle. Le toponyme échappe à toute

reconnaissance. 2Chro 3,1 identifie Moriyya avec le mont du Temple de Jérusalem. Notre

texte ne connaît pas cela. C’est beaucoup plus tardif. Ici le narrateur veut éliminer tout ce

qui peut faire reconnaître. L’endroit est générique.

Abraham est mis dans ce récit.

Il est bon de lire le sage de Auerbach sur le réalisme dans la littérature ; il fait une analyse

très précise de ce texte en le mettant en parallèle à des textes de la même époque dont

l’Odyssée. Il montre que le narrateur biblique est parvenu à nous donner un effet de vrai et

propre réalisme. Il nous décrit le personnage.

Il n’y a pas d’éléments secondaires. On ne nous décrit que les faits avec les seuls éléments

essentiels : âne, serviteurs. Les adjectifs sont pour Isaac : ton fils, celui que tu aimes…

On ne nous dis rien sur le voyage : Abraham lève les yeux et voit le lieu. On ne sait rien

d’autre. Rien ne nous est dit sur l’état d’âme d’Abraham. C’est Isaac le plus jeune qui porte

le poids, mais pas le feu et le couteau qu’Abraham porte.

Lorsque les deux quittent les serviteurs, le temps se ralenti. Il y a des questions, des

réponses, des silences. Arrivé au sommet la clef narrative change : tout est raconté : la

construction de l’autel, le bois, les liens du fils qui est déposé sur le bois. On veut donner un

rythme angoissant à l’issue du texte. Le narrateur utilise les verbes graphiques. Il faut dire

avec quoi on accomplit une action : prendre le couteau = tendre la main et … ; parler = ouvrir

la bouche et… Nous avons l’usage de ce participe graphique pour nous montrer l’hésitation

d’Abraham avec le couteau. L’écrivain est un vrai artiste.

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L’arrivée de l’ange donne la clef de lecture : Dieu l’a éprouvé.

V. 14 le narrateur a fini de nous raconter l’antique légende cultuelle. Le bouc a été offert. On

peut s’interroger sur la valeur des sacrifices humains. Il y a un courant qui a une position plus

positive sur ces sacrifices humains vus comme valide (Fille de Jephté, roi de Moab…).

Substantiellement on voit que la position de ce narrateur est de considérer les sacrifices

humains comme impossible car la vie du fils n’est pas à sa disposition. Mais Abraham a offert

son fils, le sacrifice est accompli. C’est la disponibilité ou non de la victime : la vie humaine

n’est pas dans la vie d’Abraham et l’animal est offert en substitution de la vie humaine. Le

rituel est différent du sacrifice lévitique : le prêtre n’intervient que pour approcher la victime

de l’autel et l’offrir. La mort en tant que telle est une préparation faite avant.

C’est une réflexion du code Sacerdotal qui veut éloigner l’idée que la mort de l’animal

représente la mort de l’homme. Ici nous avons le rituel d’un sacrifice Kelîl où la victime était

tuée sur l’autel et brûlée là où elle est tuée. [Les cornes de l’autel servaient sans doute pour

lier la victime].

Mizbéah est du verbe zgh et signifie abattoir.

Le déplacement de l’immolation de la victime du centre de l’autel au côté de l’autel, est pour

enlever tout ambiguïté. Dans notre texte on substitue l’animal à l’homme parce que la vie de

l’homme n’appartient pas à l’offrande.

Abraham est qualifié comme quelqu’un qui craint Dieu. Il a sacrifié son fils, même si il n’est

pas mort.

L’étiologie s’arrêt là avec un proverbe ; dans la fondation de Sichem en 28,10 l’étiologie vient

à la fin, Jacob a commenté la chose et met la pierre en l’appelant Béthel. En 32,23 pour

Pémuel où on voit Jacob appeler ce lieu ainsi parce qu’il a vu Dieu face à face.

Ici nous n’avons pas le nom. Nous n’avons que l’explication étymologique ; l’auteur veut

empêcher d’identifier ce lieu. De plus le narrateur n’est pas satisfait et continu avec l’ange

qui appelle Abraham pour la deuxième fois.

La descendance d’Abraham est décrite avec des superlatifs très fort dans cette pauvre

langue. Dieu jure par lui-même et conclu avec un refrain « oracle du Seigneur ». [ne’ûm

YHWH] est la phrase des prophètes pour un oracle du Seigneur.

Ce qui surprend en ce texte est l’absolu : du vouloir de Dieu, de l’obéissance d’Abraham, de

la gratuité de la vie faite à Isaac, de la promesse faite à Abraham. Le vouloir divin face auquel

l’homme ne peut rien faire. C’est comme le sceau final : le don total de Dieu : Par ta

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postérité se béniront toutes les nations de la terre, parce que tu m'as obéi. Figure de l’absolu

du don de l’homme à Dieu et de Dieu à l’homme est Abraham.

Fin de l’histoire d’Abraham.

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1.2.7 Un cycle narratif à part dans les histoires patriarcales : l’histoire de Joseph

Chapitre 37s

Avec les histoires de Joseph, nous changeons de style. Abraham est une histoire composite

autour de la figure du patriarche. Ici nous avons une figure unitaire. La narration de Joseph

est cohérente.

Quant au genre littéraire nous ne sommes pas face à des légendes. C’est un récit de

didascalie en style sapiential ; alors que les sagas patriarcales nous permettent de rejoindre

la base historique, l’histoire de Joseph rend difficile de rejoindre le fond historique de

l’histoire. Aussi, Abraham est plus facilement reconductible à l’histoire que Joseph.

Nous sommes donc en présence d’un processus littéraire qui rend difficile à retrouver le

matériel historique. Nous sommes dans une cathédrale baroque où l’on ne distingue plus les

différentes origines.

La narration est plus compacte. Aucun passage n’a pu avoir une existence en soi. Nous

sommes dans une rédaction sapientiale de l’histoire des patriarches.

Il y a des théories de deux histoires de Joseph mises ensemble. Westermann démonte cela.

On pense que le chapitre 38 est une insertion postérieure. Mais ce chapitre 38 fait partie de

la narration. L’histoire de Judas et Tamar introduit le thème de la menace de l’intégrité de la

race que l’on voit dès le début de la Genèse. C’est donc un lien entre l’histoire de Joseph et

les autres patriarches.

A partir de là il est donc difficile de distinguer ce qui est historique et ce qui et romanesque.

En tout cas, nous avons à nous occuper d’un texte qui a été inséré dans l’histoire des

patriarches.

Le salut de la race et le don de la terre sont présent : Joseph est le sauveur de la race car il se

charge de sauver ses frères bien que déjà mis en difficulté dans sa propre vie. Mais il les

sauve de la famine. Ce passage de la genèse se rattache donc aux grandes promesses

patriarcales. C’est comme un prologue de l’Exode.

Nous y voyons diverses conceptions de Dieu et de son action dans l’Histoire. En 46,1-73 :

Dieu intervient non pour bouger les choses, mais pour donner une légitimation de l’histoire.

3 « Israël partit avec tout ce qu'il possédait. Arrivé à Bersabée, il offrit des sacrifices au Dieu de son père Isaac et Dieu dit à Israël dans une vision nocturne : "Jacob ! Jacob !" et il répondit : "Me voici." Dieu reprit : "Je suis El, le Dieu de ton père. N'aie pas peur de descendre en

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Ce n’est pas la théophanie qui fait intervenir les choses. Dans les histoires patriarcales, Dieu

se manifeste et fait. Ici Dieu ne semble pas guider l’histoire de la même manière. L’action de

Dieu reste inhérente à l’histoire de l’homme.

Les histoires davidiques ressemblent un peu à cela : l’action de Dieu intervient par la liberté

de l’homme. Le Deutéronomiste accepte cela.

Le pharaon est présenté comme habitant de Basse Egypte (soit le Nord, bas en altitude). Or

la capitale est à Thèbes en Haute Egypte et ce jusqu’en l’époque de Ramsès, donc après le

moment supposé de l’histoire de Joseph, étant donné que le pharaon de l’oppression

d’Israël serait Ramsès II ou son fils Merneptah. Il n’est pas certain qu’Israël soit entrée lors

des Hyksos.

1.2.7.1 Lecture de Genèse 37 :

[Genèse 37] [1] Mais Jacob demeura dans le pays où son père avait séjourné, dans le pays de Canaan. [2] Voici l'histoire de Jacob. Joseph avait dix-sept ans. Il gardait le petit bétail avec ses frères, - il était jeune, - avec les fils de Bilha et les fils de Zilpa, femmes de son père, et Joseph rapporta à leur père le mal qu'on disait d'eux. [3] Israël aimait Joseph plus que tous ses autres enfants, car il était le fils de sa vieillesse, et il lui fit faire une tunique ornée. [4] Ses frères virent que son père l'aimait plus que tous ses autres fils et ils le prirent en haine, devenus incapables de lui parler amicalement. [5] Or Joseph eut un songe et il en fit part à ses frères qui le haïrent encore plus. [6] Il leur dit : "Ecoutez le rêve que j'ai fait : [7] il me paraissait que nous étions à lier des gerbes dans les champs, et voici que ma gerbe se dressa et qu'elle se tint debout, et vos gerbes l'entourèrent et elles se prosternèrent devant ma gerbe." [8] Ses frères lui répondirent : "Voudrais-tu donc régner sur nous en roi ou bien dominer en maître ?" Et ils le haïrent encore plus, à cause de ses rêves et de ses propos. [9] Il eut encore un autre songe, qu'il raconta à ses frères. Il dit : "J'ai encore fait un rêve : il me paraissait que le soleil, la lune et onze étoiles se prosternaient devant moi." [10] Il raconta cela à son père et à ses frères, mais son père le gronda et lui dit : "En voilà un rêve que tu as fait ! Allons-nous donc, moi, ta mère et tes frères, venir nous prosterner à terre devant toi ?" [11] Ses frères furent jaloux de lui, mais son père gardait la chose dans sa mémoire. [12] Ses frères allèrent paître le petit bétail de leur père à Sichem. [13] Israël dit à Joseph : "Tes frères ne sont-ils pas au pâturage à Sichem ? Viens, je vais t'envoyer vers eux" et il répondit : "Je suis prêt." [14] Il lui dit : "Va donc voir comment se portent tes frères et le bétail, et rapporte-moi des nouvelles." Il l'envoya de la vallée d'Hébron et Joseph arriva à Sichem. [15] Un homme le rencontra errant dans la campagne et cet homme lui demanda : "Que cherches-tu ?" [16] Il répondit : "Je cherche mes frères. Indique-moi, je te prie, où ils paissent leurs troupeaux." [17] L'homme dit : "Ils ont décampé d'ici, je les ai entendus qui disaient : Allons à Dotân" ; Joseph partit en quête de ses frères et il les trouva à Dotân.

Egypte, car là-bas je ferai de toi une grande nation. C'est moi qui descendrai avec toi en Egypte, c'est moi aussi qui t'en ferai remonter, et Joseph te fermera les yeux." Jacob partit de Bersabée, et les fils d'Israël firent monter leur père Jacob, leurs petits enfants et leurs femmes sur les chariots que Pharaon avait envoyés pour le prendre. Ils emmenèrent leurs troupeaux et tout ce qu'ils avaient acquis au pays de Canaan et ils vinrent en Egypte, Jacob et tous ses descendants avec lui : ses fils et les fils de ses fils, ses filles et les filles de ses fils, bref tous ses descendants, il les emmena avec lui en Egypte ».

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[18] Ils l'aperçurent de loin et, avant qu'il n'arrivât près d'eux, ils complotèrent de le faire mourir. [19] Ils se dirent entre eux : "Voilà l'homme aux songes qui arrive ! [20] Maintenant, venez, tuons-le et jetons-le dans n'importe quelle citerne ; nous dirons qu'une bête féroce l'a dévoré. Nous allons voir ce qu'il adviendra de ses songes !" [21] Mais Ruben entendit et il le sauva de leurs mains. Il dit : "N'attentons pas à sa vie !" [22] Ruben leur dit : "Ne répandez pas le sang ! Jetez-le dans cette citerne du désert, mais ne portez pas la main sur lui !" C'était pour le sauver de leurs mains et le ramener à son père. [23] Donc, lorsque Joseph arriva près de ses frères, ils le dépouillèrent de sa tunique, la tunique ornée qu'il portait. [24] Ils se saisirent de lui et le jetèrent dans la citerne ; c'était une citerne vide, où il n'y avait pas d'eau. [25] Puis ils s'assirent pour manger. Comme ils levaient les yeux, voici qu'ils aperçurent une caravane d'Ismaélites qui venait de Galaad. Leurs chameaux étaient chargés de gomme adragante, de baume et de ladanum, qu'ils allaient livrer en Egypte. [26] Alors Juda dit à ses frères : "Quel profit y aurait-il à tuer notre frère et couvrir son sang ? [27] Venez, vendons-le aux Ismaélites, mais ne portons pas la main sur lui : il est notre frère, de la même chair que nous." Et ses frères l'écoutèrent. [28] Or des gens passèrent, des marchands madianites, et ils retirèrent Joseph de la citerne. Ils vendirent Joseph aux Ismaélites pour vingt sicles d'argent et ceux-ci le conduisirent en Egypte. [29] Lorsque Ruben retourna à la citerne, voilà que Joseph n'y était plus ! Il déchira ses vêtements [30] et, revenant vers ses frères, il dit : "L'enfant n'est plus là ! Et moi, où vais-je aller ?" [31] Ils prirent la tunique de Joseph et, ayant égorgé un bouc, ils trempèrent la tunique dans le sang. [32] Ils envoyèrent la tunique ornée, ils la firent porter à leur père avec ces mots : "Voilà ce que nous avons trouvé ! Regarde si ce ne serait pas la tunique de ton fils." [33] Celui-ci regarda et dit : "C'est la tunique de mon fils ! Une bête féroce l'a dévoré. Joseph a été mis en pièces !" [34] Jacob déchira son vêtement, il mit un sac sur ses reins et fit le deuil de son fils pendant longtemps. [35] Tous ses fils et ses filles vinrent pour le consoler, mais il refusa toute consolation et dit : "Non, c'est en deuil que je veux descendre au shéol auprès de mon fils." Et son père le pleura. [36] Cependant, les Madianites l'avaient vendu en Egypte à Potiphar, eunuque de Pharaon et commandant des gardes.

On peut remarquer que 37,2 (Voici l'histoire de Jacob) est la ptolédote où Joseph est mis au

rang des autres patriarches. Mais il ne partage pas avec les autres l’honneur d’être direct

porteur de la promesse.

Alonso Schökel a beaucoup étudié ce sujet.

Le drame naît d’une prédilection humaine et non divine, le texte explique que c’est du père.

Il lui fait un habit à manches longues et décorées. Ce n’est donc pas un habit de travail. Ceci

indique un signe distinctif d’une personne qui ne travaille pas manuellement. Les nobles ne

travaillent pas. Joseph est donc mis sur un plan de domination par rapport à ses frères ; il n’a

pas besoin de travailler pour vivre. 2S 13,18 [Elle portait une tunique de luxe qui était

autrefois le vêtement des filles qui n'étaient pas mariées.] montre un habit semblable

princier. Thamar endosse un habit. Ici, l’antipathie des frères augmente encore avec ce que

Joseph raconte à son père des histoires ou commérages (v.2). Le sommet de l’antipathie

advient lorsqu’il raconte ses songes.

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C’est donc bien l’histoire de la conversion des frères qui reconnaissent leurs erreurs ; mais il

y a aussi une évolution de Joseph. Le texte nous montre l’évolution spirituelle de tous les

personnages. Jacob aussi a une évolution personnelle. Le personnage de Joseph n’est pas

présenté positivement par le texte, mais il deviendra le grand homme que l’on verra en fin

de texte, capable de pardonner et même de s’engager personnellement pour sauver les

siens. Cette antipathie augmente lorsque Joseph raconte de façon imprudente son songe.

La réaction est caractérisée par des veines anti-monarchiques. Jusqu’à la fin la monarchie eut

des critiques en tant qu’institution. Le texte a donc peut-être été écrit en époque où le sujet

était chaud.

En tout cas Joseph n’est pas pris à la légère, les frères ont peur de la réalisation de ce songe.

Le v.19 le montre bien. Au délit de crime s’ajoute l’autre délit des frères qui racontent la

mort de Joseph. Jacob est trompé par la veste de Joseph. C’est comme lors de la bénédiction

que Jacob reçoit à la place d’Esaü où il avait trompé son père par le vêtement.

Il y a donc une tragédie : le délit contre la fraternité blesse le père.

Deux des frères se sont détachés : Ruben et Juda.

1.2.7.2 Lecture de Genèse 44 :

[1] Puis Joseph dit à son intendant : "Remplis les sacs de ces gens avec autant de vivres qu'ils peuvent porter et mets l'argent de chacun à l'entrée de son sac. [2] Ma coupe, celle d'argent, tu la mettras à l'entrée du sac du plus jeune, avec le prix de son grain." Et il fit comme Joseph avait dit. [3] Lorsque le matin parut, on renvoya nos gens avec leurs ânes. [4] Ils étaient à peine sortis de la ville et n'étaient pas bien loin que Joseph dit à son intendant : "Debout ! Cours après ces hommes, rattrape-les et dis-leur : Pourquoi avez-vous rendu le mal pour le bien ? [5] N'est-ce pas ce qui sert à mon maître pour boire et aussi pour lire les présages ? C'est mal ce que vous avez fait !" [6] Il les attrapa donc et leur redit ces paroles. [7] Mais ils répondirent : "Pourquoi Monseigneur parle-t-il ainsi ? Loin de tes serviteurs de faire une chose pareille ! [8] Vois donc : l'argent que nous avions trouvé à l'entrée de nos sacs à blé, nous te l'avons rapporté du pays de Canaan, comment aurions-nous volé de la maison de ton maître argent ou or ? [9] Celui de tes serviteurs avec qui on trouvera l'objet sera mis à mort et nous-mêmes deviendrons esclaves de Monseigneur." [10] Il reprit : "Eh bien ! Qu'il en soit comme vous avez dit : celui avec qui on trouvera l'objet sera mon esclave, mais vous autres vous serez quittes." [11] Vite, chacun descendit à terre son sac à blé et chacun l'ouvrit. [12] Il les fouilla en commençant par l'aîné et en finissant par le plus jeune, et la coupe fut trouvée dans le sac de Benjamin ! [13] Alors, ils déchirèrent leurs vêtements, rechargèrent chacun son âne et revinrent à la ville. [14] Lorsque Juda et ses frères entrèrent dans la maison de Joseph, celui-ci s'y trouvait encore, et ils tombèrent à terre devant lui. [15] Joseph leur demanda : "Quelle est cette action que vous avez commise ? Ne saviez-vous pas qu'un homme comme moi sait deviner ?"

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[16] Et Juda répondit : "Que dirons-nous à Monseigneur, comment parler et comment nous justifier ? C'est Dieu qui a mis en évidence la faute de tes serviteurs. Nous voici donc les esclaves de Monseigneur, aussi bien nous autres que celui aux mains duquel on a trouvé la coupe." [17] Mais il reprit : "Loin de moi d'agir ainsi ! L'homme aux mains duquel la coupe a été trouvée sera mon esclave, mais vous, retournez en paix chez votre père." [18] Alors Juda s'approcha de lui et dit : "S'il te plaît, Monseigneur, permets que ton serviteur fasse entendre un mot aux oreilles de Monseigneur, sans que ta colère s'enflamme contre ton serviteur, car tu es vraiment comme Pharaon ! [19] Monseigneur avait posé cette question à ses serviteurs : Avez-vous encore un père ou un frère ? [20] Et nous avons répondu à Monseigneur : Nous avons un vieux père et un cadet, qui lui est né dans sa vieillesse ; le frère de celui-ci est mort, il reste le seul enfant de sa mère et notre père l'aime ! [21] Alors tu as dit à tes serviteurs : Amenez-le moi, que mon regard se pose sur lui. [22] Nous avons répondu à Monseigneur : L'enfant ne peut pas quitter son père ; s'il quitte son père, celui-ci en mourra. [23] Mais tu as insisté auprès de tes serviteurs : Si votre plus jeune frère ne descend pas avec vous, vous ne serez plus admis en ma présence. [24] Donc, lorsque nous sommes remontés chez ton serviteur, mon père, nous lui avons apporté les paroles de Monseigneur. [25] Et lorsque notre père a dit : Retournez pour nous acheter un peu de vivres, [26] nous avons répondu : Nous ne pouvons pas descendre. Nous ne descendrons que si notre jeune frère est avec nous, car il n'est pas possible que nous soyons admis en présence de cet homme sans que notre plus jeune frère soit avec nous. [27] Alors ton serviteur, mon père, nous a dit : Vous savez bien que ma femme ne m'a donné que deux enfants : [28] l'un m'a quitté et j'ai dit : il a été mis en pièces ! et je ne l'ai plus revu jusqu'à présent. [29] Que vous preniez encore celui-ci d'auprès de moi et qu'il lui arrive malheur et vous feriez descendre dans la peine mes cheveux blancs au shéol. [30] Maintenant, si j'arrive chez ton serviteur, mon père, sans que soit avec nous l'enfant à l'âme duquel son âme est liée, [31] dès qu'il verra que l'enfant n'est pas avec nous, il mourra, et tes serviteurs auront fait descendre dans l'affliction les cheveux blancs de ton serviteur, notre père, au shéol. [32] Et ton serviteur s'est porté garant de l'enfant auprès de mon père, en ces termes : Si je ne te le ramène pas, j'en serai coupable envers mon père toute ma vie. [33] Maintenant, que ton serviteur reste comme esclave de Monseigneur à la place de l'enfant et que celui-ci remonte avec ses frères. [34] Comment, en effet, pourrais-je remonter chez mon père sans que l'enfant soit avec moi ? Je ne veux pas voir le malheur qui frapperait mon père."

Le péché de Benjamin serait d’avoir volé la coupe oraculaire. En effet, cette coupe servait à

lire les présages. En volant cette coupe, c’est la sécurité même de l’état qui est mise en

cause. C’est un crime national car la sécurité est menacée.

La vraie sanction exigeait que le coupable soit tué et que les autres deviennent esclaves.

Mais Joseph est « miséricordieux » et veut prendre Benjamin en esclave et laisser les autres

partir.

Par là Joseph teste ses frères pour voir si ils sont attachés au plus jeune. C’est Juda qui parle

et fait une affirmation importante étant sûr que Joseph ne comprend pas. « Dieu a découvert

la faute de tes serviteurs ».

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Soit deux possibilités : Dieu a découvert la faute d’un vol ; ou Dieu punit pour le délit

de ce qu’ils ont fait au jeune frère (Joseph) il y a longtemps.

Autrefois, les frères n’ont pas hésité à sacrifier Joseph et à donner de la douleur à leur Père.

Ici ils ne veulent pas donner de douleur au Père. C’est donc le signe de la conversion. Joseph

peut donc se faire reconnaître. C’est le chapitre suivant. Les frères ont donc expié la faute.

Joseph parlera en araméen alors qu’il utilisait un interprète. Si ce fut vraiment au temps des

Hyksos, il n’y aurait pas eu ce problème.

Le message théologique : la menace de la fécondité de la race n’est pas externe, mais

interne : la jalousie et l’envie entre frères ! Les frères ne reconnaissent pas l’élection de

Joseph. Désormais cela vient de Dieu.

C’est donc une thématique liée au Pentateuque : l’élection. Ici elle est mise en question par

des facteurs internes : le fait de ne pas reconnaître la préférence de Dieu.

1.3 L’EXODE ET LES LIVRES SUCCESSIFS

1.3.1 Structure du livre de l’Exode

En sortant de la Genèse nous trouvons l’Exode.

Exode, Lévitique et Deutéronome ont une unité narrative. Il convient donc de les considérer

ensemble.

Entrons dans l’Exode. Il y a deux sections interdépendantes mais connexes.

1. 1-15,21 : la libération des hébreux du Pharaon en Egypte

2. 12,37-40,38 : le voyage de l’Egypte au Sinaï

La marche advient en 12 étapes chacune marquée par « ils levèrent le camp de X et

arrivèrent à Y ».

Il y a une superposition des deux parties avec les chapitres charnières de la libération :

12,37-15,31.

1. Chapitre 12 : la pâque et ses prescriptions

2. Chapitre 13 : les premiers-nés et la dernière plaie

3. Chapitre 14 : la traversée de la mer

4. Chapitre 15 : le cantique de Myriam

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Ces étapes font un raccord.

16 à 19,1 : 7 étapes du voyage.

En 19,1 est la dernière étape qui finira en Nombre 10,11. Elle comprend toute la deuxième

partie, tout le Lévitique et les premiers chapitres des Nombres.

Après la sortie d’Egypte à pâque, 3 mois après ils arrivent au Sinaï pour 1 an. Ensuite

recommence le chemin du désert.

La division entre Exode et Nombre, et entre Nombre et Lévitique n’est pas dû à l’auteur mais

au besoin de livres standard … il fallait changer de rouleau de papier parce que le premier

est terminé. Donc c’est involontaire. C’est une division extrinsèque. Le rouleau ne pouvait

pas être trop gros, ils avaient des mesures standard.

De Exode 19,2 à Nb 10,10, le peuple est formé au Sinaï. Ils reçoivent un chef Moïse, la loi

(Torah), un temple (le tabernacle), et une terre comme possession et non comme promesse.

1.3.2 Lecture de Exode 3 : la vocation de Moïse et la révélation du Nom

[1] Moïse faisait paître le petit bétail de Jéthro, son beau-père, prêtre de Madiân ; il l'emmena par-delà le désert et parvint à la montagne de Dieu, l'Horeb. [2] L'Ange de Yahvé lui apparut, dans une flamme de feu, du milieu d'un buisson. Moïse regarda : le buisson était embrasé mais le buisson ne se consumait pas. [3] Moïse dit : "Je vais faire un détour pour voir cet étrange spectacle, et pourquoi le buisson ne se consume pas." [4] Yahvé vit qu'il faisait un détour pour voir, et Dieu l'appela du milieu du buisson. "Moïse, Moïse", dit-il, et il répondit : "Me voici." [5] Il dit : "N'approche pas d'ici, retire tes sandales de tes pieds car le lieu où tu te tiens est une terre sainte." [6] Et il dit : "Je suis le Dieu de tes pères, le Dieu d'Abraham, le Dieu d'Isaac et le Dieu de Jacob." Alors Moïse se voila la face, car il craignait de fixer son regard sur Dieu. [7] Yahvé dit : "J'ai vu, j'ai vu la misère de mon peuple qui est en Egypte. J'ai entendu son cri devant ses oppresseurs ; oui, je connais ses angoisses. [8] Je suis descendu pour le délivrer de la main des Egyptiens et le faire monter de cette terre vers une terre plantureuse et vaste, vers une terre qui ruisselle de lait et de miel, vers la demeure des Cananéens, des Hittites, des Amorites, des Perizzites, des Hivvites, et des Jébuséens. [9] Maintenant, le cri des Israélites est venu jusqu'à moi, et j'ai vu l'oppression que font peser sur eux les Egyptiens. [10] Maintenant va, je t'envoie auprès de Pharaon, fais sortir d'Egypte mon peuple, les Israélites." [11] Moïse dit à Dieu : "Qui suis-je pour aller trouver Pharaon et faire sortir d'Egypte les Israélites ?" [12] Dieu dit : "Je serai avec toi, et voici le signe qui te montrera que c'est moi qui t'ai envoyé. Quand tu feras sortir le peuple d'Egypte, vous servirez Dieu sur cette montagne." [13] Moïse dit à Dieu : "Voici, je vais trouver les Israélites et je leur dis : Le Dieu de vos pères m'a envoyé vers vous. Mais s'ils me disent : Quel est son nom ?, que leur dirai-je ?"

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[14] Dieu dit à Moïse : "Je suis celui qui est." Et il dit : "Voici ce que tu diras aux Israélites : Je suis m'a envoyé vers vous." [15] Dieu dit encore à Moïse : "Tu parleras ainsi aux Israélites : Yahvé, le Dieu de vos pères, le Dieu d'Abraham, le Dieu d'Isaac et le Dieu de Jacob m'a envoyé vers vous. C'est mon nom pour toujours, c'est ainsi que l'on m'invoquera de génération en génération. [16] "Va, réunis les anciens d'Israël et dis-leur : Yahvé, le Dieu de vos pères, m'est apparu - le Dieu d'Abraham, d'Isaac et de Jacob - et il m'a dit : Je vous ai visités et j'ai vu ce qu'on vous fait en Egypte, [17] alors j'ai dit : Je vous ferai monter de l'affliction d'Egypte vers la terre des Cananéens, des Hittites, des Amorites, des Perizzites, des Hivvites et des Jébuséens, vers une terre qui ruisselle de lait et de miel. [18] Ils écouteront ta voix et vous irez, toi et les anciens d'Israël, trouver le roi d'Egypte et vous lui direz : Yahvé, le Dieu des Hébreux, est venu à notre rencontre. Toi, permets-nous d'aller à trois jours de marche dans le désert pour sacrifier Yahvé notre Dieu. [19] Je sais bien que le roi d'Egypte ne vous laissera aller que s'il y est contraint par une main forte. [20] Aussi j'étendrai la main et je frapperai l'Egypte par les merveilles de toute sorte que j'accomplirai au milieu d'elle ; après quoi, il vous laissera partir. [21] "Je ferai gagner à ce peuple la faveur des Egyptiens, et quand vous partirez, vous ne partirez pas les mains vides. [22] La femme demandera à sa voisine et à celle qui séjourne dans sa maison des objets d'argent, des objets d'or et des vêtements. Vous les ferez porter à vos fils et à vos filles et vous en dépouillerez les Egyptiens."

Par rapport à la distinction des sources, on considère qu’il s’agit d’une composition du

Yahviste et de l’Elohiste. On pense que le cœur du texte soit l’Elohiste où l’on prononce le

nom de Dieu. Attention à ces hypothèses qui restent des hypothèses, surtout que l’Elohiste

est toujours plus remis en cause.

La théophanie faite à Moïse est semblable à celle des patriarches, mais il y a aussi d’autres

choses interprétatives.

Moïse reçoit cette théophanie dans un lieu spécial : on parle de lieu sacré, d’arbre sacré (qui

ne peut pas manquer dans ces zones). Seneh ne parait que deux fois dans la Bible. On ne sait

donc pas ce que c’est. SOneh, l’arbre sacré ne peut pas manquer et nous en trouvons dans la

Bible :

Gn 18,1 : « Yahvé lui apparut au Chêne de Mambré, tandis qu'il était assis à l'entrée de la tente, au plus

chaud du jour. »

Gn 21,33s : « Abraham planta un tamaris à Bersabée et il y invoqua le nom de Yahvé, Dieu d'Eternité. »

Il y a une différence substantielle. Les manifestations divines aux patriarches ont avec elles

une promesse : race et terre. Pour Moïse, ce n’est pas pour une terre, mais pour une

mission. Dans le cas de Moïse, cette promesse est déjà présente. Le spécifique de Moïse : il

lui est confié la commission de transmettre un message à d’autres ; c’est une configuration

de type prophétique, un élément nouveau qui entre à faire partie des traditions patriarcales.

Ici il n’y a pas la fondation d’un sanctuaire comme il advenait pourtant chez les patriarches.

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Donc nous avons la révélation d’une théophanie prophétique, qui ne fonde pas un culte et

qui prépare le message le plus fort du passage : la révélation du nom de Dieu, versets 13-15.

La révélation du Nom de YHWH :

[13] Moïse dit à Dieu : "Voici, je vais trouver les Israélites et je leur dis : Le Dieu de vos pères m'a envoyé vers

vous. Mais s'ils me disent : Quel est son nom ? que leur dirai-je ?"

[14] Dieu dit à Moïse : "Je suis celui qui est." Et il dit : "Voici ce que tu diras aux Israélites : Je suis m'a envoyé vers

vous."

[15] Dieu dit encore à Moïse : "Tu parleras ainsi aux Israélites : Yahvé, le Dieu de vos pères, le Dieu d'Abraham, le

Dieu d'Isaac et le Dieu de Jacob m'a envoyé vers vous. C'est mon nom pour toujours, c'est ainsi que l'on

m'invoquera de génération en génération.

En translittération :

[13] waY%Amer m%veh Ael-h!Ael%h$m hiN#h A!n%k$ b!A Ael-BOn#y

yixOr!A#l wOA!marOT$ l!hem Ael%h#y Aabot#ykem vOl!fan$ Aal#ykem wOA!mOr&-l$ mah-VOmo m!h A%mar Aal#hem

[14] waY%Amer Ael%h$m Ael-m%veh AehOyeh Aaver AehOyeh waY%Amer K%h t%Amar libOn#y yixOr!A#l AehOyeh

vOl!fan$ Aal#ykem

[15] waY%Amer Eod Ael%h$m Ael-m%veh K%h-t%Amar Ael-BOn#y yixOr!A#l yOhw!h Ael%h#y Aab%t#ykem Ael%h#y

AabOr!h!m Ael%h#y yicOf!q w#Al%h#y yaEaq%b vOl!fan$ Aal#ykem zeh-VOm$ lOE%l!m wOzeh zikOr$ lOd%r D%r

Quelle est la signification étymologique du nom divin ? Il s’agit probablement d’un nom pré-israélien, peut-être madianite, assumé par les israéliens

pour désigner le Dieu national.

Le nom fut lié au verbe être qui se dit HYH ou haya.

Comment traduire la phrase du verset 14 ? L’interprétation de la LXX est : evgw, eivmi o` w;n que l’on peut traduire : je suis celui qui est.

Or, l’hébreu n’utilise jamais le verbe être. Ceci ne traduit pas le verbe du verset 14. Cette

interprétation est donc à écarter.

En hébreu ce serait : « je suis celui qui je suis ».

Une autre interprétation fondée : le refus de se donner un nom et Dieu dirait : en quelque

sorte « cela ne te regarde pas ». Mais cette interprétation force contre le verset suivant où

Dieu se donne un nom : au verset 14-15 : d’abord il dit « je suis m’a envoyé à vous » puis il

dit Jahvé.

Soit d’abord on a « Je suis » m’a envoyé à vous puis « YHWH … le Dieu des pères » m’a

envoyé à vous.

Quel est ce nom : ‘éhyeh ou YHWH ou le Dieu des pères ? C’est difficile à savoir. Dans le

canon biblique on trouve YHWH en Gn 4,26.

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Par rapport à ‘éhyeh ne revient pas d’autres fois dans le texte massorétique, si ce n’est une

allusion en Is 42,8 : « Je suis Yahvé, tel est mon nom ! Ma gloire, je ne la donnerai pas à un

autre, ni mon honneur aux idoles ».

Ex 48,2 : « Car ils tirent leur nom de la ville sainte, ils s'appuient sur le Dieu d'Israël, Yahvé

Sabaot est son nom ».

Comment traduire la phrase ? Il faut observer que Dieu se donne plusieurs noms. D’abord il utilise le « Je suis » pour se

nommer, puis le tétragramme et enfin « le Dieu des pères ».

Les deux seconds noms sont des noms traditionnels ; le nom de YHWH n’est pas traditionnel.

Le nom nouveau que Dieu se donne est plutôt ‘éhyeh et non les deux autres. Or c’est une

voie verbale qui signifie je suis. C’est la première personne singulière du verbe être à

l’impératif. En hébreu le verbe être indique une continuité dans le temps.

Pourquoi Dieu change t-il de nom comme cela? Pourquoi fait-il cette affirmation ? Pourquoi

Dieu s’applique t-il le verbe être ?

Attention à ne pas confondre ‘éhyeh avec le tétragramme sacré !

Ex 3,6 : « "Je suis le Dieu de tes pères, le Dieu d'Abraham, le Dieu d'Isaac et le Dieu de

Jacob." ». En fait le français ne fait pas voir cette feinte de langage entre la voie verbale et le

tétragramme.

Le nom des pères est déjà une chose convaincante de la part de Dieu. Il est donc le Dieu de

son père Abraham.

Lorsque l’on est en présence d’une divinité il faut demander son nom parce qu’elle doit être

objet de culte dans le lieu. Mais on ne peut pas l’adorer comme il faut si on ne connaît pas

son nom. Le risque serait aussi de ne pas adorer le dieu présent et d’adorer un autre ce qui

entraînerait la colère du Dieu. Ici Moïse veut une précision pour rendre le juste culte. C’est

une mentalité commune à tout le bassin méditerranéen.

On le voit à Athènes avec l’autel au dieu inconnu.

Les romains faisaient des longues litanies de dieux et finissait avec une formule générale qui

permette de les englober tous.

La deuxième conséquence pour Moïse est que cela lui donne une supériorité. Moïse a donc

deux préoccupations : une de culte et une diplomatique…

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Le Dieu qui apparaît à Moïse ne semble pas vouloir révéler son nom à Moïse. D’un côté le

rédacteur a de quoi faire avec une tradition qui voit le tétragramme sacré comme la pseudo-

éthymologie de je suis.

Mais le nom divin n’est pas nouveau. Cette apparition ne serait donc pas une révélation du

nom divin, mais la révélation de la signification du nom de Dieu.

Le rédacteur utilise deux choses :

1. Signification ambiguë de la phrase je suis qui je suis.

2. Par cette phrase, le rédacteur établie une relation de pseudo-étymologie

entre le nom de Dieu et le tétragramme sacré. Que signifie t-il donc ?

Moïse veut le nom de la divinité pour l’adorer, Dieu la fait demander comme une

signification de ce nom en jouant sur ce « je suis ».

La phrase est donc une réponse à la question de Moïse vue du côté de Dieu comme

explication de son nom. En hébreu le verbe être n’est jamais la copule. Notre concept

philosophique grec d’être naît de la copule. Beaucoup de langues ont des difficultés à

traduire être.

Ainsi la phrase « je suis qui je suis » peut être un refus de donner le nom. Mais peut aussi

être « je suis celui que je suis » « je suis celui qui est présent ».

Dieu comme signification de nom dit « je suis celui qui est présent ». Si Dieu dit « je suis celui

qui est présent », les juifs disent de leur Dieu : « il est celui qui est présent » car ils parlent de

lui à la troisième personne. Or cette formulation est la pseudo-éthymologie de YHWH.

Quelle est la signification théologique du texte ? Ce texte démythise l’importance du nom du dieu. Ce n’est pas en soi important. YHWH, je

suis là.

Le monothéisme ne naît pas sur une spéculation sur les dieux qui en fait ne sont que la

manifestation d’un seul Dieu. Aménophis IV n’était pas monothéiste car il se considérait

comme un dieu ainsi que sa femme ; le monothéisme biblique naît comme expérience.

1.3.3 Lecture d’Exode 14, le passage de la mer

[1] Yahvé parla à Moïse et lui dit : [2] "Dis aux Israélites de rebrousser chemin et de camper devant Pi-Hahirot, entre Migdol et la mer, devant Baal-Cephôn ; vous camperez face à ce lieu, au bord de la mer. [3] Pharaon dira des Israélites : Les voilà qui errent dans le pays, le désert s'est refermé sur eux. [4] J'endurcirai le cœur de Pharaon et il se lancera à leur poursuite. Je me glorifierai aux dépens de Pharaon et de toute son armée, et les Egyptiens sauront que je suis Yahvé." C'est ce qu'ils firent.

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[5] Lorsqu'on annonça au roi d'Egypte que le peuple avait fui, le cœur de Pharaon et de ses serviteurs changea à l'égard du peuple. Ils dirent : "Qu'avons-nous fait là, de laisser Israël quitter notre service !" [6] Pharaon fit atteler son char et emmena son armée. [7] Il prit 600 des meilleurs chars et tous les chars d'Egypte, chacun d'eux monté par des officiers. [8] Yahvé endurcit le cœur de Pharaon, le roi d'Egypte, qui se lança à la poursuite des Israélites sortant la main haute. [9] Les Egyptiens se lancèrent à leur poursuite et les rejoignirent alors qu'ils campaient au bord de la mer - tous les chevaux de Pharaon, ses chars, ses cavaliers et son armée - près de Pi-Hahirot, devant Baal-Cephôn. [10] Comme Pharaon approchait, les Israélites levèrent les yeux, et voici que les Egyptiens les poursuivaient. Les Israélites eurent grand-peur et crièrent vers Yahvé.

[11] Ils dirent à Moïse : "Manquait-il de tombeaux en Egypte, que tu nous aies menés mourir dans le désert ? Que nous as-tu fait en nous faisant sortir d'Egypte ? [12] Ne te disions-nous pas en Egypte : Laisse-nous servir les Egyptiens, car mieux vaut pour nous servir les Egyptiens que de mourir dans le désert ?" [13] Moïse dit au peuple : "Ne craignez pas ! Tenez ferme et vous verrez ce que Yahvé va faire pour vous sauver aujourd'hui, car les Egyptiens que vous voyez aujourd'hui, vous ne les reverrez plus jamais. [14] Yahvé combattra pour vous ; vous, vous n'aurez qu'à rester tranquilles." [15] Yahvé dit à Moïse : "Pourquoi cries-tu vers moi ? Dis aux Israélites de repartir.

[16] Toi, lève ton bâton, étends ta main sur la mer et fends-la, que les Israélites puissent pénétrer à

pied sec au milieu de la mer.

[17] Moi, j'endurcirai le cœur des Egyptiens, ils pénétreront à leur suite et je me glorifierai aux dépens de Pharaon, de toute son armée, de ses chars et de ses cavaliers. [18] Les Egyptiens sauront que je suis Yahvé quand je me serai glorifié aux dépens de Pharaon, de ses chars et de ses cavaliers." [19] L'Ange de Dieu qui marchait en avant du camp d'Israël se déplaça et marcha derrière eux, et la colonne de nuée se déplaça de devant eux et se tint derrière eux. [20] Elle vint entre le camp des Egyptiens et le camp d'Israël. La nuée était ténébreuse et la nuit s'écoula sans que l'un puisse s'approcher de l'autre de toute la nuit. [21] Moïse étendit la main sur la mer, et Yahvé refoula la mer toute la nuit par un fort vent d'est ; il la

mit à sec et toutes les eaux se fendirent.

[22] Les Israélites pénétrèrent à pied sec au milieu de la mer, et les eaux leur formaient une muraille à droite et à gauche. [23] Les Egyptiens les poursuivirent, et tous les chevaux de Pharaon, ses chars et ses cavaliers pénétrèrent à leur suite au milieu de la mer. [24] A la veille du matin, Yahvé regarda de la colonne de feu et de nuée vers le camp des Egyptiens, et jeta la confusion dans le camp des Egyptiens. [25] Il enraya les roues de leurs chars qui n'avançaient plus qu'à grand-peine. Les Egyptiens dirent : "Fuyons devant Israël car Yahvé combat avec eux contre les Egyptiens !" [26] Yahvé dit à Moïse : "Etends ta main sur la mer, que les eaux refluent sur les Egyptiens, sur leurs chars et sur leurs cavaliers." [27] Moïse étendit la main sur la mer et, au point du jour, la mer rentra dans son lit. Les Egyptiens en fuyant la rencontrèrent, et Yahvé culbuta les Egyptiens au milieu de la mer. [28] Les eaux refluèrent et recouvrirent les chars et les cavaliers de toute l'armée de Pharaon, qui avaient pénétré derrière eux dans la mer. Il n'en resta pas un seul. [29] Les Israélites, eux, marchèrent à pied sec au milieu de la mer, et les eaux leur formèrent une muraille à droite et à gauche. [30] Ce jour-là, Yahvé sauva Israël des mains des Egyptiens, et Israël vit les Egyptiens morts au bord de la mer. [31] Israël vit la prouesse accomplie par Yahvé contre les Egyptiens. Le peuple craignit Yahvé, il crut en Yahvé et en Moïse son serviteur.

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Ce texte est celui où est le mieux visible la présence de plusieurs sources. De façon

particulière dans des passages où l’on voit des tensions entre les morceaux. Le miracle de la

mer est décrit de deux façons différentes.

Verset 16 : « Toi, lève ton bâton, étends ta main sur la mer et fends-la, que les

Israélites puissent pénétrer à pied sec au milieu de la mer ».

V. 21 : « Moïse étendit la main sur la mer, et Yahvé refoula la mer toute la nuit par un

fort vent d'est ; il la mit à sec et toutes les eaux se fendirent ».

Il étend la main sur la mer, Dieu sèche la mer. Le début se poursuit à la fin du verset ; le

centre est une autre source.

Chapitre 13, 17 : Lorsque Pharaon eut laissé partir le peuple, Dieu ne lui fit pas prendre la route du pays des

Philistins, bien qu'elle fût plus proche, car Dieu s'était dit qu'à la vue des combats le peuple pourrait se repentir et

retourner en Egypte.

Le pharaon laissa partir le peuple.

Chapitre 14,5 : Lorsqu'on annonça au roi d'Egypte que le peuple avait fui, le cœur de Pharaon et de ses

serviteurs changea à l'égard du peuple. Ils dirent : "Qu'avons-nous fait là, de laisser Israël quitter notre service !"

Le peuple s’enfuit.

Le but que Dieu donne au plan est de montrer sa gloire (14,4). Le pharaon se présente

comme une espèce d’anti-dieu envers les hébreux par l’esclavage, le projet infanticide. Au

milieu de cela il y a Israël qui n’est pas conscient et se plaint à Moïse. La fonction de Moïse

est d’encourager les hébreux à s’enfiler dans le plan de Dieu (v.13).

Le verset 15 créé une tension et le Seigneur demande « pourquoi cries tu vers moi ? » C’est

une autre tension qui sans doute vient à l’origine des autres sources.

Au verset 13 c’est le peuple qui crie vers Dieu et au verset 15 Dieu reproche à Moïse d’avoir

crié vers lui. Le midrash note cela et se dit que Moïse aurait fait une prière qui n’est pas

reporté dans le texte.

Ici on voit comment travaille notre narrateur qui ne cherche pas à soigner les incongruités

du texte. Il veut se fixer sur les différents personnages du texte.

Moïse a confiance en Dieu, il ne connaît pas encore son plan et Dieu s’adressa à Moïse pour

conforter les hébreux. Ensuite il donne à Moïse des éléments de son plan au verset 18. Dans

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ce verset apparaît le mot gloire qui est la marque d’identité du Sacerdotal. Le rédacteur a

fait cette rédaction dans l’optique du Sacerdotal. Dieu veut faire sa gloire.

Jusqu’au verset 18, le point focal est le contraste entre le plan de Dieu et celui du pharaon.

Ce sont deux plans différents : le naturel et le surnaturel.

D’un côté le plan de Dieu est annoncé à Moïse et exécuté par lui ; il est médiateur

prophétique du plan de Dieu. D’autre part cependant l’autre manière est Dieu qui intervient

directement sans la main de Moïse (le vent qui souffle toute la nuit), sans sa médiation. Ainsi

l’auteur insère des parties plus anciennes dans la narration Sacerdotale.

Soit Sacerdotal/Yahviste/Sacerdotal.

Le point fort est lorsque les Egyptiens reconnaissent au verset 25 : Il enraya les roues de leurs

chars qui n'avançaient plus qu'à grand-peine. Les Egyptiens dirent : "Fuyons devant Israël car

Yahvé combat avec eux contre les Egyptiens !"

Les versets 13 et 30 vont ensemble selon le schéma promesse/achèvement. Dieu promet

quelque chose et à la fin on constate la promesse faite par Dieu.

D’un côté il résulte donc que le texte est composite de diverses sources, mais l’état actuel du

texte a son intégrité et n’est pas une simple récolte de fragments.

La pensée de l’auteur du 18ème

19ème

siècle :

Certaines pensées modernes ont pensé à un phénomène de marée basse dans une région

marécageuse. Ceci en extrapolant le Yahviste. « Le Seigneur souffla un fort vent … » et verset 25 « les

roues s’enrayent…. ». C’est donc une simple marée. On peut penser au ramzin.

L’autre texte est l’Elohiste réélaboré par le Sacerdotal qui introduit l’élément surnaturel : la mer taillée

en deux comme une tarte à la crème (dixit le prof !).

On a donc une interprétation selon laquelle l’aspect surnaturel est une intervention de Dieu ou bien

c’est un phénomène naturel exagéré.

Le problème : on divise le texte en deux. De plus le texte ne permet pas de faire cette

lecture. Le Yahviste est lui-même loin de voir un évènement naturel. Les deux traditions. Les

éléments extraordinaires sont fait par Moïse et les éléments ordinaires sont fait par Dieu.

Diviser les deux textes est contraire à la tradition. Si il était vrai que le rédacteur voulait

construire un récit transfigurant la tradition surnaturelle il aurait éliminé tout ce qui n’est

pas naturel. Or il conserve les deux éléments en équilibre.

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Ici on a à faire avec des problèmes là où l’écriture témoigne d’irruption directe de Dieu dans

l’histoire, on a des phénomènes d’incohérence scripturaire. Le texte est le témoignage

historique que le transcendant entre dans le domaine historique.

1.3.4 Ex 19-20 : Israël au Sinaï – Notes sur le code de l’alliance

1.3.4.1 Lecture d’Exode 19

[1] Le troisième mois après leur sortie du pays d'Egypte, ce jour-là, les Israélites atteignirent le désert du Sinaï. [2] Ils partirent de Rephidim et atteignirent le désert du Sinaï, et ils campèrent dans le désert ; Israël campa là, en face de la montagne. [3] Moïse alors monta vers Dieu. Yahvé l'appela de la montagne et lui dit : "Tu parleras ainsi à la maison de Jacob, tu déclareras aux Israélites : [4] Vous avez vu vous-mêmes ce que j'ai fait aux Egyptiens, et comment je vous ai emportés sur des ailes d'aigles et amenés vers moi. [5] Maintenant, si vous écoutez ma voix et gardez mon alliance, je vous tiendrai pour mon bien propre parmi tous les peuples, car toute la terre est à moi. [6] Je vous tiendrai pour un royaume de prêtres, une nation sainte. Voilà les paroles que tu diras aux Israélites." [7] Moïse alla et convoqua les anciens du peuple et leur exposa tout ce que Yahvé lui avait ordonné, [8] et le peuple entier, d'un commun accord, répondit : "Tout ce que Yahvé a dit, nous le ferons." Moïse rapporta à Yahvé les paroles du peuple. [9] Yahvé dit à Moïse : "Je vais venir à toi dans l'épaisseur de la nuée, afin que le peuple entende quand je parlerai avec toi et croie en toi pour toujours." Et Moïse rapporta à Yahvé les paroles du peuple. [10] Yahvé dit à Moïse : "Va trouver le peuple et fais-le se sanctifier aujourd'hui et demain ; qu'ils lavent leurs vêtements [11] et se tiennent prêts pour après-demain, car après-demain Yahvé descendra aux yeux de tout le peuple sur la montagne du Sinaï. [12] Puis délimite le pourtour de la montagne et dis : Gardez-vous de gravir la montagne et même d'en toucher le bord. Quiconque touchera la montagne sera mis à mort. [13] Personne ne portera la main sur lui ; il sera lapidé ou percé de flèches, homme ou bête, il ne vivra pas. Quand la corne de bélier mugira, eux graviront la montagne." [14] Moïse descendit de la montagne et vint trouver le peuple qu'il fit se sanctifier, et ils lavèrent leurs vêtements. [15] Puis il dit au peuple : "Tenez-vous prêts pour après-demain, ne vous approchez pas de la femme. [16] Or le surlendemain, dès le matin, il y eut des coups de tonnerre, des éclairs et une épaisse nuée sur la montagne, ainsi qu'un très puissant son de trompe et, dans le camp, tout le peuple trembla. [17] Moïse fit sortir le peuple du camp, à la rencontre de Dieu, et ils se tinrent au bas de la montagne. [18] Or la montagne du Sinaï était toute fumante, parce que Yahvé y était descendu dans le feu ; la fumée s'en élevait comme d'une fournaise et toute la montagne tremblait violemment. [19] Le son de trompe allait en s'amplifiant ; Moïse parlait et Dieu lui répondait dans le tonnerre. [20] Yahvé descendit sur la montagne du Sinaï, au sommet de la montagne. Yahvé appela Moïse au sommet de la montagne et Moïse monta. [21] Yahvé dit à Moïse : "Descends et avertis le peuple de ne pas franchir les limites pour venir voir Yahvé, car beaucoup d'entre eux périraient. [22] Même les prêtres qui approchent Yahvé doivent se sanctifier de peur que Yahvé ne se déchaîne contre eux." [23] Moïse dit à Yahvé : "Le peuple ne peut pas gravir la montagne du Sinaï puisque toi-même tu nous as avertis : délimite la montagne et déclare-la sacrée." [24] Yahvé reprit : "Allons, descends et remontez, toi et Aaron. Mais que les prêtres et le peuple ne franchissent pas les limites pour monter vers Yahvé, de peur qu'il ne se déchaîne contre eux." [25] Moïse descendit alors vers le peuple et lui dit...

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Ce texte a donné beaucoup de problèmes parce que l’on y voit beaucoup d’incongruités :

Aux versets 10 à 19 Moïse est avec le peuple alors que de 20 à 25 il est seul.

Au verset 18 on nous dit que Dieu est déjà descendu sur le Sinaï et au verset 20 on nous dit

que le Seigneur descend sur le mont Sinaï. Tout ce va et vient de Moïse sur ce mont semble

peu clair. Il semble que dans certains cas Dieu habite sur le mont : v.3. Or c’est en

contradiction avec ce qui est dit ensuite qu’il descend : v. 20.

Les phénomènes de la théophanie :

Verset 16 : la théophanie semble être un orage de montagne (Elohiste) ; alors qu’au verset

18 ce serait plutôt une irruption volcanique (Yahviste).

Si c’était effectivement une irruption, ce ne peut pas être là qu’à eu lieu la théophanie, mais

en Arabie où se trouve une zone volcanique. L’identification du Sinaï est en plus douteuse

donc ceci ne fait qu’en rajouter. Or ici nous sommes dans la description d’un phénomène

extraordinaire qu’il est difficile de décrire. La description par des phénomènes naturels est

purement rationaliste.

Verset 12 à 21 : Dieu dit deux fois que le peuple ne doit pas s’hasarder à monter sur la

montagne. Le rôle et la fonction de Moïse ne sont pas totalement identiques. En Exode

20,18-20 (Elohiste), l’office de médiation de Moïse provient de la peur du peuple alors que la

théophanie originaire est adressée à tous. Ainsi au verset 19 le peuple préfère envoyer

Moïse en avant parce qu’ils ont peur de Dieu. Alors qu’en Exode 19,9 (Jahviste) nous avons

une idée différente : l’idée que le peuple entende la parole donnée à Moïse, c’est Dieu qui

veut qu’ils écoutent afin qu’ils sache que Moïse est le médiateur. Ainsi dans un cas c’est Dieu

qui établie Moïse comme médiateur, dans l’autre cas, c’est la peur qui pousse le peuple à

mettre Moïse en avant.

La première conception du peuple qui met en avant Moïse est Elohiste et la deuxième serait

Yahviste. Mais ici encore on voit que les deux traditions sont très proches l’une de l’autre.

On pense donc à une tradition orale qui a uni deux récits originairement indépendants bien

avant une fixation écrite. On voit deux sources différentes, mais le texte n’en est pas

contradictoire pour autant. Il est facile de suivre et de comprendre. A la fin le résultat est là :

le peuple a entendu la voix et met Moïse en avant.

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Sur l’origine de ses deux traditions, la première (peut-être) de caractère plus prophétique et

l’autre avec des caractères plus Sacerdotales (non pas pourtant dans le sens d’une majeure

affinité à P), en tout cas ce qui est sûr c’est que les deux sont d’origine cultuelle et qu’elles

sont très antiques.

Peut-être est-ce encore un schéma promesse/parole.

La première a plus une image prophétique où Moïse est le médiateur entre Dieu et le

peuple et fait connaître les désirs de Dieu.

Dans le deuxième cas c’est plus Sacerdotal : Moïse est le médiateur qui connaît la

technique pour s’approcher du sacré sans provoquer des désastres. Le prêtre connaît

la technique de médiation adéquate pour passer la frontière entre le sacré et le

profane et les faire se rencontrer sans danger.

Cependant il n’y a aucune doctrine de pureté et donc on ne pense pas à une influence

Sacerdotale. De plus, le culte n’est pas opposé, le prophétisme est un élément du culte.

Nous sommes donc dans le cas de textes nés pour la réactualisation de cet évènement. Le

Deutéronome présente aussi ces deux traditions en divers contenus.

Deut 5,4-5 : « [4] Sur la montagne, au milieu du feu, Yahvé vous a parlé face à face, [5] et moi je me tenais

alors entre Yahvé et vous pour vous faire connaître la parole de Yahvé ; car, craignant le feu, vous n'étiez pas

montés sur la montagne ».

Trois points :

1. La sainteté d’Israël,

2. Le rôle médiateur de Moïse

3. Les terrifiantes conséquences de la rencontre indiscrète entre L’homme et Dieu : là

où Dieu se trouve il ne peut pas y avoir l’homme et vice versa.

Structure des versets 9-25 en deux unités littéraires 9-19 et 20-25

(Monseigneur Enrico Galbiati publie une structuration ante litteram. Son livre : La struttura letteraria

dell’Esodo, Alba 1956, pp. 176-185)

V.9-19 :

A. 9a : annonce de la prochaine venue du Seigneur dans la nuée. B. 9b : information de Moïse qui réfère la parole du peuple. C. 10-11 : ordre de préparer le peuple à la théophanie du 3ème jour. Centre 12-13 : les dispositions pour tenir éloigné le peuple du mont. C’. 14-16 : exécution de l’ordre : description de la théophanie. B’ 17 : information, Moïse conduit le peuple vers le mont. A’ 18-19 : la vérification de ce qui a été révélé au verset 9a.

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V.20-25 :

A. 20 : information, Dieu appelle Moïse à monter sur le mont. B. 21-22 : ordre de descendre pour entretenir le peuple. Centre 23 : objection de Moïse. B’ 24 : Dieu ordonne de descendre et entretenir le peuple. A’ 25 : information, Moïse descend du mont.

Les deux passages sont bien liés entre eux et il y a un lien entre les deux centres où les

dispositions sont données et où il y a une objection.

Les v 22 et 24 sont les développements des menaces du passage précédant.

Au verset 13 c’est une peine de mort par main humaine alors qu’en v 24-25 la peine vient de

Dieu lui-même.

Les versets 20 à 25 ont souvent été considérés comme secondaire en tant que répétition

inutile de ce qui a été dit auparavant. L’ordre de Dieu à Moïse étonne tout le monde dont

Moïse lui-même et Dieu répète ses ordres. Il en est contraint parce que ni Moïse ni le peuple

n’ont une expérience aussi concrète de Dieu.

1.3.4.2 Lecture d’Exode 20 : le Décalogue

[1] Dieu prononça toutes ces paroles, et dit : [2] "Je suis Yahvé, ton Dieu, qui t'a fait sortir du pays d'Egypte, de la maison de servitude. [3] Tu n'auras pas d'autres dieux devant moi. [4] Tu ne te feras aucune image sculptée, rien qui ressemble à ce qui est dans les cieux, là-haut, ou sur la terre, ici-bas, ou dans les eaux, au-dessous de la terre. [5] Tu ne te prosterneras pas devant ces dieux et tu ne les serviras pas, car moi Yahvé, ton Dieu, je suis un Dieu jaloux qui punis la faute des pères sur les enfants, les petits-enfants et les arrière-petits-enfants pour ceux qui me haïssent, [6] mais qui fais grâce à des milliers pour ceux qui m'aiment et gardent mes commandements. [7] Tu ne prononceras pas le nom de Yahvé ton Dieu à faux, car Yahvé ne laisse pas impuni celui qui prononce son nom à faux. [8] Tu te souviendras du jour du sabbat pour le sanctifier. [9] Pendant six jours tu travailleras et tu feras tout ton ouvrage ; [10] mais le septième jour est un sabbat pour Yahvé ton Dieu. Tu ne feras aucun ouvrage, toi, ni ton fils, ni ta fille, ni ton serviteur, ni ta servante, ni tes bêtes, ni l'étranger qui est dans tes portes. [11] Car en six jours Yahvé a fait le ciel, la terre, la mer et tout ce qu'ils contiennent, mais il s'est reposé le septième jour, c'est pourquoi Yahvé a béni le jour du sabbat et l'a consacré. [12] Honore ton père et ta mère, afin que se prolongent tes jours sur la terre que te donne Yahvé ton Dieu. [13] Tu ne tueras pas. [14] Tu ne commettras pas d'adultère. [15] Tu ne voleras pas. [16] Tu ne porteras pas de témoignage mensonger contre ton prochain. [17] Tu ne convoiteras pas la maison de ton prochain. Tu ne convoiteras pas la femme de ton prochain, ni son serviteur, ni sa servante, ni son boeuf, ni son âne, rien de ce qui est à ton prochain."

Telles sont les paroles de Dieu présentées de façon très solennelle.

Dans l’Exode on parle de table de Pierre.

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On les appelle les 10 Paroles en Deut 4,13 et 9,9. Ce sont des communications immédiates

de Dieu et non pas des affirmations arbitraire de Dieu. C’est la directe parole de Dieu, celle

qui génère de la terreur. C’est le document pas excellence entre Dieu et son peuple. Ces

paroles sont un unicum. 19,25 Moïse descend et parle et Dieu

Exode 20,2-17 : le décalogue est l’ensemble des paroles directement adressée par Dieu.

C’est le premier code législatif. Ainsi le décalogue forme le cadre de compréhension des lois

du Pentateuque.

La proclamation du décalogue : théophanie du Sinaï et lors de la proclamation par Moïse

dans les steppes de Moab avant le passage du Jourdain et avant l’entrée en terre promise.

Le décalogue ouvre l’Exode et le ferme.

Voici la version du Deutéronome :

Deut 5,6-21 :

[6] "Je suis Yahvé ton Dieu, qui t'ai fait sortir du pays d'Egypte, de la maison de servitude. [7] "Tu n'auras pas d'autres dieux devant moi. [8] "Tu ne te feras aucune image sculptée de rien qui ressemble à ce qui est dans les cieux là-haut, ou sur la terre ici-bas, ou dans les eaux au-dessous de la terre. [9] Tu ne te prosterneras pas devant ces dieux ni ne les serviras. Car moi, Yahvé, ton Dieu, je suis un Dieu jaloux, qui punis la faute des pères sur les enfants, les petits-enfants et les arrière-petits-enfants, pour ceux qui me haïssent, [10] mais qui fais grâce à des milliers, pour ceux qui m'aiment et gardent mes commandements. [11] "Tu ne prononceras pas le nom de Yahvé ton Dieu à faux, car Yahvé ne laisse pas impuni celui qui prononce son nom à faux. [12] "Observe le jour du sabbat pour le sanctifier, comme te l'a commandé Yahvé, ton Dieu. [13] Pendant six jours tu travailleras et tu feras tout ton ouvrage, [14] mais le septième jour est un sabbat pour Yahvé ton Dieu. Tu n'y feras aucun ouvrage, toi, ni ton fils, ni ta fille, ni ton serviteur, ni ta servante, ni ton boeuf, ni ton âne ni aucune de tes bêtes, ni l'étranger qui est dans tes portes. Ainsi comme toi-même, ton serviteur et ta servante pourront se reposer. [15] Tu te souviendras que tu as été en servitude au pays d'Egypte et que Yahvé ton Dieu t'en a fait sortir d'une main forte et d'un bras étendu ; c'est pourquoi Yahvé ton Dieu t'a commandé de garder le jour du sabbat. [16] "Honore ton père et ta mère, comme te l'a commandé Yahvé ton Dieu, afin que se prolongent tes jours et que tu sois heureux sur la terre que Yahvé ton Dieu te donne. [17] "Tu ne tueras pas. [18] "Tu ne commettras pas l'adultère. [19] "Tu ne voleras pas. [20] "Tu ne porteras pas de faux témoignage contre ton prochain. [21] "Tu ne convoiteras pas la femme de ton prochain, tu ne désireras ni sa maison, ni son champ, ni son serviteur ou sa servante, ni son boeuf ou son âne : rien de ce qui est à ton prochain."

Le décalogue n’est pas l’unique liste de lois dans la torah. Mais c’est la seule de 10 lois.

Ex 34,14-26 : série de 10 commandements.

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Pourquoi le décalogue s’appelle t-il ainsi ?

Quelle est la systématique ?

Combien sont-ils ? Plus de 10 en tout cas.

Dans la tradition catholique :

1. Monothéisme

2. Nom de Dieu

3. Jour du Seigneur

4. Amour du prochain

5. Ne pas tuer

6. Ne pas avoir de désir impur

7. Ne pas voler

8. Ne pas porter de faux témoignages

9. Ne pas désirer la femme d’autrui

10. Ne pas désirer le bien d’autrui

Dans la tradition juive :

1. Monothéisme

2. Exclusion des images

3. Le respect du nom de Dieu

4. le shabbat

5. honorer père et mère

6. ne pas tuer

7. ne pas commettre adultère

8. ne pas voler

9. ne pas dire de faux témoignage

10. ne pas désirer la femme et le bien

d’autrui

Comment concilier cette idée des 10 paroles avec ces 10 paroles ? On peut penser que 10

indique la totalité et donc que c’est un symbole. L’expression des 10 paroles n’est pas le seul

titre. La Bible témoigne d’un autre titre en Ex 18,38 : les deux tables.

Y a-t-il 5 paroles sur chaque table ? Selon notre tradition il y en aurait 3 et 7 : 3 sur l’amour

du Seigneur et les autres sur l’amour du prochain. Mais c’est une théorie. Le problème en

réalité est que ce document est imaginé comme légal et donc il est copié en deux fois et une

copie est posée aux pieds de chaque contracteur. Dans l’antiquité on écrivait avec une table

scripturaire de pierre petite, blanchie à la chaux et on écrivait avec une plume chauffée. On

écrivait deux fois ce document.

Le problème de la date du décalogue.

Il y a eu beaucoup de réponses sur l’époque de rédaction : de l’époque antique à la période

exilique et postexilique. Il est difficile dire quel est le lien entre le texte et la personne de

Moïse. D’un point de vue étroitement historique on ne peut pas préciser le lien avec Moïse

parce qu’il y a des siècles entre Moïse et la rédaction du texte. Dans les derniers temps on a

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pensé à une date ancienne. Ce consensus est basé sur divers facteurs. La manière avec

laquelle s’exprime le décalogue rappelle les formes de loi les plus anciennes du bassin

méditerranéen. En tout cas le décalogue devait avoir à l’origine un contexte cultuel ; une

bonne partie de lui se pose sur un fond d’homogénéité.

La question par rapport à une forme originaire du Décalogue reste inconclue. En tout cas on

parle d’une longue histoire rédactionnelle ; peut-être que l’hypothèse de ce qui est bref est

plus ancien s’avère vrai et donc les formules brèves du cœur seraient plus proches des textes

anciens.

Selon la tradition exégétique (à laquelle ne croit pas Paximadi), la formulation de Exode 20

est Sacerdotale parce que plus récente, et le Sacerdotal est plus récent.

Mais d’où vient-il avant étant donné qu’il subsiste en deux traditions ? La tradition sinaïtique

est plus importante dans la tradition religieuse du nord que dans le sud. Ainsi vu que la

tradition du nord est l’Elohiste.

La seule chose que l’on peut dire : le décalogue dérive d’une source plus ancienne dans

laquelle on a inséré du matériel du Deutéronome.

La deuxième chose est que cette source plus ancienne avait un sitz im leben plus cultuel.

Möwinckel (de la première moitié du dernier siècle) pense à une fête d’intronisation du

Seigneur comme renouvellement de l’alliance. Cette théorie eut du succès puis non puis

encore….

Structure du passage selon Meynet :

A : 2-7 : 6 verbes négatifs ; ton dieu – maison – en vain

B : 8-11 : rappelle-toi – YHWH ton Dieu – jour

Parce que

B’ : v 12 : honore – le Seigneur ton Dieu – jour

Parce que

A’ : 13-17 : 6 verbes négatifs ; ton prochain – maison – faussement

On peut donc voir que la structure est une sorte de miroir. Entre les verbes négatifs, il y a

deux verbes positifs qui concernent le shabbat et les parents. On peut remarquer une

différence par rapport à la promulgation de la loi en fonction des livres:

Ex 20 : le shabbat et un rappel de la création

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Deut 5 : le shabbat rappelle l’Exode.

Dans le premier cas, l’Exode est à peine vécue. Sur le Sinaï Moïse recevra comment doit être

construit le tabernacle. Le centre de ce livre est le tabernacle. Le tabernacle est un peu

comme le sommet de la création. C’est un peu comme un micro-cosmos une création en

petit.

En Deut 5 : c’est le début du discours de Moïse dans les steppes de Moab. Les discours

d’adieu dans les steppes. Ils ont passé 40 ans dans ses steppes, une génération est morte et

Moïse répète le décalogue avant l’entrée en terre promise pour renouveler l’alliance.

Le décalogue est donc vécu d’abord lorsque les juifs ont tout juste passé la mer rouge, et

après les juifs vont passer le Jourdain, d’où ce choix du rédacteur.

La centralité du shabbat est importante. C’est un peu le moment, l’espace de temps

consacré dans lequel l’homme ne peut pas agir parce qu’un autre agit, Dieu. Il agit dans la

création et dans l’histoire d’Israël. Pour la théologie Sacerdotale, le shabbat est la médiation

entre Dieu et le monde, c’est quelque chose qui précède. C’est un aspect de la création

autonome. Le calendrier est venu avec la création du monde et le shabbat tout

particulièrement. Par là on reconnaît l’action unique de Dieu dans le monde. C’est donc un

entrer en communion avec cette action, c’est une possibilité d’entrer en communication

avec l’origine.

De façon analogue, parmi tous les liens familiaux, les liens avec les parents sont un lien

unique avec l’origine. Il n’y a qu’un père et qu’un mère. L’unicité du père et de la mère.

Quelle est la conséquence que le texte tire du commandement sur le shabbat ? Le

commandement s’adresse au Père de famille en le chargeant d’une œuvre de libération :

libération du travail pour lui-même et y compris pour l’esclave et les animaux. Ensuite pour

les parents, le commandement s’adresse aux enfants. Le tout est enraciné dans la mémoire

de l’Exode.

L’accent est celui de l’origine qui œuvre pour la libération : le père libère du travail et les

enfants reconnaissent cela. De cette liberté dérive une responsabilité. Il est nécessaire

d’honorer Dieu et son prochain. On honore Dieu, en respectant, en honorant son nom, on

respecte le prochain en évitant le mensonge (le blasphème est un mensonge et un sacrilège)

souvent le mensonge est un faux jurement et donc j’instrumentalise le prochain et j’insulte

le nom de Dieu. À ceci ensuite le mensonge et le nom de Dieu sont liés. Israël a reçu le nom

de Dieu.

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Dans le deuxième versant du texte, l’homme doit respecter la vie et liberté de l’autre.

Au commandement sur l’exclusion de l’adultère ou l’idolâtrie. L’adultère est l’expression de

l’idolâtrie.

Il faut aussi noter que le décalogue contient des préceptes qui regardent le complexe de la

vie humaine. Ceci est caractéristique. Ces commandements sont donnés au moment où

Israël devient la communauté sainte, c'est-à-dire au moment où Dieu fait d’Israël son

peuple, sa nation, celle qu’il se choisit. En ce moment Israël ne reçoit pas une loi qui le

limite, qui en marque le limites, mais qui montre les bases de la caractéristique humaine.

Les lois sacrales délimiteront Israël comme peuple saint. Mais ici il n’y a pas de lois sacrales,

les 10 commandements qui ne sont pas des lois sacrales, sont humaines, mais pas pour

autant naturelles parce que le décalogue est le document de l’alliance du fait que le peuple

entre en contact avec Dieu. C’est le document écris de l’alliance. « Je suis le seigneur ton

Dieu ». Le but est de montrer quels sont les rapports salvifique entre Dieu et son Peuple. Le

décalogue est comme mettre la balle dans le camps d’Israël : maintenant tu dois

correspondre au rapport avec moi pour continuer avec moi.

Il ne faut pas se prosterner devant d’autres dieux est parce que Dieu est jaloux : c’est un

unicum dans l’histoire des religions, aucun autre dieu ne se présente comme intolérant.

C’est la route vers le monothéisme ; le décalogue est donc l’expression de cette intolérance

de Dieu. C’est une déclaration d’amour fougueuse.

.

Ex 20,22 à Ex 23,36 : le texte législatif donné à Moïse de l’alliance.

Ex 24,7 il est appelé livre de l’alliance : il est lu par Moïse devant le peule au moment

du sacrifice de l’alliance.

Comment est structuré ce code ?

Il y a une subdivision de Ex 21,1 qui fini en Ex 22,17 c’est la section des Mispatim en effet en

Ex 21,1 on trouve : « Voici les lois [mispatim] que tu leur donneras » ; ce sont des normes. Le

style de cette section est casuistique.

On peut reconnaître la différence entre des lois casuistiques et des lois apodictiques. Les lois

casuistiques se présentent comme solution d’un cas concret. Les lois apodictiques au

contraire se trouvent dans le bassin oriental, surtout dans les document d’alliance : elles

sont plus générales et regardent le droit sacré.

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La partie de Ex 20,3-23.33 est caractéristique par les malédictions et bénédictions. C’est en

parallèle avec la fin du Deutéronome. Les lois apodictiques réclament un sitz im leben de

type cultuel caractérisé par un type de l’alliance.

Ex 20,24 : « Tu me feras un autel de terre sur quoi immoler tes holocaustes et tes sacrifices de

communion, ton petit et ton gros bétail. En tout lieu où je rappellerai mon nom, je viendrai à

toi et je te bénirai ».

On souligne le lieu où il faut se souvenir de son nom. Mais il n’y a pas encore une

centralisation du lieu de culte. Ces lois cultuelles apodictiques interdisent la profanation du

nom de Dieu, la licence sexuelle (20,26 : « Et tu ne monteras pas à mon autel par des

marches pour n'y pas laisser voir ta nudité »), l’idolâtrie. Par rapport à l’époque de ces textes

on ne peut pas dire grand-chose. En tout cas cela regarde une population qui n’est plus

nomade. Ce n’est plus l’Israël de kadèsh barmé. On ne peut pas exclure en ces textes du

matériel antique.

On ne voit jamais de ville, ce n’est pas une population urbaine. Le premier sujet est l’homme

(ish), quelques fois on parle de baal ou patron, le chef de famille. Il s’agit d’une législation

patriarcale. L’état est le clan, le père de famille. Voilà les choses que l’on peut dire par

rapport à l’époque. Ceci a été fait avant le code Deutéronomiste. Le matériel a été fusionné

par le rédacteur : sans doute il y avait d’abord une narration de l’évènement du Sinaï dans

lesquelles étaient inséré les lois apodictiques. Ensuite, des mispatim ont pu être insérées

lorsque l’on désirait présenter les antiques collections de façon plus adéquate avec la

théologie de l’alliance. Ces collections ont été recollées au Sinaï parce que Israël n’a pas de

législateur et on insère ces lois dans le Sinaï pour donner un lien. L’autorité est donnée à

Dieu. Lorsque cette opération a été faite, c’était peut-être l’époque des tribus du livre des

juges. Ce n’était pas encore un état.

Les mispatim ne sont pas un droit cultuel sacral. Il ne faut pas considérer le code de l’alliance

hors de cela.

Décalogue puis ces lois apodictiques. Les mispatim sont insérés en un deuxième moment. La

vie d’Israël provient toujours de l’alliance. Il n’y a pas d’ordre logique.

Les 9 sections :

1. 20,22-26 : lois sur l’autel

2. 21,1-11 : la loi sur l’esclavage (on entre en 21,1 dans les mispatim)

3. 21,12-17 : lois sur les délits capitaux

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4. 21,18-36 : lois avec les lésions personnelles

5. 21,37-22,16 : lois sur les dommages à la propriété.

6. 22,17-30 : dispositions cultuelles et morales

7. 23,1-9 : procédures judiciaires

8. 23,10-19 : calendrier cultuel

9. 23,20-33 : exhortatif parénétique avec les bénédictions et malédictions.

Du point de vue de la disposition, ce n’est pas totalement au hasard.

La loi sur l’autel et le calendrier sont des corniches de sections.

De 21,1 à 22,16 : série de mispatim sur les rapports interpersonnels

22,17-23,9 : lois apodictiques et les sanctions ne sont pas nommées de façon

systématiques. Elles regardent l’attitude face à Dieu ; elles regardent le for interne si

on veut. Le pouvoir public ne peut pas imposer une moralité.

Le code de l’alliance montre une familiarité avec les traditions légales du moyen orient.

Le plus grand cas est celui du bœuf qui encorne. Nous trouvons cela dans le code

d’Amourapi au § 250-252 et Ex 21,28-31. C’est un délit de sang.

Le code d’Amourapi parle de rendre sous forme pécuniaire.

Mais c’est la même formulation que le code. Ces observations font faire l’hypothèse qu’il y

ait des gens dédiés aux études légales. Cette tradition légale est observée. Ce qui change

c’est le cadre. La théologie de l’alliance et les décrets des rois

1.3.5 Le code Sacerdotal (Ex ; Lv ; Nb)

L’autre grand texte est le code Sacerdotal. Mais tout affronter dans les détails serait long.

Avec les chapitres 25 à 31 de l’Exode nous entrons dans le cœur du Sacerdotal.

Lorsque Moïse monte sur le mont il reçoit les indications pour le tabernacle dont le cœur

sera l’arche de l’alliance qui conservera les tables de l’alliance qui rapportent le décalogue.

Au chapitre 25 de l’Exode il reçoit des indications sur les 4 objets :

1. Arche de l’alliance,

2. son Propitiatoire (kapporet qui signifie couvrir, couvercle, mais c’est aussi le lieu où

se déroule le rite de la propitiation d’où le nom de propitiatoire selon la LXX qui

l’appelle ),

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3. la Ménorah

4. la Table des pains d’offrande.

Au verset 22 : « C'est là que je te rencontrerai. C'est de sur le propitiatoire, d'entre les deux chérubins qui

sont sur l'arche du Témoignage, que je te donnerai mes ordres pour les Israélites »

Parallèle en 29,45 : « Je demeurerai au milieu des Israélites et je serai leur Dieu »

Le tabernacle :

La Torah interdit de porter des vêtements composés de deux matériaux pace que c’est

sacré ; or le seul tissu que l’on peut tisser est la laine. Aussi, ce que l’on appelle la pourpre

est le lin.

Il y a une première tente de lin et une deuxième à l’intérieur de la première. La tente du

centre est divisée en deux parties non égales : dans la première partie se trouve la table des

pains d’offrande, la Ménorah et l’autel des encens ; dans la deuxième partie se trouve le

Saint des Saints qui contient l’arche de l’alliance. Dans l’espace entre la première tente et la

deuxième se trouvent l’autel des sacrifices et la vasque des ablutions pour les prêtres.

Les deux Chérubins sont deux sphinx et non pas des anges comme on peut le penser. Ils

protègent la partie centrale. Au dehors il y a la vasque d’eau de purification et l’autel de

bronze des holocaustes.

On voit donc une ressemblance entre les cultes d’Israël et les peuples d’autours.

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1.3.5.1 Lecture de Exode 25

[1] Yahvé parla à Moïse et lui dit : [2] "Dis aux Israélites de prélever pour moi une contribution. Vous prendrez la contribution de tous ceux que leur cœur incite. [3] Et voici la contribution que vous accepterez d'eux : de l'or, de l'argent et du bronze ; [4] de la pourpre violette et écarlate, du cramoisi, du lin fin et du poil de chèvre ; [5] des peaux de béliers teintes en rouge, du cuir fin et du bois d'acacia ; [6] de l'huile pour le luminaire, des aromates pour l'huile d'onction et l'encens aromatique ; [7] des pierres de cornaline et des pierres à enchâsser dans l'éphod et le pectoral. [8] Fais-moi un sanctuaire, que je puisse résider parmi eux. [9] Tu feras tout selon le modèle de la Demeure et le modèle de son mobilier que je vais te montrer. [10] "Tu feras en bois d'acacia une arche longue de deux coudées et demie, large d'une coudée et demie et haute d'une coudée et demie. [11] Tu la plaqueras d'or pur, au-dedans et au-dehors, et tu feras sur elle une moulure d'or, tout autour. [12] Tu fondras pour elle quatre anneaux d'or, et tu les mettras à ses quatre pieds : deux anneaux d'un côté et deux anneaux de l'autre. [13] Tu feras aussi des barres en bois d'acacia ; tu les plaqueras d'or, [14] et tu engageras dans les anneaux fixés sur les côtés de l'arche les barres qui serviront à la porter. [15] Les barres resteront dans les anneaux de l'arche et n'en seront pas ôtées. [16] Tu mettras dans l'arche le Témoignage que je te donnerai. [17] Tu feras aussi un propitiatoire d'or pur, de deux coudées et demie de long et d'une coudée et demie de large. [18] Tu feras deux chérubins d'or repoussé, tu les feras aux deux extrémités du propitiatoire. [19] Fais l'un des chérubins à une extrémité et l'autre chérubin à l'autre extrémité : tu feras les chérubins faisant corps avec le propitiatoire, à ses deux extrémités. [20] Les chérubins auront les ailes déployées vers le haut et protégeront le propitiatoire de leurs ailes en se faisant face. Les faces des chérubins seront tournées vers le propitiatoire. [21] Tu mettras le propitiatoire sur le dessus de l'arche, et tu mettras dans l'arche le Témoignage que je te donnerai. [22] C'est là que je te rencontrerai. C'est de sur le propitiatoire, d'entre les deux chérubins qui sont sur l'arche du Témoignage, que je te donnerai mes ordres pour les Israélites. [23] "Tu feras une table en bois d'acacia, longue de deux coudées, large d'une coudée et haute d'une coudée et demie. [24] Tu la plaqueras d'or pur, et tu lui feras tout autour une moulure d'or. [25] Tout autour, tu lui feras des entretoises larges d'une palme, et tu feras autour des entretoises une moulure d'or. [26] Tu lui feras quatre anneaux d'or, et tu mettras les anneaux aux quatre angles formés par les quatre pieds. [27] Les anneaux seront placés près des entretoises pour loger les barres qui serviront à porter la table. [28] Tu feras les barres en bois d'acacia et tu les plaqueras d'or ; elles serviront à porter la table. [29] Tu feras ses plats, ses coupes, ses aiguières ainsi que ses bols pour les libations ; c'est d'or pur que tu les feras, [30] et tu placeras toujours sur la table, devant moi, les pains d'oblation. [31] Tu feras un candélabre d'or pur ; le candélabre, sa base et son fût seront repoussés ; ses calices, boutons et fleurs feront corps avec lui. [32] Six branches s'en détacheront sur les côtés : trois branches du candélabre d'un côté, trois branches du candélabre de l'autre côté. [33] La première branche portera trois calices en forme de fleur d'amandier, avec bouton et fleur ; la deuxième branche portera aussi trois calices en forme de fleur d'amandier, avec bouton et fleur ; il en sera ainsi pour les six branches partant du candélabre. [34] Le candélabre lui-même portera quatre calices en forme de fleur d'amandier, avec bouton et fleur : [35] un bouton sous les deux premières branches partant du candélabre, un bouton sous les deux branches suivantes et un bouton sous les deux dernières branches - donc aux six branches se détachant du candélabre.

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[36] Les boutons et les branches feront corps avec le candélabre et le tout sera fait d'un bloc d'or pur repoussé. [37] Puis tu feras ses sept lampes. On montera les lampes de telle sorte qu'elles éclairent en avant de lui. [38] Ses mouchettes et ses cendriers seront d'or pur. [39] Tu le feras, avec tous ses accessoires, d'un talent d'or pur. [40] Regarde et exécute selon le modèle qui t'est montré sur la montagne.

La Ménorah est d’or, il y avait des amandes et une forme de petit arbre. Le reste est une

pure devinette. Si il est précisé les formes en amande, cela signifie que c’est un arbre sacré.

Et l’arbre sacré est la chose la plus commune du bassin du moyen orient. Cette

représentation se trouve en plus dans des centaines de sceaux de l’époque.

Les chérubins sont des espèces de sphinx que l’on retrouve aussi ailleurs avec une fonction

de protection. La table vient de la conception que le culte est la maison de la divinité : table,

siège ou trône. Il manque le lit or « il ne dort ni ne sommeille le gardien d’Israël ».

Cette conception du culte est profondément enracinée dans le style du moyen Orient à

l’époque. En Egypte la statue du Dieu est réveillée : on enlève les sceaux, on la réveille, on la

lave, la parfume, l’habille, la maquille, on lui donne le petit déjeuner et on referme les

portes. En Assyrie et Mésopotamie est aussi particulièrement développé l’aspect du banquet

(trois fois par jours) où on lui offre des viandes de toute sorte, des gâteaux, du vin, de la

bière ; ensuite on met un voile pour la divinité mange en paix, puis on débarrasse. (Il ne faut

pas oublier que les dieux babyloniens créent les hommes pour les servir). On a d’ailleurs

découvert tout un complexe de cuisine auprès de ces temples.

Le sanctuaire est donc semblable. L’arche d’alliance est le conteneur du document d’alliance

entre Dieu et son peuple. Les autres peuples portaient aussi leurs contrats devant la divinité.

D’un côté nous sommes vraiment dans le milieu cultuel de l’époque, mais d’un autre côté le

rédacteur réinterprète et confesse le Dieu d’Israël en certains aspects du culte. La Ménorah

comme arbre sacré doit-elle recevoir un culte au moins comme image de la divinité ? Ici, elle

est déplacé du centre et mis de côté. Souvent on voyait à l’époque des chérubins qui

adoraient et protégeaient l’arbre sacré. Ici ce n’est plus qu’une lampe et cet objet n’est plus

vénéré.

Ici, les pains sont changés une fois par semaine et ce n’est pas un banquet 3 fois par jour.

Pour éviter que Dieu mange et se nourrisse, il est interdit de faire entrer de la nourriture

dans le Saint.

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Le tabernacle d’Exode a existé à un moment dans l’histoire d’Israël. Mais le tabernacle de

l’époque de Moïse devait être autre, déplaçable. Celui-ci ressemble plus aux tabernacles

cananéens. Sinon, où trouver ce matériel précieux ? De plus, pour déplacer le tabernacle il

faut des chars à bœufs, or le bœuf ne survit pas dans le désert. La chèvre est l’animal le

mieux pour cela, mais chèvres et vaches ne peuvent pas vivre ensemble : la vache ne va pas

là où est allée la chèvre ; le chameau est l’animal des madianites par excellence et il n’y en a

pas en Israël. L’âne aussi est la bête de somme par excellence. Tout cela pour dire que c’est

peu probable que ce tabernacle soit celui de l’époque de Moïse. Selon Wellhausen, le

tabernacle est une réduction du temple de Salomon. Mais ce n’est pas vrai, le tabernacle est

plutôt comme ceux des religions d’autour.

Nous avons donc toute une réinterprétation du culte. Le sanctuaire est conçu en clef de la

théologie Sacerdotale. Le tabernacle est un Sinaï, une épiphanie portable. La gloire de Dieu

se manifeste et brûle les offrandes : Lv 9,23s. Dans la signification du tabernacle, il y a la

double mention du shabbat (Ex 35,1). Le shabbat a la même fonction que cet espace vide au

dessus des chérubins : l’homme n’intervient pas avec son œuvre pour permettre à Dieu

d’intervenir et d’entrer en contact avec l’homme. C’est une vision typiquement Yahviste,

Sacerdotale.

Comment s’articule le reste du code Sacerdotal ?

Problème de datation. Pour Wellhausen c’est le dernier à surgir. Mais il y a des doutes et on

pense désormais beaucoup qu’il soit bien plus ancien, voire préexilique, ce qui est un

renversement des propositions.

Le code Sacerdotal peut être réparti comme il suit :

Ex 25-31 et Ex 35-40, tout le Lévitique avec l’exception des chapitres 17-26 qui sont la

source H ou code de sainteté ; Nombre 1,1 à 10,10 ; Nb 15 ; Nb 18-19 ; Nb 26-30 ; Nb

33-36. Ceci n’est pas la totalité du Sacerdotal. Ici nous parlons du code Sacerdotal, ce

qui est loi.

Ce code contient une série disparate de lois que l’on réparti en 19 points :

1. Exode 25-31 et 35-40 : la réalisation du tabernacle

2. Lévitique 1-7 : matériel et lois sur les sacrifices, manuel des sacrifices,

3. Lévitique 8-11 : rituel de la consécration des prêtres et le lois connexes au sacerdoce,

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4. Lévitique 11-16 : loi de pureté :

a. 11 : animal pur et impur,

b. 12 : loi sur l’accouchée,

c. 13 : loi sur la lèpre de l’homme et des vêtements,

d. 14 : le rite de purification et appendice sur la lèpre de la maison,

(En fait ce n’est pas la lèpre que nous appelons comme telle mais plutôt un

psoriasis ; la lèpre est arrivée avec l’armée de Alexandre le grand au 3ème

siècle).

e. 15 : impureté sexuelle de l’homme et la femme,

f. 16 : le rite de Yom Kippour qui expie et purifie tout cela,

Lévitique 17-26 : la source H,

5. Lévitique 27 : les tarifs et les rachats,

6. Nombres 1-5 : Normes sur les lévites et les dispositions du camp,

7. Nombre 6 : complément sur les normes de pureté,

8. Nombre 7 et 8 : les offrandes de la dédicace du temple et la consécration des lévites,

9. Nombre 9 : lois sur la pâque et la description de la nuée,

10. Nombre 10,1-10 : lois sur les Trompettes,

Partie narrative,

11. Nombre 15 : les lois sur les tsitsits ou franges,

12. Nombre 18 : lois sur les fonctions des prêtres et les tarifs (quelle part prendre…),

13. Nombre 19 : histoire de la vache rousse (pour la purification du contact avec des

morts par l’eau lustrale dans laquelle on a mis les cendres de la vache rousse ; celle-ci

doit avoir moins de 3 poils blanc pour être rousse),

14. Nombre 26,1-27,11 : recensement et femme héritière,

15. Nombre 28-29 : les sacrifices selon l’année liturgique,

16. Nombre 30 : les vœux,

17. Nombre 33,50-34,29 : lois sur la répartition du pays,

18. Nombre 35 : la part des lévites dans le pays et les villes de refuge,

19. Nombre 36 : ultérieures dispositions pour le mariage des héritières : seulement dans

la tribu.

Nous voyons un processus législatif en acte ; le cas se trouve d’abord en Nb 27 (principe) et

la réponse vient ensuite en Nb 36 (objection et réponse), donc il y a une évolution.

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C’est un ensemble cohérent. L’homogénéité se recherche du point de vue théologique et par

le style Sacerdotale : précision terminologique qui nous sont opaques, répétitions, formules,

donc un style purement législatif. Le tabernacle est au centre du camp. Les lois décrivent le

culte dans ses rites dans ses temps, lieux et personnel ; la deuxième fonctions de ces lois est

de purifier et de structurer le peuple pour ne pas mettre en danger la présence du Seigneur

dans le camp et que la subsistance du peuple ne soit pas non plus mise en cause par un

mauvais contact entre le sacré et le profane.

Au centre du culte il y a donc le Seigneur. Le deuxième but est de purifier et structurer le

peuple. Sa subsistance n’est ainsi pas remise en cause par un contact avec la divinité.

1.3.5.2 La conception Sacerdotale :

On passe de l’impur au pur et au sacré par une gradation ascendante. On pourrait imaginer

un cercle au centre duquel se trouve Dieu ; on avance donc depuis les limites du cercle vers

le très saint ; à l’extérieur du cercle c’est le profane (le pur) qui constitue le deuxième cercle.

Enfin il y a un troisième cercle que est celui de l’impur. C’est grave ; par exemple le cadavre

est impur et passe indépendamment du contact. Il y a la fameuse lèpre. Les questions

sexuelles.

Est possible un passage du pur au sacré. Par contre ce qui est impossible pour le Sacerdotal

est le contact direct entre l’impur et le sacré. Si cela arrive c’est un désastre. Le code donc

sert à structurer le peuple d’Israël dans son rapport avec le Seigneur. Le médiateur entre la

sphère du sacré et de l’impur est toujours un homme. Ce n’est pas le cadavre qui contamine

le temple, mais l’homme qui est au contact du cadavre : si il y a un cadavre, l’homme doit

s’éloigner pour ne pas contaminer ensuite le temple. C’est très anthropocentrique. Le

problème est l’aspect volontaire ou involontaire de l’acte. L’impureté n’est pas le péché,

n’est pas morale. Un pécheur grave comme un menteur n’est pas impur. Et au contraire, une

personne vertueuse peut être impure. Il y a donc une grande séparation entre la sphère du

péché et celle de l’impureté.

Ce qui est en jeu c’est la connaissance de l’homme. Dans ce cas il se purifie ou non. Ce qui

est grave c’est l’homme qui connaît son impureté et ne fait pas la purification. Dans ce cas

c’est la mort parce que c’est un péché volontaire : le péché porte à la mort, pas l’impureté.

Le code fait des exceptions : des sacrifices. Certains péchés peuvent être réduits à l’état

d’impureté par une confession d’admission ; c’est le cas de certains parjures … il faut enlever

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notre catégorie morale. Il n’y a pas de sacrifice pour un péché, mais certains péchés peuvent

être réduits à l’impureté. Le code Sacerdotale est juridique et liturgique.

Mais alors qu’arrive t-il pour toutes les impuretés des attitudes involontaires et

inconscientes de l’homme ? Parce que la relation entre Dieu et l’homme sera mise en crise

mais le coupable ne le sait pas. Donc Lévitique 16 : Yom Kippour. Eliminer toutes les

impuretés inconscientes et d’éliminer les impuretés conscientes non purifiées qui font

mettre en contact le sacré et le divin. Cette fête expie aussi pour celui impur qui a été mis à

mort impur. C’est un jour de pardon dans le sens qu’il répare les oublis qui créent des

relations difficiles avec Dieu, voire dangereuses.

Aujourd’hui on ne peut plus se purifier de la mort parce qu’il n’y pas plus le sacrifice de la

vache rousse : plus de vache rousse (moins de 3 poils blancs) et plus de temple.

Sur les conséquences désastreuses d’un mauvais rapport avec Dieu nous avons une

illustration en Lv 10,1-3 :

[1] Les fils d'Aaron, Nadab et Abihu, prirent chacun leur encensoir. Ils y mirent du feu sur lequel ils posèrent de l'encens, et ils présentèrent devant Yahvé un feu irrégulier qu'il ne leur avait pas prescrit. [2] De devant Yahvé jaillit alors une flamme qui les dévora, et ils périrent en présence de Yahvé. [3] Moïse dit alors à Aaron : "C'est là ce que Yahvé avait déclaré par ces mots : En mes proches je montre ma sainteté, et devant tout le peuple je montre ma gloire." Aaron resta muet.

Le peuple dans la zone du pur à une structure qui concerne les rapports interpersonnel et

sociaux, les dispositions des tribus sur la terre, la disposition du peuple dans le camp. Le pur

est ce qui est correct.

Le code cherche à interpréter la présence de Dieu dans le temple qui implique la vie du

peuple, la vie sociale. C’est une vision totalisante de la réalité.

1.3.5.3 Le code de sainteté dans le Lévitique chapitre 17-26.

On l’abrège avec la lettre H qui signifie Heiligkeitsgesetz. A partir de K Lostermann, on pense

que ce soit une source indépendante et précédante au code Sacerdotal. Selon Paximadi,les

racine du Sacerdotale vont très en arrière, voire préexilique ; la première forme du

Sacerdotal serait cet source H qui serait post exilique et incorporé à P. Milgrom.

Cette loi de sainteté vient de ce refrain que l’on ne trouve que là « soyez saints parce que

moi je suis saint ».

Lv 11,44 :

La transition entre la première partie du Lévitique et le code Sacerdotal est le chapitre 16

avec le rite de Yom Kippour.

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Le contenu du code de sainteté peut se décrire

1. Chapitres 17-18 : loi sur la boucherie rituelle et les questions sur l’interdiction du

sang ; dans le chapitre 17 on trouve l’affirmation que le sang purifie et chapitre 18 les

relations sexuelles interdites.

2. Chapitres 19-20 : prescriptions sur les questions éthiques et peines correspondantes.

3. Chapitres 21-22 : lois sur les prêtres

4. Chapitres 23-25 : lois sur le culte et particulièrement 25,23-55 : l’appendice sur le

rachat.

5. Chapitre 26 : conclusion homilétique avec bénédictions et malédictions

Ces conclusions homilétiques rappellent la conclusion du code de l’alliance.

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1.4 LE DEUTERONOME

1.4.1 Structure du livre

La structure est constituée de 3 discours de Moïse qui encadrent le corps législatif du livre.

Tout le livre se présente comme le discours d’adieu de Moïse tenu dans les steppes de Moab

immédiatement avant sa mort :

1. Premier discours, Dt 1,1à 4,49 : la narration de l’histoire du peuple de l’Horeb à

Moab.

2. Deuxième discours, Dt 5,1 à 11,32 : le décalogue et l’introduction au livre de la loi en

homilétique.

Dt 12,1 à 26,15 : il y a le livre de la loi qui est le corpus fondamental du Deutéronome,

c’est le code législatif proprement dit.

Dt 26,16-19 : conclusion.

3. Troisième discours, Dt 27,1-28,69 : les bénédictions et les malédictions.

Dt 29,1- 30,20 : les deux voies.

Dt 31,1- 32,12 : le chant de Moïse, les bénédictions aux tribus et la mort de Moïse.

Le code de la loi est inséré dans le discours de Moïse.

1.4.2 Origine du livre.

On le relie à ce qui est écrit dans les chapitre 22 et 23 de 2Roi où l’on découvre le livre de la

loi avec le prêtre et cela donne origine à la réforme du roi Josias ; ce fait est signalé pour l’an

622, 18ème année du règne de Josias. On en a beaucoup discuté, mais les preuves contraires

ne sont pas très significatives. L’histoire rédactionnelle est longue et complexe, mais c’est

unitaire comme histoire religieuse. Dans le Deutéronome nous ne trouvons pas des

éléments du Pentateuque et vice et versa.

Dans un premier moment il y a le Code Deutéronomique et 12,1-26,15 : les normes reprises

dans le code de l’alliance (Ex 21-23).

La caractéristique du code du Deutéronome est de relire les normes du code de l’Alliance sur

la base d’un développement social concret : monarchie, le développement de la complexité

sociale… En ce texte chapitre 12,26 on peut voir l’influence de courant sapiential et de

courant prophétique surtout ; évidement prophétie = Nord d’Israël à partir du 7ème siècle.

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Les chapitres 5-11 et 27-28 particulièrement seraient un code législatif avec une introduction

et une conclusion. La caractéristique du Deutéronome est son ensemble de prédication, une

vraie mosaïque. C’est une anthologie de florilège qui devait avoir son centre dans le

sanctuaire de Sichem (Nord) où l’on vénère ‘El berit avec un rite de renouvellement de

l’alliance. Les protagonistes étaient sûrement les lévites. C’est semblable à d’autres choses

dans le Ancien Testament ; les Rékabites par exemple conservent le jéhovisme dans un état

parfait, originaire. Ici nous sommes peut-être dans le même cas, durant la fête de

renouvellement de l’alliance à Sichem. (Cf. Mowinkel). C’est la première étape du

Deutéronome.

La deuxième étape de la rédaction se produit après la chute de Samarie (722) : le premier

texte passa à Jérusalem sous le règne d’Ezéchias (716-687) et il est ensuite oublié sous le

Règne de Manassé et Amon et redécouvert en 622 sous Josias (640-609) qui en fait un peu

comme la constitution du règne.

La troisième étape est la déportation de Jérusalem (587). C’est en cette phase que le

Deutéronome reçoit une prémisse ,1-4, et une conclusion, 29-34.

1.4.3 Concepts fondamentaux du Deutéronome :

L’idée fondamentale est la dialectique entre élection, alliance et loi. Le Deutéronome est un

livre de loi, c’est un livre légal. Le Deutéronome a cependant une approche différente de

celle de saint Paul dans le sens de loi.

Il faut dire que tous les commandements du Deutéronome sont d’aimer le Seigneur et de ne

rester fidèle qu’à lui.

Cette exhortation assume la forme littéraire d’un traité entre le seigneur et son vassal,

comme c’était commun dans le Moyen Orient.

Une partie dispositive ici le code (12-26).

Une partie de bénédictions et malédiction, ici aussi (27-28).

Ceci sert à exprimer le concept de base que le Seigneur, bien que le Seigneur du ciel et de la

terre, s’est lié par amour à la race du peuple d’Abraham. On peut donc l’appeler le Seigneur,

le Dieu d’Israël. La Seigneurie cosmique se fait dans le choix du peuple d’Israël

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Deutéronome 7,7-9 :

[7] Si Yahvé s'est attaché à vous et vous a choisis, ce n'est pas que vous soyez le plus nombreux de

tous les peuples : car vous êtes le moins nombreux d'entre tous les peuples. [8] Mais c'est par amour

pour vous et pour garder le serment juré à vos pères, que Yahvé vous a fait sortir à main forte et t'a

délivré de la maison de servitude, du pouvoir de Pharaon, roi d'Egypte. [9] Tu sauras donc que Yahvé

ton Dieu est le vrai Dieu, le Dieu fidèle qui garde son alliance et son amour pour mille générations à

ceux qui l'aiment et gardent ses commandements.

A la base il y a une gratuité de l’amour de Dieu. L’idée fondamentale est la dialectique entre

élection, alliance et loi. La loi n’est pas entendue dans le sens de saint Paul, ici tous les

commandements illustrent la fidélité à Dieu et l’amour envers lui.

La forme est celle d’un traité entre le Seigneur et son vassal. La loi est la condition de la

sainteté, c'est-à-dire de l’élection et elle doit être pratiquée par toute la personne. Dieu ne

demande pas de prestations, aussi le culte est une reconnaissance de la part d’Israël que

tout vient de Dieu et que tout est don gratuit. Même la loi est conçue comme un don gratuit

de Dieu. La loi fonde le peuple au dessus des autres et confère la sagesse au peuple.

Deutéronome 4,6-8 :

[6] Gardez-les et mettez-les en pratique, ainsi serez-vous sages et avisés aux yeux des peuples. Quand ceux-ci auront

connaissance de toutes ces lois, ils s'écrieront : "Il n'y a qu'un peuple sage et avisé, c'est cette grande nation !"

[7] Quelle est en effet la grande nation dont les dieux se fassent aussi proches que Yahvé notre Dieu l'est pour nous

chaque fois que nous l'invoquons ?

[8] Et quelle est la grande nation dont les lois et coutumes soient aussi justes que toute cette Loi que je vous prescris

aujourd'hui ?

L’idée centrale est aussi la centralité du Culte qui est la pierre de vérification de la fidélité.

Nous sommes dans une culture où la pluralité de culte implique la pluralité des divinités.

Baal Hadad était le dieu de la tempête. L’unicité du lieu de culte montre l’unicité de Dieu. Le

Deutéronome veut un Dieu, un sanctuaire, un peuple, une Torah, une loi : Deut 6.

1.4.4 Lecture de Deut 6, 1-9 :

[1] Tels sont les commandements, les lois et les coutumes que Yahvé votre Dieu a ordonné de vous

enseigner, afin que vous les mettiez en pratique dans le pays dont vous allez prendre possession.

[2] Ainsi, si tu crains Yahvé ton Dieu tous les jours de ta vie, si tu observes toutes ses lois et ses

commandements que je t'ordonne aujourd'hui, tu auras longue vie, toi, ton fils et le fils de ton fils.

[3] Puisses-tu écouter, Israël, garder et pratiquer ce qui te rendra heureux et te multipliera, ainsi que

te l'a dit Yahvé, le Dieu de tes pères, en te donnant une terre qui ruisselle de lait et de miel !

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[4] Ecoute, Israël : Yahvé notre Dieu est le seul Yahvé.

[5] Tu aimeras Yahvé ton Dieu de tout ton cœur, de toute ton âme et de tout ton pouvoir.

[6] Que ces paroles que je te dicte aujourd'hui restent dans ton cœur !

[7] Tu les répéteras à tes fils, tu les leur diras aussi bien assis dans ta maison que marchant sur la

route, couché aussi bien que debout ;

[8] tu les attacheras à ta main comme un signe, sur ton front comme un bandeau ;

[9] tu les écriras sur les poteaux de ta maison et sur tes portes.

Ce texte est un peu le cœur de la théologie Deutéronomiste, comme l’est le Pater pour nous.

Le Shema. Il part d’une invitation à l’écoute. Par là est mis en lumière le lien avec la tradition

sapientiale. C’est l’invitation à l’écoute dans un rapport éducatif entre Père/fils ou

Maître/disciple, supérieur/inférieur. La caractéristique de ces textes est donc le caractère

d’instruction.

Dans le Deutéronome, cette tradition sapientiale réapparaît donc. Sauf que c’est Dieu lui-

même qui adresse son message à Israël : rapport de filialité et de discipulance. C’est là la

nouveauté : ce nouveau rapport. Il n’existe pas un peuple auquel est adressé un message

semblable ; ce rapport personnel avec la divinité est d’habitude réservé à quelques

personnes. Ici c’est tout le peuple. C’est donc innovateur.

V. 4 : le Seigneur est le seul Seigneur. Ce n’est pas une affirmation de monothéisme. Cette

conscience d’un monothéisme théorique n’est pas encore présente à cette époque. Ici c’est

une opposition entre les phénomènes de baalisation du Dieu d’Israël et le Dieu lui-même.

Les lieux différents de culte avaient fragmenté la vision du Dieu d’Israël et il prenait des

traits de baal. L’idée d’alliance est mise en crise par cette fragmentation ; le Seigneur est

l’unique Seigneur et il est épuré de la fragmentation qui l’assimilait avec d’autres divinités.

Il est Un, il s’adresse à son peuple comme un père à son fils, comme un maître à son disciple.

L’attitude correcte d’Israël sera donc un amour qui embrase tout : tout ton cœur, de toute

ton âme et de tout ton pouvoir : littéralement les viscères, le cœur, l’âme. L’âme néphesh est

la vie de l’homme comme respirant (les êtres vivants respirent tous donc ils ont une âme :

animaux, hommes… mais pas les plantes car elle ne respirent pas), pour nous ce serait la vie,

mais pas ce que nous entendons en disant que l’âme est la forme substantielle du corps. On

voit donc la totalité de la personne dans sa disponibilité économique et sociale qui doit être

prise par l’amour de Dieu. Amour ‘ahab est un concept à deux valeurs : un pour décrire les

affections de la famille (relation parents/enfants), mais c’est aussi le rapport entre le

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seigneur et son vassal, une sorte d’amour imposé. Dans ce cas c’est une obéissance, une

fidélité…

V. 6 : le plan de l’observation des préceptes. La sphère de l’intériorité n’est pas

abandonnée : cœur. C’est donc maintenir les paroles du Seigneur (décalogue et toute la loi)

avec le cœur. Il faut maintenir les paroles avec le cœur ; on peut noter le aujourd’hui : c’est

dans l’instant présent que l’on maintient le rapport avec Dieu. Le midrash dit que tout juif

doit obéir de la même manière que si en ce moment il se trouvait au Sinaï à recevoir cette

parole. L’évènement du Sinaï s’étend à tout le temps par l’obéissance du juif en ce moment.

C’est le concept de la mémoire. Le verbe zahar le manifeste ; l’évènement historique se

manifeste dans l’action présente. C’est l’expérience d’aujourd’hui. En accomplissant la

mitzva le juif rend Dieu présent. Le juif doit la répéter toujours et partout. Il doit le mettre

sur les montants des portes. Ceci donnera l’usage de la mezuzah. Pour toute l’antiquité la

porte est un lieu dangereux car c’est le lieu de communication entre deux lieux : le lieu du

pur et de l’impur ; du bien et du mal… C’est pour cela que la porte a toujours eu des

attentions particulières dans les cultes (même chez les romains ou ailleurs). La porte devient

ici le symbole qu’il n’y a pas de différence entre l’intérieur et l’extérieur pour observer la loi.

La loi doit être observée partout et toujours. Il y a une permanence dans le temps. Ceci se

fait par l’enseignement que le juif en fait aux nouvelles générations : la transmettre et

l’enseigner. Cette loi est le point unificateur de la vie du juif. La vie du juif est unifiée par

l’observation de la loi.

Là se trouve le cœur du Deutéronomiste.

Le devoir de l’amour de Dieu est une nécessité de moyen : si l’homme n’aime pas Dieu il

n’existe pas comme homme orienté vers sa fin. La liberté pour saint Thomas est d’adhérer à

la fin. L’homme n’est pas libre si il se détache de Dieu. Adhérer à Dieu est un devoir :

l’homme ne peut pas ne pas aimer Dieu.

2. L’HISTOIRE DEUTERONOMISTE

Les prophètes antérieurs selon le canon hébreu : Josué, Juges, 1Samuel, 2Samuel, 1Roi et

2Roi. Ceci ne correspond pas à nos livres historiques. (+Tobie, Judith et Esther).

Les postérieurs : Isaïe, Ezéchiel et Jérémie + les douze petits Prophètes.

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Ces prophètes antérieurs ont des rapports complexes avec les livres qui les précèdent, plus

que l’on pourrait le voir.

2.1 Exateuque ou Tétrateuque ?

Proposition de Otto Eissfeldt :

Même le livre de Josué aurait la même division en source que le reste du Pentateuque : on

peut trouver l’Elohiste, le Sacerdotal et le Deutéronomiste. Josué serait la vraie conclusion

du Pentateuque qui serait l’histoire d’Israël depuis la création du monde jusqu'à l’installation

en terre promise. Le Pentateuque serait donc un Hexateuque. Même Josué est donc soumis

à la division des sources. C’est une théorie présente depuis longtemps, mais de fait elle ne

fut jamais totalement acceptée. En premier lieu le postulat d’Eissfeldt qu’il y ait des sources

différentes repose sur l’idée déjà hypothétique en soi des sources elles-mêmes qui sont déjà

discutées et plus ou moins acceptées. Le problème est la division en sources en Josué.

L’hypothèse d’étendre cette théorie des sources à Josué est donc difficile. En second lieu il y

a un problème rédactionnel. Nous avons Genèse, Exode, Lévitique, Nombre, Deutéronome

et Josué. Or, Deutéronome est un peu la clef de lecture pour tout ce qui suit. De plus de

Genèse à Nombre il n’y a aucune influence de la théologie Deutéronomiste, mais plutôt de la

théologie Sacerdotale. A partir du Deutéronome, nous avons la disparition du Sacerdotal,

mais nous avons l’influence du Deutéronomiste qui influence Josué et encore les livres qui

suivent (Roi…). Cette théorie d’Eissfeldt est donc bancale.

Théorie de Martin Noth

Pour suppléer à ce problème sur la fonction du Deutéronome dans ce corpus, Martin Noth a

proposer une théorie plutôt rare : elle est universellement acceptée !

Cette théorie dit que le Deutéronome ne serait pas le dernier livre du Pentateuque, mais le

prologue d’une œuvre qui s’étend du Deutéronome à 2Roi et qu’il appelle Histoire

Deutéronomiste. Les premiers livres de la Bible seraient donc un Tétrateuque.

Selon Martin Noth, l’auteur aurait uni différentes sources. L’idée est en résumé que les bons

sont ceux qui sacrifient dans le Temple les mauvais ceux qui sacrifient ailleurs. Tout cela est

dû à la clef de lecture de l’auteur Deutéronomiste ; il n’est pas possible de trouver des

strates continues de tradition. Ce matériel est donc unifié dans cette œuvre. C’est un

rédacteur d’une école Deutéronomiste qui considère le Deutéronome comme fondamental,

mais il en restreint la portée. C’est un peu une scholastique du Deutéronome.

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Selon cette vision aujourd’hui prévalente, cette œuvre serait du temps de Josias qui englobe

du matériel plus antique comme l’histoire de l’accès au trône de David qui serait d’un auteur

contemporain de l’évènement au 8ème siècle et qui est inséré ; le cycle d’Elie ; elle serait

revue durant l’exil à la lumière des évènements de la chute de Juda ; un terminus post-quem

qui est l’emprisonnement de Joiaqim, avant dernier roi (2Roi 25,27). Cet évènement est

environ en 560. L’histoire ignore l’édit de Cyrus en 538 car il n’en parle pas. Donc il est

impossible que l’auteur l’ait connu. Le terminus ante quem est donc 538. C’est donc une

œuvre exilique, pas post exilique, comme dernière rédaction. Soit rédaction au 7ème siècle

sous Josias et qui est revu après l’incarcération de Joiaqim et avant l’édit de Cyrus. On parle

de la rédaction et non des sources qui sont plus anciennes. Nous avons donc la montée de

David, le cycle d’Elie, des récits populaires, des éléments d’archives : 1Roi 4, 7-19

[7] Salomon avait douze préfets sur tout Israël, qui approvisionnaient le roi et sa maison ; il revenait à chacun d'y pourvoir un mois par an. [8] Voici leurs noms : Fils de Hur, dans la montagne d'Ephraïm. [9] Fils de Déqer, à Mahaç, Shaalbim, Bet-Shémesh, Ayyalôn, Bet-Hanân. [10] Fils de Hésed, à Arubbot ; il avait Soko et tout le pays de Héphèr. [11] Fils d'Abinadab : tous les coteaux de Dor. Tabaat, fille de Salomon, fut sa femme. [12] Baana fils d'Ahilud, à Tanak et Megiddo jusqu'au-delà de Yoqméam, et tout Bet-Shéân au-dessous de Yizréel, depuis Bet-Shéân jusqu'à Abel-Mehola, qui est vers Cartân. [13] Fils de Géber, à Ramot de Galaad ; il avait les Douars de Yaïr, fils de Manassé, qui sont en Galaad ; il avait le territoire d'Argob qui est en Bashân, 60 villes fortes, emmurées et verrouillées de bronze. [14] Ahinadab fils d'Iddo, à Mahanayim. [15] Ahimaaç, en Nephtali ; lui aussi épousa une fille de Salomon, Basmat. [16] Baana fils de Hushaï, dans Asher et aux falaises. [17] Yehoshaphat fils de Paruah, en Issachar. [18] Shiméï fils d'Ela, en Benjamin. [19] Géber fils d'Uri, au pays de Gad, le pays de Sihôn roi des Amorites et d'Og roi du Bashân. En plus, il y avait un préfet qui était dans le pays.

A partir du v12 reviennent les noms annoncés au début : le texte était sur deux colonnes et

une colonne était détruite donc il manque des noms.

En Roi on cite les Actes de Salomon, les Livres des Chroniques des Rois d’Israël et le Livre des

Chroniques des Rois de Juda ; ces livres existait à l’époque, surtout qu’après la chute de

Samarie les archives sont transportées en Juda, ce qui donne un matériel intéressant à notre

auteur.

Cette hypothèse de Noth a été massivement acceptée, avec quelques nuances. C’est un fait

rare que les exégètes soient d’accord.

Par contre sur le problème du Tétrateuque, Noth n’a pas eu l’unanimité : si on sépare

Nombres de Deutéronome, la fin n’est pas excellente : les filles de Zélophcad.

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La queue aurait été éliminée : c’est ce que soutient Noth. Un Tétrateuque avec une finale

que nous n’avons plus. Puis une histoire Deutéronomiste indépendante. Plus tard le

Tétrateuque aurait été uni, mais comme il y a avait deux histoires de siège, on a coupé le

texte pour les unir et les filles de Zélophcad sont la fin. Telle est la pensée de Noth. Mais

c’est peu crédible vu qu’à l’époque il n’y a pas de canon. D’un point de vu canonique le

Deutéronome détermine tout ce qui suit, mais il est aussi lié quand même avec ce qui

précède d’un point de vue cohérence. Donc que doit-on penser ? On pense à une seule

œuvre littéraire dans laquelle le Deutéronome fait charnière. Non pas un Tétrateuque, mais

une seule œuvre, de la Genèse à 2Roi et le Deutéronome serait la charnière, le point

d’équilibre de cette œuvre en deux volumes. L’histoire Deutéronomiste commencerait donc

à la Genèse, le Deutéronome conclu une première période.

[Pour Paximadi : le Sacerdotal est préexilique et non post exilique ; l’exil n’a duré que 50 ans

et tout n’a pas pu être fait durant cette époque]. Il y a une histoire de la création et à

l’intérieur le Pentateuque en tant que tel a sa fonction particulière.

2.2 La Théologie de l’histoire ; le but de cette vision Deutéronomiste

A cette grande thèse de fond : narrer l’histoire pour montrer comment le peuple est arrivé à

cette expérience de l’exil. Tant Israël que Juda furent coupable de faute cultuelle tellement

nombreuses qu’il fallait cette punition de l’exil. La faute des souverains qui a déchaîné la

colère de Dieu. Or on ne peut pas parler de centralité du culte à Jérusalem avant Josias. Je

pêche contre la centralité du lieu de culte, je pêche contre Dieu. C’est la base du jugement

contre les rois. Quelques personnages sont le paradigme de la fidélité. Le premier est Josué

qui est le chef adapté pour Israël, il est successeur de Moïse et continuateur de sa mission

mais à un autre degré. On recommande son exemple pour l’application de la loi : Jos 1,8 :

« Que le livre de cette Loi soit toujours sur tes lèvres : médite-le jour et nuit afin de veiller à

agir selon tout ce qui y est écrit. C'est alors que tu seras heureux dans tes entreprises et

réussiras ».

Josué est intransigeant dans les lois de la guerre sainte Jos 6,17-21 :

[17] "La ville sera dévouée par anathème à Yahvé, avec tout ce qui s'y trouve. Seule Rahab, la prostituée, aura la

vie sauve ainsi que tous ceux qui sont avec elle dans sa maison, parce qu'elle a caché les émissaires que nous

avions envoyés.

[18] Mais vous, prenez bien garde à l'anathème, de peur que, poussés par la convoitise, vous ne preniez quelque

chose de ce qui est anathème, car ce serait rendre anathème le camp d'Israël et lui porter malheur.

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[19] Tout l'argent et tout l'or, tous les objets de bronze et de fer seront consacrés à Yahvé, ils entreront dans son

trésor."

[20] Le peuple poussa le cri de guerre et l'on sonna de la trompe. Quand il entendit le son de la trompe, le peuple

poussa un grand cri de guerre, et le rempart s'écroula sur place. Aussitôt le peuple monta vers la ville, chacun

devant soi, et ils s'emparèrent de la ville.

[21] Ils dévouèrent à l'anathème tout ce qui se trouvait dans la ville, hommes et femmes, jeunes et vieux,

jusqu'aux taureaux, aux moutons et aux ânes, les passant au fil de l'épée.

La transgression de cette loi impliquera la répudiation de la maison de Saül qui est le premier

souverain. La loi de Herem : tout est consacré à Dieu. Beaucoup de traits de Josué

ressemblent à Moïse. La Blitzkrieg de Josué est une image contrastée par ce que dit Juges.

Suite à la situation peccamineuse il y a une punition : la défaite d’Israël.

Jg 13,1 : « Les Israélites recommencèrent à faire ce qui est mal aux yeux de Yahvé, et

Yahvé les livra aux mains des Philistins pendant 40 ans »

Grâce au retour vers le Seigneur vient le Sauveur.

Les livres de Samuel et des Rois passe en revue les différents rois et en donne un jugement.

Les seuls acceptés de façon inconditionnée sont Ezéchias et Josias. Mais David est le fidèle,

l’obéissant (le Deutéronomiste ne parle pas de la morale de David, mais distingue). A partir

de Salomon, les rois ne réussissent pas à suivre la voie de David. Jéroboam I est le paradigme

des rois de Juda. Son péché sera un exemple d’horreur pour les suites.

Que sont les prophètes : les voix de Dieu pour le peuple afin qu’il reprenne la juste voie.

Il n’est pas exclu que le Deutéronomiste ait utilisé des sources qui fussent déjà unifiées ou

élaborées par des auteurs de petites écoles.

L’auteur encadre les sources dans son schéma, les interprète, mais les respecte. C’est

intéressant. La sortie de cela est une œuvre qui est mémoire du passé dans laquelle Dieu

s’est fait proche de son peuple. Il y a un jugement en fonction de cette situation ; 29,28.

2.3 La théologie de l’histoire à l’œuvre

2.3.1 Lecture de Juges 2,6-23 ; le jugement sur la période des juges

[6] Alors Josué congédia le peuple et les Israélites se rendirent chacun dans son héritage pour occuper le pays. [7] Le peuple servit Yahvé pendant toute la vie de Josué et toute la vie des anciens qui survécurent à Josué et qui avaient connu toutes les grandes œuvres que Yahvé avait opérées en faveur d'Israël. [8] Josué, fils de Nûn, serviteur de Yahvé, mourut à l'âge de 110 ans. [9] On l'ensevelit dans le domaine qu'il avait reçu en héritage à Timnat-Hérès, dans la montagne d'Ephraïm, au nord du mont Gaash.

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[10] Et quand cette génération à son tour fut réunie à ses pères, une autre génération lui succéda qui ne connaissait point Yahvé ni ce qu'il avait fait pour Israël. [11] Alors les enfants d'Israël firent ce qui est mal aux yeux de Yahvé et ils servirent les Baals. [12] Ils délaissèrent Yahvé, le Dieu de leurs pères, qui les avait fait sortir du pays d'Egypte, et ils suivirent d'autres dieux parmi ceux des peuples d'alentour. Ils se prosternèrent devant eux, ils irritèrent Yahvé, [13] ils délaissèrent Yahvé pour servir le Baal et les Astartés. [14] Alors la colère de Yahvé s'enflamma contre Israël. Il les abandonna à des pillards qui les dépouillèrent, il les livra aux ennemis qui les entouraient et ils ne purent plus tenir devant leurs ennemis. [15] Dans toutes leurs expéditions la main de Yahvé intervenait contre eux pour leur faire du mal, comme Yahvé le leur avait dit et comme Yahvé le leur avait juré. Leur détresse était extrême. [16] Alors Yahvé leur suscita des juges qui les sauvèrent de la main de ceux qui les pillaient. [17] Mais même leurs juges, ils ne les écoutaient pas, ils se prostituèrent à d'autres dieux, et ils se prosternèrent devant eux. Bien vite ils se sont détournés du chemin qu'avaient suivi leurs pères, dociles aux commandements de Yahvé ; ils ne les ont point imités. [18] Lorsque Yahvé leur suscitait des juges, Yahvé était avec le juge et il les sauvait de la main de leurs ennemis tant que vivait le juge, car Yahvé se laissait émouvoir par leurs gémissements devant leurs persécuteurs et leurs oppresseurs. [19] Mais le juge mort, ils recommençaient à se pervertir encore plus que leurs pères. Ils suivaient d'autres dieux, les servaient et se prosternaient devant eux, ne renonçant en rien aux pratiques et à la conduite endurcie de leurs pères. [20] La colère de Yahvé s'enflamma alors contre Israël et il dit : "Puisque ce peuple a transgressé l'alliance que j'avais prescrite à ses pères et qu'il n'a pas écouté ma voix, [21] désormais je ne chasserai plus devant lui aucune des nations que Josué a laissé subsister quand il est mort", [22] afin de mettre par elles Israël à l'épreuve, pour voir s'il suivra ou non les chemins de Yahvé comme les ont suivi ses pères. [23] C'est pourquoi Yahvé a laissé subsister ces nations, il ne s'est point hâté de les chasser et ne les a pas livrées aux mains de Josué.

La mort de Josué ouvre un problème grave. Le peuple n’est pas capable d’être fidèle au

Seigneur. Israël oublie et n’écoute pas (shamor ve zaror) ; le bon chef est celui qui maintient

Israël dans l’alliance et le souvenir de son Dieu ; la défaite n’est que la conséquence de

l’apostasie de la trahison. Le rôle de Moïse est non substituable. Il est la conscience

populaire. Josué meurt et la chute dans l’idolâtrie est inévitable et Dieu punit certainement :

la rétribution est très forte. Le don des chefs charismatiques est présenté comme une libre

initiative de Dieu envers un peuple ingrat et aveugle. Dieu est décris comme un Père qui

punit, qui reproche un fils rebelle qui reste tout de même son fils. Nous voyons quand même

un unilatéralisme de l’alliance, ce qui offre la possibilité de transcender la catastrophe

historique. Le v. 19 // 4,1 ; 6,1 ; 8,33 etc… C’est le fil conducteur Deutéronomiste qui permet

de donner une lecture théologique.

2.3.2 Lecture de 1Sam 8-9 : le débat sur la monarchie

[1] Lorsque Samuel fut devenu vieux, il établit ses fils comme juges en Israël. [2] Son fils aîné s'appelait Yoël et son cadet Abiyya ; ils étaient juges à Bersabée.

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[3] Mais ses fils ne suivirent pas son exemple : ils furent attirés par le gain, acceptèrent des présents et firent fléchir le droit. [4] Tous les anciens d'Israël se réunirent et vinrent trouver Samuel à Rama. [5] Ils lui dirent : "Tu es devenu vieux et tes fils ne suivent pas ton exemple. Eh bien ! établis-nous un roi pour qu'il nous juge, comme toutes les nations." [6] Cela déplut à Samuel qu'ils aient dit : "Donne-nous un roi, pour qu'il nous juge", et il invoqua Yahvé. [7] Mais Yahvé dit à Samuel : "Satisfais à tout ce que te dit le peuple, car ce n'est pas toi qu'ils ont rejeté, c'est moi qu'ils ont rejeté, ne voulant plus que je règne sur eux. [8] Tout ce qu'ils m'ont fait depuis le jour où je les ai fait monter d'Egypte jusqu'à maintenant - ils m'ont abandonné et ont servi des dieux étrangers - ils te le font aussi. [9] Eh bien, satisfais à leur demande. Seulement, tu les avertiras solennellement et tu leur apprendras le droit du roi qui va régner sur eux." [10] Samuel répéta toutes les paroles de Yahvé au peuple qui lui demandait un roi. [11] Il dit : "Voici le droit du roi qui va régner sur vous. Il prendra vos fils et les affectera à sa charrerie et à ses chevaux et ils courront devant son char. [12] Il les emploiera comme chefs de mille et comme chefs de 50 ; il leur fera labourer son labour, moissonner sa moisson, fabriquer ses armes de guerre et les harnais de ses chars. [13] Il prendra vos filles comme parfumeuses, cuisinières et boulangères. [14] Il prendra vos champs, vos vignes et vos oliveraies les meilleures et les donnera à ses officiers. [15] Sur vos cultures et vos vignes, il prélèvera la dîme et la donnera à ses eunuques et à ses officiers. [16] Les meilleurs de vos serviteurs, de vos servantes et de vos boeufs, et vos ânes, il les prendra et les fera travailler pour lui. [17] Il prélèvera la dîme sur vos troupeaux et vous-mêmes deviendrez ses esclaves. [18] Ce jour-là, vous pousserez des cris à cause du roi que vous vous serez choisi, mais Yahvé ne vous répondra pas, ce jour-là !" [19] Le peuple refusa d'écouter Samuel et dit : "Non ! Nous aurons un roi [20] et nous serons, nous aussi, comme toutes les nations : notre roi nous jugera, il sortira à notre tête et combattra nos combats." [21] Samuel entendit toutes les paroles du peuple et les redit à l'oreille de Yahvé. [22] Mais Yahvé lui dit : "Satisfais à leur demande et intronise-leur un roi." Alors Samuel dit aux hommes d'Israël : "Retournez chacun dans sa ville." [I Samuel 9] [1] Il y avait, parmi les Benjaminites, un homme qui s'appelait Qish, fils d'Abiel, fils de Ceror, fils de Bekorat, fils d'Aphiah ; c'était un Benjaminite, homme de condition. [2] Il avait un fils nommé Saül, qui était dans la fleur de l'âge et beau. Nul parmi les Israélites n'était plus beau que lui : de l'épaule et au-dessus, il dépassait tout le monde. [3] Les ânesses appartenant à Qish, père de Saül, s'étant égarées, Qish dit à son fils Saül : "Prends avec toi l'un des serviteurs et va, pars à la recherche des ânesses." [4] Ils traversèrent la montagne d'Ephraïm, ils traversèrent le pays de Shalisha sans rien trouver ; ils traversèrent le pays de Shaalim : elles n'y étaient pas ; ils traversèrent le pays de Benjamin sans rien trouver. [5] Lorsqu'ils furent arrivés au pays de Cuph, Saül dit au serviteur qui l'accompagnait : "Allons ! Retournons, de peur que mon père ne laisse les ânesses pour s'inquiéter de nous." [6] Mais celui-ci lui répondit : "Voici qu'un homme de Dieu habite cette ville-là. C'est un homme réputé : tout ce qu'il dit arrive sûrement. Allons-y donc, peut-être nous éclairera-t-il sur le voyage que nous avons entrepris." [7] Saül dit à son serviteur : "A supposer que nous y allions, qu'offrirons-nous à l'homme ? Le pain a disparu de nos sacs et nous n'avons pas de rétribution à offrir à l'homme de Dieu. Qu'avons-nous d'autre ?" [8] Le serviteur reprit la parole et dit à Saül : "Il se trouve que j'ai en main un quart de sicle d'argent, je le donnerai à l'homme de Dieu et il nous éclairera sur notre voyage." [9] Autrefois en Israël, voici ce qu'on disait en allant consulter Dieu : "Allons donc chez le voyant", car au lieu de "prophète" comme aujourd'hui on disait autrefois "voyant." [10] Saül dit à son serviteur : "Tu as bien parlé, allons donc !" Et ils allèrent à la ville où se trouvait l'homme de Dieu.

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[11] Comme ils gravissaient la montée de la ville, ils rencontrèrent des jeunes filles qui sortaient pour puiser l'eau et ils leur demandèrent : "Le voyant est-il là ?" [12] Elles leur répondirent en ces termes : "Il est là, il t'a juste précédé. Hâte-toi maintenant : il est venu aujourd'hui en ville, car il y a aujourd'hui un sacrifice pour le peuple sur le haut lieu. [13] Dès que vous entrerez en ville, vous le trouverez avant qu'il ne monte au haut lieu pour le repas. Le peuple ne mangera pas avant son arrivée, car c'est lui qui doit bénir le sacrifice ; après quoi, les invités mangeront. Maintenant, montez : vous le trouverez sur l'heure." [14] Ils montèrent donc à la ville. Comme ils entraient dans la porte, Samuel sortait à leur rencontre pour monter au haut lieu. [15] Or, un jour avant que Saül ne vînt, Yahvé avait fait cette révélation à Samuel : [16] "Demain à pareille heure, avait-il dit, je t'enverrai un homme du pays de Benjamin, tu lui donneras l'onction comme chef de mon peuple Israël, et il délivrera mon peuple de la main des Philistins, car j'ai vu la misère de mon peuple et son cri est venu jusqu'à moi." [17] Et quand Samuel aperçut Saül, Yahvé lui signifia : "Voilà l'homme dont je t'ai dit : C'est lui qui jugera mon peuple." [18] Saül aborda Samuel au milieu de la porte et dit : "Indique-moi, je te prie, où est la maison du voyant." [19] Samuel répondit à Saül : "Je suis le voyant. Monte devant moi au haut lieu. Vous mangerez aujourd'hui avec moi. Je te dirai adieu demain matin et je t'expliquerai tout ce qui occupe ton cœur. [20] Quant aux ânesses que tu as perdues il y a trois jours, ne t'en inquiète pas : elles sont retrouvées. D'ailleurs, à qui revient toute la richesse d'Israël ? N'est-ce pas à toi et à toute la maison de ton père ?" [21] Saül répondit ainsi : "Ne suis-je pas un Benjaminite, la plus petite des tribus d'Israël, et ma famille n'est-elle pas la moindre de toutes celles de la tribu de Benjamin ? Pourquoi me dire de telles paroles ?" [22] Samuel emmena Saül et son serviteur. Il les introduisit dans la salle et leur donna une place en tête des invités, qui étaient une trentaine. [23] Puis Samuel dit au cuisinier : "Sers la part que je t'ai donnée en te disant de la mettre de côté." [24] Le cuisinier préleva le gigot et la queue, qu'il mit devant Saül, et il dit : "Voilà posé devant toi ce qu'on a laissé. Mange ! ..." Ce jour-là, Saül mangea avec Samuel. [25] Ils descendirent du haut lieu à la ville. On prépara un lit sur la terrasse pour Saül [26] et il se coucha. Dès que parut l'aurore, Samuel appela Saül sur la terrasse : "Lève-toi, dit-il, je vais te dire adieu." Saül se leva, et Samuel et lui sortirent tous deux au-dehors. [27] Ils étaient descendus à la limite de la ville quand Samuel dit à Saül : "Ordonne au serviteur qu'il passe devant nous, mais toi, reste maintenant, que je te fasse entendre la parole de Dieu." -

La succession des juges qui conduit Israël à une infidélité porte le débat ailleurs par le

personnage de Samuel. Il marque un point de passage entre deux époques différentes : celle

où le peuple est jugé par les juges et celle d’un véritable état national. Samuel participe des

caractéristiques des deux époques.

En 1Sam 7,15 il libère et gouverne le peuple ; en 3,20 il est prophète et le Seigneur lui confie

des messages pour le peuple ; au chapitre 8 on voit le problème de la succession de Samuel :

ses fils ne sont pas adaptés : le peuple propose d’élire un roi. Samuel est donc celui qui est

chargé de manifester la décision de Dieu : choisir un roi.

Ce récit par rapport à l’institution de la monarchie est donc entre le chapitre 8 et 9 des Rois.

La majorité des exégètes note un détachement entre le chapitre 8 et le chapitre 9 : aspect

théologique et contexte historique ; le matériel le plus antique est sans doute dans le

chapitre 9. Le mot de roi n’est pas utilisé ; on parle de nagîd qui est plus modeste. On le voit

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mis dans la bouche de Dieu par rapport à ceux qui exercent : 1Sam 10,1 ; 13,14 ; 25,30 ;

2Sam 5,2 ; 6,12 ; 7,8 etc…

Saül est investit par l’Esprit du Seigneur et se retrouve dans l’euphorie propre du

prophétisme antique. Il va chercher les ânesses de son père, à Rama (Ramhallah) il consulte

le voyant (Samuel). Le mot voyant est un usage archaïque du terme. Au verset 9 le rédacteur

insère une glose pour expliquer cette parole qui à cette époque n‘est plus comprise. Durant

le banquet sacrificiel Samuel accomplie une sorte de rite d’intronisation en attribuant à Saül

la portion qui revient à celui qui préside : il l’élève face à ceux qui sont présent (V23). C’est

donc une narration archaïque.

Le chapitre 8 au contraire contient un matériel plus récent qui tient présent le

développement successif de la monarchie en Israël ; le départ est une sorte de péché

originel : le peuple demande un roi, un melek. En 8,5, les anciens demandent à Samuel

d’être comme tous les goïms, soit une renonciation à l’alliance, à être le peuple élu… Dieu

répudie donc son peuple. Au v.8, Dieu l’individu dans l’idolâtrie. L’abandon de Dieu est une

idolâtrie. Samuel annonce au peuple les droits d’un roi quel qu’il soit : oppression du peuple.

Dans ces deux chapitres il y a une tension : un regard positif sur la royauté, mais c’est aussi

vu comme une trahison de l’alliance. Dans le Deutéronome la monarchie a une place

relative.

Deut 17, 14-20 : les lois pour les rois ; des limitations mises à la capacité décisionnelle du roi

et en limitent l’action ; pensons à Osée (7,7) qui critique le roi. (13,11).

Il y a aussi donc une position critique par rapport à la monarchie. Dans les psaumes royaux

au contraire le roi est exalté (Ps 2 : il jouit d’un rapport de filialité avec Dieu ; 110 il exalte le

roi en disant que son pouvoir vient de l’intronisation de Dieu lui-même). Le roi n’est jamais

proclamé comme fils charnel de la divinité (Egypte), son origine n’est pas divine (Assyrie), sa

filialité est adoptive. Les origines de la monarchie en Israël sont rigoureusement historiques.

L’histoire de la succession montre l’aspect politique. On le voit entre David et Saül avec

Jonathan. C’est une histoire où rien n’est mythologisé. C’est très différent de Babylone.

Cette conception laïque veut dire que le vrai roi d’Israël est Dieu qui guide son peuple par

son oint. Cette élection n’est pas dissemblable du pouvoir charismatique des juges. Le texte

plus exprimant ce concept d’élection est la prophétie de Nathan en 2Sam 7,1-17.

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2.4 L’historiographie en Israël : l’histoire de la succession de David

2.4.1 Israël et l’histoire ; lecture de 2Sam 7,1-17

[1] Quand le roi habita sa maison et que Yahvé l'eut débarrassé de tous les ennemis qui l'entouraient, [2] le roi dit au prophète Natân : "Vois donc ! J'habite une maison de cèdre et l'arche de Dieu habite sous la tente !" [3] Natân répondit au roi : "Va et fais tout ce qui te tient à cœur, car Yahvé est avec toi." [4] Mais, cette même nuit, la parole de Yahvé fut adressée à Natân en ces termes : [5] "Va dire à mon serviteur David : Ainsi parle Yahvé. Est-ce toi qui me construiras une maison pour que j'y habite ? [6] Je n'ai jamais habité de maison depuis le jour où j'ai fait monter d'Egypte les Israélites jusqu'aujourd'hui, mais j'étais en camp volant sous une tente et un abri. [7] Pendant tout le temps où j'ai voyagé avec tous les Israélites, ai-je dit à un seul des juges d'Israël, que j'avais institués comme pasteurs de mon peuple Israël : Pourquoi ne me bâtissez-vous pas une maison de cèdre ? (8) Voici maintenant ce que tu diras à mon serviteur David : Ainsi parle Yahvé Sabaot. C'est moi qui t'ai pris au pâturage, derrière les brebis, pour être chef de mon peuple Israël. [9] J'ai été avec toi partout où tu allais ; j'ai supprimé devant toi tous tes ennemis. Je te donnerai un grand nom comme le nom des plus grands de la terre. [10] Je fixerai un lieu à mon peuple Israël, je l'y planterai, il demeurera en cette place, il ne sera plus ballotté et les méchants ne continueront pas à l'opprimer comme auparavant, [11] depuis le temps où j'instituais des juges sur mon peuple Israël ; je te débarrasserai de tous tes ennemis. Yahvé t'annonce qu'il te fera une maison. [12] Et quand tes jours seront accomplis et que tu seras couché avec tes pères, je maintiendrai après toi le lignage issu de tes entrailles (et j'affermirai sa royauté. [13] C'est lui qui construira une maison pour mon Nom) et j'affermirai pour toujours son trône royal. [14] Je serai pour lui un père et il sera pour moi un fils : s'il commet le mal, je le châtierai avec une verge d'homme et par les coups que donnent les humains. [15] Mais ma faveur ne lui sera pas retirée comme je l'ai retirée à Saül, que j'ai écarté de devant toi. [16] Ta maison et ta royauté subsisteront à jamais devant moi, ton trône sera affermi à jamais." [17] Natân communiqua à David toutes ces paroles et toute cette révélation.

Le rédacteur Deutéronomiste concilie ces deux sources ; il n’a pas peur face aux opposés. Il

les met ensemble. Au fond ces prétextes sont unifiés par la même conception : le vrai

détenteur du pouvoir en Israël est Dieu. Ceci est clair au chapitre 9. Ce charisme (11,1-11)

conduit au couronnement. Dieu gouverne à travers son oint. Les prophètes dénonceront

toujours le fait que les alliances conduisent à l’idolâtrie et donc à la trahison….. Is 30,1 ; Jr

2 … le texte biblique est le résultat d’une opération du rédacteur il a fusé du matériel en

donnant au texte une unité très claire ; dans le texte que l’on lit, l’antimonarchisme a la

prédominance. L’histoire du couronnement de Saül s’ouvre avec la rébellion, mais au

chapitre 12, la conclusion est un discours très dur de Samuel (12,16-19). La pluie hors saison

montre la faute du peuple. Dans le chapitre suivant le peuple se repent et le prophète le

console et l’exhorte à rester fidèle à Dieu. Samuel, proprement à cause de ce qui a été dit,

que le roi est l’oint…, dit que c’est Dieu qui a constitué un roi sur eux. Malgré la trahison,

Dieu n’abandonne pas le peuple et la monarchie est légitime. Le rédacteur Deutéronomiste

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exprime que la monarchie ne fait pas partie du plan originaire de Dieu par rapport à Israël.

Mais suite au péché du peuple, Dieu assume la monarchie et la fait devenir instrument de la

providence pour le peuple. Celui-ci a l’obligation de se conduire selon la loi de Dieu. Israël

sera toujours tenté de se conduire comme tous les peuples. Le rapport au Dieu d’Israël ne

peut pas se limiter au culte ; il est là c’est sûr, mais le culte est expression de la conscience

de l’homme plutôt que du désir de biens. Au moment où Israël est retiré des conceptions

mytologico-sacrales, cela ne correspond pas à un éloignement de Dieu, mais au contraire

Dieu est très présent. Le peuple dépend encore plus de Dieu. La dimension sacrée du peuple

n’est plus limitée au culte, mais toute l’expérience quotidienne, toute la vie politique par

laquelle Dieu s’adéquat au peuple est sacrée.

Cet aspect ne se trouve qu’une fois dans le bassin méditerranéen. Dans le Bible et les grands

classiques, avec une différence substantielle Hérodote et Tucidite. Hérodote limite l’action

de Dieu à quelques actions merveilleuse. Pour le Deutéronomiste c’est différent ; il est

conscient que le protagoniste de l’histoire est Dieu : raconter une histoire humaine est

raconter une histoire ou Dieu s’engage avec l’homme.

L’image de l’intervention de Dieu dans l’histoire est importante et distingue Israël des

peuples qui entourent. C’est dans l’histoire qu’Israël fait l’expérience de son Dieu. Une

institution est accueillie par Dieu est devient une catégorie storico-salvifique.

2.4.1.1 Le document que l’on appelle « Histoire de la succession au trône de David »

Il se termine en 1Roi 2, mais il est difficile de savoir où il commence. Probablement en 2Sam

6 ; soit de 2Sam 6 à 1Roi 2. C’est une grande source de connaissance. Le grand problème

politique est celui de la succession de David au Trône. Dans le monde antique c’est un

problème fondamental.

Quand a-t-il été écris ? Beaucoup d’hypothèses. On pense que l’auteur serait très proche des

évènements qu’il raconte. Nous sommes dans un moment où l’on arrive à recueillir des

témoignages directs. Peut-être même que l’auteur lui-même est un auteur direct ; en tout

cas on ne peut pas aller au-delà de Salomon.

Qui est-ce ? Aucune hypothèse n’a plus de vraisemblance que les autres ; en tout cas il est

fonctionnaire de cour, parfaitement au courant des intrigues qui se déroulaient et du

fonctionnement.

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Il est convaincu de la fonction sacrée du roi d’Israël et il lui est totalement soumis. On pense

à un fidèle de David lui-même. Il est doué d’un réalisme profond. Ce qui d’un point de vue

littéraire touche est que l’on est face à un texte narratif vrai et proprement réaliste. Nous

sommes face à l’exemple le plus fort de prose hébraïque ; ce qui touche aussi est une

structuration idéale. Nous nous trouvons face à une œuvre historique véritable. Il faut se

rendre compte que l’on se trouve dans le 8ème siècle du Moyen-Orient antique. C’est la

première œuvre ; nous n’aurons de parallèles que dans la littérature grecque. C’est donc une

nouveauté, quelqu’un a eu la capacité d’être historien. Faire l’histoire, l’écrire est chercher à

décrire une succession d’évènements politiques dans leurs causes immédiates. La majorité

des peuples de l’antiquité n’est jamais parvenu à ce genre de pensée : l’histoire n’est que le

refaire surface d’évènements mythologiques : le cycle éternel. L’Egypte par exemple n’a

jamais composé une histoire d’elle-même. Il n’existe pas un devenir historique. Ce n’est pas

vraiment un devenir ; le pharaon n’est que la réactualisation du lever et coucher du soleil.

Les textes mésopotamiens nous disent que la monarchie vient du ciel.

Ici la monarchie est humaine. Elle ne vient pas du ciel. Israël a toujours eu une notion

historique. Nous n’avons pas d’autres peuples de l’antiquité qui aient une idée aussi claire

de son histoire. Nous avons à faire avec une clarté de connaissance vérifiable ; c’est une

grandeur totalement différente. Notre approximation est due au manque d’information,

mais il ne s’agit pas de mythologie. Il n’y a qu’un seul parallèle qui est l’historiographie

grecque classique qui naît autour de deux noms : Hérodote et Thucydide. Dans le cas du

premier historien il y a encore une place pour le divin, mais il est confiné dans le cas du

curieux ou du merveilleux. Il parle de miracle, mais ceci n’a pas de fonction dans sa

narration.

Thucydide exclue le divin et le dit clairement. Il ne le nie pas, mais il dit que l’aspect divin ne

fait pas partie de ce qu’il veut raconter. Ce sont les causes humaines qui ont conduit à

certaines situations. Le discours divin n’est pas important pour le discours historique. La

conception de l’histoire voit donc l’exclusion (pas la négation) du divin. Israël n’a pas connu

son Dieu dans la mythologie, mais dans l’histoire. Ce que l’on peut dire du Dieu d’Israël est

qu’il intervient dans l’histoire. La seule chose qu’Israël a pu dire de son Dieu est cela : il

existe et il intervient. Les autres dieux des peuples n’ont pas un domaine d’action qui soit

historique. D’ailleurs le Dieu d’Israël n’est pas un Dieu de la fécondité. L’histoire est le

domaine de l’agir divin. Raconter l’histoire est faire un acte de foi dans le propre Dieu.

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On est passé d’une conception de l’histoire où toute intervention est liée à une intervention

de Dieu (Juges) à une narration où est caractéristique qu’il n’y a pas ou peu de références à

Dieu ; et pourtant cette histoire est un véritable acte de foi dans l’intervention de Dieu.

Cette intervention est de l’intérieur.

L’histoire grecque a vécu un peu la même chose. Homère n’est pas capable de décrire le

processus : l’argumentation qu’Achille aurait pu faire dans sa tête, c’est la déesse qui la fait :

c’est le contraire de la historiographie réaliste ; la grécité classique dépasse cela. Cette

apparition est en fait un processus intérieur de l’homme.

2.4.2 Lecture de 2Sam 11 David et Bethsabée

[1] Au retour de l'année, au temps où les rois se mettent en campagne, David envoya Joab et avec lui sa garde et tout Israël : ils massacrèrent les Ammonites et mirent le siège devant Rabba. Cependant David restait à Jérusalem. [2] Il arriva que, vers le soir, David, s'étant levé de sa couche et se promenant sur la terrasse du palais, aperçut, de la terrasse, une femme qui se baignait. Cette femme était très belle. [3] David fit prendre des informations sur cette femme, et on répondit : "Mais c'est Bethsabée, fille d'Eliam et femme d'Urie le Hittite !" [4] Alors David envoya des émissaires et la fit chercher. Elle vint chez lui et il coucha avec elle, alors qu'elle venait de se purifier de ses règles. Puis elle retourna dans sa maison. [5] La femme conçut et elle envoya dire à David : "Je suis enceinte !" [6] Alors David expédia un message à Joab : "Envoie-moi Urie le Hittite", et Joab envoya Urie à David. [7] Lorsqu'Urie fut arrivé auprès de lui, David demanda comment allaient Joab et l'armée et la guerre. [8] Puis David dit à Urie : "Descends à ta maison et lave-toi les pieds." Urie sortit du palais, suivi d'un présent de la table royale. [9] Mais Urie coucha à la porte du palais avec tous les gardes de son maître et ne descendit pas à sa maison. [10] On en informa David : "Urie, lui dit-on, n'est pas descendu à sa maison." David demanda à Urie : "N'arrives-tu pas de voyage ? Pourquoi n'es-tu pas descendu à ta maison ?" [11] Urie répondit à David : "L'arche, Israël et Juda logent sous les huttes, mon maître Joab et la garde de Monseigneur campent en rase campagne, et moi j'irais à ma maison pour manger et boire et coucher avec ma femme ! Aussi vrai que Yahvé est vivant et que tu vis toi-même, je ne ferai pas une chose pareille !" [12] Alors David dit à Urie : "Reste encore aujourd'hui ici, et demain je te donnerai congé." Urie resta donc à Jérusalem ce jour-là. Le lendemain, [13] David l'invita à manger et à boire en sa présence et il l'enivra. Le soir Urie sortit et s'étendit sur sa couche avec les gardes de son maître, mais il ne descendit pas à sa maison. [14] Le matin suivant, David écrivit une lettre à Joab et la fit porter par Urie. [15] Il écrivait dans la lettre : "Mettez Urie au plus fort de la mêlée et reculez derrière lui : qu'il soit frappé et qu'il meure." [16] Joab, qui bloquait la ville, plaça Urie à l'endroit où il savait que se trouvaient de vaillants guerriers. [17] Les gens de la ville firent une sortie et attaquèrent Joab. Il y eut des tués dans l'armée, parmi les gardes de David, et Urie le Hittite mourut aussi. [18] Joab envoya à David un compte-rendu de tous les détails du combat. [19] Il donna cet ordre au messager : "Quand tu auras fini de raconter au roi tous les détails du combat, [20] si la colère du roi s'élève et qu'il te dise : Pourquoi vous êtes-vous approchés de la ville pour livrer bataille ? Ne saviez-vous pas qu'on tire du haut des remparts ? [21] Qui a tué Abimélek, le fils de Yerubbaal ? N'est-ce pas une femme, qui a lancé une meule sur lui, du haut du rempart, et il est mort à Tébèç ? Pourquoi vous êtes-vous approchés du rempart ?, tu diras : Ton serviteur Urie le Hittite est mort lui aussi."

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[22] Le messager partit et, à son arrivée, il rapporta à David tout le message dont Joab l'avait chargé. David s'emporta contre Joab et dit au messager : "Pourquoi vous êtes-vous approchés du rempart de la ville pour livrer bataille ? Ne saviez-vous pas qu'on tire du haut des remparts ? Qui a tué Abimélek, le fils de Yerubbaal ? N'est-ce pas une femme qui a jeté une meule sur lui du haut du rempart, et il est mort à Tébèç ? Pourquoi vous êtes-vous approchés du rempart ?" [23] Le messager répondit à David : "C'est que ces gens l'avaient emporté sur nous et étaient sortis vers nous en rase campagne, nous les avons refoulés jusqu'à l'entrée de la porte [24] mais les archers ont tiré sur tes gardes du haut des remparts, certains des gardes du roi ont péri et ton serviteur Urie le Hittite est mort lui aussi." [25] Alors David dit au messager : "Voici ce que tu diras à Joab : Que cette affaire ne t'affecte pas : l'épée dévore tantôt celui-ci et tantôt celui-là. Force ton attaque contre la ville et détruis-là. Ainsi tu lui rendras courage." [26] Lorsque la femme d'Urie apprit que son époux, Urie, était mort, elle fit le deuil pour son mari. [27] Quand le deuil fut achevé, David l'envoya chercher et la recueillit chez lui, et elle devint sa femme. Elle lui enfanta un fils. Mais l'action que David avait commise avait déplut à Yahvé.

David sait que cette femme a fait un bain de purification et donc qu’elle est féconde. Il pêche

en sachant ce qu’il fait. David propose à Urie de violer la règle de guerre qui voulait

l’abstinence sexuelle. Pour cela Urie refuse d’aller chez lui. Brave David qui prend soin de la

veuve… !

Cette histoire a toujours rencontré la stupeur des exégètes. David est parfaitement

conscient de ce qu’il fait. Il connaît le risque, il connaît le danger de trahison lorsqu’il fait sa

proposition à Urie. Urie est le type de l’innocent trahit. Bethsabée ne fait non plus bonne

figure. Elle ne dit rien. Lorsque le texte est écrit, Bethsabée est encore vivante vu que c’est la

reine-mère. Mais il n’y a pas une critique.

David est âgé, et il ne conduit pas lui-même la bataille. Il la confit à Joab. Ceci ne l’empêche

pas d’avoir ses désirs. Lorsque Joab envoie son messager, il prévoit parfaitement la réplique

du roi. Il le connaît donc parfaitement et il met dans la bouche du messager la parole qui

faut pour calmer le roi : Urie est mort. En cette complicité, les deux sont liés et David ne peut

pas le tuer lui-même, son fils le fera.

Les hittites étaient d’Asie mineure. A l’époque de David ils n’existent plus. Mais certaines

familles conservaient des rappels des origines Hittites.

David est au sommet de la ville depuis son palais. Il voit donc le bain de cette femme

lorsqu’il se promène. David se promène parce qu’il fait bon le soir. Est-ce que c’est la faute

de Bethsabée ou de David qui a l’œil long… ? L’auteur ne le dit pas. En tout cas lorsque dans

la suite Bethsabée est envoyée cherchée, elle ne dit rien, et plus tard elle ne fera que dire

qu’elle est enceinte. De plus, lorsqu’une femme est violentée en ville, elle doit crier pour

qu’on l’aide ; ici elle ne crie pas. Bethsabée n’est pas une esclave ou autre.

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On voit donc l’impudeur de Bethsabée, l’envie de David, la fierté de Urie… Le narrateur nous

fait comprendre exactement la dynamique de la chose.

Cette histoire a une grande importance : le problème est celui de la succession de David.

Au chapitre 12 il y a l’histoire de la brebis et la mort du fils de Bethsabée.

Au chapitre 13 il y a une autre histoire : la violence charnelle du premier fils de David par

rapport à Thamar : colère de Absalom qui tue Amnon et se met en révolte contre son Père

en tentant un coup d’état et David doit fuir de Jérusalem. On voit la faiblesse de David par

rapport à ses fils.

Avant de nous décrire tout cela, l’auteur introduit le personnage de la futur reine-mère et

prépare une solution au dilemme qui se prépare. C’est donc le prologue. Le devoir de

Bethsabée d’expliciter la question ; elle formulera la question au roi.

1Roi 1,20 : Bethsabée demande au roi un descendant. Elle fait avancer la question et met les

prémisses de la solution.

Le problème politique de David n’est pas tant d’être un bon roi, mais une faiblesse coupable

par rapport à ses fils. Continuellement mis en crise par rapport à ses fils, il ne pourra pas dire

quelque chose. C’est donc un discours politique que nous avons : la succession au trône. Si le

système n’est pas clair, ceci portera au krach de l’état.

Au verset 27 de ce chapitre 11 de 2Sam, l’écrivain montre que ce que David a fait est mal.

Ceci contraste avec la tendance opposée de l’auteur Deutéronomiste. Ici l’auteur est

caractérisé par une grande sobriété de jugement. D’habitude l’auteur Deutéronomiste

présente l’histoire avec des jugements. Ici la sobriété est absolue. On voit une pénétration

de la complexité des personnages.

On voit d’autres jugement en 2Sam 12,25 lorsqu’il est dit que le Seigneur aima Salomon ; et

en 2Sam 17,14 : « Yahvé avait décidé de faire échouer le plan habile d'Ahitophel, afin

d'amener le malheur sur Absalom ». Nous trouvons un débat de type stratégique et on

retient de devoir garder une idée. De ce conseil retenu, l’auteur voit la main de Dieu ; c’est

pourtant le choix du roi et de son conseil, rien ne nous dit que le roi ait été aveuglé ou autre.

Ici nous sommes conduit dans une conception où l’histoire entière est le domaine de l’action

de Dieu, mais la différence est que dans ce cas, ce ne sont plus seulement les évènements

extraordinaires qui guident l’histoire, mais le normal est déjà action divine. Dieu bouge

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l’histoire de son intérieur. L’histoire est mue de l’intérieur. C’est d’ailleurs exactement notre

conception : ce qui advient advient par divine providence. Ce n’est pas la voie extraordinaire

de la vision, de la motion ou autre ; dans la grande majorité des cas, la manière normale

pour la communication dans l’histoire est le vivre habituel. D’ailleurs la tradition

carmélitaine demande de se méfier de ceux qui ont trop de manifestations extraordinaires.

Dans l’histoire des juges nous avons comme une présentation conventionnelle : les juges se

ressemblent tous. Ici ce n’est pas conventionnel. Dieu est le seul patron d’une histoire qui de

toute manière est humaine. Dieu collabore avec la liberté humaine pour conduire à effet ses

décisions ; c’est une démythisation radicale, or nous sommes à la moitié du 10ème siècle

avant Jésus Christ. C’est un approchement du Dieu de l’histoire à la différence de la grécité

qui a éloigné dieu.

2.5 Histoire de Salomon le grand, ascension et décadence

On voit une dualité entre Samuel et Rois. L’auteur organise comme un diptyque

1. 1Sam et 2Sam : débat sur la monarchie avec au centre la succession au trône de

David.

2. 1 et 2Roi : la chute de la monarchie davidique : Salomon avec le sommet dans le

Temple et se termine avec la destruction du même temple lors d’une suite

d’infidélités à Dieu.

Pour l’auteur Deutéronomiste, la prophétie de Nathan est fondamentale : signe d’espérance

à l’intérieur des renversements causés par les infidélités. Le temple, Jérusalem ... étaient

considérés comme des évènements presque fondateurs (pas comme l’Exode et le Sinaï). Le

temple en sera un objet de profession de foi ; mais l’élection de David, de Jérusalem et du

Temple étaient vu comme le mode en lequel était vue la fidélité de Dieu éternelle pour son

peuple. Aussi, lorsque la monarchie tombe, comment est la fidélité de Dieu, tombe t-elle

avec ? L’auteur répond que la catastrophe ne compromet pas la prophétie de Nathan qui

doit être comprise sur un autre niveau. C’est par là que naîtront les messianismes. La

fonction Deutéronomiste est de poser la base pour les conceptions prophétiques. Attention

à la notion de messianisme, il n’y en a pas qu’un ! et ce n’est pas Jésus Christ. Le

messianisme est un discours complexe, mais qui se fonde sur ces bases : les promesses qui

ne se sont pas réalisées sont encore valables et il faut les relire et les réinterpréter. L’auteur

n’explique pas comment interpréter, mais il finit son œuvre avec 2Roi 25,27-30 qui s’achève

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avec la libération du dernier davidien ; c’est donc une fin ouverte vers l’espérance. Si

l’auteur avait entendu parler de Zorobabel il en aurait parlé, ce qui montre que son œuvre

est bouclée avant 538.

L’ambiguïté de la monarchie qui est critiquée dans son institution revient avec David puis

avec Salomon.

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2.5.1 Lecture de 1Roi 3,1-15 et 1Roi 11,1-13

[I Rois 3,1-15] [1] Salomon devint le gendre de Pharaon, le roi d'Egypte ; il prit pour femme la fille de Pharaon et l'introduisit dans la Cité de David, en attendant d'avoir achevé de construire son palais, le Temple de Yahvé et le rempart de Jérusalem. [2] Le peuple sacrifiait sur les hauts lieux, car on n'avait pas encore bâti en ce temps-là une maison pour le Nom de Yahvé. [3] Salomon aima Yahvé : il se conduisait selon les préceptes de son père David ; seulement il offrait des sacrifices et de l'encens sur les hauts lieux. [4] Le roi alla à Gabaôn pour y sacrifier, car le plus grand haut lieu se trouvait là - Salomon a offert mille holocaustes sur cet autel. [5] A Gabaôn, Yahvé apparut la nuit en songe à Salomon. Dieu dit : "Demande ce que je dois te donner." [6] Salomon répondit : "Tu as témoigné une grande bienveillance à ton serviteur David, mon père, et celui-ci a marché devant toi dans la fidélité, la justice et la droiture du cœur ; tu lui as gardé cette grande bienveillance et tu as permis qu'un de ses fils soit aujourd'hui assis sur son trône. [7] Maintenant, Yahvé mon Dieu, tu as établi roi ton serviteur à la place de mon père David, et moi, je suis un tout jeune homme, je ne sais pas agir en chef. [8] Ton serviteur est au milieu du peuple que tu as élu, un peuple nombreux, si nombreux qu'on ne peut le compter ni le recenser. [9] Donne à ton serviteur un cœur plein de jugement pour gouverner ton peuple, pour discerner entre le bien et le mal, car qui pourrait gouverner ton peuple, qui est si grand ?" [10] Il plut au regard du Seigneur que Salomon ait fait cette demande ; [11] et Dieu lui dit : "Parce que tu as demandé cela, que tu n'as pas demandé pour toi de longs jours, ni la richesse, ni la vie de tes ennemis, mais que tu as demandé pour toi le discernement du jugement, [12] voici que je fais ce que tu as dit : je te donne un cœur sage et intelligent comme personne ne l'a eu avant toi et comme personne ne l'aura après toi. [13] Et même ce que tu n'as pas demandé, je te le donne aussi : une richesse et une gloire comme à personne parmi les rois. [14] Et si tu suis mes voies, gardant mes lois et mes commandements comme a fait ton père David, je t'accorderai une longue vie." [15] Salomon s'éveilla et voilà que c'était un songe. Il rentra à Jérusalem et se tint devant l'arche de l'alliance du Seigneur ; il offrit des holocaustes et des sacrifices de communion et donna un banquet à tous ses serviteurs.

[I Rois 11,1-13] [1] Le roi Salomon aima beaucoup de femmes étrangères - outre la fille de Pharaon - : des Moabites, des Ammonites, des Edomites, des Sidoniennes, des Hittites, [2] de ces peuples dont Yahvé avait dit aux Israélites : "Vous n'irez pas chez eux et ils ne viendront pas chez vous ; sûrement ils détourneraient vos cœurs vers leurs dieux." Mais Salomon s'attacha à elles par amour ; [3] il eut 700 épouses de rang princier et 300 concubines. [4] Quand Salomon fut vieux, ses femmes détournèrent son cœur vers d'autres dieux et son cœur ne fut plus tout entier à Yahvé son Dieu comme avait été celui de son père David. [5] Salomon suivit Astarté, la divinité des Sidoniens, et Milkom, l'abomination des Ammonites. [6] Il fit ce qui déplaît à Yahvé et il ne lui obéit pas parfaitement comme son père David. [7] C'est alors que Salomon construisit un sanctuaire à Kemosh, l'abomination de Moab, sur la montagne à l'orient de Jérusalem, et à Milkom, l'abomination des Ammonites. [8] Il en fit autant pour toutes ses femmes étrangères, qui offraient de l'encens et des sacrifices à leurs dieux. [9] Yahvé s'irrita contre Salomon parce que son cœur s'était détourné de Yahvé, Dieu d'Israël, qui lui était apparu deux fois [10] et qui lui avait défendu à cette occasion de suivre d'autres dieux, mais il n'observa pas cet ordre. [11] Alors Yahvé dit à Salomon : "Parce que tu t'es comporté ainsi et que tu n'as pas observé mon alliance et les prescriptions que je t'avais faites, je vais sûrement t'arracher le royaume et le donner à l'un de tes serviteurs. [12] Seulement je ne ferai pas cela durant ta vie, en considération de ton père David ; c'est de la main de ton fils que je l'arracherai. [13] Encore ne lui arracherai-je pas tout le royaume : je laisserai une tribu à ton fils, en considération de mon serviteur David et de Jérusalem que j'ai choisie.

Nous avons donc le début et la fin du règne de Salomon.

La clef de lecture est la fidélité au Seigneur selon l’exemple du Père ; nous avons une note

sur la politique matrimoniale de Salomon. La fille de Pharaon est une fille secondaire et non

celle directe ; elle était mi femme mi déesse : soit le prix est assez cher…

Le mariage avec la princesse égyptienne est seulement pour des motifs politiques. Il est

précisé que Salomon aime le Seigneur et rien n’est dit en ce qui concerne la princesse. On

brûle de l’encens sur les hauteurs car il n’y a pas encore de temple, mais Salomon s’en

occupe.

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Salomon épouse d’autres femmes d’autres peuples, qui sont donc ennemis, mais celles-là ils

les aime et elles emportent son cœur loin du Seigneur. Le numéro exorbitant des femmes

n’est pas très gonflé : un harem de ce genre était normal. Le problème est que le texte

souligne (Deut 17,17 : le roi ne devra pas avoir trop de femme pour ne pas que son cœur

disparaisse) que le roi a trop de femmes. La polygamie est habituelle dans le Moyen-Orient.

Le harem royal est signe de pouvoir et c’est héréditaire : le nouveau roi reçoit le harem de

son père. Ici Salomon est critiqué pour le nombre de ces femmes. Il continu de brûler de

l’encens sur les hauteurs, mais pour d’autres dieux.

Le dialogue entre Dieu et Salomon est un exemple de théologie royale : le roi d’Israël est le

Seigneur avant tout ; l’oint est choisi par le peuple, mais ne peut gouverner sans le Seigneur.

Pour cela il faut qu’il soit fidèle. Donc l’infidélité porte des fruits inévitables : le schisme mais

pas la destruction du règne.

Il y a toujours un reste, Dieu n’annule pas tout. A la schismatique monarchie davidique n’a

pas le même traitement. Ce reste a une fonction d’espérance, c’est la possibilité pour

l’auteur Deutéronomiste d’insérer un élément de gratuité qui permet à l’histoire de Dieu

avec son peuple d’aller de l’avant.

Dans le cœur de l’histoire de Salomon nous avons le 1Roi 8,12-53.

2.5.2 Lecture de 1Roi 8,12-53. La dédicace du Temple

[12] Alors Salomon dit : "Yahvé a décidé d'habiter la nuée obscure. [13] Oui, je t'ai construit une demeure princière, une résidence où tu habites à jamais." [14] Puis le roi se retourna et bénit toute l'assemblée d'Israël, et toute l'assemblée d'Israël se tenait debout. [15] Il dit : "Béni soit Yahvé, Dieu d'Israël, qui a accompli de sa main ce qu'il avait promis de sa bouche à mon père David en ces termes : [16] Depuis le jour où j'ai fait sortir d'Egypte mon peuple Israël, je n'ai pas choisi de ville, dans toutes les tribus d'Israël, pour qu'on y bâtît une maison où serait mon Nom, mais j'ai choisi David pour qu'il commandât à mon peuple Israël. [17] Mon père David eut dans l'esprit de bâtir une maison pour le Nom de Yahvé, Dieu d'Israël, [18] mais Yahvé dit à mon père David : Tu as eu dans l'esprit de bâtir une maison pour mon Nom, et tu as bien fait. [19] Seulement, ce n'est pas toi qui bâtiras cette maison, c'est ton fils, issu de tes reins, qui bâtira la maison pour mon Nom. [20] Yahvé a réalisé la parole qu'il avait dite : j'ai succédé à mon père David et je me suis assis sur le trône d'Israël comme avait dit Yahvé, j'ai construit la maison pour le Nom de Yahvé, Dieu d'Israël, [21] et j'y ai fixé un emplacement pour l'arche, où est l'alliance que Yahvé a conclue avec nos pères lorsqu'il les fit sortir du pays d'Egypte." [22] Puis Salomon se tint devant l'autel de Yahvé, en présence de toute l'assemblée d'Israël ; il étendit les mains vers le ciel [23] et dit : "Yahvé, Dieu d'Israël ! il n'y a aucun Dieu pareil à toi là-haut dans les cieux ni ici-bas sur la terre, toi qui es fidèle à l'alliance et gardes la bienveillance à l'égard de tes serviteurs, quand ils marchent de tout leur cœur devant toi. [24] Tu as tenu à ton serviteur David, mon père, la promesse que tu lui avais faite, et ce que tu avais dit de ta bouche, tu l'as accompli aujourd'hui de ta main. [25] Et maintenant, Yahvé, Dieu d'Israël, tiens à ton serviteur David, mon père, la promesse que tu lui as faite, quand tu as dit : Tu ne seras jamais dépourvu d'un descendant qui soit devant moi, assis sur le trône d'Israël, à condition que tes fils veillent à leur conduite et marchent devant moi comme tu as marché toi-même devant moi. [26] Maintenant donc, Dieu d'Israël, que se vérifie la parole que tu as dite à ton serviteur David, mon père !

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[27] Mais Dieu habiterait-il vraiment avec les hommes sur la terre ? Voici que les cieux et les cieux des cieux ne le peuvent contenir, moins encore cette maison que j'ai construite ! [28] Sois attentif à la prière et à la supplication de ton serviteur, Yahvé, mon Dieu, écoute l'appel et la prière que ton serviteur fait aujourd'hui devant toi ! [29] Que tes yeux soient ouverts jour et nuit sur cette maison, sur ce lieu dont tu as dit : Mon Nom sera là, écoute la prière que ton serviteur fera en ce lieu. [30] "Ecoute la supplication de ton serviteur et de ton peuple Israël lorsqu'ils prieront en ce lieu. Toi, écoute du lieu où tu résides, au ciel, écoute et pardonne. [31] "Supposé qu'un homme pèche contre son prochain et que celui-ci prononce sur lui un serment imprécatoire et le fasse jurer devant ton autel dans ce Temple, [32] toi, écoute au ciel et agis ; juge entre tes serviteurs : déclare coupable le méchant en faisant retomber sa conduite sur sa tête, et justifie l'innocent en lui rendant selon sa justice. [33] "Quand ton peuple Israël sera battu devant l'ennemi, parce qu'il aura péché contre toi, s'il revient à toi, loue ton Nom, prie et supplie vers toi dans ce Temple, [34] toi, écoute au ciel, pardonne le péché de ton peuple Israël et ramène-le dans le pays que tu as donné à ses pères. [35] "Quand le ciel sera fermé et qu'il n'y aura pas de pluie parce qu'ils auront péché contre toi, s'ils prient en ce lieu, louent ton Nom et se repentent de leur péché, parce que tu les auras humiliés, [36] toi, écoute au ciel, pardonne le péché de ton serviteur et de ton peuple Israël - tu leur indiqueras la bonne voie qu'ils doivent suivre - et arrose de pluie ta terre, que tu as donnée en héritage à ton peuple. [37] "Quand le pays subira la famine, la peste, la rouille ou la nielle, quand surviendront les sauterelles ou les criquets, quand l'ennemi de ce peuple assiégera l'une de ses portes, quand il y aura n'importe quel fléau ou épidémie, [38] quelle que soit la prière ou la supplication de quiconque, éprouve le remords de sa propre conscience, s'il étend les mains vers ce Temple, [39] toi, écoute au ciel, où tu résides, pardonne et agis ; rends à chaque homme selon sa conduite, puisque tu connais son cœur - tu es le seul à connaître le cœur de tous - , [40] en sorte qu'ils te craignent tous les jours qu'ils vivront sur la terre que tu as donnée à nos pères. [41] "Même l'étranger qui n'est pas d'Israël ton peuple, s'il vient d'un pays lointain à cause de ton Nom - [42] car on entendra parler de ton grand Nom, de ta main forte et de ton bras étendu - , s'il vient et prie en ce Temple, [43] toi, écoute-le au ciel, où tu résides, exauce toutes les demandes de l'étranger afin que tous les peuples de la terre reconnaissent ton Nom et te craignent comme fait ton peuple Israël, et qu'ils sachent que ce Temple que j'ai bâti porte ton nom. [44] "Si ton peuple part en guerre contre ses ennemis par le chemin où tu l'auras envoyé et s'il prie Yahvé, tourné vers la ville que tu as choisie et vers le Temple que j'ai construit pour ton Nom, [45] écoute au ciel sa prière et sa supplication et fais-lui justice. [46] "Quand ils pécheront contre toi - car il n'y a aucun homme qui ne pèche - , quand tu seras irrité contre eux, que tu les livreras à l'ennemi et que leurs conquérants les emmèneront captifs dans un pays ennemi, lointain ou proche, [47] s'ils rentrent en eux-mêmes dans le pays où ils auront été déportés, s'ils se repentent et te supplient dans le pays de leurs conquérants en disant : Nous avons péché, nous avons mal agi, nous nous sommes pervertis, [48] s'ils reviennent à toi de tout leur cœur et de toute leur âme dans le pays des ennemis qui les auront déportés, et s'ils te prient tournés vers le pays que tu as donné à leurs pères, vers la ville que tu as choisie et le Temple que j'ai bâti pour ton Nom, [49] écoute au ciel où tu résides, [50] pardonne à ton peuple les péchés qu'il a commis envers toi et toutes les rébellions dont ils furent coupables, fais-leur trouver grâce devant leurs conquérants, que ceux-ci aient pitié d'eux ; [51] car ils sont ton peuple et ton héritage, ceux que tu as fait sortir d'Egypte, cette fournaise pour le fer. [52] "Que tes yeux soient ouverts sur la supplication de ton serviteur et de ton peuple Israël, pour écouter tous les appels qu'ils lanceront vers toi. [53] Car c'est toi qui les as mis à part comme ton héritage, parmi tous les peuples de la terre, ainsi que tu l'as déclaré par le ministère de ton serviteur Moïse, quand tu as fait sortir nos pères d'Egypte, Seigneur Yahvé !"

Un phénomène caractéristique est celui d’excentricité : on affirme une chose et juste après

on veut la limiter. L’importance du Temple est diminuée au moment même de la dédicace :

Dieu n’habite pas dans le Temple, mais au ciel. La fonction du Temple est une station de

liaison où le peuple fait entendre ses prières. Dieu cependant habite ailleurs ; le temple est

central, mais… c’est un peu une fonction sacramentelle du temple. Les sacrements ne

servent pas à Dieu, mais à l’homme, ils existent pour l’homme. Le culte sert à l’homme avec

une fonction réelle et salvifique.

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Le Deutéronomiste et le Sacerdotal sont donc complètement d’accord. Cependant pour le

Sacerdotal il y a une médiation : la Gloire qui habite dans le Temple.

Salomon ne parle pas de sacrifices, mais uniquement de prières. L’auteur Deutéronomiste

n’est pas intéressé à développer la théologie des sacrifices. Une idée forte de théologie

universaliste : le choix d’un lieu, d’un peuple … est pour y inclure tous les peuples et tous les

lieux. Cette irruption universaliste est en accord avec la théologie Sacerdotale des premières

pages de la Bible : avant de narrer l’histoire d’Abraham, on dessine une table de tous les

peuples où Israël n’existe pas encore. Pour les égyptiens, le monde est l’Egypte ; Thèbes est

le lieu de la fondation du monde.

2.6 Le schisme Lecture de 1Roi 12

[1] Roboam se rendit à Sichem, car c'est à Sichem que tout Israël était venu pour le proclamer roi. [2] (Dès que Jéroboam, fils de Nebat, fut informé - il était encore en Egypte, où il avait fui le roi Salomon - , il revint d'Egypte. [3] On fit appeler Jéroboam et il vint, lui et toute l'assemblée d'Israël.) Ils parlèrent ainsi à Roboam : [4] "Ton père a rendu pénible notre joug, allège maintenant le dur servage de ton père, la lourdeur du joug qu'il nous imposa, et nous te servirons !" [5] Il leur dit : "Retirez-vous pour trois jours, puis revenez vers moi", et le peuple s'en alla. [6] Le roi Roboam prit conseil des anciens, qui avaient assisté son père Salomon pendant qu'il vivait, et demanda : "Quelle réponse conseillez-vous de faire à ce peuple ?" [7] Ils lui répondirent : "Si tu te fais aujourd'hui serviteur de ces gens, si tu te soumets et leur donnes de bonnes paroles, alors ils seront toujours tes serviteurs." [8] Mais il repoussa le conseil que les anciens avaient donné et consulta des jeunes gens qui l'assistaient, ses compagnons d'enfance. [9] Il leur demanda : "Que conseillez-vous que nous répondions à ce peuple qui m'a parlé ainsi : Allège le joug que ton père nous a imposé ?" [10] Les jeunes gens, ses compagnons d'enfance, lui répondirent : "Voici ce que tu diras à ce peuple qui t'a dit : Ton père a rendu pesant notre joug, mais toi allège notre charge, voici ce que tu leur répondras : Mon petit doigt est plus gros que les reins de mon père ! [11] Ainsi, mon père vous a fait porter un joug pesant, moi j'ajouterai encore à votre joug ; mon père vous a châtiés avec des lanières, moi je vous châtierai avec des fouets à pointes de fer !" [12] Jéroboam avec tout le peuple vint à Roboam le troisième jour, selon cet ordre qu'il avait donné : "Revenez vers moi le troisième jour." [13] Le roi fit au peuple une dure réponse, il rejeta le conseil que les anciens avaient donné [14] et, suivant le conseil des jeunes, il leur parla ainsi : "Mon père a rendu pesant votre joug, moi j'ajouterai encore à votre joug ; mon père vous a châtiés avec des lanières, moi je vous châtierai avec des fouets à pointes de fer." [15] Le roi n'écouta donc pas le peuple : c'était une intervention de Yahvé, pour accomplir la parole qu'il avait dite à Jéroboam fils de Nebat par le ministère d'Ahiyya de Silo. [16] Quand les Israélites virent que le roi ne les écoutait pas, ils lui répliquèrent : "Quelle part avons-nous sur David ? Nous n'avons pas d'héritage sur le fils de Jessé. A tes tentes, Israël ! Et maintenant, pourvois à ta maison, David." Et Israël s'en fut à ses tentes. [17] Quant aux Israélites qui habitaient les villes de Juda, Roboam régna sur eux. [18] Le roi Roboam dépêcha Adoram, le chef de la corvée, mais tout Israël le lapida et il mourut ; alors le roi Roboam se vit contraint de monter sur son char pour fuir vers Jérusalem. [19] Et Israël fut séparé de la maison de David, jusqu'à ce jour. [20] Lorsque tout Israël apprit que Jéroboam était revenu, ils l'appelèrent à l'assemblée et ils le firent roi sur tout Israël ; il n'y eut pour se rallier à la maison de David que la seule tribu de Juda. [21] Roboam se rendit à Jérusalem ; il convoqua toute la maison de Juda et la tribu de Benjamin, soit 180.000 guerriers d'élite, pour combattre la maison d'Israël et rendre le royaume à Roboam fils de Salomon. [22] Mais la parole de Dieu fut adressée à Shemaya l'homme de Dieu en ces termes : [23] "Dis ceci à Roboam fils de Salomon, roi de Juda, à toute la maison de Juda, à Benjamin et au reste du peuple :

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[24] Ainsi parle Yahvé. N'allez pas vous battre contre vos frères, les enfants d'Israël ; que chacun retourne chez soi, car cet événement vient de moi." Ils écoutèrent la parole de Yahvé et prirent le chemin du retour comme avait dit Yahvé. [25] Jéroboam fortifia Sichem dans la montagne d'Ephraïm et y séjourna. Puis il sortit de là et fortifia Penuel. [26] Jéroboam se dit en lui-même : "Comme sont les choses, le royaume va retourner à la maison de David. [27] Si ce peuple continue de monter au Temple de Yahvé à Jérusalem pour offrir des sacrifices, le cœur du peuple reviendra à son seigneur, Roboam, roi de Juda, et on me tuera." [28] Après avoir délibéré, il fit deux veaux d'or et dit au peuple : "Assez longtemps vous êtes montés à Jérusalem ! Israël, voici ton Dieu qui t'a fait monter du pays d'Egypte." [29] Il dressa l'un à Béthel, [30] et le peuple alla en procession devant l'autre jusqu'à Dan. [31] Il établit le temple des hauts lieux et il institua des prêtres pris du commun, qui n'étaient pas fils de Lévi. [32] Jéroboam célébra une fête le huitième mois, le quinzième jour du mois, comme la fête qu'on célébrait en Juda, et il monta à l'autel. Voilà comme il a agi à Béthel, sacrifiant aux veaux qu'il avait faits, et il établit à Béthel les prêtres des hauts lieux, qu'il avait institués. pour les Israélites et il monta à l'autel pour offrir le sacrifice.

Nous avons ici la description de la division des deux règnes. Roboam monte se faire sacrer

roi à Sichem. Le roi du nord avait besoin de la reconnaissance du peuple. Jéroboam qui avait

tenté un coup d’état manqué et avait fuit en Egypte, revient. Le peuple demande une

réduction des corvées, mais il ne s’agit pas travaux forcés dans le sens d’une peine à laquelle

on est condamné : il s’agit de taxes payées en nature de travail. Cet aspect était antipathique

au peuple et Salomon l’a utilisé pour le Temple et le renforcement des murailles. Le peuple

demande donc cela à Roboam au Nord. Le conseil de Roboam demande d’accepter, mais les

jeunes disent de doubler les charges. La conséquence est le schisme aggravé par le fait que

Roboam s’enfuit à Jérusalem et envoie en parlementaire le fonctionnaire des travaux forcés

qui est lynché : c’est la fin des relations entre le nord et le Sud. 2Sam 5,1-5 montre déjà un

dualisme. Ici l’expression anciens est utilisé pour les personnages de la cour de Juda. Le texte

nous présente Jéroboam. Attention à ne pas confondre : Roboam est le roi du Sud

successeur de Salomon et Jéroboam est l’usurpateur du Nord. Jéroboam est présenté

comme anti-David. Mais il reçoit un oracle prophétique qui fait écho à celle de nathan.

Pour éviter les pèlerinages à Jérusalem, il revendique les sanctuaires du sud : Béthel (des

patriarches) et du nord, Dan (cf. Juges 17-18). Le Dieu d’Israël est représenté par un jeune

taureau. C’est un animal symbolique (au sud les chérubins et au nord le jeune taureau). Les

chérubins ne sont pas un problème en soi, mais le jeune taureau est la représentation de

baal ou hadad, dieu de la fécondité. Un symbolisme de ce genre ouvrait le passage à

beaucoup de chose du paganisme.

1Roi 12,28b : « Après avoir délibéré, il fit deux veaux d'or et dit au peuple : "Assez longtemps

vous êtes montés à Jérusalem ! Israël, voici ton Dieu qui t'a fait monter du pays d'Egypte." »

C’est la phrase de Exode 32,4 dans la bouche de Jéroboam. La vrai traduction dans les deux

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cas serait voici tes dieux. Elohim peut être dieu ou bien le pluriel de ‘el. Dans ce cas les

verbes sont au pluriel. C’est une profession de foi païenne.

Le motif de ce schisme : la soif autocratique du jeune roi qui exaspère le peuple dans son

mécontentement. Il y a comme un plan réel divin et c’est comme si le Seigneur déterminait

la situation. L’oracle dit cela. Si on lit l’oracle de 1Roi 11,26s, Dieu veut punir la maison de

David pour son infidélité. Le péché de Jéroboam devient (1Roi 13,34) cause du malheur du

peuple. Les critiques prophétiques sont réduites à cette critique de type cultuelle.

Le péché de la maison est un péché d’idolâtrie et d’avoir continué à accomplir des péchés

d’idolâtrie dans la suite.

Cette histoire du péché des rois d’Israël, dont Jéroboam, est le fil rouge de toute l’histoire du

nord.

2.7 La fin d’Israël, Lecture de 2Roi 17

[1] En la douzième année d'Achaz, roi de Juda, Osée fils d'Ela devint roi sur Israël à Samarie ; il régna neuf ans. [2] Il fit ce qui déplaît à Yahvé, non pas pourtant comme les rois d'Israël ses prédécesseurs. [3] Salmanasar, roi d'Assyrie, monta contre Osée, qui se soumit à lui et lui paya tribut. [4] Mais le roi d'Assyrie découvrit qu'Osée le trahissait : celui-ci avait envoyé des messagers à Saïs, vers le roi d'Egypte, et il n'avait pas livré le tribut au roi d'Assyrie, comme chaque année. Alors le roi d'Assyrie le fit mettre en prison, chargé de chaînes. [5] Le roi d'Assyrie envahit tout le pays et vint assiéger Samarie, pendant trois ans. [6] En la neuvième année d'Osée, le roi d'Assyrie prit Samarie et déporta les Israélites en Assyrie. Il les établit à Halah et sur le Habor, fleuve de Gozân, et dans les villes des Mèdes. [7] Cela arriva parce que les Israélites avaient péché contre Yahvé leur Dieu, qui les avait fait monter du pays d'Egypte, les soustrayant à l'emprise de Pharaon, roi d'Egypte. Ils adorèrent d'autres dieux, [8] ils suivirent les coutumes des nations que Yahvé avait chassées devant eux. [9] Les Israélites proférèrent des paroles inconvenantes contre Yahvé leur Dieu, ils se construisirent des hauts lieux partout où ils habitaient, depuis les tours de garde jusqu'aux villes fortes. [10] Ils se dressèrent des stèles et des pieux sacrés sur toute colline élevée et sous tout arbre verdoyant. [11] Ils sacrifièrent sur tous les hauts lieux à la manière des nations que Yahvé avait expulsées devant eux et ils y commirent de mauvaises actions, provoquant la colère de Yahvé. [12] Ils rendirent un culte aux idoles, alors que Yahvé leur avait dit : "Vous ne ferez pas cette chose-là." [13] Pourtant, Yahvé avait fait cette injonction à Israël et à Juda, par le ministère de tous les prophètes et de tous les voyants : "Convertissez-vous de votre mauvaise conduite, avait-il dit, et observez mes commandements et mes lois, selon toute la Loi que j'ai prescrite à vos pères et que je leur ai communiquée par le ministère de mes serviteurs les prophètes." [14] Mais ils n'obéirent pas et raidirent leur nuque plus que n'avaient fait leurs pères, qui n'avaient pas cru en Yahvé leur Dieu. [15] Ils méprisèrent ses lois, ainsi que l'alliance qu'il avait conclue avec leurs pères et les ordres formels qu'il leur avait intimés. A la poursuite de la Vanité, ils sont devenus vanité, à l'imitation des nations d'alentour, bien que Yahvé leur eût commandé de ne pas faire comme elles. [16] Ils rejetèrent tous les commandements de Yahvé leur Dieu, et se firent des idoles fondues, les deux veaux, ils se firent un pieu sacré, ils se prosternèrent devant toute l'armée du ciel et rendirent un culte à Baal. [17] Ils firent passer leurs fils et leurs filles par le feu, ils pratiquèrent la divination et la sorcellerie, ils se vendirent pour faire le mal au regard de Yahvé, provoquant sa colère. [18] Alors Yahvé fut profondément irrité contre Israël et l'écarta de devant sa face. Il ne resta que la seule tribu de Juda. [19] Juda non plus n'observa pas les commandements de Yahvé son Dieu, et suivit les coutumes qu'Israël avait établies. [20] Et Yahvé repoussa toute la race d'Israël, il l'humilia et la livra aux pillards, tant qu'enfin il la rejeta loin de sa face.

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[21] Il avait, en effet, détaché Israël de la maison de David, et Israël avait proclamé roi Jéroboam fils de Nebat ; Jéroboam avait détourné Israël de Yahvé et l'avait entraîné dans un grand péché. [22] Les Israélites imitèrent le péché que Jéroboam avait commis, ils ne s'en détournèrent pas, [23] tant qu'enfin Yahvé écarta Israël de sa face, comme il l'avait annoncé par le ministère de ses serviteurs, les prophètes ; il déporta les Israélites loin de leur pays en Assyrie, où ils sont encore aujourd'hui. [24] Le roi d'Assyrie fit venir des gens de Babylone, de Kuta, de Avva, de Hamat et de Sepharvayim et les établit dans les villes de la Samarie à la place des Israélites ; ils prirent possession de la Samarie et demeurèrent dans ses villes. [25] Au début de leur installation dans le pays, ils ne révéraient pas Yahvé et celui-ci envoya contre eux des lions, qui en firent un massacre. [26] Ils dirent au roi d'Assyrie : "Les nations que tu as déportées pour les établir dans les villes de la Samarie ne connaissent pas le rite du dieu du pays, et il a envoyé contre elles des lions. Ceux-ci les font mourir parce qu'elles ne connaissent pas le rite du dieu du pays." [27] Alors le roi d'Assyrie donna cet ordre : "Qu'on fasse partir là-bas l'un des prêtres que j'en ai déportés, qu'il aille s'y établir et qu'il leur enseigne le rite du dieu du pays." [28] Alors vint l'un des prêtres qu'on avait déportés de Samarie et il s'installa à Béthel ; il leur enseignait comment ils devaient révérer Yahvé. [29] Chaque nation se fit ses dieux et les mit dans les temples des hauts lieux, qu'avaient faits les Samaritains ; chaque nation agit ainsi dans les villes qu'elle habitait. [30] Les gens de Babylone avaient fait un Sukkot-Benot, les gens de Kuta un Nergal, les gens de Hamat un Ashima, [31] les Avvites un Nibhaz et un Tartaq, et les gens de Sepharvayim brûlaient leurs enfants au feu en l'honneur d'Adrammélek et d'Anammélek, dieux de Sepharvayim. [32] Ils révéraient aussi Yahvé et ils se firent, en les prenant parmi eux, des prêtres des hauts lieux, qui officiaient pour eux dans les temples des hauts lieux. [33] Ils révéraient Yahvé et ils servaient leurs dieux, selon le rite des nations d'où ils avaient été déportés. [34] Encore aujourd'hui, ils suivent leurs anciens rites. Ils ne révéraient pas Yahvé et ils ne se conformaient pas à ses règles et à ses rites, à la loi et aux commandements que Yahvé avait prescrits aux enfants de Jacob, à qui il avait imposé le nom d'Israël. [35] Yahvé avait conclu avec eux une alliance et il leur avait fait cette prescription : "Vous ne révérerez pas les dieux étrangers, vous ne vous prosternerez pas devant eux, vous ne leur rendrez pas de culte et vous ne leur offrirez pas de sacrifices. [36] C'est seulement à Yahvé, qui vous a fait monter du pays d'Egypte par la grande puissance de son bras étendu, qu'iront votre révérence, votre adoration et vos sacrifices. [37] Vous observerez les règles et les rites, la loi et les commandements qu'il vous a donnés par écrit pour vous y conformer toujours, et vous ne révérerez pas de dieux étrangers. [38] N'oubliez pas l'alliance que j'ai conclue avec vous et ne révérez pas de dieux étrangers, [39] révérez seulement Yahvé, votre Dieu, et il vous délivrera de la main de tous vos ennemis." [40] Mais ils n'obéirent pas, et ils continuent de suivre leur ancien rite. [41] Donc ces nations révéraient Yahvé et rendaient un culte à leurs idoles ; leurs enfants et les enfants de leurs enfants continuent de faire aujourd'hui comme avaient fait leurs pères.

La chute du règne du nord est la synthèse de cette problématique. Vers le verset 7, l’auteur

fait une synthèse de jugement sur la situation. Le roi fait ce qui est mal aux yeux du

Seigneur, mais pas comme tous les autres, et en cette situation arrive Salmanasar.

La chute est narrée de façon étroite : peu claires sont les circonstances historiques. Du

verset 7-23 on voit comme un texte d’accusation.

A partir du verset 21, Jéroboam est mis en avant. Israël dans sa totalité a accompli un

nombre incroyable de fautes cultuelles. Il résulte que la marque interprétative du

Deutéronome ressemble à Amos 5,26 : le culte de Samarie est veiné d’idolâtrie. Ce prophète

prêche a Béthel : 4,1-3 ; 6,1-7 // Is 5,24 ; 31,1-3 ; Jr 2. Les dénonciations regardent

exclusivement les fautes cultuelles.

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Cette théologie de la parole de Dieu est particulière. Une fois donné le nom de Dieu, tout est

annoncé et déterminé. Le prophète voit quelque chose et le cause, le fait être. L’histoire

d’Israël est une histoire de révolte. L’infidélité est infidélité à la loi. Ceci annonce de graves

catastrophes qui s’avéreront. Les prophètes ont la fonction de se faire porteurs de ces

annonces de mésaventure. On voit le schéma : prédiction/accomplissement. Pour l’auteur

Deutéronomiste, la vraie histoire est la parole de Dieu qui ne laisse pas tomber sa parole.

Ainsi il peut se donner que la parole s’avère sous le règne d’un roi qui n’est pas pire que les

autres. Cette parole prononcée tombe et s’avère. Il y a une espèce de déterminisme de la

parole de Dieu pour le Deutéronomiste (le mot est fort !). Une fois mise en œuvre, la parole

de Dieu détermine les évènements. L’homme peut éloigner la réalisation de la parole de

Dieu, mais pas l’éviter. Au péché succède la catastrophe. La conversion n’a pas d’espace

sinon en tant qu’elle peut retarder la catastrophe jusqu’à ce qu’elle surgisse.

Voilà pour l’histoire Deutéronomiste.

Les autres deux grands livres historiques : Les Chroniques et les Maccabées

3. LES CHRONIQUES

3.1 Le genre littéraire :

La définition est contenu dans le nom lui-même que la traditions nous enseigne : Chronique

qui en hébreu donne dibrê hayyamîm c'est-à-dire les paroles ou choses des jours. Cette

expression se trouve en 1Roi 14,19 ; 1Roi 14,29.

Dans la LXX, les livres ont pris le nom de , c'est-à-dire des évènements

historiques.

Dans le canon juif, ils sont mis dans les kétoubim et à la dernière place dans l’ordre

canonique.

Pour la LXX c’est dans les livres historiques. Ceci semble être témoigné par le Nouveau

Testament. En Mt 23,35 et Lc 11,51, on parle des délits de sang témoigné dans l’histoire

sacrée : l’assassinat d’Abel et l’assassinat du prêtre Zacharie entre le temple et l’autel (2Chr

24,20-22) qui n’est pas présent dans le livre des rois. L’ordre canonique serait donc le même

que celui que l’on connaît. La division du livre en deux n’est pas originaire. Elle n’apparaît

pas avant le 15ème siècle, c’est de type éditorial.

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114

3.2 Auteur et époque :

Jusqu’à des temps proches on a pensé que 1 et 2 Ch, Néhémie et Esdras serait du même

auteur. Cette idée à une forme plus traditionnelle qui l’identifie avec Esdras et on le trouve

aussi dans la tradition juive. Cette idée de la paternité d’Esdras est celle qui a le plus résistée

et qui est encore évaluée.

Mais il y a un problème : il est difficile d’attribuer à la même main tout le complexe d’Esdras

et Néhémie qui semble venir de mains différentes. Cette parenté a une forme plus moderne

qui dit qu’il y aurait un auteur des chroniques qui aurait rédigé l’ensemble de ces livres avec

des sources le précédant et en synoptique avec les Histoires Deutéronomistes. A la fin des

années 60 du siècle dernier cette théorie fut mise en discussion par Sarah Japhet qui dans

son commentaire Old Testament Library conteste cette idée. C’est la première qui dit de ne

pas mettre ensemble tout cela : Chronique et Esdras/Néhémie n’ont pas le même auteur. Il y

a des différences linguistiques, stylistiques, etc.… et des différences théologiques entre les

deux. En particulier elle souligne le fait que Esdras et Néhémie se présentent comme une

tentative de rénover l’histoire biblique tout en partant de l’histoire Deutéronomiste. (Esdras

et Néhémie sont un seul livre eux aussi). Ils veulent innover de façon formelle et

chronologique. Chronique est plus conforme au vieux style. Esdras et Néhémie sont plus

modernes.

Les observations de Sarah sont vraies et pleine de sens. Mais Esdras se présente comme la

continuation de Chronique et souligne le lien avec Chronique en reprenant :

2Ch 36, 23 : « "Ainsi parle Cyrus, roi de Perse: Yahvé, le Dieu du ciel, m'a remis tous les royaumes de la

terre; c'est lui qui m'a chargé de lui bâtir un Temple à Jérusalem, en Juda. Quiconque, parmi vous, fait

partie de tout son peuple, que son Dieu soit avec lui et qu'il monte!" »

Esdras 1,1 : « Or la première année de Cyrus, roi de Perse, pour accomplir la parole de Yahvé

prononcée par Jérémie, Yahvé éveilla l'esprit de Cyrus, roi de Perse, qui fit proclamer - et même

afficher - dans tout son royaume : [2] "Ainsi parle Cyrus, roi de Perse : Yahvé, le Dieu du ciel, m'a remis

tous les royaumes de la terre, c'est lui qui m'a chargé de lui bâtir un Temple à Jérusalem, en Juda. [3]

Quiconque, parmi vous, fait partie de tout son peuple, que son Dieu soit avec lui ! Qu'il monte à

Jérusalem, en Juda, et bâtisse le Temple de Yahvé, le Dieu d'Israël - c'est le Dieu qui est à Jérusalem ».

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Esdras est donc un continuateur et on ne peut pas parler de textes opposés ou

indépendants. Il y a une unité entre Esdras, Néhémie et Chronique. On peut donc parler

encore de l’œuvre du chroniqueur. Le rédacteur a voulu donner à son oeuvre une continuité.

Des critiques allemands ont parlé d’éléments secondaires et primaires : les chroniques

seraient composées sur le modèle du Pentateuque avec des documents retaillés. Cette école

sur la ligne des idées de rédaction du Pentateuque a proposé des théories semblables pour

les Chroniques.

Martin Noth soutient plutôt une première composition ensuite enrichie et développée.

Aucune de ces propositions ne se présente de façon satisfaisante : le chroniqueur utilise des

sources qui nous sont connues : le Deutéronomiste. C’est une opération de relecture

Deutéronomiste. Donc les allemands lisent le chroniqueur sans ce qu’il y a avant. La

discontinuité existe, mais c’est plus un phénomène de rédaction.

Il faut écarter l’hypothèse traditionnelle qui attribue Chronique à Esdras (2ème moitié du 6ème

siècle ou début du 5ème). Les années de la reconstruction du temple sont environ en 520-515.

Si Esdras avait écrit ce texte on ne pourrait pas penser à une forme de culte aussi

développée comme dans les Chroniques.

En certains points le texte se détache du Deutéronomiste et montre une langue tardive et

qui n’est plus le classique. Mais il ne montre aucun signe d’influence hellénique, ni

linguistique, ni théologique. On peut proposer une date autour du 4ème siècle.

3.3 Perspective théologique de l’histoire du chroniqueur

Le but est de donner une nouvelle interprétation théologique.

Le fait que cette interprétation s’explicite dans la narration historique, est de la plus grande

importance.

Nous sommes dans un point où faire de l’histoire résulte insuffisant et demande une

nouvelle interprétation. Tant l’auteur Deutéronomiste que le chroniqueur partent du fait

que l’histoire est le lieu privilégiée de la relation entre Israël et son Dieu. Dans la vision

classique l’histoire de Dieu avec son peuple est une succession d’alliance ; pour le

chroniqueur, la succession des alliances est moins importante. Le rapport entre Dieu et son

peuple est une relation absolue, cosmique, celle qui lie le créateur et la créature. Il y a une

emphase sur l’alliance, pour passer au fait que le rapport de Dieu avec son peuple est

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comme le reflet d’une relation cosmique, créaturale. Pour le chroniqueur, l’élection de David

est le moment fondamental de l’histoire d’Israël. Tout ce qui est précédent est narré par des

généalogies de façon succincte (9 premiers chapitres) ; en ces généalogies, Abraham est

nommé non comme le premier destinataire de l’alliance, mais comme le premier Père

d’Israël. On ne parle pas de Moise ni du Sinaï ; David est le sommet de l’histoire d’Israël. Tout

culmine dans la tribu de Juda et du clan davidique. Or à cette époque la monarchie n’existe

plus et le clan de David n’a plus de relevance.

La situation politique du chroniqueur est plus tranquille que celle du Deutéronomiste qui est

catastrophique. Ici nous sommes dans une situation de stagnation. Les rapports

économiques sont garantis, les taxes sont payées, la bureaucratie… on ne peut pas dire

qu’Israël ait une force. L’empire perse ne tombera pas comme cela. Il tombe par

l’intervention de Alexandre le grand.

Au chroniqueur il n’intéresse pas d’expliquer une catastrophe par le péché, c’est trop loin

dans le temps. Il veut se soulever à contempler à travers l’histoire le destin de sa nation sous

un point de vue transcendant, métahistorique et toutes les alliances ne l’intéressent pas.

Tout n’est pas idéalisé. Le péché du peuple et de qui le guide est bien présent. Il est clair que

le péché ne peut pas porter à la rupture de l’alliance. Reste une théorie de la rétribution.

Tout roi est jugé par sa fidélité à l’alliance. La punition est la manifestation de la justice

infaillible de Dieu qui l’applique au pécheur de façon étroite. Mais le fait qu’il punit le

pécheur montre qu’il est le roi d’Israël. Ce rapport ne se rompt pas. Tombe ce déterminisme

de la parole de Dieu. Il y a une possibilité de pardon inconditionné et rien ne peut rompre ce

rapport avec Dieu qui s’incarne en David et a en Israël toute son explication.

David devient un saint, il n’y a plus de Bethsabée. C’est comme les images du 18ème avec les

enfants qui veulent être sœur dès le sein maternel.

Mais du point de vue théologique on avance énormément : l’idée de la grâce : le rapport

d’Israël avec son Dieu ne peut pas être réduit au problème de l’observation de la loi et donc

aussi la punition est une image de la miséricorde. A cette époque la prophétie est morte,

donc on ne peut pas faire un lien avec Ezéchiel.

Nous avons donc une revisitation de la figure de David qui devient le dépositaire de l’alliance

au prix d’une déshumanisation de sa personne.

Ce que le chroniqueur développe d’une façon forte est la thématique du culte qui

représente la partie humaine de la relation entre Dieu et son peuple. Le peuple est en

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relation avec Dieu par le culte. Le chroniqueur part de la vision Deutéronomiste et la vision

du culte est importante. Nous avons vu que l’histoire Deutéronomiste est une vision laïque.

Les sacrifices ne sont pas thématisés.

Le chant est un aspect du culte. Peut-être que l’écrivain est un lévite chanteur. Ce

témoignage de l’importance du culte dans le temple. Dans le code Sacerdotal on n’en parle

jamais. La liturgie serait substantiellement muette. On décrit ce qui doit être fait. Mais on ne

parle pas des formules ou du chant.

Le Deutéronome développe l’aspect du culte comme louange à Dieu. Dieu élit son peuple et

le peuple loue son Dieu avec le chant. C’est une perspective propre de l’auteur.

David est comme un personnage collectif qui englobe tout Israël qui chante. David est celui

qui met en ordre l’organisation du chant liturgique, et le chant n’est pas moins important

que l’aspect sacrificiel. Le culte culmine dans le chant de louange. Le culte est de tout

l’homme qui reflète son comportement moral. La justice est une partie intégrante du culte. Il

n’y a pas de culte sans justice. L’expression la plus adéquate du culte est la justice : la

confiance, la crainte de Dieu… L’acte du culte est inaccompli si il n’est pas fait par toute la

personne. D’un point de vue de la valeur spirituelle du texte, le Deutéronomiste est un peu

déprimant : l’histoire d’une tragédie historique qui finit mal. L’histoire du chroniqueur a un

regard plus positif de l’histoire : l’espérance est comme développée et manifeste la joie,

dans le culte.

4. LES LIVRES DES MACCABEES

4.1 Situation littéraire

Ce sont des deutérocanoniques. Ils nous transportent dans une époque historique toute

différente : la mort d’Alexandre le grand et le morcellement de son règne.

Alexandre III de Macédoine meurt à Babylone le 23 juin 323 laissant un immense empire

offert à la convoitise et à la concurrence de ses compagnons d’armes et successeurs, les

Diadoques (successeurs) qui se le disputeront durant 40 ans avant d’établir un partage en 4

royaumes qui seront constamment en guerre entre eux. C’est le temps des royautés

hellénistiques.

Les plus avisé d’entre eux, Ptolémée, fils de Lagos, macédonien, renonça le premier à régner

sur la totalité de cet empire démesuré et se contenta de l’Egypte où il établit pour 250 ans la

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dynastie Lagide. Il fit d’Alexandrie la nouvelle capitale de l’Egypte, et elle devint la métropole

commerciale et culturelle de l’Orient méditerranéen.

Séleucos s’était octroyé la Babylonie et combattit plusieurs années pour obtenir l’hégémonie

sur les satrapies du nord de la Mésopotamie et de l’Iran. A l’issue de vingt ans de guerres (en

301), la dynastie séleucide règne sur toute la partie orientale de l’empire d’Alexandre, du

Taurus à l’Indus, avec sa capitale à Antioche.

La Judée, épuisée par cette guerre syrienne accepta d’abord favorablement ce changement

de maître, Antiochos III ayant su se montrer magnanime. Mais ses successeurs Séleucos IV et

Antiochos IV, en proie à de graves difficultés financières, accentuèrent la pression fiscale et

le second tenta d’imposer par la violence le processus d’hellénisation de la société juive.

C’est ce qui provoqua en 167 la révolte nationaliste juive sous la conduite des Maccabées.

Ceux-ci seront assez habiles pour se concilier l’appui des romains qui voyaient en eux d’utiles

alliés contre les royaumes hellénistiques d’Orient à bout de souffle. Le royaume juif

asmonéen issu de cette révolte se maintint avec succès grâce à cet équilibre jusqu’à

l’avènement d’Alexandre Jannée (104-76). Celui-ci renoua avec une politique anti-romaine,

faisant alliance avec différents royaumes orientaux qui tentaient de résister à Rome : le

royaume du Pont avec Mithridate, le royaume d’Arménie avec Tigrane, le puissant Parthe.

Cette politique entraîna l’intervention militaire de Rome et c’est Pompée qui établit la

domination romaine sur la Syro-palestine en 64-63.

L’histoire des règnes des Diadoques est donc très compliquée. Il suffit de fixer que en Egypte

émerge la dynastie Lagide dont le chef est Ptolémée I Lago. Tous ces successeurs prendront

le nom de Ptolémée et il y a un deuxième nom qui est de couronnement, ainsi nous avons

par exemple Ptolémée I Lago Sôter.

En Syrie-Babylone nous avons les Séleucides avec comme fondateur le général Séleucus I

Nicator. La politique lagide tend au respect des traditions, au contraire la monarchie

Séleucide était un mélange de peuples et ils retournent à la tradition syro-babylonienne.

Cesse donc la politique religieuse de Cyrus le Grand et le roi est divinisé de façon hellénique

et il y a une adoption des coutumes grecque. L’hellénisme devient l’élément unificateur. La

Judée reste sous domination Lagide jusqu’en 200. Ensuite elle est conquise par Antioche III

le Grand et son fils Antioche IV Epiphane (= le dieu manifeste) introduit cette hellénisation

forcée qui donne la révolte.

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Le livre des Maccabées parle de cette révolte qui commence en 167 avec le prêtre

Mattathias et se poursuit avec le fils de ce prêtre qui est Judas Maccabée. Ceci portera à une

certaine indépendance avec la dynastie des asmonéens. Elle s’éteint lorsque Hérode le

Grand épouse la dernière reine Mariamne II. Le maître de justice de Qumran serait un de ces

rois prêtres asmonéens ?

Les livres partent de l’accession au trône de Antiochus Epiphane 165 jusqu’à la mort de

Simon Maccabées en 134 ; le second livre commence un peu avant avec la fin du règne de

Séleucus IV Philopator qui est le frère et prédécesseur de Antiochus Epiphane. Ce livre

s’arrête aussi avant : avant la mort de Judas Maccabée.

Ce sont deux œuvres profondément différentes entre elles : pas le même auteur ni la même

perspective théologique.

4.2 Caractéristiques littéraires

Le 1er Maccabées serait la traduction grecque d’un original sémitique perdu. Le second est

une vraie œuvre de historiographie hellénique. C’est l’épitomé d’un certain Jason de Cyrène,

soit le résumé d’une œuvre plus vaste. Cette œuvre ne nous est pas arrivée et nous n’avons

pas de nouvelle de ce personnage. Nous ne savons pas qui a résumé en un seul livre l’œuvre

en 5 livres de Jason. Ces deux livres sont caractérisés de façon différente.

La première est une imitation de l’histoire Deutéronomiste et des classiques. Il dérive d’un

judaïsme palestinien. La deuxième œuvre est un texte qui reflète la préoccupation d’un

judaïsme d’une culture et langue totalement différentes.

Le 1er est écrit avant la conquête de Jérusalem par Pompé en 63 car il donne une vision

positive des Romains (ce qui ne serait pas arrivé si l’auteur avait su que Pompé avait conquis

la ville en 166 et était entré dans le Saint des saints). C’est le terminus post quem. Le

terminus ante quem est que le livre connaît le monument funèbre des asmonéens qui date

de 143. Soit entre 166-143. Soit vers la fin du deuxième siècle. Probablement dans la

dernière partie du règne de Jean Hyrcan I qui règne de 134 à 104.

Le deuxième livre est plus antique. Il est écrit en Egypte à Alexandrie et était fini avant 144

parce que c’est la date des deux lettres qui ouvrent le texte. Jason de Cyrène aurait écrit ces

livres vers 160.

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4.3 Perspectives théologiques

Les livres sont donc différents.

Le premier est un souteneur de la mission providentielle des asmonéens. Les Maccabées

sont ceux qui ont finalement rapporté l’indépendance du peuple. L’auteur du premier livre

est sceptique sur les valeurs héroïques personnelles et le martyr, la résurrection, la vie dans

l’au-delà, des miracles, de la prophétie qu’il considère finie, 1M 9,27. Nationalisme politique

presque extrémiste. Bref tout cela concorde avec le peu que l’on sait de la tradition

saducéenne.

Le deuxième ne perd pas occasion pour affirmer ces doctrines. Résurrection au chapitre 7,

intercession 2M 12,38-45, les miracles et l’intervention divine : 3,24-40. Du point de vue

politique on voit d’autres figures que Judas Maccabées qu pourtant il respecte : Le prêtre

Onias III. Les frères de Judas n’ont pas d’importance (différente dans le premier livre).

Il ne faut pas cependant sous-évaluer le lien entre les deux livres : ce qui caractérise le

peuple d’Israël est la fidélité à la loi (1M 1,56s) qui est la Torah. Cette fidélité s’exprime dans

le refus des pratiques idolâtriques, la circoncision, les normes de la kascher et l’observation

du shabbat. La mort est préférable à la violation de ces normes. Nous sommes dans le plein

judaïsme. Le martyr assume de l’importance même si il est évalué différemment : dans le

premier c’est généreux mais peu réaliste. Dans le deuxième c’est fort. Ce qui compte en tout

cas est la fidélité à la Torah.

4.4 Lecture de 2Maccabées 7

[1] Il arriva aussi que sept frères ayant été arrêtés avec leur mère, le roi voulut les contraindre, en leur infligeant les fouets et les nerfs de boeuf, à toucher à la viande de porc (interdite par la loi). [2] L'un d'eux se faisant leur porte-parole : "Que vas-tu, dit-il, demander et apprendre de nous ? Nous sommes prêts à mourir plutôt que d'enfreindre les lois de nos pères." [3] Le roi, hors de lui, fit mettre sur le feu des poêles et des chaudrons. [4] Sitôt qu'ils furent brûlants, il ordonna de couper la langue à celui qui avait été leur porte-parole, de lui enlever la peau de la tête et de lui trancher les extrémités, sous les yeux de ses autres frères et de sa mère. [5] Lorsqu'il fut complètement impotent, il commanda de l'approcher du feu, respirant encore, et de le faire passer à la poêle. Tandis que la vapeur de la poêle se répandait au loin, les autres s'exhortaient mutuellement avec leur mère à mourir avec vaillance. [6] "Le Seigneur Dieu voit, disaient-ils, et il a en vérité cette compassion de nous selon que Moïse l'a annoncé par le cantique qui proteste ouvertement en ces termes : Et il aura pitié de ses serviteurs." [7] Lorsque le premier eut quitté la vie de cette manière, on amena le second pour le supplice. Après lui avoir arraché la peau de la tête avec les cheveux, on lui demandait : "Veux-tu manger du porc, avant que ton corps soit torturé membre par membre ?" [8] Il répondit dans la langue de ses pères : "Non !" C'est pourquoi lui aussi fut à son tour soumis aux tourments. [9] Au moment de rendre le dernier soupir : "Scélérat que tu es, dit-il, tu nous exclus de cette vie présente, mais le Roi du monde nous ressuscitera pour une vie éternelle, nous qui mourons pour ses lois." [10] Après lui on châtia le troisième. Il présenta aussitôt sa langue comme on le lui demandait et tendit ses mains avec intrépidité ;

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[11] il déclara courageusement : "C'est du Ciel que je tiens ces membres, mais à cause de ses lois je les méprise et c'est de lui que j'espère les recouvrer de nouveau.)" [12] Le roi lui-même et son escorte furent frappés du courage de ce jeune homme qui comptait les souffrances pour rien. [13] Ce dernier une fois mort, on soumit le quatrième aux mêmes tourments et tortures. [14] Sur le point d'expirer il s'exprima de la sorte : "Mieux vaut mourir de la main des hommes en tenant de Dieu l'espoir d'être ressuscité par lui, car pour toi il n'y aura pas de résurrection à la vie." [15] On amena ensuite le cinquième et on le tortura. [16] Mais lui, fixant les yeux sur le roi, lui disait : "Tu as, quoique corruptible, autorité sur les hommes, tu fais ce que tu veux. Ne pense pas cependant que notre race soit abandonnée de Dieu. [17] Pour toi, prends patience et tu verras sa grande puissance, comme il te tourmentera toi et ta race." [18] Après celui-là ils amenèrent le sixième, qui dit, sur le point de mourir : "Ne te fais pas de vaine illusion, c'est à cause de nous-mêmes que nous souffrons cela, ayant péché envers notre propre Dieu (aussi nous est-il arrivé des choses étonnantes). [19] Mais toi, ne t'imagine pas que tu seras impuni après avoir entrepris de faire la guerre à Dieu." [20] Eminemment admirable et digne d'une illustre mémoire fut la mère qui, voyant mourir ses sept fils dans l'espace d'un seul jour, le supporta courageusement en vertu des espérances qu'elle plaçait dans le Seigneur. [21] Elle exhortait chacun d'eux, dans la langue de ses pères, et, remplie de nobles sentiments, elle animait d'un mâle courage son raisonnement de femme : [22] "Je ne sais comment vous avez apparu dans mes entrailles ; ce n'est pas moi qui vous ai gratifiés de l'esprit et de la vie ; ce n'est pas moi qui ai organisé les éléments qui composent chacun de vous. [23] Aussi bien le Créateur du monde, qui a formé le genre humain et qui est à l'origine de toute chose, vous rendra-t-il, dans sa miséricorde, et l'esprit et la vie, parce que vous vous méprisez maintenant vous-mêmes pour l'amour de ses lois." [24] Antiochus se crut vilipendé et soupçonna un outrage dans ces paroles. Comme le plus jeune était encore en vie, non seulement il l'exhortait par des paroles, mais il lui donnait par des serments l'assurance de le rendre à la fois riche et très heureux, s'il abandonnait les traditions ancestrales, d'en faire son ami et de lui confier de hauts emplois. [25] Le jeune homme ne prêtant à cela aucune attention, le roi fit approcher la mère et l'engagea à donner à l'adolescent des conseils pour sauver sa vie. [26] Lorsqu'il l'eut longuement exhortée, elle consentit à persuader son fils. [27] Elle se pencha donc vers lui et, mystifiant le tyran cruel, elle s'exprima de la sorte dans la langue de ses pères : "Mon fils, aie pitié de moi qui t'ai porté neuf mois dans mon sein, qui t'ai allaité trois ans, qui t'ai nourri et élevé jusqu'â l'âge où tu es (et pourvu à ton entretien). [28] Je t'en conjure, mon enfant, regarde le ciel et la terre et vois tout ce qui est en eux, et sache que Dieu les a faits de

rien et que la race des hommes est faite de la même manière. [29] Ne crains pas ce bourreau, mais, te montrant digne de tes frères, accepte la mort, afin que je te retrouve avec eux dans la miséricorde." [30] A peine achevait-elle de parler que le jeune homme dit : "Qu'attendez-vous ? Je n'obéis pas aux ordres du roi, j'obéis aux ordres de la Loi qui a été donnée à nos pères par Moïse. [31] Et toi, qui t'es fait l'inventeur de toute la calamité qui fond sur les Hébreux, tu n'échapperas pas aux mains de Dieu. [32] (Nous autres, nous souffrons à cause de nos propres péchés.) [33] Si, pour notre châtiment et notre correction, notre Seigneur qui est vivant s'est courroucé un moment contre nous, il se réconciliera de nouveau avec ses serviteurs. [34] Mais toi, ô impie et le plus infect de tous les hommes, ne t'élève pas sans raison, te berçant de vains espoirs et levant la main contre ses serviteurs, [35] car tu n'as pas encore échappé au jugement de Dieu qui peut tout et qui voit tout. [36] Quant à nos frères, après avoir supporté une douleur passagère, en vue d'une vie intarissable, ils sont tombés pour l'alliance de Dieu, tandis que toi, par le jugement de Dieu, tu porteras le juste châtiment de ton orgueil. [37] Pour moi, je livre comme mes frères mon corps et ma vie pour les lois de mes pères, suppliant Dieu d'être bientôt favorable à notre nation et de t'amener par les épreuves et les fléaux à confesser qu'il est le seul Dieu. [38] Puisse enfin s'arrêter sur moi et sur mes frères la colère du Tout-Puissant justement déchaînée sur toute notre race !" [39] Le roi, hors de lui, sévit contre ce dernier encore plus cruellement que contre les autres, le sarcasme lui étant particulièrement amer. [40] Ainsi trépassa le jeune homme, sans s'être souillé, et avec une parfaite confiance dans le Seigneur. [41] Enfin la mère mourut la dernière, après ses fils. [42] Mais en voilà assez sur la question des repas rituels et des tortures monstrueuses.

Ce texte est très connu et fut souvent utilisé. Nous voyons comment est caractéristique :

• Les martyrs acceptent avec joie leur issue pour les choses que le monde considère

comme folles.

• Les dialogues entre les condamnés.

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• Les descriptions des tortures.

• L’admiration des païens sous les souffrances.

D’un point de vue théologique il faut souligner l’espérance dans la résurrection et

l’espérance sur le pouvoir rédempteur du martyr. Le martyr obtient les grâces de Dieu pour

soi et la nation.

Seuls les martyrs avec leur souffrances causent l’intervention de Dieu. C’est un outil pour

susciter l’action de Dieu pour l’innocent frappé. Ce qui est innovateur dans ce texte est

d’appliquer cette idée au martyr. La Lettre aux Hébreux fait référence à ce texte 11,35.

La tentation est la viande de porc et le péché d’idolâtrie. Il est difficile de douter de la

souffrance des tortures. Le premier frère énonce la prémisse. Le deuxième explicite et le

troisième ajoute qu’ils retrouveront les membres, le quatrième dit qu’Antiochus n’aura pas

de part, le cinquième dit qu’Israël sera vengé et le sixième dit que. Tout se conclu avec le

septième frère et sa mère.

Nous voyons l’aspiration la plus profonde de tout Israël. L’homme peut-il être fidèle

jusqu’au bout à Dieu et à la Torah ? Le Nouveau Testament donnera une réponse.

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LES LIVRES HISTORIQUES............................................................................................................ 1

1. LE PENTATEUQUE........................................................................................................... 2

1.1 Introduction au Pentateuque................................................................................. 2

1.1.1 Le nom........................................................................................................ 2

1.1.2 L’auteur ...................................................................................................... 2

1.1.3 Origine de la théorie documentaire classique : ......................................... 3

1.1.4 Exposition systématique de Graf et Wellhausen. ...................................... 6

1.1.5 Evaluation de la théorie fragmentaire ..................................................... 10

1.1.6 Possibilité de proposition différente : la proposition de R. Rendtorff..... 12

1.1.7 Une révolution copernicienne : les méthodes synchroniques ................ 13

1.2 LA GENESE ............................................................................................................ 16

1.2.1 Structure du livre...................................................................................... 16

1.2.2 Lecture de Genèse 1,1-2,4a. :................................................................... 17

1.2.3 Lecture de Gn 2,4-25................................................................................ 28

1.2.4 Lecture de Gn 3 ........................................................................................ 33

Annexe au point 1.2.4 Reprise de la question sur comment interpréter ces textes

qui sont très important en tant que fondement du dogme du péché originel ? .... 36

1.2.5 Introduction aux Histoires Patriarcales.................................................... 38

1.2.5.1 Arbre des origines des patriarches.................................................... 41

1.2.6 Lecture théologique des histoires patriarcales........................................ 44

1.2.6.1 Lecture de Gn 12,1-9 : ....................................................................... 46

1.2.6.2 Lecture de Genèse 22, 1-19 :............................................................. 48

1.2.7 Un cycle narratif à part dans les histoires patriarcales : l’histoire de

Joseph Chapitre 37s ................................................................................................. 52

1.2.7.1 Lecture de Genèse 37 :...................................................................... 53

1.2.7.2 Lecture de Genèse 44 :...................................................................... 55

1.3 L’EXODE ET LES LIVRES SUCCESSIFS ..................................................................... 57

1.3.1 Structure du livre de l’Exode .................................................................... 57

1.3.2 Lecture de Exode 3 : la vocation de Moïse et la révélation du Nom ....... 58

1.3.3 Lecture d’Exode 14, le passage de la mer ................................................ 62

1.3.4 Ex 19-20 : Israël au Sinaï – Notes sur le code de l’alliance....................... 66

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1.3.4.1 Lecture d’Exode 19............................................................................ 66

1.3.4.2 Lecture d’Exode 20 : le Décalogue .................................................... 69

1.3.5 Le code Sacerdotal (Ex ; Lv ; Nb) .............................................................. 76

1.3.5.1 Lecture de Exode 25 .......................................................................... 78

1.3.5.2 La conception Sacerdotale : .............................................................. 82

1.3.5.3 Le code de sainteté dans le Lévitique chapitre 17-26....................... 83

1.4 LE DEUTERONOME ............................................................................................... 85

1.4.1 Structure du livre...................................................................................... 85

1.4.2 Origine du livre. ........................................................................................ 85

1.4.3 Concepts fondamentaux du Deutéronome : ........................................... 86

1.4.4 Lecture de Deut 6, 1-9 :............................................................................ 87

2. L’HISTOIRE DEUTERONOMISTE .................................................................................... 89

2.1 Exateuque ou Tétrateuque ?................................................................................ 90

2.2 La Théologie de l’histoire ; le but de cette vision Deutéronomiste..................... 92

2.3 La théologie de l’histoire à l’œuvre...................................................................... 93

2.3.1 Lecture de Juges 2,6-23 ; le jugement sur la période des juges .............. 93

2.3.2 Lecture de 1Sam 8-9 : le débat sur la monarchie .................................... 94

2.4 L’historiographie en Israël : l’histoire de la succession de David......................... 98

2.4.1 Israël et l’histoire ; lecture de 2Sam 7,1-17 ............................................. 98

2.4.1.1 Le document que l’on appelle « Histoire de la succession au trône de

David » 99

2.4.2 Lecture de 2Sam 11 David et Bethsabée ............................................... 101

2.5 Histoire de Salomon le grand, ascension et décadence .................................... 104

2.5.1 Lecture de 1Roi 3,1-15 et 1Roi 11,1-13.................................................. 106

2.5.2 Lecture de 1Roi 8,12-53. La dédicace du Temple .................................. 107

2.6 Le schisme Lecture de 1Roi 12 ........................................................................... 109

2.7 La fin d’Israël, Lecture de 2Roi 17 ...................................................................... 111

3. LES CHRONIQUES ....................................................................................................... 113

3.1 Le genre littéraire : ............................................................................................. 113

3.2 Auteur et époque : ............................................................................................. 114

3.3 Perspective théologique de l’histoire du chroniqueur ...................................... 115

4. LES LIVRES DES MACCABEES ...................................................................................... 117

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4.1 Situation littéraire .............................................................................................. 117

4.2 Caractéristiques littéraires ................................................................................. 119

4.3 Perspectives théologiques ................................................................................. 120

4.4 Lecture de 2Maccabées 7................................................................................... 120