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Exposé présenté par Dr. Alawadi Zelao lors de l'atelier national sur la participation des minorités aux élections municipales et législatives au Cameroun organisées par Laimaru, MBOSCUDA, CAEPA & Pionniers au monastère du Mont Fébé, Yaoundé, 28-29 Septembre 2012.
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Système des Nations Unies de protection et de promotion des droits des minorités :
l’exemple des minorités Montagnardes à l’Extrême-Nord Cameroun
Alawadi Zelao1
Introduction
Les Montagnards constituent un ensemble des groupes sociaux qui vivent dans la zone
géographique dénommée par la littérature française les Monts-Mandara2. Ils se trouvent en grand
nombre démographique dans la région de l’Extrême-Nord et principalement dans les
départements du Mayo-Tsanaga (Mafa, Kapsiki, Bana, Goudé…), dans le département du Mayo-
Sava (Zoulgo, Guemjek, Mada, Podoko, Mouktélé…) et dans le département de Diamaré
(Mofou, Mboko, Molko…)3. Les Montagnards ont pour écosystème naturel la montagne. Mais
avec les dynamiques historiques (conquêtes Foulbé/Mandara, colonisation européenne), certaines
communautés montagnardes ont commencé progressivement à coloniser les plaines et s’y sont
définitivement installées.
Depuis la période de la guerre sainte (jihad) lancée par Othman Dan Fodio, les Montagnards
vivent une situation de tutelle de la part des sociétés musulmanes. Au temps colonial allemand et
français, les montagnards ont gardé leur attitude de résistance face aux forces extérieures. Avec
l’avènement de l’indépendance, la situation des Montagnards n’a pas changé avec la prise de
pouvoir Ahmadou Ahidjo qui a œuvré à l’islamisation de la partie septentrionale du Cameroun.
Aujourd’hui, la marginalisation se manifeste sur le triple plan social (imposition du modèle
d’organisation sociale propre aux musulmans), politique (sous-représentativité dans les instances
électives et institutionnelles) et économique (pauvreté aigüe). Cette communication présente les
caractéristiques des minorités Montagnardes, indique les sources du droit international qui
consacre la protection et la promotion des minorités à l’échelle mondiale et montre en quoi un tel
arsenal juridique intéresse la situation des minorités Montagnardes à l’Extrême-Nord du
Cameroun.
I- Les Montagnards et leur figure de minorité
a) Des communautés autochtones subissant les assauts de l’histoire
Dans la littérature consacrée aux peuples autochtones, il est généralement mis en exergue
l’antériorité de ces groupes dans leur site d’installation en rapport des groupes sociaux qui
développent les velléités de domination. Une Etude du problème de discrimination à l’encontre
des populations autochtones des Nations Unies souligne justement que : « Les populations
1 Ph/D en Sociologie politique, enseignant-chercheur, Tel (+237) 74 66 55 25, E-mail : [email protected]
2 Antoinette Hallaire, Paysans montagnards. Les monts Mandara, Paris, ORSTOM, 1991.
3 D’autres groupes montagnards tels les Dowayo (Poli), les Fali (Bénoué) et une partie des Guidar (Guider) sont
installés dans la région du Nord.
autochtones sont constituées par le descendants actuels des peuples qui habitaient l’ensemble ou
une partie du territoire actuel d’un pays au moment où sont venues d’autres régions du monde
des personnes d’une autre culture ou d’une autre origine ethnique qui les ont dominés et les ont
réduits, par la conquête, l’implantation des populations ou d’autres moyens à un état de non-
domination ou colonial »4. Ainsi, les communautés autochtones se trouvent dans leur site
écologique de longue et entretiennent avec celui-ci une relation symbiotique voire mythique.
Urvoy situe autour du 6ème
siècle l’installation des Montagnards dans leur site écologique actuel.
A juste titre, les Montagnards constituent les premiers habitants de la partie septentrionale du
Cameroun. Ils font partie de la famille des sociétés paléonigritiques dont l’encastrement spatial
longe sur plusieurs siècles. En rapport avec les peuples des plaines et notamment les sociétés
conquérantes musulmanes (Foulbé, Kanouri, Mandara, Kotoko…), les Montagnards ont un
ancrage assez lointain dans les montagnes qu’ils continuent d’occuper.
La rencontre des Montagnards avec ces peuples étrangers fut marquée très tôt par des scènes de
conflits et de violence endémique5. Les montagnes qui constituent de grandes enclaves
démographiques vont subir les battues esclavagistes des empires borno, mandara et pour certains
groupes installés dans la partie méridionale (Kapsiki, Hidé, Bana, Goudé…) l’impérialisme
culturel des Foulbé. C’est principalement vers ces régions que les caravanes d’extraction
humaine ont été organisées en vue de se constituer de mains d’œuvre servile bon marché. Dans
la plupart des villages des Montagnes aujourd’hui, il est rappelé dans les récits ce moment de
grande agitation qui a véritablement provoqué des bouleversements dans leurs sociétés. Depuis,
la relation entre Montagnards et peuples conquérants est marqué du sceau de la dépendance
esclavagiste. Pour les différents groupes musulmans, les Montagnards sont des peuples à utiliser
dans des travaux domestiques, à constituer en marchandise dans des transactions économiques,
bref à maintenir dans une position sociale fruste, marginale et déshumanisant.
Il faut prendre le contexte historique d’alors au sérieux pour cerner l’amplitude d’une telle
variable. Pour des sociétés structurées sur le modèle des « paliers sociaux »6, à l’intérieur
desquelles il existe les « hommes libres » et les « esclaves »7, l’idéologie esclavagiste rentre dans
un code social institué. Elle est une norme sociale forte qui organise les relations internes entre
les membres de la société et détermine la relation externe aux autres groupes sociaux. Dans ce
sens, que le rapport des Montagnards aux sociétés conquérantes ait reposé sur des pratiques
esclavagistes traduit plus un état de nature qu’un accident de l’histoire. Il faut saisir cette réalité
4 Cité par Isabelle Schulte-Tenckhoff, La question des peuples autochtones, Bruxelles, Bruylant, 1997, p. 7.
5 Alain Beauvilain, Crises et peuplement au Nord-Cameroun, Tome 2, 1989.
6 Georges Gurvitch, La vocation actuelle de la sociologie, Paris, Puf, 1968, p. 66.
7 Pierre-François Lacroix, « Matériaux pour servir à l’histoire des Peul de l’Adamawa », Etudes camerounaises,
n°37-38, 1952, pp. 3-61.
comme inhérente à une dynamique historique qui a sa propre idéologie ajustée à l’esclavagisme
comme paradigme8.
b) Des communautés autochtones vivant dans un espace écologique spécifique
Les Montagnards ont pour site écologique naturel la montagne. La montagne remplit plusieurs
fonctions : culturel, religieux, politique, écologique et idéologique9. En raison de la forte
inscription des peuples dans ces lieux, la montagne fait désormais partie constitutive de la vie
collective. Le regard exotique appréhende l’espace montagneux comme un lieu qui peut rendre
difficile les conditions d’existence des communautés. C’est bien là une appréhension
préconstruite qui est en décalage avec l’empirie du milieu. Avec le temps, les différentes
communautés ont réussi à domestiquer les éléments de la montagne au point d’en établir une
interdépendance quasi mythique10
. Ainsi contrairement à la littérature coloniale qui postule de
l’extranéité de la montagne dans l’histoire des Montagnards, il faut désormais mettre en exergue
la complicité systémique qui régit le rapport entre montagne et Montagnard.
Les Montagnards eux-mêmes accordent un intérêt profond à leur environnement. Toute la
dynamique d’interaction est bâtie sur l’anthropogisation de la montagne comme lieu de vie, de
religion et d’identité. Selon Jean-Claude Fritz : « Les peuples autochtones ont développé à un
niveau élevé la connaissance du milieu, son utilisation et en ont construit des représentations
cohérentes dans la logique symbolique. Ils figurent pour un certain nombre d’entre eux dans ce
que le scientifique américain Dasmann appelle les ‘peuples des écosystèmes’ »11
. Ni réalité
externe, ni force exogène, la montagne se décode aux yeux des Montagnards comme une
composante consubstantielle à leur histoire, à leur vécu anthropologique et cosmogonique. En
montagne, les Montagnards trouvent une vie authentique, organisent une sociabilité pérenne,
accomplissent leur religiosité originelle et codifient une économie d’existence forte. Or la
rencontre des Montagnards avec les forces extérieures, d’abord les sociétés musulmanes
conquérantes, par la suite les autorités coloniales européennes et enfin l’Etat postcolonial, va
buter sur une série de contradictions sociales, culturelles et idéologiques.
Dans la mouvance des dynamiques historiques, la montagne et les Montagnards sont regardés
sous le prisme des préjugés, des appréhensions idéologiques et de présupposés subjectifs. La
dynamique de dépeuplement des régions montagneuses amorcée sous la colonisation française
indique bien que la montagne ne fut pas considérée comme un espace anthropologiquement
8 Paul Lovejoy, Transformations in slavery. A history of slavery in Africa, Cambridge, Cambridge University Press,
1983. 9 Alawadi Zelao, « Dynamique spatiale et stabilité des représentations socio-identitaires chez les peuples des
montagnes au Nord-Cameroun », Elizabeth Tamajong (dir), Les mutations en Afrique, Yaoundé, PUCAC, 2009, pp.
11-40. 10
Jeanne-Françoise Vincent, Les princes montagnards du Nord-Cameroun, Paris, L’Harmattan, 1991. 11
Jean-Claude Fritz et al. (dir), La nouvelle question indigène. Peuples autochtones et ordre mondial, op. cit., p. 75-
76.
chargé12
. La thèse des « montagnards refoulés »13
aura également servi de ce que les
Montagnards ne sont que des habitants saisonniers de leur milieu écologique. Le déplacement
des Montagnards en plaine va se traduire chez beaucoup d’entre eux par l’abandon de leurs us et
coutumes, des pratiques culturales à l’œuvre en montagnes et de l’assimilation des valeurs
sociales étrangères. Le processus d’acculturation va provoquer l’aliénation des peuples de
montagnes qui confrontent l’ordre musulman en plaine. Les politiques migratoires mises en
œuvre par l’Etat du Cameroun au lendemain de l’indépendance a également contribué à la perte
du sens écologique traditionnel chez les Montagnards. La migration hors des montagnes a des
répercussions sur la conservation de l’équilibre écologique en territoire montagnard. L’érosion
des sols, la disparition progressive des cultures en terrasse, la spéculation foncière imposée par
les chefs musulmans (lamido), l’introduction de cultures de rentes (coton) sont quelques facteurs
qui précipitent aujourd’hui la crise écologique chez les Montagnards.
c) Des communautés autochtones attachées à leurs valeurs traditionnelles
L’attachement des peuples autochtones aux valeurs traditionnelles est un trait essentiel de leur
identification. C’est ce qui les distingue des autres groupes qui sont très tôt entrés en relation
avec la modernité. Outre qu’elles vivent dans un environnement écologique difficile d’accès, les
minorités montagnardes restent profondément ancrées dans leur vie ancestrale et traditionnelle.
Ainsi dans les villages des montagnes, la vie sociale reste globalement orchestrée par les fêtes et
cérémonies traditionnelles. Il s’agit entre autres de la fête des taureaux chez les Mofou, les
Zoulgo, les Guemjek ou le Maray chez les Mafa. La fête des taureaux est une grande scène
culturelle et cultuelle qui regroupe les membres d’une même communauté et à laquelle sont
conviés les peuples voisins. Les activités saisonnières sont également fortement marquées par la
religiosité traditionnelle. Ce sont les ancêtres, ces vieux prêtres qui donnent le ton à chaque
nouvelle saison en appelant les membres de la communauté aux semailles.
Des rites et des incantations sont organisés pour s’assurer de la bénédiction des divinités et des
oracles. Car chez les Montagnards la vie sociale baigne essentiellement dans le sacré. Malgré les
mutations entraînées par la modernité, la plupart des Montagnards vivent dans leur site
écologique naturel : la montagne. Aux yeux des groupes sociaux qui les voisinent, cette vie dans
les montagnes révèle un état primaire et fondamental d’existence. Ainsi les Montagnards sont
considérés comme des attardés culturels. Leur encastrement écologique dans les montagnes
traduit tout simplement qu’ils refusent de s’ouvrir au monde extérieur et donc d’accéder au
développement. La descente en plaine des peuples des montagnes est en effet une violation des
droits culturels des Montagnards qui doivent désormais vivre hors de leur site écologique.
12
Jean Boutrais, La colonisation des plaines par les montagnards au nord du Cameroun (monts Mandara), Paris,
ORSTOM, 1973. 13
Jean-Claude Froélich, Les montagnards paléonigritiques, Paris, Berger-Levrault, 1968.
Comme le souligne le Rapport de Groupe de Travail d’Experts : « Les peuples autochtones sont
victimes d’une marginalisation culturelle qui a pris différentes formes et qui est causée par une
combinaison de facteurs. La perte des principales ressources de production a négativement
influé sur les cultures des peuples autochtones, les privant du droit à maintenir le mode de vie de
leur choix et de conserver et développer leurs cultures et leur identité culturelle selon propre
volonté »14
. Les Montagnards subissent l’impérialisme culturel des sociétés musulmanes depuis
leur pénétration au Nord-Cameroun. La domination culturelle des Montagnards se manifeste
également par l’imposition du système lamidal15
dans toute la partie septentrionale du
Cameroun. La relégation au second plan des structures traditionnelles propres aux Montagnards
constitue une entorse à l’expression de leur identité. Désormais ils doivent vivre selon les normes
sociales des groupes dominants, ce qui les expose à une déperdition culturelle permanente.
Ce qu’il faut davantage savoir ce que la relation entre les Montagnes et leur milieu écologique
repose essentiellement sur une relation symbiotique, de réciprocité et de mutualité. Tous les
peuples des montagnes gardent une mémoire vive de la montagne malgré les changements
intervenus avec la modernité. De la montagne, les peuples autochtones y puisent des ressources
diverses à leur médication, à leur subsistance et à leur habitat. L’attachement à la montagne
s’explique en ce qu’elle représente une part importante de l’identité des peuples qui y vivent
depuis des lustres.
d) Des communautés marginalisées
Les Montagnards connaissent une situation de marginalisation qui se traduit par leur éviction des
centres de décision et des lieux d’accumulation des ressources16
. Tant sur le plan politique
qu’économique, les Montagnards sont à la traîne et maintenus à l’arrière-plan des groupes
dominants essentiellement constitués des musulmans. La marginalisation politique et
économique des montagnards remonte au régime d’Ahmadou Ahidjo, premier président
camerounais, qui avait mis en place le processus d’islamisation qui a fonctionné sur le terrain
politique par un mécanisme d’exclusion de certains groupes sociaux dans la partie septentrionale.
Durant cette période l’élite administrative et politique était constituée des Foulbé et d’autres
islamisés.
Les chefs traditionnels montagnards étaient fortement conviés de se convertir à l’islam, parfois
par crainte de représailles et de discrimination. Aujourd’hui, la plupart des chefferies
14
Rapport du Groupe de Travail d’Experts de la Commission Africaine des Droits de l’Homme et des Peuples sur
les Populations/Communautés autochtones, Copenhague, Danemark, 2005, p. 47. 15
Organisation sociale des foulbé au Nord-Cameroun. 16
Au Cameroun depuis l’ouverture démocratique, la marginalisation politique des minorités est davantage une
réalité complexe. Lire Ibrahim Mouiche, Démocratisation et intégration sociologique des minorités ethniques. Entre
dogmatisme du principe majoritaire et centralité des partis politiques, Dakar, CODESRIA, 2012.
traditionnelles chez les Montagnards fonctionnent sur le modèle des lamidats, système
d’organisation sociale propre aux Foulbé. Si dans le contexte de l’ouverture démocratique des
années 1990, les Montagnards ont commencé à manifester un réveil politique dans certaines
localités17
, il est à souligner que de manière globale leur situation politique montre toujours une
mise en marge. Au sein des communautés Montagnardes des revendications se manifestent par le
biais des mémorandums envoyés à l’adresse des pouvoirs publics18
. Les montagnards accusent
jusqu’ici un retard de développement alors que les infrastructures de développement sont
concentrées en territoire musulman. Cette réalité est surtout manifeste dans le département du
Mayo-Sava où il s’observe une grande opposition des composantes ethnico-religieuses avec une
discrimination à l’encontre des communautés non-musulmanes. L’élite musulmane élabore un
ensemble de stratégies qui visent à l’exclusion des minorités montagnardes des instances de
décision. L’espace sociopolitique est largement monopolisé par les musulmans. Aussi bien au
niveau de l’exécutif municipal, du parlement que de la direction politique (sections notamment)
du Rassemblement démocratique du peuple Camerounais (Rdpc), l’élite musulmane domine
l’activité politique. Du coup les montagnards sont mis à la traîne et servent de « bétail électoral »
aux groupes sociaux dominants.
II- Principales sources de promotion des droits des Minorités à l’échelle
internationale et africaine
Aussi bien à l’échelle internationale qu’africaine, il y a plusieurs résolutions et
recommandations qui portent sur la protection et la promotion des droits des minorités. Ces
instruments ont l’avantage de prendre en compte la spécificité qui caractérise les minorités à
travers le monde. Nous évoquons ici les principales résolutions des Nations Unies et celles de
l’Union Africaine.
a) Au niveau international
- 1992 : l’Assemblée Générale a adopté par consensus la Déclaration des Nations Unies
sur les Droits des Minorités (résolution 47/135). Il s’agit du principal document de
référence en la matière,
Droit à la protection des minorités par les Etats,
Droit de jouir de leur propre culture,
Droit de participer pleinement à la vie publique (civile, politique)…
17
Alawadi Zelao, « Contexte de démocratisation et conduites politiques des peuples des montagnes au Nord-
Cameroun : le charisme identitaire à l’épreuve des mutations sociopolitiques », Alawadi Zelao et al. (dir), Le
Cameroun septentrional en transition. Perspectives pluridisciplinaires, Paris, L’Harmattan, 2012, pp. 169-206. 18
« Mémorandum des Montagnards Chrétiens et Animistes du Département du Mayo-Sava (Extrême-Nord) », La
Météo hebdo, n°245, du 22 juin 2009, pp. 8-10 ; « Mémorandum des Chefs traditionnels non-musulmans de
l’arrondissement de Tokombéré », La Météo hebdo, n°282 du 05 avril 2010.
- 1994 : Projet de Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones,
adopté par la Sous-commission de la protection et de la promotion des droits de
l’homme ;
- 1995, Convention-cadre du Conseil de l’Europe pour la protection des minorités
nationales du 1er
février 1995 ;
- 1998 : la résolution 52/123 de l’Assemblée générale des Nations Unies portant sur la
Promotion effective de la Déclaration sur les droits de des personnes appartenant à des
minorités nationales ou ethniques, religieuses et linguistiques ;
- 2004 : la résolution 59/174 de l’Assemblée générale des Nations Unies en date du 20
décembre 2004 a proclamé la seconde décennie internationale (2005-2014) des
populations autochtones, avec pour but de : « renforcer encore la coopération
internationale aux fins de résoudre les problèmes qui se posent aux peuples autochtones
dans les domaines tels que la culture, l’éducation, la santé, les droits de l’hommes,
l’environnement et le développement économique et social, au moyen de programmes
orientés vers l’action et de projets concrets, d’une assistance technique accrue et
d’activités normatives dans les domaines en question »,
- 2005, le Groupe de Travail pour les minorités a adopté un commentaire visant à faciliter
l’interprétation et la mise en œuvre de la Déclaration des Nations Unies sur les Minorités.
Il y est dit que : « Dans les Etats où il existe des minorités ethniques, religieuses ou
linguistiques, les personnes appartenant à ces minorités ne peuvent être privées du droit
d’avoir, en commun avec les autres membres de leur groupe, leur propre vie culturelle,
de professer et de pratiquer leur propre religion ou d’employer leur propre langue ».
- 2007, La Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones, adoptée
par l’Assemblée générale des Nations Unies le 13 septembre 2007.
b) Au niveau africain
Il faut surtout évoquer principalement :
- La « Résolution sur les droits des peuples/communautés autochtones en Afrique »
adoptée lors de la 28ème
session ordinaire et qui a prévu la création d’un Groupe de travail
avec le mandat suivant :
Examiner le concept de peuples et de communautés autochtones en Afrique ;
Analyser les implications de la Charte africaine sur les droits humains et le bien-être
des communautés autochtones ;
Formuler des recommandations appropriées pour le suivi et la protection des droits
des communautés autochtones ;
Présenter un rapport à la Commission africaine (ce rapport est déjà disponible depuis
2005).
- 2007 : La Charte africaine de la démocratie, des élections et de la gouvernance, qui
stipule en son article 43 que : « Les Etats parties veillent à ce que tous les citoyens aient
accès à l’enseignement primaire gratuit et obligatoire, en particulier les filles, les
populations des zones rurales, les minorités, les personnes vivant avec handicap et autre
groupe social marginalisé »
En définitive, il est à souligner qu’au plan international un arsenal des dispositifs normatifs et
juridiques existe, qui encadre la protection et la promotion des droits des peuples et
communautés autochtones. Il faut ajouter à cela les rencontres scientifiques, les conférences et la
mobilisation des acteurs de la société civile qui, à de différents niveaux contribuent par des
actions multiformes à la sauvegarde de la dignité et de la liberté des minorités. Mais en dépit de
cette forte mobilisation, il reste que la situation des minorités est toujours préoccupante. Certes
les minorités ne vivent pas les mêmes conditions de vie partout à travers le monde.
S’agissant des Minorités montagnardes de l’Extrême-Nord au Cameroun, celles-ci continuent de
subir une série des discriminations sur le plan culturel, économique et politique. Elles vivent des
conditions de marginalisation et d’exclusion qui affectent considérablement leur capacité à
préserver leur identité et leur participation à la gestion des affaires dans la communauté
nationale. Pour palier à cette marginalisation multiforme, il faut surtout que les pouvoirs
respectent et mettent en œuvre les normes internationales de protection des minorités et veuillent
à ce que les Montagnards ne soient plus soumis à l’exclusion des groupes sociaux dominants et
qu’ils soient désormais partie prenante des politiques de développement engagés en leur
direction. Les minorités Montagnardes devraient désormais trouver une oreille attentive auprès
de l’Etat du Cameroun qui est signataire d’un ensemble d’accords et de résolutions à l’échelle
internationale. La résolution 59/174 de l’Assemblée générale des Nations Unies sus-évoquée
portant sur la « seconde décennie internationale des populations autochtones » a énoncé cinq (05)
objectifs à atteindre ; lesquels objectifs intéressent directement les minorités Montagnardes :
1) Promouvoir la non-discrimination et l’intégration des peuples autochtones dans la
conception, la mise en œuvre et l’évaluation des initiatives, régionales et nationales en
matière de législation, de politiques, de ressources, de programmes et de projets ;
2) promouvoir la participation pleine et entière des peuples autochtones à la prise des
décisions qui concernent directement ou indirectement leur mode de vie, leurs terres et
territoires traditionnels, leur intégrité culturelle en tant que peuples autochtones disposant
des droits collectifs ou tout autre aspect de leur vie, sur la base du principe du consentement
préalable, libre et éclairé ;
3) redéfinir les politiques de développement afin qu’elles soient fondées sur le principe
d’équité et culturellement acceptables, en respectant notamment la diversité culturelle et
linguistique des peuples autochtones ;
4) Adopter des politiques, des programmes, des projets et des budgets axés sur le
développement des peuples autochtones et notamment des objectifs d’étape concrets et
mettant un accent particulier sur les femmes, les enfants et les jeunes autochtones ;
5) Mettre en place de solides mécanismes de suivi et renforcer le système de
responsabilisation à l’échelon international, régional et surtout national pour ce qui a trait à
la mise œuvre des cadres juridiques, politiques et opérationnels pour la protection des
peuples autochtones et l’amélioration de leur conditions de vie ».
Dans un mémorandum envoyé aux pouvoirs publics en 2009, les Montagnards ont souligné
que : « Majorité démographique », respectueuse des institutions de la République,
communautés très laborieuses et industrieuses disséminées sur l’ensemble du territoire
national, cette catégorie sociologique vit aujourd’hui une situation d’exclusion, de
marginalisation, de discrimination qui défie tout indicateur de développement humain. Les
montagnards chrétiens et animistes du département du Mayo-Sava vivent une véritable
condition de sous-citoyenneté chronique qui se traduit par leur éviction systématique de
toutes les instances du pouvoir politique, économique, administratif et traditionnel »19
. Ainsi
les minorités Montagnardes ne jouissent pas d’une intégration effective dans la communauté
nationale et leurs droits (culturels, civils et économiques) sont loin d’être reconnus et
respectés par les autorités publiques camerounaises.
Conclusion
Les minorités bénéficient aujourd’hui d’un ensemble de dispositifs normatifs et
réglementaires au niveau international. Le système des Nations Unies, par le biais d’une
batterie de déclarations et de résolutions veillent effectivement à la protection et à la
promotion des droits des minorités à travers le monde. Au Cameroun, c’est la Constitution
du 18 janvier 1996 qui a consacré la reconnaissance juridique des minorités. Aussi ce pays
a-t-il ratifié un certain nombre de résolutions prises par les organismes internationaux de
défense des droits des minorités20
. Certes au plan pratique, les minorités vivent encore des
situations de marginalisation qui s’expriment sur le plan social, culturel, économique,
politique et institutionnel.
Dans ce registre, les Montagnards de l’Extrême-Nord du Cameroun constituent des
minorités à part entière. Contrairement aux Mbororo et au Pygmées qui sont des peuples
nomades et semi-nomades, les Montagnards sont installés dans leurs sites actuels depuis de
longue date (VIème siècle) et l’ont effectivement domestiqué. A juste titre ils peuvent être
considérés comme les premiers habitants de la partie septentrionale du Cameroun. Mais
depuis la pénétration guerrière des sociétés islamiques et la prise de pouvoir par les
musulmans à l’avènement de l’indépendance du Cameron en 1960, les Montagnards sont
restés largement en dehors de la gestion des affaires de la cité. Les communautés des
19
“Mémorandum des Montagnards Chrétiens et Animistes du Département du Mayo-Sava (Extrême-Nord)”, La
Météo hebdo, n°245, du 22 juin 2009, pp. 8-10. 20
Pour une lecture juridico-normative de minorités au Cameroun voir James Mouangue Kobila, La protection des
minorités et des peuples autochtones au Cameroun. Entre reconnaissance interne contrastée et consécration
universelle réaffirmée, Paris, Dianoia, 2009.
montagnes vivent de nos jours une discrimination sur le triple plan social, économique et
politique.
Au plan social, ils subissent l’impérialisme culturel des musulmans qui imposent leurs
coreligionnaires pour commander aux montagnards. C’est le cas des Zoulgo, des Guemjek,
des Mboko et des Molko dans l’arrondissement de Tokombéré. Il faut également
mentionner l’ensemble des montagnards migrants dans la région du Nord notamment dans
les localités de Ngong, de Lagdo, de Touboro, de Maimboum, de Gouna…qui vivent
pratiquement sous la tutelle des chefs Foulbé.
Au plan économique, les Montagnards vivent une paupérisation constante en raison
justement de la spéculation foncière et de l’exploitation de leurs mains d’œuvre par les chefs
musulmans.
Au plan politique, les Montagnards sont exclus des instances électives et institutionnelles
comme il est constaté dans le département du Mayo-Sava (voir document annexe).
Le défi aujourd’hui est d’œuvrer à l’éducation et à la sensibilisation de minorités
Montagnardes par rapport à leurs droits culturels, civiques et économiques. Un tel travail
incombe aux partenaires au développement, aux mouvements associatifs, aux leaders
d’opinion et avec notamment la participation des populations elles-mêmes.
Documents
Département du Mayo-Sava
L’exécutif municipal
Arrondissements Maires Identité ethno-religieuse
Mora ABBA BOUKAR Mandara/Musulman
Kolofata MADI GALDA Mandara/Musulman
Tokombéré KARI DEGUER Molko/Musulman
Le parlement
Arrondissements députés Identité ethno-religieuse
Mora - ABBA BOUKAR
- SALOMON fils de
DOVOGO
Mandara/Musulman
Mouktélé/Chrétien
Kolofata RAMADAN Kanouri/Musulman
Tokombéré CAVAYE YEGUIE DJIBRIL Mada/Musulman
La direction du RDPC, parti dominant dans le Mayo-Sava
Arrondissement Sections président Identité ethno-religieuse
Mora Mayo-Sava Nord ABBA BOUKAR Mandara/Musulman
kolofata Mayo-Sava Ouest TALBA
DOUNGOUSS
Mandara/Musulman
Tokombéré Mayo-Sava Sud NABA HANS Mada/Musulman
Source : « Mémorandum des Montagnards chrétiens et animistes du département du Mayo-
Sava (Extrême-Nord) », La météo hebdo, n°245, 22 juin 2009, p. 9.