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8 actualités Actualités pharmaceutiques hospitalières n° 28 Novembre 2011 C’ est dans un contexte difficile et traversé de tensions que s’est ouvert début novembre la seconde édition des rencontres Eurobiomed sur les maladies rares intitulé “Rare 2011”. Cette manifestation est l’occasion pour les industriels, mais aussi les associations et les praticiens d’échanger autour des questions économiques en jeu lorsqu’on s’intéresse aux pathologies orphelines et à leurs traitements. « C’est une sorte de Meetic des maladies rares » résume avec humour, Gilles Roche, président du comité d’organisation. Un régime de faveur de plus en plus critiqué La réunion a permis à beau- coup de revenir sur les multiples inquiétudes suscitées d’une part par la crise économique et d’autre part par la réforme du système de pharmacovigi- lance, actuellement en discus- sion. Ainsi, face aux difficultés financières actuelles, les interro- gations concernant l’opportunité de maintenir un régime de faveur à l’égard des médicaments orphelins recueillent de plus en plus d’assentiment. L’année dernière déjà, la loi de finance- ment de la sécurité sociale avait supprimé l’exonération de taxes créée au profit des médicaments orphelins pour les produits réali- sant plus de 30 millions d’euros de chiffres d’affaire. ATU et AMM : des lettres clés pour les maladies rares Mais au-delà de ces grignotages financiers, les associations et l’industrie pharmaceutique sont aujourd’hui vent debout contre les dispositions contenues dans le projet de loi relatif à la sécurité du médicament qui restreignent le champ d’application des auto- risations temporaires d’utilisation (ATU) et des prescriptions hors AMM. « La communauté des maladies rares est inquiète sur ce point car il existe de nombreuses maladies rares pour lesquelles aucun médicament spécifique n’a été développé et qui sont traitées actuellement par des prescriptions hors AMM. […] En outre, les sénateurs veulent […] limiter à trois ans la durée des ATU. Une véritable catastrophe pour les maladies rares », se désolait récemment le réseau Orphanet. Au bénéfice des maladies communes Le colloque Rare 2011 a été l’occasion pour les industriels et les représentants des mala- des de manifester leur hostilité à l’égard de ces différentes tendances. Mais au-delà de ce discours défensif, plusieurs conférences ont été plus certai- nement l’occasion de présen- ter le médicament orphelin et la recherche sur les maladies rares en général comme un for- midable moteur d’innovation pour l’ensemble de la méde- cine. « Toute la compréhension des mécanismes du vivant vient depuis maintenant une vingtaine d’années des maladies rares qui servent de modèles à des maladies communes » a ainsi assuré la directrice d’Orphanet, Ségolène Aymé. Des exemples, tel celui des travaux concernant l’amaurose congénitale de Leber qui pourraient se révéler déter- minants dans la lutte contre la dégénérescence maculaire liée à l’âge emportent plus la conviction. Aurélie Haroche © www.jim.fr Les médicaments orphelins se défendent société © BSIP/Chagnon Ségolène Aymé. L es malades du sida sont particuliè- rement vulnérables aux infections, notamment à la tuberculose. Selon l’OMS, environ 1,37 million de personnes dans le monde sont atteintes par cette double infection. Le traitement pour l’une et l’autre des maladies peut provoquer des effets secondaires importants. Il existe de sérieuses interactions entre les différen- tes classes de médicaments, et le nombre de comprimés pour traiter cette co-infec- tion est élevé. De plus, la simultanéité de ces thérapies peut entraîner rapidement une exacerbation des réactions immu- nitaires (réactions paradoxales). C’est pourquoi l’OMS recommandait en 2009 d’attendre 8 semaines après l’instauration du traitement antituberculeux. L’étude promue par l’Agence nationale de recherches sur le sida et les hépatites virales (ANRS) remet en cause ce délai. Entre 2006 et 2010, 661 patients co- infectés VIH/tuberculose ont été recrutés dans cinq hôpitaux du Cambodge. Tous présentaient une immunodépression. Une première moitié d’entre eux a com- mencé les antirétroviraux deux semaines après les antituberculeux, la seconde a suivi le délai préconisé par l’OMS de huit semaines. Dans le groupe ayant reçu un traitement précoce, le risque de décès a été réduit de 34 % par rapport au groupe ayant reçu un traitement antirétroviral différé. La mise en place rapide de mesures découlant de ces résultats pourrait réduire de 50 000 à 100 000 le nombre de décès annuels. Ces conclusions pourraient jus- tifier une révision des recommandations de l’OMS en 2012. V. Lequien Source www.inserm.fr, 14 novembre 2011. Blanc FX, Sok T, Laureillard D et al. ; CAMELIA (ANRS 1295–CIPRA KH001) Study Team Earlier versus Later Start of Antiretroviral Therapy in HIV-Infected Adults with Tuberculosis. New Engl J Med. 2011;365(16):1471-81. thérapeutique – recommandations Découverte d’une co-infection VIH-tuberculose : réduire le délai à deux semaines après le traitement tuberculeux pour instaurer le traitement antiviral

Les médicaments orphelins se défendent

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8actualités

Actualités pharmaceutiques hospitalières n° 28 Novembre 2011

C’est dans un contexte difficile et traversé de tensions que

s’est ouvert début novembre la seconde édition des rencontres Eurobiomed sur les maladies rares intitulé “Rare 2011”. Cette manifestation est l’occasion pour les industriels, mais aussi les associations et les praticiens d’échanger autour des questions économiques en jeu lorsqu’on s’intéresse aux pathologies orphelines et à leurs traitements. « C’est une sorte de Meetic des maladies rares » résume avec humour, Gilles Roche, président du comité d’organisation.

Un régime de faveur de plus en plus critiquéLa réunion a permis à beau-coup de revenir sur les multiples inquiétudes suscitées d’une part par la crise économique et d’autre part par la réforme du système de pharmacovigi-lance, actuellement en discus-

sion. Ainsi, face aux difficultés financières actuelles, les interro-gations concernant l’opportunité de maintenir un régime de faveur à l’égard des médicaments orphelins recueillent de plus en plus d’assentiment. L’année dernière déjà, la loi de finance-ment de la sécurité sociale avait supprimé l’exonération de taxes créée au profit des médicaments orphelins pour les produits réali-sant plus de 30 millions d’euros de chiffres d’affaire.

ATU et AMM : des lettres clés pour les maladies raresMais au-delà de ces grignotages financiers, les associations et l’industrie pharmaceutique sont aujourd’hui vent debout contre les dispositions contenues dans le projet de loi relatif à la sécurité du médicament qui restreignent le champ d’application des auto-risations temporaires d’utilisation (ATU) et des prescriptions hors AMM. « La communauté des

maladies rares est inquiète sur ce point car il existe de nombreuses maladies rares pour lesquelles aucun médicament spécifique n’a été développé et qui sont traitées actuellement par des prescriptions hors AMM. […] En outre, les sénateurs veulent […] limiter à trois ans la durée des ATU. Une véritable catastrophe pour les maladies rares », se désolait récemment le réseau Orphanet.

Au bénéfice des maladies communesLe colloque Rare 2011 a été l’occasion pour les industriels et les représentants des mala-des de manifester leur hostilité à l’égard de ces différentes tendances. Mais au-delà de ce discours défensif, plusieurs conférences ont été plus certai-nement l’occasion de présen-ter le médicament orphelin et la recherche sur les maladies rares en général comme un for-midable moteur d’innovation

pour l’ensemble de la méde-cine. « Toute la compréhension des mécanismes du vivant vient depuis maintenant une vingtaine d’années des maladies rares qui servent de modèles à des maladies communes » a ainsi assuré la directrice d’Orphanet, Ségolène Aymé. Des exemples, tel celui des travaux concernant l’amaurose congénitale de Leber qui pourraient se révéler déter-minants dans la lutte contre la dégénérescence maculaire liée à l’âge emportent plus la conviction.

Aurélie Haroche

© www.jim.fr

Les médicaments orphelins se défendent société

© B

SIP

/Chagnon

Ségolène Aymé.

L es malades du sida sont particuliè-

rement vulnérables aux infections,

notamment à la tuberculose. Selon

l’OMS, environ 1,37 million de personnes

dans le monde sont atteintes par cette

double infection.

Le traitement pour l’une et l’autre des

maladies peut provoquer des effets

secondaires importants. Il existe de

sérieuses interactions entre les différen-

tes classes de médicaments, et le nombre

de comprimés pour traiter cette co-infec-

tion est élevé. De plus, la simultanéité de

ces thérapies peut entraîner rapidement

une exacerbation des réactions immu-

nitaires (réactions paradoxales). C’est

pourquoi l’OMS recommandait en 2009

d’attendre 8 semaines après l’instauration

du traitement antituberculeux.

L’étude promue par l’Agence nationale

de recherches sur le sida et les hépatites

virales (ANRS) remet en cause ce délai.

Entre 2006 et 2010, 661 patients co-

infectés VIH/tuberculose ont été recrutés

dans cinq hôpitaux du Cambodge. Tous

présentaient une immunodépression.

Une première moitié d’entre eux a com-

mencé les antirétroviraux deux semaines

après les antituberculeux, la seconde a

suivi le délai préconisé par l’OMS de huit

semaines. Dans le groupe ayant reçu un

traitement précoce, le risque de décès a

été réduit de 34 % par rapport au groupe

ayant reçu un traitement antirétroviral

différé.

La mise en place rapide de mesures

découlant de ces résultats pourrait réduire

de 50 000 à 100 000 le nombre de décès

annuels. Ces conclusions pourraient jus-

tifier une révision des recommandations

de l’OMS en 2012.

V. Lequien

Sourcewww.inserm.fr, 14 novembre 2011. Blanc FX,

Sok T, Laureillard D et al. ; CAMELIA (ANRS

1295–CIPRA KH001) Study Team Earlier versus

Later Start of Antiretroviral Therapy in HIV-Infected

Adults with Tuberculosis. New Engl J Med. 2011;365(16):1471-81.

thérapeutique – recommandations

Découverte d’une co-infection VIH-tuberculose : réduire le délai à deux semaines

après le traitement tuberculeux pour instaurer le traitement antiviral