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LE MUSÉE ET INTERNET: DE L’EXPÉRIMENTATION D’UNE MÉDIATION NUMÉRIQUE À L’ÉLABORATION D’UNE STRATÉGIE 1 DE L’EXPÉRIMENTATION D’UNE MÉDIATION NUMÉRIQUE À L’ÉLABORATION D’UNE STRATÉGIE. LES MUSEES & INTERNET: - CLAIREBRESSON 4tTVPYL KL Z[HNL KL ÄU K»t[\KLZ WV\Y S»VI[LU[PVU K\ 4HZ[LY TLU[PVU :JPLUJLZ KL S»0UMVYTH[PVU L[ KL SH *VTT\UPJH[PVU ZWtJPHSP[t *VTT\UPJH[PVU K»,U[YLWYPZL L[ +tTHYJOL :[YH[tNPX\L 7YtZLU[t WHY ! :V\Z SH KPYLJ[PVU KL ! :[HNL YtHSPZt H\ 4<:i, ,5 /,9), Y\L /tYVSK 7HYPZ K\ 1HU]PLY H\ 1\PSSL[ (UUtL \UP]LYZP[HPYL ! CECILEBANDO 20102011 -

Les musées et Internet : de l'expérimentation d'une médiation numérique à l'élaboration d'une stratégie ?

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Depuis 2004, la révolution numérique tend à bousculer les usages et la consommation culturelle. L’évolution des usages de l’Internet s’accompagne de progrès techniques qui offrent aux musées d’expérimenter de nouvelles formes de médiation. Mais au delà de la simple expérimentation et face à la dématérialisation de l’offre culturelle, il devient nécessaire pour les musées d’inclure Internet au cœur de leur champs d’activité à travers le développement d’une stratégie numérique.

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LE  MUSÉE  ET  INTERNET:  DE  L’EXPÉRIMENTATION  D’UNE  MÉDIATION  NUMÉRIQUE  À  L’ÉLABORATION  D’UNE  STRATÉGIE  

1  

DE L’EXPÉRIMENTATION

D’UNE MÉDIATION

NUMÉRIQUE

À L’ÉLABORATION

D’UNE STRATÉGIE.

LES MUSEES & INTERNET:-

CLAIREBRESSON

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20102011

-

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REMERCIEMENTS

Je souhaite tout d’abord remercier Ada Laferrère et

l’équipe du Musée en Herbe, pour m’avoir laissé

une grande autonomie dans mes actions lors de

mon stage. Pour la confiance et l’écoute de mes

propositions qu’ils m’ont offert.

Cécile Bando qui me fait confiance depuis

longtemps et qui a su organiser mes idées lorsque

celles-ci étaient dans le flou.

Tous ceux qui étaient dans le même bateau et qui ont tout fait pour ne pas qu’il coule : Gina Willis,

Catherine Ernwein, Olivia Burtin, Marie-Sophie

L’hote, et plus particulièrement à mes deux

relecteurs qui ont veillé très tard : Christophe

Thockler et Juliette Scherer.

Et enfin un grand merci aux nombreuses personnes

rencontrées dans le cadre des Rencontres

Numériques en Mai 2011 à la Gaité Lyrique.

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TABLE DES MATIÈRES

 

Remerciements ................................................................................................. 2

INTRODUCTION ................................................................................................. 5

1 Évolution des missions des musées ......................................................... 7 1.1 Évolution de la définition du Musée .............................................................. 7 1.2 Du cabinet de curiosité au musée pour tous ................................................ 8

1.2.1 Les premières collections ............................................................................ 8 1.2.2 L’ouverture au public ................................................................................. 10 1.2.3 Les apports de la Révolution française ..................................................... 12 1.2.4 Le musée au service de la vulgarisation ................................................... 13

1.3 L’échec de la démocratisation des Musées dans les années 1960 ......... 14 1.3.1 Les maisons de la culture .......................................................................... 14 1.3.2 L’image de l’œuvre d’art et expérience esthétique .................................... 16 1.3.3 La sacralisation de la culture : un échec de la « culture pour chacun» ..... 17

1.4 L’apparition du médiateur dans les années 1970-1980 ............................. 19 1.4.1 La révolte de Mai 68 et l’apparition de l’animateur .................................... 19 1.4.2 Ouvrir les champs de la culture : la démocratie culturelle ......................... 20

1.5 Des années 1990 à 2000 ................................................................................ 22 1.5.1 Qu’est ce que la médiation aujourd’hui ? .................................................. 22 1.5.2 Le numérique comme renouveau de la démocratisation culturelle ........... 24

2 FAIRE COMMUNAUTÉ, CO-PRODUIRE ET AGRÉGER : TROIS

NOUVELLES MISSIONS POUR LES MUSÉES ? ........................................... 27 2.1 La communauté ............................................................................................. 28

2.1.1 Le besoin de faire communauté ................................................................ 28 2.1.2 Les réseaux sociaux : les plateformes communautaires incontournables 30 2.1.3 Les communautés officielles ..................................................................... 37 2.1.4 Les communautés « rebelles », l’exemple du OrsayCommons ................ 40

2.2 La co-production : l’exemple du partenariat château de versailles /

wikimedia ................................................................................................................. 44 2.2.1 Le rôle de Wikimédia France ..................................................................... 44

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2.2.2 Wikimédia et le Château de Versailles ...................................................... 45 2.3 L’agrégation ................................................................................................... 47

2.3.1 Le Google Art Project ................................................................................ 47 2.3.2 Les mini-site d’exposition : Monet2010 ..................................................... 49

3 Nouveaux média, nouvelles expertises, Nouvelles stratégies ............. 54 3.1 Les limites ...................................................................................................... 54

3.1.1 Les limites technologiques ........................................................................ 54 3.1.2 Les limites juridiques ................................................................................. 60 3.1.3 Limites financières ..................................................................................... 63

3.2 Inclure le numérique dans la stratégie des musées .................................. 68 3.2.1 Définir des cibles ....................................................................................... 69 3.2.2 Définir un contenu et sa forme .................................................................. 70

CONCLUSION .................................................................................................. 74

BIBLIOGRAPHIE .............................................................................................. 76

ANNEXES ......................................................................................................... 79

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LE  MUSÉE  ET  INTERNET:  DE  L’EXPÉRIMENTATION  D’UNE  MÉDIATION  NUMÉRIQUE  À  L’ÉLABORATION  D’UNE  STRATÉGIE  

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INTRODUCTION

Depuis 2004, la révolution numérique tend à bousculer les usages et la

consommation culturelle. L’évolution des usages de l’Internet s’accompagne de progrès techniques. Le web 2.0, dit « de conversation » offre aujourd’hui

la possibilité depuis les blogs jusqu’aux sites de réseaux sociaux,

d’échanger et de partager entre internautes connectés dans le monde entier.

Internet permet donc de créer des liens entre les individus qui s’échangent

des expériences (avis sur les films, les concerts, les expositions qu’ils ont vus), téléchargent des produits culturels grâce au phénomène de

dématérialisation tels que des albums de musique, des livres, partagent les

photos de leurs sorties, produisent des articles pour des encyclopédies

coopératives (les wikis). Aujourd’hui l’évolution constante de la vitesse de

connexion, l’expansion de la couverture du WIFI sur le territoire français et le développement des téléphones portables de plus en plus performants,

jusqu’à devenir intelligents : les Smartphones, produit une fluidité entre le

réel et le numérique et mêle les deux univers.

La propagation d’Internet transforme donc les usages, mais aussi la façon de communiquer de tous, y compris des entreprises et des institutions

culturelles, dont les musées. Ces derniers qui se servent de cette plateforme

protéiforme pour tenter de nouvelles expériences de médiation. Le web

pouvant en effet être considéré comme un medium cherchant à

accompagner la visite : avant, pendant et après celle-ci. On assiste donc à une numérisation massive des collections des musées, à leurs indexations

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ainsi qu’à la production de contenus autour de ces dernières, de sorte que le

musée physique semble se construire un pendant virtuel.

Chaque musée semble aborder des expérimentations différentes,

élaborant à leur manière une vision du musée virtuel qui semble plus ou moins intégrer trois nouvelles notions : la création d’une communauté, la co-

production de contenus et l’agrégation d’œuvres en ligne. Ces trois notions

ne sont pas forcément nouvelles pour les musées, qui en avaient déjà

intégré certains principes tout au long de leur histoire et de la succession

des politiques culturelles françaises. Ces notions prennent de nouvelles formes avec le numérique qu’il est intéressant de comprendre et d’analyser

afin de déterminer les formes et les enjeux des différentes expérimentations

de musées virtuels. À la lumière de ces expériences de musées virtuels,

peut-on dégager les stratégies qui émaneraient de cette volonté des musées

de s’intégrer dans la révolution numérique en marche ? Si une recherche de nouvelles formes de médiations semble se dégager, d’autres enjeux se

dessinent : la recherche de fidélisation ou d’acquisition de nouveaux publics,

mais également les questions liées à l’expériences esthétiques et à la

manière de montrer et parler des œuvres.

Afin de comprendre le besoin d’expérimenter de nouvelles formes de

musées virtuels, il est nécessaire de comprendre ce qu’est un musée

aujourd’hui et quelles en sont ses missions, notamment sa mission de

médiation dictée par les politiques des Ministères de la culture français qui

se sont succédés. Cet éclairage historique permettra par la suite de

comprendre la diversité des expériences numériques tentées par les musées, l’analyse de plusieurs démarches et de plusieurs plateformes

investies par les musées et mettra en exergue les difficultés mais également

les enjeux stratégiques qui se profilent sous cette volonté de construire un

musée virtuel.

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1 ÉVOLUTION DES MISSIONS DES MUSÉES

1.1 ÉVOLUTION DE LA DÉFINITION DU MUSÉE

Le Conseil International des Musées (ICOM) voit le jour en

Novembre 1946 dans le sillage de l’UNESCO, réunissant des groupes

de travail des professionnels du secteur muséal de l’époque qui

comprenait les domaines des arts, de l’archéologie, de l’histoire, de l’ethnographie, des sites historiques, des sciences naturelles, des

techniques mécaniques et des musées d’enfants. Depuis sa création,

l’ICOM propose une définition des musées et de leurs rôles. Au fil des

années et des comités internationaux cette définition s’est vue évoluer.

Ainsi la première définition que l’on trouve en 1951 propose

d’inclure « tout établissement permanent administré dans l’intérêt

général en vue de conserver, étudier, mettre en valeur par des moyens

divers et essentiellement exposer pour la délectation et l’éducation du

public un ensemble de valeur culturelle. » Sont inclus dans cette définition les collections d’objets artistiques, historiques, scientifiques,

techniques, les jardins botaniques et zoologiques. En revanche les

bibliothèques et les centres d’archives en sont exclus. Aujourd’hui la

définition proposée par l’ICOM lors de la 21ème conférence générale à

Vienne en 2007 indique qu’un musée est « une institution permanente sans but lucratif au service de la société et de son développement

ouverte au public, qui acquiert, conserve, étudie, expose et transmet le

patrimoine matériel et immatériel de l’humanité et de son

environnement à des fins d'études, d'éducation et de délectation. »

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Cependant les diverses associations de conservateurs de part le

monde proposent aussi des définitions propres à chaque spécificité

culturelle et sociale de leur pays. Si ces définitions sont bien souvent

proches de la définition hégémonique de l’ICOM, elles divergent bien

souvent sur l’inclusion ou non de certains établissements comme les jardins zoologiques, les parcs à thème, les sites historiques ou les

planétariums. Mais le dénominateur commun de toutes ces définitions

est bien souvent l’aspect éducatif des musées, l’importance de la

transmission des connaissances. L’Association Britannique des

Musées (La Museums Association) soutient que le musée doit offrir aux visiteurs la possibilité d’explorer les collections « pour l’inspiration, le

savoir et la jouissance 1 », l’Association Américaine des Musées

(American Association of Museum) considère que le musée doit être

éducatif par nature2.

1.2 DU CABINET DE CURIOSITÉ AU MUSÉE POUR

TOUS

1.2.1 Les premières collections

La pratique de la collection ne naît pas avec la Renaissance. Les trésors des temples et des Églises médiévales que réunissent les

princes du XIème siècle, préfigurent le collectionnisme moderne. Mais la

collection se développe véritablement entre le XVème et XVIIIème siècle à

travers toute l’Europe. C’est à l’époque de la Renaissance en effet, que

1 « Museums should encourage people to explore collections for inspiration, learning and enjoyment » http://www.museumsassociation.org/publications/10937 2 AAM « What is a museum ? » http://www.aam-us.org/aboutmuseums/whatis.cfm

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l’on voit apparaître les premiers cabinets de curiosité. A l’image

d’artistes pluridisciplinaires comme Léonard de Vinci, l’engouement

pour les sciences et les découvertes est un phénomène en pleine

expansion, mais la pratique des collections touchent aussi bien les

courtisans, les artistes, les médecins, juristes, savants, princes et monarques. Les humanistes cherchent avant tout les vestiges de

l’antiquité romaine : ces trésors de la Rome classique deviennent de

véritables Graal. Objet de fascination, on se soucie de leur

conservation et les fouilles archéologiques se multiplient.

À partir de 1550 se répand à travers l’Europe une autre forme de

collection : le cabinet de curiosité ou le Kunst und Wunderkammer

(chambre d’art et de merveilles). A côté des pièces de l’Antiquité

apparaissent de nouveaux objets : curiosités naturelles, fossiles,

coraux, fleurs, animaux naturalisés. Le développement des voyages et la découverte de nouvelles terres contribuent à aiguiser la curiosité des

humanistes qui commencent à rassembler et classer les trésors

rapportés des vaisseaux qui sont de retour.

Les collectionneurs sont des savants qui repèrent, achètent, inventorient, classent et s’échangent des pièces rares avec minutie. On

collectionne les coquillages, les insectes, les plantes…mais on

constate la même volonté de classification chez les médecins

(classement des maladies par Boissier de Sauvage). Mais la collection

devient un moyen de reconnaissance sociale et l’on commence à

publier des guides, à faire visiter sa collection aux visiteurs de marque. Au XVIIème siècle, ce qui donne le plus de valeur à une collection se

sont les œuvres d’art, la peinture et la sculpture. Un marché se

développe donc du sud vers le nord de l’Europe d’échange de toiles

d’artistes décédés alors qu’il était d’usage de commander des toiles à

des peintres bien vivants.

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1.2.2 L’ouverture au public

Le siècle des Lumières voit naître la volonté de diffusion des

savoirs et des connaissances. Au moment où commencent à s’ouvrir

des musées publics (comme le Musaeum Ashmolianum de l’Université d’Oxford qui ouvre ses portes en 1683), la tradition du cabinet de

curiosité est de plus en plus vivement critiquée : d’abord au nom de la

« vanité » de l’accumulation de choses terrestres puis au nom de la

science expérimentale et de son utilité sociale. Au projet du musée

ashmoléen (du nom du donateur des collections Elias Ashmole) se greffait un autre projet de l’Université d’Oxford, celui de dispenser un

enseignement d’histoire naturelle expérimentale, un programme conçu

par le philosophe Francis Bacon. Selon le vice-chancelier de

l’Université, ce musée « est une nouvelle bibliothèque, qui peut

contenir les parties les plus remarquables du grand livre de la Nature. » Le musée ashmoléen semble se calquer sur le modèle des collections

des cabinets de curiosité, cet exemple est révélateur de la volonté

d’être une source essentielle de connaissance et d’instruction. Car si

une institution comme une Université s’empare des collections privées

ce n’est pas seulement dans une volonté de conservations des pièces mais également pour les rendre accessible au public. La diffusion du

savoir apparaît à l’époque comme une responsabilité publique et dans

d’autres villes d’Europe on voit naître des musées et des bibliothèques

publiques. Dans ces musées, l’organisation des collections se

transforment toujours avec la volonté de rupture avec la tradition de la

simple curiosité : il faut former un inventaire de la nature qui n’inclut pas uniquement les choses rares mais également les choses plus

communes. Le phénomène analogue se produit en ce qui concerne les

collections artistiques : peu à peu s’impose une présentation à la fois

spécialisée et historique, et l’histoire de l’art et la muséographie

deviennent des disciplines qui cherchent à répondre aux impératifs de

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présentation et d’indexation des collections. De plus, les collections

sont utilisées comme supports de démonstrations, d’étude et de

diffusion des savoirs. Un public de bourgeois et d’aristocrates fréquente

les cours publics : du cours de démonstration de chimie au cours de

dessins. On parle même de « musées de modèles ». Une partie des artistes français revendiquent quant à eux l’ouverture des collections

royales : en pleine atmosphère néo-classique, l’accès aux toiles des

maîtres anciens devient une nécessité pour le redressement de l’Art.

La cours s’étant exilée à Versailles, on demande à réutiliser le palais du

Louvre pour y exposer les collections royales qui s’entassent à Versailles. Il s’agit aussi d’une volonté de prévention contre la

dégradation des œuvres. En 1750, le roi Louis XV déclare ouverte la

galerie du palais du Luxembourg pour le public deux jours par semaine

et offre la possibilité de découvrir une sélection de la collection royale.

Mais en 1779, le gouvernement décide d’attribuer le palais du Luxembourg au comte de Provence qui ferme le musée. Cependant en

1774, Louis XVI nomme à la direction des Bâtiments du roi, le comte

d’Angivillier qui est résolu à mener à bien l’aménagement du palais du

Louvre afin de répondre à la demande des artistes mais également

dans l’optique de bâtir un temple aux grands hommes de la nation. Des commissions d’architectes se succèderont afin de se prononcer sur les

questions d’éclairage, de sécurité et de cloisonnement du Louvre. C’est

par ailleurs à cette époque, en 1788 que l’on décide d’expérimenter

l’éclairage zénithal, expérience qui sera jugée comme concluante.

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1.2.3 Les apports de la Révolution française

Dès 1789, avec la Révolution française se met en place un grand

processus d’appropriation des «biens nationaux » : la Déclaration des

Droits de l’Homme et du Citoyen amène à revendiquer l’accès aux œuvres d’art comme un droit légitime. Mais elle entraine également de

nombreuses tentatives de vandalisme des œuvres rappelant l’Ancien

Régime. Pour protéger et sauvegarder ces richesses du patrimoine

national, il faut créer un espace neutre qui fasse oublier le poids de la

religion ou de la monarchie : le musée. La nationalisation des collections commence le 2 novembre 1789, lorsque l’Assemblée

Constituante décide de mettre les biens du clergé a la disposition de la

Nation et met les collections royales à disposition des citoyens. Le

musée doit donc incarner l’idéal de transmission et contribuer à dissiper

l’ignorance, réveiller l’esprit du public et s’opposer radicalement aux collections privées : Talleyrand écrivait « Les chefs-d’œuvre des arts

sont de grands moyens d’instruction, dont le talent enrichit sans cesse

les générations suivantes ». Mais la définition du musée est parfois

contestée par les Révolutionnaires les plus aguerris qui remettent en

cause la mission de conservation d’un patrimoine royaliste et vient menacer la conservation de ces collections. Le pouvoir mise en place à

la chute de la Monarchie incite à détruire les symboles de l’Ancien

Régime qui « offusquent le regard » d’un peuple libéré. Sous

l’impulsion du député Cambon la cause de la conservation est sauvée.

La valeur artistique est mise en avant tandis que des œuvres jugées

trop religieuses ou trop politiques sont conservées, mais cachées du regard du public : le musée devient donc un abris. Pourtant en 1793, le

ton change et la République doit assumer l’histoire de la Nation et ne

doit pas chercher à l’effacer. Une commission composée de peintres,

sculpteurs, restaurateurs, architectes et antiquaires afin de réfléchir à la

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manière d’inventorier et de conserver « tous les objets qui peuvent

servir aux arts, aux sciences et à l’enseignement ».

En 1801, le ministre de l’Intérieur Chaptal propose de répartir dans quinze villes de province des lots de chefs d’œuvres, des

collections composées d’œuvres de grands maîtres de tout genre et de

toute époque. Les villes sélectionnées sont celles où les écoles de

dessins étaient déjà des embryons de musées : Lyon, Bordeaux,

Bruxelles, Strasbourg, Marseille, Rouen, Nantes, Dijon, Toulours, Caen, Lille, Mayence, Rennes et Nancy. Un décret du 14 fructidor

impose aux villes de préparer à leurs frais « une galerie convenable »

afin de recevoir les œuvres déposées. La décision de Chaptal est l’acte

de naissance de la démocratisation de la culture et la naissance des

musées de province placés sous la responsabilité des villes mais aussi sous la tutelle de l’État.

1.2.4 Le musée au service de la vulgarisation

Durant la grande partie du XIXème siècle, les musées d’art sont

considérés avant tout comme des bibliothèques de modèles destinés

aux artistes. Les salles des maîtres anciens sont envahies par les

copistes et les étudiants. Les règlements des musées stipulent

généralement que le « grand public » n’y a accès que le dimanche ou un seul jour par semaine. Le British Museum, le Musée de Berlin et le

Musée du Louvre sont dotés d’ateliers de moulage qui diffuse des

copies pédagogiques à destination des autres musées et des écoles

des beaux-arts. La situation change progressivement à partir de la

seconde moitié du XIXème siècle face au succès des grandes expositions et des expositions universelles qui montrent l’immense

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attrait du public pour l’Art. L’utilité sociale du musée devient donc une

évidence ce qui conduit à la multiplication des donations et des

nouveaux musées en France et dans le monde.

À travers de nombreuses initiatives les musées tentent de prendre part aux efforts d’instruction et de vulgarisation au moment où se met

en place une politique d’instruction de la République. Selon les termes

d’une circulaire ministérielle de 1881, la réorganisation des musées va

de paire avec celle de l’école.

1.3 L’ÉCHEC DE LA DÉMOCRATISATION DES MUSÉES

DANS LES ANNÉES 1960

1.3.1 Les maisons de la culture

La date de 1959 est souvent considérée comme l’an 0 de la politique culturelle française, mais il ne faut pas oublier, comme nous

l’avons vu, que la démarche et l’engagement de l’État et des

collectivités locales s’inscrivent dans un héritage historique de plusieurs

siècles. Le décret du 3 février 1959 place André Malraux au Ministère

de l’Éducation Nationale, puis le 22 juillet 1959 il prend le titre de ministre d’État chargé des Affaires culturelles. Ses attributions sont

précisées par un autre décret en date du 24 juillet 1959 : « Le Ministère

chargé des Affaires culturelles a pour mission de rendre accessible les

œuvres capitales de l’humanité, et d’abord de la France, au plus grand

nombre possible de Français ; d’assurer la plus vaste audience à notre patrimoine culturel, et de favoriser la création des œuvres d’art et de

l’esprit qui l’enrichissent » 1 . Dans cette définition des objectifs, on 1 Journal officiel, 26 juillet 1959

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retrouve là une des missions des musées, définie par l’ICOM : la

transmission d’un « patrimoine matériel et immatériel de l’humanité et

de son environnement à des fins d'études, d'éducation et de

délectation. ». Les grands chantiers du Ministère des Affaires

culturelles en terme de démocratisation de la culture et des arts vont donc en partie se tourner vers les musées.

André Malraux possédait une vision de la culture qui guida toutes

ses actions, une vision sacralisée dénoncée par Pierre Bourdieu dans

son enquête « L’Amour de l’Art » (voir 1.3.2 L’image de l’œuvre d’art et expérience esthétique). Malraux déclarait « La culture, ce n’est pas

seulement de connaître Shakespeare, Victor Hugo, Rembrandt ou

Bach : c’est d’abord de les aimer. Il n’y a pas de vraie culture sans

communion… » Il va donc œuvrer à offrir cette communion au plus

grand nombre. Tout d’abord en faisant organiser de grandes expositions (Picasso, Léger, Matisse…), en installant des statues dans

l’espace urbain, en menant des politiques de restauration de certains

monuments parisiens, dans les musées et les cathédrales. Pour

l’instant ces projets sont majoritairement parisiens et oublient que la

démocratisation culturelle s’adresse à chaque français. Le projet majeur de Malraux, celui qui restera attaché à son nom est sans doute

celui des maisons de la culture.

Ces maisons de la culture portaient plusieurs objectifs : assumer

la diffusion des « œuvres capitales » du passé mais aussi de la culture

vivante, de favoriser la création « des œuvres de l’art et de l’esprit » et enfin de provoquer la rencontre entre le créateur et son public.

L’objectif était d’ouvrir une vingtaine de maisons de la culture,

seulement huit ouvriront leurs portes entre 1960 et 1968. En cause, des

réductions budgétaires en 1963 qui amputent le Ministère de

ressources pourtant acceptées par la commission du IVe plan. Les

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maisons de la culture n’avaient pas de vocations pédagogiques et

éducatives qui étaient, selon Malraux, réservées à l’école et aux

universités, mais elles trouvaient leur légitimité pour « enseigner à

aimer ». Malraux développe une idée de la culture pour chacun et non

de la culture pour tous en souhaitant offrir un contact direct entre les œuvres et le public.

1.3.2 L’image de l’œuvre d’art et expérience esthétique

La vision de l’art au tournant des années 1950 et sur toute la

décennie qui suivit se rapproche de la religion et du culte divin.

L’analogie peut être constatée dans les écrits des intégristes mais

aussi des modernistes de l’époque : critiques d’art, sociologues,

conservateurs... Tant est si bien que le musée devient cathédral où le silence est de rigueur. Un silence pour rentrer en communion avec

l’œuvre : «…le visiteur aussitôt franchie celle-ci [la porte du musée] doit

trouver l’élément sans lequel il ne peut y avoir de rencontre profonde

avec l’œuvre plastique : le silence (…) c’est seulement dans la

neutralité que les œuvres exposées peuvent déployer librement leur signification ». L’œuvre d’art est considérée comme possédant une

force d’attraction qui se suffit à elle même, son éloquence supposée

naturelle touche toutes catégories sociales sans distinction. De cette

idée de l’œuvre transcendantale, les musées ne doivent pas

s’encombrer de scénographie inutile, celle-ci être neutre et dépouillée afin d’encourager « l’ascèse qui conduit à la vision béatifique » 1

ironisent Pierre Bourdieu et Alain Darbel. Aucune enquête sur les

1 BOUDIEU P., DARBEL, A. L’amour de l’art. Le musée d’art

européens et leur public, Les éditions de Minuit, 1966, Paris

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LE  MUSÉE  ET  INTERNET:  DE  L’EXPÉRIMENTATION  D’UNE  MÉDIATION  NUMÉRIQUE  À  L’ÉLABORATION  D’UNE  STRATÉGIE  

17  

publics des musées, sur leurs attentes pédagogiques n’avait été

réalisée aux prétextes des professionnels qui considéraient que

l’œuvre picturale relevait du langage des images. Ce langage

considéré comme intelligible par tous serait le même d’un pays à

l’autre, compréhensible quelque soit le niveau d’éducation et la catégorie sociale. Alors que l’on sait aujourd’hui que les couleurs n’ont

pas la même signification d’un pays à l’autre, et qu’une campagne de

publicité (qui relèverait aussi du langage des images) ne peut

s’exporter d’une culture à l’autre. L’approche pédagogique était

considérée comme un superflu bien moins efficace de l’enseignement par impression directe avec l’œuvre, et inutile car le public des musées

(tout comme les professionnels de ce milieu) était en majorité des

individus éduqués qui n’avaient donc pas besoin de recevoir

d’enseignement quelconque. Quand enseignement il y a, celui-ci est

prodigué par un conférencier. Le terme a son importance et relève du savant, un spécialiste de l’histoire de l’art prodiguant un message

ascendant : de l’œuvre au public. Les professionnels s’accordent donc

à dire que les musées et la réception des œuvres ne sont pas une

question d’éducation, mais relève de la sensibilité universelle et innée à

comprendre le sens des images.

1.3.3 La sacralisation de la culture : un échec de la « culture pour

chacun»

Les musées sont donc fait pour et par des acteurs de classes

sociales aisées et éduquées, pourtant l’expérience esthétique se veut

universelle, et tout être humain est en possession d’un don inné pour

rentrer en communion avec l’œuvre. Ces acteurs de la culture prônent

une conception de l’art qui n’est pas de connaître la vie de l’artiste, les périodes de son œuvre mais plutôt la jouissance ressentie devant ses

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toiles. Or, une œuvre « savante », produite selon des codes de

constructions précis ne peut susciter d’émotion naturelle, car comme le

rappelle Bourdieu, « que plaît ce dont on a le concept, ou plus

exactement, que seul ce dont on a le concept peut plaire». Le plaisir

esthétique ne peut donc se réaliser qu’à la suite d’un apprentissage. Or, les publics des musées étant principalement des individus au

niveau d’éducation élevée et principalement bourgeois, l’apprentissage,

l’éveil esthétique débute dès le plus jeune âge. Les enfants des familles

cultivées suivent les parents dans les musées et acquièrent par

habitude la pratique des musées, mais également le savoir de ce qui est légitime de ce qui ne l’est pas, de ce qui est digne d’être vu et

apprécié (puisque c’est dans le musée) de ce qui ne l’est pas. Cette

pratique produit une culture, un habitus, en faisant passer pour innée

ce qui s’est inscrit par l’éducation parentale et scolaire. La sensibilité

universelle et la force d’attraction de l’œuvre passerait donc pour un mythe, une illusion développée par le public et donc par la bourgeoisie

française des années 1950-1960.

L’illumination esthétique et la pratique des musées deviennent

des éléments majeurs dans la légitimité de la bourgeoisie. En niant le lien entre culture et éducation et en affirmant une culture de naissance

tel un don, la bourgeoisie remplacent le droit du sang qui faisait

l’aristocratie. Ainsi la culture permet de se positionner dans la société :

la culture devient un privilège de naissance convoité.

Les musées traduisent dans leur forme et leur organisation la sacralité des œuvres et renforcent le sentiment d’exclusion pour les

non initiés : exposition d’œuvres ayant appartenues à l’aristocratie

dans des palais ou anciennes demeures historiques, les bâtiments qui

abritent les musées ne doivent pas ressembler à ceux du quotidien (ce

qui ne sera pas le cas lorsque dans les années 1980, les lieux

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LE  MUSÉE  ET  INTERNET:  DE  L’EXPÉRIMENTATION  D’UNE  MÉDIATION  NUMÉRIQUE  À  L’ÉLABORATION  D’UNE  STRATÉGIE  

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d’exposition et salles de spectacle vivants s’installeront dans les

anciennes usines et manufactures industrielles). À l’intérieur du musée,

règne une ambiance sacrée, monacale : le silence, l’interdiction de

toucher les objets, la solennité des locaux et la sobriété des

équipements, très peu de signalétique ou d’éléments didactiques.

Au-delà des évaluations quantitatives (100 000 adhérents et plus

de 700 000 spectateurs dans les maisons de la culture), les premières

recherches qualitatives comme celles de Bourdieu démontrent l’échec

relatif de la démocratisation culturelle par le biais musées et des maisons de la culture : seul un public déjà cultivé issu des classes

moyennes voir élevées, bénéficie de cette offre culturelle d’excellence.

1.4 L’APPARITION DU MÉDIATEUR DANS LES ANNÉES

1970-1980

1.4.1 La révolte de Mai 68 et l’apparition de l’animateur

Les maisons de la culture restent dans une idée de

démocratisation culturelle, en offrant dans le principe un libre accès à la

culture et à l’Art. Outre des difficultés financières de mise en œuvre réside en une inadéquation entre le projet de démocratisation et la

conception de l’accès à l’art de Malraux avec la sensibilité de l’opinion

publique autour de 1968.

En effet, la contestation des jeunes artistes et de la population va à l’encontre des orientations politiques et artistiques de Malraux. Ces

derniers dénoncent un art bourgeois et sacralisé et prônent un art qui

peut et doit s’engager dans la vie quotidienne et non être imposé par la

bourgeoisie. Il s’agit pour les acteurs de Mai 68 de montrer que la

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LE  MUSÉE  ET  INTERNET:  DE  L’EXPÉRIMENTATION  D’UNE  MÉDIATION  NUMÉRIQUE  À  L’ÉLABORATION  D’UNE  STRATÉGIE  

politique culturelle de la décennie passée n’a pas atteint les publics

qu’elle visait à l’origine mais qu’elle est au contraire retenue par les

publics traditionnels. Si ce diagnostique semble être le même pour

tous, les moyens pour remédier au problème divergent. Certains

artistes refusent l’action de l’État et des collectivités sur leurs programmations au nom de la liberté de l’Art. D’autres proposent

d’instaurer une médiation entre art et public : instaurer une pédagogie

nécessaire au profit des gens qui n’ont pas hérité des dispositions

sociales à « l’amour de l’art ».

Dans la mouvance de Mai 68 et des revendications de l’accès à la

culture pour tous, on voit apparaître la figure de l’animateur culturelle.

Aujourd’hui tombé en désuétude, le terme désignait les actions

destinées à rapprocher une population de la création artistique et des

œuvres d’art en vue de favoriser les pratiques amateurs, de créer de la cohésion sociale et de favoriser la reconnaissance des cultures

minoritaires. Le terme désigne également une attitude pédagogique qui

consiste à écouter l’autre et lui permettre de s’exprimer librement en

favorisant la tolérance et l’ouverture à la différence.

1.4.2 Ouvrir les champs de la culture : la démocratie culturelle

La figure de l’animateur s’inscrit dans les prérogatives du

Ministère de la Culture dirigé par Jack Lang dès 1982 : « permettre à tous les Français de cultiver leur capacité d’inventer et de créer,

d’examiner librement leurs talents et de recevoir la formation artistique

de leur choix ; de préserver le patrimoine culturel national (…) au profit

commun de la collectivité tout entière (…) ». La démocratisation

culturelle s’efface au profit de la liberté individuelle par la création. Cette approche permet la reconnaissance de pratiques culturelles

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LE  MUSÉE  ET  INTERNET:  DE  L’EXPÉRIMENTATION  D’UNE  MÉDIATION  NUMÉRIQUE  À  L’ÉLABORATION  D’UNE  STRATÉGIE  

21  

jugées mineures : le jazz, le hip-hop, la bande dessinée, le graff… En

élargissant le champs culturel, il s’agit de mieux assurer la place de la

culture dans la société contemporaine et inversement d’inscrire les

citoyens dans la société par leurs pratiques culturelles aussi

minoritaires soient-elles.

La question du public se repose une fois de plus : comment

favoriser la circulation des spectacles, des expositions, des concerts et

les rendre accessible au plus grand nombre ? Afin d’attirer un public

différent des publics habitués c’est-à-dire principalement les jeunes, bien souvent rebelles à la tradition et aux discours moralisateurs il est

nécessaire d’adopter un discours qui leur parle. De cette volonté naîtra

la politique d’enseignement artistique à l’école et le développement de

nombreuses manifestations culturelles festives qui laissent la place aux

initiatives individuelles : Fête de la musique, Fête du cinéma, Journées du patrimoine…La deuxième cible exclue de la culture est constituée

des publics eux-mêmes exclus de la société à cause de leurs

différences : aveugles, sourds, handicapés mentaux, l’accès à la

culture, à travers l’exercice de pratiques culturelles doit leur permettre

de s’insérer dans la société. On voit donc apparaître dans les institutions culturelles et dans les musées des dispositifs d’accueil pour

ces publics ainsi qu’une manifestation « Handicap et culture » qui a

pour objectif de donner un coup d’accélérateur aux projets mis en

place. Enfin, le troisième groupe dont Jack Lang et le ministère tiennent

à rompre l’isolement se trouve dans des territoires d’enfermements plus

ou moins stricts (prisons, hôpitaux, asile, maison de retraite). Là encore, la logique veut que, si ces publics ne peuvent se déplacer, la

culture ira à eux. Des animateurs et des artistes se déplacent donc

dans les locaux : certains diront qu’il est question de distraire ces

publics, mais il est d’avantage question d’éveiller leur curiosité pour la

culture et de les inviter à créer eux-mêmes.

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LE  MUSÉE  ET  INTERNET:  DE  L’EXPÉRIMENTATION  D’UNE  MÉDIATION  NUMÉRIQUE  À  L’ÉLABORATION  D’UNE  STRATÉGIE  

1.5 DES ANNÉES 1990 À 2000

1.5.1 Qu’est ce que la médiation aujourd’hui ?

Aujourd’hui le métier d’animateur des années 1970 a évolué et

une nouvelle terminologie apparaît : on parle dorénavant de médiation culturelle et de médiateur. Le terme n’est pas un hasard, puisqu’il

désigne une personne « qui sert d’intermédiaire, de lien entre deux

choses »1. Il y a donc une volonté de faire communiquer les œuvres et

les publics dans un sens comme dans l’autre, le médiateur possède

une place intermédiaire, pour faire dialoguer les deux éléments et pour que le public puisse comprendre le travail des artistes et s’enrichir de

ces connaissances. Or la médiation est aujourd’hui omniprésente et

s’est étendue à tout le secteur culturel et sous de multiples formes. On

la retrouve dans tous les domaines artistiques : les musées bien sûr ont

été les premiers à la développer mais également les monuments historiques, centres d’arts, spectacle vivant, bibliothèques, salles de

cinéma, salles de concerts…La médiation est protéiforme et ne se

définit pas simplement par les agents de médiation à l’intérieur des

musées proposant des visites guidées, elle regroupe également un

ensemble de dispositifs in situ : scénographie, audio-guides, ateliers pédagogiques, guides et plaquettes ; de dispositifs numériques qui

depuis l’expansion des Smartphones permettent de créer des

passerelles entre l’enceinte de l’institution culturelle et l’extérieur, et

enfin des dispositifs extérieurs qui permettent de préparer ou de

poursuivre le travail de médiation à l’intérieur des musées : les sites Internet des institutions. Enfin, la médiation cherche à toucher les

publics, à travers des offres diverses envers le grand public, mais aussi

1 Source : dictionnaire de l’ATILF

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LE  MUSÉE  ET  INTERNET:  DE  L’EXPÉRIMENTATION  D’UNE  MÉDIATION  NUMÉRIQUE  À  L’ÉLABORATION  D’UNE  STRATÉGIE  

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des publics plus ciblés : scolaire, groupes, personnes âgées,

personnes en situation de handicap, érudits…mais également des non-

publics : malades dans les hôpitaux, maisons de retraite ou prison...

Si la notion de médiation regroupe de nombreux dispositifs, celle-ci ne peut se réaliser sans les médiateurs. Or le métier de

médiateur est aussi protéiforme que peut l’être la médiation. Tant est si

bien que le terme de « médiation » devient un mot-valise regroupant un

ensemble de savoir-faire, de compétences et d’acteurs.

Paradoxalement, les professionnels des musées n’utilisent que rarement le mot de médiation, nous avons observé au Musée en Herbe

que l’on préfère parler de service pédagogique et les médiatrices sont

appelées animatrices, dans d’autres musées on préfère parler de

relation aux publics et de guides. Trop générique le terme de médiateur

ne permet pas de distinguer réellement les contours de l’action professionnelle de celui-ci, néanmoins il se dégage deux professions

bien distinctes.

Il y a tout d’abord les concepteurs producteurs de dispositifs de

médiation, ces médiateurs conçoivent une action de médiation : leur implication dans l’élaboration du contenu est parfois nulle lorsqu’ils

commandent des produits clé en main comme cela peut être le cas,

nous le verrons, pour des sites Internet, ou peut également être

importante lorsqu’ils élaborent des scénarios de visites ou d’ateliers. Il y

a ensuite les médiateurs face au public qui sont chargés de réaliser les

visites ou les animations proposées. On assiste donc à un clivage entre conception et exécution. Mais dans certaines petites structures, les

deux pôles tendent à se rassembler, mais bien souvent ces deux

professions relèvent de deux univers professionnels différents qui ne

sont pas reconnus dans la fonction publique. En effet, il n’existe pas de

concours pour le poste de « médiateur », les personnes occupant ce

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LE  MUSÉE  ET  INTERNET:  DE  L’EXPÉRIMENTATION  D’UNE  MÉDIATION  NUMÉRIQUE  À  L’ÉLABORATION  D’UNE  STRATÉGIE  

poste sont donc bien souvent des attachés de conservation, agents

qualifiés du patrimoine ou encore contractuels en CDI, CDD ou

vacataire. Les médiateurs n’ont donc pas de spécialisation en tant que

tel mais puisent leur expertise de diverses expériences et diverses

formations : les concepteurs possèdent des compétences de nature disciplinaire (artistique et/ou scientifique) tandis que les exécuteurs

possèdent une expertise en typologie et en comportement des publics.

Nous pouvons aussi considérer que les community managers

des musées sont, en un sens, des médiateurs, puisqu’ils ont le rôle d’animateur de la communauté construite autour du musée et font le

lien entre le public, l’institution muséale et les œuvres exposées. Le

community manager est producteur de contenus sur un support de

médiation qu’est Internet. Là encore, le métier de community manager

possède d’autres points communs avec les médiateurs : il ne résulte pas d’une formation spécifique qui valoriserait et crédibiliserait le

métier, en étudiant les profils des community managers des musées,

nous constatons qu’ils viennent d’horizon très divers : informatique,

histoire de l’art, communication, évènementiel…

1.5.2 Le numérique comme renouveau de la démocratisation culturelle

La question des publics reste donc pleinement d’actualité. Par la

nécessité de développer des dispositifs de médiation, l’on comprend que même si les individus qui en sont les acteurs manquent de

reconnaissance et de place dans la structure des musées, la médiation

demeure un moyen d’élargir le cercle des publics. Internet étant entré

dans les mœurs de la génération des 15/35 ans, génération des digital

natives, qui ont grandi avec l’apparition et le développement d’Internet et du numérique. La médiation par le numérique est donc un moyen de

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LE  MUSÉE  ET  INTERNET:  DE  L’EXPÉRIMENTATION  D’UNE  MÉDIATION  NUMÉRIQUE  À  L’ÉLABORATION  D’UNE  STRATÉGIE  

25  

toucher cette partie de la société qui peine à franchir les portes des

musées.

Depuis la création des musées nationaux, des maisons de la

culture, des DRAC ou de toutes démarches de décentralisation entreprises par les politiques culturelles successives, l’objectif a

toujours été de penser l’expansion de l’offre culturelle muséale sur le

territoire français en terme de diffusion des lieux et des équipements.

Mais on ne peut pas dire qu’il y ai eu une une véritable volonté d’aller

chercher les publics là où ils sont mais toujours de les amener à se déplacer alors que des expériences d’offre culturelle se développe avec

le domaine du livre (bibliobus), de concert à domicile ou le théâtre de

rues. Les musées se retrouvent emprisonnés dans une structure

architecturale peu flexible1.

Or, avec le développement de l’Internet haut débit et de la

pénétration des ordinateurs dans les foyers, la plupart des pratiques et

consommation culturelles peuvent maintenant s’effectuer chez soi. Un

des intérêts pour les musées, serait donc d’inclure le web dans une

stratégie de service public de culture à domicile. Mais cette stratégie a encore bien du mal à s’implanter dans les esprits. En effet, la vision

passée malrucienne qui estimait la culture comme détachée des lois du

marché et des intérêts économiques et la vision des publics comme

une masse sans identité ni profil reste encore un reflexe. Pourtant les

changements de ces dernières décennies : l’événementialisation de la

vie culturelle, le développement de la marchandisation de la culture (vente de produits dérivés) ont permis de faire évoluer progressivement 1 On notera tout de même l’initiative très récente du projet Centre

Pompidou Mobile qui propose une sélection d’œuvres exposées dans

une structure éphémère.

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LE  MUSÉE  ET  INTERNET:  DE  L’EXPÉRIMENTATION  D’UNE  MÉDIATION  NUMÉRIQUE  À  L’ÉLABORATION  D’UNE  STRATÉGIE  

les mentalités. Cette lente progression du secteur muséal expliquerait

donc son retard sur le numérique par rapport aux domaines de la

musique, du livre ou du cinéma qui ont su répondre à la demande et

s’organiser des stratégies autour d’Internet avec la dématérialisation

des supports (musiques, livres) ou les captations du spectacle vivant. Le numérique a donc entrainé une évolution des enjeux artistiques en

terme de diffusion et d’appropriation des œuvres, tout secteurs

culturels confondus en y incluant l’idée que les gens consomment à

domicile, font expérience de l’art de manière individuelle pour ensuite

partager collectivement cette expérience en se regroupant en communauté virtuelle. Or, les musées ne sont qu’à leurs premiers pas

en terme d’offre culturelle numérique, leurs premières

expérimentations.

La question des publics reste donc pleinement d’actualité. Par la nécessité de développer des dispositifs de médiation, l’on comprend

que même si les individus qui en sont les producteurs et les acteurs

manque de reconnaissance et de place dans la structure des musées,

la médiation demeure un moyen d’élargir le cercle des publics. Internet

étant entré dans les mœurs de la génération des 15/35 ans, génération des digital natives, qui ont grandi avec l’apparition et le développement

d’Internet et du numérique. La médiation par le numérique est donc un

moyen de toucher cette partie de la société qui boude à franchir les

portes des musées. Des expérimentations se mettent donc en place

autour de ce que peut offrir le web 2.0 : la création de communauté, la

possibilité de créer des contenus ensemble : institutions et publics et la possibilité de numérisation et de présentation des œuvres.

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LE  MUSÉE  ET  INTERNET:  DE  L’EXPÉRIMENTATION  D’UNE  MÉDIATION  NUMÉRIQUE  À  L’ÉLABORATION  D’UNE  STRATÉGIE  

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2 FAIRE COMMUNAUTÉ, CO-PRODUIRE ET

AGRÉGER : TROIS NOUVELLES MISSIONS POUR

LES MUSÉES ?

Le développement d’Internet et plus particulièrement du Web 2.0

offre aux musées de nouvelles perspectives de mise en valeur de leurs

institutions et des collections. Les usages d’Internet transforment le Web en une plateforme participative internationale et poussent les

musées à multiplier les expérimentations visant à offrir des contenus

autour des collections et des expositions.

Trois tendances semblent se dessiner dans le paysage virtuel d’Internet, tout d’abord la communauté : comment les musées

cherchent à toucher les publics, les mobiliser de façon continue et

durable, puis la co-production ou comment produire collectivement

(musée – public – artistes) des contenus et enfin l’agrégation qui

cherche à mettre en valeurs les productions et les collections des musées. Ces tendances reposent donc principalement sur la

participation des internautes et des visiteurs du musée (ou futurs

visiteurs). Internet offre donc la possibilité aux visiteurs de devenir

acteurs. Ce changement de statut de passif à actif bouleverse

également les missions du musée, notamment dans son objectif de transmission. Il ne s’agit plus d’une transmission unilatérale et verticale

où le musée serait détenteur d’un savoir, mais il est maintenant

question d’une transmission à deux sens et horizontale. Les savoirs et

les contenus sont produis et transmis aussi bien par le musée que par

les visiteurs.

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LE  MUSÉE  ET  INTERNET:  DE  L’EXPÉRIMENTATION  D’UNE  MÉDIATION  NUMÉRIQUE  À  L’ÉLABORATION  D’UNE  STRATÉGIE  

2.1 LA COMMUNAUTÉ

2.1.1 Le besoin de faire communauté

Étymologiquement, le mot communauté tient sa source du latin

cum munus, et désigne un groupe d’individus qui, ensemble (cum)

partagent des choses (munus). Ces choses peuvent être un bien, un territoire, une ressource mais dans notre cas, il s’agit de valeurs et

d’expériences. Les communautés que cherchent à créer les musées

rassemblent des individus (pouvant appartenir à d’autres

communautés) ayant fait l’expérience du musée et de ses œuvres et

ayant le sentiment que les valeurs et l’image véhiculé par le musée ressemblent à leur personnalité.

Ces communautés formées d’individus éloignés

géographiquement, n’auraient pu voir le jour sans l’avènement des

nouvelles technologies de l’information et de la communication et l’émergence de nouvelle forme de sociabilité virtuelle, c’est-à-dire sans

communication en face-à-face. Internet devient le lieu de formation de

communauté virtuelle, (virtual community) terme que l’on doit au

professeur et écrivain américain Howard Rheingold dès 1993 alors que

le Web 2.0 était encore loin d’être d’actualité. Dans ces communautés virtuelles, les individus se structurent de la manière suivante : ils sont

tout d’abord observateurs, lisent ce que les autres membres produisent

deviennent ensuite novices et habitués en proposant des conversations

et en participant aux échanges, ils peuvent devenir leader et influencer

le reste de la communauté avant de devenir avec le temps des seniors en se désintéressant progressivement de la communauté.

Concernant les motivations qui animent les membres de la

communauté autour du musée, il ne s’agit pas que d’une raison d’ordre

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LE  MUSÉE  ET  INTERNET:  DE  L’EXPÉRIMENTATION  D’UNE  MÉDIATION  NUMÉRIQUE  À  L’ÉLABORATION  D’UNE  STRATÉGIE  

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altruiste qui pousserait les membres de la communauté à communiquer

entre eux par plaisir individuel et sans rien attendre en retour.

Lorsqu’un individu prend du temps pour écrire une critique de telle ou

telle exposition ou live-tweete 1 sa visite d’exposition il le fait pour

plusieurs raisons. Habermas avance que l’expérience esthétique des individus naît de la rencontre avec l’œuvre. L’individu fait l’expérience

de la subjectivité tout d’abord seul en privé face à l’œuvre avant d’avoir

le besoin d’en débattre dans l’espace public où se construit une opinion

commune. La production de contenus de médiation est donc là pour

servir de lien entre expérience personnelle et expérience collective, afin que les individus puissent « donner sens à leur expérience

personnelle »2. Internet en tant que support de médiation sert donc à

assurer à tous l’adhésion à une communauté réunie autour d’une

culture commune. On retrouve aussi dans les motivations des

membres de la communauté virtuelle, le besoin de reconnaissance, le besoin de participer à l’élaboration d’une œuvre commune (comme la

participation à Wikipedia) et de faire partie d’un groupe : le besoin de

communion autour d’une entité (la communauté Louvre). Enfin il peut

s’agir d’un besoin de réciprocité anticipée : je partage une expérience

ou des connaissances, je m’attends donc en retour à ce que d’autres en fasse de même.

1 Un « live-tweet » ou « LT » est une action qui consiste à raconter en

temps réel sur Twitter son expérience : visite d’une exposition, participation à une conférence…à destination des individus de la

communauté qui ne sont pas présents. 2 RASSE P., 2000, « La médiation, entre idéal théorique et application

pratique », Recherche en Communication n°13, pp 38 à 61.

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LE  MUSÉE  ET  INTERNET:  DE  L’EXPÉRIMENTATION  D’UNE  MÉDIATION  NUMÉRIQUE  À  L’ÉLABORATION  D’UNE  STRATÉGIE  

2.1.2 Les réseaux sociaux : les plateformes communautaires incontournables

En 2011, il paraît incontournable pour les entreprises ciblant le

public de développer son image au travers des réseaux sociaux. Il en est de même pour le milieu culturel et les musées qui, au delà de leur

site internet doivent penser à leur stratégie Internet.

En effet, les réseaux sociaux font aujourd’hui partie intégrante de

notre quotidien. Selon le rapport annuel 2010 de l’Institut ComScore, parmi les 46,9 millions d’internautes français âgés de 6 ans et plus,

80,6% des français utilisent un réseau social. Cette activité en Europe

occupe le quart du temps passé sur Internet, à savoir 4,25 heures par

visiteurs pour le mois de décembre 2010, devant les moteurs de

recherche (20%) et les messageries instantanées (10%). Facebook attitre à lui seul 70% des Internautes français entre 15 et 44 ans. Enfin,

on peut noter qu’aux États-Unis, les réseaux sociaux sont davantage

plébiscité par les utilisateurs de Smartphone que les mails, toujours

selon une étude de l’Institut ComScore. Ces chiffres éloquents

montrent donc que les réseaux sociaux font partie inhérente au paysage internet et que les internautes possèdent une réelle

connaissance de ces plateformes que ce soit sur leur ordinateur que

sur leur Smartphone. Afin de rassembler un plus grand nombre de

publics, il convient pour les musées de développer des contenus sur

différents réseaux sociaux, comme chaque musée étant différant et que

chaque réseau l’étant aussi, les contenus ne seront pas les même.

- Twitter Twitter est une plateforme de microbloging qui propose à ses

inscrits de s’exprimer en 140 caractères maximum des tweets

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LE  MUSÉE  ET  INTERNET:  DE  L’EXPÉRIMENTATION  D’UNE  MÉDIATION  NUMÉRIQUE  À  L’ÉLABORATION  D’UNE  STRATÉGIE  

31  

(gazouillis en anglais), par le biais du site internet, par sms ou par

messagerie instantanée installée sur les Smartphones.

Il s’adresse davantage à un public de spécialiste, la communauté

française est plus restreinte que celle de Facebook et la « grammaire » de Twitter n’est pas facile à aborder pour les nouveaux arrivants. Il va

permettre de relayer et diffuser l’information (les « RT ») mais aussi de

créer des sujets de conversation (via les hashtag « # »). Twitter offre

une plus-value à l’information en permettant de relayer des articles et

des pages internet en lien avec les collections ou le musées, de faire passer des informations importantes et pratiques. Il peut également

être envisagé pour diffuser des informations rares sur les coulisses du

musée afin de créer un lien privilégié avec les followers. En analysant

les statistiques du compte du Musée en Herbe, on se rend compte que

les informations les plus relayées (c’est-à-dire partagée à son propre réseau) sont les articles publiés autour de l’exposition et les photos

prises lors du montage de l’exposition Les Hiéroglyphes de Keith

Haring.

MuseumNext (la conférence annuelle regroupant agences de communication et musées anglais) a proposé en Avril 2011 une

enquête 1 sur un échantillon de 1 000 usagers de Twitter afin de

connaître leur relation avec les musées. On y apprend (non sans

surprise) que la majorité des personnes interrogées ont entre 25 et 35

ans et qu’elles recherchent avant tout des informations sur les

expositions (98,9%) mais aussi à montrer leur soutien pour le musée (51,1%). Suivre un musée sur Twitter revient àdonc d’une certaine

manière à associer son identité à celle du musée. Ce basant sur ce

dernier élément qui motive 28,9% des personnes interrogées, les 1 http://www.museumnext.org/2010/blog/research-museums-on-twitter

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LE  MUSÉE  ET  INTERNET:  DE  L’EXPÉRIMENTATION  D’UNE  MÉDIATION  NUMÉRIQUE  À  L’ÉLABORATION  D’UNE  STRATÉGIE  

musées pourraient se servir de Twitter pour connaître le profil de leur

public ou des raisons qui font qu’ils ne viennent pas.

Construire un réseau sur Twitter semble également important afin

de faire de ses followers des relais d’information, il est en effet à noter que 93% des personnes interrogées se rendent plus facilement à une

exposition si celle-ci a été recommandée par des amis. Twitter permet

donc de communiquer avec certaines personnes qui sont des habitués

du musée, qui n’hésitent pas à partager leurs avis et qui peuvent

pousser d’autres personnes à se rendre au musée.

Aucun recensement officiel n’a pour l’instant été réalisé sur la

présence des institutions culturelles françaises. Il existe bien quelques

recensements informels qui nous amènent aux constats que la France

reste pour l’instant bien en retrait par rapport à d’autres pays. Les gros musées français tels que le musée du Louvre, le musée du Quai Branly

et le musée d’Orsay ne possèdent pas de compte actif. Le premier

musée français à posséder le plus de followers est le Centre Pompidou

avec 16 339 personnes au 29 avril 2011 alors que d’autres musées au

rayonnement international tel que le MoMa enregistrent pas moins de 554 719 followers et la Tate Gallery à Londres 331 814 personnes à la

même date. On constate donc un réel retard sur une stratégie des

musées français sur Twitter.

- Facebook Qualifié « grand public » il rassemble plus de 500 millions

d’utilisateurs. Jim Richardson avait déjà réalisé une enquête sur les usagers de Twitter pour le NextMuseum, et réalise la même pour

Facebook en ce demandant quel contenu les publics attendent de la

part des musées. Une fois de plus, ce sont les 25-35 ans les plus

représentés dans ce panel, ces digital-natives qui ont grandis avec le

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LE  MUSÉE  ET  INTERNET:  DE  L’EXPÉRIMENTATION  D’UNE  MÉDIATION  NUMÉRIQUE  À  L’ÉLABORATION  D’UNE  STRATÉGIE  

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développement des TIC, comme avec Twitter, ils suivent l’actualité de 2

à 5 musées en moyenne et si, encore une fois, adhérer à la page d’un

musée sert avant tout à se tenir au courant de l’actualité de celui-ci

(opinion partagée par 76% des personnes interrogées) ainsi que de

montrer son soutient à l’institution (64%), les individus sur Facebook ne cherchent pas tant à associer l’image du musée à leur propres valeurs

ou à montrer à leur amis qu’ils sont en relation avec un musée pour se

valoriser eux-mêmes. Les personnes interrogées préfèrent évoquer la

volonté d’aider la promotion du musée, qui peut se faire par le partage

d’informations concernant l’institution, à son propre cercle d’amis. Les utilisateurs de Facebook sont donc des relais d’information important

pour les musées puisqu’eux même sont plus facilement enclins à se

rendre à une exposition si elle a été conseillée par un ami proche. Le

réseau de contacts sur Facebook se constitue majoritairement d’amis

(73%) et du cercle familial (43%) tandis que sur Twitter il s’agissait d’avantage d’un réseau constitué, certes d’amis pour la majorité, mais

aussi d’entreprises et de célébrités. On peut donc conclure avec ces

quelques observations que les usagers de Facebook sont des relais

d’information importants mais également des prescripteurs qui peuvent

se faire porte-paroles de l’institution auprès de leur cercle d’amis.

Sur Facebook, les membres du réseau du musée s’attendent à être

valorisés, en tant que prescripteurs ils apprécient être au courant des

actualités de l’intuition, des expositions, des informations pratiques

mais également recevoir des informations privilégiées telles que des

invitations à des événements ou vernissages. Le Musée de La Poste par exemple (captures d’écran page suivante), organise régulièrement

des soirées Facebook en invitant tout son réseau, mais s’inquiète

également des personnes ne pouvant pas venir au musée en

proposant des contenus, bien souvent des photos en avant première

des expositions ou de pièces rares. Facebook par le système de mur

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LE  MUSÉE  ET  INTERNET:  DE  L’EXPÉRIMENTATION  D’UNE  MÉDIATION  NUMÉRIQUE  À  L’ÉLABORATION  D’UNE  STRATÉGIE  

qu’il propose permet aussi de communiquer avec sa communauté

d’amis et bien souvent il s’agit d’une communication verticale où les

internautes communiquent vers l’institution qui leur répond et non un

dialogue qui s’engage entre membres-fans du musée. La présence sur

Facebook ne doit donc pas être seulement y être pour y être mais demande un engagement et la volonté d’offrir des contenus inédits aux

internautes et de promouvoir une image proche des visiteurs : faire

rentrer la vie du musée dans le quotidien des internautes.

Proposition d’un reportage photo afin de découvrir les réserves du

Musée de la Poste. Montrer ce qui est caché pour que l’internaute se sente valorisé.

Créer l’événement en présentant les nouvelles acquisitions.

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LE  MUSÉE  ET  INTERNET:  DE  L’EXPÉRIMENTATION  D’UNE  MÉDIATION  NUMÉRIQUE  À  L’ÉLABORATION  D’UNE  STRATÉGIE  

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Invitation à des événements, jeux concours pour favoriser l’adhésion.

- Les réseaux de partage d’intérêt (Flickr, Youtube, DailyMotion, Viméo)

Ces réseaux sociaux sont des plateformes qui permettent de mettre

en ligne des images et photos (pour Flickr) et vidéos (Youtube, DailyMotion, Viméo…). Ils vont permettre de présenter le musée et ses

collections en image, d’engager la participation du public, voir de le

rendre acteur et producteur de contenu. Ces plateformes sont

également des supports de médiation pré ou post visite.

Le Centre Pompidou (Paris) possède par exemple sa propre chaine

sur la plateforme Dailymotion 1 et poste régulièrement des petites

vidéos de 2 à 5 minutes autour d’une œuvre que l’on peut retrouver

1 Chaine Dailymotion du Centre Pompidou :

http://www.dailymotion.com/centrepompidou

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LE  MUSÉE  ET  INTERNET:  DE  L’EXPÉRIMENTATION  D’UNE  MÉDIATION  NUMÉRIQUE  À  L’ÉLABORATION  D’UNE  STRATÉGIE  

dans les expositions temporaires. Le musée propose également des

conférences filmées. Dans le contenu publié par le Centre Pompidou,

le public n’est pas présent, les films autour des œuvres restent très

classiques dans leur contenu et dans la transmission d’informations : il

s’agit d’un acteur « savant » (commissaire d’exposition, conservateur) présentant les quelques clés qui permettent de comprendre la

démarche de l’artiste. Le discours ne relève pas de l’affect mais reste

très informatif. La place de l’internaute réside dans la diffusion de la

vidéo et dans le partage et éventuellement dans la possibilité de

commenter les contenus. Or commenter les vidéos nécessite une inscription préalable sur le site Dailymotion et l’on s’aperçoit qu’une

grande majorité des inscrits à la chaine du Centre Pompidou se

compose d’autres musées ou institutions culturelles qui forment une

communauté de professionnels du secteur dans le but de faire de la

veille. Si l’idée de communauté autour d’une web-tv de musée semble, dans ce cas, être difficile, l’interaction et le dialogue étant en effet peu

entreprenant, la notion de partage est beaucoup plus significative. En

effet, les vidéos sont visionnées, certaines plus de 1000 fois, et

partagées par les internautes sur leurs réseaux sociaux (Facebook et

Twitter principalement). Les internautes affirment par la diffusion de ces vidéos leur volonté de montrer à leurs réseaux, leur goût et leur intérêt

pour telle ou telle œuvre, mais également l’envie de partager des

connaissances qu’ils viennent d’acquérir. L’internaute est donc dans ce

cas un relayeur d’informations.

Le Museum de Toulouse cherche quant à lui a créer une véritable communauté d’intérêt grâce à Flickr. Ce site est une plateforme lancé

par Yahoo et permettant aux internautes de poster des photos et de

leur associer des mots-clés (tag) permettant de les regrouper par

thème. Le Museum de Toulouse propose aux visiteurs de prendre en

photos leurs souvenirs au musée, et de les poster sur l’album Flickr du

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LE  MUSÉE  ET  INTERNET:  DE  L’EXPÉRIMENTATION  D’UNE  MÉDIATION  NUMÉRIQUE  À  L’ÉLABORATION  D’UNE  STRATÉGIE  

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musée1 et éventuellement de laisser un commentaire, un souvenir à

propos de la photo. Ainsi plus de 1 000 photos ont déjà été postées par

272 membres. (Sachant qu’il faut aussi posséder un compte sur Flickr

pour pouvoir poster les photos, l’inscription peut être un frein à la

participation si l’on ne souhaite pas s’inscrire.) En postant des photos, l’internaute, qui dans ce cas là est aussi un visiteur s’approprie le lieu

du musée, et partage son expérience du musée avec d’autres

internautes, il témoigne en image de sa présence.

2.1.3 Les communautés officielles

Les réseaux sociaux ne sont pas uniquement les seules plateformes

qui permettent de créer une communauté autour du musée. Plusieurs

musées expérimentent d’autres formes communautaires sur Internet.

- Communauté Louvre Selon le Musée du Louvre, cette communauté se veut être un

réseau social comme peut l’être Facebook, mais s’adressant à une

cible bien définie : les publics amateurs du Louvre et de ses collections,

les passionnés-amateurs d’histoire de l’art et d’archéologie, les relais de la médiation (enseignants, éducateurs, animateurs) et les

spécialistes et chercheurs. Le choix de cette cible suppose donc déjà

que ces personnes soient sensibilisées à l’art ce qui en soit va à

l’encontre des missions qu’ambitionne la Communauté Louvre : la

démocratisation de l’art et la désacralisation de l’institution historique qu’est le Musée du Louvre. Ce dernier élément ne semble pas aider

par l’austérité et la sobriété du site2. En revanche, le site semble réussir

1 Souvenirs du Museum www.flickr.com/groups/souvenirsdumuseum 2 Voir captures d’écran en annexe.

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LE  MUSÉE  ET  INTERNET:  DE  L’EXPÉRIMENTATION  D’UNE  MÉDIATION  NUMÉRIQUE  À  L’ÉLABORATION  D’UNE  STRATÉGIE  

son objectif de diffusion des savoirs ainsi que sa volonté de favoriser

les échanges et les rencontres autour de thématiques. Communauté

Louvre propose en effet à ses membres de poster des photos et des

vidéos des œuvres du Musée du Louvre et ainsi de partager sa propre

vision des œuvres. L’internaute peut également contribuer à rendre l’art moins intimidant en taguant une sélection de 1 700 œuvres, c’est-à-dire

d’associer des mots-clefs pouvant être aussi objectifs que subjectifs. Il

est par la suite possible d’effectuer une recherche en tapant un

sentiment « mélancolique », « joyeux », « apaisant » et de découvrir

des tableaux s’y associant1. Enfin, il est également possible de créer des groupes de discussion publics ou privés autour de sujets divers, de

poster des articles et de se créer un réseau d’amis au sein de la

Communauté Louvre.

Le site s’adresse donc à des gens connaissant le Musée du Louvre et qui y sont déjà allés. En effet, pour que l’internaute s’inscrive à un

site portant le nom d’un lieu, il faut qu’il y ai déjà une connaissance

préétablie de l’institution. D’autant plus qu’il faut qu’il s’inscrive sur une

plateforme supplémentaire (il n’y a pas de connexion possible avec

Google ou Facebook ID par exemple) ce qui renforce l’idée que le membre de Communauté Louvre est un vrai féru d’art.

Les membres de Communauté Louvre sont donc des passionnés.

Le Louvre possédait déjà un site à la communication verticale avec

Louvre.fr, Communauté Louvre repose sur une communication

horizontale, le site est en effet géré par ses membres, qui, s’ils sont passionnés, sont sans doute en demande de dialogue avec le Musée

du Louvre, et cherchent à devenir des interlocuteurs privilégiés avec les

médiateurs du Louvre qui pourraient animer la communauté, en 1 Cette possibilité existe déjà pour la musique.

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LE  MUSÉE  ET  INTERNET:  DE  L’EXPÉRIMENTATION  D’UNE  MÉDIATION  NUMÉRIQUE  À  L’ÉLABORATION  D’UNE  STRATÉGIE  

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répondant aux questions ou en valorisant les contributions, ce qui n’est

pas le cas.

Communauté Louvre « s’adresse à tous ceux qui s’intéressent au

Musée du Louvre » peut-on lire sur la home-page du site, mais la communauté ne s’organise qu’autour des œuvres du musée, alors qu’il

aurait été intéressant d’y trouver des informations ou des échanges

autour des activités proposées par le Louvre. On se retrouve dans un

cas où le contenu (ou tout du moins une partie) du musée se retrouve

transposé sur l’Internet, mise en ligne par les internautes eux-mêmes mais où il n’y a pas de lien entre réel et virtuel : il n’y a pas, par

exemple, la possibilité de fixer des rendez-vous (tel l’outil Évènement

de Facebook) entre amis de la communauté, ou tout simplement une

version mobile pour Smartphone afin de pouvoir préciser au reste de la

communauté que l’on se trouve actuellement au Louvre ou encore la possibilité de prendre des photos et de les poster instantanément sur le

site.

- Le Yorkshire’s Favourite Painting Le Yorkshire Favourite Painting 1 est un projet lancé par le

regroupement de plusieurs musées et galeries du Yorkshire et propose

de créer une communauté d’internautes autour de témoignages et d’histoire sur une sélection d’œuvres majeures en lien avec cette

région du nord de l’Angleterre. Il y a donc là une volonté de rassembler

les habitants de cette région2 et de mettre en avant les artistes et le

patrimoine artistique. Le site, crée par l’agence anglaise Sumo propose

aux internautes de raconter une anecdote, une histoire liée à un 1 www.yorkshiresfavourites.org 2 Le site est ouvert à tous, mais il apparaît que les inscrits sont

majoritairement issus des villes du Yorkshire.

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LE  MUSÉE  ET  INTERNET:  DE  L’EXPÉRIMENTATION  D’UNE  MÉDIATION  NUMÉRIQUE  À  L’ÉLABORATION  D’UNE  STRATÉGIE  

tableau et d’expliquer pourquoi celui-ci est leur préféré. Ils sont ainsi

invités à voter pour le meilleur témoignage, le gagnant remportant une

reproduction de sa peinture préférée.

Cet exemple est intéressant en terme de construction d’une communauté car il ne s’agit pas d’une communauté autour d’un musée,

ni d’une communauté qui échangerait autour de connaissances

techniques sur les œuvres. Le projet du Yorkshire Favourite Painting

permet d’échanger autour d’une expérience esthétique et d’émotion1.

La démarche de vote du meilleur témoignage ne semble pas vraiment faire adhérer les participants car peu de votes sont émis, mais on

compte beaucoup d’anecdotes, parfois une vingtaine par œuvre. Cette

communauté se construit autour d’un patrimoine d’une zone

géographique bien définie.

2.1.4 Les communautés « rebelles », l’exemple du OrsayCommons

Il arrive que le musée ne soit pas à l’origine de sa présence sur

Internet et les réseaux sociaux, les usagers s’emparent des outils qui sont à leur disposition pour relayer l’image du musée sans le contrôle

de celui-ci. Or, lorsqu’un mouvement se lance, il est parfois difficile de

le contrôler. Des communautés d’internautes se forment autour d’une

cause ou d’un événement, c’est le cas du OrsayCommons.

Début 2010, la direction du Musée d’Orsay prend la décision

d’interdire totalement aux visiteurs de prendre des photographies des

œuvres et du bâtiment. (Le Musée du Louvre avait lui-aussi pris cette

décision en 2005 avant de faire marche arrière, et de revenir à la

1 Voir annexes

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LE  MUSÉE  ET  INTERNET:  DE  L’EXPÉRIMENTATION  D’UNE  MÉDIATION  NUMÉRIQUE  À  L’ÉLABORATION  D’UNE  STRATÉGIE  

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consigne « Photo sans flash » tant l’interdiction était ingérable pour les

agents de surveillance.) Les raisons de cette interdiction sont multiples.

D’une part, le Musée d’Orsay évoque l’amélioration des conditions de

travail des agents de surveillance qui n’arriveraient pas à gérer les

flasheurs ; d’autre part il est aussi évoqué le problème de circulation des visiteurs : interdire les photos pour permettre une meilleure fluidité.

À cela s’ajoute aussi officieusement une raison économique : interdire

les photos pour pousser les visiteurs à acheter cartes postales et

catalogues à la librairie en souvenir de leur visite, tout en argumentant

la notion de droit d’auteur des œuvres : seules les reproductions officielles, produites par le Musée d’Orsay et la RMN sont légales. La

réaction des visiteurs et des employés CGT du Musée d’Orsay ne se

fait pas attendre. Ces derniers dans un communiqué1 paru le 12 avril

2010, tentent de démontrer que les raisons avancées par la direction

sont à l’encontre de la liberté d’expression : « Le musée est un lieu public, pas une propriété privée. Les visiteurs

paient de leurs deniers les acquisitions d'œuvres (20 % des recettes de

billetterie), la propriété est donc collective. (…) De quel droit lui interdire

radicalement toute prise de vues à usage personnel dans un

monument historique qui relève du domaine public ? (…) C'est une atteinte à la liberté d'expression. Une photographie, même amateur, est

définie par le code de la propriété intellectuelle comme une œuvre de

l'esprit. L'interdiction fait obstacle à la primauté du droit à l'information,

qui concerne aussi les blogueurs reconnus pour diffuser de

l'information. La Cour de justice en fait même une valeur

constitutionnelle en déclarant que cette liberté des blogs contribue à l’échange d’idées et d’opinions indispensable à une société

démocratique » 1 http://www.cgt-culture.fr/IMG/pdf/2010-04-12_-

_Y_a_pas_photo_bis.pdf

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LE  MUSÉE  ET  INTERNET:  DE  L’EXPÉRIMENTATION  D’UNE  MÉDIATION  NUMÉRIQUE  À  L’ÉLABORATION  D’UNE  STRATÉGIE  

Les internautes protestent eux-aussi, indignations sur le livre d’or

en ligne du Musée d’Orsay (voir page 43) et un collectif voit le jour sur

Facebook en décembre 2010 : le OrsayCommons et invite visiteurs et

internautes à se rendre tous les premiers dimanches du mois (jour de gratuité du musée) à passer outre l’interdiction et à prendre des photos

(sans flash) dans le calme et dans un esprit bon enfant1.

Une communauté « rebelle » parce qu’indépendante du musée,

se met donc en place et en guise de protestation ne se contente pas de prendre des photos et de se mettre en scène devant les œuvres, mais

les partagent sur Flickr2 et relatent leurs expériences sur Twitter via le

hashtag #orsaycommons. Comme le souligne Bernard Hasquenoph sur

le site Louvrepourtous.fr, cette décision va à rebours de l’évolution

actuelle des musées (ainsi le British Museum a engagé un partenariat avec Wikipédia, et le Château de Versailles organise des concours

photos sur Flickr) et du partage d'images qui, quoi qu'on fasse, est de

plus en plus difficile à restreindre. Le combat de OrsayCommons va

bien au-delà de l’interdiction de prendre des photos, en effet, c’est un

mouvement de révolte contre le musée qui considère le visiteur comme un être passif et non plus comme un acteur actif. En mettant ses

photos en ligne, l’internaute devient collectionneur et reconstruit sa

propre interprétation de l’œuvre, conservateur en archivant ses photos

sur Internet, propriétaire car se sont ses photos et non des cartes

postales, commissaire d’exposition et médiateur en ajoutant des

commentaires (explicatifs, affectifs) à ses photos et partage son expérience esthétique à travers des photos uniques. Lorsque le Musée

d’Orsay interdit les photos dans son enceinte, il renonce à être un 1 Voir annexes 2 http://www.flickr.com/photos/tags/orsaycommons/

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LE  MUSÉE  ET  INTERNET:  DE  L’EXPÉRIMENTATION  D’UNE  MÉDIATION  NUMÉRIQUE  À  L’ÉLABORATION  D’UNE  STRATÉGIE  

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espace ouvert et s’interdit de former une communauté et retourne à

l’image musée-cathédrale, lieu sacré de la culture-cultivée.

Page du livre d’or virtuel du Musée d’Orsay

http://www.musee-orsay.fr/fr/info/contact/livre-dor.html?no_cache=1

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LE  MUSÉE  ET  INTERNET:  DE  L’EXPÉRIMENTATION  D’UNE  MÉDIATION  NUMÉRIQUE  À  L’ÉLABORATION  D’UNE  STRATÉGIE  

2.2 LA CO-PRODUCTION : L’EXEMPLE DU

PARTENARIAT CHÂTEAU DE VERSAILLES /

WIKIMEDIA

2.2.1 Le rôle de Wikimédia France

Lancé en Octobre 2004, Wikimédia France est un association a but

non lucratif de loi de 1901 qui se donne pour mission de soutenir en

France la libre diffusion des connaissances et des projets sur les

plateformes hébergées par Wikipédia Foundation : l’encyclopédie Wikipédia, le dictionnaire Wiktionnaire et la banque d’images

Wikimédia Commons. Cette association, bien qu’agissant dans les

intérêts de Wikipédia Foundation est indépendante financièrement et

juridiquement de celle-ci. L’objectif de Wikimédia France est donnant-

donnant : l’association propose aux institutions culturelles qui le souhaitent de leur fournir des contenus libres de droits en échange de

quoi, Wikimédia France se propose d’offrir ses compétences et son

savoir-faire en matière de numérisation et de mise en valeur de ces

contenus. Un autre objectif de l’association est de promouvoir ses

actions et gérer l’image de la Wikipédia Foundation dans les médias et auprès des professionnels du secteur numérique, culturel et éducatif.

En effet, l’encyclopédie Wikipédia souffre encore aujourd’hui d’un

problème de légitimité et la crédibilité de ses contenus est sans cesse à

prouver puisque rédiger par des non-professionnels donc jugés

inexactes ou réducteurs. Cette mauvaise image explique en partie la frilosité des institutions à s’engager avec Wikimédia France, en effet

l’association qui se compose d’environ 200 membres aux profils et

âges très variés, est amenée à proposer ses services à de petites

structures culturelles qui n’ont pas les moyens (financiers, humains et

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LE  MUSÉE  ET  INTERNET:  DE  L’EXPÉRIMENTATION  D’UNE  MÉDIATION  NUMÉRIQUE  À  L’ÉLABORATION  D’UNE  STRATÉGIE  

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techniques) pour s’offrir une plateforme indépendante comme

Communauté Louvre ou comme le Centre Pompidou Virtuel.

Il y a peu de temps encore, en 2007, le numérique n’était pas

évoqué dans les outils de médiation 1 . Avec l’accélération du développement des réseaux sociaux et la banalisation dans les usages

de la participation des internautes sur Internet, les Musées se sont vu

progressivement proposer à leurs communautés de visiteurs de

participer à la rédaction de contenus de médiation.

2.2.2 Wikimédia et le Château de Versailles

Partant du constat que Wikipédia était la deuxième source

d’informations en ligne autour du Château de Versailles après son site Internet, Laurent Gaveau et l’équipe responsable des nouveaux médias

décident de s’associer avec Wikimédia France afin d’alimenter et

d’améliorer les contenus de l’encyclopédie en ligne. En effet, la

stratégie part du principe de ne pas dénigrer les contenus produits par

les internautes sur Wikipédia, de faciliter les échanges entre le Château de Versailles et les contributeurs, et au besoin d’apporter les

ressources nécessaires pour la rédaction des contenus. Cela permet

d’une part de valoriser les richesses historiques, artistiques et

architecturales de Versailles, mais également de contrôler la justesse

et la véracité des contenus en ligne.

1AUBOUIN N., KLETZ F., LENAY O., Médiation culturelle : l’enjeu de la

gestion des ressources humaines, Culture Études, 2010, [En ligne],

URL : http://www.culture.gouv.fr/deps, consulté en février 2011

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LE  MUSÉE  ET  INTERNET:  DE  L’EXPÉRIMENTATION  D’UNE  MÉDIATION  NUMÉRIQUE  À  L’ÉLABORATION  D’UNE  STRATÉGIE  

Pour la première fois1 en France, une institution culturelle française

offre sa confiance à Wikimédia et accueille depuis février 2011, Benoit

Evelin un wikipedien en résidence au château afin d’apporter son

expertise de Wikipédia. Son rôle est d’être le médiateur entre les

experts de Versailles : les conservateurs, les médiateurs et les contributeurs de l’encyclopédie en ligne. Sa mission est aussi de former

les équipes de Versailles à la plateforme de Wikipédia afin de leur offrir

les connaissances et les capacités d’écriture en ligne. Deux

communautés se retrouvent donc autour d’un projet commun : les

amateurs du Château de Versailles (qu’ils soient des visiteurs ou des employés) et les membres de la communauté Wikipédia, contributeurs

réguliers de l’encyclopédie sur de nombreux sujets. Ces communautés

fusionnent et échangent autour d’une passion commune pour le

patrimoine de Versailles et bien sûr produisent des contenus de

médiation qui seront ensuite en accès libre au plus grand nombre. La démarche de Wikimédia est plus large que Communauté Louvre qui est

une communauté fermée, dont les productions ne sont accessibles que

pour ses membres et plus libres que le Google Art Project qui ne

permet pas la diffusion, le partage et la reproduction des contenus en

ligne. Wikipédia offre dans son idéal une liberté de diffusion de la culture.

1 Wikimédia avait déjà collaboré avec la Bibliothèque Nationale de France et avec la ville de Toulouse, c’est la première fois que

l’association collabore avec un musée et propose une résidence à

expert de Wikipédia.

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LE  MUSÉE  ET  INTERNET:  DE  L’EXPÉRIMENTATION  D’UNE  MÉDIATION  NUMÉRIQUE  À  L’ÉLABORATION  D’UNE  STRATÉGIE  

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2.3 L’AGRÉGATION

Nous entendons par agrégation, la mise en valeur et la

présentation des collections du Musée sur des supports numériques et

notamment sur Internet. Cet aspect est depuis longtemps réfléchi par

les musées, on retrouve en effet depuis les années 1990 des CD-Rom

des collections du Louvres ou du Musée d’Orsay où l’utilisateur peut observer les œuvres depuis son écran, effectuer des zooms, enrichir

ses connaissances grâce à des commentaires audio ou écrit. Pourtant

aujourd’hui les avancées technologiques qu’elles soient dans la

numérisation des œuvres (les scanners et matériels photographiques

de plus en plus puissants) que dans la manière de les présenter sur Internet (les progrès techniques de codage, des délais de chargement

de plus en plus rapides, l’aspect nomade d’Internet) cherchent-ils

reproduire l’expérience esthétique que l’on peut éprouver au musée,

face aux œuvres ou y-a-t-il une volonté de transcrire de nouvelles

expériences esthétiques, à la fois complémentaires et indépendantes de celle du visiteur ?

2.3.1 Le Google Art Project

En Février 2011, Google lance son projet Google Art Project. Il

regroupe sur un même site une sélection de dix-huit lieux culturels

internationaux et permet grâce au même procédé du Google Street

View (une caméra prend des photos à 360° et offre la possibilité de se

promener dans les rues de plusieurs villes du monde) de découvrir les salles du Metropolitan Museum of Art de New-York, le Musée de

L’Hermitage de St Petersbourg, le Van Gogh Museum d’Amsterdam ou

encore le Château de Versailles seule institution culturelle française

présente. Le site propose aussi 1061 œuvres numérisées, permettant

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LE  MUSÉE  ET  INTERNET:  DE  L’EXPÉRIMENTATION  D’UNE  MÉDIATION  NUMÉRIQUE  À  L’ÉLABORATION  D’UNE  STRATÉGIE  

ainsi de les observer plus en détails, 17 d’entres-elles sont d’ailleurs

numérisées avec un appareil photo produisant des images très haute

définition permettant ainsi un niveau de zoom qu’il n’est pas possible

d’expérimenter à l’œil nu, puisqu’une prise distance de sécurité est

souvent imposée aux visiteurs.

Le concept reprend celui des CD-Rom de musées que nous

évoquions en introduction mais également ce que l’on peut déjà trouver

sur quelques sites internet de musées. En cela le Google Art Project

n’est pas une grande nouveauté et innovation numérique. De plus, les informations proposées autour des œuvres sont assez pauvres et les

commentaires audio ou vidéo sont dans la langue d’origine du musée.

Mais le succès semble être au rendez-vous, puisque lors de la

première semaine de mise en ligne, le site a reçu (selon Google) plus

de 10 millions de visiteurs. Effet de mode qui sera sans doute un succès sur la durée, les critiques et les témoignages des internautes

étant globalement positifs :

“…Faites un zoom sur son visage et vous serez peut-être comme moi

saisi par une certaine émotion. Et si j’ai pris cet exemple ce que j’étais

encore récemment devant le vrai tableau à Florence. L’émotion est tout autre, sans commune mesure, elle est bien plus intense évidemment,

mais pouvoir regarder à la loupe un tel chef-d’œuvre n’est pas sans

intérêt” - Extrait d’un article publié sur www.framablog.org le 8 février

2011.

L’expérience numérique proposée par Google, comme le témoignage ci-dessus le suggère, est différente de celle pouvant être

vécue in situ. En effet, s’il est possible d’apprécier une toile dans son

ensemble, le Google Art Project propose d’en apprécier les plus petits

détails et donc une nouvelle expérience esthétique. Les témoignages

des internautes en attestent, si l’expérience au musée reste

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LE  MUSÉE  ET  INTERNET:  DE  L’EXPÉRIMENTATION  D’UNE  MÉDIATION  NUMÉRIQUE  À  L’ÉLABORATION  D’UNE  STRATÉGIE  

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indétrônable, ces derniers apprécient de prendre le temps de regarder

les détails d’œuvres qu’ils connaissent déjà, les inconvénients du

musée en moins (la foule notamment).

Le Google Art Project donne une nouvelle approche du musée qui ressemble à l’idéal du musée imaginaire de Malraux. En effet,

l’expérience proposée du Google Art Project se fait individuellement et

permet à l’internaute d’être seul face aux œuvres, sentiment renforcé

par les salles, visibles en 360° vides de tout visiteurs. De plus, les

visiteurs ont la possibilité de devenir collectionneur, en créant leur propre sélection de toiles préférées s’ils possèdent un compte chez

Google, mais on ne retrouve pas la notion de partage et d’annotation

qui aurait pu constituer un élément de médiation supplémentaire et

beaucoup plus riches que les éléments mis à disposition par Google.

L’impossibilité de partager sa galerie est sans doute la raison pour laquelle les internautes sont au final très peu à avoir créer la leur.

2.3.2 Les mini-site d’exposition : Monet2010

Les expositions temporaires sont devenues un moyen pour les

musées de créer l’événement. Au États-Unis, le terme d’exposition

blockbuster (terme que l’on utilise au cinéma pour désigner ces films

d’action à gros budget pour grand public) existe par ailleurs depuis les

années 1970. Ces expositions sont circonscrites dans le temps et offrent la possibilité aux musées d’expérimenter des techniques de

marketing et de communication visant à montrer le caractère

exceptionnel et unique d’un rassemblement d’œuvres rares. Or Internet

est une des plateformes utilisées pour faire naître l’envie des publics à

se rendre dans le musée pour y découvrir les œuvres exposées.

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LE  MUSÉE  ET  INTERNET:  DE  L’EXPÉRIMENTATION  D’UNE  MÉDIATION  NUMÉRIQUE  À  L’ÉLABORATION  D’UNE  STRATÉGIE  

Les sites d’expositions temporaires ont pour ambition de

présenter l’exposition sous un angle différent, une expérience unique

afin de stimuler la curiosité de l’internaute. Ce dernier est familier des

sites traditionnels : présentation, quelques visuels des œuvres, infos

pratiques…etc. Mais les sites d’expositions temporaires cherchent également une nouvelle méthode de navigation qui va de pair avec

l’aspect événementiel de l’exposition temporaire : si l’expérience

esthétique virtuelle est différente sur Internet, la visite dans le lieu

promet d’être aussi novatrice. Le mini-site doit donc être la vitrine de

l’exposition mais à la fois son reflet pour que le visiteur puisse retrouver l’exposition visitée.

L’expérience du site de l’exposition Monet (au Grand-Palais de

septembre 2010 à janvier 2011) ouvre la voie à de nouvelles formes de

navigation et de présentation des œuvres exposées. Commandité par la Réunion des Musées Nationaux (RMN) et du Conseil de la Création

Artistique (CCA), le site Monet2010 fait partie d’une expérimentation de

médiation numérique afin de proposer de nouvelles interactions avec

les œuvres d’une part, et d’autre part toucher un nouveau public en

rendant les toiles de Monet accessibles à toutes personnes possédant une connexion Internet en France et à l’étranger. 1

Le site Monet2010 se compose de plusieurs éléments : une

partie informationnelle avec les informations pratiques de l’exposition :

horaires, tarification, plan, une partie Galerie pour retrouver les œuvres

de Monet sur une frise chronologique accompagnée de détails sur les toiles, une web tv et surtout une partie Voyage, dispositif majeur du site 1 L’expérimentation s’est également accompagnée d’un second

dispositif en ligne : un jeu en réalité alternée dont nous ne ferrons pas

mention ici faute d’avoir expérimenté le dispositif.

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LE  MUSÉE  ET  INTERNET:  DE  L’EXPÉRIMENTATION  D’UNE  MÉDIATION  NUMÉRIQUE  À  L’ÉLABORATION  D’UNE  STRATÉGIE  

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internet, le cœur de l’expérimentation. Le Voyage propose aux

internautes d’interagir avec une sélection d’œuvres de Monet. L’usager

doit participer avec sa souris, sa webcam ou le micro de son ordinateur

afin de pouvoir déclencher des animations : taper dans ses mains près

du micro pour faire peur à l’oiseau du tableau La Pie1 et de le voir s’envoler pour passer au tableau suivant.

Toute expérimentation suppose une enquête en retour. Celle

réalisée par Télécom Paristech2 montre tout d’abord le succès du site

Monet2010 : sur la période du 17 septembre 2010 au 20 février 2011, le site a généré un trafic de 2 536 851 visites uniques à l’échelle

mondiale. Concernant le Voyage, ⅔ des visiteurs français ne sont pas

d’Ile-de-France, ce qui tend à prouver que l’importance du contenu et

de l’expérience virtuelle permet de palier la distance géographique qui

est une raison de non-visite de l’exposition. Par le site internet, les publics éloignés chercheraient donc un moyen de découvrir les œuvres

de Monet. Le fait que l’on constate un équilibre entre les internautes

cherchant des informations pratiques et ceux en quête de contenu (le

Voyage, la Galerie, web-tv) montre encore une fois l’importance du site

internet comme support de médiation.

Mais l’enquête révèle également une tension entre originalité

graphique (originalité qui véhicule des visiteurs travaillant dans le

domaine du web-design et de la communication visuelle) et le bénéfice

de l’animation (le besoin d’apprendre et de compréhension de l’œuvre).

En effet, l’image étant tellement retravaillée, qu’elle efface l’œuvre originale. L’accent ayant été mis sur un effet aquarelle qui ne se

rapproche pas de la peinture à l’huile (technique utilisée par Monet) et 1 Voir Annexe : Capture d’écran Monet2010 2 http://conseil-creation-artistique.fr/5.aspx?sr=5

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LE  MUSÉE  ET  INTERNET:  DE  L’EXPÉRIMENTATION  D’UNE  MÉDIATION  NUMÉRIQUE  À  L’ÉLABORATION  D’UNE  STRATÉGIE  

l’absence de discours savant. C’est à l’internaute de recréer l’œuvre et

la démarche artistique de l’artiste et reprise en une démarche ludique.

L’enquête montre un enthousiasme et une surprise mais une

déception : le dispositif ne se fait par au profit de la compréhension de

l’œuvre ou de la technique du peintre. Le Voyage dans la forme proposée ne se résumerait dont qu’à un effet d’amusement participant

à l’événementialisation de l’exposition Monet. En effet, le site fut surtout

relayé par un effet de bouche-à-oreille numérique : échange du lien via

Facebook et Twitter. À défaut de proposer un contenu savant, le site

propose une expérience esthétique riche, qui propose aux internautes de découvrir (ou de redécouvrir) les tableaux sous un nouvel angle

inédit mais qui ne se substitue pas à la visite au Grand Palais.

L’expérience de Monet2010 possède donc une grande qualité :

celle de l’innovation suscitant la surprise et éveillant l’intérêt des internautes pour Monet, mais ne présente en outre, que très peu

d’éléments de médiation et d’aide à la compréhension de l’artiste. Cette

carence s’explique par le manque d’expertise dans la réalisation du

contenu du site Monet2010. En effet, la conception et le pilotage du

projet furent confiés à l’entreprise Faber Novel1, quant à la conception technique et la direction artistique elles, furent confiées à l’agence Les

842. Ces deux agences possèdent un savoir-faire indéniable mais qui 1 Le Palais de Tokyo est le seul musée présent dans les références de

cette agence qui compte parmi ses clients de nombreuses entreprises

telles que Cofidis, L’Oréal, SFR, des institutions publiques : La région

Ile de France, RATP mais aucune institution culturelle. 2 Agence à qui l’on doit la campagne Oasis for Fun ou la dernier campagne Jean Paul Gaultier : là encore il ne s’agit pas d’une agence

spécialisée dans le secteur culturel ou dans le domaine de la

médiation.

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LE  MUSÉE  ET  INTERNET:  DE  L’EXPÉRIMENTATION  D’UNE  MÉDIATION  NUMÉRIQUE  À  L’ÉLABORATION  D’UNE  STRATÉGIE  

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ne concerne pas le domaine de la médiation. Et il est décevant de

constater que les médiateurs du Musée d’Orsay ne sont pas intervenus

dans la conception des contenus du site Monet2010.

Ces expériences très récentes permettent de définir ce que peut

être le musée virtuel à travers les usages et les possibilités du Web 2.0.

Après avoir expérimenter les possibles, il est nécessaire de prendre en

compte les limites de l’Internet afin d’élaborer une stratégie numérique

opérationnelle.

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LE  MUSÉE  ET  INTERNET:  DE  L’EXPÉRIMENTATION  D’UNE  MÉDIATION  NUMÉRIQUE  À  L’ÉLABORATION  D’UNE  STRATÉGIE  

3 NOUVEAUX MÉDIA, NOUVELLES EXPERTISES,

NOUVELLES STRATÉGIES

3.1 LES LIMITES

3.1.1 Les limites technologiques

- L’expérience du réel au numérique : un échec ? Le musée virtuel peut se présenter sous plusieurs formes qui

induisent différents types d’expériences. L’avancé de la technologie et de l’informatique cherche toujours à reproduire l’expérience du réel.

À travers les exemples cités précédemment nous pouvons

distinguer deux types de musées virtuels : ceux qui cherchent à

reproduire des espaces réels pour y exposer les œuvres et les musées virtuels qui se présentent sous forme de plateforme participative. Dans

un cas comme dans l’autre, il n’est pas obligatoire que le musée existe

physiquement pour exister sur Internet, c’est le cas par exemple du

Adobe Museum of Digital Art1 qui présente des expositions temporaires

d’œuvres digitales donc non-matérialisables. Or la contradiction majeure que l’on retrouve dans ce musée complétement virtuel réside

dans la volonté d’immerger l’internaute dans un bâtiment virtuel. La

visite commence en effet, par une cinématique autour d’une

matérialisation 3D d’un bâtiment qui se veut être le musée. Pourquoi

chercher à injecter du réel pour présenter des œuvres immatérielles ? Il en est de même avec l’expérience de Second Life qui proposait à

l’internaute qui visitait à travers un corps virtuel celui de son avatar un 1 http://www.adobe.com/adobemuseum/

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LE  MUSÉE  ET  INTERNET:  DE  L’EXPÉRIMENTATION  D’UNE  MÉDIATION  NUMÉRIQUE  À  L’ÉLABORATION  D’UNE  STRATÉGIE  

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univers similaire au monde réel et de découvrir la matérialisation 3D

des musées, bâtiments historiques, d’assister à du simulacre de

spectacle vivant. Or les possibilités techniques qu’offre Internet font

que chercher à mettre en scène les œuvres dans un dispositif fac-

similé de musée, n’apportent pas réellement de plus-value sur la présentation de l’œuvre. Imiter la visite physique et la transposer en

numérique ne présente que peu d’intérêt car l’enjeu d’Internet est

justement d’apporter une nouvelle expérience, une expérience inédite

par rapport à la visite physique du lieu et non d’être une réplique

forcement moins bonne du réel. L’internaute incarné par un avatar ou immergé dans un univers empreint de réalisme ne peut faire corps

avec l’œuvre : il peut la voir dans un rapport à l’espace qui est faussé

par l’écran, mais ne peux pas l’éprouver avec son propre corps :

comparer les rapports de taille. Une œuvre comme le Léviathan

d’Anish Kapoor ou le Sacre de Napoléon de Jacques-Louis David ne peuvent être vécu sur un écran car se sont leurs dimensions qui sont

vectrices d’émotion. Enfin les progrès techniques sont certes

importants concernant la numérisation des œuvres et offrent une

qualité de reproduction de l’image très intéressante mais elle ne reflète

jamais la réalité, pour preuve la petite expérience qu’à mener le site hint.fm 1 en recherchant sur Google Image, des reproductions

photographiques numérisées d’œuvres et de faire des patchworks afin

de mettre en évidence la difficulté de représenter la réalité de ces

toiles. (Voir page suivante) La technique inclue une part de subjectivité

dans la perception des œuvres qui est tend à être contrôlé par

l’humain. La scénographie impose elle aussi une subjectivité : la lumière, la couleur des murs, la hauteur de l’accrochage ou

l’environnement des œuvres entre elles, changent aussi la perception

que l’on se fait des toiles, mais c’est une subjectivité qui donne du sens 1 http://hint.fm/reproduction

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LE  MUSÉE  ET  INTERNET:  DE  L’EXPÉRIMENTATION  D’UNE  MÉDIATION  NUMÉRIQUE  À  L’ÉLABORATION  D’UNE  STRATÉGIE  

à l’œuvre : la scénographie est médiation, l’étalonnage des couleurs de

l’écran d’ordinateur n’en est pas.

Les limites techniques ne peuvent offrir à Internet la possibilité

de représenter le réel. Il peut néanmoins offrir la possibilité de donner un aperçu du musée in situ pour des publics éloignés

géographiquement qui souhaiteraient découvrir ou redécouvrir par

curiosité les musées qu’ils souhaitent visiter ou qu’ils ont déjà vu. C’est

le cas d’une partie du Google Art Project qui propose de se promener

dans les salles de musées.

La jeune fille à la perle de Vermeer, vu par Hint.fm

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LE  MUSÉE  ET  INTERNET:  DE  L’EXPÉRIMENTATION  D’UNE  MÉDIATION  NUMÉRIQUE  À  L’ÉLABORATION  D’UNE  STRATÉGIE  

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Danaë de Klimt, vu par Hint.fm

Il faut donc penser le musée virtuel d’une autre façon, en proposant une scénographie qui soit en adéquation avec les usages numériques

et non les usages du réel, une nouvelle façon de naviguer et de

découvrir les œuvres sans dénaturer ces dernières. Or, si les musées

possèdent une expertise reconnue en matière de scénographie, la mise

en ligne de base de données numérisées passe par le savoir-faire de scénographes d’internet : webdesigners, programmeurs, intégrateurs

web. Des corps de métier que l’on ne retrouve pas dans les équipes

muséales. Les services multimédias se composent en effet bien

souvent de community managers, de webmasters, de responsable des

publics. La conception web est donc confiée à des prestataires extérieurs spécialistes de la conception de sites web. Ce travail qui

n’est pas réalisé en interne engendre donc des coûts supplémentaires

qui ne sont pas négligeables : l’expérience Monet2010 (site et jeux

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alternatif) se chiffre en plusieurs dizaines de milliers d’euros1. Mais les

agences qui réalisent ces sites manquent de l’expertise des acteurs

culturels en matière d’histoire de l’art et d’approche de médiation ce qui

entraine une réappropriation par les webdesigners des œuvres

présentées.

- Fossés numériques et Web 3.0 Si l’utilisation d’Internet et l’usage d’un ordinateur sont en

progression en France, on constate néanmoins qu’un tiers de la

population n’est pas encore équipé. Au delà de la couverture du réseau

ADSL sur le territoire français on constate qu’il existe trois fossés

numériques qui touchent aussi bien les usages de l’informatique que la possession des outils : générationnel, social et culturel. Un constate

que la population des plus de 75 ans est minoritairement en

possession d’un ordinateur et d’une connexion Internet, la tranche des

15/24 ans étant la plus équipée. Un fossé social qui prive foyers les

plus modestes d’un ordinateur et d’un accès à Internet. Enfin un fossé culturel, en effet les personnes les moins diplômées sont moins

équipées que les autres. Certaines populations au croisement de

plusieurs facteurs comme les personnes âgés aux faibles ressources

sont véritablement exclues du numérique. L’accès à Internet à domicile

est l’un des facteurs clés de son appropriation, en effet, les personnes n’ayant jamais utilisé Internet sont celles qui ne possèdent pas de

connexion chez eux. Si le fossé générationnel va tendre à s’estomper,

laissant la place aux digital natives dans toutes les tranches de la

société, les écarts culturel et social peuvent eux, s’accentuer à mesure

du développement des Smartphones et d’outils de plus en plus complexes et high-tech s’inscrivant dans notre quotidien. En effet, 1 Le montant s’élèverait à 40 000€, chiffre non vérifié, obtenu lors d’une

discussion informelle.

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LE  MUSÉE  ET  INTERNET:  DE  L’EXPÉRIMENTATION  D’UNE  MÉDIATION  NUMÉRIQUE  À  L’ÉLABORATION  D’UNE  STRATÉGIE  

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l’évolution du web a déjà commencé à brouiller les frontières entre

numérique et réalité offrant une fluidité entre ces deux mondes.

Le Web 1.0 était depuis 1994 un web « de documents » et

statique. Il se composait de page en lecture seule, de documents papiers numérisés ou reproduits sur l’écran. Le Web 2.0 tel que nous le

connaissons aujourd’hui est depuis 2004, un web « de conversation »

centré autour des hommes et de leurs interactions entre eux et entre

les documents. Il transforme l’individu en curator. La pratique de

l’Internaute du Web 1.0 se basait sur la recherche de documents à l’aide de moteur de recherche, aujourd’hui il pratique la curation : il trie,

éditorialise et partage de l’information, des contenus. L’évolution vers

un Web 3.0 traduit un web « sémantique », celui de l’interopérabilité

des données et de la mobilité. Lorsque l’on fait une recherche sur un

moteur de recherche, il serait capable de comprendre notre demande et comme un assistant personnel qui prendrait en compte le contexte

dans lequel nous nous trouvons pour nous obtenir les résultats les plus

adéquats. C’est justement les pratiques des internautes du web 2.0 qui

construisent le 3.0 de demain, car ils trient les données et les indexent

à l’aide de métadonnées quand ils y ajoutent des tags. Dans un futur proche on imagine assez aisément que le web 3.0 dépassera la sphère

des ordinateurs et des Smartphones et reliera les objets électroniques

de notre quotidien et changera notre quotidien et notre consommation

culturelle. Il est déjà possible de télécharger de la musique sur nos

baladeurs mp3, des livres électroniques, des films sur notre télévision

ou encore obtenir des informations et des contenus grâce à une simple photographie d’un QRcode.

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LE  MUSÉE  ET  INTERNET:  DE  L’EXPÉRIMENTATION  D’UNE  MÉDIATION  NUMÉRIQUE  À  L’ÉLABORATION  D’UNE  STRATÉGIE  

On voit donc apparaître une évolution des pratiques de l’Internet

en même temps qu’une fracture importante entre ses usagers et ses

non-usagers. L’utilisation du numérique pour les musées en tant que

support de démocratisation s’inscrit dans cette problématique.

3.1.2 Les limites juridiques

Créer, partager, échanger…L’Internet et la technologie numérique

(Smartphone, tablette, ordinateurs) permet pour tout à chacun un accès à la culture de plus en plus rapide et de plus en plus mobile. Or, les

mutations technologiques et numériques de ces dix dernières années

exercent une pression très forte en faveurs d’un accès gratuit aux

œuvres. L’Internet a notamment pour effet de brouiller la notion

d’auteur, confondant la notion d’œuvre et de support.

- Le Droit d’Auteur Le Droit d’Auteur apparaît dès la Renaissance, se répand jusqu’au

XVIIIème siècle et trouve sa forme actuelle cristallisée lors de la

convention de Berne en 1886. Depuis les transformations apportées ne

sont que de simples aménagements. Le principe du Droit d’Auteur ou Copyright donne la paternité aux créateurs d’œuvres de l’esprit. Ce

droit porte sur l’expression des idées et non sur les idées elles-mêmes,

qui restent libres. Le Droit d’Auteur permet le développement des

industries culturelles depuis l’imprimerie de Gutenberg sans empêcher

la propagation des idées.

Il est destiné à pousser l’auteur à créer et à innover en protégeant et

rémunérant sa création. Si le Droit d’Auteur est absent, tout le monde

est libre de s’attribuer la paternité d’une œuvre ou a en devenir les

ayant-droit. D’une certaine manière, le Droit place le bien culturel dans

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LE  MUSÉE  ET  INTERNET:  DE  L’EXPÉRIMENTATION  D’UNE  MÉDIATION  NUMÉRIQUE  À  L’ÉLABORATION  D’UNE  STRATÉGIE  

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le milieu marchand. Mais le Droit d’auteur en donnant le monopole du

créateur sur son œuvre limite ainsi la diffusion. C’est l’argument avancé

par certains musées. Lors de l’exposition Les Hiéroglyphes de Keith

Haring au Musée en Herbe, les œuvres exposées de l’artiste ne sont

pas autorisées à être photographiées sous le principe que ces œuvres sont la propriété des ayant-droits de Keith Haring (le Fondation Keith

Haring). Les photographies pouvant être par la suite utilisées à des

fins marchandes, les bénéfices liés à l’œuvre de l’artiste doivent être

garanties et réservées aux ayant-droits et non à de tierces personnes.

Mais le droit d’auteur limite la diffusion des œuvres qui n’est pas compatible avec le numérique et Internet.

- Ce qu’Internet induit Internet induit plusieurs facteurs qui viennent à l’encontre des

principes du Droit d’Auteur. Le raccourcissement des distances et des

délais de diffusion. En abolissant les distances du réel, il permet de

rassembler les publics éloignés géographiquement : l’information produite par l’un, circule plus rapidement et profite à l’autre, même s’il

est à l’autre bout de la planète. Les publics se retrouvent donc en

communautés d’intérêt plus massives (et plus éparses) qu’elles

auraient pu l’être dans le réel. Ces communautés échangent,

dialoguent et produisent des contenus. On constate donc une perte du médiateur entre l’œuvre et le public, entre l’émetteur et le destinataire

de l’œuvre comme c’est le cas, nous l’avons vu, avec Communauté

Louvre. La communauté se construit autour de l’intérêt pour les œuvres

du Louvre et les publics sont producteurs d’éléments de médiation sans

l’intervention de l’expertise du musée de Louvre qui devient, grâce à l’expertise d’Orange, le canal de diffusion des informations et des

œuvres. Enfin, la massification des pratiques liées à l’Internet et au

numérique engendre la gratuité de la production et de la diffusion des

œuvres. Avec l’agrandissement des communautés d’intérêt, la

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LE  MUSÉE  ET  INTERNET:  DE  L’EXPÉRIMENTATION  D’UNE  MÉDIATION  NUMÉRIQUE  À  L’ÉLABORATION  D’UNE  STRATÉGIE  

démultiplication des capacités de diffusion des œuvres tant sur les

plateformes où elles peuvent être partager que sur la facilité de

produire des œuvres originales. Il est aujourd’hui facile de prendre une

photo, une vidéo et de la mettre en ligne dans l’instant tout comme il

est aisé de copier, réutiliser, reproduire les œuvres et de se les approprier. Le monde de l’immatériel s’oppose donc à la vision de

l’œuvre indissociable de son support : Internet, lieu de l’immatériel, les

œuvres se détachent des supports (de la toile, du papier, du cd…) pour

être reproduite indéfiniment. Il s’opère donc un changement dans le

statut de l’auteur : la création est devenue collective, les ayant-droits sont devenus difficilement identifiables.

- La solution de Creative Commons Creative Commons (CC) est une organisation à but non lucratif qui

propose des solutions alternatives aux personnes souhaitant protéger

leur œuvre mais de manière moins restrictive que le copyright. Depuis

le projet Wikipedia en 2001, CC propose différentes licences Creative Commons qui permettent la libre diffusion d’une œuvre en ne se basant

que sur le droit moral c’est-à-dire le respect de l’auteur et de ses

intentions. Toute personne qui a crée une œuvre et qui a la capacité

d’en affirmer la paternité, peut utiliser l’un des contrats CC afin de

pouvoir partager son travail et enrichir le patrimoine commun (Commons). Les licences CC se basent sur quatre principes : mention

de la paternité, autorisation ou non d’en faire des œuvres dérivées,

obligation ou non de diffuser ces œuvres dérivées aux mêmes

conditions, autorisation ou non à des tiers de faire une exploitation

commerciale de l’œuvre. Ces principes permettent de dégager six types de contrats1 qui se composent de trois « couches » : un texte

juridique destiné aux professionnels du droit, un texte résumé 1 Voir les différents types de contrats en annexe

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LE  MUSÉE  ET  INTERNET:  DE  L’EXPÉRIMENTATION  D’UNE  MÉDIATION  NUMÉRIQUE  À  L’ÉLABORATION  D’UNE  STRATÉGIE  

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compréhensible par n’importe qui et un code internet qui permet

d’associer l’œuvre à la licence CC choisie.

3.1.3 Limites financières

Les limites techniques et juridiques engendrent des coûts de

créations et de libération des droits d’auteurs liés aux œuvres qui sont

présentées en ligne. La mise en ligne des collections est un enjeu qui,

en matière de temps et de ressources humaines est important et génère des coûts qui ne sont pas à la portée de tous les budgets de

musées. En effet, cela suppose des coûts liés à la numérisation,

l’indexation, éventuellement la traduction en plusieurs langues des

contenus, l’obtention des droits d’auteurs des œuvres, la création, la

maintenance et la gestion de la plateforme et enfin à l’achat des serveurs d’hébergement des données stockées. Or pour l’instant, le

numérique pour les musées n’est pas une véritable source de revenus.

La dématérialisation de la culture, amorcée par la musique tout d’abord

puis ensuite par le livre, bouleverse les modes de consommation et les

musées commencent seulement à réfléchir à de nouvelles stratégies économiques grâce au numérique.

- Financer des projets L’entrée dans les musées, expositions temporaires et monuments

historiques est payante et voit son tarif augmenter ces dernières

années. Cette augmentation peut devenir un frein à la visite notamment auprès des familles et des étudiants (ces derniers peuvent néanmoins

accéder gratuitement aux musées nationaux depuis 2009 et ce, jusqu’à

26 ans). En revanche les contenus sur Internet sont en accès libre et

gratuit. Comme le défend le peintre Eugène Carrière : « il est tout à fait

extraordinaire d’avoir l’idée de faire payer la vue d’œuvres d’art à ceux

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LE  MUSÉE  ET  INTERNET:  DE  L’EXPÉRIMENTATION  D’UNE  MÉDIATION  NUMÉRIQUE  À  L’ÉLABORATION  D’UNE  STRATÉGIE  

qui ont déjà fourni l’argent pour les acquérir ». En d’autres termes, il

serait malvenu de faire payer aux Internautes les contenus des sites

internet de musées, puisque ces œuvres font parties du patrimoine

public. Internet est synonyme de gratuité pour les usagers il offre la

possibilité de s’approprier des contenus gratuitement, librement et rapidement, il serait donc incorrect de faire payer la « visite » du musée

virtuel, même Internet offre un pendant complémentaire au musée

physique. D’autant plus que les principaux utilisateurs d’Internet sont

majoritairement les publics absents des musées : les 20 à 30 ans.

D’autres sources de financement sont donc à exploiter pour proposer des contenus riches et innovants.

Plusieurs pistes de financements sont donc à exploiter. Citons tout

d’abord les activités commerciales, telle que la vente en ligne de

produits dérivés. En Mai 2000, le Museum of Modern Art de New-York et la Tate Gallery londonienne avaient déjà eu en projet de créer un site

Internet à vocation commercial de vente de produits et de services :

articles des boutiques des deux musées, mobiliers, tissus, livres,

catalogues mais aussi commande à des artistes et architectes et

billetterie en ligne. Mais en Avril 2001, la Tate annonce se retirer du projet et le MoMA décide de revoir l’orientation de son site en l’axant

davantage sur des contenus pédagogiques et culturels. Preuve que

l’image du musée en tant qu’établissement nonprofit est une image à

soigner, même sur Internet.

Le mécénat d’entreprise peut aussi être une méthode de financement de projet sur Internet. Si celui-ci connaît un réel essor en

France depuis les années 1980 pour le financement des musées et

notamment lors des expositions temporaires. Les entreprises de la

communication et d’Internet (qui font partie des plus engagées dans le

secteur culturel) apportent aujourd’hui bien plus qu’un soutient

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LE  MUSÉE  ET  INTERNET:  DE  L’EXPÉRIMENTATION  D’UNE  MÉDIATION  NUMÉRIQUE  À  L’ÉLABORATION  D’UNE  STRATÉGIE  

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financier. Orange, la filiale du groupe France Télécom pour les activités

téléphoniques et Internet, se présente comme le partenaire historique

du Musée du Louvre et participe au projet de Communauté Louvre en

apportant son expertise et sa main-d’œuvre dans l’élaboration et la

gestion de la plateforme communautaire. Ce type de financement permet d’être affranchis des modèles économiques et des plateformes

inclus dans les collaborations entre musées et des entreprises telles

que Google qui imposent une structure, un projet préétablit où vient se

greffer le musée.

Nous considèreront que les financements provenant des fondations

d’entreprise et de subventions de l’État, émanent de la même idée que

ces fonds sont accordés à la réalisation de projets définit à l’avance et

dont ces deux parties attendent des résultats en retour, des preuves

que les ressources accordées sont conformes aux objectifs politiques de ces entités. Les fondations d’entreprise s’engagent par exemple

uniquement sur des projets bien spécifiques. La Fondation Carla Bruni

soutient les initiatives de lutte contre l’illettrisme, la Fondation Ronald

McDonald apporte son aide aux projets d’équipement des structures

culturelles pour l’accueil des personnes en situation de handicap… chaque fondation se spécialise dans un champ d’action. Concernant le

projet du Centre Pompidou Virtuel celui-ci n’a pu être concrétisé

qu’avec l’aide de la Fondation Ricard qui défend les projets liés à la

création artistique contemporaine.

Enfin le crowdfunding semble être une source de financement qui pourrait être davantage exploité par les musées. Le « financement par

les foules », permet de faire appel aux internautes pour obtenir des

fonds pour un projet précis. En l’occurrence il pourrait être utilisé pour

le financement de création de musée virtuel, de numérisation des

collections et de mise en valeur du patrimoine commun. Dans cette

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idée, l’usager n’est plus seulement visiteur du musée, il n’est plus

seulement producteur de contenu de médiation, il est également

producteur et mécène en participant financièrement à la plateforme qui

correspond à ses attentes. Ainsi ce n’est pas un don désintéressé mais

un engagement personnel qui l’amène à valoriser le projet et sa propre réputation.

Si le Musée du Louvre et le Musée d’Auschwitz-Birkenau avaient

déjà tenté l’expérience et fait appel au financement participatif des

internautes avec succès, les expériences similaires sont peu nombreuses. L’appel aux dons des particuliers est pratique courante,

mais ne concerne pas l’élaboration d’un projet précis et encore moins

l’élaboration d’un projet numérique.

- S’adapter à l’écosystème du numérique Premièrement l’aspect collaboratif et sémantique d’Internet qui

permet aux usagers de produire des contenus mais également de trouver facilement ce qu’ils recherchent. Cette dimension amène à

réfléchir sur l’indexation des données et des métadonnées. Sur une

plateforme telle que le Centre Pompidou Virtuel, l’internaute va-t-il

réussir à découvrir les œuvres d’Arman s’il tape Armand ou Arment ?

S’il s’intéresse à cet artiste, comment peut-il être mis en relation avec des artistes similaires du Nouveau Réalisme tels que Jean Tinguely ou

Daniel Spoerri ? Ce travail de numérisation et d’indexation est un travail

colossal, pour se faire, nous avons vu que les musées choisissent

d’utiliser la dimension participative et communautaire d’Internet, en

mettant à contribution les Internautes, comme le fait la Communauté Louvre en indexant les œuvres à l’aide de mots-clés, des

métadonnées, proposés par les membres de la communauté. On

retrouve aussi ce modèle en dehors des musées : la Bibliothèque de

Lyon par exemple, suscite la participation des photographes amateurs

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LE  MUSÉE  ET  INTERNET:  DE  L’EXPÉRIMENTATION  D’UNE  MÉDIATION  NUMÉRIQUE  À  L’ÉLABORATION  D’UNE  STRATÉGIE  

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et professionnels afin de créer une banque d’images, une cartographie

indexée de la région Rhône-Alpes.

Deuxième aspect : la révolution des services et la problématique de

la numérisation et du stockage des données. Numériser et stocker les œuvres, revient à les dématérialiser. Ainsi pour que la qualité soit

optimale, cela demande un matériel de pointe et d’énorme capacité

d’espace de stockage. Les musées sont donc approchés ou se

tournent naturellement vers des solutions indépendantes. Google, par

son Google Art Project ou Google Books, développe une expertise de numérisation en haute définition d’œuvres d’art ou de livres. Si la BnF

avait refusé la proposition de la firme américaine de numérisation de

ses fonds pour se lancer elle-même dans le projet Gallica, le Château

de Versailles demeure la seule institution française à faire confiance au

savoir-faire Google et à accepter de s’adapter à sa stratégie économique : les contenus numérisés par Google lui appartienne et

l’Internaute n’a ni la possibilités de se les approprier et ni les partager

sauf si lui et son réseau de partage possède un compte chez Google.

Le troisième et dernier aspect de l’écosystème numérique concerne l’évolution constante et rapide des supports de diffusion qui poussent

les musées à s’adapter. L’évolution d’Internet nous a apporté un confort

de navigation de plus en plus rapide, permettant d’avoir accès à des

données plus lourdes et plus complexes en terme de programmation :

l’expérience de Monet2010 reste, par exemple, impensable il y a cinq

ans. Mais la plus grande évolution de ces trois dernières années restent le développement technologique des Smartphones et plus

récemment encore des tablettes numériques qui transforment la

diffusion des informations et des contenus. Aujourd’hui, les musées

développent des applications et de petits programmes pour ces

nouveaux supports. Ces applications concernent les collections du

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LE  MUSÉE  ET  INTERNET:  DE  L’EXPÉRIMENTATION  D’UNE  MÉDIATION  NUMÉRIQUE  À  L’ÉLABORATION  D’UNE  STRATÉGIE  

musée en général ou bien offrent du contenu autour des expositions

temporaires. Ces applications souvent gratuites coûtent rarement plus

de 5 euros. Mais la création d’applications pour Smartphone impose

aux musées de se plier aux modèles économiques de la téléphonie

mobile. Arrivant en tête de ce marché Apple, qui avec son système d’App Store pour Iphone (son Smartphone), Ipad (la tablette) et Ipod

touch (baladeur mp3) contraint les musées à standardiser leurs

applications et donc les contenus proposés aux usagers. Mais si le

musée développe déjà une application pour les produits Apple, il en

développe rarement pour les autres Smartphones type Androïd, Windows Mobile, Blackberry ce qui à terme revient à produire un cercle

vertueux pour Apple qui voit augmenter son nombre d’utilisateurs

puisque ces derniers y trouvent plus d’applications que chez les

téléphones concurrents. Les musées développent alors plus que des

applications pour Apple puisque dans un souci de retour sur investissement ils vont cibler une plateforme utilisée par un plus grand

nombre d’usagers.

3.2 INCLURE LE NUMÉRIQUE DANS LA STRATÉGIE DES

MUSÉES

En 2011, nous sommes en mesure de dresser un portrait du

musée virtuel tel qu’il s’est construit à la lumière des expérimentations numériques. Il serait donc un ensemble constitué du site Internet de

l’institution qui contient les informations pratiques liées au lieu, des

catalogues et des ressources en ligne, des outils multimédias implantés

dans l’espace muséal et/ou disponibles sur Smartphone, et une

présence sur différents réseaux sociaux en ligne. Il y a donc plusieurs manières de construire le musée virtuel. Les expérimentations vues au

cours de ces pages sont la preuve des possibilités qui se présentent

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LE  MUSÉE  ET  INTERNET:  DE  L’EXPÉRIMENTATION  D’UNE  MÉDIATION  NUMÉRIQUE  À  L’ÉLABORATION  D’UNE  STRATÉGIE  

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aux musées. Elles ont permis de définir les champs possibles, et de

comprendre ce que le web 2.0 pouvait apporter aux musées, mais

aussi de comprendre ce que le web pourra être dans quelques années.

Elles ont également permis de comprendre quelles étaient les limites et

les difficultés que peuvent rencontrer les musées : s’adapter à la structure particulière du web en matière de possibilités techniques, de

règles juridiques et de modèle économique. Ces expérimentations ont

enfin mis en avant les profils des Internautes, des codes et des

usages auxquels il faut s’adapter.

Les expériences de musées virtuels et de médiation numériques

sont donc précieuses et leurs analyses vont permettre de définir ce que

les musées peuvent offrir au web : comment ils peuvent (en prenant

compte de tous les paramètres rappeler ci-dessus) construire une

stratégie numérique efficace qui correspondrait à leurs missions originelles de conservation, d’étude, et de mise en valeur d’un

ensemble de valeur culturelle et artistique pour la délectation et

l’éducation du public.

3.2.1 Définir des cibles

Prendre en compte les études sur les usagers d’Internet permet de

définir des publics potentiels et donc de proposer un musée virtuel qui

sera en accord avec leurs profils et leurs pratiques. Il peut s’agir de public éloigné géographiquement ou « empêché » mais désireux de

connaître le musée et qui peut ressentir une certaine frustration de ne

pas pouvoir se rendre dans le lieu. Il peut s’agir de publics

occasionnels ou habitués du musée qui vont chercher sur Internet à la

fois préparer et prolonger leurs visites. Ces derniers vont également jouer un rôle de prescripteurs auprès de leurs réseaux en relayant

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l’information et en donnant leurs avis et leurs conseils. Mais nous

évoquons des publics qui ont déjà une curiosité naturelle pour le

musée. Ce sont donc des publics déjà conquis. L’intérêt du numérique

et de l’Internet et l’enjeu stratégique majeur qui semble se dessiner

pour les musées est celui de toucher un public non avertit. Or pour l’instant les expériences de musées virtuels semblent surtout se

destiner à des internautes ayant déjà un intérêt pour l’art et la culture.

Le numérique consolide des pratiques culturelles préexistantes mais

n’est pas inclus dans une stratégie d’incitation et d’éveil à la culture. Il

existe en effet un public minoritaire des musées que l’on retrouve en abondance sur Internet doté d’une certaine alphabétisation numérique

acquise dès le plus jeune âge. Ces cibles ont entre 15 et 30 ans et sont

absents des musées car à défaut de posséder une culture d’Internet et

de ses modes de consommation, ils ne possèdent pas ou peu de

culture artistique.

On constate donc trois types de cibles : les publics qui connaissent

le musée mais qui n’y sont jamais allés, ceux qui le connaissent et qui

s’y sont déjà rendu ou s’y rendent régulièrement et enfin les publics qui

ne connaissent pas du tout le musée mais qui sont des habitués d’Internet. Bien sûr chacune de ces cibles s’inscrit dans la volonté de

diversification des publics.

3.2.2 Définir un contenu et sa forme

- Contribuer à l’image du musée L’élaboration, le choix des contenus et la forme qu’ils prennent

permettent donc de s’adresser à une ou plusieurs des cibles

mentionnées. Mais permet également de construire de l’image du

musée sur Internet et de diffuser sa marque au niveau international. Si

l’on considère que le musée virtuel doit donné envie de faire expérience

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LE  MUSÉE  ET  INTERNET:  DE  L’EXPÉRIMENTATION  D’UNE  MÉDIATION  NUMÉRIQUE  À  L’ÉLABORATION  D’UNE  STRATÉGIE  

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du réel, il est donc nécessaire que l’on retrouve des concordances

entre l’image sur Internet et l’image de l’institution. Comme dans le réel,

l’image virtuelle se construit d’une part par le choix des contenus

exposés et la façon dont ils sont présentés, par l’architecture du

bâtiment comme l’architecture et l’ergonomie du site internet et enfin sur la communication de l’institution : de la charte graphique adoptée à

la visibilité dans les médias et sur Internet (tant en terme de

référencement sur les moteurs de recherche que dans les contenus

produits par les internautes comme les blogs). Si le musée virtuel a

pour vocation de donner envie de se rendre dans l’institution, il doit proposer une image qui doit casser les préjugés et à priori qui freine les

contraints à rester devant leurs écrans sans jamais faire expérience du

réel. L’image en doit faire apparaître le musée comme accessible et

convivial et non renvoyer à une image de musée cathédrale. La

définition même du Web 2.0 permet de travailler sur cette image d’un musée comme lieu de rencontre et de partage de découverte.

- Le choix des contenus : promouvoir la culture à domicile Les expériences de musées numériques ont pour l’instant pour

volonté, selon les acteurs qui les pense, de répondre à la

problématique suivante « Comment convaincre les internautes de se

rendre dans mon musée ? ». Or Internet a commencé à modifier en profondeur les pratiques culturelles dites traditionnelles, et tout semble

indiquer que ce mouvement ira en s’amplifiant à mesure que les

générations qui ont grandi avec le numérique avanceront en âge. On

ne regarde pas un film de la même façon quand on a l’habitude de le

regarder chez soi, on ne va pas à un concert de la même façon lorsque l’on a accès a des heures et des heures de musiques illimitées…et si le

musée virtuel n’a pas vocation a se substituer au réel, il changera les

habitudes et l’expérience esthétique de la visite in situ. Or pour se

montrer suffisamment attractif, les musées doivent proposer de

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contenus originaux ou tout du moins innovants dans la façon de les

présenter. L’exemple de Monet2010, même s’il n’est pas parfait, a

montrer que l’un des sentiments qui poussait les internautes à

consulter le site était la curiosité. Or, susciter la curiosité n’est-ce pas là

l’une des missions des musées ?

3.2.3 Gérer ces contenus et évaluer

Pour gérer les contenus et les faires vivres, les musées ont besoin

de se doter d’outils et d’une expertise qu’ils ne possèdent peu ou pas du tout à l’heure actuelle. En effet, les expériences ont montré que bien

souvent les musées externalisaient la gestion du musée virtuel. Nous

avons en effet constaté que la plupart des expériences de musées

virtuels étaient des projets pilotés en collaboration avec des entreprises

spécialisées dans les réseaux Internet (comme Orange), dans la conception de site web ou dans la numérisation et l’hébergement de

contenus (comme Google), lorsque ces projets ne sont pas

complétement commandités par les musées qui laissent carte blanche

à l’agence web (comme se fut le cas pour le projet Monet2010).

D’autres part les personnels chargés de la gestion du développement web dans les musées sont souvent en sous effectif (au Centre

Pompidou Paris sur une équipe de 1 500 personnes, l’équipe

multimédia comprend 8 personnes), les agents portant souvent

plusieurs casquettes à la fois : community manager, webmaster et

webdesigner. Or, afin de développer de vrais projets numériques, les

musées ont besoin de constituer en interne d’équipe assez nombreuse et dont chacun des membres seraient assez qualifiés pour qu’ils

puissent appliquer leurs expertises en étant en relation quotidienne

avec les autres corps de métiers des musées : les conservateurs, les

médiateurs, les chargées de relation auprès des publics… Ces services

multimédia doivent également être apte à mettre en place des outils

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permettant d’évaluer l’efficacité des projets mis en place sur Internet

ainsi que d’effectuer un travail de veille autour de la réception de

l’image du musée. Ces indicateurs qui relèvent des outils du marketing

qui permettent d’améliorer la qualité des services offerts aux

internautes, ne sont pourtant pas encore assumés par toutes les institutions muséales.

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LE  MUSÉE  ET  INTERNET:  DE  L’EXPÉRIMENTATION  D’UNE  MÉDIATION  NUMÉRIQUE  À  L’ÉLABORATION  D’UNE  STRATÉGIE  

CONCLUSION

Le numérique et Internet offrent aujourd’hui (et encore plus dans le

futur) la possibilité d’enrichir les offres et les contenus des musées en

matière de médiation, de communication, de dialogues et de partage. À

l’heure où la valeur de l’immatérielle permet de déterminer de plus en

plus la valeur concrète, la nécessité pour les institutions muséales de développer une plus-value avec le musée virtuel est un facteur

important pour leur image auprès des publics. Les expérimentations de

musées virtuels de ces dernières années ont mis en évidence la

nécessité de proposer, non pas un musée virtuel comme reproduction

du réel, mais comme une nouvelle plateforme dont les contenus et

l’expérience proposée seraient différents d’une visite au musée.

L’objectif de proposer une offre de culture à domicile ne doit pas

tenter de copier le réel mais bien de proposer une expérience

interactive et participative qui soit suffisamment complète pour ne pas

frustrer le public empêché mais également attractive pour éveiller la curiosité et de présenter une image d’un musée ouvert et accueillant

afin de donner envie aux internautes de se sentir prêt à franchir les

portes du musée. La stratégie numérique des musées doit donc se

construire en étroite collaboration entre médiateurs, conservateurs,

communicants en interne mais doit également être la rencontre avec des professionnels d’Internet et de la conception web afin de produire

un échange de compétences autour des problématiques de médiation

des œuvres et de scénographie en ligne.

Les musées sont peut être en retard sur Internet, d’autres secteurs culturels ayant intégrer le web dans leurs stratégies beaucoup plus tôt.

Mais comme le notait le fondateur de Facebook, Mark Zuckerberg, lors

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de son discours à l’eG8 (le 26 mai 2011), le partage et l’échange entre

les internautes resteront la tendance des cinq à dix prochaines années.

En d’autres termes, le web 2.0 a encore de beaux jours devant lui. Les

musées ont donc le champ libre pour se faire une place dans les

ordinateurs et Smartphones des particuliers.

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ANNEXES

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TABLE DES ANNEXES

• Capture d’écran – Communauté Louvre (fiche du tableau « La

Madeleine à veilleuse »)

www.communaute.louvre.fr

• Capture d’écran – Yorkshire Favourite Painting (témoignage

d’une inscrite à propos

www.yorkshiresfavourites.org

• Orsay Commons, communiqué de CGT Musée d’Orsay

• Captures d’écran – Google Art Project www.googleartproject.com/museums/moma/the-starry-night

• Creative Commons, les différents contrats de licence

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Yorkshire Favourite Painting – exemple d’histoire d’une internaute.

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Orsay Commons, communiqué de CGT Musée d’Orsay

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LE  MUSÉE  ET  INTERNET:  DE  L’EXPÉRIMENTATION  D’UNE  MÉDIATION  NUMÉRIQUE  À  L’ÉLABORATION  D’UNE  STRATÉGIE  

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Copie d’écran Google Art Project (5 mai 2011)

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Capture d’écran Monet2010, le Voyage (5 mai 2011)

Creative Commons, les différents contrats de licence

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