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Les nouvelles hypothèses sur les origines du christianisme. Enquête sur les recherchesrécentes by Jacques GiriReview by: Pierre LassaveArchives de sciences sociales des religions, 53e Année, No. 142 (Apr. - Jun., 2008), pp. 251-253Published by: EHESSStable URL: http://www.jstor.org/stable/30116951 .

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142-29 Nivoelisoa GALIBERT, (ed.)

A I'angle de la Grande Maison. Les lazaristes de Madagascar: correspondance avec Vincent de Paul (1648-1661) Paris, Presses Universitaires de Paris-Sorbonne, coil, << Imagio mundi - Sirie Textes ), 3, 2007, 543 p,

La correspondance entre les lazaristes envoyes a Madagascar et Vincent de Paul, leur fondateur, entre 1648 et 1661, est d'abord le

r&cit d'un 6chec missionnaire, &chec a mettre en relation directe avec celui de l'etablissement commercial et politique frangais sur la grande fle, entre 1642 et 1674. La trentaine de lettres est prec~d&e d'une longue introduction qui vise a replacer l'etude de cette documenta- tion dans l'histoire semantique de la premiere relation malgacho-europ~enne en frangais en publiant un corpus precedemment connu en < edition interne > aux lazaristes dont l'his-

toire mime est celle de la < r~criture > par- tielle d'une documentation originelle par les religieux eux-memes. Les approches sont done diverses : litt&raire, anthropologique, historique (histoire litt~raire et histoire des id~es princi- palement). De cette longue introduction par- fois sommaire (le rappel de la mission dans l'histoire de l'Jglise et du pouvoir politique et la place de la mission de Madagascar en tant que premiere mission lointaine des lazaristes) et souvent fond&e sur l'accumulation de cita- tions d'historiens et d'anthropologues reli6es par des considerations plus generales, on retien- dra la fragilite de l'entreprise (petit nombre de missionnaires, difficultes matirielles constantes, problemes de sante) et trois acteurs, Charles Nacquart, Toussaint Bourdaise et Nicolas Etienne. Neanmoins, l'auteur evoque aussi la connaissance de Madagascar au xvIue siicle, analyse l'apport que constituent les relations des missionnaires ici publi~es, examine les tensions entre les missionnaires et les autres Frangais (Compagnie frangaise de l'Orient) y compris sur le bateau durant le voyage oiu la cohabitation est parfois tendue, en particulier en raison de la presence des huguenots, Vincent de Paul conseillant d'ailleurs de ne pas faire de < difference entre les catholiques et les huguenots > (lettre n 22). Madagascar est un < ailleurs missionnaire > particulier: peu de violences autochtones mais une christianisa- tion difficile en raison de la presence de reli- gions pr~existentes, d'une cosmogonie ances- trale a un islam < revisite > localement.

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Ces vingt-six lettres evoquent la multipli- cite des questions 6manant des lazaristes avant mame le depart, signe de la fragilite de leur pr6paration, decrivent le d~roulement des cinq mois de voyage, proposent des descriptions des lieux et des usages, presentent la n&cessitt de renforcer la mission avec la venue de soeurs de la Charit6 pour les filles et les enfants et celle d'hommes aux capacites techniques par- ticulibres (sante et construction). Les questions d'organisation sont permanentes: il faut aux missionnaires a la fois du materiel d'Cglise, de la vaisselle, des graines (plantes et l6gumes) et des livres liturgiques. II leur faut enfin des conseils concernant la pr6paration au baptrme et au mariage. Mais leur oeuvre vise aussi leurs compatriotes qu'il convient de

, convertir >,

le tout avec un modele et recours permanent, la personne de saint Frangois Xavier.

Daniel-Odon Hurel

142-30 Jacques GIRI

Les nouvelles hypotheses sur les origines du christianisme. Enquite sur les recherches ricentes Paris, Karthala, 2007, 310 p,

Jesus de Nazareth, figure principale de l'histoire mondiale, est encore loin d'avoir d6courage la recherche historique sur son exis- tence et son message. Des milliers de thises et essais en tous genres ne cessent de prolif~rer, en Europe et surtout aux Etats-Unis ces der- niares annies, defiant I'avertissement antique de l'evangdliste Jean selon lequel le monde ne pourra jamais contenir tous les livres que l'on pourrait &crire sur Jesus. Le polytechnicien Jacques Giri nous livre ici un courageux parcours de reconnaissance dans ce maquis d'ouvrages et d'hypothises, a la maniere, dit- il, d'un

, honnite homme ) du Grand Siacle.

Il repartit ainsi la matiere de ses innombrables lectures en trois grands < puzzles > dont il cherche a rassembler les pieces autour d'un noyau dur de connaissances partagees: 1. la critique des sources; 2. les diff~rentes conjec- tures sur le < Jesus historique > ; 3. la red&cou- verte des premieres communaut&s chr~tiennes. Dix-huit chapitres jalonnent le parcours qui se veut &tre 6galement un guide de lecture, avec, a la fin de chaque chapitre, une conclusion provisoire en gras et des r6f6rences commen- tres d'ouvrages pour poursuivre la recherche. Un guide qui ne s'interdit pas cependant de

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z252z - ARCHIVES DE SCIENCES SOCIALES DES RELIGIONS

donner parfois son avis ou de marquer son &tonnement A l'instar du Persan de Montesquieu.

1. II faut d'abord rappeler la dissym~trie exceptionnelle entre l'abondance des textes du mouvement chretien, pieces canoniques ou apocryphes, et la p~nurie des sources paral- liles qui lui sont contemporaines, romaines ou juives. Richesse textuelle qui n'est cependant pas de premiere main et qui male done des traductions et r66critures ecclesiales sur au moins trois siacles dans le cas des timoins

materiels les plus anciens. Les decouvertes des manuscrits de la mer Morte dans les grottes de Qumran en 1947, dont l'exploitation s'achive peine aujourd'hui, permettent certes d'en savoir plus sur les croyances et les conflits commu- nautaires au sein du judaisme de l'6poque, mais elles ne font aussi qu'alourdir la barque des conjectures sur la crise de la soci&td pales- tinienne sous domination romaine. Depuis Prasme, la critique des sources fait fond des contradictions entre Ccrits canoniques. La multiplication progressive des sources et des

hypotheses documentaires tend cependant I d~placer la focale vers les interactions entre les t~moins de diff~rents milieux et moments des 6chelles de lieux et de temps variables et 6largies.

2. Depuis les Lumibres, la < quote du Jesus historique > a emprunt6 trois chemins : d'abord la tentative toujours inaboutie de reconstruire une biographie plausible (la fameuse ( Vie de Jesus > de Renan a durablement marqu le genre); ensuite, dans la premiere moiti du xxe siacle, I'examen g sati~t6 des formes d'expression plus ou moins primitives de sa m~moire; enfin, dans les derni~res d~cennies, l'tude de la pluralit6 des raisons et des acteurs locaux qui ont fait de Jesus le point focal d'une religion historique. Tirant un premier bilan des acquis les plus partag6s, notre guide montre comment les recits d'enfance, de miracles ou de la resurrection de J6sus appartiennent n6cessairement au domaine de la l6gende ou de l'imaginaire: empruntant diversement leurs schemes d'expression aux traditions juives (messianite) ou hellknistiques (mystbres), les evangiles construisent par leur &criture mime l'v6nement qu'ils annoncent. Pour l'historien soucieux de faits bruts, seule demeure l'hypo- thise de la crucifixion infamante d'un predica- teur populaire de Palestine dont la divinisation en Christ par ses disciples renverse le cours de l'histoire. Mais la mise en coherence des sources chr&tiennes, juives et profanes de cette histoire multiplie les portraits hypothetiques :

du Christ c6leste d'existence ind~terminde au

Galil~en devenu philosophe cynique en passant par le messie juda'que ou le prophite apo- calyptique. L'auteur les revisite en puisant sa matibre dans les bibliothbques ambricaines dont, d'ailleurs, bien peu d'essais originaux sont aujourd'hui traduits en frangais. Ses pre- mieres conclusions le rendent perplexe : < (...) apri~s des d&cennies et mime des si&cles de recherche intensive, il y a bien peu d'l~ments que les chercheurs puissent faire entrer dans un noyau dur sans que d'autres ne contestent leur demarche avec de bons arguments. >

(p. 171).

3. La reconstitution des premieres commu- naut6s chr~tiennes aux plans th~ologique, politique, social et mime psychologique eldve encore le chiteau de cartes des hypotheses. Deux schiemes de d~veloppement balisent la r~flexion: celui de la diffusion (le mouvement chr6tien s'est propage bien au-deld de Jerusalem a partir d'un groupe de jud6ens dissidents) et celui du contact (prise de pouvoir progressive d'un culte monotheiste a mystire doublement

oppos6 au 16galisme judai'que et t

la domi- nation romaine dans une aire de circulation Ctendue oi le grec sert de langue v6hiculaire). S'appuyant sur la thborie des r6volutions scientifiques de Thomas Kuhn, I'auteur revient sur le ( paradigme majoritaire ) selon lequel Paul est le premier fixateur par &crit d'une doctrine qui ouvre le monoth~isme judaique au monde et a la conscience individuelle. Les interpretations qui pr6tendent infl~chir ou renverser ce paradigme se pressent aujour- d'hui: d'un Paul sectateur ignorant I'ensei- gnement libertaire de Jesus a un Paul habile

r~gulateur des attentes contradictoires de salut dans un monde culturellement divers et troubl6. Un paysage eclate d'espaces apostoliques en concurrence se degage de ces conjectures: diaspora jud6enne accultur6e a la philosophie universelle, assembl6e de J6rusalem en attente de messie, chemins de pr6dication lib~ratrice en Galilee, fondation eccl6siale a Rome, etc. L'auteur note que l'1aboration de cette carto- graphie ne va pas sans attaques ad hominem ni monologues paralldles oii la science et la theologie servent alternativement d'arguments d'autorit6. I1 evoque ensuite ce que les commen- taires doctrinaux des Pares de l'tglise aux premiers sidcles apportent g la connaissance du mouvement chr&tien. Bien qu'd I'instar des textes apocryphes ces ecrits patristiques livrent quelques informations complkmentaires sur les paroles de Jesus, ils n'en relevent pas moins

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du registre thbologique, accentuant encore

l'&cart entre la conquete du logos platonicien et la marginalisation de la pens&e juive.

Honorant son contrat didactique, I'ou- vrage se termine sur un utile tableau synth&- tique des hypothises en cours (p. 298). Les diff&rents paradigmes examines sont reclassis en fonction de trois variables: le degr6 plus ou moins dlev6 de d&construction des premiers &crits sur Jesus comme mythologie fondatrice ; l'hypothese plus ou moins affirm&e de la rea- lit6 historique du personnage; le renvoi plus ou moins net des 6lments miraculeux du r&cit dans le domaine de l'imaginaire. Plus la d6cons- truction du mythe est radicale, avec la niga- tion du fait surnaturel et de l'historicit6 de Jesus, moins les paradigmes relevent d'exegites proches des Pglises actuelles et inversement, ce qui ne surprendra personne. Revenant sur les principales conjectures, I'auteur estime que les datations officielles dont notre calendrier est issu restent encore bien peu &tay&es hormis le poids de la tradition. Il montre surtout que le chantier reste encore largement ouvert sur la question des modalits de jonction ou d'asso- ciation entre les divers groupements jud~ens, hellines et romains qui se r&lament de Jesus et sont a l'origine de sa figure Cquivoque.

Au terme de son parcours de reconnais- sance, le polytechnicien, qui est 6galement expert en &onomie du d~veloppement, d&couvre que le raisonnement par elimination du faux, sys- t~matis6 par Karl Popper, s'applique mal a la quite du Jesus historique. Dans le cas d'espece, l'absence de preuve decisoire rend en effet le jugement des hypoth&ses fortement d~pendant des premisses qui les ont construites. En cela rejoint-il, sans le dire et la ou on ne l'atten- drait pas, les reflexions des 6pist~mologues sur < l'espace non poppbrien des sciences sociales > (J.-C. Passeron). L'historiographe des hypothbses sur Jesus plaide dis lors en faveur d'une 6thique relativiste de la recherche (a ne pas confondre avec le relativisme comme principe paradoxal et regressif de connaissance qui nie toute verit6 possible), notamment en ces matidres religieuses oui, par surcroit, I'objet engage diversement le sujet de connaissance. Face aux nombreuses zones d'ombre qui sub- sistent a l'examen du dossier Jesus, il mise sur la capacitd de dddoublement des croyances scientifiques et des raisonnements thdologiques pour faire advenir de nouveaux paradigmes. Avec l'egyptologue Jan Assman qui a su associer de fagon convaincante les figures d'Akhenaton et de Moise, il juge particulidrement feconde

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l'idde d'une religion double oii la foi est < dotde de la capacitd de se transcender elle-mime,de se relativiser > (p. 307).

En somme, voici done un dossier didac- tique, clair et utile sur les travaux historiques actuels sur Jdsus. Methodiquement ddcentrd des enjeux theologiques de cette recherche, son auteur n'y fait pas moins l'expdrience de l'espace assertorique des sciences sociales.

Pierre Lassave

142-31 Philippe GOUJARD

L'Europe catholique au xvIel si~cle. Entre intigrisme et lalcisation Rennes, Presses universitaires de Rennes, 2004, 281 p.

( Simple essai > de rdflexion sur l'exception frangaise en matidre de laicitd, ce livre tente de comprendre, d'une part, comment et pour- quoi le clergd de France subit au xvIIIe siecle une perte d'influence et, d'autre part, comment, progressivement, les normes de comportements publics se sdcularisdrent. Pour mieux cerner I'originalite de la situation frangaise, l'auteur a entrepris de la confronter a celle de trois autres pays europdens ayant connu < l'expd- rience des politiques de l'Absolutisme dclaird > : l'Espagne, l'Italie et l'Allemagne. On regret- tera que le Portugal, autre pays catholique ou s&vissait le regalisme, n'ait pas dtd convid pour cette comparaison. Philippe Goujard entend porter sa comparaison sur deux points essen- tiels. II s'agit a la fois d'analyser les rdactions du corps social face aux mesures du pouvoir en matidre de sdcularisation et de mesurer le

r6le joue par la bourgeoisie dans ce processus.

L'un des moyens les plus simples d'estimer l'influence du clergd consiste a relever dans chaque pays l'dvolution de l'encadrement pas- toral et du sentiment religieux, voire des pra- tiques religieuses. Comme en France, mais A un rythme un peu plus lent, le mouvement des ordinations decline au siecle des Lumidres. Par contre, les confrdries connaissent un peu par- tout une vitalitd certaine, sauf en France oi par ailleurs elles se laicisent en se muant en instances de sociabilite profanes. Nous prdfe- rerions parler ici de secularisation plus que de laicisation dans la mesure oi ce processus est endogdne et non pas le fait d'une autoritd dtatique. La mime remarque s'applique aux changements d'attitudes devant la mort. Le recul de l'appel aux saints et l'apparition de dispositions profanes dans les testaments tdmoi-

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