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497 Revue de Presse J Chir 2008,145, N°5 • © 2008. Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. La cœlioscopie permet de réduire à long terme l’incidence des complications pariétales de la chirurgie du cancer du rectum C. Laurent, F. Leblanc, F. Bretagnol, M. Capdepont, E. Rullier Long-term wound advantages of the laparoscopic approach in rectal cancer. Br J Surg 2008;95:903-908. Il a été montré que pour la chirurgie du cancer du rectum, la voie d’abord cœlioscopique offrait des avantages à court terme par rapport à la laparotomie sans compromettre a priori les ré- sultats carcinologiques à long terme [1]. En revanche, peu d’études se sont intéressées aux avantages potentiels à long ter- me de la cœlioscopie dans cette indication. Les auteurs ont réalisé une étude rétrospective pour comparer l’incidence à 5 ans des éventrations postopératoires après chi- rurgie du cancer du rectum non métastatique chez 155 opérés par cœlioscopie (groupe cœlio) et 165 malades opérés par la- parotomie (groupe laparo). Dans le groupe laparo, il était réa- lisé une incision médiane en moyenne de 20 cm et dans le groupe cœlio, il était réalisé soit une incision transversale gau- che de 6 cm, soit aucune incision en cas d’extraction de la pièce par voie transanale. Dans les 2 groupes les incisions étaient fer- mées par des surjets de fils résorbables. Avec un suivi médian de 51 mois, 19 malades (12 %) dans le grou- pe cœlio et 53 (32 %) dans le groupe laparo ont eu une éventration postopératoire (p < 0,001). Dans 92 % des cas, les éventrations survenaient dans les 2 premières années. Il existait une corrélation entre le risque de survenue d’une éventration et la taille de l’inci- sion. Dans le groupe cœlio, l’éventration est survenue dans 12 cas sur 19 (63 %) sur une incision médiane réalisée soit en cas de con- version soit en cas de complication postopératoire. Chez les ma- lades ayant eu toute la procédure chirurgicale sous cœlioscopie sans réintervention par laparotomie médiane pour complication, le taux d’éventration à 5 ans n’était que de 2,1 %. En analyse mul- tivariée, les facteurs de risque indépendants d’éventration étaient la laparotomie (p < 0,001), la réalisation d’une iléostomie (p = 0,005), une complication postopératoire grave (p = 0,001) et un abcès de paroi (p < 0,001). Les auteurs concluent que la cœlioscopie permet de diminuer, par rapport à la laparotomie, l’incidence à long terme des éven- trations postopératoires après chirurgie du cancer du rectum. Commentaires 1) Il s’agit de la première étude qui montre un avantage à long terme de la cœlioscopie par rapport à la laparotomie pour la chirurgie du cancer du rectum. 2) Comme le soulignent les auteurs, c’est probablement dans la chirurgie du rectum, où l’iléostomie est assez souvent réali- sée d’une part et où l’incision médiane de la procédure ouverte est de plus de 15 cm d’autre part, que l’intérêt de la cœlioscopie pour diminuer le taux d’éventrations postopératoires est le plus marqué. Ceci explique pourquoi cette étude est en contradic- tion avec de précédentes études portant sur la chirurgie colique qui avait montré que le taux d’éventration n’était pas réduit par la cœlioscopie [2, 3]. 3) Cet avantage à long terme de la cœlioscopie pourrait avoir éga- lement un intérêt médico-économique qui n’a pas été évalué ici. Mots-clés : Rectum. Prophylaxie. Cancer. Cœlioscopie. Éventration. 1. J Clin Oncol 2007;25:3061-3068. 2. Surg Endosc 2002;16:1420-1425. 3. J Am Coll Surg 2003;197:177-181. Les pancréatectomies centrales sont-elles justifiées ? M. Adham, A. Giunippero, V. Hervieu, M. Courbière, C. Partensky Central pancreatectomy: single-center experience of 50 cases. Arch Surg 2008;143:175-180. L’intérêt principal des pancréatectomies centrales (PC) est de préserver le maximum de tissu pancréatique afin de conserver les fonctions endocrine et exocrine du pancréas. C’est une in- tervention peu utilisée, souvent délicate, réservée aux tumeurs bénignes ou borderline, de l’isthme ou du corps du pancréas. Les auteurs rapportent une série rétrospective de 50 PC réalisées pour des tumeurs bénignes ou borderline (tumeurs endocrines, cystadénomes séreux ou mucineux, TIPMP, sténoses du canal de Wirsung, kystes hydatiques, tumeurs solides papillaires, carcino- mes à cellules acineuses) avec un suivi moyen de 55 mois (2 mois- 16,8 ans). La taille moyenne des tumeurs était de 23 [5 à 60] mm. Les marqueurs tumoraux étaient normaux sauf pour 2 patients. Au plan technique, le canal de Wirsung proximal était lié et la tranche pancréatique suturée ; du côté distal, la tranche pancréa- tique était dérivée sur une anse en Y (n = 6), sinon était réalisée une anastomose pancréatico-gastrique (n = 44) avec drainage. Le temps opératoire moyen était de 3 heures 21 minutes. Tous les patients ont eu un examen extemporané des tranches de section qui s’est révélé négatif. La longueur moyenne de pancréas réséqué était de 45 [20 à 80] mm. La mortalité péri-opératoire était nulle. Des complications sont survenues chez 23 patients (46 %) dont 4 fistules pancréatiques (8 %) ; et probablement au moins une cin- quième (élévation de l’amylase dans le drainage), 5 pancréatites aiguës (18 %), 7 patients (14 %) ont présenté une collection intra- abdominale sans fistule évidente et 3 patients une hémorragie (3 %). Il y a eu 6 réinterventions (12 %), principalement pour drainage d’une collection intra-abdominale. Un drainage percutané fut nécessaire pour 8 patients (16 %) et une embolisa- tion de l’artère splénique réalisée pour une hémorragie intragas- trique. Cinq patients ont eu des complications non chirurgicales. À long terme, il n’y a pas eu de diabète et 2 patients porteurs d’une néoplasie sur TIPMP ont récidivé avec un décès. Le taux de survie à 5 ans était de 98 %. La conclusion des auteurs est que la pancréatectomie centrale permet la préservation de tissu pancréatique céphalique et cau- dal sans élever significativement la morbidité par rapport à la pancréatectomie conventionnelle. Commentaires 1) La PC comporte deux tranches de section pancréatique et prédispose naturellement à un risque plus élevé de fistule pan- créatique. On pouvait donc s’attendre à une morbidité élevée (ici 46 %), bien supérieure à celle des pancréatectomies distales. 2) Le taux de fistules pancréatiques de cette série (8 %), nous semble discutable (il est de 10 à 30 % dans la littérature, [1]) et est vraisemblablement supérieur, les critères de fistule n’étant pas conformes aux critères habituellement pris en compte [2]. On pourrait discuter notamment, l’origine des 14 % de collections intra-abdominales qu’il a fallu drainer, qui n’est pas clairement expliquée. 3) Il s’agit d’une intervention très élégante et complexe, avec des indications sélectionnées, et un examen extemporané des tranches de résection indispensable, avec une forte morbidité ; dont l’intérêt sur la préservation des fonctions endocrine et exocrine reste à déterminer. Mots-clés : Pancréas. Traitement. Pancréatectomie centrale. 1. Surgery 2002;132:836-843. 2. Ann Surg 2007;246:425-433.

Les pancréatectomies centrales sont-elles justifiées ?

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Revue de Presse

J Chir 2008,145, N°5 • © 2008. Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.

La cœlioscopie permet de réduireà long terme l’incidence des complications pariétales de la chirurgie du cancerdu rectum

C. Laurent, F. Leblanc, F. Bretagnol, M. Capdepont, E. Rullier

Long-term wound advantages of the laparoscopicapproach in rectal cancer.

Br J Surg 2008;95:903-908.

Il a été montré que pour la chirurgie du cancer du rectum, lavoie d’abord cœlioscopique offrait des avantages à court termepar rapport à la laparotomie sans compromettre a priori les ré-sultats carcinologiques à long terme [1]. En revanche, peud’études se sont intéressées aux avantages potentiels à long ter-me de la cœlioscopie dans cette indication.Les auteurs ont réalisé une étude rétrospective pour comparerl’incidence à 5 ans des éventrations postopératoires après chi-rurgie du cancer du rectum non métastatique chez 155 opéréspar cœlioscopie (groupe cœlio) et 165 malades opérés par la-parotomie (groupe laparo). Dans le groupe laparo, il était réa-lisé une incision médiane en moyenne de 20 cm et dans legroupe cœlio, il était réalisé soit une incision transversale gau-che de 6 cm, soit aucune incision en cas d’extraction de la piècepar voie transanale. Dans les 2 groupes les incisions étaient fer-mées par des surjets de fils résorbables.Avec un suivi médian de 51 mois, 19 malades (12 %) dans le grou-pe cœlio et 53 (32 %) dans le groupe laparo ont eu une éventrationpostopératoire (p < 0,001). Dans 92 % des cas, les éventrationssurvenaient dans les 2 premières années. Il existait une corrélationentre le risque de survenue d’une éventration et la taille de l’inci-sion. Dans le groupe cœlio, l’éventration est survenue dans 12 cas

sur 19 (63 %) sur une incision médiane réalisée soit en cas de con-version soit en cas de complication postopératoire. Chez les ma-lades ayant eu toute la procédure chirurgicale sous cœlioscopiesans réintervention par laparotomie médiane pour complication,le taux d’éventration à 5 ans n’était que de 2,1 %. En analyse mul-tivariée, les facteurs de risque indépendants d’éventration étaientla laparotomie (p < 0,001), la réalisation d’une iléostomie(p = 0,005), une complication postopératoire grave (p = 0,001) etun abcès de paroi (p < 0,001).Les auteurs concluent que la cœlioscopie permet de diminuer,par rapport à la laparotomie, l’incidence à long terme des éven-trations postopératoires après chirurgie du cancer du rectum.

Commentaires

1) Il s’agit de la première étude qui montre un avantage à longterme de la cœlioscopie par rapport à la laparotomie pour lachirurgie du cancer du rectum.2) Comme le soulignent les auteurs, c’est probablement dansla chirurgie du rectum, où l’iléostomie est assez souvent réali-sée d’une part et où l’incision médiane de la procédure ouverteest de plus de 15 cm d’autre part, que l’intérêt de la cœlioscopiepour diminuer le taux d’éventrations postopératoires est le plusmarqué. Ceci explique pourquoi cette étude est en contradic-tion avec de précédentes études portant sur la chirurgie coliquequi avait montré que le taux d’éventration n’était pas réduit parla cœlioscopie [2, 3].3) Cet avantage à long terme de la cœlioscopie pourrait avoir éga-lement un intérêt médico-économique qui n’a pas été évalué ici.

Mots-clés :

Rectum. Prophylaxie. Cancer. Cœlioscopie. Éventration.

1. J Clin Oncol 2007;25:3061-3068.2. Surg Endosc 2002;16:1420-1425.3. J Am Coll Surg 2003;197:177-181.

Les pancréatectomies centrales sont-elles justifiées ?

M. Adham, A. Giunippero, V. Hervieu, M. Courbière,C. Partensky

Central pancreatectomy: single-center experienceof 50 cases.

Arch Surg 2008;143:175-180.

L’intérêt principal des pancréatectomies centrales (PC) est depréserver le maximum de tissu pancréatique afin de conserverles fonctions endocrine et exocrine du pancréas. C’est une in-tervention peu utilisée, souvent délicate, réservée aux tumeursbénignes ou borderline, de l’isthme ou du corps du pancréas.Les auteurs rapportent une série rétrospective de 50 PC réaliséespour des tumeurs bénignes ou borderline (tumeurs endocrines,cystadénomes séreux ou mucineux, TIPMP, sténoses du canal deWirsung, kystes hydatiques, tumeurs solides papillaires, carcino-mes à cellules acineuses) avec un suivi moyen de 55 mois (2 mois-16,8 ans). La taille moyenne des tumeurs était de 23 [5 à 60] mm.Les marqueurs tumoraux étaient normaux sauf pour 2 patients.Au plan technique, le canal de Wirsung proximal était lié et latranche pancréatique suturée ; du côté distal, la tranche pancréa-tique était dérivée sur une anse en Y (n = 6), sinon était réaliséeune anastomose pancréatico-gastrique (n = 44) avec drainage. Letemps opératoire moyen était de 3 heures 21 minutes. Tous lespatients ont eu un examen extemporané des tranches de sectionqui s’est révélé négatif. La longueur moyenne de pancréas réséquéétait de 45 [20 à 80] mm. La mortalité péri-opératoire était nulle.Des complications sont survenues chez 23 patients (46 %) dont 4fistules pancréatiques (8 %) ; et probablement au moins une cin-quième (élévation de l’amylase dans le drainage), 5 pancréatitesaiguës (18 %), 7 patients (14 %) ont présenté une collection intra-abdominale sans fistule évidente et 3 patients une hémorragie

(3 %). Il y a eu 6 réinterventions (12 %), principalementpour drainage d’une collection intra-abdominale. Un drainagepercutané fut nécessaire pour 8 patients (16 %) et une embolisa-tion de l’artère splénique réalisée pour une hémorragie intragas-trique. Cinq patients ont eu des complications non chirurgicales.À long terme, il n’y a pas eu de diabète et 2 patients porteurs d’unenéoplasie sur TIPMP ont récidivé avec un décès. Le taux de survieà 5 ans était de 98 %.La conclusion des auteurs est que la pancréatectomie centralepermet la préservation de tissu pancréatique céphalique et cau-dal sans élever significativement la morbidité par rapport à lapancréatectomie conventionnelle.

Commentaires

1) La PC comporte deux tranches de section pancréatique etprédispose naturellement à un risque plus élevé de fistule pan-créatique. On pouvait donc s’attendre à une morbidité élevée (ici46 %), bien supérieure à celle des pancréatectomies distales.2) Le taux de fistules pancréatiques de cette série (8 %), noussemble discutable (il est de 10 à 30 % dans la littérature, [1])et est vraisemblablement supérieur, les critères de fistulen’étant pas conformes aux critères habituellement pris encompte [2]. On pourrait discuter notamment, l’origine des14 % de collections intra-abdominales qu’il a fallu drainer, quin’est pas clairement expliquée.3) Il s’agit d’une intervention très élégante et complexe, avecdes indications sélectionnées, et un examen extemporané destranches de résection indispensable, avec une forte morbidité ;dont l’intérêt sur la préservation des fonctions endocrine etexocrine reste à déterminer.

Mots-clés :

Pancréas. Traitement. Pancréatectomie centrale.

1. Surgery 2002;132:836-843.2. Ann Surg 2007;246:425-433.