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Les sédiments de l'assainissement pluvial routier et urbain : caractérisation, risques pour l'environnement, traitement et valorisation Sous la direction de Véronique Ruban Septembre 2009 Laboratoire central des ponts et chaussées 58, boulevard Lefebvre, F 75732 Paris Cedex 15

Les sédiments de l'assainissement pluvial routier et urbain

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Page 1: Les sédiments de l'assainissement pluvial routier et urbain

Les sédiments de l'assainissementpluvial routier et urbain :

caractérisation, risques pour l'environnement,traitement et valorisation

Sous la direction de Véronique Ruban

Septembre 2009

Laboratoire central des ponts et chaussées58, boulevard Lefebvre, F 75732 Paris Cedex 15

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Contact : [email protected]

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Véronique RubanSection Caractérisation et transfert des polluantsDivision Eau et EnvironnementLaboratoire Central des Ponts et Chaussées

Avec le concours de :André Amblès (université de Poitiers)Béatrice Béchet (LCPC),Jean-Philippe Bedell (ENTPE),Philippe Branchu (LROP),Bernard Clément (ENTPE),Blandine Clozel (BRGM), Pierre Conil (BRGM),Agathe Denot (LR Lyon), Laurent Eisenlohr (LR Lyon), Claude Geffroy (université de Poitiers), Cécile Le Guern (BRGM),Céline Hébrard (LR Lille), François Pétavy (EME),Jean-Yves Viau (Saint-Dizier Environnement)

Ce rapport est issu d'une étude pluriannuelle sur la « caractérisation et gestion des résidus del'assainissement pluvial routier et urbain » (opération de recherche 11M063) coordonnée par le LCPC.

Ce travail a bénéficié du soutien financier de l'Agence de l'Eau Seine Normandie.

Pour commander cet ouvrage :Laboratoire central des ponts et chausséesDISTC - Section Diffusion58, boulevard Lefebvre, F 75732 Paris cedex 15Téléphone : 01 40 43 50 20 - Télécopie : 01 40 43 54 95Ou serveur Internet LCPC : www.lcpc.fr

Prix : 35 Euros HT

Ce document est propriété du Laboratoire central des ponts et chaussées et ne peut être reproduit, même partiellement, sans l'autorisation de son Directeur général

(ou de ses représentants autorisés)

© 2009 - LCPC

ISSN 1157-3988ISBN 978-2-7208-2554-7

DOI/Crossref 10.3829/erlpc.eg23-fr

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LES SEDIMENTS DE L’ASSAINISSEMENT PLUVIAL ROUTIER ET

URBAIN : CARACTERISATION, RISQUES POUR L’ENVIRONNEMENT, TRAITEMENT ET VALORISATION.

SOMMAIRE

INTRODUCTION GENERALE ............................................................................................ 6 PREMIERE PARTIE: ORIGINE ET CARACTERISATION DES RESIDUS 1. Introduction .......................................................................................................................... 9 2. Caractérisation isotopique du plomb et du zinc.............................................................. 10 3. Typologie des bassins et fossés .......................................................................................... 12

3.1 Caractérisation chimique des fossés enherbés ............................................................... 13 3.2 Caractéristiques des bassins ........................................................................................... 14

4. Etude détaillée de quelques sédiments routier et urbains .............................................. 15 4.1 Description des sites....................................................................................................... 16 4.2 Caractérisation de la matière minérale ........................................................................... 20 4.3. Caractérisation de la matière organique ........................................................................ 24

5. Etude des platinoïdes dans les sédiments de l’assainissement routier........................... 36 5.1 Introduction .................................................................................................................... 36 5.2 Expérimentations............................................................................................................ 38 5.3 Conclusion...................................................................................................................... 45

6. Conclusions générales ........................................................................................................ 45 7. Bibliographie....................................................................................................................... 46 DEUXIEME PARTIE: EVALUATION DU POTENTIEL DE RELARGAGE DES RESIDUS DE L’ASSAINISSEMENT PLUVIAL ROUTIER ET URBAIN (RAR) EN POLLUANTS METALLIQUES ET CARACTERISATION DES PHENOMENES DE TRANSFERT 1. Introduction ........................................................................................................................ 52 2. Point bibliographique ........................................................................................................ 52 3. Matériaux............................................................................................................................ 53

3.1 Sédiment du bassin de Cheviré (zone périurbaine - région nantaise) ...................... 53 3.2 Sédiment du bassin de Citroën (site urbain – région parisienne) ............................. 53 3.3 Sédiment du bassin de Lens G08 (site urbain – région lilloise)............................... 53 3.4 Balayures de chaussée de Sequedin (zone urbaine – région lilloise) ....................... 54 3.5 Caractérisation physico-chimique et minéralogique des matériaux......................... 54

4. Protocolesexpérimentaux 55 4.1 Objectif et choix des extractants .............................................................................. 55 4.2 Expérimentation en réacteurs fermés ....................................................................... 56 4.3 Expérimentation en colonne..................................................................................... 56

5.Résultats et discussion sur les expériences en batch et en colonne.................................................................................................................................................. 60

5.1 Extraction des métaux trace et des éléments majeurs en réacteurs fermés .............. 60 5.2 Mobilisation des métaux trace en colonne ............................................................... 64

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6.Modélisation des phénomènes de libération des métaux trace (BRGM).................................................................................................................................................. 68

6.1 Préparation de la modélisation ................................................................................. 68 6.2 Simulation des concentrations moyennes en solution en éléments majeurs et trace et amélioration de l’assemblage géochimique de base ............................................................ 71 6.3 Conclusions sur le modèle géochimique et la simulation des concentrations à l’équilibre ............................................................................................................................. 76

7.Modélisation des transferts de polluants à grande échelle.................................................................................................................................................. 77

7.1 Variables environnementales et hydrogéologiques.................................................. 77 7.2 Représentation des résultats sous forme d'abaques .................................................. 78 7.3 Application de l'outil ................................................................................................ 78 7.4 Conclusions et perspectives ..................................................................................... 79

8. Conclusion générale ........................................................................................................... 79 9. Références bibliographiques ............................................................................................. 80 TROISIEME PARTIE: EVALUATION DES RISQUES ECOTOXICOLOGIQUES LIES A LA GESTION DES RESIDUS D’ASSAINISSEMENT ROUTIER ET URBAIN (RAR) 1. Introduction ........................................................................................................................ 84 2. Les résidus d’assainissement routier et la réglementation ............................................. 85 3. Etat des connaissances sur l’écotoxicité des résidus de l’assainissement routier (RAR).................................................................................................................................................. 88

3.1. Des matériaux contaminés et potentiellement toxiques ................................................ 88 3.2. Résultats publiés sur l’écotoxicité des RAR ................................................................. 90

4. Contribution du programme à l’évaluation des risques pour les milieux aquatiques. 92 4.1. Approche en scénario adoptée dans ce travail ............................................................. 92 4.2. Matériels et méthodes.................................................................................................... 93 4.3. Résultats ........................................................................................................................ 98 4.4 Discussion et conclusion .............................................................................................. 104

5. Evaluation des risques pour les plantes terrestres et rôle des plantes dans le devenir des métaux............................................................................................................................. 104

5.1. Problématique.............................................................................................................. 104 5.2. Expériences réalisées................................................................................................... 105 5.3. Résultats et discussion................................................................................................. 106 5.3 Résultats discussion...................................................................................................... 106 5.4. Conclusion et perspectives .......................................................................................... 108

6. Conclusions générales ...................................................................................................... 109 7. Bibliographie..................................................................................................................... 110 QUATRIEME PARTIE: TRAITEMENT ET VALORISATION DES SEDIMENTS 1. Traitement physique des sédiments – Introduction...................................................... 115 2. Schéma de traitement à l’échelle du laboratoire ........................................................... 116

2.1 Principe général............................................................................................................ 116 2.2 Optimisation des paramètres de l’attrition ................................................................... 120 2.3 Application du traitement au sédiment de Cheviré ...................................................... 128

3. Apports de la caractérisation .......................................................................................... 130

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3.1 Principe......................................................................................................................... 130 3.2 caracterisation du sédiment de chevire......................................................................... 130 3.3 Application à d’autres sediments ................................................................................. 136 3.4 Conclusions sur les apports de la caractérisation ......................................................... 140

4. Unité de traitement pilote ................................................................................................ 141 4.1 Principe du traitement .................................................................................................. 141 4.2 Traitement de différents sédiments .............................................................................. 142 4.3 Efficacité de l’étape d’attrition..................................................................................... 143 4.4 Caractérisations géotechniques .................................................................................... 144 4.5 Filières de valorisation ................................................................................................. 145 4.6 Conclusion sur le passage dans l’unité pilote et les possibilités de valorisation.......... 145

5. Traitement biologique...................................................................................................... 146 5.1 Principe du traitement .................................................................................................. 146 4.2 Un exemple d’essai sur cases pilotes ........................................................................... 146

5. Conclusion générale ......................................................................................................... 147 6. Bibliographie..................................................................................................................... 148 CONCLUSION GÉNÉRALE ............................................................................................. 150

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INTRODUCTION GENERALE L’accroissement de l’imperméabilisation depuis plusieurs décennies a fait de la maîtrise du ruissellement l’une des priorités de l’aménagement urbain et routier. En effet, les eaux pluviales peuvent d’une part engendrer des débits et volumes importants susceptibles de provoquer des inondations, et d’autre part véhiculer des quantités élevées de polluants organiques (hydrocarbures, pesticides) et inorganiques (métaux lourds) (Chebbo, 1992 ; Gosse, 1997 ; Gromaire-Mertz, 1998). Pour gérer les effluents provenant du ruissellement sur les surfaces aménagées, des bassins de retenue des eaux pluviales sont fréquemment mis en place depuis plusieurs décennies (Nightingale, 1987 ; Yousef et al., 1990, 1994). En site routier et autoroutier, ils offrent une gestion quantitative et qualitative des eaux de ruissellement alors qu’en site urbain, ils complètent le système d’assainissement traditionnel (réseaux unitaires ou séparatifs et station de traitement) et assurent une protection des agglomérations contre les inondations. Ces bassins jouent un rôle à la fois sur les débits (écrêtement des pics) et sur la qualité des effluents (sédimentation des matières en suspension) ; de plus, ils ont parfois aussi une vocation récréative. Les sédiments qui s’accumulent par décantation au fond des bassins doivent être curés pour maintenir ou restaurer le bon fonctionnement de ces ouvrages. Cependant, les matériaux collectés lors de ces opérations d’entretien peuvent être contaminés (métaux lourds, hydrocarbures, pesticides…) et présentent un risque pour l’environnement et la santé humaine. Plusieurs travaux (Petterson, 1999 ; Bäckström, 2001 ; Färm, 2001 ; Durand, 2003) constituent une base de données intéressante sur les degrés de pollution liés à ces matériaux. Bien qu’une estimation des volumes soit difficile à obtenir, les quantités déposées ou curées apparaissent très importantes avec près de 5 millions de tonnes de matière sèche à l’échelle du territoire français (Ruban et al., 2003). Par ailleurs, la croissance des villes et de leurs agglomérations a engendré une augmentation importante des volumes de produits de balayages issus du nettoyage des chaussées. Ces produits présentent, de par leurs origines, de fortes similitudes avec les sédiments issus des bassins routiers, et par conséquent de fortes teneurs en polluants organiques et inorganiques. La quantité de ces résidus est également importante et a été estimée en France et pour une année courante à 1 million de tonnes de matière sèche (Kempf, 2001). Les communautés urbaines de Bordeaux et Nantes collectent respectivement chaque année 18000 (Sermanson, 1998) et 13000 (Heudier, 2005) tonnes de résidus issus du balayage de leurs voiries. Les évolutions de la réglementation dans le domaine de l’eau et des déchets ont poussé les collectivités locales et les gestionnaires de bassins à revoir leurs politiques environnementales face aux déchets issus de l’assainissement pluvial. Compte tenu des volumes importants de matériaux, l’enjeu environnemental et économique est important. Il convient donc de revoir les modes d’élimination jusqu’ici largement utilisés (mise en décharge, épandage) et de disposer de filières adaptées à la gestion des sous produits de l’assainissement pluvial. De plus, les solutions apportées devront respecter les contraintes économiques du moment. Plusieurs études expérimentales ont été menées depuis les années 1990 sur les matériaux de bassins de retenue, avec notamment des résultats contradictoires sur la répartition des

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éléments traces en fonction de la distribution granulométrique. Colandini (1997), Lee et al. (1997) et Zanders (2005) notent une accumulation des polluants au sein des éléments fins, alors que Durand (2003) et Durin (2006), lors de leurs travaux sur les sédiments du bassin d’infiltration de Cheviré, observent une répartition homogène des polluants en fonction des différentes classes granulométriques. Durand (2003) a également réalisé une caractérisation fine des résidus issus de l’assainissement pluvial ; il a notamment proposé une étude structurale de la matière organique ainsi qu’une évaluation de la biodisponibilité des métaux lourds en fonction de leurs affinités pour les différentes fractions organiques (acides humiques, humine, acides fulviques). Si l’ensemble de ces études a permis l’élaboration de données importantes concernant la caractérisation des sédiments de l’assainissement pluvial, aucune d’entre elles ne s’est réellement intéressée aux traitements et à la valorisation de ces résidus. Il est donc indispensable, notamment au vu de l’évolution du contexte réglementaire actuel, de développer des techniques de traitement permettant une gestion saine de ces matériaux. De nouveaux travaux de recherche dirigés par le LCPC ont donc été entrepris au cours de la période 2066-2008 ; compte tenu de l’ampleur de ces travaux, seule une synthèse est présentée ici, l’ensemble des résultats sera disponible par ailleurs sous forme d’articles ou de rapports. Quatre parties seront développées dans ce recueil : La première partie concerne l’origine et la caractérisation des résidus : sédiments de bassins, balayures de voiries, sédiments de fossés. Y seront abordés notamment l’origine des sédiments; une caractérisation fine de la matière organique ; l’étude des platinoïdes. La deuxième partie traite des transferts, elle est divisée en trois chapitres concernant respectivement les essais en laboratoire, les études in situ et les transferts vers la nappe. La troisième partie est consacrée à l’écotoxicité et aux risques que peuvent présenter les sédiments de l’assainissement pluvial vis-à-vis du milieu naturel. La quatrième partie expose les résultats relatifs au traitement et à la valorisation : mise au point du protocole de traitement en laboratoire ; essais sur l’unité pilote ATTRISED ; valorisation en construction routière. Ce travail Ce travail est le fruit d’une collaboration entre le LCPC (divisions Eau et Environnement, RMS), les LRPC de Bordeaux, Lille, Lyon, Nancy et l’Ouest parisien, le LSE-ENTPE, le BRGM, l’université de Poitiers et la société St Dizier Environnement. Une partie de ces travaux a pu être réalisée grâce au soutien financier de l’agence de l’Eau Seine-Normandie.

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PREMIERE PARTIE

ORIGINE ET CARACTERISATION DES RESIDUS

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1. Introduction On distingue communément plusieurs types de résidus solides de l’assainissement pluvial routier : les sédiments de curage des bassins, les terres de curage de fossés routiers, les dérasements d’accotement et les résidus de balayage de voirie (SETRA-LCPC, 2000 ; Legret, 2001 ; Ruban, 2005). Les résidus issus du curage des fossés routiers représentent des tonnages notables. Les tonnages réels restent néanmoins difficiles à estimer en raison de l’hétérogénéité des ouvrages et des modes de gestion (Pétavy, 2007). A titre d’exemple, l’ex réseau routier de la DDE du Rhône produisait annuellement une quantité de l’ordre de 30 000 m3 de résidus issus de l’entretien des fossés des routes nationales et départementales (ONR, 2001).

Ouvrages d'assainissement routier (a, b et c: fossés enherbés, d : bassin de rétention) L’estimation des volumes issus du curage des ouvrages d’assainissement routier est donc délicate. Néanmoins on peut retenir que les volumes sont suffisamment importants pour que leur réutilisation constitue un véritable enjeu. En effet, les contraintes de réutilisation deviennent de plus en plus fortes suite à la mise en place de textes réglementaires permettant de protéger au mieux les ressources, en particulier aquatiques (notamment Loi sur l’eau et les milieux aquatiques de 2006, Directive Cadre Européenne sur l’eau 2000, code de l’environnement). Au sein d’un même type de résidus d’assainissement, les caractéristiques des matériaux peuvent présenter des disparités pouvant affecter la qualité environnementale des résidus de l’assainissement routier, ainsi que leurs propriétés géotechniques. La réutilisation des matériaux ne peut être envisagée que si ceux-ci possèdent de bonnes propriétés physiques et si les risques potentiels qu’ils peuvent générer sur l’environnement sont maitrises. Mais à l’heure actuelle, ces risques sont difficiles à appréhender : les résidus issus de l’assainissement routier ne font pas l’objet d’un texte réglementaire dédié. Ils sont considérés comme des déchets et soumis à la réglementation correspondante, sous la responsabilité du maitre d’ouvrage de l’infrastructure routière.

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Dans un premier temps seront présentés les résultats concernant l’origine des polluants et la typologie des sédiments de fossés et bassins. Une étude reprenant les travaux de thèse de F. Pétavy (2007) et portant sur un nombre limité de bassins et balayures de voiries sera ensuite exposée. Ces sédiments feront l’objet de travaux de recherche dans les parties II (transferts), III (écotoxicité et risques) et IV (traitement et valorisation) du présent document. 2. Caractérisation isotopique du plomb et du zinc Afin de vérifier l’origine de certains polluants présents dans les sols à proximité de voiries et dans les résidus de l’assainissement pluvial routier, des échantillons prélevés ont été analysés vis-à-vis des isotopes du plomb et du zinc. En effet, dans le domaine de l’environnement, l’étude des abondances des isotopes d’un élément est généralement conduite pour identifier ou tracer soit la source naturelle provenant du fond géochimique local soit la (ou les) source(s) anthropique(s) d’une pollution d'un sol ou d'un sédiment. Les rapports isotopiques du plomb ont été déterminés par une équipe du BRGM (Laperche et al., 2008) pour 4 échantillons dont 2 situés près de l’infrastructure routière (A86 2-1 à l’amont de la cunette béton, A13 C1 2006 dans le fossé), et 2 éloignés (A86 3-6, A13 G11), les résultats sont donnés dans le Tableau I- (les concentrations totales sont données pour rappel).

Tableau I- 1 : Rapports isotopiques et teneurs en plomb (mg kg-1) échantillon Pb

(mg/kg) 206Pb/204Pb erreur

(%) 207Pb/204Pb erreur

(%) 208Pb/204Pb erreur

(%) 207Pb/206Pb erreur

(%) 208Pb/206Pb erreur

(%) A86 2-1 1353 17,176 0,1 15,537 0,1 36,956 0,1 0,90456 0,01 2,1515 0,01 A86 3-6 67 18,096 0,1 15,599 0,1 38,054 0,1 0,862 0,01 2,1029 0,01 A13 C1 2006

1947 16,916 0,1 15,511 0,1 36,712 0,1 0,91691 0,01 2,1702 0,01

A13 G11 91 18,267 0,1 15,617 0,1 38,265 0,1 0,8549 0,01 2,0947 0,01 Que ce soit pour l’autoroute A86 ou pour l’A13, les teneurs en plomb sont très largement supérieures pour les prélèvements proches de la chaussée (au niveau du fossé routier) que pour les prélèvements les plus éloignés (respectivement on note un facteur 20 et un facteur 21 pour les échantillons des autoroutes A86 et A13 pour les teneurs en plomb lorsque l’on s’éloigne). De manière systématique, les échantillons les plus proches de la chaussée possèdent les signatures isotopiques les moins radiogéniques (c'est-à-dire les signatures les plus basses pour les rapports 206Pb/204Pb, 207Pb/204Pb et 208Pb/204Pb). La figure I-1 présente les résultats en comparant le rapport isotopique 206Pb/204Pb par rapport au 208Pb/204Pb et au 207Pb/204Pb (Figure I-1), avec les différentes sources connues de plomb, qu’il s’agisse du plomb issu du trafic routier et/ou des émissions industrielles (Widory et al., 2004) et du plomb crustal (compilation des travaux de Asmerom et Jacobsen, 1993, Hemming et McLennan, 2001 et plus récemment Millot et al., 2004).

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36,50

37,00

37,50

38,00

38,50

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40,00

16,50 17,00 17,50 18,00 18,50 19,00 19,50 20,00206Pb/204Pb

208 Pb/204 Pb

A 86 2-1A 86 3-6A 13 C1A 13 G11

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16,50 17,00 17,50 18,00 18,50 19,00 19,50 20,00206Pb/204Pb

207 P

b/204 Pb

A 86 2-1A 86 3-6A 13 C1A 13 G11

Plomb crustal

Plomb industriel

Trafic routier

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208 Pb/204 Pb

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207 P

b/204 Pb

A 86 2-1A 86 3-6A 13 C1A 13 G11

Plomb crustal

Plomb industriel

Trafic routier

Figure I-1 : Rapports isotopiques 208Pb/204Pb et au 207Pb/204Pb par rapport 206Pb/204Pb par rapport au 206Pb/204Pb des sols d’autoroute avec les différentes sources connues (plomb crustal, plomb issu du

trafic routier et des différentes émissions industrielles, Widory et al., 2004) L’interprétation des résultats ne peut être que succincte car seulement 4 échantillons de sol ont été analysés mais il est toutefois possible de comparer ces résultats aux données existantes. Ainsi, d’après la Figure , l’origine du plomb dans l’échantillon prélevé sur l’A13 au bord de la BAU est principalement l’essence. Malgré la baisse importante de plomb dans l’essence, les 2000 mg/kg de cet échantillon proviennent encore de l’essence (fossés jamais curés depuis la construction de l’A13 au niveau des prélèvements). Le plomb de l’échantillon de l’A86 prélevé dans les sédiments déposés sous la glissière de sécurité n’a pas pour principale origine l’essence mais il semble qu’il y ait plusieurs origines : aérosols routiers et industriels. Par contre, l’origine du plomb dans les échantillons plus éloignés de la BAU est bien distincte de celle des échantillons proches de la BAU. L’échantillon A86 3-6 se trouve à ~15-20 mètres de la BAU et à mi-pente donc plusieurs mètres au dessus de l’autoroute. D’après les travaux de Véron et al. (1999) réalisés dans le nord de la France, on peut relier l’origine du plomb dans ce sol principalement avec les aérosols urbains (incinérateur, etc.). L’échantillon A13 G11 a été prélevé à ~50 mètres de la BAU en lisière d’un bois et d’un champ agricole. Le plomb de cet échantillon à l’origine la moins anthropique des 4 échantillons ; il semble qu’il y ait plusieurs origines : aérosols industriels et la croûte terrestre. Le même type d’analyse et mode d’interprétation ont été réalisés pour le zinc. Les isotopes du zinc ont été déterminés pour 4 échantillons (A86 2-1, A86 3-6, A 13 C1 2006 et A13 G11), les résultats sont donnés dans le Tableau I-2 (les concentrations totales sont données pour rappel).

Tableau I-2 : Rapport isotopique et teneur en zinc (mg/kg) échantillon Zn

(mg/kg) δ 66Zn /

64Zn (0/00) erreur (%)

A86 2-1 1387 -0,08 0,02 A86 3-6 71 -0,12 0,03 A13 C1 2006

1173 0,0 0,03

A13 G11 575 -0,14 0,03 Les compositions isotopiques sont légèrement plus élevées pour les échantillons prélevés au bord des autoroutes, notamment dans le cas de l'A13 (Tableau I-2) (pour l’A86, on reste dans la marge d'erreur). Néanmoins, les variations observées sont très faibles.

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12

Les compositions isotopiques du zinc mesurées dans les roches sont comprises entre -0,4 ‰ et 1,4 ‰. D’après une étude menée dans le Nord de la France (Matielli et al., 2006), les compositions isotopiques les plus faibles ont été mesurées dans les poussières émises par la cheminée de la fonderie (-0,52 à 0,02 ‰) alors que la composition isotopique des sols agricoles autour de la fonderie sont comprises entre 0,05 et 0,56 ‰. Le trafic routier est un apport important de zinc dans les sols bordant les routes (freins, pneu, huile, système de refroidissement, barrière de sécurité, etc.), d’après Cloquet et al. (2006), les compositions isotopiques du zinc dans les sols contaminés devraient être faibles comme celles mesurées dans les lichens (-0,3 à -0,2 ‰) ou encore celles mesurées dans des eaux de pluies en milieu urbain (-0,2 à 0,1 ‰). L’origine du zinc contenu dans les sols/sédiments routiers est plus difficile à identifier que pour le plomb au regard de la diversité des sources et de la valeur en isotope du zinc correspondante. Il est donc important d’analyser les sources potentielles en zinc. En effet, des études faite sur les sols de l’A1 (Eisenlohr et al., 2003), ont montré que les teneurs en zinc pouvaient être trois fois plus élevées dans les sols qui se trouvent sous les glissières de sécurité. Les glissières sont donc une source importante de zinc dans les sols mais cela ne se voit pas au niveau de la composition isotopique. Une autre source peut être les bandes de signalisation sur les autoroutes. Pour comprendre les résultats obtenus, il semble intéressant de déterminer la composition isotopique de plusieurs sources comme les glissières de sécurité mais aussi le sol en profondeur (hors influence anthropique et des plantes). Une analyse rapide de plusieurs bandes de signalisation à l’aide d’un spectromètre portable a montré que certaines bandes étaient riches en métaux, l’usure de ces bandes est donc une source potentielle de métaux dans les sols. En résumé, les résultats des analyses isotopiques du plomb montrent que les échantillons les plus proches de l'autoroute ont une forte composante "essence" et que les échantillons les plus éloignés ont une composante "industrielle" et naturelle (croûte terrestre). Du fait de la diminution du plomb dans l’essence, la composante "industrielle" est plus facilement observable aujourd'hui dans les sols. Pour les analyses de zinc, les variations observées sont faibles mais cohérentes avec les quelques données existantes sur les sols pollués et les aérosols urbains. Les données sur cet élément étant encore peu nombreuses, il est nécessaire de continuer à accumuler des résultats sur les différentes sources potentielles pour pouvoir déterminer la ou les origines possibles du zinc dans les sols/sédiments en bordure d’infrastructures routières de transport. 3. Typologie des bassins et fossés Une classification des résidus de l’assainissement routier selon leurs caractéristiques environnementales a été réalisée en distinguant deux grandes catégories de résidus :

� les fossés enherbés Les fossés étudiés sont uniquement les fossés et cunettes enherbés. En effet, les cunettes et fossés en béton ou recouverts d’une géomembrane engendrent un résidu largement assimilable aux produits de balayage des chaussées (fraction essentiellement sableuse). La vitesse d’écoulement dans ces ouvrages peu rugueux n’est en effet pas propice à la sédimentation de la fraction fine.

� les bassins Cette catégorie regroupe tous les types de bassins. Notons que certains ouvrages communément appelés fossés ont été inclus dans cette catégorie puisque le type de sédiment qui s’y trouve possède des caractéristiques plus proches de celles des bassins que de celles des fossés enherbés. C’est en particulier le cas des fossés en eau dont le rôle de transit n’est pas

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13

050

100150200250300350400

0 20000 40000 60000 80000 100000Trafic

Tene

ur (m

g/kg)

teneur maximale dans blanc (Loire)données Setra 1995données Setra 1998

0

100

200

300

400

500

600

700

0 20000 40000 60000 80000 100000Trafic

Tene

ur (m

g/kg)

teneur max imale dans blanc (Loire)

données Setra 1995

données Setra 1998

manifeste (par exemple le « fossé » allongé entre les bassins B4 et B6 sur la rocade est de Lyon – dit B4-B6). Dans le cadre de ce travail près de 150 prélèvements ont été réalisés sur des bassins et fossés en Rhône-Alpes, Ile de France et région Centre. Les teneurs en hydrocarbures et en métaux lourds ont été analysées. Des prélèvements ont par ailleurs été effectués dans des zones potentiellement sans influence du trafic afin d’avoir un enregistrement du bruit de fond (blanc). Ces données peuvent être comparées avec celles de la bibliographie notamment SETRA (1995a,b) et SETRA(1998). 3.1 Caractérisation chimique des fossés enherbés Quatre vingt huit prélèvements de fossés routiers enherbés ont été réalisés. Chaque échantillon représente entre 3 et 10 prélèvements unitaires réalisés sur des fossés, dans la majorité des cas, différents, d’un même tronçon (pouvant atteindre plusieurs km) avec un trafic routier identique. Les prélèvements sont effectués sur les 10 premiers centimètres correspondant à l’épaisseur de curage pouvant être réalisé. On constate d’après le tableau I-3 que la teneur en hydrocarbures augmente avec le trafic. Les hydrocarbures présents dans les fossés sont composés en majorité de longues chaînes carbonées (C > 22) correspondant à des huiles moteur, des molécules issues des gazoles ou du mazouts.

Tableau I-3 : Concentration en HCT en mg/kg pour les fossés routiers enherbés Trafic (véhicules / jour)

< 10000 10000 - 20000

20000 - 40000

40000 - 80000

> 80000 moyenne 105 166 253 686 - max 242 701 735 1 258 - min 20 20 56 92 - écart type 73 191 216 330 - Nbre échant.

10 18 12 10 -

Figure I-2. Teneurs en Pb en fonction du trafic Figure I-3. Teneurs en Zn en fonction du trafic De même, les concentrations en plomb (figure I-2), zinc (figure I-3) et cuivre augmentent avec le trafic mais l’influence du trafic est peu marquée pour les trafics inférieurs à 40 000 véhicules/jour. Pour Pb, on constate une diminution des teneurs dans le temps, suite à

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l’utilisation d’essence sans plomb. En revanche, pour Cd, Cr et Ni on ne décèle pas d’influence nette du trafic. 3.2 Caractéristiques des bassins Les caractéristiques des bassins routiers prélevés sont les suivantes : • nombre de bassins : 73 • type de bassins :

o bassins imperméabilisés en eau (rôle de décantation) o bassins imperméabilisés sec (rôle hydraulique) o bassin sur terrain naturel donc la perméabilité est différente selon la région et

nous avons prélevé sur des bassins secs (rôle d’infiltration) et des bassins en eau (rôle de décantation)

o quelques prélèvements ont été effectués sur des bassins enterrés (absence de lumière pour la biodégradation) et des bassins récupérant les eaux de lavage de tunnel (pollution non dispersée dans l’air)

• Fonctionnement des bassins : o La décantation peut s’effectuer à l’amont du bassin ou à l’aval. o Des dispositifs supplémentaires type séparateur d’hydrocarbures peuvent être

mis en place directement dans le bassin ou à l’amont de celui-ci. o L’échantillon est constitué, dans la mesure du possible, d’au minimum 3

prélèvements unitaires (à l’entrée, au milieu et à la sortie du bassin). • Fossés associés :

o Les fossés associés peuvent être imperméabilisés (cunette béton, géomembrane, argile) et/ou enherbés.

o Pour les fossés imperméabilisés, la plupart des sédiments arrivent dans le bassin en fonction des épisodes pluvieux.

o Dans le cas des fossés enherbés et fossés dont l’imperméabilisation est dégradée, une sédimentation sur le linéaire s’effectue.

0

5 0

1 0 0

1 5 0

2 0 0

2 5 0

0 2 0 0 0 0 4 0 0 0 0 6 0 0 0 0 8 0 0 0 0 1 0 0 0 0 0 t r a f i c ( v é h / j o u r )

teneu

r (mg

/kg)

b a s s i n s a s s o c ié s à d e s f o s s é s e n h e r b é s b la n c L o i r e b la n c R N 1 3 b a s s i n s a s s o c ié s à d e s f o s s é s i m p e r m é a b i l i s é s

Figure I-4. Concentration en Pb dans les bassins associés à des fossés enherbés ou imperméabilisés

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15

0

200

400

600

800

1000

1200

1400

1600

1800

0 20000 40000 60000 80000 100000trafic (véh.jour)

teneu

r (mg

/kg)

bassins associés à des fossés enherbésbassins associés à des fossésimperméabilisésBlanc Loire (42)

Figure I-5. Concentration en Zn dans les bassins associés à des fossés enherbés ou imperméabilisés

0

50

100

150

200

250

300

350

400

450

500

0 20000 40000 60000 80000 100000trafic (véh/jour)

teneu

r (mg

/kg)

bassins associés à des fossés enherbésbassins associés à des fossés imperméabilisésBlanc Loire (42)

Figure I-6. Concentration en Cu dans les bassins associés à des fossés enherbés ou

imperméabilisés Il apparaît d’après les figures I.4-I.6 que: • Les bassins associés à des fossés imperméabilisés contiennent des sédiments plus

chargés en métaux lourds que les bassins associés à des fossés enherbés. Cela confirme la rétention des sédiments et des polluants au niveau du sol,

• Les teneurs sont en général supérieures aux teneurs des blancs, quel que soit le trafic routier,

• Contrairement aux fossés enherbés, les teneurs ne sont pas corrélées avec le trafic. D’autres paramètres peuvent influer les résultats, notamment : o l’impluvium routier capté, o la dispersion des dépôts de sédiments dans les fossés et le bassin (dépôt

aléatoire en fonction du cheminement préférentiel de l’eau et des obstacles rencontrés, etc.),

o le fonctionnement même du bassin en période pluvieuse (décantation non efficace lors d’événements pluvieux importants, etc.).

4. Etude détaillée de quelques sédiments routier et urbains Plusieurs sites ont été retenus en fonction de leur capacité à satisfaire au mieux les objectifs définis pour cette recherche. Les matériaux retenus sont des sédiments de bassins de rétention et d’infiltration ainsi que des balayures de voiries. L’étude porte sur quatre sites routiers, Cheviré à Nantes, Flavigny près de Nancy, Citroën en région parisienne et un bassin de l’A 47 entre Lyon et St Etienne. De plus, deux sites urbains ont été retenus, Wissous (zone

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industrielle de Villemilan) au sud de Paris et AhAh situé dans le département de l’Essonne et plus précisément dans la commune de Crosne. Enfin, les villes de Bordeaux et Lille ont été choisies pour leurs balayures de voiries. Ces sites seront suivis dans les parties II, II et IV de ce rapport. 4.1 Description des sites 4.1.1 Sites routiers Bassin d’infiltration de Cheviré Ce bassin est localisé au sud ouest de Nantes. Il est de type routier, draine la partie sud du pont de Cheviré qui permet le franchissement de la Loire par la rocade ouest. Sa longueur est de 1562 mètres avec deux rampes à 6 % qui élèvent le tracé à 50 mètres au-dessus du fleuve. Le pont, ouvert en mai 1991, est constitué de 2 chaussées à 3 voies avec un séparateur central en béton. Le profil transversal a une largeur de 24,60 mètres. La surface de drainage des eaux est de 38 425 m2. Le trafic est en perpétuelle augmentation et atteint actuellement 80 000 véhicules par jour. Les eaux de ruissellement sont collectées par des avaloirs et recueillies dans des gouttières en aluminium de chaque côté du pont. Pour la partie sud de l’ouvrage, les eaux sont ensuite dirigées vers le bassin d’infiltration situé à proximité du pont sur la rive gauche de la Loire. La surface du bassin est de 780 m2 et sa profondeur d’environ 1,50 mètre. Les eaux de ruissellement provenant des deux gouttières latérales sont rejetées à l’extrémité du bassin par un collecteur de 800 mm de diamètre et un deuxième collecteur de 300 mm de diamètre qui rejette les eaux de l’extrémité sud du pont. Un trop plein muni d’un siphon permet l’évacuation des eaux vers le milieu récepteur à l’autre extrémité du bassin. Le fond du bassin n’étant pas imperméabilisé, une partie importante peut s’évacuer par infiltration dans le sol. 3 campagnes de prélèvement ont été réalisées et localisées (figure I-7) : • Le 21 janvier 2005 pour la caractérisation en laboratoire et les essais de mise en place

d’une méthode de traitement des sédiments. Les échantillons ont été prélevés à l’aide d’une pelle en acier inoxydable (P1).

• Le 10 juillet 2005, 300 kg de sédiments ont été prélevés pour la première série des essais de Landfarming (P2)

• Le 4 mai 2006, le bassin a été curé sur la zone P3 pour recueillir environ 2,5 tonnes de sédiments afin de réaliser les essais de traitement physique à l’échelle pilote et la seconde série de traitement biologique par Landfarming.

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Figure I-7: Schéma du bassin de Cheviré.

Bassin de rétention de Flavigny (Nancy) Le site de Flavigny se trouve à 8 km au sud de Nancy dans la vallée de la Moselle, sur la voie rapide RN 57 entre Nancy et Epinal. Le trafic est de 3740 véhicules par jour dont 13 % de poids lourds ; il est en augmentation de 1,5 % depuis 2004. Ces bassins recueillent les eaux de ruissellement d'un bassin routier long de 1800 m à 2x2 voies (7,5 hectares) et présentant une pente moyenne de 4 %. Le dispositif de traitement est composé de deux bassins en série reliés entre eux par un déshuileur préfabriqué. Le séparateur est muni d'un avaloir à flotteur régulant le débit de sortie du bassin amont. Le bassin amont dans lequel les prélèvements ont été réalisés présente un volume de stockage de 3000 m3 pour une surface de 2500 m2. Il est partiellement en eau (hauteur d'eau permanente de 0,8 m et hauteur de marnage de 1,6 m) et assure une fonction de décantation (Figure I-8).

Figure I-8 : Bassin amont de Flavigny.

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Le bassin aval d'une capacité de stockage de 1500 m3 a pour objectif principal d'autoriser un temps d'intervention supplémentaire de plusieurs heures en cas de déversement accidentel d'un polluant miscible à l'eau . Le bassin comporte un seul émissaire d’entrée constitué par un tuyau béton de 800 mm de diamètre provenant d’un by-pass. Celui-ci permet de dériver les eaux de la section routière vers l’exutoire et d’isoler le bassin en cas de pollution accidentelle. Les deux bassins sont étanchéifiés par une géomembrane en PEHD (polyéthylène haute densité). Les sédiments déposés dans le bassin amont proviennent donc exclusivement du bassin versant routier. Les bassins n'ont jamais été curés depuis leur mise en service. La campagne de prélèvement a eu lieu entre le 02 et le 06 mai 2006.

Bassin d’infiltration de Lyon Ce bassin a une fonction d’épuration et de régulation de l’eau de ruissellement sur les chaussées et l’aire de service de l’autoroute A47, mais aussi de régulation du débit pour le bassin versant naturel intercepté par le remblai de l’autoroute. Les habitations situées dans le bassin versant naturel sont raccordées au réseau d’assainissement d’eaux usées. La pente de la voie autoroutière est de 1 à 2 % alors que celle des bretelles d’accès est plus forte et estimée entre 3 et 4 %. Le trafic, en 2005, est de 72200 véhicules par jour dont 11,5 % de poids lourds. Les eaux de ruissellement peuvent être récupérées au niveau de deux bassins : • Le bassin A revêtu d’une géomembrane PVC, • Le bassin B en terre végétale (substratum : grès houiller du stéphanien). En fonctionnement normal, le bassin A est court-circuité et reste sec (une vanne ouverte en permanence permet l’évacuation de l’eau de pluie vers le bassin B) et l’eau collectée traverse le bassin B qui est équipé en sortie d’un seuil (hauteur 30 à 40 cm) et d’un régulateur de débit (Figure ). L’arrivée de l’eau dans B se fait par un coursier de 1,5 m de hauteur. Le bassin B a une longueur de 25 à 40 mètres, une largeur de 10 à 25 mètres et une profondeur d’environ 4 mètres. En cas d’accident la fermeture des deux vannes dirige et contient le flux contaminé dans le bassin A où il est stocké.

Figure I-9 : Schéma du bassin n°6 de l’autoroute A47.

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En mars 2006, un échantillon moyen constitué de 3 prélèvements unitaires localisés sur la figure (E1,E2,E3) a été réalisé. L’épaisseur de matériau à dominante vasarde est de 0, 75 m en E3, de 0,65 m en E2 et de 0,50 m en E1. Le prélèvement suivant (2 m3 en juillet 2006) a été réalisé, pour des raisons d’accès, à la pelle mécanique entre E3 et les deux buses d’arrivée. Il correspond donc à des matériaux déposés près de l’entrée du bassin.

4.1.2 Les sites urbains Bassin de décantation de Wissous Ce bassin a été créé en 1999 pour pallier les inondations. Il est de type urbain et se situe dans la zone industrielle de Villemilan à l’est de l’autoroute A 6, en région parisienne. Le site de Wissous a été mis en place pour remédier aux débordements du ru des Glaises ; il est composé d’une vanne, d’un bassin enterré, d’un bassin à ciel ouvert et d’un décanteur lamellaire (figure I-10).

Figure I-10 : Schéma du bassin de rétention de Wissous. En cas de forte pluie, la vanne est fermée, l’eau est dirigée dans un bassin enterré d’une capacité 10 000 m3. Une fois le bassin enterré rempli, les pompes à eau sont actionnées pour le vider progressivement rejetant l’eau décantée dans le milieu naturel. Bassin de rétention de AhAh Le bassin de rétention AhAh est situé dans le département de l’Essonne. Il récupère les eaux pluviales des rues des Entrepreneurs et des industries, rues traversant une zone industrielle dans la commune de Crosne. Plusieurs entreprises sont susceptibles de par leurs activités, traitement de surface, imprimerie, garage, couverture (Zn et Cu), fabrique de caoutchouc, d’entraîner une pollution organique et métallique des eaux pluviales. Le réseau d’assainissement est de type séparatif. Les eaux pluviales arrivent dans le bassin par un collecteur de 1000 mm de diamètre et viennent se jeter dans la partie inférieure du bassin constituée d’un caniveau imperméable d’une surface de 593 m2. Lorsque les pluies sont trop importantes, le bassin se remplit au

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niveau de la pelouse du fond de bassin (62 m2) puis de la pelouse du talus (3220 m2). En sortie de bassin, les eaux sont rejetées à travers un collecteur de 300 mm et réintègrent un réseau d’eaux pluviales situé au niveau de l’avenue Léon Jouhaux. Le prélèvement des sédiments (2 m3) a été réalisé dans le caniveau bétonné du bassin le 29 juin 2006 après une période de temps sec. Lorsque les précipitations sont très importantes, le trop-plein du bassin enterré se déverse dans le bassin à ciel ouvert enherbé (environ 1 fois tous les 50 ans).

Bassin de rétention de Citroën Le bassin de rétention Citroën est situé en bordure du parking de l’entreprise PSA à Aulnay sous bois en région parisienne. Crée en 1975, pour faire face au problème d’inondation, il est entièrement bétonné et a une capacité de 68 000 m3. Il récupère les eaux de ruissellement des surfaces imperméabilisées de l’entreprise Citroën et des routes limitrophes. Dans chaque cas, les échantillonnages ont été réalisés à l’aide d’une pelle en acier inoxydable pour les prélèvements de quelques kilos destinés aux essais en laboratoire et avec un tractopelle pour les prélèvements de 2 à 3 tonnes nécessaires pour les traitements à l’échelle de l’unité pilote. Les sédiments prélevés sont transportés à l’aide de caisses palettes en plastique d’une contenance de 1 m3 environ. Les prélèvements ont été effectués sur une épaisseur de 10 cm afin de représenter un curage de bassin. 4.1.3 Balayures de voiries Les produits de balayage des voiries proviennent des agglomérations de Lille et Bordeaux. A Lille, le balayage a lieu tous les jours dans l’hyper centre de la ville. Les prélèvements ont été réalisés par l’intermédiaire de balayeuses aspiratrices. A Bordeaux, les balayures sont issues des quartiers de la Victoire, de la place St Michel et de l’hôpital St André. Ces secteurs sont entretenus une fois par jour par les balayeuses aspiratrices de la ville de Bordeaux d’une capacité de 4 m3. Les balayeuses effectuent leur dépotage à Bordeaux Bastide où les résidus sont stockés. Pour les deux sites, 2 m3 de balayures sont prélevés et acheminés pour être traités au Laboratoire Central des Ponts et Chaussées

4.2 Caractérisation de la matière minérale

4.2.1 Etude granulométrique Les résultats obtenus par granulométrie classique et laser sur les différents sédiments de l’assainissement pluvial sont présentés dans le tableau I-4. Les trois indices granulométriques (d10, d50 et d90) ainsi que le pourcentage de particules inférieures à 63 µm ont été déterminés. Les distributions granulométriques des différents sédiments issus de bassins ou de balayures de voiries présentent des caractéristiques très hétérogènes. Cette hétérogénéité est très importante entre les résidus de différents bassins mais également à l’intérieur d’un même bassin.

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Tableau I-4: Distribution granulométrique des sédiments bruts. Deux prélèvements des sédiments de Cheviré ont été effectués, pour les essais de landfarming (LANDF) et pour le pilote. Pour Lyon, les prélèvements concernent les essais en laboratoire (LABO) et les essais pilote. Pour le bassin AhAh, des prélèvements ont été effectués pour les essais en laboratoire et pour le pilote. En raison de

l’hétérogénéité des sédiments prélevés pour le pilote, on a distingué AhAh1 et AhAh2 . d10

µm d50 µm

d90 µm

< 63 µm %

CheviréLANDF 5 92 1044 42 CheviréPILOTE 8 109 1890 41 Wissous 4 27 146 69 LyonLABO 11 85 2000 38 LyonPILOTE 5 47 1970 56 AhAhLABO 14 148 1750 20 AhAhPILOTE_1 3 25 210 71 AhAhPILOTE_2 24 797 2933 13 Nancy 55 1101 4112 10 Bordeaux 74 900 3995 9 Lille 7 231 3612 35 Citroën 14 83 610 45 Hétérogénéité liée à la provenance Les sédiments AhAhPILOTE_1, Wissous et Lyon présentent une granulométrie très fine avec des d50 de 25, 27 et 47 µm. De plus, 56 à 71 % des particules issues de ces résidus sont inférieures à 63 µm. Les sédiments de Citroën et Cheviré sont plus grossiers avec un d50 de 83 µm et 109 µm, respectivement. Le pourcentage de particules fines inférieures à 63 µm est d’environ 40 % pour le sédiment de Cheviré et de 45 % pour celui de Citroën. Les sédiments des bassins AhAhPILOTE_2 et Nancy ainsi que les balayures de voiries de Lille et Bordeaux présentent une granulométrie beaucoup plus grossière que les autres résidus. Contrairement aux sédiments fins avec 50 % des particules inférieurs à 25 µm, les valeurs de d50 varient de 231 µm pour Lille à 1101 µm pour Nancy. De plus, le pourcentage de particules fines inférieures à 63 µm est, à l’exception de Lille, inférieur à 10 %. Hétérogénéité liée au prélèvement Les études comparatives granulométriques évoquent clairement une hétérogénéité liée au prélèvement pour certains bassins. Durand (2003) a déjà montré l’évolution de la granulométrie entre l’amont et l’aval d’un bassin d’infiltration ou de rétention des eaux pluviales. Si les sédiments de Cheviré prélevés lors de différentes campagnes sont assez homogènes (d10 et d50 similaires), ce n’est pas cas pour ceux de Lyon et encore moins pour le bassin AhAh. Les sédiments de Lyon présentent des différences significatives de d50 avec 85 et 47 µm et de particules inférieures à 63 µm (38 à 56 %) ; les écarts obtenus sont néanmoins beaucoup plus faibles que ceux que l’on peut avoir pour les sédiments AhAh. Les caractéristiques granulométriques des trois prélèvements réalisés à des périodes et à des localisations

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différentes présentent des indices granulométriques très éloignés avec notamment des valeurs de d50 de 25 µm pour AhAhPILOTE_1, de 148 µm pour AhAhLABO et de 797 µm pour AhAhPILOTE_2.

4.2.2 Etude des concentrations en éléments traces et phosphore Les concentrations en éléments traces et en phosphore ont été déterminées pour l’ensemble des résidus étudiés et comparées aux valeurs cibles et d’intervention de la norme hollandaise (tableau I-5). Si ces seuils n’ont pas de valeur légale en France, ils sont néanmoins fréquemment utilisés comme valeurs de référence pour interpréter la présence de certains composés chimiques.

Tableau I-5: Teneurs en éléments traces, en titane et en phosphore dans les sédiments à traiter. Deux prélèvements des sédiments de Cheviré ont été effectués, pour les essais de landfarming (LANDF) et pour le pilote. Pour Lyon, les prélèvements concernent les essais en laboratoire (LABO) et les essais pilote. Pour le bassin AhAh, des prélèvements ont été effectués pour les essais en laboratoire et pour le pilote. En raison de

l’hétérogénéité des sédiments prélevés pour le pilote, on a distingué AhAh1 et AhAh2 . Cd Cr Cu Ni Pb Zn Ti P mg kg-1 CheviréLABO 1,1 74 281 31 305 1526 - - CheviréLANDF 0,90 58 296 24 134 1320 - - CheviréPILOTE 1,33 69 306 29 138 1180 2,4 1911 Wissous 1,44 312 66 158 206 1154 - - LyonLABO 0,60 81 199 38 156 585 - - LyonPILOTE 0,70 74 104 35 148 405 2,6 813 AhAhLABO 2,60 226 247 107 357 1949 - - AhAhPILOTE_1 4,26 68 139 61 244 931 - - AhAhPILOTE_2 0,80 29 72 50 69 268 0,9 591 Nancy 0,35 2979 111 28 59 315 2,1 1611 Bordeaux 0,30 58 65 16 122 281 1,8 633 Lille 0,90 202 97 45 106 356 2,3 675 Citroën 1,80 83 220 38 265 1379 - -

Cible 0,80 100 36 35 85 140 - - Norme hollandaise intervention 12 380 190 210 530 720 - - Comme le montre le tableau, les concentrations en métaux lourds sont élevées pour les résidus de Cheviré, Wissous, AhAhLABO, AhAhPILOTE_1, Nancy et Citroën. Elles sont plus faibles dans les sédiments de AhAhPILOTE_2 et Lyon ainsi que dans les balayures de voiries. Le zinc est un élément trace caractéristique et parfaitement connu de la pollution liée aux eaux de ruissellement des routes et autoroutes. Il se retrouve en concentration relativement importante dans les sédiments de Cheviré (de 1180 mg kg-1 à 1526 mg kg-1), de Wissous (1154 mg kg-1), de AhAh (jusqu’à 1949 mg kg-1) et de Citroën (1379 mg kg-1). Ces résidus

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présentent des teneurs en zinc largement supérieures (2 à 3 fois) à la valeur d’intervention de la norme hollandaise (720 mg kg-1). Bien que beaucoup plus faibles, les teneurs en zinc présentes dans les sédiments de Lyon, Nancy, Bordeaux et Lille sont néanmoins supérieures aux valeurs cibles de la norme hollandaise. Les sédiments de l’assainissement pluvial sont tous plus ou moins contaminés par le zinc. Des concentrations élevées en chrome et nickel traduisent généralement une pollution chronique liée à une activité professionnelle polluante. Les sédiments de Wissous et AhAhLABO présentent des concentrations élevées en chrome avec respectivement 312 et 226 mg kg-1 mais également en nickel avec 158 et 107 mg kg-1. Le contexte de ces deux bassins, avec notamment la présence d’entreprises de traitement de surface, confirment la relation entre le couple chrome – nickel et une pollution liée à une activité professionnelle. Bien qu’il ne présente pas de fortes teneurs en nickel (28 mg kg-1), le sédiment de Nancy est très largement contaminé par le chrome avec des teneurs d’environ 3 g kg-1. Avec des concentrations plus de 8 fois supérieures à la valeur d’intervention de la norme hollandaise, cet élément ne se trouve plus sous forme de traces mais plutôt comme un élément majeur. Une enquête locale est menée en parallèle afin de déterminer l’origine exacte de cette pollution chromique (remblayage de mâchefers…). Tous les sédiments étudiés présentent des pollutions en cuivre importantes avec des concentrations supérieures aux valeurs cibles ; les résidus de Cheviré, LyonLABO, AhAhLABO et Lille présentent quant à eux des teneurs supérieures aux valeurs d’intervention de la norme hollandaise (190 mg kg-1). A l’exception des sédiments de AhAhPILOTE_2 et de Nancy, les autres résidus ont tous des teneurs en plomb comprises entre les valeurs cibles et les valeurs d’intervention de la norme hollandaise. Les concentrations en titane au sein des sédiments étudiés varient de 0,9 mg kg-1 pour le bassin AhAh 2 à 2,6 mg kg-1 pour le bassin de Lyon. Actuellement, il y a peu de références bibliographiques et de valeurs seuils sur la contamination des sédiments par le titane. Les teneurs en phosphore total sont très élevées pour les sédiments de Cheviré (1911 mg kg-1) et de Nancy (1611 mg kg-1) et restent conséquentes pour les autres résidus avec des concentrations variant de 591 mg kg-1 à 813 mg kg-1. Bien que ces fortes teneurs n’aient pas d’incidence directe connue, le phosphore a la capacité de se lier facilement aux particules du sol et peut donc être entraîné par ruissellement avec les eaux de surface ou par érosion. Ce point fait l’objet de suivis réguliers en raison du rôle important du phosphore dans l’eutrophisation des eaux douces. Les sédiments étudiés présentent tous plusieurs éléments traces dont la concentration est supérieure aux valeurs cibles correspondantes. De plus, les balayures de voiries et les sédiments de LyonPILOTE et AhAhPILOTE_2 sont les seuls résidus à ne pas présenter au moins une teneur en élément trace supérieure à la valeur d’intervention de la norme hollandaise. 4.2.3 Etude de l’hétérogénéité Comme pour l’étude granulométrique, les teneurs en éléments traces sont très hétérogènes entre deux campagnes de prélèvement à l’intérieur d’un même bassin. Les différences les plus importantes sont comme précédemment observées pour le bassin AhAh entre l’échantillon de quelques kilos (AhAhLABO) et le prélèvement de plusieurs centaines de kilogrammes (AhAhPILOTE_1 et AhAhPILOTE_2). Entre les trois échantillons, les concentrations varient de 0,8 à 4,3 mg kg-1 pour le Cd, de 29 à 226 mg kg-1 pour le Cr, de 72 à 247 mg kg-1 pour le Cu, de 50 à 107 mg kg-1 pour le Ni, de 69 à 357 mg kg-1 pour le Pb, et de 268 à 1949 mg kg-1 pour le Zn. Les sédiments de Lyon et Cheviré présentent également mais dans une moindre mesure, des variations de concentrations entre les campagnes de prélèvement. Les teneurs en cuivre

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varient de 104 à 199 mg kg-1 pour le bassin de Lyon alors que les concentrations en zinc sont comprises entre 1180 et 1526 mg kg-1pour celui de Cheviré.

4.3. Caractérisation de la matière organique 4.3.1. Matériel et méthode Analyse globale L’analyse de la matière organique totale et de substances humiques commence par une étude globale par analyse thermique et infra rouge. Les teneurs en MO des extraits secs sont déterminées par analyse thermogravimétrique (ATD/ATG). La structure minérale en contact avec la matière organique est caractérisée par infra rouge (IR). Séparation des différentes formes de matière organique La séparation est effectuée selon le protocole schématisé sur la figure I-11; ce dernier est une adaptation de la méthode préconisée par la Société Internationale des Substances Humiques (IHSS), basée uniquement sur des critères de solubilité. Après prélèvement, l’échantillon est congelé, lyophilisé puis tamisé à 2 mm. Il est ensuite conservé à –18 °C, afin d’éviter toute altération de la matière organique. La première fraction extractible est, du fait de sa grande solubilité dans les solvants organiques, la fraction lipidique. Les lipides sont extraits sous pression à l’ASE (Accelerated Solvant Extractor) par un mélange CH2Cl2/MeOH (2:1). Après extraction des lipides, l’échantillon est mis en suspension dans une solution d’HCl 1M (10mL/g d’échantillon) afin d’éliminer les carbonates, sulfates et hydroxydes éventuellement présents. Une première partie des acides fulviques est également solubilisée au cours de cette opération. Le résidu solide est séparé par centrifugation, puis traité par une solution de soude 0,1M (10mL/g de sédiment) afin d’extraire les acides humiques et fulviques. Le surnageant et le précipité sont séparés par centrifugation. L’opération est renouvelée jusqu’à ce que la solubilisation de l’intégralité des acides soit assurée. L’ensemble de ces opérations doit être effectué sous atmosphère inerte, afin d’éviter toute altération de la MO. La solution alcaline surnageante est acidifiée à pH 1. Les acides humiques précipitent et sont séparés des acides fulviques (solubles) par centrifugation. Au cours de cette étape des argiles peuvent précipiter avec les acides humiques, elles sont éliminées par précipitation au KCl. Les lipides associés aux colloïdes organo-minéraux sont extraits du résidu solide à l’ASE par le dichlorométhane. La fraction restante est composée de matière organique totalement insoluble et de matière minérale non dissoute, c’est le résidu (ou humine). Si le taux de matière minérale des échantillons est important, l’humine subit un traitement à l’acide fluorhydrique visant à éliminer les silicates.

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Matière organique

Extraction à l’ASE (CH2Cl2/MeOH 2:1)

Lipides libres

Traitement par HCl 1 M Centrifugation

Acides fulviques Traitement par NaOH 0,1 M Centrifugation

Lipides associés Humine Acides humiques Acides fulviques

Extraction à l’ASE (CH2Cl2 )

Acidification par HCl

Substances humiques alcalino-solubles

Figure I-11: Fractionnement de la matière organique des sédiments Fractionnement IHSS

- Séparation des composés organo-solubles L’extrait lipidique est constitué d’un mélange de molécules très hétérogène, tant au point de vue solubilité qu’au point de vue origine et, afin de faciliter l’analyse, une pré-séparation de cet extrait est nécessaire. L’extrait lipidique est constitué d’un mélange de molécules très hétérogène, tant au point de vue solubilité qu’au point de vue origine et, afin de faciliter l’analyse, une pré-séparation de cet extrait est nécessaire. La séparation s’effectue par chromatographie d’affinité (figure I-12). Cette technique sur colonne de gel de silice imprégnée de potasse permet la séparation des fractions lipidiques neutre, acide et polaire. Les lipides neutres sont élués par l’éther diéthylique puis par le chloroforme. La potasse est alors neutralisée par une solution d’acide formique dans l’éther diéthylique (8% v/v). La fraction acide est éluée par l’éther puis par le chloroforme. Les composés polaires, sont quant à eux extraits par un mélange méthanol/chloroforme (10/90), puis par le méthanol.

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Lipides

Chromatographie d’affinité SiO2-KOH

Fraction acide

Fraction polaire

Fraction neutre

Chromatographie liquide Méthylation Acétylation

-Hydrocarbures -Esters, cétones, aldéhydes -Alcools -Stérols -LMN (neutres polaires)

Chromatographie liquide

-Monoacides -Diacides -Hydroxyacides -Cétoacides -LMA (acides polaires)

Figure I-12: Protocole simplifié de séparation des lipides

Les produits éventuellement adsorbés sont extraits au Soxhlet par un mélange méthanol/chloroforme (50/50 v/v). Un test en chromatographie sur couche mince (CCM) permet de vérifier la réussite de la séparation. Les lipides sont réunis en deux fractions selon leur polarité: une fraction neutre et une fraction dans laquelle sont regroupés les composés ayant un caractère acide et/ou polaire. Ces deux dernières fractions sont réunies, car il est assez délicat de déterminer la séparation entre les composés acides et polaires. Les différentes familles de composés issues des fractions neutre et acide/polaire sont séparées sur gel de silice. L’élution de la fraction neutre est effectuée par des mélanges d’éther diéthylique et d’éther de pétrole de polarité croissante. La séparation est suivie par CCM, par comparaison avec des produits de référence. Les fractions chromatographiques obtenues sont réunies en fonction de leur composition. La fraction acide/polaire est séparée de la même manière mais doit subir une dérivation préalable afin d’être analysée en CG/SM. Les acides sont méthylés par BF3/MeOH. Les marqueurs d’origine étudiés seront facilement identifiables dans ces fractions lipidiques grâce à leurs fragmentations caractéristiques en SM. - Thermochimiolyse Les substances humiques (acides humiques et humine) sont caractérisées par thermochimiolyse. La thermochimiolyse est une technique combinant la dégradation chimique et la dégradation pyrolytique. La présence des agents alkylants permet d'éviter la décarboxylation des acides et la déshydratation des alcools. Les fonctions acides sont dérivées en esters méthyliques et les fonctions alcools en éthers. Les mécanismes de rupture de liaisons font intervenir des réactions de transalkylation et d’hydrolyse impliquant la formation puis la décomposition de sels d’ammonium quaternaires.

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Les processus de pyrolyse et les mécanismes de dérivation agissent en conjugaison. Le solvant dans lequel le TMAH est solubilisé joue un rôle non négligeable, ainsi, le méthanol (nucléophile) intervient dans les mécanismes de rupture des liaisons β-O-4. Le TMAH a, de plus, une activité accrue envers les fonctions hydrolysables. Les produits formés différents de ceux obtenus en pyrolyse sont généralement plus volatils, donc plus facilement analysables par couplage CG/SM.

Fiche Résumé Tableau I-6 : Etude préliminaire : 6 échantillons/4 bassins

MO (%) Lipides (% de l'échantillon) Fraction hydrocarbures (% des lipides)

Cheviré 11,9 3,4 6,7

AhAh1 13,5 4,3 19,1

AhAh2 13,5 2,2 38,9

AhAh2<2mn 24,5 2,8 60,4 2,8 60,4

Citroën 13,4 3,6 8,4

Flavigny 2,5 2,5 9,3 L’étude du bassin Citroën n’a pas été poussée plus avant du fait de la dangerosité de l’échantillon. L’étude exhaustive de la matière organique du bassin de Chéviré a été effectuée lors d’une précédente étude1. L’étude préliminaire montre que l’échantillon AhAh2 est particulièrement riche en hydrocarbures dans la fraction <2mn (tab. I-6). Les échantillons AhAh2<2mn et Flavigny ont été choisis pour une étude complète de la matière organique.

Tableau I-7 : Etude complète - AhAh2 Lipides (%) Acides humiques (%) Acides fulviques (%) Humine (%) AhAh2<2mn 3 5 32 60 La matière organique naturelle végétale ne représente qu’une faible partie de la matière organique de l’échantillon AhAh2<2mn. La matière organique mobile (lipides) présente une origine anthropique avec des hydrocarbures issus de pollutions pétrolières. Les substances humiques sont essentiellement d’origine bactérienne. 1 C.Durand (2003) Caractérisation physico-chimique des produits de l’assainissement pluvial. Origine et devenir des métaux traces et des polluants organiques. Thèse à l’université de Poitiers, 268pages.

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Tableau I-8: Etude complète - Flavigny Lipides (%) Acides humiques (%) Acides fulviques (%) Humine (%) Flavigny 2.5 0.1 27.4 70 La matière organique de Flavigny est d’origine végétale et microbienne. La matière organique mobile (lipides) ne présente pas les caractéristiques d’une pollution anthropique. Cependant le très faible pourcentage d’acides humiques, validé par trois repliquats, rend l’analyse complète impossible (IR, ATD). Seules les analyses au niveau moléculaire ont été effectuées sur les acides humiques (Py-GC-SM). 4.3.2 Résultats Une étude complète est réalisée sur les échantillons AhAh2<2mn et Flavigny. Une première étape consiste à étudier les caractéristiques globales des échantillons bruts et des différentes formes de matière organique. Dans un second temps l’étude se porte sur les différentes formes de matière organique au niveau moléculaire. Pour les résultats similaires entre les deux échantillons, seuls ceux du AhAh2<2mn seront exposés. Fractionnement des différentes formes de matière organique La matière organique est extraite et fractionnée selon le protocole décrit précédemment. Les différents compartiments organiques (lipides, acides humiques, acides fulviques et humine) sont isolés et leurs diverses proportions reportées dans le tableau I-9.

Tableau I-9 : Répartition massique des divers compartiments de matière organique. Lipides (%) Acides humiques (%) Acides fulviques (%) Humine (%)

AhAh2<2mn 3 5 32 60 Lipides (%) Acides humiques (%) Acides fulviques (%) Humine (%)

Flavigny 0.6 0.1 29.3 70 La répartition massique des divers compartiments de matière organique montre le caractère atypique de l’échantillon Flavigny avec un très faible taux d’acides humiques. Ce résultat est validé par trois repliquats. La très faible masse d’acides humiques résultant du fractionnement ne permettant pas de réaliser toutes les analyses, seule l’étude moléculaire est effectuée. Etude globale L’étude porte sur les échantillons bruts et sur les acides humiques et l’ humine obtenus après fractionnement des différentes formes de matière organique.

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• L’analyse thermique nous informe sur le taux de matière organique et sur le caractère plus ou moins aromatique ou aliphatique de cette matière organique.

Ainsi, pour le AhAh2 il y a 13,5% de matière organique dans l ‘échantillon brut, 4% dans le concentré d’humine et 38% dans les acides humiques (figure I-13. Pour Flavigny, il y a 2.5% de matière organique dans l ‘échantillon brut.

Figure I-13 : ATD/ATG de l’humine (gauche) et des acides humiques (droite) du AhAh2 Les pics exothermiques à 300 et 390°C sont caractéristiques de transformation de la matière organique. On observe un seul pic pour l’humine (caractère plus aliphatique) et deux pour les acides humiques montrant une nature aliphatique et aromatique de la matière organique.

• La spectroscopie infra-rouge est une des méthodes les plus utilisées que ce soit pour les échantillons bruts, les substances humiques des sols ou des eaux. Les spectres obtenus sont généralement complexes, de nombreuses bandes se superposant. Le tableau I-10 ci-dessous répertorie les nombres d’ondes des principales bandes IR (liées à des structures aromatiques ou minérales) susceptibles d’être détectées.

Tableau I-10: Principales bandes IR observées lors de la caractérisation de la MO

1.855%

5.751%

7.403%

303.91°C

572.14°C 0.02

0.04

0.06 Deriv. Weight (%/°C)

-0.04

-0.02

0.00

0.02

0.04

Temperature Difference (°C/mg)

92

94

96

98

100

Weight (%)

0 200 400 600 800 1000 Temperature (°C)

Sample: Husiarv Size: 28.8620 mg Method: 5°/min;900°C air Comment: sous Air

DSC-TGA File: C:...\air-v\Bureau\HUsiarv2a Operator: hervé Run Date: 2007-04-18 13:57 Instrument: SDT Q600 V8.3 Build 101

Exo Up Universal V4.1D TA Instruments

7.464%

23.35%

46.04%

295.15°C 395.12°C

0.05

0.10

0.15 Deriv. Weight (%/°C)

-0.10

-0.05

0.00

0.05

0.10

0.15

Temperature Difference (°C/mg)

40

60

80

100

Weight (%)

0 200 400 600 800 Temperature (°C)

Sample: AHsiarv Size: 17.5940 mg Method: 800°C 5°min air Comment: sous Air

DSC-TGA File: C:...\air-v\Bureau\AHsiarva Operator: herve Run Date: 2007-04-05 13:58 Instrument: SDT Q600 V8.3 Build 101

Exo Up Universal V4.1D TA Instruments

Groupements fonctionnels Nombres d'onde (cm-1)O-H 3400-3300

COOH 2700-2500, 1730-1720, 1220-1180COOR 1760

C-H 2960 et 1380 (CH3), 2940 et 1460(CH2)C-O 1100-1000 (sucres), 1150-1280 (phénols, acides)

N-C=O 1660 (amide 1), 1550 (amide 2)C=O, φ-C=O 1660-1630

Acide borique 3212, 2260, 1450, 1194, 548Bicarbonate de sodium 2541, 1920, 1695, 1618, 1307, 1000, 837, 696Carbonate de sodium 1440, 880

Nitrate de sodium 1385, 838Acide phosphorique 1007, 490

Acide silicique 1093, 964, 798, 468Acide sulfurique 1288, 1176 1071, 1012, 889, 852, 617, 577, 455Sulfate de sodium 1122, 640, 608

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Figure I-14 : IR des échantillons bruts de Flavigny (traits pointillés) et du AhAh2 (trait plein)

L’infra rouge ne permet pas de différencier les deux échantillons bruts de part la présence importante des pics relatifs à la fraction minérale.

Figure I-15 : IR de l’humine (gauche) et des acides humiques (droite) de AhAh2

Pour les échantillons d’acides humiques et d’humine l’interprétation reste difficile (figure I-15). En effet, la présence de molécules organiques et minérales entraîne la superposition de nombreuses bandes de vibration. Ainsi, la bande fine située à 3621 cm-1 correspond aux vibrations d’étirement des liaisons AlAlOH, attribuée aux smectites. La fine bande à 695 cm–1 pourrait être associée à la déformation des liaisons Si-O. La bande large et intense située vers 3360 cm–1 est due à la vibration de liaisons OH, mais avec des origines diverses. Ces bandes peuvent provenir d’eau adsorbée ou des liaisons alcools de la matière organique. Les deux bandes situées vers 2920 et 2845 cm-1 correspondent aux vibrations d’étirement des liaisons C-H de la matière organique aliphatique. Les bandes de déformation étant très peu visibles. La bande très intense ayant pour nombre d’onde 1036 cm-1 correspond probablement à de la matière organique, notamment des liaisons C-O (esters, alcools, éthers, également polysaccharides). Enfin les deux bandes à 1996 et 1874 cm-1 présentes dans l’humine peuvent être les harmoniques des aromatiques situés à des nombres d’onde < 1000 cm-1. On pourra noter aussi

60.0

4000.0 300

0 2000 150

0 1000 600.

0 30.0

35

40

45

50

55

cm-1

%T

6

4000.0 3000 2000 1500 1000 600.08.010

15

20

25

30

35

40

46.3

cm-1

%T 3620.8 2925.9

2514.3

2362.11999.0

1873.21795.3

1656.8

1454.11034.6

877.5

793.6

700.7

3359.1

4000.0 3000 2000 1500 1000 600.044.0

50

55

60

65

70.0

cm-1

%T

3624.83285.5

2366.3

1662.1

1520.91456.0

1036.9

793.5693.2

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que la bande intense située à 794 cm-1 peut être due soit à des aromatiques, soit à la présence de quartz. La principale différence entre les deux échantillons réside dans la présence d’une large bande à 1454 cm-1 dans l’humine, indiquant la présence de carbonates. Etude moléculaire

• Après fractionnement chimique, les principales molécules identifiées dans les lipides et les substances humiques sont des hydrocarbures linéaires et des acides gras. La distribution des lipides neutres acides et polaires est identique pour les deux bassins, cependant le AhAh2<2mn présente une concentration en lipides totaux 4 fois supérieure à celle de Flavigny avec 25763 mg/kg de lipides totaux (tab. I-11).

Tableau I-11 : Distribution des lipides dans les sédiments des 2 bassins

Lipides neutres (%) Lipides acides (%) Lipides polaires (%) AhAh2<2mn

(mg/kg sédiment sec) 16889 (65.5%) 5016 (19.5%) 3856 (15%)

Flavigny (mg/kg sédiment sec 4277 (65%) 1316 (20%) 997 (15%)

- Hydrocarbures aliphatiques Les hydrocarbures aliphatiques (HC) sont des molécules ubiquistes dans les systèmes environnementaux. Les alcanes et les alcènes sont présents dans les organismes vivants procaryotes et eucaryotes en tant que dérivés issus d’acides gras. Les HC identifiés dans la nature sont généralement composés d’une chaîne linéaire de 1 à 40 atomes de carbone à laquelle peuvent être rattachés un ou plusieurs groupements méthyle. On différencie les alcanes qui sont des HC saturés et les alcènes qui comportent des insaturations. Pour les HC ramifiés mono-méthylés, le groupement fonctionnel est le plus souvent en bout de chaîne, on distingue alors les hydrocarbures iso- et antéiso- (figure I-16).

Alcane iso- Alcane antéiso Figure I-16: Ramifications de type iso et antéiso

Leur distribution au sein d’un échantillon (tel un bassin de rétention) est révélatrice de leur provenance. Les alcanes substitués par un groupement méthyle sont majoritaires chez les insectes, alors que les n-alcanes impairs sont majoritaires chez les végétaux supérieurs. Les HC d’origine bactérienne comportent quant à eux de 13 à 31 atomes de C sans parité marquée. Les hydrocarbures linéaires et ramifiés sont très abondants dans les produits pétroliers et leurs dérivés. Une pollution au gas-oil se caractérise par une distribution en n-alcanes sans parité

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marquée, allant du C13 au C24, avec des maxima pour le phytane et le pristane (qui sont tous deux des hydrocarbures isoprénoïques), ainsi que pour le C17 et le C18 . Les n-alcanes issus des huiles pour moteurs sont identifiés dans une gamme allant du C25 au C36 sans parité marquée. D’autres variables peuvent être prises en compte pour la caractérisation des origines de la MO. Ainsi, sur les chromatogrammes obtenus en CPG, un important massif de pic peut être observé. Ce dernier est nommé UCM (Unresolved Complex Mixture) et est constitué d’un mélange d’alcanes ramifiés, cycliques ou aromatiques, résistant à la biodégradation et s’accumulant dans les sédiments. Un UCM situé dans la gamme C13-C22 est typique d’une pollution aux carburants diesels, alors qu’un UCM dans une gamme supérieure à C23 est caractéristique d’une pollution venant des huiles moteurs et lubrifiants.

Figure I-17 : Chromatogramme des hydrocarbures du AhAh2.

Les HC identifiés dans l’échantillon AhAh2 (figure I-17) sont sans parité marquée de C10 à C32 avec comme produits majoritaires les HC C17 et C18. Un fort UCM (C20-C32) caractérise cet échantillon. Une pollution d’huile de moteur et de diesel est donc à signaler dans ce bassin. Aucune pollution de ce type n’est à noter pour Flavigny. Dans la fraction neutre où se trouvent les HC, des esters naturels d’acides gras principalement méthyliques et éthyliques sont également identifiés avec une distribution majoritairement paire pour les esters méthyliques et impaire pour les esters éthyliques ayant 15 à 19 atomes de carbones (maximum pour C17). Les esters méthyliques détectés dans les fractions neutres ont une origine naturelle avec un mode long typiquement végétal. - Acides gras Dans cette catégorie de composés, au sein des lipides, les acides monocarboxyliques sont majoritaires, les acides dicarboxyliques étant souvent des métabolites de ces derniers. La plupart des acides gras identifiés dans les milieux naturels sont constitués d’une chaîne linéaire possédant de 2 à 80 atomes de carbone et majoritairement de 12 à 24 atomes de carbone (on parle alors d’acides à longue chaîne), les composés pairs étant prédominants. Leur distribution peut être spécifique de leur origine. Les acides palmitique et stéarique sont ubiquistes et souvent majoritaires. Les acides longs et pairs (ainsi que les acides mono-, di- et polyinsaturés) sont caractéristiques d’une origine végétale. Ils sont présents dans les cires cuticulaires des végétaux supérieurs. Les acides gras d’origine bactérienne ne possèdent pas plus de 20 atomes de Carbone et leur distribution ne présente pas de parité marquée. La présence des acides iso- et antéiso- en C15, C17, et C19 est également caractéristique d’une source bactérienne. Dans cette étude, seuls les monoacides seront caractérisés.

UCM

Diesel Huile

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33

L’étude de ces composés dans les bassins de rétention ne fournit que des informations sur le caractère naturel de la matière organique, leur présence étant rarement liée à des origines anthropiques.

Figure I-18 : Fragmentogramme m/z 74 des lipides de AhAh2 et Flavigny

La distribution des acides gras identifiés sous forme d’esters méthyliques linéaires présents dans les lipides est donnée sur la figure I-19. Ils sont très majoritairement pairs avec un

C16

C18

C26

C25

C24

C17 C19

C20

C21

C22

C23

C14

C15i C15

C15a C17i C17a

C17

C16

C28

C27 C29

C30

C32 C31

RT: 0,00 - 64,01

0 5 10 15 20 25 30 35 40 45 50 55 60Time (min)

0

10

20

30

40

50

60

70

80

90

100

Rela

tive

Abun

danc

e

30,37

34,10

26,09

28,21

43,7137,51 40,83 46,4721,45 49,05 52,0119,29 56,1210,93 16,65 62,068,275,94

NL:5,56E6m/z= 73,5-74,5 MS 230507FP(2)

C16

C15

C14

C12 C13C11C17

C18

C20

C22

C24

C26

C28

C30

C32

Bactérien

Végétal

RT: 0,00 - 64,01

0 5 10 15 20 25 30 35 40 45 50 55 60Time (min)

0

10

20

30

40

50

60

70

80

90

100

Rela

tive

Abun

danc

e

30,37

34,10

26,09

28,21

43,7137,51 40,83 46,4721,45 49,05 52,0119,29 56,1210,93 16,65 62,068,275,94

NL:5,56E6m/z= 73,5-74,5 MS 230507FP(2)

RT: 0,00 - 64,01

0 5 10 15 20 25 30 35 40 45 50 55 60Time (min)

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Rela

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43,7137,51 40,83 46,4721,45 49,05 52,0119,29 56,1210,93 16,65 62,068,275,94

NL:5,56E6m/z= 73,5-74,5 MS 230507FP(2)

C16

C15

C14

C12 C13C11C17

C18

C20

C22

C24

C26

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C30

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Bactérien

Végétal

C16

C15

C14

C12 C13C11C17

C18

C20

C22

C24

C26

C28

C30

C32

Bactérien

Végétal

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maximum en C16 et sont identifiés du C11 à C32 caractérisant une origine végétale. Les acides ramifiés iso et antéiso en C15 et C17 sont également identifiés et sont d’origine bactérienne. Une étude semi quantitative montre une part végétale plus importante pour Flavigny.

Figure I-19 : Fragmentogramme m/z 74 de l’acide humique du Siarv2 La matière organique anthropique est donc exclusivement présente dans la fraction lipidique. Protocole analytique L’étude complète de la matière organique a montré que seule la fraction lipidique présentait des molécules anthropiques. Pour le suivi futur de la matière organique de tels échantillons nous proposons un protocole analytique plus court alliant gain de temps et précision.

• Avant fractionnement les échantillons doivent être caractérisés au niveau moléculaire par pyrolyse couplée à la chromatographie en phase gazeuse et à la spectrométrie de masse. Les pyrogrammes obtenus pour Flavigny et Siarv2<2mn sont présentés sur les figures I-20 à I-22pour illustrer notre propos.

Figure I-20 : Pyrogrammes à 200°C

C8 C9 C15 iC17

C17 C18:1

C18

aC17

C10

C12 iC15

aC15

C16

C11

C14

C7

C13

i,aC13

i,aC14

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35

Une première pyrolyse à 200°C permet de caractériser la matière organique la plus labile et ainsi de différencier les deux échantillons. Contrairement au Siarv2<2mn, Flavigny ne présente aucun UCM caractéristique d’une pollution pétrolière.

Figure I-21 : Pyrogrammes à 600°C

Les échantillons traités à 200°C sont ensuite pyrolysés à 600°C pour étudier la matière organique plus complexe. Seules quelques molécules diffèrent d’un échantillon à l’autre. Aucune molécule anthropique n’est identifiée, les substances humiques ne sont donc pas ou peu anthropiques. La présence d’activité bactérienne est révélée par la présence dans les deux échantillons des acides carboxyliques iso et antéiso C15 (figure I-22).

Figure I-22 : Fragmentogramme m/z 60 des acides carboxyliques du siarv2 pyrolysé à 600°C. La pyrolyse multishot permet de différencier les échantillons et de localiser la pollution organique.

C12

C13

C14 C15 a,i

C15

C16

C17

C18

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36

• Après caractérisation par pyrolyse les échantillons seront extraits et leur fraction

lipidique analysée quantitativement et qualitativement. 4.3.3 Conclusion Les résultats de deux doctorats précédents et de cette étude sur la caractérisation de la matière organique des bassins de rétention montrent que la matière organique anthropisée est située dans la phase lipidique dite mobile alors que les substances humiques sont d’origine naturelle. Pour des études ultérieures il faudra donc après une caractérisation fine de la matière organique (lipides et substances humiques) effectuer un suivi de la fraction lipidique. Pour le suivi futur de ce type d’échantillons la technique de pyrolyse multi-shot permettra une étude rapide des molécules organiques présentes. Les échantillons présentant des signes d’anthropisation devront être par la suite analysés par extraction et caractérisation de la fraction mobile lipidique. 5. Etude des platinoïdes dans les sédiments de l’assainissement routier 5.1 Introduction La caractérisation de la pollution métallique chronique associée aux infrastructures de transport et son devenir dans l'environnement est relativement bien connue depuis la fin des années 1990 notamment grâce aux travaux du LCPC (Legret, 2001) et des études parallèles menées dans d'autres pays (Hamilton et al., 1994 ; Piguet, 2007). Cette pollution se retrouve ainsi plus ou moins largement dispersée dans l'environnement routier : sols, sédiments d'assainissement, végétaux, air et milieu aquatique de surface. En Europe, depuis les années 1990 un changement majeur a cependant eu lieu ; il concerne la suppression progressive, puis définitive en 2000, du plomb sous forme tétraethyl ou tetra methyl, de l’essence où il demeure présent en traces. Cette suppression souvent associée à une problématique environnementale et sanitaire, notamment en milieu urbain, est en fait liée à une évolution technologique, l’introduction du pot catalytique dont l'objectif est de diminuer l'émission du monoxyde de carbone (CO), des hydrocarbures non brûlés et pour les véhicule à essence du monoxyde d'azote (NO). En effet la présence de plomb dans l'essence comme celle du soufre réduit de manière importante la durée de vie de ces pots. L'essence sans plomb utilise des additifs de substitution du plomb, MTBE (methyl tertiary butyl ether) et ETBE (ethyl tertiary butyl ether). L’introduction de ces nouvelles technologies n’est cependant pas sans conséquences et a entraîné l'émission de ces composés dans l'environnement à partir des sources de transport routier (Poulopoulos et Philippopoulos, 2000 ; Achten et al, 2001; Piguet, 2007). Le MTBE est ainsi listé comme substance prioritaire, classification soumise à révision en vue de sa possible identification comme substance dangereuse prioritaire dans la directive cadre sur l'eau (directive 200/60/CE). Le présent article se focalise sur les émissions liés aux pots catalytiques mais il sera important de s'intéresser dans un futur proche à la présence des composés MTBE dans l'air et dans les eaux de ruissellement. L'efficacité des pots catalytiques repose sur la présence d'éléments aux propriétés catalytiques; il s'agit de métaux précieux, les platinoïdes ou éléments du groupe du platine (EGP) tels que le platine (Pt), le palladium (Pd) ou le rhodium (Rh). Ces éléments sont

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37

présents à hauteur de 1,5 à 3 g d’EGP par pot (Barefoot, 1997; Palacios et al.,2000b). La circulation de gaz chauds dans le système provoque l'abrasion des pots et l'émission de métaux dans l'environnement en quantités relativement faibles et liées aux conditions de circulation et à l'âge du catalyseur. Ces émissions d’EGP, essentiellement particulaires, varient de quelques nanogrammes (ng) à quelques centaines de nanogrammes par kilomètre pour le platine, le palladium et le rhodium (Palacios et al., 2000a, Sutherland et al. 2008). On retrouve ainsi des EGP issus des pots catalytiques dans tous les compartiments de l'environnement l'air, les poussières, les sédiments, les sols et les végétaux principalement à proximité du trafic routier et des zones urbaines (tableau I-12). Cette mise en évidence a commencé aux Etats Unis où les premiers pots catalytiques ont été mis en service à la fin des années 70 (Tillery et Johnson, 1975). Il faut cependant attendre la fin des années 80 pour voir les premières études de caractérisation de la pollution environnementale à partir des EGP (Hodge et Stallard, 1986; Wei et Morison, 1994) et principalement en Allemagne (Zereini et al., 1997). En France les premières études datent du début des années 2000 (Ammossé et Delbos, 2002 ; Tankari Dan-Badjo et al. 2008). Dans les années 2000 la recherche des EGP dans l'environnement est devenue systématique dans de nombreux pays (Wang et Sun, 2009; Prichard et al., 2008; Zereini et al., 2007, Wichman et al 2007, Jackson et al., 2007). Récemment, Tankari Dan-Badjo et al. (2008) ont caractérisé l'impact des retombés d’EGP sur des cultures agricoles. L’augmentation des concentrations en EGP mesurées dans l’environnement en Europe depuis le milieu des années 1990, s’accompagne également d’une évolution des rapports élémentaires de ces EGP (Pt/Pd et Pt/Rh) liée à l’augmentation de l’usage du Pd par rapport à celui du Pt dans les pots Pt/Rh (véhicules à essence) et du nombre de pot Pt avec la diésélisation du parc automobile, et tout particulièrement en France, (Palacios et al., 2000a, Zereini et al., 2007).

Tableau I-12 : Concentrations en platine et palladium dans des matrices environnementales (d’après Jackson et

al., 2007 complété par Laschka et Nachtwey, 1993 ; Laschka et al., 1996 ; Alt et al., 1997)

Matrice Unités N a Platine Palladium Min Moy. Max Min Moy. Max Emissions en sortie de catalyseur µg m-1 6 - 4 10-5 - - 2,8 10-5 - Particules en suspension dans l'air µg m-3 368 6 10-7 6 10-6 5,7 10-5 8 10-7 1 10-5 1,51 10-4 Poussière routière ppbb 223 0,4 128,3 2252 0 106,4 556,3 Sols ppb 277 0 20,3 330 0 18,8 125,9 Herbes ppb 5 1,2 5,1 17 1,2 2,9 8,6 Sédiments dans avaloirs ppb 23 3,5 8 155 - - - Boues de STEP ppb 121 <ld 63,3 266 <ld 35,8 560 Poussière d'incinération ppb 8 60,9 - 393 161 - 2360 Sédiments de rivières et lacustres ppb 33 1 24,1 103,8 0,1 11,7 61,2 Sédiments marins ppb 14 0,1 4,2 12,5 0,5 11,8 39,9 Eau de rivière µg L-1 11 0,0102 4,62 34,6 0 0,939 5,9 Eau de mer ng L-1 - 0,0001 0,332 0,04 Ruissellement routier ng L-1 - 15 117 1600 - - - Eau de pluie ng L-1 - 0,08 74,5 Eau potable ng L-1 - 0,1 a N représente le nombre d’échantillons utilisés pour définir les statistiques b ppb = µg/kg Le tableau I-12 présente une synthèse de données environnementales sur la présence du Pt et Pd dans différentes matrices environnementales. La concentration moyenne en Pt et Pd dans

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38

les sols naturels varie en fonction de la géologie locale mais est globalement du même ordre de grandeur que celle de la croûte terrestre (0,4 µg/kg d’après Wedepohl, 1995) et est généralement inférieure à 4 µg/kg en Pt et 1,54 µg/kg en Pd (Ely et al., 2001). En raison des faibles concentrations environnementales en EGP un grand nombre de publications a été consacré, depuis le milieu des années 90, aux techniques analytiques permettant d'atteindre ces concentrations (Rao et Reddi, 2000; Reddi et Rao, 1999; Barefoot, 1997) ainsi qu'aux techniques de mise en solution des échantillons solides (Balcerzak, 2002). En raison de ces faibles concentrations l'analyse des matrices environnementales nécessite souvent une phase de pré-concentration et de séparation matricielles. Les principales techniques qui sont couramment utilisées pour l'analyse des EGP dans une gamme de concentration sub-ppm (mg/kg) sont : la spectrométrie d'absorption atomique par four graphite (GF-AAS), la torche à plasma couplée avec la spectrométrie d'émission atomique (ICP-AES) ou la spectrométrie de masse (ICP-MS) et l’analyse par activation neutronique (NAA). L'ICP-MS, est parmi les techniques les plus couramment répandues, celle qui permet d'atteindre l'analyse des traces avec une limite de détection de l'ordre du ppt (ng/kg) mais des problèmes d'interférences existent (Whiteley, 2005) tout comme pour l'ICP-AES. Ces interférences rendent difficile l'utilisation directe de ces deux techniques à leur limite de détection théorique. La GF-AAS présente également de nombreuses interférences qui peuvent être corrigées en partie par les corrections deutérium ou Zeeman. Pour toutes ces techniques il est donc important de précéder l’analyse d’une phase de pré-concentration qui permet d’abaisser la limite de détection, et de séparation matricielle, qui permet d’éliminer les interférences. Différentes méthodes on été passées en revue dans la bibliographie (Kinahan, 2008). Elles peuvent être regroupées en 4 techniques : précipitation/co-précipitation, extraction liquide/liquide, extraction en phase solide, méthode par échangeur d'ion (Vlasankova et Sommer, 1999 ; Rao et Reddi, 2000). L’autre étape sensible de la détermination des EGP dans les matrices solides concerne la mise en solution (Balcerzak, 2002). Là également différentes méthodes existent : essai pyrognostique qui est une technique historique en géochimie minière utilisant soit un collecteur de sulfure de nickel soit de plomb (Juvonen et al, 2004), la chlorination, la dissolution acide et la fusion (Balcerzak, 2002; Reddi et Rao, 1999). Il est ainsi possible de séparer 1) les techniques de mise en solution, 2) les techniques de pré-concentration/séparation matricielle et 3) les techniques analytiques. Dans le cadre de la présente étude, différentes méthodes de minéralisation utilisant de l’eau régale ont été testées. Le choix de la technique de pré-concentration s’est porté sur une cartouche d’extraction en phase solide dont la commercialisation a débuté en 2006. La technique analytique choisie est la spectrométrie d’absorption atomique par four graphite (GF-AAS), technique courante et moins coûteuse que l’ICP-MS. Cet article présente donc les tests réalisés en laboratoire pour chacune des 3 phases listées ci-dessus et l’application de la technique optimisée sur des échantillons prélevés en environnement routier. 5.2 Expérimentations 5.2.1 Instrumentation Un spectromètre d’absorption atomique Varian/deutérium GTA 120 avec passeur automatique et tubes graphite partitionnés. Les sources lumineuses sont des lampes à cathode creuse de haute fréquence spécifiques au Pt et Pd alimentés à 10 mA. La longueur d’onde est de 265,9 nm pour Pt et de 247,6 nm pour Pd

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avec une largeur de fente de 0,5 nm. Le signal de mesure correspond à la surface du pic. Une optimisation du programme de montée en température a été effectuée. 5.2.2 Extraction en phase solide Les micro-colonnes utilisées pour l’extraction sont des DIGISEP PM-07 et DIGISEP PM-022 commercialisées par la société SCPScience. Elles sont constituées d’un agent organique complexant fixé sur un gel de silice (60-100 mesh) et sont vendues pour retenir spécifiquement Au(III), Ag(I), Ir(III), Pd(II), Pt(II, IV), Rh(III) et Ru(III). Ces colonnes sont tout d’abord lavées, l’échantillon est introduit, la colonne est lavée pour éliminer les interférents matriciels, éluée pour libérer les EGP puis de nouveau lavée. La solution de lavage est une solution acide d’HCl 0,1M. L’éluant est une solution de thiourée à 1M et d’HCl à 0,1M. Le volume final de la solution contenant les PGE est de 9 ml. Les colonnes peuvent être utilisées plusieurs fois consécutivement après lavages successifs. Les micro-colonnes avant d’être activées doivent être conditionnées par différents passages d’acide et d’éluant. 5.2.3 Réactifs Tous les réactifs sont de qualité analytique et l’eau utilisée pour les préparations est de l’eau déionisée. Des solutions standard (Merck Certipur ) à 1 g L-1 ont été utilisées pour le Pt et le Pd. 5.2.4 Préparation des échantillons Afin de déterminer les performances de la technique analytique et de la technique d’extraction, des solutions synthétiques de Pt et de Pd ont été confectionnées par dilution de solutions étalons. Les résultats des tests statistiques sont présentés dans les tableaux I-13 et I-14. Quelle que soit la concentration testée le rendement d’extraction pour le platine est supérieur à 85% avec des pré-concentrations de l’ordre de 480 %. Les essais réalisés en utilisant différentes concentrations de départ (3 et 10µg/L) et différentes colonnes (PM-02 et PM-07) sont relativement proches et ne mettent pas en évidence de différences d’extraction liées à ces paramètres. Le facteur limitant la pré-concentration, selon SCPScience, est de ne pas dépasser 10% de la capacité de liaison de la Digisep qui est de l’ordre de 0,1 à 0,3 mol/g de DIGISEP. La procédure globale d’analyses des matrices solides a été validée par analyse du BCR-723, seul matériau environnemental de référence disponible sur le marché et certifié pour sa teneur en Pt (81,3 +/-4,60 µg/kg) et Pd (6,0 +/-2,19 µg/kg). Ce matériau, des poussières routières, a été prélevé dans un tunnel autrichien en 1998 (Zischka et al., 2002 ; Sutherland, 2006). Le choix de la solution de minéralisation s’est porté sur l’eau régale (mélange d’HCl et d’HNO3) car elle donne des résultats satisfaisants (Sutherland et al., 2008). Après différents essais de minéralisation (à 125°C en milieu ouvert dans un réacteur CEM, à 180°C en milieu ouvert dans un behrotest ), la mise en solution par four micro-onde a été retenue (2 appareils ont été testés, le Multiwave d’Anton Paar et l’ETHOS 1600 de thermoelectron). La prise d’essai d’échantillon a été fixée à 1,0 g. L’eau régale constituant un milieu fortement oxydant, il est nécessaire afin de préserver l’intégrité de la micro-colonne de réaliser une mise à sec de la solution de minéralisation puis sa reprise par de l’HCL 0,1M. 2 Les colonnes DIGISEP PM-07 et PM-02 sont théoriquement identiques

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40

Afin de pouvoir analyser de façon satisfaisante un échantillon, sa teneur en EGP après passage sur la micro-colonne doit être supérieure à la limite de quantification de la technique analytique soit 10µg/L pour le platine et 5µg/L pour le palladium. Ces concentrations sont atteintes par passage successif de plusieurs volumes du même échantillon pour les sols et pour les solutions synthétiques, ce qui a pour effet de cumuler la masse d’EGP dans la micro-colonne avant élution et donc dans la solution d’élution. Cette procédure a bien entendu une limite opérationnelle en raison de la durée de l’essai et du nombre de mise en solution nécessaire pour dépasser la limite de quantification.

Tableau I-13 : Performances analytiques de la GF-AAS pour le platine et le palladium dans les conditions expérimentales (solutions synthétiques).

Platine Palladium Gamme de concentration 0 – 100 µg/L 0 – 40 µg/L Calibration de l’appareil Hauteur de pic Hauteur de pic Courbe d’étalonnage second degré global linéaire Coefficient de corrélation 0,99976 0,9994 Limite de quantification 10 µg/L 5 µg/L Répétabilité Incertitude

4,7% (à 10µg/L) 1,7% (à 40 µg/L) 5,3% (à 40 µg/L)

N.d.

Les essais réalisés sur le matériau de référence BCR-723 permettent de calculer une concentration moyenne en platine de 55,1 µg/kg ±23, 4% (coefficient de variation). Cette valeur correspond à un rendement d’extraction moyen de 0,7 ± 24% pour le platine (n=12). Le rendement le meilleur étant de 0,91 et le plus faible de 0,44. Ce rendement très variable dépend essentiellement de l’historique de la colonne, du nombre de fois qu’elle a été utilisée et de la masse de la prise d’essai cumulée d’un même échantillon. Cette variabilité englobe également celle associée aux différents modes d’extraction. Une des limites de la micro-colonne repose en effet sur son défaut de sélectivité en raison de la compétition entre les EGP, le Pb2+ et le Cu2+ vis à vis des sites d’adsorption des métaux dans la micro-colonne. Ces deux éléments étant présents à des concentrations importantes dans le BCR (Pb : 866 mg/kg ; Cu : 226 mg/kg), on peut supposer qu’ils sont la cause des rendements d’extraction les plus faibles. Des essais (analyses du Pb et Cu avant et après passage sur la colonne) sont en cours afin de préciser ce point. Il est clair que le passage successif et/ou cumulé de solution de minéralisation sur les micro-colonnes entraîne une baisse de rendement significative. Ainsi une prise d’essai cumulée de 4 g de BCR-723 passée sur une colonne ayant déjà connu 9 passages d’échantillon fournit un résultat final de 37 µg/kg, soit un rendement d’extraction de 45,9 %. Le passage d’échantillons concentré est donc une des limitations d’usage de la colonne par rapport à

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41

une analyse en GF-AAS, l’idéal serait d’utiliser l’ICP-MS qui permet d’atteindre des limites de quantification bien meilleure (0,2 µg/L contre 10 µg/L). Sur la base de ces essais, la durée de vie (avant diminution significative du rendement d’extraction) des micro-colonnes peut être estimée à 5 passages de solution de minéralisation d’1g d’un échantillon du même type que le BCR-723. Tableau I-14 : Performances de la procédure d’extraction et de pré-concentration en utilisant les colonnes

DIGISEP DIGISEP PM-07 DIGISEP PM-02 Solution synthétique à 3 µg/L de platine Facteur de pré-concentration a Rendement d’extraction moyen b

383 % 0,87

375% 0,85

Solution synthétique à 10 µg/L de platine Facteur de pré-concentration a Rendement d’extraction moyen b

395% 0,90

376% 0,86

a facteur de pré-concentration = 100 x (concentration analysée après pré-concentration/concentration théorique)

b Rendement d’extraction = concentration analysée après extraction/ concentration cible Des essais croisés ont été réalisés avec un laboratoire reconnu pour l’analyse des EGP dans les matrices environnementales (Laboratoire X) qui a analysé le BCR-723 en aveugle (Tableau I-15). Dans ce laboratoire, après minéralisation à l’eau régale en four micro-onde (Thermoelectron Ethos 1600), les échantillons sont analysés par ICP-MS (VARIAN 810 UltraMass) en utilisant des étalons internes. Les limites de quantification sont de 5µg/kg pour chaque élément (platine, palladium, rhodium), la précision est de 30% jusqu’à 25 µg/kg puis de 15% au-delà. Ces essais montrent clairement une forte surestimation des concentrations mesurées par ICP-MS pour le Pd et dans une moindre mesure pour le Rh. Ce décalage peut en grande partie s’expliquer par les nombreuses interférences qui rendent les résultats de l’ICP-MS hasardeux sans utilisation d’une technique de séparation des EGP ou d’une cellule de collision préalable à l’analyse (Rauch et al., 2000 ; Schwesig et Rübel, 2005). Ainsi Schwesig et Rübel (2005) ont illustré ce problème en réalisant des analyses ICP-MS du BCR-723 (après minéralisation à l’eau régal) sans correction et après passage sur une résine échangeuse d’ion ; les concentrations analysées (Mesure sans correction/ mesure après séparation en µg/kg) sont de 82,8± 6,9 / 80,9± 2,3 pour le Pt, 240± 200 / 5,2± 0,8 pour le Pd et 46,8± 4,8 / 15,3± 2,8 pour le Rh. Les résultats obtenus par le couplage micro-colonne/GFAAS sont globalement satisfaisants indiquant la bonne aptitude de cette procédure pour la détermination des concentrations en platine et palladium dans une matrice environnementale telle que les poussières de tunnel routier.

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42

Tableau I-15 : Analyses de platine (Pt), palladium (Pd) et rhodium (Rh) réalisées sur le matériau de référence BCR-723 dans le cadre de cette étude

BCR-723 (µg/kg) Platine (Pt) Palladium (Pd)

Rhodium (Rh)

Valeur cible/ CVa 81,3 ± 5,7 % 6,0 ± 36,5% 12,8 ± 12,4 LROP - globalité des essais

Concentration ± CVa

Rendement -essais sur colonnes « neuves »

Concentration ± CVa

Rendement

56,6 ± 22,8 % (n = 11) b

69,6% 69,7 ± 10,9% (n = 6) b

85,7%

5,5 c

n.d.

Labo X Concentration rendement

75 92,3 %

197 3283,3%

24,1 188,3%

a Coefficient de variation en % b n : nombre d’extractions utilisées dans le calcul c valeur estimée car supérieure à la limite de détection mais inférieure à celle de quantification n.d. = non déterminé

Des analyses ont été réalisées suivant cette procédure sur des échantillons de sols prélevés dans le cadre de la présente opération de recherche en bordure d’infrastructures de transport très circulées (trafic moyen mono-sens de l’ordre de 50 000 véhicule/jour) en région Ile de France et nantaise (tableau I-16). Ces résultats témoignent de concentrations relativement élevées pour les EGP et d’une décroissance relative des concentrations en Pt et Rh en s’éloignant de l’axe de la route (Figure I-22, données du Laboratoire X). Ces résultats sont cohérentes avec les données de la bibliographie (Zereini et al., 2007 + tableau I-12). Les concentrations en palladium ne montrent pas cette tendance et restent relativement stables à plus de 50 m du bord de la route. Même si un comportement particulier du Pd a déjà été mis en évidence (Hooda et al., 2007), il semble également que l’analyse du Pd par ICP-MS reste problématique (cf plus haut). L’écart entre les concentrations mesurées par les techniques micro-colonne/GFAAS et ICP-MS pour le Pt est en moyenne de 40%.

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Tableau I-16 : analyses de Pt, Pd et Rh réalisées sur différentes matrices environnementales dans le cadre de cette étude. Le trafic moyen approximatif par sens circulé est indiqué.

(µg/kg) LROP Labo X Pt Pd Pt Pd Rh

SOLS RN186 (50 000 véh/jour) (1 m de la glissière)

1 2 3

115,1 ± 10,9%a 196,2 ± 12,1% 216

164,4 ± 17,1% 159,7 151,2

200 248 375

170 333 541

44,3 38,7 69

A13 (42 000 véh/jour) E1 E2 E3 E5 E6 E7 E8 Fossé non entretenu

nd nd nd nd nd nd nd 179,6

52,43 nd nd nd nd nd nd nd

41,7 10,3 <5 <5 <5 <5 <5 nd

56 27,5 36,7 42,6 34 27,6 41,5 nd

14 7,73 <5 <5 <5 <5 <5 nd

N104 (70 000 véh/jour) Fossé entretenu

139

nd

nd

nd

nd

SEDIMENTS A12 (60 000 véh/jour) 118,1 ± 4,1% 115,9 ±

34,1% 193 125 32

A15 (60 000 véh/jour) nd 25,43 51,6 80,7 6,13 RN 844 (75 000 véh/jour) 40 36,4 91 105 19,8

VEGETAUX Rocade sud-est Metz T3 ouest (5 m de la

voie) :chardon N184 (23 000 véh/jour) Ray-gras (biostation)

T1 T2 T3 T4

171 nd nd nd nd

nd nd nd nd nd

nd <5 <5 <5 <5

nd 18,5 7 38 37,6

nd <5 <5 <5 <5

a Lorsqu’un coefficient de variation est présenté, les procédures d’extraction-analyse ont été réalisées au moins 3 fois. nd : non déterminé

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Les concentrations en Pt des différents échantillons (sols et sédiments) sont du même ordre de grandeur alors qu’elles sont plus variables pour le Pd. Comme suggéré par différents auteurs la variabilité des concentrations serait principalement liée à la configuration du site et au type de conduite plus qu’au trafic lui-même (Zeichmaster et al., 2007 ; Hooda et al., 2007). Des analyses d’éléments traces métalliques (ETM) ont également été réalisées sur certains échantillons de sol et sédiment. Les sols marqués par un passif de pollution routière, antérieure à l’usage des pots catalytiques, caractérisés par de fortes concentrations en plomb (A13, RN186, A15, RN184), sont également ceux présentant les plus fortes concentrations en EGP (figure I-24). Par contre le sol prélevé dans un fossé de la N104, présentant un passif moindre en termes de pollution en raison des procédures d’entretien et de recalibrage, est caractérisé par de faibles concentration en plomb (N104) et des concentrations en Pt relativement élevées (figure I-24).

Figure I-23 : Evolution des concentrations en platine (Pt), palladium (Pd) et Rhodium (Rh) en

fonction de la distance à la route (A13, échantillons E1 à E8, cf. tableau 6). A l’exception du Pd (dont les mesures sont entachées de doute) les analyses réalisées par le laboratoire X, les EGP ne sont pas quantifiables (<5 µg/kg MS) dans les végétaux (biostations mises en place en bordure d’infrastructure), ce qui est cohérent avec les résultats publiés par Tankari Dan-Badjo et al. (2008) pour des biostations ray-gras exposées à proximité de la RN 74 en lorraine (Pt : 0,7 ; Pd : 12,4 ; Rh : 1,9 en µg/kg MS). Seul un chardon prélevé en bordure de la rocade sud-est de Metz présente des concentrations élevées en Pt (tableau 6).

0

10

20

30

40

50

60

0 10 20 30 40 50 60 70

Pt (Labo X)Rh (Labo X)Pd (LROP)

conc

entra

tion e

n EGP

(µg/k

g MS)

Distance à la route (m)

Limite de quantification : 5 µg/kg

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0

200

400

600

800

1000

1200

1400

1600

0 50 100 150 200 250Concentrations en Pt (µg/kg MS)

A12-bassinA13RN186RN844-bassinA13-fossé ancienN104-fossé récent

Conc

entra

tion e

n Pb (

mg/kg

MS)

Figure I-24 : Concentrations en plomb et en platine de différents sols et sédiments de bordure de

route. 5.3 Conclusion L’utilisation d’une technique analytique courante au coût d’investissement modérée la GF-AAS donne de bons résultats vis à vis des EGP dans l’environnement routier et principalement dans les matrices solides via l’utilisation de micro-colonnes permettant de concentrer les EGP des échantillons et d’en supprimer les interférents matriciels. Les limites de cette techniques de séparation reposent sur la compétition entres les EGP et certains éléments métalliques vis à vis des sites d’adsorption « spécifiques » de la micro-colonne. Les résultats fournis par l’ICP-MS doivent en ce qui concerne le rhodium et principalement le palladium être pris avec la plus extrême réserve en raison des interférences analytiques difficilement résolues avec les techniques classiques d’ICP-MS (même à haute résolution). La configuration idéale serait d’utiliser les micro-colonnes associées à l’ICP-MS, ce qui résoudrait les limites de sensibilité de la GF-AAS –et donc les problèmes liés à la multiplication des passages sur colonne du même échantillon- et les problèmes d’interférence de l’ICP-MS. Il sera nécessaire par la suite de poursuivre la mise en œuvre de la technique sur les matrices végétales et aqueuses. 6. Conclusions générales Les études de caractérisation menées sur un grand nombre de sédiments de l’assainissement pluvial confirment les travaux précédents à savoir ; ces sédiments sont fréquemment pollués, tant par des polluants organiques hydrocarbures, HAP) que par des métaux. Une typologie des sédiments de fossés et bassins à été réalisée. Concernant les sédiments de fossés, il apparaît que les teneurs en hydrocarbures, Pb, Zn et Cu augmentent avec le trafic

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mais l’influence est peu marquée pour les trafics < 40 000 véhicules/jour. On ne décèle pas d’influence pour Cd, Cr et Ni. L’influence n’apparaît pas non plus pour les sédiments de bassins. D’autres paramètres interviennent tels que l’impluvium routier capté, la nature du bassin, son fonctionnement etc. Par ailleurs, des analyses plus poussées ont été effectuées sur 4 bassins routiers, 2 bassins urbains et 2 balayures de voiries. Ces sédiments seront étudiés dans les différentes parties de ce document de synthèse. La caractérisation de la matière organique montre que la matière organique anthropisée est située dans la phase lipidique dite mobile alors que les substances humiques sont d’origine naturelle. Pour des études ultérieures il faudra donc après une caractérisation fine de la matière organique (lipides et substances humiques) effectuer un suivi de la fraction lipidique. Pour le suivi futur de ce type d’échantillons la technique de pyrolyse multi-shot permettra une étude rapide des molécules organiques présentes. Les échantillons présentant des signes d’anthropisation devront être par la suite analysés par extraction et caractérisation de la fraction mobile lipidique. Enfin, des essais ont été réalisés concernant l’analyse des platinoïdes (Pt, Pd, Rh) dans ces sédiments. L’utilisation d’une technique analytique courante au coût d’investissement modérée la GF-AAS donne de bons résultats vis à vis des EGP dans l’environnement routier et principalement dans les matrices solides via l’utilisation de micro-colonnes permettant de concentrer les EGP des échantillons et d’en supprimer les interférents matriciels. Les limites de cette techniques de séparation reposent sur la compétition entres les EGP et certains éléments métalliques vis à vis des sites d’adsorption « spécifiques » de la micro-colonne. Les résultats fournis par l’ICP-MS doivent en ce qui concerne le rhodium et principalement le palladium être pris avec la plus extrême réserve en raison des interférences analytiques difficilement résolues avec les techniques classiques d’ICP-MS (même à haute résolution). La configuration idéale serait d’utiliser les micro-colonnes associées à l’ICP-MS, ce qui résoudrait les limites de sensibilité de la GF-AAS –et donc les problèmes liés à la multiplication des passages sur colonne du même échantillon- et les problèmes d’interférence de l’ICP-MS. 7. Bibliographie Achten C., Kolb A., Puttman W. (2001). Methyl ter-butyl ether (MTBE) in urban and rural precipitation in Germany. Atmospheric Environment., 35, 6337-6345. Alt F., Eschnauer H.R., Mergel B., Messerschmidt J., Toelg G. (1997). A contribution to the ecology and enology of platinum. Fresenius Journal of Analytical Chemistry ,357, 1013 –1019. Ammosse J., Delbos V. (2002). Dispersion dans l’environnement routier et urbain de Pt, Pd et Rh émis par les pots d’échappement catalytiques. Etude de la spéciation des éléments. C. R. Chimie, 5, 565–570. Bäckström M. (2001). Particle trapping in grassed swales. In Les nouvelles technologies de l’assainissement pluvial, 1, 391- 398, Lyon – Villeurbanne, France. NOVATECH 2001. Balcerzak M. (2002). Sample digestion methods for determination of traces of precious metals by spectrometric techniques. Analytical Sciences, 18, 737-750.

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DEUXIEME PARTIE

EVALUATION DU POTENTIEL DE RELARGAGE DES RESIDUS DE L’ASSAINISSEMENT PLUVIAL ROUTIER ET

URBAIN (RAR) EN POLLUANTS METALLIQUES ET CARACTERISATION DES PHENOMENES DE TRANSFERT

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1. Introduction Cette partie du rapport concerne l’étude du potentiel de relargage en polluants métalliques d’une partie des produits de l’assainissement pluvial étudiés en partie I. Les RAR n’ont pas tous le même devenir. Certains matériaux vont être stockés par les collectivités comme les balayures de chaussées ou les sédiments sur les terrains des services d’exploitation-entretien ou sur des sites de décharge contrôlés après curage dans l’attente d’une ré-utilisation. D’autres tels que les sédiments de bassins non curés vont rester en place dans les ouvrages pour des durées très variables. Du fait du niveau de contamination des produits, leur stockage ou leur maintien en place posent des problèmes liés au fait qu’une infiltration d’eaux polluées par lixiviation ou drainage des matériaux est toujours possible avec un risque de contamination des eaux de surface ou souterraine associé. Un choix de matériaux et de scénarios de mobilisation a été effectué puis des expériences en réacteurs fermés (batch) et en colonne de laboratoire ont été réalisées pour quantifier et comparer la mobilisation des polluants métalliques contenus dans les matériaux et proposer des mécanismes de relargage. L’approche est basée sur une expérimentation en laboratoire avec analyse chimique des ETM et des éléments majeurs et des observations microscopiques (MEB) des lixiviats des matériaux. Un des objectifs secondaires est d’évaluer si le relargage des métaux s’effectue sous forme particulaire colloïdale. Un premier essai de modélisation du relargage des éléments polluants a été réalisé à l’aide du code de transfert réactif (Phreeqc). Un résumé des travaux de simulation de transfert effectué à grande échelle est également proposé. Les personnes ayant contribué à la réalisation de cette étude sont B. Béchet (LCPC), avec le soutien technique de S. Ricordel et les membres du laboratoire de chimie de la division EE ; C. Hébrard du LR de Lille avec l’aide technique de G. Carlier (Master 2) et des techniciens du laboratoire, M. Duc et L. Letellier (LCPC) pour les observations microscopiques, C. Le Guern (BRGM) pour la partie modélisation en colonne de laboratoire et L. Eisenlohr (LR Lyon) avec l’aide de stagiaires de Master 2 (B. Grapton et J. Ré-Bahuaud) pour la modélisation avec le code FeFlow. Ce chapitre est un résumé des travaux effectués sur le thème du transfert. Les différentes études sont disponibles de façon plus détaillée par ailleurs. 2. Point bibliographique La contamination des produits de l’assainissement tant métallique (Zn, Cu, Pb, Ni, Cd Cr, platinoïdes) qu’organique (hydrocarbures, HAP, pesticides, BTEX) n’est plus à démontrer (cf. partie I du rapport). La question du risque de transfert des contaminants a aussi été abordée, généralement de façon assez complète pour des sédiments de bassins d’infiltration : suivi de la qualité de la nappe sous-jacente (Datry et al., 2003), répartition des polluants à l’échelle des bassins (Dechesne et al, 2004), expérimentation au laboratoire (extractions séquentielles, batch, colonne) (Guiné et al., 2003 ; Durin et al, 2007 ; Larmet, 2007), souvent de façon plus partielle pour des produits tels que les balayures de chaussées ou les terres de fossés. Dans ces études, le transfert des métaux trace en association avec des colloïdes minéraux, organiques et/ou biotiques a toujours été mis en évidence, ces particules étant majoritairement présentes dans la fraction inférieure à 0,45 µm. Cependant les expérimentations sont encore souvent menées en conditions saturées et non en conditions de lixiviation en colonne ouverte. Les études de modélisation du relargage à l’aide de codes de transfert réactif sont quant à elles rares. On note par exemple des travaux sur les sols de bord de route (Hanna et al., 2009) et sur les sédiments de curage de canaux (Lions et al., 2007). La modélisation des transferts nécessite l’établissement de modèles géochimiques des matériaux étudiés. La complexité des RAR rend difficile cette étape, seuls quelques auteurs ont proposé une analyse minéralogique fine de ces matériaux (Clozel et al., 2006).

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Les facteurs pouvant influer sur la mobilité des éléments trace métalliques à partir des produits de l’assainissement pluvial sont par référence à ce qui a pu être observé pour des sols de bord de route ou les sols industriels pollués (Delolme et al., 2007) :

- les variations des paramètres physico-chimiques des eaux interstitielles ; - les variations des conditions hydrauliques et hydrodynamiques ; - la présence et le développement d’une flore et d’une faune créant par exemple des

macropores dans les matériaux favorisant les écoulements d’eau et les transferts de polluants.

Les paramètres physico-chimiques varient soit par déversement accidentel de substances modifiant les conditions de pH ou d’oxydo-réduction, ou de substances complexantes avec des métaux (hydrocarbures, sels), soit de façon saisonnière lors des opérations de salage des voiries en hiver ou simplement par variation des conditions hydriques (alternance épisodes de pluie/drainage). 3. Matériaux Quatre matériaux ont été sélectionnés pour les expérimentations sur le transfert : trois sédiments de bassins de rétention et/ou infiltration (Cheviré, Citroën et Lille-G08) et des balayures de chaussée de Lille. A l’exception du sédiment G08, les matériaux sont ceux utilisés dans les autres études de l’opération. 3.1 Sédiment du bassin de Cheviré (zone périurbaine - région nantaise) Le site de prélèvement, en milieu routier périurbain, est décrit dans la partie 2.1.1 du rapport. Il s’agit d’un bassin de rétention-infiltration des eaux de ruissellement du pont nantais le plus circulé (90000 véhicules/jour). Il s’est végétalisé naturellement depuis sa création en 1991. Du fait du caractère infiltrant du bassin, le sédiment subit des alternances de phases oxiques et anoxiques, le temps de re-essuyage étant de 3 à 4 jours après de fortes pluies. Un prélèvement spécifique, d’environ 50 kg, a été réalisé en aval du bassin le 23 avril 2007 après une période de pluies fortes du 28 mars au 16 avril 2007 (hauteur d’eau de 0,2 à 16,4 mm (orage)). Ce prélèvement est effectué avec une pelle en acier inoxydable dans la zone la plus riche en matière organique naturelle du bassin (présence d’une strate herbacée). Après homogénéisation, l’échantillon brut est conservé à 5°C. Le matériau est ensuite préparé pour l’expérimentation. Il est séché à l’air libre avec broyage des mottes au mortier et tamisé à 2 mm. 3.2 Sédiment du bassin de Citroën (site urbain – région parisienne) Le site de prélèvement, en milieu urbain, est décrit dans la partie 2.2.3 du rapport et dans la thèse de F. Pétavy (2007, p.97-98). Le bassin de rétention bétonné, créé en 1975, recueille les eaux de ruissellement des surfaces imperméabilisées de l’entreprise PSA et des routes limitrophes. Le sédiment de Citroën utilisé est échantillonné dans les 2 caisses de 1 m3 constituant un stock prélevé le 21 juin 2006 au cours du travail de thèse de F. Pétavy. Le prélèvement d’origine a été effectué par raclage de la surface totale du bassin sur une épaisseur de 10 cm. Le bassin étant toujours en eau, il ne présente pas de végétation hormis en bordure. Les 25 kg de matériau prélevé dans les caisses sont mélangés et séchés à l’air libre, puis tamisés à 2 mm. 3.3 Sédiment du bassin de Lens G08 (site urbain – région lilloise) Le site de prélèvement est situé dans une zone très urbanisée et industrialisée, à Lens (59).Le prélèvement a été réalisé le 23/05/07.

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3.4 Balayures de chaussée de Sequedin (zone urbaine – région lilloise) Les prélèvements sont décrits dans la partie I du rapport. Les matériaux sont stockés sur le site du LRPC de Lille et un prélèvement de 20 kg est effectué pour les expérimentations. 3.5 Caractérisation physico-chimique et minéralogique des matériaux Les matériaux ont été, soit caractérisés pour cette étude spécifique, soit dans le cadre d’autres études récentes, l’origine des données est notée en référence dans les tableaux ci-dessous. Les études sur la minéralogie des produits de l’assainissement sont rares. A titre illustratif, l’analyse minéralogique du sédiment de Cheviré (plus détaillée dans la partie Modélisation) et de balayures de Bordeaux est proposée dans le tableau II-1. Les tableaux II-2 à II-4 récapitulent les données sur les paramètres physico-chimiques disponibles et la composition chimique des matériaux utilisés dans l’expérimentation.

Tableau II- 1 - Minéralogie du sédiment de Cheviré et des balayures de voirie de Bordeaux Fraction non magnétique métallique ferro-magnétique

Cheviré

Durand C. (2003) Durin B. (2006)

Qz +++ Fd plagioclase + Chlorite + Illite + Kaolinite tr Microcline tr Amphibole tr

Calcite inf à 10%

Oxydes de fer Alliages Pb, Cr, Ni, Cu

Balayures de Bordeaux (à

titre de comparaison)

Durand C. (2003)

Qz +++ Fd +++ Calcite + Chlorite +

Verre non minéral +

Al Fe/Fe2O3 Barytine (BaSO4) Monazite (Ce, La, Th, PO4) Titanomagnétites (Fe2O3, TiO2)

Tableau II-2 - Granulométrie et paramètres physico-chimiques des matériaux

d10 µm

d50 µm

d90 µm pH Conductivité

µS/cm M.V

% COT g.kg-1

Carbonates g.kg-1

Cheviré Cette étude 19 B. Durin, 2006

(<2 mm) 30 7,2 178 14,2 94 0,5 Citroën F. Pétavy, 2007 14 83 610 17 Balayures de Séquedin F. Pétavy, 2007 7 231 3612 M.V : teneur en matière volatile (perte au feu à 550°C) (en % massique) COT : taux de carbone organique total (g.kg-1 de matière sèche)

Tableau II-3 - Concentrations en éléments majeurs des matériaux(* dosage effectué à Nantes) mg kg-1 Al Fe Mn Ca Na Mg K Ba* P* Cheviré Cette étude 60420 40856 343 9030 10727 8703 24227 696 2229 Citroën Cette étude 36255 35214 563 78622 4875 11320 10528 833 1694 Lille G08 Cette étude 6090 31088 487 51979 3528 8898 11395 813 Balayures Séquedin Cette étude 5878 24587 1061 89639 1013 6219 3913 332 788

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TableauII- 4 - Concentrations en éléments trace des matériaux mg kg-1 Cd Cr Cu Ni Pb Zn Ti As

Cheviré Cette étude 1,9 99 417 40 372 2199 2887 30 Citroën Cette étude 3,9 93 391 44 322 1964 3352 8

Lille G08 Cette étude 12 100 483 57 677 3040 928 18 Balayures Séquedin Cette étude 0,5 76 148 23 156 396 705 4

NB : les valeurs en gras sont supérieures aux normes d’intervention du référentiel néerlandais. Les cases grisées correspondent aux valeurs supérieures aux valeurs seuils du même référentiel. Les concentrations en métaux trace mesurées dans les échantillons utilisés pour les expériences en colonne des sites de Cheviré, Citroën et Séquedin sont tout à fait comparables à celles indiquées dans les travaux de Pétavy (2007) et Durin (2006). Les concentrations en métaux trace sont relativement comparables pour les trois sédiments, hormis Cd plus concentré et Ti moins riche dans le sédiment G08. Les balayures contiennent moins de métaux, du fait d’une granulométrie plus grossière que les autres matériaux. La matière organique de certains des matériaux a été étudiée par C. Durand (2004, 2005) et dans le cadre de cette opération de recherche. Le tableau II-5 présente les résultats obtenus par le fractionnement opérationnel de l’IHSS sur la base des propriétés de solubilité des différentes composantes de la matière organique. Tableau II-5 - Concentrations en hydrocarbures totaux et fractionnement de la matière organique des

matériaux % Hc totaux

mg kg-1 HAP

mg kg-1 Humine %

Acides humiques

%

Acides fulviques

% Lipides

% Cheviré

Pétavy F. (2006) 3540 29 57,6 18 4,5 19,9

Citroën idem 520 Pour le sédiment de Cheviré, la fraction lipidique neutre est constituée d’hydrocarbures (huiles) et de HAP à des concentrations élevées. Des produits issus de la combustion des carburants, des composés issus des végétaux supérieurs (acides gras longs, stérols, alcools longs..) et des molécules issues de l’activité bactérienne (acides gras ramifiés) sont analysés dans cette fraction. Les substances humiques (prises dans leur ensemble) contiennent des biopolymères d’origine végétale ou microbienne, ainsi que des fibres ligneuses (dérivés aromatiques polyfonctionnels). Ces substances sont le résultat de la dégradation de résidus végétaux. 4. Protocoles expérimentaux 4.1 Objectif et choix des extractants Les extractions en batch sont classiquement réalisées avec du NaCl ou du MgCl2 dans la première étape des schémas d’extractions séquentielles. L’objectif dans cette étude est d’utiliser une solution extractante saline qui se rapproche, d’un point de vue concentrations en cations majeurs et rapport ion divalent majeur/ion monovalent, de ce qui est mesuré dans les eaux de ruissellement. La même solution sera utilisée en batch et en colonne.

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Les teneurs en ions majeurs sont rarement évaluées dans les études sur les charges polluantes des eaux de ruissellement. Deux études sur Nantes ont servi de référence pour évaluer la variation des concentrations en cations majeurs au cours d’une année : une étude sur le pont de Cheviré (Durin, 2006) et une étude sur l’A11 (Pagotto, 1998). Ces études mettent en évidence la présence de Ca et Na, comme cations majeurs. Les rapports de concentrations varient de 1 à 20 en fonction de la saison, c’est-à-dire des épisodes de salage en hiver. Ces résultats permettent de choisir CaCl2 et NaCl comme sels constitutifs de la solution extractante et deux rapports de concentrations en mol/L correspondant à un minimum (Na/Ca = 1) et un maximum (Na/Ca = 20). La concentration en CaCl2 est fixée à 10-4 M et NaCl est soit à la même concentration, soit à une concentration de 2.10-3 M. 4.2 Expérimentation en réacteurs fermés Les extractions ont été réalisées avec les deux solutions salines de Ca et de Na, ainsi qu’avec de l’eau ultra-pure et du NaCl à 2 concentrations (10-3 mol/L (conductivité 100 µS/cm) et 1,55.10-2 mol/L (conductivité 2 mS/cm)). Seuls les résultats avec les solutions salines mixtes sont présentés dans ce rapport. Le protocole expérimental des expériences en réacteur fermé réalisées sur matériau séché à 40°C et tamisé à 2 mm est le suivant :

• Mélange dans une bouteille en verre de 1 L d’une masse de sol de 400 g et d’un volume de solution de 800 mL. Le rapport L/S de 2 permet par rapport au rapport de 10 habituellement utilisé de s’approcher plus du rapport L/S des colonnes de matériau (porosité de 0,4 –0,5)

• Agitation rotative pendant 24 h à 15 trs/min (des travaux antérieurs ont montré que cette durée d’agitation permettait d’atteindre en batch une extraction maximale. Au delà des phénomènes chimiques se produisent conduisant à une réadsorption)

• Centrifugation à 4000 trs/min pendant 10 min • Filtration du surnageant à 8 µm et à 0,45 µm : la filtration à 8 µm permet de conserver

théoriquement les métaux et majeurs sous forme colloïdale et dissoute, une filtration à 0,45 µm (coupure opérationnelle entre « particulaire » et « dissous ») est appliquée pour pouvoir comparer les résultats avec des résultats antérieurs.

• Dosage des deux échantillons filtrés pour déterminer la teneur en carbone organique et les concentrations en éléments majeurs et traces (Cd, Cr, Cu, Ni, Zn, Pb) par ICP-AES (LCPC Nantes) ou ICP-MS (LRPC Lille).

Les expériences sont réalisées en duplicat. 4.3 Expérimentation en colonne 4.3.1 Montage expérimental des colonnes de lixiviation (figure II-1) Les colonnes en verre utilisées ont un diamètre interne de 9,3 cm et une hauteur de 30 cm. Elles sont équipées d’un robinet en téflon en bas du fût. Une pompe péristaltique 2 voies assure l’alimentation de la colonne par le haut, à débit constant. Le fluide est réparti en deux par un « Y » et l’injection s’effectue par les deux trous centraux d’une plaque percée comportant 10 trous de 8 mm. La plaque repose sur un lit de billes de verre (diamètre des billes = 6 mm, épaisseur du lit = 2 cm) afin de répartir le fluide à la surface du matériau de la façon la plus homogène possible. La couche de matériau a une hauteur d’environ 10 cm. Elle repose sur un ensemble constitué d’une grille PEHD à mailles carrées de 0,5 mm d’ouverture (marque Kartell), d’un filtre Whatman ashless N°41 (autour de 20 µm de diamètre de pores) et d’une plaque percée de petits trous. A la sortie du robinet, la collecte de l’éluat s’effectue

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dans une éprouvette graduée (ou bécher) après passage dans un entonnoir comportant un filtre Whatman ashless N°41.

Figure II-1 - Montage expérimental pour les expériences en colonne de laboratoire 4.3.2 Préparation des colonnes Des tests préalables d’infiltration sur les différents matériaux ont conduit à définir deux catégories de matériaux : les matériaux utilisables secs (Citroën, balayures de chaussée, G08) et les matériaux utilisables humides (Cheviré). Il s’avère en effet que l’hydrophobicité des matériaux n’est pas identique et la pénétration de l’eau en colonne dans le sédiment de Cheviré, sans pression imposée, n’est possible qu’avec un matériau humidifié au préalable. La propriété d’hydrophobicité importante du sédiment de Cheviré pourrait être liée à sa forte teneur en matière organique naturelle. Etant donné que les essais de lixiviation vont s’effectuer en conditions de non saturation, l’objectif lors de la préparation des colonnes est de maintenir, pour chaque colonne, la même masse de matériau et la même densité apparente (masse de sol sec/volume de colonne). On se base sur une densité apparente de 0,6, valeur obtenue lors d’essais préalables et lors d’essais d’infiltrométrie sur le terrain. Protocole de remplissage Les matériaux sont séchés à 40°C et tamisés à 2 mm. Pour le sédiment de Cheviré, utilisable uniquement humide, 500 g de matériau sec sont pesés et humidifiés à 40% en masse avec une solution de NaCl + CaCl2 de faible force ionique (8.10-4 M, soit NaCl 2.10-4 M et CaCl2 2.10-4 M) (l’eau constitue 40% de la masse totale de matériau introduite dans la colonne). La solution est préparée avec de l’eau ultra-pure. La quantité de matériau dans la colonne est d’environ 400 g. Les autres matériaux sont utilisés tels quels. La quantité de matériau sec est de l’ordre de 600 g. Un lit d’une hauteur de 10 cm est constitué en 3 couches successives. Chaque couche de 4,3 cm initialement est réduite d’un cm par compactage avec une dame de 500 g lâchée à 10 cm du matériau 2 fois.

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Protocole de saturation des colonnes La mise en eau de la colonne est effectuée à débit lent (6 mL/mn), avec la solution à faible force ionique (NaCl 2.10-4 M et CaCl2 2.10-4 M). On mesure le temps d’apparition de la première goutte en bas de colonne et la colonne est pesée avant et après mise en eau pour déduire le volume d’eau initial dans l’espace poral. Il sera aussi calculé en fin d’expérience par pesée pour évaluer son évolution. Le volume poreux théorique et le volume d’eau dans la colonne sont comparés pour chaque colonne. Protocole expérimental pour l’étude du potentiel de relargage Deux paramètres ont été choisis pour étudier le potentiel de relargage des matériaux : une variation de salinité et une variation de débit d’infiltration, pour évaluer l’effet de perturbations chimiques et physiques. Des essais préliminaires ont conduit à proposer un scénario en trois phases permettant d’étudier ces effets :

- une phase de réhumidification après le séchage des matériaux stockés en surface ou après le re-essuyage (phase 1);

- une phase de variation de salinité des eaux de ruissellement : les solutions salines mixtes Ca/Na à faible et forte concentrations sont injectées successivement dans la colonne (phase 2);

- une phase d’arrêt – reprise de l’écoulement correspondant à des pluies successives en période pluvieuse (phase 3 + 2 arrêts de 15 h (noté 1 nuit) pendant les phases 1 et 2). Le choix du débit d’alimentation des colonnes s’est effectué selon la méthodologie proposée dans la thèse de H. Larmet (2007) par rapport à la pluviométrie lyonnaise (tableau II-6).

Tableau II-6 - Calcul des débits d’alimentation à appliquer aux colonnes pour se placer dans une configuration proche du terrain

Alimentation Lyon Intensité pluie

(mm/h) Durée (mn) Bassin versant

Django (mm/mn) Equivalent Colonne (mL/mn)

Stockage Surface (mm/h)

Equivalent Colonne (mL/mn)

PN PO PA

1,5 12 1,1

240 100

1100 3

24 2,2

23 163 15

1,5 12 1,1

0,17 1,4

0,13 Nantes Intensité pluie

(mm/h) Durée (mn) Bassin Cheviré

(mm/mn) Colonne (mL/mn)

Stockage Surface (mm/h)

Equivalent Colonne (mL/mn)

min max

0,01 1,7

120 120

0,042 0,7

0,3 5

0,01 0,0012 0,2

PN : pluie normale – PO : pluie orage – PA : pluie automne Les données pour Nantes correspondent à la valeur minimale et la valeur maximale des moyennes journalières en mm/h sur la période 2000-2005 sur le bassin de l’Aubinière à Nantes. La durée moyenne des évènements est évaluée à partir des chroniques. Par rapport aux valeurs du tableau ci-dessus, le choix a été fait de travailler à un débit de 6 mL/mn. Des expériences ont aussi été réalisées à 23 mL/mn, mais elles ne sont pas présentées dans ce rapport.

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Schéma de la succession des phases

PHASE 1 PHASE 2 PHASE 3

Figure II-2 - Schéma du scénario expérimental

PHASE 1 Injection de la solution à faible force ionique (NaCl et CaCl2 à 2.10-4M) jusqu'à diminution et stabilité de la conductivité. Durée approximative de la stabilisation : 5 à 10 volumes poreux (Vp) - Récupération de l'éluat par Vp sur une journée

PHASE 3a Arrêt de l’alimentation pendant 15 h (1 nuit) PHASE 2

Injection de la solution à forte force ionique (NaCl à 4.10-3M et CaCl2 à 2.10-4M) pendant 3 Vp(récupération de 3 Vp) Retour à la première solution jusqu'à diminution et stabilité de la conductivité. Récupération de l'éluat par Vp.

PHASE 3b Arrêt de l’alimentation pendant 15 h (1 nuit) – Reprise de l’alimentation avec la solution à faible concentration

PHASE 3c 3 jours de séchage Injection de la solution à faible force ionique (NaCl et CaCl2 à 2.10-4M) jusqu'à diminution et stabilité de la conductivité. Récupération de l’éluat par Vp

Le débit réel dans la colonne est mesuré au cours de l’expérience par pesée et mesure de la durée de collecte de chaque Vp. Les échantillons collectés sont filtrés à 8 et 0,45 µm. Les mesures physico-chimiques de conductivité, pH et absorbance à 254 nm sont effectuées sur chaque filtrat, ainsi que les dosages des éléments chimiques (éléments constitutifs des phases colloïdales : Al, Fe, Mn, Si, COT; cations majeurs : Ca, K, Na, Mg ; ETM : Cd, Cr, Cu, Ni, Pb, Zn, As, Ti).

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5. Résultats et discussion sur les expériences en batch et en colonne 5.1 Extraction des métaux trace et des éléments majeurs en réacteurs fermés Les expériences sont réalisées selon le protocole décrit au paragraphe 4.3. Le niveau d’extraction est tout d’abord calculé par rapport à la teneur en éléments métalliques des matériaux (Tableau II-7) Tableau II-7 : Concentrations en solution des métaux trace et pourcentage extrait (fraction <8 µm) en

présence du mélange NaCl+CaCl2 (R = 1 et 20, avec CaCl2 = 10-4 M) R = 1 R = 20 Cd Cr Cu Ni Pb Zn Cd Cr Cu Ni Pb Zn

Cheviré µg/l 13 11 146 32 30 3511 % 1,37 <0,2 <0,2 <0,2 <0,2 0,32

Citroën µg/l 0,4 1 137 18 6,5 n.d 0,4 1 135 17 5 n.d

% <0,2 <0,2 <0,2 <0,2 <0,2 <0,2 <0,2 <0,2 <0,2 <0,2

G08 µg/l 5 5 21 15 20 200 % <0,2 <0,2 <0,2 <0,2 <0,2 <0,2

BC µg/l 9 5 195 22 19 165 % 0,8 <0,2 0,26 <0,2 <0,2 <0,2 BC : balayures de chaussée n.d : non déterminé Le niveau d’extraction est très faible quels que soient le matériau et l’extractant, ne dépassant pas 1,5 % et bien souvent inférieur à 0,2%. Les meilleurs taux d’extraction concernent le cadmium, élément très sensible à l’échange d’ions, on peut donc supposer qu’il s’établit un échange entre le cadmium et Na+ et Ca2+. Les concentrations en solution sont légèrement inférieures en présence de l’extractant à plus forte concentration. Cette différence est notable pour les éléments les plus présents sous forme particulaire dans les eaux de ruissellement (Pb, Cu, Fe) (Figure II- 3). Elle peut s’expliquer par le fait que les très fines particules restent moins en suspension lorsque la force ionique augmente par phénomène de coagulation/adsorption.

a) b) Figure II- 3 - Expériences en réacteurs fermés sur le sédiment de Citroën - Concentrations en métaux trace et en fer en fonction du rapport des concentrations en Na et en Ca, dans les surnageants filtrés à

a) 8 µm et b) 0,45 µm

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Les figures II-4 à II-7 présentent les résultats des extractions sur les différents matériaux, en présence du mélange NaCl/CaCl2 à une concentration totale de 2.10-4 M, le surnageant étant filtré à 8 µm et 0,45 µm. Les concentrations en solution des éléments majeurs constitutifs des phases colloïdales en suspension sont reportées, ainsi que celles des métaux trace classiquement recherchés et les concentrations en As présent dans certains sels de déverglaçage et produits phytosanitaires et Ti, présent dans les peintures. Parmi les éléments majeurs, Al et Fe sont présents de 50 à 97% dans la fraction colloïdale supérieure à 0,45 µm. Si et Mn sont au contraire retrouvés de 60 à 95% dans la fraction inférieure à 0,45 µm. Ces résultats sont valables quel que soit le matériau testé. Cette différence des concentrations obtenues par filtration à 8 et 0,45 µm est plus marquée pour le sédiment en provenance du bassin de Cheviré. Le carbone organique n’a été dosé que dans l’expérimentation sur le sédiment de Citroën, il est presque complètement (99%) dans la fraction inférieure à 0,45 µm. Parmi les éléments traces métalliques, une distinction peut être soulignée entre phase dissoute et phase particulaire (>0,45 µm) pour les éléments Pb, Ti et Cr, qui sont associés aux particules pour au moins 40%. Les autres éléments (As, Cd, Cu, Ni et Zn) ont des pourcentages particulaires très variables. L’analyse de corrélation sur les pourcentages des éléments chimiques dans la fraction >0,45 µm indique les relations suivantes avec un coefficient supérieur à 0,75:

Al <> Pb, Ti, Cu, As, Cd Fe <> Pb, Ti, Cu, Cd Mn <> Zn Si <> Ni

On trouve également une corrélation forte entre Mn, Si, Cd et Zn dans la fraction inférieure à 0,45 µm. Les concentrations en métaux extraits sont très comparables entre les matériaux, hormis pour le zinc. Ceci est lié à des concentrations en zinc très différentes entre les matériaux (facteur 10 entre Cheviré et les balayures). Les autres concentrations en métaux sont du même ordre de grandeur dans tous les matériaux, conduisant à des concentrations extraites assez proches.

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Figure II- 4 - Sédiment du bassin de Cheviré - Expérience en réacteurs fermés en présence de NaCl/CaCl2 à 2.10-4 M (R =1)

Figure II- 5 - Sédiment du bassin de Citroën - Expérience en réacteurs fermés en présence de NaCl/CaCl2 à 2.10-4 M (R =1)

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Figure II-6 - Sédiment du bassin G08 - Expérience en réacteurs fermés en présence de NaCl/CaCl2 à 2.10-4 M (R =1)

Figure II-7- Balayures de chaussées - Expérience en réacteurs fermés en présence de NaCl/CaCl2 à 2.10-4 M (R =1)

En conclusion, sur ces essais en réacteurs fermés, on peut dire que le niveau d’extraction par rapport aux concentrations dans le matériau est très faible, avec une relation entre la concentration dans la phase solide et la concentration en solution. Les métaux les plus solubilisés sont Zn et Cu. On constate que près de 50% du Pb, Cr et Ti sont présents sous forme particulaire >0,45 µm et dans ce cas, Pb et Ti semblent associés à Al et Fe. Cu montre

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aussi une bonne corrélation avec Fe et Al dans cette même fraction. De plus, dans la fraction <0,45 µm, Zn serait plutôt associé à Mn. 5.2 Mobilisation des métaux trace en colonne 5.2.1 Tests préliminaires Une série d’essais préliminaires en colonne a été réalisée sur les matériaux avec comme objectifs :

- de tester la capacité d’infiltration des matériaux à l’état sec ; - d’avoir une estimation des paramètres physico-chimiques en sortie de lit poreux

(conductivité, pH, absorbance) ; - de connaître le niveau de concentrations en métaux trace et éléments majeurs en

testant différentes phases du scénario ; - de déterminer la faisabilité de travailler à plusieurs débits ; - d’évaluer quels éléments pourraient être plus présents dans la fraction inférieure à

0,45 µm de l’éluat. Les essais ont permis de déterminer qu’il fallait travailler avec un matériau humidifié pour le site de Cheviré et sec pour Citroën et les balayures. Le matériau G08 a montré un niveau de perméabilité tel qu’un colmatage des colonnes était obtenu très rapidement. Ce matériau a donc été abandonné pour la suite de l’étude, au vu de l’impossibilité de travailler directement avec en colonne. Concernant les paramètres physico-chimiques, le pH varie entre 6 et 8 selon les matériaux et l’éluant. La conductivité est élevée dans les premiers éluats de saturation (jusque 10 mS/cm) puis se stabilise autour de quelques centaines de µs/cm en présence d’une solution éluante à faible concentration. L’absorbance à 254 nm atteint 1 Au dans les premiers éluats puis descend à quelques centaines de mAu. Les résultats sont très comparables entre les matériaux dont on observe la réactivité aux variations de salinité et de débit. Les éléments trace présentant la plus grande réactivité sont, comme pour les expériences en batch, Zn (maximum de l’ordre de 4 mg/L) et Cu (entre 10 et 100 µg/l). Le carbone organique est présent à une concentration de l’ordre de 10 à 500 mg/L. Les premières filtrations indiquent que les éléments chimiques sont majoritairement présents sous forme inférieure à 0,45 µm. 5.2.2 Scénario de mobilisation des métaux trace en fonction des variations de salinité et des périodes d’arrêt/reprise de l’écoulement Les résultats des expériences correspondant au scénario explicité au paragraphe 4.3.2 sont présentés globalement pour la variation des paramètres physico-chimiques globaux et phase par phase selon le matériau pour expliciter le comportement des métaux trace en fonction des sollicitations. Evolution des paramètres globaux (pH, conductivité, absorbance) La figure II-8 illustre les variations de pH, conductivité et absorbance au cours de l’expérience. Les évolutions sont identiques quel que soit le matériau (exemple du sédiment de Citroên). Lors de la phase d’équilibrage suivant la réhumidification du matériau, on observe une diminution de la conductivité et de l’absorbance, accompagnée d’une augmentation du pH. L’humidification du matériau favorise la dissolution des sels et de phases minérales. Le milieu se stabilise ensuite avec la solution de NaCl à faible concentration. L’absorbance est très élevée dans les premiers volumes poreux indiquant une remise en solution d’acides

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organiques constituant le matériau. Un équilibre s’établit en quelques Vp et l’absorbance de fond mesurée doit correspondre à la présence d’acides organiques naturels très solubles (acides fulviques) ou à des molécules organiques de type hydrocarbures à cycle benzénique. Lors de l’injection de la solution à forte force ionique, l’augmentation de la conductivité est corrélée à une diminution de l’absorbance, du fait de la réadsorption des particules organiques présentes en solution sur le matériau. Lorsque la force ionique diminue de nouveau en fin de créneau, les particules organiques sont de nouveau plus présentes en solution par augmentation de l’épaisseur de la couche ionique et l’absorbance augmente (doublement du niveau d’absorbance). Les arrêts – reprises (stop-flow) de l’écoulement se traduisent par une augmentation de l’absorbance et de la conductivité sous forme de pic. Ces phénomènes peuvent s’expliquer à la fois par la diffusion dans l’espace poral de particules organiques pendant l’arrêt de l’écoulement suivie d’un entraînement par la reprise du flux (Jacobsen et al., 1998) et par la dissolution de phases minérales par le temps de contact prolongé avec la phase aqueuse.

Figure II- 8 - Evolution des paramètres physico-chimiques au cours de l’expérience de variation de la force ionique et du débit d’écoulement – Exemple du sédiment de Citroën – Q(sortie colonne) =

5,8±0,4 ml/mn – Volume d’eau dans la colonne = 402 ml – Masse de matériau sec = 608 g – Conductivité (NaCl + CaCl2 2.10-4 M) = 89 µS/cm/ (NaCl + CaCl2 R = 20)= 520 µS/cm

•Analyse de la mobilisation des métaux trace en fonction du type de sollicitation – Relation avec les éléments majeurs Les évolutions des concentrations en cations majeurs, éléments constitutifs des phases colloïdales (<8 µm) et les concentrations en éléments trace sont représentés sur la figure II-9 a) et b) pour le sédiment de Cheviré (les graphes correspondant aux autres matériaux figurent dans le rapport annexe). Le tableau II-8 récapitule les gammes de variation des concentrations en éléments majeurs et trace et leur répartition entre fractions <8 et <0,45 µm. Les gammes de variation des concentrations des éléments chimiques élués sont très proches entre les trois matériaux pour Cr (l.q. – 3 µg.l-1), Ni (2 – 35 µg.l-1), Pb (1 – 8 µg.l-1), Ti (l.q. – 5 µg.l-1) et les 4 éléments qui peuvent constituer des phases particulaires minérales (Al (2 – 40 µg.l-1), Fe(5 – 950 µg.l-1), Mn (1 – 740 µg.l-1) et Si (1500 – 12300 µg.l-1),). Comme pour les expériences batch, le zinc atteint des concentrations 10 fois supérieures à celles des deux autres matériaux, cette

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différence est de nouveau reliée à la concentration initiale dans le matériau plus élevée. On retrouve plus de cadmium dans les éluats de Cheviré et plus de cuivre dans les éluats du sédiment de Citroën, sans que l’on puisse avancer d’explication en relation avec la composition des matériaux.

a)

b)

Figure II-9 - Elution des éléments majeurs et trace à partir du sédiment de Cheviré – Q = 6 ml/min - Volume d’eau dans la colonne = 500 ml – Masse de matériau sec = 400 g – Echantillons filtrés à

0,45µm Concernant la répartition des éléments entre fraction inférieure et supérieure à 0,45 µm, à l’image de ce qui a déjà pu être observé dans les eaux de ruissellement ou dans des éluats de

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colonne (Durin et al., 2005, 2007), certains éléments sont présents majoritairement dans la fraction inférieure à 0,45 µm tels que Mn, Si et Cr ; d’autres sont significativement présents dans la fraction >0,45 µm : Al, Fe, Pb, Ti. Pour les autres éléments, la répartition dépend beaucoup plus des sollicitations : Cd, Cu, Ni, Zn. Phase I : lors de la phase de réhumidification, on observe le même comportement quel que soit le matériau : une décroissance de concentration de la majorité des éléments, spécialement des cations majeurs, correspondant à une solubilisation et à l’entraînement des éléments par la solution éluante à faible concentration. On note que les concentrations en Al, Fe, Cr, As et Ti, ainsi que Cu, pour les balayures de chaussées, restent constantes dans l’éluat. Phase II : l’influence de la variation de salinité se traduit de deux façons :

- la concentration de l’élément diminue lors de l’introduction de la solution à forte force ionique puis ré-augmente lors de l’élution avec la solution à faible force ionique. Ceci traduit un phénomène de transfert particulaire. Les forces d’interaction entre particules en suspension et phases solides constitutives du milieu poreux augmentent lors de l’injection de la solution à forte force ionique et la distance d’interaction augmente lors de la baisse de force ionique, induisant un entraînement des particules par le flux. Ce phénomène s’observe pour tous les matériaux et la majorité des métaux trace (cf tableau 8, figure 9) ;

- l’autre comportement se traduit par une inversion du phénomène. Dans ce cas, l’élément chimique est sensible à des phénomènes d’échange d’ions. Il y a échange entre les métaux trace fixés sur les phases solides et les cations (Ca et Na) lors du passage du front ionique à forte concentration. Ce phénomène est observé pour le sédiment de Cheviré (cf tableau 8, figure 9). Le fait que Mn ait un comportement similaire ne trouve pas pour le moment d’explication, Mn pouvant être présent sous forme anionique ou sous forme d’oxyde métallique.

Tableau II-8 : évolution des concentrations en éléments chimiques lors du créneau de salinité

pour les trois matériaux Métaux trace Constituants des phases

colloïdales Cheviré Mécanisme particulaire As, Cu, Cr, Pb Al, Fe, Si

Echange ionique Cd, Ni, Zn Mn Citroën Mécanisme particulaire As, Cu, Pb, Zn Al, , Fe, Mn, Si, COT

Pas d’évolution marquée Cd, Cr Balayures Mécanisme particulaire As, Cu, Cr, Ni, Pb, Zn Al, Fe

Pas d’évolution marquée Cd Mn Phase III : l’effet des différentes durées d’arrêt de l’écoulement sur la mobilité des métaux est évalué. Par rapport à ce paramètre, on distingue deux groupes d’éléments :

- les éléments qui sont sensibles à un arrêt-reprise de l’écoulement quelle que soit sa durée ou de façon variable selon le matériau : As, Cu, Ni, Pb, Ti, Mn, Si

- les éléments qui ne sont remobilisés que suite à un arrêt long (arrêt de 3 jours) : Cr, Zn, Al, Fe.

Cette différence pourrait être liée à des cinétiques de dissolution de phases minérales ou à des phénomènes de temps de diffusion des colloïdes au sein des agrégats du milieu poreux. Durin et al. (2006) avaient noté cette influence de la durée de stop-flow sur le relargage des métaux trace, avec des durées d’arrêt jusquà 16h en milieu saturé, ce qui ne leur avait pas permis de

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constater par exemple de relargage de plomb à partir du sédiment de Cheviré. Une activité bactérienne ayant le temps de se mettre en place lors de l’arrêt long peut être aussi envisagée. •5. 3 Recherche des phases porteuses au MEB Cette étude a été menée uniquement sur un éluat d’une colonne de sédiment de Citroën. L’éluat en sortie de colonne passe sur un filtre à 20 µm en cellulose. Les éluats collectés par volume poreux sont ensuite filtrés à 8 ; 0,45 et 0,05 µm. L’observation en microscopie électronique à balayage permet d’obtenir :

• Des images avec les électrons secondaires (contraste topographique) • Un Spectre élémentaire par analyse de l’énergie dispersive des rayons X (microsonde) • Une cartographie X avec le MEB nantais (mis en œuvre sur des particules

sélectionnées) Les observations ont permis d’identifier dans les éluats des grains de Qz, des alumino-silicates (argiles et feldspaths (Si, Al, Ca, Na, Mg)) en grand nombre, des carbonates en nombre plus restreint, ainsi que de particules organiques sous forme fibreuse (C, O). La matière organique vient souvent en coating des particules minérales. En termes d’oxydes métalliques, des particules d’aspect grumeleux riches en Fe et/ou en Mn sont observées fréquemment. Des sulfates de baryum sont visualisés, ainsi que des sels (NaCl cristallisé). Du fait de leur teneur faible à très faible, les métaux trace sont très peu visibles au MEB. Les métaux détectés en association avec des particules sont Ti (ubiquiste), Zn, Cr et Cd. Ti paraît bien couplé avec Ba. On le retrouve aussi sous forme de gel et associé à des oxydes de fer. Zn est quant à lui associé à des alumino-silicates. Cr est visualisé en présence de fer. Cd apparaît associé à des particules contenant du Mn, du fer peut être aussi présent dans les agglomérats. Les particules Mn-Cd sont assez nombreuses, de taille faible ne dépassant pas 10- 20 µm. On cherchait à voir au niveau des échantillons des différences de type de particules selon les sollicitations mais la complexité des phases et l’incapacité à faire une analyse d’images n’a pas permis d’aboutir par rapport à cet objectif. 6. Modélisation des phénomènes de libération des métaux trace (BRGM) L’exercice de modélisation a pour objectif d’aider à l’interprétation des mécanismes prépondérants régissant la mobilité des polluants présents dans des matériaux issus de l’assainissement. Il repose sur i) la construction d’un modèle géochimique représentatif du matériau, ii) la définition des mécanismes de rétention/libération des polluants et le choix des constantes d’équilibre, iii) la simulation de l’état d’équilibre atteint dans le matériau poreux. Pour cela, on s’appuie sur la connaissance des sédiments de bassin étudiés et sur les résultats expérimentaux. Les données de caractérisation initiale étant les plus complètes sur le sédiment de Cheviré, la modélisation de la mobilisation a été effectuée sur ce matériau. Le code de calcul utilisé est le code PHREEQC version 2.12.5 (Parkhurst and Appelo, 1995), avec la base de données Thermoddem complétée avec les réactions définies pour le système spécifique d’étude (version du 26/02/2009) (Blanc et al., 2009). 6.1 Préparation de la modélisation 6.1.1 Proposition d’un assemblage minéralogique de base Le modèle géochimique représentatif du sédiment de Cheviré est construit à partir des données de minéralogie (cf Tableau II-1) et des observations quantifiées ou disponibles dans Durand (2003) et Clozel et al. (2006). La caractérisation minéralogique des sédiments de Cheviré indique la présence de phases minérales réactives telles que des oxy-hydroxydes métalliques et des argiles (illite, kaolinite),

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ainsi que des carbonates en proportion inférieure à 10%. Des matériaux non naturels (contenant des éléments métalliques « polluants ») sont également rencontrés : alliages métalliques (avec Ni, Fe, Mn), alliages de zinc, scories vitreuses (avec Ca, Fe, Si, Al, Cu, Zn), verres (avec inclusions de Fe3O4), acier inoxydable (avec Fe, Cr, Ni)…. On note aussi la présence de phases minérales porteuses de polluants métalliques (sulfate et phosphate de Pb par exemple). Le sédiment contient en outre une proportion importante de matière organique (cf Tableaux II-2 et II- 5).

Tableau II- 9 : Phases minérales d’équilibre (cristallisées ou amorphes) prises en compte dans les simulations (quantités calculées d’après la composition minéralogique en supposant une saturation en

eau moyenne de 50 % dans la colonne) Phases prises en compte Quantités initiales

(mol/L solution) Fe(OH)3 moyennement cristallisé ou amorphe 1

Calcite 0,09 Dolomite 0,05

Quartz,alpha , silice amorphe ou calcédoine 6 Gibbsite cristallisée, moyennement cristallisée

ou amorphe 0,001 L’assemblage minéralogique proposé comporte des phases susceptibles de réguler les teneurs en cations et anions majeurs, en éléments mineurs (Al, Si, Fe) et le pH. Parmi celles-ci-figurent deux phases carbonatées et des phases oxy-hydroxydes métalliques (tableau II-9). 6.1.2 Prise en compte d’une phase gazeuse et de la complexation en phase aqueuse Les premières simulations sans prise en compte des phases gazeuses, aboutissent à des solutions de pH 9,5 avec les phases minérales cristallisées et à 8,15 pour le mélange phases cristallisées et amorphes. Ces pH calculés, plus élevés que le pH mesuré au cours des expérimentations (6,5 à 8) apparaissent associés à une pCO2 très faible (-4.9) et peu réaliste. Un contrôle de la pression partielle de CO2 (pCO2) semble donc indispensable. D’après Vallès (http://www.terre-et-eau.univ-avignon.fr/CO2_eaux_naturelles.htm), une solution de sol bien aérée aurait une pCO2 de l’ordre de -1,8, à comparer avec la pCO2 atmosphérique de -3,5 de la solution injectée. Pour s’affranchir des équilibres redox, la pCO2 est imposée à -2. La prise en compte de la pCO2 conduit à un pH constant de 7,36 quelles que soient les phases minérales prises en compte. Cette valeur apparaît plus représentative des pH mesurés expérimentalement. La complexation en phase aqueuse pouvant jouer un rôle déterminant sur le comportement des éléments métalliques, les mécanismes correspondant sont pris en compte en utilisant les réactions présentes dans la base de données. 6.1.3 Réactions d’adsorption des métaux trace sur les phases solides minérales et organiques Au vu de la présence de nombreuses phases solides non naturelles contenant des métaux trace, l’hypothèse d’une solubilisation progressive de ces phases est posée, associée à une adsorption des métaux solubilisés sur les phases réactives du matériau. L’adsorption peut être décrite par des réactions de complexation de surface sur les phases minérales : oxy-hydroxydes métalliques et phases siliceuses cristallisées ou amorphes (groupements Fe-OH, Al-OH, Si-OH, Mn-OH…) (Dzombak et Morel, 1990). Les groupements silanol ont une charge négative dans les conditions expérimentales (pHpzc 2-3 vs pH 6,5-8), permettant l’attraction électrostatique des métaux trace, s’ils sont présents sous forme cationique. Le

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point de charge nulle à pH 6.9 des groupements aluminol devrait leur prodiguer une certaine instabilité, ayant une incidence sur la rétention des éléments trace. Les groupements réactionnels des oxy-hydroxydes de fer sont également susceptibles d’être sollicités pour l’adsorption des cations et des anions (As) du fait de leur point de charge nulle à un pH entre 7,8 à 8,5 (pour goethite et hématite) par rapport au pH entre 6,5 à 8 des expériences. La matière organique en grande quantité dans le sédiment sera également réactive vis-à-vis des métaux solubilisés. Les groupements fonctionnels associés à la matière organique sont variés : acides carboxyliques (COOH), phénols (cycle-OH) principalement, mais aussi probablement amine (N-H) et sulfonates (S-OH). Les acides organiques de petite taille et saccharides représentent environ 75 % du COD (carbone organique dissous) dans les eaux souterraines et environ 25 % correspond aux acides fulviques et humiques (Thurman, 1985; Routh et al, 2001). Le modèle de complexation WHAM (Tipping, 1994) peut être utilisé avec PhreeqC. Il considère que la charge de ces acides correspondrait aux groupements carboxyliques (R-COOH) et phénoliques. Cette dernière, très dépendante du pH, peut être déterminée par titration (acide ou basique). La titration permet en outre de déduire le pKa des groupements (groupements carboxyliques : pKa<5; phénoliques pKa>8) (Appelo et Postma,1999). 6.1.4 Réactions d’équilibre du modèle Les réactions ajoutées pour compléter la base de données utilisée (Thermoddem) sont précisées dans les tableaux ci-dessous.

Tableau II-10 : Réactions de dissolution, de dissociation des sites et de complexation de surface du modèle géochimique de base

Type de réaction Minéral Réaction log K References Dissociation Quartz

Illite

SiOH = SiO− +H+ Clay_OH + H+ = Clay_OH2+

s : −6.8 −5.62 −7 w : −7 s w

Davis et al., 1978 (in Hanna et al., 2009) ; Arnold et al., 2001 (in Hanna et al., 2009) ; Marcos, 2001

Dissolution de phase amorphe

Fe(OH)3(a) Fe(OH)3 + 3H+ = Fe+3 + 3H2O 4.891 Dzombak et Morel, 1990

Dissolution de phase amorphe

SiO2(a) SiO2 + 2H2O = 1H4SiO4 -2.85 Biermans and Baert, 1977

Dissociation Hydroxide d’aluminium (gibbsite mal cristallisée)

AlOH = AlO− +H+ AlOH +H+ = AlOH2+

−12.3 −1.5

Hiemstra et al, 1989 (in Hanna et al., 2009)

Dissociation Oxy-hydroxyde de fer

FeOH= FeO− +H+ FeOH+H+ = FeOH2+

−8.93 7.29

Dzombak et Morel, 1990

Adsorption SiOH +Me2+→ SiOMe+ +H+

Pb 0.6 Zn 1.0

Parks, 1984 (in Hanna et al, 2009)

AlOH +Me2+→ AlOMe+ +H+ Pb 3.32 Zn 2.1

Trivedi et al, 1999, 2001 (in Hanna et al., 2009)

FeOH+Me2+→ FeOMe+ +H+ Pb 4.65 Zn 0.99

Dzombak et Morel, 1990

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Tableau II-11 : Réactions de complexation de surface avec la matière organique (acides fulviques) (d’après Tipping and Hurley, 1992, Lofts and Tipping, 2000, Christensen et al., 1999, Christensen et

al., 2000) Elément Carboxylique Phénolique

Monodentate Bidentate Monodentate Bidentate H+ a : -1.59

b : -2.70 c : -3.82 d : -4.93

-1.59 à -4.93 a : -6.88 b : -8.72 c : -10.56 d : -12.40

-2.70 à -12.40

Ca -3.2 -6.40 -6.99 -10.2 Mg -3.30 -6.40 -7.12 -10.42 Cu -0.63 -1.26 -3.75 -4.38 Ni -1.4 -2.8 -4.5 -5.9 Zn -1.7 -2.4 -4.9 -6.6 Pb -0.81 -1.62 -3.04 -3.85 Cd -1.52 -3.04 -5.57 -7.09 6.2 Simulation des concentrations moyennes en solution en éléments majeurs et trace et amélioration de l’assemblage géochimique de base La première étape a consisté à définir de façon plus précise l’assemblage minéralogique de base afin d’obtenir par calcul en batch les concentrations moyennes en éléments chimiques majeurs dosés au cours de l’expérimentation (Si, Fe, Al, Na, Ca, Mg). L’assemblage retenu est le suivant : silice amorphe, hydroxyde de fer amorphe, gibbsite moyennement cristallisée, dolomite, calcite. Les minéraux présentent une légère dissolution en présence de la phase aqueuse (10-3 à 10-8 M). L’objectif est ensuite de simuler les concentrations en éléments trace en solution. Le premier essai consiste à introduire des carbonates de Pb, Zn, Cd, Mn, Mg dans le système géochimique. La mise en équilibre de l’assemblage minéral précédemment sélectionné assorti de carbonates de Pb, Zn, Cd et Mn, considérés en très faible quantité (0,0001 mol/L) conduit aux teneurs présentées dans le tableau II-12.

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Tableau II-12 : Résultats de simulation comparés aux concentrations mesurées expérimentalement (Equil. ass. Min : équilibre avec l’assemblage minéral retenu, ETM : éléments trace métalliques)

mol/L pH Ca Mg Si Al Fe Na Teneurs analysées

min 6 8,00E-04 1,00E-04 5,00E-04 6,00E-07 7,80E-07 3,40E-02 Teneurs analysées

max 7 1,30E-02 2,40E-03 4,10E-03 9,74E-06 2,40E-05 3,00E-03 Equil. Ass. Min. + carbonates ETM 7,37 1,23e-03 8,42e-04 1,42e-03 8,58e-07 3,35e-08 2,00e-04

Equi. Ass. Min 7.36 1.27e-03 8.65e-04 1.42e-03 8.47e-07 3.35e-08 2,00-04

mol/L Mn Cd Pb Zn C Cl Teneurs analysées min 7,90E-07 2,40E-08 5,00E-08 2,20E-05

Teneurs analysées max 2,30E-05 2,80E-07 3,90E-07 2,39E-04 Equil. Ass. Min. + carbonates ETM 2,87e-05 3,64e-07 8,71e-07 5,98e-05 4,23e-03 6,0e-004 Les teneurs en éléments majeurs et mineurs restent dans les ordres de grandeurs obtenus avec l’assemblage minéralogique de base retenu. Bien que légèrement supérieures (facteur 1,2 à 2,2), les teneurs en Mn, Cd et Pb calculées apparaissent du même ordre de grandeur que celles mesurées expérimentalement. La teneur en Zn calculée se trouve dans la fourchette des teneurs mesurées. En vue de tester le rôle possible des matériaux anthropiques et des précipités identifiés ou potentiels, des calculs d’équilibre ont été réalisés en prenant en compte : du verre de Pb et du verre chromé, du Cu natif, des oxydes de Zn (zincite), du phosphate de Pb (pyromorphite) et/ou des sulfates de Cu et Pb (chalcocyanite et anglésite). Pour ce faire, les données disponibles dans la base de données Thermoddem ont été utilisées, sachant que les phases vitreuses sélectionnées sont probablement peu représentatives des verres rencontrés dans le sédiment. Les résultats des calculs sont précisés dans le tableau II-13. Tableau II-13 : Résultats de simulation avec différents matériaux anthropiques et sulfates (Equil. ass. Min : équilibre avec l’assemblage minéral retenu avec silice amorphe ou calcédoine pris en compte)

mol/L pH Si Cr Pb Zn Cu Teneurs analysées min 6 5,0E-04 5,0E-08 5,0E-08 2,2E-05 3,2E-06 Teneurs analysées max 7 4,1E-03 3,2E-07 3,9E-07 2,4E-04 2,0E-05 Equil. Ass. Min. silice

amorphe + verres (PbSiO3, Cr2O3)

7,37 1.42e-03 4.91e-12 3.87e-04

Equil. Ass. Min. calcédoine + verres 7,39 3.51e-04 5.33e-12 1.00e-03

Equil. Ass. Min. calcédoine + Cu natif, ZnO + pyromorphite

7,41 3.51e-04 3.03e-10 5.01e-04 4.73e-06 Equil. Ass. Min calcédoine

+ sulfates Cu et Pb 7,34 3.51e-04 1.00e-03 1.00e-03

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Les teneurs en Pb calculées avec le verre au Pb et le sulfate de Pb apparaissent nettement plus élevées que les teneurs mesurées (3,9E-4 à 1E-3 vs 5E-8 à 3,9E-7 mol/L). La prise en compte de la calcédoine conduit à une dissolution complète du verre siliceux au Pb et une précipitation partielle de calcédoine, au lieu d’une dissolution partielle du verre avec la silice amorphe. La teneur en Pb calculée reste dans ce cadre nettement plus élevée que la teneur mesurée. La teneur en Pb obtenue par la dissolution du sulfate de Pb correspond à la dissolution complète de ce dernier, dont la quantité initiale a été fixée arbitrairement. La prise en compte d’un verre chromé (Cr2O3) (à défaut de verre de chrome siliceux) dans les calculs d’équilibre aboutit à une concentration en Cr nettement inférieure aux teneurs mesurées (5E-12 vs 5E-8 à 3,2E-7 mol/L). Le Cr en solution apparaît ici principalement sous forme anionique. Le Cu natif mis à l’équilibre avec la solution utilisée expérimentalement donne une teneur en Cu comprise dans la fourchette des valeurs mesurées expérimentalement (4,7E-6 vs 3.2E-6 à 2E-5 mol/L). Le remplacement de Cu natif par du CuO conduit à une teneur en Cu de l’ordre de 2E-7 M, inférieure aux teneurs mesurées. Le sulfate de Cu conduit à une teneur nettement plus élevée (1E-3 mol/L), qui correspond à la dissolution complète du sulfate, dont la quantité initiale a été fixée arbitrairement. Quant au Zn, la prise en compte d’oxyde de Zn (zincite) conduit à une teneur légèrement plus élevée que la teneur maximale mesurée (5E-4 vs 2.2E-5 à 2.4E-4 mol/L). On notera que la prise en compte de ZnO et Cu natif conduit à augmenter la solubilité du fer. La teneur en fer calculée grimpe ainsi à 1E-6 mol/L par rapport à 1E-8 mol/L avec les autres hypothèses de calcul. Une autre hypothèse à tester est l’adsorption des métaux par complexation avec la matière organique. La difficulté rencontrée dans le cas présent est l’absence de données sur le COD (carbone organique dissous) et sur les proportions d’acides fulviques et humiques au sein du COD. On dispose en revanche d’une approximation du carbone organique total (COT entre 40 et 120 mg/L) au sein de l’éluat (mesuré sur une 2ème colonne expérimentale similaire), ainsi que des proportions d’acides humiques (18 %) et fulviques (4,5 %) au sein de la matière organique contenue dans le sédiment. La solubilité de ces acides n’étant pas connue (une recherche bibliographique n’a pu être menée dans le cadre du présent projet), la teneur en COT a été utilisée en première approche. Dans ce cadre, du fait que la filtration à 0,45 µm utilisée expérimentalement laisse passer une quantité significative de matière en suspension, on a supposé arbitrairement que 10 % du COT correspond à du COD. En moyennant la teneur en COT dans l’éluat à 90 mg/L, la teneur en COD considérée est donc de 9 mg/L. Les acides fulviques étant les plus réactifs, et pour simplifier le système, l’ensemble du COD est supposé assimilable aux acides fulviques. La surface spécifique (SS) des acides fulviques a été calculée sur la base de la force ionique (I) mesurée expérimentalement dans l’éluat (approximée à 1E-2 M) : SS = 159300 - 220800/(I)^0,09 + 91260/(I)^0,18 (Tipping and Hurley, 1992). Le nombre de groupements carboxyliques et phénoliques a été déduit en conséquence, ces derniers étant supposés 2 fois moins nombreux que les premiers (Tipping and Hurley, 1992) : Carboxylique 7,00E-04 moles/g Phénolique 3,55E-04 moles/g Bidentate 1,18E-04 moles/g

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La mise en équilibre de la matière organique en solution avec l’assemblage minéralogique de base avec une solution à 1E-2 M NaCl chargée en éléments métalliques à hauteur de 1E-3M conduit à une légère baisse des teneurs calculées qui diminuent de 1,6E-6 M pour le Cd, 5,4E-6 M pour le Pb, 3,8E-6 M pour le Zn et 12,3E-6 M pour le Cu (tableau II-14). L’équilibre avec des carbonates et la matière organique donne les mêmes résultats qu’avec les carbonates seuls. L’ajout de sulfates au système précédent conduit à des teneurs équivalentes pour le Pb et légèrement plus élevées pour Mn, Cd et Zn (facteur 1.4 à 2.4) Ces dernières teneurs sont équivalentes à celle obtenues avec l’assemblage carbonates et sulfates (sans MO), sauf pour le Cu qui descend à 9,7E-4 mol/L avec la matière organique (au lieu 1E-3). Tableau II- 14: Résultats de simulation prenant en compte la complexation avec la matière organique

dissoute, assimilée à des acides fulviques (Equil. ass. Min : équilibre avec l’assemblage minéral retenu avec silice amorphe, ETM : éléments trace métalliques ; MO : matière organique

mol/L pH Mn Cd Pb Zn Cu Commentaire Teneurs analysées min 6 7,90E-07 2,40E-08 5,00E-08 2,20E-05 3,2E-06 Teneurs analysées max 7 2,30E-05 2,80E-07 3,90E-07 2,39E-04 2,0E-05 Eau 1E-2M NaCl chargée ETM (1E-3M)+ Equil. Ass. Min. + MO 7,27 1.00e-03 9.984e-04

9.946e-04

9.962e-04

9.877e-04

pas de réaction de complexation MO avec Mn.

Equil. Ass. Min. + CarbonatesETM +MO+ halite 7,39 3.13e-05 5.72e-07 8.75e-07 6.44e-05 Equil. Ass. Min. + Carbonates ETM+halite 7,39

3.127e-05 5.72e-07

8.753e-07 6.44e-05

Equil. Ass. Min. + carbonates+sulfates+MO + halite 7,33 4.48e-05 1.35e-06 9.18e-07 8.50e-05 9.73e-04

dissolution totale sulfates + précipitation carbonate de Pb

Equil. Ass. Min. + carbonates+sulfates Pb et Cu+halite 7,39 4.47e-05 1.34e-06 9.17e-07 8.48e-05 1.00e-03

dissolution totale sulfates + précipitation carbonate de Pb

Equil. Ass. Min. + carbonates-Cu-ZnO+MO+halite 7,39 3.12e-05 5.72e-07 8.75e-07 6.43e-05 4.89e-06

dissolution totale ZnO + précipitation carbonate Zn

Equil. Ass. Min. + Carbonates ETM + Cu +ZnO+halite 7,39 3.12e-05 5.71e-07 8.75e-07 6.43e-05 4.99e-06

dissolution totale ZnO + précipitation carbonate Zn

L’ajout de matière organique à l’assemblage minéral initial complété de sulfates de Pb et de Cu et de sel (sans carbonates) donne des teneurs en Cu et Pb inférieures à celles obtenues sans matière organique ; ces teneurs sont similaires à celles obtenues avec l’eau chargée en Cu et Pb (9,74E-4 et 9,98E-4 pour Cu et Pb respectivement vs 1E-3 mol/L), mais largement supérieures à celles mesurées expérimentalement (1E-5 et 1E-7 mol/L environ pour Pb et Cu respectivement). L’ajout de MO à l’assemblage minéralogique de base complété de carbonates d’ETM, de Cu et de ZnO ne modifie pas les teneurs calculées en ETM. L’ajout de MO à l’assemblage minéralogique de base complété de Cu et de ZnO ne modifie pas significativement les teneurs calculées en ETM. La spéciation des éléments, par exemple dans l’hypothèse incluant les carbonates, les sulfates de Cu et Pb, le sel et la matière organique, indique que moins de 3 % du cuivre se présente sous forme de complexes organiques, le reste étant sous forme d’ions libres Cu+2 (62 %),

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CuO (26 %) et CuOH+ (11 %). Pour les autres éléments, la quantité complexée à la matière organique apparaît négligeable. Si l’on considère que tout le carbone organique mesuré en solution est réactif (environ 90 mg/L de COT) et en l’assimilant à de l’acide fulvique, la quantité de cuivre complexé à la matière organique dans l’éluat devient significative. Elle représenterait ainsi environ ¼ du cuivre présent dans l’éluat (proportion établie à partir des teneurs calculées). Pour les autres éléments, la quantité complexée avec la matière organique resterait négligeable par rapport aux autres formes. On notera que, dans l’hypothèse incluant les carbonates, les sulfates de Cu et Pb, le sel et la matière organique, le Cd se complexe en solution avec les sulfates et le chlore, et dans une moindre mesure avec le carbonate et l’hydrogénocarbonate. Pb en solution se présente principalement sous forme de complexe avec le carbonate. Zn est principalement sous forme de cation (Zn+2, ZnO+). La dernière hypothèse testée concerne le transfert des éléments trace par des colloïdes présents en solution, l’adsorption s’effectuant par complexation de surface sur les groupements silanol et aluminol des colloïdes minéraux à base de silice, aluminium et fer. La difficulté rencontrée ici concerne le manque de données sur les quantités de colloïdes présents dans l’éluat. On dispose en revanche des teneurs en certains minéraux dans le sédiment : illite et kaolinite (de l’ordre de 8 % en tout), quartz (environ 40 %). La première hypothèse de travail a consisté à évaluer la quantité d’éléments métalliques pouvant être associés aux colloïdes minéraux. Pour ce faire, la quantité de phases colloïdales a été déduite de la teneur en éléments mesurée dans l’éluat lors de l’expérimentation diminuée des teneurs calculées par mise à l’équilibre de l’assemblage minéral (calcite, dolomite, gibbsite moyennement cristallisée, oxy-hydroxyde de Fe, calcédoine) avec la solution injectée dans le sédiment. Les hypothèses retenues sont ainsi : 1E-3 mol/L de Si sous forme colloïdale dans l’éluat, correspondant arbitrairement à 80 % d’argiles assimilées à de l’illite et à 20 % à du quartz, 1E-6 mol/L d’Al assimilé à de la gibbsite mal cristallisée et 1E-6 mol/L de Fe assimilé à des oxy-hydroxydes. La quantité de groupements réactifs pouvant participer à des réactions de sorption a été calculé sur la base : - 2E-7 sites silanol (SiOH) par gramme de quartz (Hanna et al., 2009), surface spécifique de 10 m²/g (Trollard et al, 1986) ; - 5E-7 sites silanol (SiOH) par gramme d’illite (argiles assimilées à de l’illite), surface spécifique d’environ 50 m²/g (moyenne entre l’illite et la kaolinite des surfaces spécifiques externes d’après les données de Morel (1996) ; - 0,012 sites aluminol (AlOH) par gramme de gibbsite amorphe et surface spécifique de 100 m²/g (Hannah et al., 2009) ; - 0,205 sites par mol de Fe pour les oxy-hydroxydes de Fe et surface spécifique de 600 m²/g (Dzombak et Morel, 1990). Ne disposant d’un jeu de données thermodynamiques complet que pour Pb et Zn, seuls ces 2 éléments sont considérés par la suite. La mise en équilibre de la surface réactive ainsi constituée avec une solution chargée en Pb et Zn à hauteur de 10-3 mol/L et de force ionique 1E-2 M (NaCl) en présence de l’assemblage minéralogique initial (calcite, dolomite, silice amorphe, gibbsite mal cristallisée) conduit à

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une légère baisse des teneurs en Pb et Zn dans la solution, de 2E-7 mol/L pour le Pb et 4E-7mol/L pour le Zn. L’équilibre avec des carbonates et les groupements fonctionnels des colloïdes minéraux donne les mêmes résultats qu’avec les carbonates seuls. 6.3 Conclusions sur le modèle géochimique et la simulation des concentrations à l’équilibre Les simulations avec l’assemblage minéralogique de base montrent que des phases amorphes et/ou colloïdales du fer et de la silice sont présentes ; Al a été supposé présent sous forme hydroxydes d’Al moyennement cristallisés, mais ceci reste à vérifier. Les teneurs importantes des éluats en Na sont vraisemblablement dues à la présence de sels résiduels dans le sédiment. L’introduction de sel dans le cortège minéral conduit à la teneur mesurée si la quantité initiale est supposée égale à 0,01 mol (par L de solution en contact avec le sédiment), soit 0,03 % en masse dans le sédiment. La dissolution /précipitation de carbonates de Pb, Zn, Cd, Mn apparaît très plausible. La dissolution /précipitation de verres tels que définis dans Thermoddem (PbSiO3, Cr2O3) apparaît en revanche peu probable eu égard aux teneurs en Pb et Cr calculée. Le rôle de verres ou de fibres de verres au SiPb et Cr ne peut être totalement exclu cependant. La recherche de leur existence au sein du sédiment et des eaux de ruissellement serait utile, ainsi que la recherche de données thermodynamiques spécifiques. La dissolution des sulfates de Pb et de Cu ne peut être exclue. Si elle intervient, d’autres mécanismes interviennent pour réguler les teneurs en Pb et Cu (piégeage). La dissolution ZnO et de Cu natif apparaît plausible en termes de teneurs. Il semble en revanche que l’oxyde de cuivre (CuO, ténorite), même s’il est potentiellement présent, ne régisse pas la teneur en Cu dans l’éluat. Eu égard au rôle complexant de la matière organique, et à la forte teneur en MO du sédiment étudié (prélevé cependant en partie superficielle du bassin), il semble difficile de ne pas prendre en compte ce mécanisme. Pour mieux l’appréhender, la mesure du COD et du COT serait utile afin de caler le modèle. La quantification des acides fulviques et humiques en solution serait un plus. Sur la base des hypothèses émises sur les quantités réactives, la matière organique seule ne semble pas pouvoir réguler l’ensemble des teneurs en éléments trace métalliques. Une partie de la teneur en cuivre mesurée dans les éluats pourrait néanmoins correspondre à des complexes avec la matière organique (en partie sous forme colloïdale). La quantité des autres éléments complexés avec la matière organique semble en revanche peu significative. Eu égard à la présence de colloïdes minéraux dans les éluats ainsi qu’à la grande quantité de silicates et à la présence d’oxy-hydroxydes de fer, il semble difficile de ne pas prendre en compte les mécanismes d’adsorption sur ces phases. Dans les hypothèses de calcul considérées, la quantité d’éléments adsorbés sur les groupements fonctionnels des colloïdes minéraux ne contribue pas à réguler les teneurs en éléments dans la solution. Pour mieux appréhender le rôle des colloïdes, il serait utile de disposer de leur quantification dans les éluats. L’ensemble des silicates et oxy-hydroxydes de fer présents dans le sédiment lui confère très probablement une capacité de piégeage des ETM très importante. Les oxyhydroxydes de fer sont susceptibles de jouer un rôle significatif sur la rétention et la mobilité du Cr, qui semble en effet présent en solution sous forme de complexe aqueux anionique. Une partie du Cr pourrait ainsi être transportée par des colloïdes ferriques.

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7. Modélisation des transferts de polluants à grande échelle Une des propositions du LR de Lyon dans le cadre de l’opération de recherche 11M063 était de développer une méthodologie permettant de quantifier la vulnérabilité dynamique d’une ressource en eau souterraine vis-à-vis de risques de pollutions provenant de l’exploitation d’infrastructures linéaires de transport (routes, voies ferrées). Un outil méthodologique, baptisé « EVEREST » (Évaluation de la Vulnérabilité Effective de la Ressource en Eau SouTerraine) a été développé pour servir d’outil d’aide à la décision lors d’études d'impacts environnementales concernant tout nouveau projet d’infrastructure, d’équipement ou plus généralement d’aménagement du territoire. L’outil est basé sur l’utilisation d’abaques permettant, suivant les conditions environnementales ou hydrogéologiques, de caractériser la migration d'un panache de pollution par son temps de transfert et sa concentration et ainsi d’estimer la vulnérabilité de la ressource en eau souterraine. Ces conditions sont mises en œuvre dans des scénarios de contamination en zone variablement saturée. Ils tiennent compte du contexte hydrogéologique (constitution des matériaux du sous-sol, propriétés hydrodynamiques, profondeurs de nappe…), des paramètres environnementaux (type de climat et variations saisonnières) et du mode d’exploitation de la ressource en eau (sensibilité des cibles) (Rossier et Eisenlohr, 2005), ainsi que de différents types de polluants (figure II-10). La prédiction des transferts de polluants à l’échelle d’un aquifère passe par la définition de modèles de transfert réactif et par l’utilisation de codes de calcul pour simuler la migration des polluants. Le code Feflow®v5.2 (Diersh, 2005) a été utilisé pour réaliser les abaques de l’outil EVEREST.

Figure II-10 – Paramètres environnementaux et hydrogéochimiques de la pression sur la ressource en

eau souterraine 7.1 Variables environnementales et hydrogéologiques Les simulations sont basées sur la résolution par le logiciel Feflow® v5.2 de l’équation de continuité de Richards couplée avec l’équation de conservation de la masse de Darcy. Ce principe de résolution a été validé par comparaison des résultats de modélisation avec ceux obtenus par des données de terrains (Diersh, 2005). Le modèle paramétrique de Van Genuchten a été utilisé pour lier la pression capillaire et la perméabilité à la teneur en eau.

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Dans le cadre de ce travail, les climats considérés ont été un climat océanique (station météo de Brest) et un climat méditerranéen (station météo de Nice). Des chroniques d'infiltration efficace (régime transitoire des écoulements souterrains) pour les deux climats ont été mises en œuvre, prenant en compte une évapotranspiration et un réservoir sol (« effet tampon »). Différentes profondeurs de la nappe sont simulées variant de 1 à 30 m. Les matériaux géologiques modélisés sont représentatifs de milieux poreux alluviaux ou fluvio-glaciaires. Il s'agit d'une grave, d'un sable, d'un sable limoneux et d'un limon (ces matériaux étant homogènes et isotropes). Les propriétés hydrodynamiques de ces matériaux sont issus de la littérature (Carsel et Parrish, 1988 ; Diersh, 2005; Goutaland, 2008). Les contaminants simulés sont représentatifs des cas de pollution de nappes les plus courants avec une substance représentée par grande famille de polluant : les chlorures (assimilés aux sels et MTBE), le benzène (assimilé aux BTEX), le naphtalène (assimilé aux HAP), le C12aromatique (assimilé aux HCT) et le TCE (assimilé aux solvants chlorés). Les propriétés physico-chimiques des substances polluantes sont tirées de Fetter (1992). 7.2 Représentation des résultats sous forme d'abaques Un suivi de l'évolution temporelle de la concentration en polluant à différentes profondeurs de ZVS est réalisé pour une injection de polluant en surface continue dans le temps. De l'interprétation des résultats issus des différentes simulations ont été déduites des abaques permettant de connaître suivant les conditions environnementales et hydrogéologiques un temps d'arrivée (correspond à l'arrivée de 0,01% de la concentration injectée en surface), de transfert (correspond au maximum de concentration) et la concentration en pollution au toit de la nappe ainsi qu'un abattement de cette concentration avec la profondeur. 7.3 Application de l'outil Le déversement accidentel d'un camion citerne contenant des HCT, BTEX et HAP en concentration connue sur les sols (figure II-11). Cet accident a eu lieu en région Rhône-Alpes en période hivernale. Le matériau constitutif du sous-sol est sableux et la nappe se situe à environ 15 mètres de profondeur. Un captage AEP se situe en aval hydraulique.

Figure II-11 - Conditions environnementales et hydrogéologiques de la pollution

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Les temps d’arrivée et de transfert ainsi que la concentration à 15 m sont pointés sur les abaques adaptés au cas d'étude (figure II-12). Une échelle de vulnérabilité de faible à très forte est proposée dans l'outil EVEREST, cette échelle se base sur des critères de temps de transfert de polluants jusqu'au toit de la nappe.

Figure II-12 - Principe d'utilisation des abaques

Une application proposée dans l'outil EVEREST, permet de passer d'une concentration d'analyse de sol (mg/kg) à une concentration dans la phase liquide (mg/L). Ainsi les concentrations en solution calculées à 15 m sont respectivement de 0,17, 647 et 0,43 mg/l pour BTEX, HCT et HAP, avec des concentrations en surface de 2, 1500 et 10 mg/kg. 7.4 Conclusions et perspectives La hiérarchisation de la vulnérabilité de la ressource en eau souterraine donnée par les abaques lors d’une étude ne constitue pas une finalité en soi. Particulièrement si l’outil met en évidence une vulnérabilité forte à très forte, selon les contextes, il sera primordial de poursuivre les études hydrogéologiques notamment par des investigations de terrains et si nécessaire par une modélisation déterministe. Pour améliorer la représentativité des résultats de l'outil EVEREST, une série de travaux sont à envisager avec notamment une extension de la méthode à des contextes hétérogènes, une caractérisation de différents modes de contamination avec une durée et une largeur d'injection variable de la pollution. 8. Conclusion générale Dans cette partie de l’étude générale, des expérimentations batch/colonne ont été menées sur 3 matériaux (sédiments de bassin et balayures), ainsi que des observations MEB et un travail de modélisation de l’équilibre chimique dans les éluats a été réalisé. A côté de l’objectif initial de quantifier la mobilisation des métaux trace contenus dans les matériaux, un objectif secondaire était de rechercher les phases porteuses des polluants pour conforter les hypothèses de transfert. Les expérimentations en laboratoire ont permis de constater qu’à quelques exceptions près les concentrations en métaux mobilisés étaient du même ordre de grandeur pour les différents matériaux. Ceci conduit à penser que les formes des polluants sont relativement identiques

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dans les eaux de ruissellement, indépendamment du site. Les niveaux d’extraction restent faibles dans les conditions de l’expérimentation mais on a pu souligner que tous les métaux sont soit sensibles à une modification des conditions physico-chimiques de type salinité de l’eau de ruissellement, soit à des périodes d’arrêt et de reprise de débit. Le transfert colloïdal compte de façon très variable dans le transfert global des éléments polluants. On retrouve les tendances observées pour les eaux de ruissellement. L’analyse des observations conduit à interpréter les transferts des métaux plus en terme de transfert colloïdal qu’en terme d’échange ionique par rapport à des alumino-silicates. Il est difficile de recouper les informations apportées par les observations MEB et la modélisation du système chimique avec les concentrations en sortie de colonne, même avec une coupure à 0,45 µm. On retrouve cependant au MEB l’association Mn-Cd qui est proposé comme mécanisme responsable du transfert du Cd. La présence d’alumino-silicates dans les éluats conforte la relation forte entre teneur en Si et Al, la modélisation permet d’assoir l’hypothèse des oxydes métalliques et de la silice colloïdale. Les méthodes d’observation et d’analyse spectrale mériteraient plus d’investigation car il est important de pouvoir réfléchir sur des éléments figurés pour expliquer la migration des polluants. 9. Références bibliographiques Appelo V., Postma M. (1999) Geochemistry, groundwater and pollution, A. Balkema Publishers, Rotterdam, Netherlands, 536 pp. Arnold T., Zorn T., Zanker H., Bernhard G., Nitsche H. (2001). Sorption behavior of U(VI) on phyllite: experiments and modeling, J. Contam. Hydrol. 47, 219–231. Blanc P., Lassin A., Piantone P. (2009). thermoddem a database devoted to waste minerals. BRGM (Orléans, France). http://thermoddem.brgm.fr Biermans and Baert (1977). Characterization of amorphous Al, Fe, and Si oxides in sesquioxidic soils, Pedologie, 27(3), 313-322. Carsel R.F., Parrish R.S (1988). Developing joint probability distribution of soil-water retention characteristics. Water Resources Research, (24), 755-769. Clozel, B., Ruban, V., Durand, C., conil, P. (2006). Origin and mobility of heavy metals in contaminated sediments from retention and infiltration ponds. Applied Geochemistry, 21(10): 1781-1798. Christensen J. B., Botma J. J., Christensen T.H. (1999). Complexation of Cu and Pb by DOC in polluted groundwater: a comparison of experimental date and predictions by computer speciation models (WHAM AND MINTEQA2), Wat. Res., 33(15), 3231-3238. Christensen J. B., Christensen T.H. (2000). The effect of pH on the complexation of Cd, Ni and Zn by dissolved organic carbon from leachate-polluted groundwater, Wat. Res., 34(15), 3743-3754. Datry, T., Malard, F., Vitry, L., Hervant, F., Gibert, J. (2003). Solute dynamics in bed sediments of a stormwater infiltration basin. Journal of Hydrology, 273: 217-233. Davis J.A., James R.O., Leckie J.O. (1978). Surface ionization and complexation at the oxide/water interface. 1. Computational of electrical double layer properties in simple electrolytes, J. Colloid Interface Sci. 63, 480–499. Dechesne M., Barraud S., Bardin J.-P. (2004). Spatial distribution of pollution in an urban stormwater infiltration basin, Journal of Contaminant Hydrology, 72, 189-205.

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TROISIEME PARTIE

EVALUATION DES RISQUES ECOTOXICOLOGIQUES LIES A LA GESTION DES RESIDUS D’ASSAINISSEMENT

ROUTIER ET URBAIN (RAR)

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1. Introduction De nombreux ouvrages d’assainissement ont été réalisés en bordure du réseau routier et autoroutier pour collecter les eaux de ruissellement des chaussées dans le but (i) d’écrêter les débits en direction des cours d’eau récepteurs ou avant infiltration dans la nappe, (ii) de retenir une partie de la pollution par décantation des particules sur lesquelles sont fixés une majorité de polluants, et (iii) de prévenir toute pollution accidentelle liée par exemple au déversement d’un camion transportant des matières dangereuses sur la chaussée. De par leur fonction de décantation, ces ouvrages se remplissent progressivement de sédiments. Deux cas de figure se présentent alors : - l’ouvrage est un bassin à ciel ouvert dont le fond est naturel ou étanche et recouvert de sédiment, et qui a été planté ou colonisé par la végétation (phragmites ou autres hélophytes) ; dans ce cas, si les périodes en eau sont suffisamment longues, toutes les conditions sont réunies pour accueillir une biocénose généralement composée d’invertébrés (mollusques, insectes) et de vertébrés (amphibiens, voire poissons en cas d’introduction voulue, accidentelle ou aléatoire de ceux-ci). - l’ouvrage est complètement artificiel (membrane PEHD), avec une hauteur de sédiment faible et sans végétation, à ciel ouvert ou enterré : le développement d’une biocénose n’est pas possible. Dans le premier cas, la présence d’un écosystème témoigne de conditions favorables au développement de la vie, l’ouvrage peut alors être considéré comme une zone humide qui présente une certaine valeur patrimoniale et dont la gestion pourra être différente de celle d’un simple bassin hydraulique. Mais certains auteurs (Stahre & Urbonas, 1990 ; USEPA, 1999; Bishop et al. 2000a, b ; Scher & Thiéry, 2005 ; Wik et al., 2008) se sont interrogés sur le niveau de contamination de tels écosystèmes alimentés par des eaux de chaussées et dans lesquels les sédiments constituent un piège pour les polluants, et sur les conséquences de cette contamination sur la faune sauvage pouvant fréquenter périodiquement ces milieux, pour s’y nourrir par exemple. C’est une première raison de s’intéresser à l’évaluation écotoxicologique des sédiments de tels écosystèmes, à la contamination de la faune présente et aux effets correspondants sur les activités biologiques et les populations, comme l’ont fait certains (Bishop et al. 2000a, b ; Karouna-Renier & Sparling, 2001 ; Scher & Thiéry, 2005 ; Casey et al., 2006 ; Wik et al., 2008). Dans tous les cas, il convient de récupérer, à intervalle de temps variable selon les caractéristiques du bassin, les sédiments pour éviter le comblement ou/et le colmatage. Il faut alors gérer ce qu’on doit bien appeler des résidus d’assainissement routier, et le présent chapitre se situe dans cette perspective. Il intégrera également, de façon ponctuelle, les balayures de chaussée, qui constituent en quelque sorte une partie de la fraction particulaire susceptible de se retrouver dans les sédiments des bassins. La législation relative à la protection de l’environnement est de plus en plus restrictive en matière de gestion des sédiments pollués. Ces matériaux étaient jusqu'à présent couramment mis en décharge ou plus simplement déposés sur sol en conditions plus ou moins confinées, ou encore immergés dans le cas des sédiments de fleuves, de canaux ou de ports maritimes. Les gestionnaires des différents types de sédiments pollués sont donc amenés à chercher des solutions alternatives pour évacuer et gérer ces matériaux d'une manière plus durable. En fonction des caractéristiques des sédiments, la valorisation peut intéresser plusieurs domaines tels que le génie civil, les travaux publics, l’agriculture par l’amendement des sols ou encore la réhabilitation de sites naturels. Le génie civil est une filière souvent envisagée. Cette dernière consomme en effet une quantité importante de granulats et doit faire face à un épuisement des sources d’approvisionnement en granulats.

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Une caractérisation du potentiel polluant des ces matériaux est indispensable afin de permettre on non leur valorisation. La méthodologie de l'évaluation des risques et les outils de l'écotoxicologie peuvent aider à une telle caractérisation. C’est l’objet de cette partie.

2. Les résidus d’assainissement routier et la réglementation La gestion des résidus d'assainissement routier en France ne fait pas l'objet d'une politique claire. Seuls quelques textes réglementaires et circulaires s'y rapportent, mais ceux-ci ne donnent aucun seuil de polluants pour les produits de l'assainissement des eaux pluviales, d'où une gestion difficile. Après curage ou ramassage (balayures), les RAR sont considérés comme des déchets selon la loi du 15 juillet 1975 relative à l’élimination des déchets et à la récupération des matériaux (article L 541-1 du Code de l’Environnement), c’est-à-dire un "résidu issu d’un processus de production, de transformation ou d’utilisation, toute substance, matériau, produit ou plus généralement tout bien meuble abandonné ou que son détenteur destine à l’abandon". Selon les directives européennes du 18 mars 1991 et du 12 décembre 1991 (91/156, 91/689), ainsi que le décret n°2002-540 du 18 avril 2002 relatifs à la classification des déchets, les RAR peuvent être rattachés à la catégorie des "terres, cailloux et boues de dragages" (catégorie 17 05). L'annexe 1 du décret du 18 avril 2002 liste différentes propriétés qui rendent les déchets dangereux. On dénombre 14 propriétés. Certaines d'entre elles sont susceptibles de concerner les RAR comme par exemple les propriétés toxique, cancérogène, tératogène, mutagène, écotoxique. Mais le texte ne précise pas de quelle façon l'écotoxicité doit être évaluée. Les RAR étant considérés comme des déchets, leur éventuel dépôt en Centre de Stockage des Déchets (CSD) est donc soumis à la réglementation issue de la décision du conseil n°2003/33/CE du 19 décembre 2002. Des valeurs limites en polluants ont été définies pour les classes 1 (déchets dangereux), 2 (déchets non dangereux) et 3 (déchets dits "inertes"). Ce texte donne également une idée du devenir et de la valorisation possible des sols pollués. La circulaire n° 2001-39 du 18 juin 2001 contient un "Inventaire sommaire des déchets de la route et de leurs potentialités de valorisation" qui tient compte des sous-produits de l’assainissement routier. C'est le seul texte traitant explicitement des résidus d'assainissement routier mais sa portée est limitée. Il ne s'agit en effet que d'une circulaire qui incite les services de l'Etat à organiser la gestion de l'ensemble des opérations liées aux déchets du réseau routier national. De la même façon, la note n°63 du SETRA sur la "gestion des déchets de construction et d’exploitation liés à la route" propose différentes solutions de valorisation de ces matériaux selon leur dangerosité : épandage agricole, épandage sur emprise routière, valorisation en remblai, évacuation. Mais ces textes ne proposent pas de normes sur la dangerosité de ces matériaux permettant d’orienter les décisions vers la valorisation. Il est toutefois possible de s’inspirer de seuils définis pour des matériaux similaires tels que sols, sédiments de dragage et boues de station d’épuration. Nous évoquerons d’abord le cas des éléments traces métalliques (ETM), constituants d’origine à la fois naturelle et anthropique importants de ces matériaux. La liste hollandaise pour la qualité des sols donne des valeurs cibles et des valeurs d’intervention (tableau 1). Les valeurs cibles indiquent des sols de qualité acceptable. Ces valeurs représentent donc le niveau qui doit être atteint pour permettre de pleinement recouvrer les propriétés fonctionnelles du sol pour les hommes, la flore et la faune (MVROM,

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2000). Les valeurs d’interventions indiquent quant à elles une contamination importante des sols, correspondant à une menace "importante" pour la faune, la flore ou l’homme. Le ministère de l'écologie a mis en place des guides sur la gestion des sites et sols pollues. Dans ces guides on trouvait jusqu'en 2007 deux types de valeurs : les VDSS (Valeurs de Définition Source-Sol) et les VCI (Valeurs de Constat d'Impact) qui servaient à l'ESR (Evaluation Simplifiée des Risques). Cette méthode n'a plus cours actuellement. Cependant, ces valeurs restent de bons indicateurs de la pollution des sols. Les VDSS (tableau 1) sont des valeurs seuils au-delà desquelles on considère le sol comme pollué. La loi fédérale allemande relative à la protection des sols a établi deux seuils différents. Un seuil qui permet de décider si des investigations plus détaillées sont nécessaires ou si un risque pour la santé humaine et l'environnement peut être écarté. Une autre catégorie de valeurs est celle des valeurs d'action qui impliquent, en cas de dépassement, une action immédiate sans besoin d'investigations plus détaillée sur ce sol. Ces valeurs d'action sont fonction de l'usage prévu du sol étudié (tableau III-1). Une voie de valorisation des boues issues des stations d'épuration des eaux usées (STEP) est celle de l'épandage agricole. La réglementation s'y rapportant est constituée du décret n°97-1133 du 8 décembre 1997 relatif à l’épandage des boues issues du traitement des eaux usées et l’arrêté du 8 janvier 1998 fixant les prescriptions techniques applicables aux épandages de boues sur les sols agricoles. Ces textes indiquent les valeurs seuils de contaminants présents dans les boues. Au-delà de ces valeurs, l’épandage est interdit. Ils fournissent également des teneurs limites en polluants dans les sols. Si les sols dépassent avant épandage les valeurs en métaux présentes dans l'arrêté, l'épandage de boues de STEP est interdit, quelles que soient leurs concentrations en polluants (tableau III-1). Ces seuils ont été repris de la norme NF U 44-041, juillet 1985, Matières fertilisantes - Boues des ouvrages de traitement des eaux usées urbaines - Dénominations et spécifications. Il est possible d’apprécier les risques pour les écosystèmes aquatiques liés aux sédiments contaminés (Babut et Perrodin, 2001). Pour un matériau donné et un contaminant particulier, le risque est représenté par le rapport entre la concentration brute de ce polluant et un "seuil d’effet probable" (PEC pour Probable Effect Concentration) fourni par McDonald et al. 2000. Les PEC des polluants métalliques présents dans les sédiments d'assainissement routier sont mentionnés dans le tableau III-1. Les TEC (Threshold Effect Concentration, concentrations en-dessous desquelles aucune toxicité n’est attendue) également. Il est aussi possible d’évaluer un quotient de risque écotoxique global du sédiment (QPECm) en sommant les rapports et en divisant par le nombre total d’éléments analysés :

Avec : Ci : concentration mesurée pour le paramètre i PECi : concentration seuil d’effet probable n : nombre de paramètres mesurés VNF (Voies Navigable de France) doit régulièrement extraire les sédiments accumulés au fond des canaux et cours d’eau navigables lors d'opérations de dragage. Ces matériaux sont considérés comme des déchets. Face à l'absence de norme française concernant ce type de matériaux et aux importants volumes de sédiments concernés, VNF a mis en place des grilles d'aide à la décision. Ces grilles proposent une démarche à suivre dans la conduite d'un projet

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de dragage. Cette démarche inclut les risques environnementaux. Les sédiments sont classés a l'aide de deux seuils. Ces classes sont fonction des teneurs en polluants observées dans les sédiments et déterminent l'avenir des sédiments (tableau III-1). L'élaboration des Schémas Directeur d'Aménagement et de Gestion des Eaux (SDAGE) introduite par la loi sur l'eau du 3 janvier 1992 a conduit à la mise en place d'un Système d'Evaluation national de la Qualité des eaux par le Ministère de l'Environnement et les Agences de l'Eau. Le SEQ EAU est actuellement l’outil de référence en matière d’évaluation de la qualité des eaux et des sédiments de cours d’eau en France. Ce système est basé sur la notion d’altération d’un très grand nombre de paramètres analysés sur l’eau, les MES, les sédiments et les bryophytes. Il fournit des évaluations de la qualité physico-chimique de ces différents supports. Les sédiments font l'objet d'analyse des différents polluants : métaux, pesticides, HAP et autres polluants organiques. Ces différents seuils ont chacun une signification par rapport au type de matériau et au type d’usage pour lesquels ils ont été élaborés, raison pour laquelle ils sont généralement différents. Si l’on assimile les RAR à des sédiments quand ils sont en place dans les bassins ou à des sols quand ils sont susceptibles d’être utilisés comme matériaux de terrassement, on peut retenir, à partir des valeurs du tableau III-1, un seuil bas (bonne qualité) et un seuil haut (qualité mauvaise à partir de laquelle leur utilisation devient problématique) pour chaque catégorie (tableau 2). On notera cependant que des sols peuvent naturellement présenter des anomalies qui se traduisent par des valeurs élevées dépassant les seuils habituels de bonne qualité (Baize, 2000).

Tableau III-1. Synthèse de seuils utilisables pour qualifier le caractère polluant (ETM) des résidus d'assainissement routier (en mg/kg de matériau sec)

Cd Cr Cu Ni Pb Zn Valeur cible 0.8 100 36 35 85 140 Norme

hollandaise Valeur d'Intervention 12 380 190 210 530 720 VDSS Sols pollués 10 65 95 70 200 4500

Résidentiel 20 400 600 140 400 / Sols

Norme allemande

Action de dépollution Industriel 60 1000 3000 900 2000 /

valeur guide 20 1000 1000 200 800 3000 Norme NFU 44-041 Interdit 40 2000 2000 400 1600 6000 Boues de

Step CEE n°91/692

Epandage valeurs limites 20-40 / 1000-1750 / 750-1200 3500-4000

TEC Non toxique 0.99 43.4 31.6 22.7 35.8 121 PEC Toxique 4.98 111 149 48.6 128 459

Absence de contamination 2 150 100 50 100 300 Contamination avérée 6.4 250 300 150 368 500 Seuils VNF Contamination forte >6.4 >250 >300 >150 >367.5 >500 Très bonne qualité 0.1 4.3 3.1 2.2 3.5 12 Bonne qualité 1 43 31 22 35 120

Qualité moyenne 5 100 140 48 120 460

Sédiments

SEQ Qualité médiocre >5 >100 >140 >48 >120 >460

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Tableau III-2. Seuils possibles de bonne et mauvaise qualité en ETM pour des sols et des sédiments Cd Cr Cu Ni Pb Zn

bonne qualité <1 <43 <31 <22 <35 <120 Sédiment mauvaise qualité >5 >100 >149 >48 >120 >459 bonne qualité <1 <65 <36 <35 <85 <140 Sol mauvaise qualité >10 >65 >95 >70 >200 >720

Les RAR contiennent également des polluants organiques, parmi lesquels des hydrocarbures aliphatiques et aromatiques (HAPs) issus de la combustion des carburants, de l’usure des pneumatiques, des fuites d’huile. Il n’existe pas beaucoup de seuils de qualité pour les sols et sédiments pour ces composants organiques. 3. Etat des connaissances sur l’écotoxicité des résidus de l’assainissement routier (RAR) 3.1. Des matériaux contaminés et potentiellement toxiques Le tableau III-3 présente des valeurs de teneurs en métaux valeurs tirées de la littérature pour des sédiments de bassins et des balayures de chaussées. Les valeurs supérieures au minimum des seuils de mauvaise qualité présentés au tableau 2 apparaissent en italique. Ces valeurs montrent :

- une forte contamination en métaux lourds dans un certain nombre de cas, notamment pour Cr, Cu, Pb et Zn, avec des valeurs souvent supérieures aux seuils d’écotoxicité (PEC),

- des écarts importants selon les auteurs, liés vraisemblablement à des contextes locaux différents (trafic, pluviométrie, type de bassins, temps de séjour des eaux, granulométrie des sédiments, …)

- une contamination plus forte des sédiments de bassin que des balayures de chaussée.

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Tableau III-3. Teneurs en métaux de résidus d’assainissement routier d’après la littérature (a valeurs 1993 et 2003/2004 ; b moyenne et intervalle de valeurs min-max ; c bassins autoroutiers ; en italique :

valeurs supérieures aux seuils de mauvaise qualité du tableau 2) Teneurs en métaux lourds en mg/kg de matière sèche Source

bibliographique Localisation Cd Ni Cr Cu Pb Zn Balayures

BAU RN 230 0.5-0.7 25 39-55 76-259 93-111 399-406 Durand, 2003 CUB 0.6 16 33 78 103 447 Birmingham 1.62 41 - 467 48 534 Charlesworth et al.,

2003 Coventry 0.9 130 - 226 47 386 Bassins

Wissous 4.5G0.6 499 !167 348 !93.2 324 !25.3 323 !25 1575 !235 Ronchin 7.8 !1.1 59 !3 88 !6 254 !19 633 !47 1417 !158 Cheviré 1.8 G0.2 38 G5 88 !7 271 !31 419 !90 1847 !250 Durand 2003

St- Joseph 2.6 G0.1 52 !2 84 !14 111 !15 190 !13 890 !155 Zones

commerciales <DL-0.66 11-16 23-50 <DL-14 12-18 28-59 Autoroutes <DL-0.42 <DL-17 16-53 6-13 <DL-15 15-29 Kaourna-Renier &

Sparling, 2001 Zones résidentielles <DL-0.41 <DL-12 21-44 <DL-19 <DL-13 <DL-47

Zones commerciales

/ / / 9-18 12-13 47-71 Autoroutes / / / 9-18 18-18 32-344

Zones résidentielles

/ / / 11-10 10-10 28-52 Casey et al., 2006a

Référence / / / 13-5 13-6 24-14 ORAc 3.93 (0-

45) / / 70 (40-

130) 89 (1-160) 118 (49-210) MRAc 2.63 (0-

3.3) / / 158 (150-

180) 54 (6-84) 270 (200-410)

MRBc 2.16 (0-3.5)

/ / 230 (210-270) 45 (2-96) 174 (120-

210) MRCc 2.33 (0-

2.6) / / 143 (120-

160) 28 (1-59) 107 (86-160) SALc 2.7 (0-4) / / 185 (170-

190) 77 (3-120) 390 (350-430)

Scher et al., 2005b

GRAc 1.77 (0-2.1)

/ / 138 (120-150) 90 (1-140) 640 (540-

730) Le tableau III-4 tiré de Durand 2002 montre des teneurs en HAPs de quelques sédiments et balayures. On voit que dans un certain nombre de cas ces teneurs dépassent les seuils de toxicité des HAPs.

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Tableau III-4. Exemples de concentrations en HAPs (µg/kg de MS) et en hydrocarbures totaux (mg/kg

de MS) de sédiments de bassins et de balayage, norme hollandaise (µg/kg de MS), VDSS valeur définition source sol d’après Durand, 2002.

Balayures de chaussées Bassins ERM BAU RN 230 Pont CUB Wissous Ronchin Cheviré VDSS Norme

hollandaise PEC Long et al., 1995Naphtalène 480 - - - - - 23 561 2100 Fluorène - 340 - - - - - 540

Phénanthrène 990 450 520 5006 1120 313 45 1500 Anthracène 680 - - - - - 845 1100

Fluoranthène 1400 1200 860 1374 2290 670 3050 15 2230 5100 Pyrène 2600 1400 810 11510 2154 1223 2600

Benzo (a) anthracène 1500 1900 430 8060 2154 - 7 20 1600 Chrysène 600 850 340 16240 4200 - 5175 20 2800 Benzo (b)

fluoranthène - 1300 360 19740 9450 - Benzo (a)

pyrène - 760 - 12930 6500 - 3.5 20 1450 1600 Benzo (k)

fluoranthène - 730 - 11480 9450 450 25 Hydrocarbures

totaux 3170 1380 1350 31778 3872 4192 2500

Balayures de chaussées Bassins ERM BAU RN 230 Pont CUB Wissous Ronchin Cheviré VDSS Norme

hollandaise PEC Long et al., 1995 3.2. Résultats publiés sur l’écotoxicité des RAR Les travaux sur l’écotoxicité des RAR ne sont pas nombreux. Les premières évaluations écotoxicologiques se sont intéressées à juste titre aux effets des rejets d’eaux de ruissellement de chaussées, qu’elles soient urbaines ou (auto)routières, sur les milieux récepteurs (Smith et Kaster, 1983 ; Shutes, 1984 ; Maltby et al., 1995a, 1995b ; Boxall et Maltby, 1997 ; Perdikaki et Mason, 1999 ; Sriyaraj et Shutes, 2001 ; Lee et al., 2004 ; Grapentine et al., 2004). Maltby et al. (1995a) mesurent les impacts de rejets autoroutiers sur la qualité de l’eau et des sédiments de cours d’eau, ainsi que sur le compartiment biotique (macro-invertébrés) de ces cours d’eau. Ils mettent en évidence une contamination des sédiments par des HAPs (notamment phénanthrène, pyrène et fluoranthène, à quelques mg/kg chacun) et des métaux lourds, et une hausse des teneurs en métaux lourds (notamment Zn, Cd, Cr et Pb) et en anions de l’eau. Ils mesurent également un effet sur la diversité et la composition des assemblages de macro-invertébrés sur certains cours d’eau. Poursuivant leurs investigations par une étude d’identification des toxiques, Maltby et al. (1995b) montrent que l’essentiel de la toxicité des sédiments contaminés vis-à-vis de l’amphipode Gammarus pulex est expliqué par les HAPs. Afin de confirmer ce résultat et de préciser, Boxall et Maltby (1997) montrent que pyrène, fluoranthène et phénanthrène expliquent 31 à 120% de la toxicité observée. Il convient cependant de remarquer, à ce stade, que ces résultats portent sur des extraits organiques de sédiments contenant ces HAPs et non sur les sédiments eux-mêmes, ce qui, comme ils le reconnaissent eux-mêmes, peut conduire à une surestimation de la toxicité par une augmentation importante de la biodisponibilité des polluants.

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Plus rares sont les travaux s’intéressant aux impacts écotoxicologiques des rejets issus des bassins de rétention. Lieb et Carline (2000), se préoccupant des impacts d’un tel rejet sur les communautés de macro-invertébrés d’un cours d’eau en tête de bassin de Pennsylvanie (USA), exposent Gammarus minus in situ dans le cours d’eau récepteur pendant 42 jours. Ils concluent que, en dépit de conditions dégradées en aval du rejet, l’essai in situ n’a pas permis de démontrer de façon claire que le rejet d’eaux de chaussées urbaines était toxique pour cet amphipode. Un autre point de vue s’est constitué plus récemment alors que se sont généralisés les ouvrages d’assainissement routier destinés à réduire l’impact des eaux de chaussées sur les milieux récepteurs. Comme expliqué en introduction, certains bassins de rétention ont été conçus comme de véritables zones humides permettant, par la présence d’un sol, d’un sédiment et de végétaux aquatiques, le développement d’une biocénose, et ce en dépit de la présence de polluants liés à leur fonction de rétention. Dans un contexte urbain et péri-urbain où les zones humides sont menacées par le développement de l’urbanisation et des réseaux de transport, ces bassins assimilables à des mares prennent une valeur écologique significative (USEPA, 1999; Stahre et Urbonas, 1990). Se pose alors pour certains auteurs la question des impacts des polluants sur la faune et la flore présentes ou de passage (Bishop et al., 2000a, 2000b ; Karouna-Renier et Sparling, 1997, 2001 ; Scher, 2005 ; Scher et Thiery, 2005 ; Casey et al., 2006 ; Foltz et Dodson, 2008 ; Wik et al., 2008). Karounia-Renier et Sparling (1997) évaluent la toxicité de sédiments et d’eaux issus de bassins de rétention sur l’amphipode Hyalella azteca exposé 10 jours. Leurs résultats montrent une survie normale (>87%) et une absence d’effet sur la croissance pondérale, alors que la taille des amphipodes est significativement plus grande dans certains sédiments, résultat qui est mis sur le compte de la richesse de ces sédiments en matières organiques nutritives. L’absence de toxicité est due selon eux à la présence (quantifiée) de sulfures, qui réduisent la biodisponibilité des métaux comme le cuivre. Pour Scher (2005), étudiant les écosystèmes de six bassins dépendant de deux autoroutes (trafic jusqu'à 65000 vh/jour) et d’un bassin témoin hors de la zone d'influence de ces autoroutes, la richesse biologique de ces écosystèmes, évaluée par des relevés de libellules, amphibiens et macrophytes, est liée aux caractéristiques de l'habitat, pas à la pollution (il est vrai modérée). Mayer et al. (2008) s’intéressent quant à eux aux effets de la pollution saline (sels de déverglaçage) sur la toxicité de sédiments de bassins de rétention vis-à-vis du même amphipode Hyalella azteca, le chlorure de sodium pouvant conduire à augmenter la teneurs en métaux dans les eaux interstitielles. Leurs résultats suggèrent que la complexation du cadmium par les ions chlorures (1 à 3 g/L) entraîne une augmentation de la teneur en Cd et que la toxicité élevée des eaux interstitielles n’est pas due aux chlorures mais probablement amplifiée par ceux-ci. Une étude récente (Wik et al., 2008) propose une approche complète de l’évaluation écotoxicologique de sédiments de regards et de bassins de rétention végétalisés ou simplement étanchés au fond, en tout 13 ouvrages. Elle consiste en des tests de toxicité aiguë (amphipode Hyalella azteca, crustacés cladocères Daphnia magna et Ceriodaphnia dubia) sur des suspensions et des élutriats de sédiment, sur les eaux de surface des sites, une identification des toxiques par l’approche TIE (USEPA, 1991), des tests de toxicité chronique (reproduction 7 jours de C. dubia), un dénombrement (nombre de taxons et abondances relatives) des macro-invertébrés présents dans les sédiments. Plusieurs sédiments ont des teneurs en métaux qui dépassent les seuils de toxicité (PEC, cf tableau 1 de ce rapport), notamment pour le zinc mais aussi les hydrocarbures aliphatiques à longue chaîne. Les relations entre contamination et toxicité sont faibles, probablement du fait d’une biodisponibilité variable, et il n’y a pas de relation entre toxicité mesurée au laboratoire et richesse biologique. La plupart des bassins ont cependant une richesse biologique pauvre et dominée par des taxons polluo-tolérants. Résultat confirmé par Snodgrass et al. (2008) qui posent la question du rôle des bassins de rétention dans la conservation ou la régression des

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amphibiens, qui peuvent y trouver des sites pour le développement des stades embryo-larvaires. Ils exposent deux espèces de grenouilles, la première (Bufo americanus) polluo-tolérante, la seconde (Rana sylvatica) polluo-sensible, à deux sédiments de bassins de rétention en microcosmes, pendant 48 jours. Les réponses sont très contrastées : l’espèce sensible ne survit pas alors que l’espèce tolérante ne présente que des signes d’intoxication subléthale. Les sédiments étudiés sont pollués (métaux, chlorures) mais dans des limites inférieures aux seuils habituels d’effets. Dans la mesure où de nombreux bassins de rétention végétalisés ne font pas l’objet d’opérations de curage régulières et sont plutôt gérés comme des étangs naturels (faucardage), il est intéressant de se poser la question de l’accumulation des polluants dans ces systèmes alimentés en permanence par des eaux de chaussée, et des conséquences éventuelles pour la faune présente. C’est ce qu’on fait Casey et al. (2006) en étudiant à 10 ans d’intervalle les teneurs en Cu, Pb et Zn de sédiments et de macro-invertébrés de 20 bassins de rétention (stormwater ponds). Ils montrent que les concentrations en polluants des sédiments sont stables, à l’exception du zinc dont la teneur augmente d’un facteur 10 en moyenne dans les bassins recevant des eaux d’autoroutes et excède alors les seuils de toxicité. Les teneurs dans les macro-invertébrés n’augmentent pas dans le temps, ce qui permet aux auteurs de conclure que les risques pour les communautés biotiques de ces ouvrages sont faibles et que ceux-ci ne requièrent pas de gestion particulière. Ils recommandent cependant des études supplémentaires sur le zinc. Ce métal pourrait, selon Sparling et al. (2004), générer des effets négatifs subléthaux sur le développement d’oiseaux (Carouge à épaulettes, oiseau courant des marais) nichant sur des sites de bassins de rétention. Il reste que, dans la plupart des cas, les sédiments d’ouvrages d’assainissement et les eaux correspondantes sont des mélanges de contaminants (métaux, hydrocarbures, pesticides, …) et qu’il est difficile, même par des approches de type TIE (Toxicity Identification Evaluation), d’attribuer telle ou telle toxicité à un contaminant particulier, comme le montrent les résultats de Wenholz et Crunkilton (1995) et, plus récemment, de Wik et al. (2008). 4. Contribution du programme à l’évaluation des risques pour les milieux aquatiques 4.1. Approche en scénario adoptée dans ce travail Les travaux d’écotoxicologie présentés ci-dessus se sont intéressés : - aux effets sur les milieux aquatiques récepteurs des rejets d’eaux pluviales urbaines ou issues de plates-formes routières ou autoroutières de chaussée, - ou bien à la contamination des bassins de rétention et aux effets observés sur les biocénoses de ces bassins ou encore sur des organismes tests exposés in situ ou au laboratoire aux matrices (eau et sédiment) collectées sur place. Le sédiment a été l’objet d’une attention particulière dans la plupart des travaux relatifs aux bassins de rétention (Karounia-Renier et Sparling, 1997 ; Casey et al., 2006 ; Mayer et al., 2008 ; Wik et al., 2008 ; Snodgrass et al., 2008) puisqu’il constitue un piège pour les polluants qui s’y accumulent et peuvent exercer des effets sur la faune et la flore benthiques et, par voie de conséquence, sur la chaîne trophique (cf travaux de Sparling et al. (2004) sur les oiseaux). Aucun de ces travaux n’a cependant considéré le cas des résidus d’assainissement routier qui, une fois sortis du bassin, du fossé ou balayés sur la chaussée, doivent être éliminés ou valorisés. Nous considérons ici le cas d’un scénario de valorisation des RAR bruts ou traités. Dans un tel scénario, les matériaux sont réutilisés en technique routière (sous-couche routière, réalisation de remblais, …) dès l’instant où ils présentent des caractéristiques géotechniques favorables, ce que nous supposons acquis, ou bien simplement déposés sur sol. Ces matériaux peuvent être lessivés par les pluies, ce qui génère des percolats

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(ou lixiviats) pouvant atteindre un milieu aquatique lentique proche et y exercer des effets sur la faune et la fore présentes. De façon ponctuelle nous présentons également les résultats d’un essai sur un sédiment de bassin, considérant la toxicité du sédiment vis-à-vis d’organismes benthiques et pélagiques en contact avec ce sédiment et nous replaçant ainsi dans la problématique des risques pour les biocénoses qui colonisent certains bassins de rétention. 4.2. Matériels et méthodes 4.2.1. Méthodologie générale La méthodologie générale a consisté à obtenir un lixiviat de chaque sédiment brut ou traité, à caractériser les sédiments et lixiviats sur le plan physico-chimique et à en évaluer l’écotoxicité au moyen de tests mono-spécifiques (une espèce exposée en conditions normalisées, sur une durée courte) ou pluri-spécifiques (essais en microcosmes sur 21 ou 28 jours). Dans le cas du sédiment testé directement, celui-ci a été testé dans les conditions de l’essai en microcosmes. 4.2.2. Résidus testés Les études ont concerné 13 sites (tableau III-5), avec une majorité de sédiments de bassins en contexte urbain (voiries à fort trafic) et des balayures (Lille). Parmi ces résidus, trois (AhAh, Cheviré, Lille) ont fait l’objet d'un tri granulométrique, aboutissant à différentes fractions : la fraction brute, la fraction 2-30 mm, 60 µm-2 mm après attrition et <60 µm (uniquement pour Cheviré). Après réception, ces matériaux ont été placés à 4°C en chambre froide.

TableauIII- 5. Origine des résidus d’assainissement routier étudiés dans ce travail (nd : donnée non disponible)

Résidu Infrastructure Lieu Type Ouvrage Type Végétation Volume (m3)

Trafic (vh/jour)

Wissous / Région Paris urbain bassin enterré béton non 10000 /

AhAh ? Crosne (Essonne) urbain bassin

plein air béton non 600 /

Cheviré Pont de Cheviré Nantes autoroute

urbaine bassin

plein air Sol pour

infiltration non 1170 80000 Lille / Lille centre Rues balayures / non / /

RCE1 Rocade Est Agglo Lyon autoroute urbaine

bassin plein air membrane

PEHD + sable oui 940 77091

RCE2 Rocade Est Agglo Lyon autoroute urbaine

bassin plein air membrane

PEHD + sable oui 4670 77091

RCE3 Rocade Est Agglo Lyon autoroute urbaine

bassin plein air béton non nd nd

RCE4 Rocade Est Agglo Lyon autoroute urbaine

bassin plein air membrane

PEHD + sable oui 5510 83879

RCE8 Rocade Est Agglo Lyon autoroute urbaine

bassin plein air béton non 2360 83879

A1 A7/Bld Europe Agglo Lyon autoroute

urbaine bassin

plein air membrane PEHD + sable oui nd nd

A2 A7/Subdi Agglo Lyon autoroute urbaine

bassin enterré béton non nd nd

A7 A7/A450 Agglo Lyon autoroute urbaine

bassin plein air membrane

PEHD + sable oui nd nd S ? Agglo Lyon route urbaine bassin

plein air membrane PEHD + sable oui nd nd

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4.2.3. Production des lixiviats Le protocole mis en place, inspiré de la norme française NF X 31-210 (AFNOR, 1992) est résumé dans le tableau III-6. Les différents bioessais ont été réalisés à partir de ces lixiviats.

TableauIII- 6. Protocole du test de lixiviation Solvant utilisé Eau distillée Rapport solide/liquide 1/10 Durée de Contact 24 h Agitation Par retournement continu (rotation 7 tours/mn) Température ambiante

Durée 15 minutes Vitesse 4000 tr/min Centrifugation

Température 4°C Filtration à 0.22µm En fonction du type d’essai

4.2.4. Caractérisation physico-chimique des résidus et des lixiviats Des analyses physico-chimiques ont été menées au L.S.E. sur les résidus (à l’exception des échantillons Cheviré, AhAh, Lille et leurs fractions granulométriques, pour lesquelles les analyses ont été réalisées par le LCPC de Nantes) et leurs lixiviats afin d’en déterminer les principales caractéristiques. Les principes des mesures sont rappelés au tableau III-7. Certaines analyses ont porté sur les lixiviats filtrés à 0.22 µm, soit pour distinguer la fraction particulaire + colloïdale présente dans le lixiviat seulement centrifugé et la fraction filtrée assimilable à du dissous, soit pour s’affranchir des interférences dues aux fractions solides.

Tableau III-7. Analyses réalisées sur les RAR et les lixiviats (SAA : spectrométrie d’absorption atomique)

Analyses physico-chimiques RAR Lixiviat centrifugé Lixiviat filtré à 0.22 µm pH nd pHmétrie

Conductivité nd Conductimétrie % eau pesée nd

perte au feu pesée nd Métaux (Cd, Cr, Cu, Ni, Pb, Zn) par SAA, après minéralisation

AFNOR 1998 par SAA, directement AFNOR

1998 Ions ammonium (NH4

+), ions nitrates NO3-, ions

phosphates ( PO43-) nd nd Colorimétrie HACH

Anions sulfates SO42-, chlorures Cl- nd nd Chromatographie d'ions Dionex

Cations calcium Ca2+, Mg2+, Na+, K+ nd nd Chromatographie d'ions Dionex 4.2.5. Bioessais Essais mono-spécifiques Ces essais, destinés à donner un premier aperçu de la toxicité des échantillons ou à préciser les résultats observés en microcosmes, n’ont porté que sur les lixiviats seulement centrifugés ou filtrés à 0.22 µm. Les principes de ces essais sont rappelés au tableau III-8. Ils concernent une micro-algue (Pseudokirchneriella subcapitata) et un cladocère (Daphnia magna), organismes qu’on retrouve en microcosmes.

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Tableau III-8. Essais monospécifiques mis en œuvre sur lixiviats de résidus d'assainissement routier

Essai Test Algues Test Daphnies Espèce Pseudokirchneriella

subcapitata Daphnia magna

Critère d'effet Inhibition de la croissance Immobilisation Inhibition de la

reproduction Durée d'exposition 72 h 48 h 21 jours Température 24 °C 20 °C Eclairement 6000 lux en

permanence Obscurité 2000 lux 16 h/jour Récipients microplaques de 96

puits Tubes à essai en

verre Flacon

polyéthylène Nombre d'organismes

104 cellules par mL à t=0 10 daphnies/tube 1 daphnie par

flacon Age des organismes à t = 0 / < 24 h Réplicats 5 puits/conc. 3 tubes/conc. 10 flacons/conc Nourriture / non Algues : 3.105

cells/mL 3 x/sem. Concentrations testées

11.25, 22.5, 45.0 et 90.0 %

6.25, 12.5, 25.0, 50.0 et 100.0 %

12.5 %, 25 %, 50 %

Volume solution d'essai 250 µL 10 mL 40 mL Traitement lixiviat filtration 0.22 µm filtration 0.22 µm ou non

Essais en microcosmes Les micro-écosystèmes ou microcosmes ont pour but de reproduire, à l'échelle du laboratoire, un écosystème naturel simplifié possédant un nombre réduit d'espèces caractéristiques des principaux niveaux trophiques (Thybaud, 1999). La complexité et la taille de ces dispositifs peuvent aller de la simple boîte de Pétri ou du bécher jusqu'à la rivière de laboratoire. Ils peuvent être purement aquatiques, ou terrestres, ou mixtes (aquatique et terrestre). A l'heure actuelle, il n'existe pas de microcosmes « standard » normalisés. Les dispositifs les plus utilisés sont des systèmes statiques (sans renouvellement en continu de l'eau). Ces systèmes permettent d'étudier les processus de dégradation des substances chimiques dans l'environnement, leur devenir ou leurs effets écotoxicologiques. Ceux-ci sont estimés de façon plus réaliste que par des tests de toxicité monospécifiques, car les microcosmes permettent de tenir compte des altérations possibles du potentiel toxique d'une substance, en particulier des phénomènes d'adsorption ou de biodégradation. Les microcosmes utilisés dans cette étude (Clément et Cadier, 1998) se composent d’un compartiment physique (colonne d’eau et sédiment) et d’un compartiment biologique (figure III-1). Ils simulent, avec plus ou moins de réalisme, les effets d’un polluant ou d’un ensemble de polluants sur le fonctionnement d’un écosystème aquatique lentique pour une période plus ou moins longue. L’essai en microcosmes soumet les populations évoluant dans le même compartiment (colonne d’eau, sédiment) à des conditions identiques (pH, température, conductivité, photopériode, teneur en oxygène) et aux mêmes substances. Les organismes se développant dans des compartiments différents seront exposés aux différents pools et espèces chimiques d’une même substance reflétant l’influence des conditions du milieu sur sa distribution spécifique et son transfert d’un compartiment à l’autre. En plaçant plusieurs espèces appartenant à différents niveaux trophiques dans un même milieu, les effets directs mais aussi indirects d’un polluant seront observés. Ainsi, un polluant

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peut s’avérer sans effet direct sur un organisme mais peut l’affecter indirectement par certains mécanismes écologiques (interactions avec les autres espèces par compétition et/ou prédation, …). Les microcosmes offrent ainsi un moyen de suivre les effets directs et indirects d’une substance toxique sur la dynamique des populations. Les impacts d’un polluant sur les grandes fonctions d’un écosystème : respiration, photosynthèse, productivité primaire, minéralisation de la matière organique peuvent être également étudiés grâce à ce type d’essais (Clément, 2006).

Figure III-1. Représentation schématique d'un microcosme de 2 litres Le protocole général du test est décrit dans la littérature (Clément et Cadier, 1998 ; Clément et al., 2004; Triffault-Bouchet et al., 2004, 2005). Dans les essais réalisés nous avons choisi de travailler en sédiment artificiel (150 g sec par microcosme constitué de 88% de sable de Fontainebleau, 10% de kaolin, 1.5% d'alpha-cellulose, 0.1% de carbonate de calcium et 0.3% de TétraMin (nourriture pour poissons)), avec une colonne d'eau constituée d'un milieu synthétique OCDE modifié (enrichi en calcium et en vitamines) (OCDE, 1993 ; Clément, 2006). Les microcosmes sont placés dans une salle thermostatée à 20°C et sont soumis à une photopériode de 16 heures d’intensité moyenne de 2 000 lux en surface. Ils sont ensuite aérés de façon permanente à l’aide de pipettes Pasteur reliées à une pompe d’aquarium afin de saturer la colonne d’eau en oxygène. Les systèmes sont laissés au repos sans lumière pendant 6 jours environ afin de permettre l’établissement d’un équilibre entre les phases liquide et solide et une stabilisation des paramètres physico-chimiques et bactériologiques (Clément, 2006). Les lixiviats seulement centrifugés sont introduits en même temps que les organismes après cette phase de stabilisation. J0 correspond à l’introduction des organismes dont le nombre et l’âge sont indiqués dans le tableau III-9.

Les paramètres physico-chimiques ont été suivis suivant le protocole présenté dans le tableau III-10. Le suivi des organismes est composé de deux parties : un suivi en l’absence de sacrifice, et un autre suivi lors des sacrifices, présentés dans les tableaux III-11 et III-12.

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Tableau III-9. Densité des organismes introduits dans les microcosmes Organismes Nombre Age

Daphnies Daphnia magna 10 Moins de 24 heures

Algues Chlorella vulgaris

Pseudokirchneriella subcapitata

10000 cells/mL 10000 cells/mL

-

Lentilles d’eau Lemna minor 12 frondes (6 colonies de 2 frondes) -

Amphipodes Hyalella azteca 10 1 à 2 semaines Larves de chironomes Chironomus riparius 25 2 à 4 jours

Tableau III-10. Paramètres physicochimiques suivis dans les microcosmes Paramètres Fréquences Appareil de mesure Support

Conductivité Conductimètre WTW modèle LF 95 muni d’une sonde Tetracon 96 Température

pH Sonde de température intégrée au conductimètre

pH-mètre WTW modèle pH 96 étalonné avant chaque mesure Pourcentage en O2

dissous

2 fois / semaine et lors des sacrifices

Sonde O2

Eaux surnageantes non

filtrées

Tableau III-11. Suivi des organismes des microcosmes en l’absence de sacrifice Organismes Fréquence Paramètres

mesurés Méthodes Lentilles d’eau

2 fois / semaine Croissance Nombre de frondes

Survie Comptage à vue des mères jusqu’à l’apparition des

premiers jeunes puis par siphonage (les mères sont réintroduites après comptage) Daphnies 1 à 2 fois /

semaine Reproduction

Comptage par siphonage des jeunes qui ne sont pas remis ensuite dans la colonne d’eau pour éviter une

surpopulation Jours

ouvrables Survie Nombre de mâles Nombres de femelles Chironomes

(Imagos) Fin d’essai Croissance Poids secs des mâles Poids secs des femelles

Les travaux précédents réalisés au sein du LSE étaient effectués sur des microcosmes de 2 litres sur 28 jours. Etant donnés les résultats obtenus lors de ces essais, il a été décidé de réduire la durée de l'essai à 21 jours, les effets observés différant peu durant cette période. Cette diminution permet de travailler simultanément sur un plus grand nombre de sédiments tout en permettant l'obtention de résultats pertinents sur les effets chroniques des lixiviats de résidus d'assainissement routier.

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Tableau 12. Suivi des organismes des microcosmes lors des sacrifices (* les adultes sont suivis de la même manière qu’en l’absence de sacrifice)

Organisme Paramètres mesurés Méthode Croissance Nombre de frondes Lentilles d’eau Production primaire Poids sec

Algues Croissance Teneurs en chlorophylle a (AFNOR 1999) Survie Nombre de mères

Croissance Poids sec des mères Daphnies Reproduction Nombre de jeunes

Survie Nombre de larves Chironomes (larves)* Croissance Poids sec des larves après 24h de jeûne à 20±2°C, à l’obscurité dans

de l’eau de nappe Survie Dénombrement

Amphipodes Croissance Poids sec après 24h de jeûne à 20±2°C, à l’obscurité dans de l’eau de nappe

4.3. Résultats 4.3.1. Composition physico-chimique des RAR et des lixiviats Les teneurs en métaux lourds mesurées dans les RAR (tableau III-13), comparées aux seuils de toxicité admis pour les sédiments (TEC et PEC), seuils que nous avons repris (tableau III-2) pour désigner de façon consensuelle un sédiment de bonne qualité et un sédiment de mauvaise qualité, montrent que tous les échantillons présentent un risque pour les organismes aquatiques benthiques. Ce risque peut être résumé par le quotient de risque QPECm qui apparaît en dernière colonne. Un quotient < 0.10 traduit l’absence de risque pour l’écosystème et la possibilité de valoriser le matériau, une valeur comprise entre 0.10 et 0.50 permet de supposer un risque et engage à réaliser des bioessais pour préciser, alors qu’une valeur > 0.5 conduit à une évaluation détaillée des risques (Babut et Perrodin, 2001). Les résultats montrent que les résidus d’assainissement routier sont, au regard de leurs teneurs en métaux lourds, des sédiments a priori dangereux pour l’environnement aquatique :

• 16 échantillons sur 28 présentent au moins une teneur dépassant le seuil d’effet probable PEC,

• aucun échantillon ne présente un QPECm <0.1 et ne pourrait donc être valorisé sans investigations plus poussées,

• 10 échantillons sur 29 présentent un QPECm compris entre 0.1 et 0.5, • la majorité des échantillons (19 sur 29) ont un QPECm >0.5, • les fractions < 60 µm sont les plus contaminées et présentent toutes un QPECm >1, • hormis le cas de cette fraction très fine, l’intérêt du criblage granulométrique

n’apparaît pas de façon évidente au regard de ces critères de toxicité. Les teneurs en cadmium se situent plutôt à des niveaux non problématiques (18 valeurs < TEC sur 29), alors qu’à l’opposé le cuivre, le plomb et le zinc présentent une majorité de valeurs potentiellement dangereuses (25 à 27 valeurs > TEC sur 29) et que les dépassements de PEC sont souvent simultanés pour Pb, Zn et Cr, Cu ou Ni (10 valeurs sur 28).

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Tableau III-13. Teneurs (mg/kg poids sec) ETM des RAR (grisé clair : teneurs < TEC ; grisé intermédiaire : teneurs > TEC et < PEC ; grisé foncé : teneurs > PEC ; QPECm : quotient de risque ;

<0.1 en grisé clair ; entre 0.1 et 0.5 : grisé intermédiaire ; > 0.5 grisé foncé) Cd Cr Cu Ni Pb Zn QPECm

Wissous 4.5 348 324 499 323 1575 3.74 AhAh1 brut 4.26 68 139 61 244 631 1.16

AhAh1 2-30 mm 2.6 541 120 38 169 535 1.58 AhAh1 60 µm-2 mm 1.75 60 72 62 119 271 0.70

AhAh1 <60 µm 6.19 99 184 53 320 875 1.48 AhAh2 brut 0.8 29 72 50 69 268 0.51

AhAh2 2-30 mm 0.27 42 38 26 37 134 0.30 AhAh2 60 µm-2 mm 0.4 39 99 62 100 215 0.60 AhAh2 60 µm-2 mm 0.3 34 90 54 48 78 0.44

AhAh2 <60 µm 6.3 123 303 91 348 1152 1.92 Lille brut 0.9 202 97 45 106 356 0.86

Lille 2-30 mm 0.07 64 16 11 12 58 0.19 Lille 60 µm-2 mm 0.47 73 87 17 60 381 0.42 Lille 60 µm-2 mm 0.26 76 80 21 49 206 1.34

Lille< 60 µm 2 118 222 52 269 871 1.20 Cheviré brut 1.33 69 306 29 138 1180 1.20

Cheviré 2-30 mm 0.37 32 125 14 83 650 0.59 Cheviré 60 µm-2 mm 0.18 32 59 11 66 320 0.36 Cheviré 60 µm-2 mm 0.11 27 25 9 60 188 0.25

Cheviré <60 µm 2.48 120 518 46 279 2275 2.19 RCE1 0.33 28.7 24.6 10.6 21.9 80 0.18 RCE2 0.48 50 116.8 15.79 59.64 330 0.47 RCE3 0.49 49.8 140.6 14.4 70.7 410 0.54 RCE4 0.39 56.2 90.6 27.2 64.2 263 0.60 RCE8 1.45 92.7 457 35.99 212.6 1430 1.61

A1 0.28 27.43 75.48 14.88 28.18 200 0.30 A2 0.9 65.09 268 49.27 126.32 1120 1.17 A7 1.52 78.7 474.59 51.99 214.33 2040 1.90 S 0.22 33.97 69.66 11.76 28.46 210 0.29

Mais l’approche en scénario adoptée rend plus pertinente une analyse physico-chimique et écotoxicologique des lixiviats obtenus à partir des RAR. Il est tout d’abord utile de rappeler que le contact de l’eau avec le matériau ne permet de mobiliser qu’une très faible fraction des polluants (maxi 5%), comme on peut le constater avec les métaux. L’essentiel reste piégé dans le sédiment. Mais on peut constater un comportement différent des métaux en les classant par ordre de mobilité croissante : Zn < Cr < Cd < Ni < Pb < Cu si l’on considère les lixiviats non filtrés et Cr ~ Cd < Zn < Pb < Ni < Cu si l’on considère les lixiviats filtrés. On verra ci-après que la plus grande mobilité de Ni, Cu et Pb expliquent des teneurs problématiques au niveau des lixiviats. Il est par ailleurs possible que la mobilité soit supérieure dans la fraction 2-30 mm (cas de Cheviré et Lille, pas de AhAh2). Pour juger des dangers présentés par ces valeurs, une analyse des teneurs en métaux des lixiviats peut être faite par comparaison à des seuils d’écotoxicité aquatique. On peut prendre par exemple les PNEC produites par l’INERIS (PNEC : Predictive No Effect Concentration) pour chaque métal à partir des données de toxicité de la littérature (valeurs respectives pour Pb, Cd, Cr, Ni, Cu et Zn : 5, 0.75, 4.7, 0.5, 1.6 et 8.6 µg/L). Les résultats montrent que, de façon logique, les lixiviats filtrés (à 0.22 µm) sont moins contaminés que les lixiviats seulement centrifugés. Les 42 lixiviats considérés présentent pour au moins un métal une teneur > PNEC, et 27 échantillons sur 42 au moins 3 teneurs en ETM > PNEC. C’est le cuivre et le nickel, suivis du plomb, qui sont les plus problématiques. Mais les lixiviats étant rejetés en milieu aquatique, la concentration 100% ne correspond jamais à un scénario réaliste. Compte tenu qu’il s’agira toujours d’apports sporadiques avec des pertes entre la production des percolats et le rejet dans le milieu, on se situe plus au niveau de concentrations < 1% dans le milieu récepteur. Après dilution 100x les lixiviats ont en majorité (37 sur 42) des teneurs

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100

très inférieures aux PNEC sauf pour certains échantillons (Wissous, Cheviré, RCE8, A2, S), pour le cuivre essentiellement. Les lixiviats des fractions granulométriques 60 µm-2 mm et 2-3 mm semblent en moyenne un peu moins contaminés que les lixiviats des résidus bruts, mais présentent eux aussi des valeurs > PNEC. 4.3.2. Toxicité du sédiment de Wissous Un essai en microcosmes a été effectué sur le sédiment de Wissous. Sur l’ensemble des paramètres biologiques considérés, seules la survie et la croissance des amphipodes H. azteca sont affectées de façon significative (40% par rapport au témoin). On note également une stimulation de la croissance algale (mais pas des lentilles d’eau) probablement liée aux apports de nutriments par le sédiment. 4.3.3. Toxicité des lixiviats Tests mono-spécifiques Les essais d’immobilisation 48 h de Daphnia magna montrent une absence totale de toxicité à 12.5 et 25% pour tous les lixiviats, quelques effets significatifs n’étant notés qu’à 100% de lixiviat pour certains échantillons (inhibition de 60% pour AhAh2 60 µm-2 mm). Des tests d’inhibition de la reproduction de D. magna sur 21 jours ont été mis en œuvre pour le lixiviat du sédiment de Cheviré filtré ou non à 0.22 µm (concentrations testées : 12.5, 25 et 50%). Les daphnies survivent sur la durée de l’essai, la reproduction est un peu moins bonne dans les lixiviats non filtrés, mais non significativement différente de celle des témoins. Les algues, qui n’ont pu être testées dans de bonnes conditions que pour les lixiviats des RAR de l’agglomération lyonnaise, ont vu leur croissance inhibée à partir de 45% (v : v) de lixiviat pour certains (A7 et RCE8) et 22.5% pour S (figure III-2). A la concentration 90% l’inhibition est élevée (>50%). On note des phénomènes de stimulation pour RCE4 et A7. Dans tous les cas, on n’observe aucune inhibition à 11.25%. Ces résultats suggèrent une absence de toxicité pour des concentrations < 10%.

0

20

40

60

80

100

120

140

160

180

0 20 40 60 80 100Lixiviat % ( v:v)

croiss

ance

relat

ive (%

) RCE1RCE2RCE3RCE4RCE8A1A2A7S

Figure III- 2. Croissance relative des algues par rapport aux témoins lors des essais sur 9 lixiviats filtrés 0.22 µm (valeurs cerclés : écart statistiquement significatif par rapport au témoin)

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101

Tableau III-14. Teneurs en ETM des lixiviats des RAR (NF : lixiviat centrifugé, analyses après

minéralisation ; F : lixiviat filtré 0.22 µm, pas de minéralisation avant analyses ; en grisé : valeurs > PNEC Ineris)

Pb Cd Cr Ni Cu Zn NF 1906 20.7 180.7 281.7 2127.5 10 Wissous F 8.4 0.16 0.74 7.8 13.6 <LD NF 5.67 <LD <LD 18.52 12.75 <LD AhAh2 brut F <LD <LD <LD 17.34 8.56 <LD NF 1.26 <LD <LD 4.16 2.27 <LD AhAh2 2-30 mm F <LD <LD <LD 4.29 2.25 <LD NF 4.13 <LD <LD 4.41 7.16 <LD AhAh2 60µm-2mm F <LD <LD <LD 3.27 4.15 <LD NF 183 1.43 3.7 30 103.25 0.43 Lille brut F 5 0 0.14 2.63 18.9 <LD NF 35.1 0.35 0.7 7.4 23.1 0.17 Lille 2-30 mm F 1.22 <LD <LD 0.9 6.67 <LD NF 36.1 0.7 0.9 8.8 37.9 0.2 Lille 60µm-2 mm F 3.8 <LD <LD <LD 9.3 <LD NF 105.7 0.98 1.63 18.3 289.7 0.85 Cheviré brut F 1.22 0.13 0.1 4.09 19.3 0.19 NF 70 0.7 1.9 16.5 178.7 0.6 Cheviré 2-30 mm F <LD 0.48 <LD 3.04 18.4 0.15 NF 25.9 <LD 0.19 1.2 23.77 0.15 Cheviré 60µm-2 mm F 7.53 <LD 0.11 0.71 8.27 <LD NF 20.45 0.12 0.17 2.89 70.05 0.21 Cheviré <60 µm F <LD 0.1 <LD 1.57 23.98 0.21 NF 21.1 2.03 13.32 9.77 23.3 <LD RCE1 F 0.47 <LD 0.76 <LD 4.30 <LD NF 8.08 0.45 4.22 3.32 16.6 <LD RCE2 F 0.66 0.07 0.39 0.52 4.70 <LD NF 11.5 0.83 4.52 2.28 46.3 <LD RCE3 F 1.62 0.33 0.50 1.14 12.95 <LD NF 8.67 0.58 7.92 6.83 12.50 <LD RCE4 F <LD 0.32 2.23 1.14 6.49 0.13 NF 47.30 1.48 21.50 15.70 307 0.45 RCE8 F 0.51 0.48 2.50 1.96 91.90 0.10 NF 25.30 0.83 5.47 9.86 58.10 420 A1 F 2.47 <LD 0.79 6.78 6.19 140 NF 97.10 0.99 15.8 28.31 189 980 A2 F 2.32 <LD 1.00 5.90 53.45 190 NF 12.70 1.87 4.73 6.76 28.70 210 A7 F <LD <LD 1.30 4.12 1.41 80 NF 26.40 0.53 9.98 15.77 69.10 550 S F 0.86 <LD 1.88 54.58 6.25 210 NF 193 4.58 69.50 53.74 964 2060 Seau F <LD <LD 1.03 7.28 1.14 190

Essais en microcosmes Les essais en microcosmes ont porté sur des concentrations variables (10 à 50%) selon les échantillons. Dans les essais les plus récents, une seule teneur de 10% a été retenue, d’une part parce que, comme précisé ci-avant, c’est une valeur déjà élevée pour le scénario envisagé, d’autre part parce que le niveau de réplication et la complexité de l’essai ne permettent pas de travailler de façon systématique sur une gamme de concentrations, notamment lorsqu’il est nécessaire de tester plusieurs lixiviats simultanément. Les résultats des essais sont présentés de façon synthétique dans le tableau III-15. Les effets sur des paramètres globaux comme le pH, la teneur en oxygène dissous et la conductivité restent modérés et ne reflètent pas un dysfonctionnement particulier. La croissance algale peut

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102

occasionnellement être légèrement inhibée (cas de RCE8 et Cheviré fraction 2-30 mm), mais c’est un paramètre difficile à suivre dans les systèmes en raison de nombreux facteurs de variation autres que les teneurs en polluants (sédimentation, broutage par les daphnies, …). La croissance des lentilles n’est en règle générale pas affectée, ou bien on observe une stimulation (Wissous, RCE4, RCE8) qui peut être due à un enrichissement en nutriments par les lixiviats ou/et à des effets indirects liés par exemple à la concurrence algues/lentilles d’eau. Les lixiviats, aux concentrations testées, sont rarement toxiques pour Daphnia magna, ce qui confirme les résultats des essais monospécifiques, mais Cheviré (fraction 2-30 mm) et Wissous ont inhibé la croissance ou/et la reproduction des cladocères. On retrouve des résultats analogues pour la survie et la croissance de l’amphipode Hyalella azteca. Les chironomes Chironomus riparius, dans la grande majorité des cas, survivent et se développent très bien dans les systèmes, le seul effet observé avec le lixiviat de Wissous ayant concerné la taille des imagos (adultes ailés après émergence). Les quelques effets observés dans certains lixiviats (Wissous et Cheviré) peuvent être rapprochés des niveaux de contamination en ETM des microcosmes (tableau III-16). Il est important de noter qu’il s’agit des teneurs totales (phases particulaires et dissoutes) correspondant à l’ajout des lixiviats seulement centrifugés. Une partie des particules se déposent sur le sédiment, ce qui modifie considérablement l’exposition des différents organismes, notamment ceux de la colonne d’eau, comme l’ont montré des analyses réalisées sur la colonne d’eau dans l’essai sur le lixiviat de Wissous. Il est possible que daphnies et amphipodes aient été sensibles aux concentrations supérieures aux PNEC évaluées par l’INERIS, notamment lorsque ces concentrations sont plus de 10 x supérieures à ces seuils. Le cuivre et dans une moindre mesure le zinc et le nickel pourraient bien expliquer les effets observés. Tableau III-15. Résultats synthétiques des essais en microcosmes menés sur lixiviats de RAR (0 : pas d’effet ; - : effet négatif ; + : effet positif; nm : non mesuré) (d’après travaux de Souki, 2006 ; Raevel,

2007 ; Renard, 2008)

Algues Lentilles d’eau RAR Conc lix Durée essai

(jours) pH Conductivité Croissance croissance (frondes) biomasse finale

Wissous 10% 28 augmente à 10 de J21 à

J28 peu différente difficile de

conclure + 100%

AhAh2 brut AhAh2 2-30 mm

AhAh2 60 µm-2 mm 10% 28 0 peu différente 0 +20% +20 à +30%

12.5% 0 0 0 0 25% 0 0 0 Cheviré 2-30 mm 50% 0

conductivité plus élevée

pas de donnée - d’après pH

0 0 12.5% 0 0 0 0 25% 0 0 0 0 Cheviré 60 µm-2 mm 50%

21

0 0 pas de donnée 0 d’après pH 0 0

RCE1 0 0 0 0 RCE2 0 0 0 0 RCE3 0 0 0 0 RCE4 0 0 + 70% 0 RCE8 0 - + 100% 0

A1 0 0 0 0 A2 0 0 0 0 A7 0 0 0 0 S

10% 21

0

Conductivité légèrement plus

élevée du fait des apports de

lixiviat

0 0 0

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103

Tableau III-15 (suite et fin). Résultats synthétiques des essais en microcosmes menés sur lixiviats de RAR (0 : pas d’effet ; - : effet négatif ; + : effet positif ; nm : non mesuré ; CE50 : concentration qui inhibe de 50% le critère concerné) (d’après travaux de Souki, 2006 ; Raevel, 2007 ; Renard, 2008)

Daphnies Amphipodes Chironomes

RAR survie Croissance Reproduction Survie Croissance Survie Emergence Croissance adulte

Wissous 0 - (60%) 0 (mais retard) 0 - (40%) 0 0 - (50 à 70%)

AhAh2 brut AhAh2 2-30 mm AhAh2 60 µm-2

mm 0 0 0 0 0 0 0 0

0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 Cheviré 2-30 mm 0 0

CE50-19 j 35.6%

CE50-21 j 17.6%

CE50-21 j 14.6%

0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 Cheviré 60 µm-2

mm 0 0 0 0 0 0 0 0 RCE1 à RCE8 0 0 0 0 0 0 0

A1 0 0 0 0 0 0 A2 0 0 0 0 0 0 A7 0 0 0 0 0 0 S 0 0 0 0

nm

0 0 nm

Tableau III-16. Teneurs théoriques (calculées à partir des analyses sur lixiviat centrifugé) en ETM (particulaire + dissous) des microcosmes (en grisé : valeurs > PNEC Ineris, en grisé foncé : valeurs

> 10xPNEC)

Teneur en métaux dans les microcosmes (µg/L) Lixiviat et concentration (%) Cd Cr Cu Ni Pb Zn

Wissous 10% 2 18 213 28 190 1 AhAh2 brut 10% <LD <LD 1.28 1.85 0.57 <LD AhAh2 2-30 mm 10% <LD <LD 0.23 0.42 0.13 <LD AhAh2 60 µm-2 mm 10% <LD <LD 0.72 0.44 0.41 <LD Cheviré 2-30 mm 12.5% 0.09 0.24 22.34 2.06 8.75 75 Cheviré 2-30 mm 25% 0.18 0.48 44.68 4.13 17.50 150 Cheviré 2-30 mm 50% 0.35 0.95 89.35 8.25 35.00 300 Cheviré 60 µm-2 mm 12.5% <LD 0.03 3 0.15 3.25 18.75 Cheviré 60 µm-2 mm 25% <LD 0.05 6 0.30 6.5 37.5 Cheviré 60 µm-2 mm 50% <LD 0.10 12 0.60 13 75 RCE1 10% 0.20 1.33 2.33 0.98 2.11 / RCE2 10% 0.05 0.42 1.66 0.33 0.81 / RCE3 10% 0.08 0.45 4.63 0.23 1.15 / RCE4 10% 0.06 0.79 1.25 0.68 0.87 / RCE8 10% 0.15 2.15 30.7 1.57 4.73 0.05 A1 10% 0.08 0.55 5.81 0.99 2.53 42 A2 10% 0.10 1.58 18.9 2.83 9.71 98 A7 10% 0.19 0.47 2.87 0.68 1.27 21 S 10% 0.05 1.00 6.91 1.58 2.64 55

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104

4.4 Discussion et conclusion L’analyse des teneurs en ETM de la trentaine de RAR (matériaux bruts et fractions granulométriques pour certains) étudiés par comparaison avec des seuils de type TEC ou PEC ou par calcul d’un quotient de risque comme QPECm montre que ces matériaux sont potentiellement dangereux, hors les autres contaminants (HAPs, PCBS, pesticides, etc.) non analysés dans ce travail. L’analyse des lixiviats de RAR correspondant au scénario étudié (percolation des eaux de pluie au travers des RAR et rejet des RAR dans un milieu aquatique lentique proche) montre que, si ces lixiviats récupèrent une fraction faible des polluants présents dans les RAR, ils n’en présentent pas moins des teneurs en métaux problématiques. Certes, la dilution attendue par le milieu récepteur, probablement >100x du fait d’apports sporadiques, permet de relativiser le danger puisqu’on obtient alors des teneurs environnementales la plupart du temps inférieures aux seuils de toxicité. En pratique, les essais monospécifiques (daphnies et algues) menés sur ces lixiviats indiquent une absence d’effets à des teneurs < 20% voire 50%, même lorsqu’il s’agit de critères d’effets chroniques comme la reproduction. Les 15 essais en microcosmes menés sur les lixiviats de RAR bruts et de leurs fractions granulométriques n’ont qu’exceptionnellement mis en évidence des effets négatifs, et permettent de confirmer l’absence de danger pour des teneurs < 10%. Lorsqu’il y a eu effet, il semble que cela puisse être expliqué par les teneurs en ETM comme Cu, Zn et Ni. Ainsi, il semble que l’analyse sommaire qui vient d’être faite à partir des teneurs en métaux comparées aux seuils de toxicité aquatique et les résultats des essais en microcosmes menés concordent assez bien. En effet, la première analyse suggère que, pour la plupart des lixiviats de résidus d’assainissement routier, le risque de toxicité aquatique due aux métaux est écarté après dilution par 100 (concentration en lixiviat de 1%), alors que les essais en microcosmes indiquent une absence d’effets significatifs pour des concentrations ≤ 10%. Compte tenu du facteur de sécurité de 10 généralement appliqué aux résultats d’essais en microcosmes, la PNEC qui en résulte serait voisine de 1%. Il faut également se rappeler que les lixiviats produits au laboratoire sont généralement plus chargés que dans la réalité du fait des conditions de contact entre l’eau et les matériaux solides, et que les apports de polluants diminuent au fur et à mesure que les matériaux sont lessivés (lorsque L : S augmente). Enfin, s’agissant de l’intérêt du criblage granulométrique du point de vue de l’écotoxicologue, le seul résultat clair que nous avons obtenu est le fait que la fraction 2-30 mm du sédiment de Cheviré est significativement plus toxique que la fraction 60 µm-2 mm. C’est également la plus contaminée, en métaux lourds tout au moins, ceci pouvant expliquer cela. 5. Evaluation des risques pour les plantes terrestres et rôle des plantes dans le devenir des métaux 5.1. Problématique Bedell et coll. (L.S.E.) ont cherché à évaluer les risques pour les plantes terrestres poussant sur les dépendances routières réalisées avec des résidus d’assainissement routier, et le rôle de ces plantes dans l’évolution de ces matrices contaminées (notamment extraction des métaux) (Bedell et coll.). Il s’agit :

- d’évaluer l’effet des polluants métalliques issus de sédiments routiers sur la croissance de la plante,

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105

- d’évaluer la mobilité du zinc et du cadmium des sédiments routiers et la mettre en regard avec les résultats obtenus au sein des végétaux,

- de déterminer la bioaccumulation au sein du ray-grass du zinc et du cadmium issus des sédiments routiers,

- et enfin d’identifier une éventuelle influence des pratiques des gestionnaires telles que la tonte sur l’accumulation au sein des végétaux, voire sur la mobilité du zinc et du cadmium.

5.2. Expériences réalisées L’ensemble des expériences a été effectué sur le ray grass car il s’agit d’une plante couramment utilisée pour la végétalisation de sites. De plus, cette espèce est connue dans la bibliographie pour être une espèce « modèle » pour l’étude de la bioaccumulation [Maisonnave et al., 2001]. Cette plante a déjà fait l’objet de nombreuses études sur l’extraction de polluants issus de sols pollués [Maisonnave et al., 2001], de sédiments de canaux [Capilla, 2005] mais il n’y a pour l’instant que très peu d’études sur les sédiments d’assainissement pluvial [Gigleux et al., 2000]. Les métaux suivis sont le zinc et le cadmium, l’un étant un oligo-élément (le zinc) et l’autre non. Enfin, ces deux éléments font partie des éléments les plus transférables du sol aux plantes [Labrecque et al., 1995] et il peut être intéressant de détecter une éventuelle influence des sédiments sur leur transfert ou mobilité environnementale. Pour cela, 100 graines de ray grass ont été mises en culture sur 1.6 kg de sédiment dans des pots de 2 litres percés au fond par de petits trous pour assurer le passage d’eau. L’ensemble des pots a été placé dans une salle climatisée à 20°C, avec un éclairage continu afin d’assurer une photopériode de 16h et une nuit de 8h. La récolte a eu lieu après deux mois de culture. Une couche de sable a été placée au-dessus du sédiment afin de faciliter la germination des graines déposées. Un tamis quadrillé a été placé au fond du pot afin d’éviter que trop de particules ne partent du pot au cours de l’arrosage (voir figure III-3).

Figure III-3 : Dispositif expérimental pour le suivi de la croissance des végétaux

Arrosage tous les jours avec de l’eau déminéralisée

100 graines de ray grass

1,6 kg de sédiment

Analyse des végétaux Au cours de la croissance : � Suivi du nombre de pousses � Mesure de la longueur de la partie aérienne

Au moment du sacrifice : � Mesure finale de la longueur de la partie aérienne/ racinaire � Mesure finale de la biomasse fraîche/sèche de la partie

aérienne/racinaire � Mesure des teneurs totales en zinc et en cadmium au sein de

la partie aérienne/ racinaire

Au cours de la croissance : � Suivi du poids

Au moment du sacrifice : � Mesure finale de la teneur en eau � Mesure de la teneur totale en zinc et en cadmium * � Extractions chimiques simples *(CaCl2, HNO3, DTPA) � Mesure du pH* * : mesures effectuées au sein du sédiment adhérent aux racines et non adhérent

Analyse des sédiments 50 g de sable de fontainebleau

Grille

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106

Les principales caractéristiques des sédiments sont regroupées dans le tableau III-17.

Tableau III-17. Principales caractéristiques des sédiments 5.3. Résultats et discussion 5.3.1. Croissance Le sédiment avec le plus faible taux de germination présente un ray grass avec des racines plus courtes de 3 à 4 cm que pour les autres sédiments. En ce qui concerne la biomasse fraîche des feuilles, elle est supérieure à celle de la partie racinaire pour l’essai sur le sédiment de Cheviré et Lyon alors que le rapport s’inverse pour la matière sèche. Pour le sédiment de Nancy, la biomasse des feuilles produites est inférieure à la biomasse racinaire . Le principal signe de toxicité dans notre étude est une diminution de la croissance racinaire. Il se peut que la texture et l’effet « toxique » des polluants du sédiment aient joué simultanément. 5.3 Résultats discussion 5.3.1. Accumulation Le sédiment avec le plus faible taux de germination (Cheviré) présente des plantes de ray grass avec des racines plus courtes de 3 à 4 cm que dans les autres sédiments testés. Pour ce sédiment, les croissances racinaires et parties aériennes sont disproportionnées: le ratio PA/PR est supérieur à 2 alors qu’un rapport égal à 1 est le signe d’un état de bonne « croissance » de la plante. Dans l’ensemble, les racines ont eu tendance à fuir le sédiment et à ne se développer qu’en bordure des pots. L’inhibition de la croissance racinaire ainsi que la fuite racinaire peuvent être un effet combiné de la toxicité des métaux lourds et de la structure compacte du sédiment. En ce qui concerne la biomasse fraîche des feuilles, elle est supérieure à celle de la partie racinaire pour l’essai sur le sédiment de Cheviré et Lyon (figures III-4). Le principal signe de toxicité combiné à la structure compacte du sédiment est, dans notre étude, une diminution de la croissance racinaire. Figure III-4a. Concentration en Zn (g/kgMS). Figure III-4b. Concentration en Cd (g/kgMS)

5.3.2 Mobilité La mobilité du zinc et du cadmium a été évaluée à l’aide d’extractions chimiques simples :

0.000.200.400.600.801.00

Nancy Cheviré Lyon

Concentration de zinc (en g/kgMS)

Partie racinaire Partie aérienne

0.000.200.400.600.801.00

Nancy Cheviré Lyon

Concentration de cadmium

(en mg/kgMS)

Partie racinaire Partie aérienne

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107

- la fraction échangeable (ions sous formes ioniques) a été détectée à l’aide d’une solution CaCl2 à 0.01 mol.L-1.

- La fraction acido-soluble a été évaluée à l’aide d’une solution d’acide nitrique (HNO3) à 0.1 mol.L-1. - La fraction liée à la matière organique a été évaluée à l’aide d’une solution DTPA dont

la préparation suit le protocole de la norme ISO 14870 (2002).

• Pour ce qui est de l’évaluation de la mobilité par des extractions chimiques simples, on peut noter une différence détectable sur les extractions chimiques entre sédiment adhérent et non adhérent pour le cadmium avec détection du pool échangeable pour le sédiment adhérent en fin de culture (environ 1.1 *10-3mg/kg MS de Cd) alors que les différences sont non significatives pour le zinc. On peut ainsi mettre en évidence un éventuel rôle joué par la plante, en augmentant par exemple la part de cadmium dans la phase échangeable.

• On note également une évolution de la mobilité entre le début et la fin de la culture: La figure III-5 représente schématiquement les résultats obtenus pour le Cd lors des essais réalisés sur le sédiment de Nancy.

Figure III-5 : mobilité de Cd pour le sédiment de Nancy

Les teneurs en cadmium dans chaque pool étudié sont plus importantes en fin de culture. L’apparition de la phase échangeable invite à penser qu’il y a eu un déplacement du cadmium des pools les moins mobilisables vers les pools les plus mobilisables. Le cadmium est reconnu dans la littérature pour être un élément facilement mobilisable. Le déplacement du cadmium vers des pools plus mobilisables peut faire intervenir différents mécanismes: on peut, par exemple, émettre l’hypothèse selon laquelle le cadmium se trouvant dans des pools moins échangeables que celui obtenu par le DTPA ait subi des modifications entraînant un transfert de cet élément vers la fraction DTPA dont certains éléments ont également pu être transférés vers le pool HNO3 plus mobilisable dans lequel des éléments ont enfin pu être transférés vers le pool échangeable détecté à l’aide de CaCl2. Il est cependant difficile d’identifier sous quelle forme la plante a pu prélever le cadmium ou le zinc présents dans le sédiment.

HNO3 3.27*10-2 mg HNO3

3.34*10-2 mg

DTPA 1.99*10-2

DTPA 2.6*10-2 mg

Teneur totale au sein du sédiment : 56 * 10-2 mg Teneur totale au sein du

sédiment : 38 * 10-2 mg

CaCl2 5.47 *10-5 mg

Teneur totale au sein du sédiment final: 38 * 10-2 mg

Teneur totale au sein de la plante (PA+PR)= 1.99 *10-4 mg

Sédiment initial Sédiment avec tonte à la fin de la culture

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Les résultats d’extraction sur le sédiment adhérent sont équivalents que l’on considère l’échantillon tondu ou non tondu. On peut donc penser que l’effet de tonte n’explique pas ces résultats. Les phénomènes observés sur la mobilité du zinc et du cadmium sont inverses l’un de l’autre. 5.3.3. Effet de la tonte A la fin de la culture, la longueur atteinte par les feuilles tondues est en moyenne de 12.59 cm en 26 jours (figure III-6). Au moment de la tonte qui a eu lieu après 36 jours de culture, la longueur moyenne des parties aériennes est de 13.50 cm. Les concentrations bioaccumulées sont les plus élevées pour des échantillons ayant subi une coupe notamment pour le cadmium. Les différences observées lors des extractions chimiques entre les échantillons sont très faibles. Dans notre étude, la tonte accentue donc non seulement la croissance de la plante mais intervient également sur les facteurs contrôlant l’accumulation des métaux lourds au sein du ray-grass.

0.005.00

10.0015.0020.0025.00

0 10 20 30 40 50 60Nombre de jours

de culture

Longueur de la partie aérienne (en cm)

N1 N2 N3N4 N5 N6

Figure III-6 : vitesse de croissance du ray grass en fonction du temps 5.4. Conclusion et perspectives Il ressort de notre étude que si les résidus d’assainissement pluvial présentent une structure compacte et des teneurs en métaux lourds pouvant venir perturber la croissance du ray grass, cette espèce n’a pas présenté de signe sévère de toxicité, comme l’apparition de nécrose ou de cholorose durant la culture. Ce dernier point peut notamment s’expliquer par la faible accumulation par le ray grass que ce soit pour le zinc ou le cadmium. Il serait intéressant d’élargir l’étude de la bioaccumulation par le suivi d’autres métaux comme, par exemple, le chrome pour le sédiment de Nancy, dont la forte teneur ne semble pas avoir eu d’importantes conséquences sur la croissance de la plante. Un suivi de cet élément permettrait d’avoir une idée de son évolution durant la culture. L’étude présentée est exploratrice dans le domaine des résidus de l’assainissement pluvial et considère les sédiments routiers comme des « boîtes noires ». Il serait intéressant, d’une part, d’avoir un meilleur suivi des paramètres physico-chimiques des sédiments et d’autre part, de mieux approcher les conditions réelles de culture du ray-grass : � En effet, si nous avons pu identifier une légère influence de la plante sur les pools dans

lesquels pouvaient se trouver le cadmium et le zinc, l’étude de la mobilité demande le suivi d’autres paramètres permettant une meilleure compréhension des phénomènes à l’origine des

Echantillons tondus

Changement de vitesse de croissance

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109

modifications de pools. Par exemple, en ce qui concerne l’étude de la mobilité du zinc, élément connu pour être principalement dans la phase acido-soluble, le suivi de l’évolution de la teneur en carbonates dans le sédiment serait une aide à l’interprétation des résultats. Le pH n’a pas varié significativement entre le début et la fin de la culture mais un suivi plus régulier serait intéressant car ce paramètre a pu évoluer en fonction de la croissance de la plante. L’évaluation de la perte au feu en début et fin de culture, voire l’analyse de la teneur en Carbone Organique Total ou de certaines fractions de la matière organique (MO) permettrait d’avoir une idée de l’évolution de la matière organique au cours de la culture. Ce paramètre serait d’autant plus pertinent si d’autres métaux, comme le cuivre venaient également à être étudiés. L’étude des phases porteuses (oxydes de manganèse,…) permettrait également d’avoir une meilleure idée de la spéciation et donc des réactions gouvernant la mobilité et la biodisponibilité de ces éléments métalliques. � Une meilleure représentation des conditions réelles de culture du ray grass pourrait

passer par l’introduction de cycles de séchage et d’humidification. En effet, si nous avons pu établir que la mobilité du zinc et du cadmium augmente au cours de la croissance du ray grass, nous avons pour cela maintenu constante la teneur en eau dans le sédiment. En réalité, et notamment pour les bassins d’infiltration, les conditions hydriques et donc d’humidification du sédiment varient au cours du temps et l’étude de leur influence sur la mobilité serait intéressante. Par ailleurs, si nous avons mis en évidence que la tonte pouvait accentuer la croissance du ray grass ainsi que l’accumulation du zinc et du cadmium, nous n’avons réalisé qu’une seule coupe en deux mois de culture. Il serait particulièrement intéressant d’augmenter la durée de culture et de se renseigner sur la fréquence de tonte qui pourrait être appliquée par les gestionnaires et ainsi étudier si l’effet de la tonte se confirme dans les coupes suivantes. Des perspectives plus larges peuvent être envisagées à la suite de cette étude, comme l’étude d’autres polluants tels que les hydrocarbures qui sont présents en quantités non négligeables dans les sédiments routiers. Leur étude amènerait à élargir la réflexion sur le rôle de la plante en considérant non seulement leur capacité d’extraction mais également de stabilisation et surtout de dégradation en relation ou non avec le compartiment microbien du sédiment. 6. Conclusions générales L’analyse des teneurs en ETM de la trentaine de RAR (matériaux bruts et fractions granulométriques pour certains) étudiés par comparaison avec des seuils de type TEC ou PEC ou par calcul d’un quotient de risque comme QPECm montre que ces matériaux sont potentiellement dangereux, hors les autres contaminants (HAPs, PCBS, pesticides, etc.) non analysés dans ce travail. Il semble que l’analyse sommaire faite à partir des teneurs en métaux comparées aux seuils de toxicité aquatique et les résultats des essais en microcosmes menés concordent assez bien. En effet, la première analyse suggère que, pour la plupart des lixiviats de résidus d’assainissement routier, le risque de toxicité aquatique due aux métaux est écarté après dilution par 100 (concentration en lixiviat de 1%), alors que les essais en microcosmes indiquent une absence d’effets significatifs pour des concentrations ≤ 10%. Compte tenu du facteur de sécurité de 10 généralement appliqué aux résultats d’essais en microcosmes, la PNEC qui en résulte serait voisine de 1%. Il faut également se rappeler que les lixiviats produits au laboratoire sont généralement plus chargés que dans la réalité du fait des conditions de contact entre l’eau et les matériaux solides, et que les apports de polluants diminuent au fur et à mesure que les matériaux sont lessivés (lorsque L : S augmente).

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Par ailleurs, il ressort de cette étude que si les résidus d’assainissement pluvial présentent une structure compacte et des teneurs en métaux lourds pouvant venir perturber la croissance du ray grass, cette espèce n’a pas présenté de signe sévère de toxicité, comme l’apparition de nécrose ou de cholorose durant la culture. Ce dernier point peut notamment s’expliquer par la faible accumulation par le ray grass que ce soit pour le zinc ou le cadmium. Il serait intéressant d’élargir l’étude de la bioaccumulation par le suivi d’autres métaux comme, par exemple, le chrome pour le sédiment de Nancy, dont la forte teneur ne semble pas avoir eu d’importantes conséquences sur la croissance de la plante. Un suivi de cet élément permettrait d’avoir une idée de son évolution durant la culture. Des perspectives plus larges peuvent être envisagées à la suite de cette étude, comme l’étude d’autres polluants tels que les hydrocarbures qui sont présents en quantités non négligeables dans les sédiments routiers. Leur étude amènerait à élargir la réflexion sur le rôle de la plante en considérant non seulement leur capacité d’extraction mais également de stabilisation et surtout de dégradation en relation ou non avec le compartiment microbien du sédiment. 7. Bibliographie AFNOR (1992). Déchets - Essai de lixiviation. Norme NF X 31-210. AFNOR (1998). Qualité de l’eau - Dosage de huit éléments métalliques (Mn, Fe, Co, Ni, Cu, Zn, Ag, Pb) par spectrométrie d’absorption atomique dans la flamme. Norme NF T 90-112. Baize D. (2000). Teneurs totales en métaux lourds dans les sols français. Le courrier de l' environnement 39 : 39-54. Bishop C. A., Struger J., Barton D. R., Shirose L. J., Dunn L., Lang A. L. (2000a). Contamination and wildlife communities in stormwater detention ponds in Guelph and the Greater Toronto Area, Ontario, 1997 and 1998. Part I. Wildlife communities. Water Quality Research Journal of Canada, 35, 339–435. Bishop C. A., Struger J., Shirose L. J., Dunn L., Campbell G. D. (2000b). Contamination and wildlife communities in stormwater detention ponds in Guelph and the Greater Toronto area, Ontario, 1997 and 1998. Part II—Contamination and biological effects of contamination. Water Quality Research Journal of Canada, 35, 437–474. Boxall A. B. A., Maltby, L. (1997). The effects of motorway runoff on freshwater ecosystems: 3. Toxicant confirmation. Arch. Environ. Contam. Toxicol. 33, 9–16. Capilla X. (2005) Dynamique de transfert du cadmium et du zinc au sein des dépôts de sédiments de curage végétalisés. Institut National Polytechnique de Lorraine. 181 p. Casey R. E., Simon J. A., Atueyi S., Snodgrass J. W., Karouna-Reiner N., Sparling D. W. (2006). Temporal trends of trace metals in sediment and invertebrates from stormwater management ponds. Water Air Soil Pollut 178, 69–77. Charlesworth S., Everett M., McCarthy R., Ordonez A., De Miguel E. (2003) A comparative study of heavy metal concentration and distribution in deposited street dusts in a large and a small urban area: Birmingham and Coventry, West Midlands, UK. Environment International, 29, 563-573. Clément B., (2006) Apports des essais en microcosmes aquatiques lentiques de laboratoire a l’évaluation écotoxicologique des polluants. Rapport d’HDR, Spécialité « chimie, génie des procédés, environnement », Institut National des Sciences Appliquées et Université Lyon 1, 2006, 277 p. Clément B., Cadier C. (1998), Development of a new laboratory freshwater/sediment microcosm test, Ecotoxicology, 7, 279-290. Clément B., Devaux A., Perrodin Y., Danjean M., Ghidini-Fatus M. (2004). Assessment of sediment ecotoxicity and genotoxicity in freshwater laboratory microcosms, Ecotoxicology, 13, 323-333.

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QUATRIEME PARTIE

TRAITEMENT ET VALORISATION DES SEDIMENTS

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Cette partie présente des méthodes de traitement des sédiments de l’assainissement pluvial, l’accent sera mis sur le traitement physique, avec la conception d’une unité pilote. Le traitement biologique (landfarming) et la valorisation des sédiments seront aussi abordés. Ces résultats reposent en grande partie sur les travaux de thèse de F. Pétavy (Pétavy,2007 ; Pétavy et al. 2007a et b, 2008a et b, 2009) et sur les travaux de caractérisation réalisés par le BRGM. 1. Traitement physique des sédiments – Introduction On entend par traitement physique des sédiments, toute opération visant, sur la base de propriétés physiques des constituants des sédiments (densité, taille des particules, propriétés magnétiques…), à concentrer la pollution au sein d’une fraction la plus réduite possible, et de la séparer d’une fraction importante de sédiment qui deviendra alors potentiellement valorisable. Le ou les traitements envisagés doivent répondre aux contraintes suivantes : - capacité à s’adapter à un large spectre de qualité du sédiment initial ; - reproductibilité ; - amélioration qui réponde à la fois à la fois aux besoins géotechniques et

environnementaux ; en particulier permettre de gérer la présence de polluants métalliques et organiques, multiples ;

et, bien sûr, dans des conditions économiquement viables. A l’issue de travaux antérieurs portant sur de la caractérisation de sédiments de bassins (Clozel et al., 2006) et d’essais en laboratoire (Ruban et al., 2005) , il avait été conclu que l’attrition pouvait constituer une méthode de traitement physique des sédiments intéressante à tester en laboratoire et le cas échéant à mener à l’échelle pilote. Qu’est ce que l’attrition ? L’attrition consiste en l’élimination des encroûtements parfois présents à la surface des particules, par frottement autogène (frottement des particules entre elles). Cette opération s'effectue en voie humide. L’équipement nécessaire à l’attrition est constitué d’un ensemble de cuves dotées de pales. Il est conçu pour favoriser le frottement (A, B) et non le broyage (C). Chaque cuve est d’une forme généralement octogonale pour éviter la rotation de la pulpe. La concentration solide est élevée pour favoriser les frottements. Le plus souvent un agent dispersant est employé afin d'éviter que les particules présentes en encroûtement, séparées par les forces mécaniques au cours de l’attrition, ne se ré-agglomèrent ensuite sous l'effet d'attractions physico-chimiques. Après attrition, on opère un tamisage qui permet de séparer les fines (issues des encroûtements, qui se sont détachés) des particules nettoyées plus grossières ( D)

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Il convenait aussi d’assurer un accompagnement en termes de caractérisation pour éclairer les succès et éventuels échecs rencontrés lors des essais de traitement par attrition, que ces essais soient réalisés à l’échelle du laboratoire ou du pilote. Ainsi, cette partie présente à la fois l’approche expérimentale de traitement physique des sédiments et le fruit de la caractérisation qui est menée, parfois en amont, le plus souvent en aval, pour aider à l’interprétation des résultats. 2. Schéma de traitement à l’échelle du laboratoire 2.1 Principe général Le schéma général mené à l’échelle du laboratoire est présenté sur la figure IV-1. Afin de connaître la répartition des polluants au sein du sédiment initial et l’effet de l’attrition sur cette répartition, ainsi que pour optimiser techniquement l’attrition (le frottement autogène est plus efficace quand la tranche granulométrique est resserrée), le sédiment est préalablement tamisé en plusieurs fractions granulométriques (<250 µm ; 250-1250µm ; >1250µm, dans cet exemple). Les essais d’attrition sont ensuite effectués sur les deux fractions les plus grossières, l’attrition n’ayant pas lieu d’être sur la fraction fine. Toutes les fractions issues du tamisage, avant et après attrition, sont pesées après séchage et font l’objet d’une analyse des principaux métaux et du pourcentage de matière organique.

Figure IV-1: Schéma de traitement à l’échelle du laboratoire

SEDIMENTS BRUTS

Tamisage à 1250 et 250 µm

> 1250 µm 250 µm - 1250 µm < 250 µm

Attrition 180 secondes 68 % solides 2125 tours minute-1

Tamisage à 250

Attrition

Tamisage à 250

< 250 µm > 250 µm

< 250 µm 250 - 1250 µm

% massique % M.O [Métaux]

% massique % M.O [Métaux]

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2.1.1 Le sédiment de départ –caractérisation par séparation granulométrique Le sédiment étudié provient du bassin d’infiltration des eaux pluviales routières de Cheviré (cf. les sites d’étude ; chap. 2.1. les sites routiers) dont les principales caractéristiques physico-chimiques sont bien connues (Clozel et al., 2006 et références incluses). Ce bassin est particulièrement représentatif en termes de concentrations couramment rencontrées en métaux (ni trop élevées, ni trop basses) variés (pollution multi métallique) et riche en matière organique. Ce sédiment fera l’objet de différents essais aussi bien à l’échelle du laboratoire qu’à celle du pilote. Sa caractérisation initiale a été entreprise par le biais d’une séparation en différentes fractions granulométriques. Les teneurs en polluants organiques et métalliques ainsi que le pourcentage massique de chaque fraction sont présentés dans le Tableau IV-1 et comparées aux valeurs cibles et d’intervention de la norme hollandaise. NB : tout au long de cette partie, les concentrations exprimées en mg kg-1 s’entendent relativement à la matière sèche, obtenues en général à l’issue d’un séchage prolongé à 40°C jusqu’à stabilisation du poids. Tableau IV-1 : Pourcentages massiques, teneurs en matière organique et en éléments traces des trois

fractions granulométriques du sédiment de Cheviré et comparaison aux valeurs cibles et d’intervention de la norme hollandaise.

P.M M.O Cd Cr Cu Ni Pb Zn % mg kg-1 > 1250 µm 20 6,2 0,6 36 122 16 183 699 250 < < 1250 µm 45 6,4 0,5 40 155 18 200 729 < 250 µm 35 17,1 0,8 113 334 45 434 2 079

Cible 0,8 100 36 35 85 140 Norme hollandaise Intervention 12 380 190 210 530 720 3 La fraction fine (< 250µm) représente 35 % de la masse totale de l’échantillon de Cheviré étudié, ce qui est une proportion relativement faible pour un sédiment1. Elle présente une forte proportion de matière organique (17,1 %) et des concentrations notables en éléments traces divers. En termes de distribution, les métaux sont significativement « enrichis » dans la fraction fine, puisque les 35% de la fraction fine inférieure à 250 µm renferment, à l’exception du cadmium (45 %), entre 55 et 60 % de la quantité totale des éléments traces (Figure IV-2). En contrepartie, les fractions grossières renferment moins de métaux mais les teneurs y demeurent élevées. Les concentrations en cuivre (334 mg kg-1) et en zinc (2079 mg kg-1) atteignent des valeurs 2 à 3 fois supérieures aux valeurs d’intervention de la norme. 1 Notons que le sédiment prélevé en 2002 dans le même bassin et caractérisé par Clozel et al. 2006 contenait plus de 70% de particules d’un diamètre inférieure à 250 µm. De même, contrairement à l’échantillon présenté dans cette étude, il n’était pas observé d’enrichissement significatif en éléments métalliques dans la fraction fine. Cette différence s’explique par la présence d’une fraction sableuse beaucoup plus importante dans l’échantillon étudié par Pétavy (2007). L’importance de la représentativité de l’échantillon étudié a été abordée à plusieurs occasions dans ce rapport.

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118

0

20

40

60

80

% Cd Cr Cu Ni Pb Zn

Pourcenta

ges

> 1250 µm 250 < < 1250 µm < 250 µm

FigureIV-2 : Pourcentages massiques et pourcentages en éléments traces des trois fractions granulométriques du sédiment de Cheviré.

L’attrition est donc envisagée pour éliminer d’éventuels encroûtements qui pourraient être à l’origine de ces teneurs élevées. 2.1.2 Premier essai d’attrition L’essai d’attrition a porté sur les fractions intermédiaire (particules comprises entre 250 et 1 250 µm) et grossière (> 1 250 µm). A l’issue de l’attrition, un tamisage à 250 µm est réalisé et les différentes fractions obtenues sont pesées et analysées (Tableau IV-2 pour la fraction intermédiaire, Tableau IV-3. Erreur ! Source du renvoi introuvable.Pour la fraction grossière). Tableau IV-2 : Pourcentages massiques, teneurs en matière organique et en éléments traces des deux

fractions granulométriques issues de l’attrition de la fraction 250 µm – 1250 µm. P.M M.O Cd Cr Cu Ni Pb Zn % mg kg-1 250 < < 1250 µm 74 0,8 0,1 17 16 9 69 111 < 250 µm 26 20,0 1,1 166 387 67 549 2331

Tableau IV-3: Pourcentages massiques, teneurs en matière organique et en éléments traces des deux

fractions granulométriques issues de l’attrition de la fraction > 1250 µm. P.M M.O Cd Cr Cu Ni Pb Zn % mg kg-1 > 250 µm 73 1,0 0,1 14 10 8 43 92 < 250 µm 27 18,6 1,7 340 372 166 442 2008 L’attrition a entraîné une formation significative de particules fines (respectivement 26 % et 27 % pour la fraction intermédiaire et pour la fraction grossière). Notons que malgré une surface spécifique plus élevée pour la fraction intermédiaire, et à priori, un encroûtement plus important, les pourcentages de particules fines générées sont identiques dans les deux fractions (ceci trouvera une explication un peu plus tard). Les particules fines formées lors de l’étape d’attrition renferment une grande majorité des polluants initialement présents au sein des deux fractions et les concentrations en métaux et matière organique de ces deux fractions fines sont très similaires et élevées. On remarquera

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119

que ces fines issues de l’attrition sont plus riches en éléments polluants que les fines issues du tamisage. En contrepartie, les particules grossières (>250µm) à l’issue de l’attrition, dépourvues des encroûtements de particules fines, présentent des teneurs en polluants qui se situent dans les gammes des sols ordinaires données par Baize (2000). Les teneurs en matière organique sont égales ou inférieures au pourcent avec 1,0 % pour les deux fractions attritées. L’efficacité de l’étape d’attrition est visualisée en comparant la distribution des éléments traces (%) au sein des trois fractions granulométriques avant et après attrition Tableau IV-III). Pour chaque élément ainsi que pour le pourcentage massique total, deux histogrammes sont présentés. Le premier représente, pour mémoire (car déjà présenté sur la Figure IV-2) la distribution initiale selon les trois tranches granulométriques à l’issue des tamisages à 250 µm et 1250 µm ; le second présente la distribution des éléments traces entre les différentes fractions après l’attrition : la fraction <250 µm (correspond au <250 µm initial + ceux générés par l’attrition des deux fractions 250-1250µm et >1250µm), et les fractions 250-1250 et > 1250µm attritées et dont la fraction fine (<250 µm) a été éliminée. Notons que la fraction grossière à l’issue de l’attrition ayant potentiellement générée des particules inférieures à 1250 µm, un tamisage qui serait réalisé sur l’ensemble présenterait une répartition des particules > 250 µm entre les fractions 250-1250 µm et > 1250 µm, légèrement différente.

020406080

100

% Cd Cr Cu Ni Pb Zn

Pource

ntage

s

> 1250 µm 250 < < 1250 µm < 250 µm

Figure IV-3 : Pourcentages massiques et pourcentages en éléments traces des trois fractions granulométriques avant et après attrition.

Le pourcentage de particules fines inférieures à 250 µm générées par attrition des deux fractions grossières (250µm-1250µm et >1250 µm) représente 17 % de la masse totale de l’échantillon brut. Cette fraction de particules fines est très enrichie en éléments traces. Elle véhicule 31 % de chrome, 32 % de nickel, 35 % de plomb et de zinc, 41 % de cuivre et 47 % de cadmium. Les deux fractions grossières renferment après attrition entre 3 et 11 % de la masse totale d’éléments traces pour un pourcentage massique de 48 %. Les teneurs en matière organique sont égales à 0,8 et 1,0 %. Après traitement, ces deux fractions sont chimiquement dépolluées et compatibles avec les filières de valorisation envisagées : remblais et sables à béton.

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120

2.1.3. Conclusion Les étapes de tamisage et d’attrition ont permis de localiser les pollutions organique et métallique au sein du sédiment. Les polluants sont essentiellement présents dans les fractions fines. Ils se trouvent sous deux formes, « libres » et facilement séparables par tri granulométrique, ou « agglomérés » avec d’autres particules et ils nécessitent alors une étape d’attrition pour être séparés par tamisage. Le tamisage initial et l’attrition (suivi d’un tamisage) ont isolé ces éléments fins porteurs de la pollution permettant ainsi de produire des fractions grossières dépolluées susceptibles d’être valorisées. Dans cette première expérience, les éléments fins isolés représentent 52 % de la masse totale de l’échantillon et l’abaissement des teneurs est tel que la fraction potentiellement valorisable est égale à 48 %. 2.2 Optimisation des paramètres de l’attrition L’optimisation de la méthode de traitement a été réalisée en ajustant trois des quatre paramètres influant sur l’efficacité de l’attrition : les seuils de coupure (c.à.d. les diamètres encadrant la tranche granulométrique qui fera l’objet d’une attrition), la teneur en eau de la pulpe à attriter et la durée d’attrition. Le quatrième paramètre influant est la vitesse de rotation des pales dans la cellule d’attrition. Il ne sera pas étudié dans ce travail, la vitesse est fixe et égale à 2 125 tours par minute. La première étape consiste à faire varier les seuils de coupure pour déterminer leurs optimums, la durée d’attrition et la teneur en eau de la pulpe étant fixées (définies respectivement à 180 secondes, teneur en eau de la pulpe de 40 %). Une fois les seuils de coupure optimums établis, des essais à durée d’attrition à durée fixe (180 secondes) sont réalisées à différentes teneurs en eau de la pulpe (26 %, 44 %, 53 %, 61%). Une fois, la teneur en eau optimale définie, la dernière étape a consisté à déterminer la durée de traitement la mieux adaptée. A l’issue de chacune de ces étapes, les fractions obtenues ont été pesées et analysées (matière organique et éléments traces) afin d’établir les bilans de répartition des polluants. Les matériaux issus des essais relatifs à la détermination de la durée de l’attrition ont été également étudiés au microscope électronique à balayage. Le protocole d’optimisation de la méthode de traitement est décrit sur la figure IV-4.

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121

Figure IV-4 : Schéma du protocole d’optimisation de la méthode de traitement. 2.2.1 Optimisation du seuil de coupure Les seuils de coupure sont déterminés en rapport avec les exigences rencontrées dans l’élaboration d’une unité pilote. Pour des raisons économiques et pratiques, il est préférable de réaliser l’attrition sur une seule tranche granulométrique et non sur plusieurs tranches comme lors des essais de caractérisation. Cette tranche est définie par un seuil inférieur et supérieur. Le seuil de coupure supérieur (S1) va définir le pourcentage massique de sédiments à traiter par attrition (fraction < S1) et par conséquent le pourcentage de sédiments non attrités (> S1) et directement valorisable si les caractéristiques chimiques et géotechniques sont acceptables. Le seuil de coupure inférieur (S2) défini le diamètre de ce qui sera considéré comme les particules fines (<S 2) non valorisables. 2.2.1.1 Seuil de coupure supérieur S 1 Le choix du seuil de coupure S 1 est important car le traitement de la fraction supérieure à S1 sera inexistant ou se limitera à une simple séparation granulométrique. Le seuil de coupure est également défini en rapport avec les exigences techniques des différents équipements. Pour des raisons d’usure des appareils (pales d’agitation des cellules d’attrition) et d’efficacité du

SEDIMENTS BRUTS

Tamisage S 1 et S 2

> S 1 S 2 – S 1 < S 2

Durée : 30’, 60’, 90’, 180’, 360’ Attrition

Tamisage S 2

< S2 ATT S 2 – S 1 ATT

% massique % M.O [Métaux] % massique % M.O [Métaux]

Teneur en eau : 26 %, 44 %, 53 %, 61%

S 1 : 2 mm

S 2 : 80 µm, 125 µm, 160 µm, 200 µm

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122

procédé, la granulométrie maximale supérieure du produit à traiter par attrition est fréquemment fixée à 2 mm lors des études minéralurgiques. Pour les essais d’optimisation, le seuil de coupure supérieur S 1 retenu est donc de 2 mm. 2.2.1.2 Seuil de coupure inférieur S 2 Le choix du seuil de coupure inférieur S2 va directement influer sur le volume de particules fines généré. Les 4 seuils de coupure inférieurs, S2, testés sont 80, 125, 160 et 200 µm. L’optimum est défini en fonction de la quantité de particules fines formées (qui doit être faible) et l’abaissement constaté sur les pollutions organique et métallique résiduelles une fois ces fines éliminées.

� Pourcentage de particules fines Les pourcentages de particules obtenus avant et après attrition en fonction des seuils de coupure sont représentés sur la Figure IV-5 pour le sédiment de Cheviré.

y = 0,1188x + 17,472

y = 0,0983x + 38,362

010203040506070

< 80 µm < 125 µm < 160 µm < 200 µmSeuils de coupure

Pour

centa

ges d

e part

icules

fin

es

Avant attrition Après attrition

Figure IV-5: Pourcentages de particules fines en fonction des seuils de coupure – Sédiment de Cheviré.

En dehors de toute attrition, selon le seuil de coupure, c'est-à-dire, le diamètre du tamis choisit, le pourcentage de particules fines (inférieures à ce diamètre) présent dans l’échantillon de Cheviré varie de 27 % pour les particules inférieures à 80 µm à 41 %4 pour les particules inférieures à 200 µm. Après attrition, en fonction du seuil de coupure, le pourcentage de particules fines varie de 46 % (S2 choisit à 80 µm) à 56 et 57 % pour les seuils de 160 et 200 µm. Avec un seuil de coupure de 80 µm, le traitement physique mis en place enregistre une production de particules fines environ 10 % inférieure à celle obtenue avec des coupures de 160 et 200 µm.

� Teneur résiduelle en polluants organiques et métalliques Les teneurs en matière organique et en éléments traces (seul l’exemple du zinc sera illustré ici) présentes au sein des fractions intermédiaires (comprises entre S2 et S1) sont déterminées avant et après traitement et représentées sur les figures IV-6 et IV-7.

4 On notera que cet échantillon est déjà un peu plus fin que le précédent ayant donné lieu à la granulochimie car pour le premier échantillon, la fraction de particules inférieures à 250µm était de seulement 35% alors qu’elle représente déjà plus de 40% à 200µm et sur la partie inférieure à 2mm du total.

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123

02468

1012

80 µm - 2 mm 125 µm - 2 mm 160 µm - 2 mm 200 µm - 2 mmSeuils de coupure

Pour

centa

ges d

e mati

ère

orga

nique

Avant attrition Après attrition

Figure IV-6 : Pourcentages de matière organique dans les fractions intermédiaires avant et après traitement en fonction des seuils de coupure – Sédiment de Cheviré.

Après tamisage, les différentes fractions intermédiaires présentent des teneurs en matière organique similaires, d’environ 10 %. L’effet de l’attrition sur l’abattement de la matière organique est important avec une diminution de 60 % environ pour 30 % de particules fines générées. Cet effet est indépendant des seuils de coupure retenus ; les teneurs en matière organique varient de 3,7 % pour la fraction 200 µm – 2 mm à 4,8 % pour la fraction 160 µm – 2 mm. La fraction 80 µm – 2 mm présente une teneur en matière organique de 4,0 %. La tendance générale est identique pour les éléments traces.

0

400

800

1200

1600

80 µm - 2 mm 125 µm - 2 mm 160 µm - 2 mm 200 µm - 2 mmSeuils de coupure

Conc

entra

tions

en zi

nc en

mg

kg-1

Avant attrition Après attritionValeur cible Valeur d'intervention

Figure IV-7 : Teneurs en zinc dans les fractions intermédiaires avant et après attrition – Sédiment de Cheviré.

Avant attrition, les teneurs en cuivre (207 à 244 mg kg-1) et en zinc (1059 à 1217 mg kg-1) sont supérieures aux valeurs d’intervention de la norme hollandaise pour les sols pollués. Comme pour les teneurs en matière organique, les concentrations en cuivre et en zinc dans les fractions 80 µm - 2 mm, 125 µm - 2 mm, 160 µm - 2 mm et 200 µm - 2 mm sont relativement similaires. A l’issue d’un simple tamisage, les concentrations en matière organique des fractions intermédiaires (comprises entre le seuil de coupure S2 et 2mm) sont d’environ 10 %. A l’issue de l’attrition, les concentrations en matière organique des fractions intermédiaires (comprises entre le seuil de coupure S2 et 2mm) sont d’environ 4 %. L’abattement entrainé par l’attrition sur la matière organique est très significatif (diminution de 60 %) et semble être relativement indépendant des seuils de coupure retenus. Pour le zinc, comme pour la matière organique, l’abattement des concentrations à l’issue de l’attrition est significatif (réduction de 75 % pour le zinc, pour les autres éléments métalliques les résultats sont comparables avec une réduction comprise entre 65 et 75% selon les métaux)

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124

et ne semble pas lié au seuil de coupure choisi alors qu’en proportion la masse de sédiment éliminée est bien différente selon le seuil de coupure choisi. Le seuil de coupure inférieur de 80 µm semble à ce titre le plus prometteur, car il «génère » seulement 10% de fines en plus par rapport au simple tamisage avec les diminutions de concentrations observées sur les métaux et la matière organique. 2.2.1.3 Conclusion sur l’optimisation du seuil de coupure Dans les conditions expérimentales retenues (pourcentage de matière sèche de 60 % et durée d’attrition de 180 secondes), les résultats les plus intéressants sont obtenus avec des seuils de coupure de 2 mm (seuil S1) et 80 µm (seuil S2), c'est-à-dire pour une attrition réalisée sur une tranche granulométrique de sédiment comprise entre 80µm et 2mm. A l’issue de l’attrition, les fines générées sont séparées à l’aide d’un tamisage à 80 µm. Le seuil de coupure de 80 µm est le plus petit testé dans les conditions du laboratoire. Il permet de générer le moins de volume de particules fines tout en assurant une très bonne séparation des polluants qui sont très clairement associés aux plus fines particules dans le cas présent. 2.2.2 Optimisation de la teneur en eau de la pulpe Dans la cellule d’attrition, les forces de frottement entre les particules dépendent de la vitesse de rotation des pales, de la géométrie de l’équipement mais également de la teneur en eau de la pulpe, les forces de frottement augmentant avec la viscosité et par conséquent diminuant avec l’augmentation de la teneur en eau de la pulpe. L’optimisation de la teneur en eau de la pulpe est aussi un paramètre important car il va définir le débit d’alimentation en matière solide d’une installation pilote ou industrielle alimentée en continu ; plus le volume d’eau de la pulpe est faible, plus il est possible de traiter rapidement le sédiment. Afin d’optimiser l’attrition, un compromis entre les critères économiques (faible pourcentage de particules fines, haut débit d’alimentation d’une unité pilote) et les critères environnementaux (abaissement constaté sur les pollutions organique et métallique résiduelles) doit être trouvé.

� Pourcentages de particules fines formées Les pourcentages de particules fines inférieures à 80 µm obtenus après attrition en fonction de la teneur en eau de la pulpe à traiter sont présentés sur la Figure IV-8.

05

101520253035

20 30 40 50 60 70Teneur en eau (%)

Pour

centa

ges d

e part

icules

fin

es gé

nérée

s

Après attrition

Figure IV-8: Pourcentages de particules fines générées par attrition en fonction de la teneur en eau de la pulpe à traiter – Sédiment de Cheviré.

Les pourcentages de particules fines formées varient de 22 % à 31 % pour des teneurs en eau de la pulpe comprises entre 61 % et 26 %.

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125

� Teneurs résiduelles en polluants organiques et métalliques Les teneurs en matière organique et en éléments traces (Zn) présentes au sein des fractions intermédiaires sont déterminées avant et après traitement et représentées sur les Figures IV-9 et IV-10.

02468

1012

0 20 40 60 80Teneur en eau (%)

Pour

centa

ges d

e mati

ère

orga

nique

Avant attrition Après attrition

Figure IV-9 : Pourcentages de matière organique dans la fraction 80 µm – 2 mm avant et après attrition en fonction de la teneur en eau de la pulpe à traiter – Sédiment de Cheviré.

0

400

800

1200

1600

0 20 40 60 80Teneur en eau (%)

Conc

entra

tions

en zi

nc en

mg

kg-1

Avant attrition Après attritionValeurs cibles Valeurs d'intervention

Figure IV-10 : Concentrations en zinc dans la fraction 80 µm – 2 mm avant et après attrition en fonction de la teneur en eau de la pulpe à traiter – Sédiment de Cheviré.

Avant traitement par attrition, la fraction comprise entre 80 µm et 2 mm présente un pourcentage de matière organique de 10,3 % et des teneurs en zinc et en cuivre de 1200 et 200 mg kg-1. Les teneurs résiduelles en polluants au sein de la fraction 80 µm – 2 mm fluctuent de manière importante en fonction de la teneur en eau de la pulpe. Le pourcentage de matière organique varie de 3,4 % lorsque la pulpe à traiter contient 26 % d’eau à 6,1 % si elle en contient 61%. Les teneurs en éléments traces fluctuent quant à elles entre 517 et 298 mg kg-1 pour le zinc et entre 102 et 58 mg kg-1 pour le cuivre. Une certaine linéarité est à noter entre les pourcentages de fines générées, les teneurs en polluants organiques (Figure IV-9) et en Zn (Figure IV-10) et la teneur en eau de la pulpe.

� Conclusions relatives au choix de la teneur en eau de la pulpe Dans les conditions expérimentales retenues (seuils de coupure de 2 mm et 80 µm et durée d’attrition de 180 secondes), les résultats les plus intéressants en termes d’abaissement des concentrations de matière organique et métaux sont obtenus lorsque la pulpe à traiter contient le moins d’eau (26%). Le frottement ayant été plus efficace, la proportion de fines générées

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126

est plus élevée que pour les autres teneurs en eau (formation de particules fines de 5, 7 et 9 % supérieure à celle obtenue, avec des teneurs en eau de pulpe de 44, 53 et 61%), mais l’abaissement des concentrations en matière organique et en éléments traces varie, lui, du simple au double entre une pulpe à faible teneur en eau (26 %) et à forte teneur en eau (61 %). De plus, à cette faible teneur en eau de pulpe (26%), l’alimentation de la cellule d’attrition en continu sera réalisée à un débit supérieur que pour des teneurs en eau plus importantes (facteur 1,3 à 1,9). 2.2.3 Optimisation de la durée d’attrition La durée optimale d’attrition doit être déterminée afin de désagglomérer la majeure partie des particules fines polluées sans générer une abrasion des particules grenues. Au niveau d’une unité pilote alimentée en continu, la durée d’attrition va également définir le débit de traitement des sédiments et par conséquent ses conditions de fonctionnement (tarifs, usure et mobilisation des équipements…). La durée optimale de traitement sera définie en établissant un compromis entre les aspects économiques et l’abaissement des teneurs à l’issue de l’attrition.

� Pourcentages de particules fines Les pourcentages de particules fines formées en fonction des différentes durées d’attrition (30, 60, 90, 180 et 360 secondes) sont présentés sur la Figure IV-11

05

10152025303540

0 100 200 300 400Durée d'attrition en secondes

Pour

centa

ges d

e part

icules

fin

es gé

nérée

s

Avant attrition Après attrition

Figure IV-11 : Pourcentages de particules fines générées en fonction de la durée d’attrition – Sédiment de Cheviré.

D’une manière générale, le pourcentage de particules fines augmente avec la durée de l’attrition. Le pourcentage de particules fines augmente régulièrement de 30 à 180 secondes, proportionnellement à la durée de l’attrition. Cette proportionnalité n’existe plus pour une durée de 360 secondes, il y a probablement atteinte d’un palier.

� Evolution de la granulométrie en fonction de la durée d’attrition Outre le pourcentage de fines générées, il est intéressant de comprendre l’évolution de la granulométrie. A cette fin, la fraction 80 µm – 2 mm à l’issue des différentes durées d’attrition, a fait l’objet d’un tamisage en 5 fractions granulométriques (80 – 125 µm, 125 – 250 µm, 250 – 500 µm, 500 – 1000 µm, 1000 – 2000 µm) et la répartition granulométrique globale est présentée sur la figure IV-12.

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127

0

5

10

15

20

25

30

35

40

<80 µm 80/125 µm 125/250 µm 250/500 µm 500/1000 µm 1000/2000 µmFraction granulométrique

Pour

centa

geAVT 30 sec 60 sec 90 sec 180 sec 360 sec

Figure IV-12 : Evolution de la granulométrie au sein de la fraction 80 µm – 2 mm en fonction de la durée de traitement – Sédiment de Cheviré.

Avant attrition, les fractions 500 – 1000 µm et 1000 µm – 2000 µm sont majoritaires et représentent 39 % et 30 % de l’échantillon. Les fractions 250 – 500 µm, 125 – 250 µm et 80 – 125 µm sont plus réduites et représentent respectivement 18 %, 7 % et 2 %. Pour les premières durées d’attrition (30, 60 et 180 secondes), l’attrition s’attaque à toutes les fractions granulométriques dont la proportion diminue (plus particulièrement les grossières). Avec l’augmentation de la durée, ce sont essentiellement les fractions grossières qui sont sollicitées, générant à la fois des fines (<80 µm) et des particules de petites tailles (entre 80 et 250 µm).

� Teneurs résiduelles en polluants organiques et métalliques Les teneurs en matière organique (Figure IV-13) et en éléments traces (Figure IV-14 sont déterminées sur la fraction comprise entre 80 µm et 2 mm avant et après traitement avec différentes durées d’attrition.

0

2

4

6

8

10

12

0 100 200 300 400Durée d'attrition en secondes

Pour

centa

ges d

e mati

ère

orga

nique

résid

uelle

Avant attrition Après attrition

Figure IV-13 : Pourcentages de matière organique résiduelle dans la fraction 80 µm – 2 mm avant et après attrition en fonction de la durée de traitement – Sédiment de Cheviré.

Le pourcentage de matière organique avant attrition au sein de la fraction 80 µm – 2 mm s’élève à 9,9 %. Le traitement par attrition entraîne une diminution de la teneur en matière organique avec des concentrations résiduelles de 8,0 % après 30 secondes, 6,9 % après 60 secondes, 6,0 % après 90 secondes, 4,0 % après 180 secondes et 3,6 % après 360 secondes.

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128

Avant attrition, les teneurs en cuivre et en zinc sont supérieures aux valeurs d’intervention de la norme hollandaise pour les sols pollués. Les évolutions des teneurs en cuivre et zinc sont comparées aux valeurs cibles et d’intervention de la norme hollandaise et vont permettre de définir la durée de traitement par attrition la plus adaptée pour obtenir une fraction intermédiaire relativement bien dépolluée.

0

400

800

1200

1600

0 100 200 300 400Durée d'attrition en secondes

Conc

entra

tions

en zi

nc en

mg

kg-1

Avant attrition Après attritionValeur cible Valeur d'intervention

Figure IV-14 : Concentrations en zinc dans la fraction 80 µm – 2 mm avant et après attrition en fonction de la durée de traitement et comparaison aux valeurs cibles et d’intervention de la norme

hollandaise – Sédiment de Cheviré. L’évolution des teneurs en éléments traces est similaire avec tout d’abord une dépollution importante après 30 secondes de traitement avec 130 mg kg-1 de cuivre contre 226 mg kg-1 et 659 mg kg-1 de zinc contre 1217 mg kg-1(figure IV-14). En corrélation avec le pourcentage de particules fines générées, la dépollution de la fraction intermédiaire est moins importante entre 30 secondes et 90 secondes de traitement par attrition. Une seconde phase de dépollution apparaît entre 90 et 180 secondes avec des réductions importantes d’éléments traces : 396 contre 589 mg kg-1 pour le zinc et 128 contre 83 mg kg-1 pour le cuivre. En doublant la durée d’attrition (360 secondes au lieu de 180 secondes), l’effet du traitement sur la dépollution métallique est faible avec des teneurs en cuivre passant de 83 à 68 mg kg-1 et des teneurs en zinc de 396 à 289 mg kg-1. Le gain de dépollution enregistré entre 180 secondes et 360 secondes de traitement est trop faible par rapport aux coûts économiques engendrés par une durée de traitement deux fois plus importante. 2.2.4 Conclusions relatives à la durée optimale d’attrition Les concentrations en métaux et matière organique étant élevées au départ, la durée optimale d’attrition pour ce sédiment a été fixée à 180 secondes, ce qui correspond à la durée la plus élevée avant l’atteinte du palier (le gain de dépollution enregistré entre 180 secondes et 360 secondes de traitement est trop faible par rapport aux coûts économiques engendrés par une durée de traitement deux fois plus importante) néanmoins c’est bien dans les toutes premières secondes d’attrition (dès 30 secondes) que l’amélioration des teneurs est la plus significative bien qu’insuffisante. 2.3 Application du traitement au sédiment de Cheviré Un autre échantillon prélevé dans le bassin de Cheviré a été traité selon ces conditions optimales (attrition pendant 180 sec de la tranche granulométrique 80 µm – 2 mm, en pulpe à moins de 30% d’eau) ; les résultats de l’attrition sont présentés dans le Tableau IV.

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Tableau IV- 4 : Pourcentage massique (P.M), teneur en matière organique (M.O) et en éléments

traces des deux fractions granulométriques à l’issue de l’attrition. P.M M.O Cd Cr Cu Ni Pb Zn % mg kg-1 80 < < 2000 µm après attrition 69 4,0 0,4 26 83 12 135 396 < 80 µm après attrition 31 18,5 1,3 121 391 49 442 2369 Le traitement par attrition sur la fraction granulométrique inférieure à 2 mm a engendré la

formation de 31 % de particules fines inférieures à 80 µm. Cette fraction fine générée présente des teneurs en matière organique et en éléments traces élevées. En contrepartie, la fraction résiduelle de l’attrition présente des teneurs en métaux et matière organique significativement plus basses. En termes de bilan, la distribution des métaux avant et après attrition se perçoit mieux sur la Figure IV-15. La fraction fine inférieure à 80 µm représente au final 45 % de l’échantillon brut et renferme 69 % du cadmium, 71 % du plomb, 72 % du nickel, 74 % du chrome et du cuivre et 77 % du zinc. Les 18 % de particules fines supplémentaires générées par l’attrition, renferment entre 32 % (plomb) et 35 % (cadmium) de la masse totale d’éléments traces. Les 45% de fraction fine, considérée comme déchet ultime dans les conditions techniques et économiques actuelles, sera éliminée dans une filière adaptée. Dans les conditions expérimentales retenues, les 55 % restant sont valorisables. La fraction « intermédiaire » comprise entre 80 µm et 2 mm correspond à 42 % de l’échantillon total et présente un degré de pollution chimique faible qui permet d’envisager une valorisation dans les filières les plus exigeantes (remblais routiers, couches de formes…). La fraction grossière supérieure à 2 mm est plus polluée (elle n’a subi aucun traitement) et devra être orientée vers des filières de valorisation au cahier des charges moins contraignant (remblais de surface, …).

0

20406080

100

% Cd Cr Cu Ni Pb Zn

Pource

ntage

s

> 2000 µm 80 < < 2000 µm < 80 µm

Figure IV-15 : Pourcentages massiques et pourcentages des différents éléments traces avant et après attrition – Sédiment de Cheviré.

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3. Apports de la caractérisation 3.1 Principe La caractérisation a été menée pour éclairer les succès et échecs rencontrés lors des essais de traitement par attrition, que ces essais soient réalisés à l’échelle du laboratoire ou du pilote et a porté essentiellement sur la recherche des phases porteuses des polluants métalliques. Il n’a pas été réalisé de caractérisation spécifique sur les polluants organiques à l’exception de celle indirecte qui résulte des mesures réalisées sur les différentes fractions granulométriques avant et/ou après attrition. Il peut être supposé que les polluants organiques, comme les hydrocarbures, se comporteront comme l’essentiel de la matière organique. Les échantillons de sédiment, avant et/ou après attrition, font l’objet de protocole de tri de leurs différentes phases constitutives sur la base de leurs propriétés physiques (taille, densimétrie, propriétés magnétiques), suivi d’une détermination optique sous loupe binoculaire et parfois d’une caractérisation au microscope électronique à balayage (MEB) des fractions ainsi obtenues. Le microscope électronique à balayage constitue une méthode de visualisation (grandissement supérieur à 500 fois) permettant d'obtenir :

- des images contrastées en fonction de la masse atomique des éléments qui constituent les phases minérales (plus les éléments sont lourds, plus l'image est claire) ;

- des analyses chimiques qualitatives (détecteur EDS : Energy Dispersive Spectrum) ponctuelles à l’échelle de quelques µm3.

La limite de détection, fonction de l'élément, est d'environ 5 000 mg kg-1 au sein de la phase analysée. Cette technique permet ainsi d'identifier les métaux lorsqu’ils constituent un élément majeur des minéraux ou lorsqu'ils sont présents en substitution, coprécipités ou sorbés à ces teneurs significatives. Les phases individualisées ont été préparées pour être caractérisés au MEB selon deux approches :

- Dans certains cas, à l’issue d’une première détermination réalisée sous loupe binoculaire, certains grains caractéristiques sont sélectionnés, déposés sur un scotch double-face et observés tels quels au MEB (après métallisation). Cette technique rapide permet de voir et analyser (analyse qualitative succincte) la surface des grains.

- Afin de bien visualiser, le rôle éventuel d’un encroûtement, un autre type préparation a été réalisé ; les grains sont indurés dans une résine époxy puis polis. Ce type de section, à la différence d’une observation sur des grains, permet de visualiser les particules dans leur globalité, de la surface au cœur. Les analyses réalisées au MEB demeurent qualitatives mais sont comparables entre elles, à la différence des mesures sur grains (où les rayonnements incidents et émis ne sont pas tous orientés de façon reproductible selon la partie du grain).

3.2 caracterisation du sédiment de chevire Le sédiment de Cheviré a été caractérisé avant et à l’issue des différents essais d’optimisation de la durée d’attrition (Sans Attrition et durées de 30, 60, 90 et 360 secondes).

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L’étape de préparation physique des différentes fractions 80µm-2mm a été menée comme indiqué sur la Figure IV- 1.

FM NFM FM NFMpesée pesée pesée pesée

Fraction 80-2000 µm

séparation densimétrique à 2,8

séparation ferromagnétique

observation sous binoculaire

> 2,8 < 2,8

Figure IV- 16 : Séparations densimétrique et magnétique préalables à l’observation à la loupe binoculaire et au MEB. Dans un premier temps, une séparation densimétrique a été menée à l’aide d’une liqueur dense (bromoforme). Elle a été réalisée de façon à séparer les particules de densité supérieure à 2,8, des particules les plus fréquentes dans les sols (quartz, calcite, argiles, feldspaths..) d’une densité inférieure à 2,8. Les particules de densité supérieure à 2,8 sont très généralement constituées de minéraux denses (dits « minéraux lourds ») et de particules d’origine anthropique (scories, fragments métalliques…) et, à ce titre, présentent souvent des métaux sous des formes concentrées. Cette séparation est complétée par une séparation réalisée à l’aide d’un barreau aimanté pour individualiser les particules aux comportements ferromagnétiques (FM) des non-ferromagnétiques (NFM). Pour mémoire, c’est la présence significative d’éléments comme Fe, Ni, Cr qui sont à l’origine des propriétés ferromagnétiques des particules qui les contiennent. Les différentes sous-fractions ainsi obtenues (d>2,8 et FM ; d>2,8 et NFM ; d<2,8 et FM ; d<2,8 et NFM) sont pesées (Tableau IV- 5) et observées sous loupe binoculaire.

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Tableau IV- 5 : Tableau des pourcentages des différentes sous-fractions obtenues à l’issue des étapes de séparations densimétrique et magnétique2 sur les fractions 80-2000 µm de Cheviré (SA : Sans

attrition) et à l’issue d’essais d’attrition de 30, 60, 90 et 360 secondes. 5

< 80 µm (%) % FM % NFM % FM % NFMCheviré SA 0,26 96,69 1,03 0,91

/ fraction 80-2000 µm de l'échantillon initial 5 0,25 91,86 0,98 0,86Cheviré 30'' 0,14 96,34 1,23 1,16

/ fraction 80-2000 µm de l'échantillon initial 18 0,13 79,48 1,01 0,96Cheviré 60'' 0,34 96,82 1,14 1,41

/ fraction 80-2000 µm de l'échantillon initial 19 0,32 78,42 0,92 1,14Cheviré 90" 0,23 95,77 1,50 1,50

/ fraction 80-2000 µm de l'échantillon initial 23 0,22 74,22 1,16 1,16Cheviré 360'' 0,38 96,16 1,31 1,47

/ fraction 80-2000 µm de l'échantillon initial 34 0,36 63,47 0,86 0,97

fraction 80-2000 µm d < 2,8 d > 2,8

La description des différentes sous-fractions issues du protocole de séparation (d>2,8 et FM ; d>2,8 et NFM ; d<2,8 et FM ; d<2,8 et NFM) est présentée de façon détaillée dans l’annexe disponible sur le CD joint à ce document. Pour l’échantillon n’ayant pas subi d’attrition, il est observé que :

- Les sous-fractions lourdes qu’elles soient ferromagnétiques ou non (d>2,8 et FM ; d>2,8 et NFM), sont constituées essentiellement d’éléments naturels (à l’exception de quelques sphères vitreuses à exsolution d’oxydes de fer – spinelle probable [Fe3O4] –). Il s’agit de minéraux présents soit sous forme de grains aisément identifiables pour des yeux avertis, soit de fragments de roches volcaniques plus finement cristallisés qui ont été caractérisés à l’issue de l’imagerie au microscopie électronique à balayage tels que des fragments d’amphibolites riches en oxydes de fer et titane – ilménite probable [FeTiO3] – ; fragments qui sont en relation avec la nature géologique du sol encaissant le bassin (cf. carte géologique n°481 – Nantes - BRGM).

- La sous-fraction légère magnétique (d<2,8 et FM ) est constituée essentiellement de phases déclassées (qui auraient dû être dans les NFM ou dans les phases denses).

- La fraction légère et non-ferromagnétique (d<2,8 et NFM) représente l’essentiel de la fraction 80-2000 µm (96%). Elle est constituée de débris végétaux, quartz, feldspaths et majoritairement d’agrégats mixtes microgrenus gris sombre tels que visibles sur la Figure IV- 17 –A.

Pour les différentes durées d’attrition, la description de ces sous-fractions ne semble pas montrer de différences significatives si ce n’est une diminution progressive de l’importance des agrégats grenus gris sombre avec la durée de l’attrition (Figure IV- – B, – C, – D) Ces agrégats sont en effet constitués de particules dont la taille correspond à la fraction fine (< 80µm) mais fortement agrégés.

2 On notera que la somme des fractions n’est pas exactement égale à 100%. En effet, certaines formes de matière organique sont passées en solution lors de l’emploi de la liqueur dense (le bromoforme est un solvant). Cette dissolution concerne entre 0,2 et 1% de l’échantillon total.

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Figure IV- 17 : Photos prises à la loupe binoculaire de la fraction 80-2000 µm, légère et non

magnétique. A – sans attrition, B, C et D – respectivement après 30, 90 et 360 secondes d’attrition. Ag. : Agrégats

Au microscope électronique à balayage, la présence de ces agrégats est encore plus visible. Ainsi, sur la Figure IV- , sont visibles les minéraux résiduels (ou primaires – mp. – sur la figure) tels que les quartz et les feldspaths, les débris végétaux (– dv. – sur la figure) et les agrégats (– ag. – sur la figure). Les agrégats présentent une forme plutôt arrondie et sont constitués de l’agglomération de particules de petites tailles. On retrouve des particules de minéraux primaires (quartz, feldspaths, biotite…) tels que déterminés d’après les analyses qualitatives EDS, « emballés » dans une masse d’aspect un peu cotonneux sur l’image, de couleur grise ou gris foncé. Il s’agit d’association intime de matière organique et de minéraux argileux et d’oxyhydroxydes de fer probable. Ces agrégats seront dits « argilo-organiques ». Après 30 secondes d’attrition (Figure IV- ), ce sont les mêmes phases que l’on distingue : minéraux résiduels, débris végétaux et agrégats dont une bonne part ont « explosé » en fragments plus petits.

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Figure IV- 18 : Sédiment Cheviré, sans attrition ; observation au MEB de la fraction 80-2000µm,

légère et non ferromagnétique ; mp. : minéraux primaires : feldspaths, quartz ; dv : débris végétaux ; Ag. :agrégats.

Figure IV- 19: Observation au MEB d’un agrégat ; mp. : minéraux primaires : feldspaths, quartz,

biotite… ; mo : matière organique.

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Figure IV- 20 : Sédiment Cheviré, après 30 secondes d’attrition ; observation au MEB de la fraction

80-2000µm, légère et non ferromagnétique; mp. : minéraux primaires : feldspaths, quartz ; dv : débris végétaux ; Ag. :agrégats.

Concernant les polluants, à l’échelle de la caractérisation optique, comme à celle du microscope électronique à balayage, il n’apparaît pas de porteurs clairs de polluants métalliques, ce qui laisse présager que les polluants métalliques sont très certainement majoritairement présents, sous formes très dispersées dans les phases actives pour la sorption, à savoir, les oxyhydroxydes de fer, les argiles et la matière organique … qui forment les agrégats. Une des toutes premières conclusions de cette étude minéralogique entraine la révision de la notion initiale d’encroûtements. En effet, les observations visuelles réalisées au MEB, à partir de sections de grains et particules montrent qu’il ne s’agit pas à proprement parlé d’encroûtements, il semble même que cette notion soit assez éloignée de la réalité : le sédiment est constitué de particules fines agglomérées entre elles se distinguant des particules sableuses (quartz, feldspaths…). Cette observation traduit une structuration au sein du sédiment. L’absence presque totale de particules fines avec les grains plus grossiers plaide en faveur de processus physico-chimiques qui ont donné la priorité à l’accrochage des particules fines entre elles. De plus, la forme relativement arrondie de ces associations de particules et la relative résistance de ces dernières lors de l’attrition renforcent l’idée d’une structure ayant une certaine pérennité dans le sédiment. Néanmoins les observations en termes de bilan de traitement sont parfaitement en cohérence avec celles qui auraient pu être attendues dans le cas d’un encroûtement (Figure IV- ) : l’attrition entraine la destruction des agrégats plus fragiles par rapport aux particules primaires sableuses (ainsi qu’aux fragments de matière organique peu évolués). Les particules fines redeviennent alors disponibles pour être correctement séparées des autres particules sableuses généralement plus grossières. A terme, pour la durée extrême testée de 360 secondes d’attrition, ce sont uniquement des grains de minéraux primaires, des débris végétaux, qui constituent la fraction 80-2000µm, les agglomérats argilo-organiques de particules fines ayant été broyés et éliminés par tamisage.

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Figure IV- 21 : Schéma représentant l’échantillon de Cheviré lors de l’attrition. Dans l’hypothèse de présence d’encroûtements (Ec) ou d’agrégats (Ag), à l’issue de l’attrition le résultat est le même. Cette configuration en agrégats argilo-organiques permet aussi d’expliquer que lors du tout premier essai d’attrition mené sur deux tranches granulométriques distinctes (250-1250 µm et > à 1250 µm) (cf. 2.1.2), les pourcentages de particules fines générées étaient identiques dans les deux fractions malgré des surfaces spécifiques distinctes, ce qui ne trouvait pas d’explication dans l’hypothèse d’encroûtements. De même, les fines générées lors de l’attrition de la fraction 80-2000 µm (cf. 2.3) sont plus concentrées en polluants que la fraction < 80µm initiale du sédiment car l’attrition permet de casser les agrégats constitués de vraies particules fines alors que dans la fraction <80 µm initiale, sont présents aussi bien les fines, les agrégats de fines que les particules primaires de diamètre compris entre 0 et 80µm qui « diluent » les concentrations en métaux. Enfin, ces agrégats argilo-humiques constituent également très certainement le lieu favori de présence des polluants organiques comme les hydrocarbures. Le rôle des agrégats argilo-organiques peut à priori être envisagé très largement dans les sédiments. Ces résultats sont en accord avec les travaux de thèse d’Anne-Laure Badin (2009) sur la présence d’agrégats, dans le bassin de Django Reinhardt. 3.3 Application à d’autres sediments Deux autres sédiments ont fait l’objet de caractérisation avant et/ou après des essais attrition. Il s’agit des échantillons des sédiments AhAhLABO et Flavigny. Ils sont présentés plus en détail dans la partie I de ce document. - Le sédiment AhAhLABO, issu d’un bassin de rétention situé dans le département de l’Essonne, a été sélectionné car il provient d’un contexte urbain relativement industriel. Il est bien représentatif en ce qui concerne les teneurs rencontrées en nombreux métaux et hydrocarbures. - Le sédiment du bassin de décantation routier de Flavigny situé à proximité de Nancy, présente une pollution plus anecdotique, non en termes de concentration, mais en termes de représentativité avec une contribution ponctuelle forte en chrome (2979 mg kg-1). 3.3.1 Sédiment de Flavigny Le sédiment de Flavigny n’a pas fait l’objet d’essais préliminaires en laboratoire, il a été traité directement dans l’unité pilote. L’analyse chimique des fractions obtenues à l’issue du traitement montre que la fraction 2 mm-30 mm présente une concentration en chrome

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supérieure à 5800 mg kg-1. La concentration en chrome est de 390 mg kg-1 pour la fraction fine (<60 µm), et de 492 mg kg-1 pour la fraction 60 µm-2mm (pour 537 mg kg-1 avant attrition). Les concentrations plus élevées dans les fractions granulométriques plus grossières, en particulier pour celle supérieure à 2 mm, porte immédiatement à soupçonner la présence de phases anthropiques telles que des scories au chrome grossières. L’échantillon contient également du zinc (788 mg kg-1) et du cuivre (308 mg kg-1). La caractérisation de l’échantillon brut, par ailleurs, va démontrer cette hypothèse et permettre d’expliquer les mauvais résultats lors de l’attrition. Le sédiment brut de Flavigny a fait l’objet de séparation sur la base des propriétés de taille, de densité et magnétiques. Les fractions ainsi obtenues sont pesées et font l’objet d’une caractérisation sous loupe binoculaire et au MEB. Les résultats détaillés de la caractérisation optique sont présentés en annexe sur le CD joint à ce document. Le sédiment se caractérise par l’importante proportion de particules denses et/ou magnétiques et cela pour toutes les tranches granulométriques. Le chrome y a été mis en évidence au MEB (par EDS) sous différentes formes dont : - de rares éclats de peinture à Ti, Fe, Zn, Cr, - des esquilles métalliques à Fe, Cr, fréquentes ; - de très nombreuses scories métalliques (exemple présenté Figure IV- ) et de nombreuses

scories vitreuses, parfois à inclusion métallique…

Figure IV- 22 : Scorie métallique observée à la loupe binoculaire (A), au MEB (B) et spectres EDS de

deux points de mesure (C,D).

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Les éclats de peinture et esquilles métalliques sont probablement des éclats de carrosserie automobile ; leur présence n’est pas surprenante dans le domaine routier ; Les scories, les plus fréquentes, issues d’un procédé thermique, présentent des zones intimement mêlées riches en Ca (Si, Al, Mg) – verre probable – et des zones où le fer est concentré avec le chrome, le titane, le manganèse, le cuivre et le zinc – alliage métallique probable –. La présence d’un grand centre métallurgique à quelques kilomètres du site pourrait expliquer l’origine de ces scories : les déchets de production de l’acier dont les laitiers et scories auront pu être utilisés dans les soubassements routiers. Outre l’origine des teneurs en Cr, Zn, Cu qui se trouvent probablement expliquée, l’observation des formes sous lesquelles ces métaux s’expriment, ne laissent pas envisager un réel intérêt pour l’attrition. En effet, le chrome (et autres métaux) n’est pas présent sous forme d’encroûtement mais sous différentes formes propres qui auront des comportements distincts lors de l’attrition. La Figure IV- permet d’illustrer le propos suivant : il est probable que certaines scories seront fragiles et se briseront lors de l’attrition. Si elles se brisent en petits éclats, ils pourront être évacués lors du tamisage. Si, comme c’est plus probable, elles se brisent en éclats de différentes tailles, l’attrition n’étant pas un broyage, une faible proportion sera éliminée lors du tamisage, les autres fragments restants dans la fraction grossière issue de l’attrition. Enfin, certaines particules comme les esquilles métalliques seront très probablement complètement réfractaires à l’attrition.

Figure IV- 23: Schéma représentant l’échantillon de Flavigny lors de l’attrition. Es : Esquille

métallique, Sc : scorie hétérogène, Qz : quartz. Les résultats à l’issue du traitement en pilote ont confirmé les observations de la caractérisation. La teneur en chrome dans la fraction 60 µm-2 mm évolue peu à l’issue de l’attrition. L’attrition, dans le cas où les polluants sont associés à de nombreuses phases porteuses anthropiques, ne présente pas d’intérêt. D’autres types de séparations physiques, basées sur les propriétés densimétriques et magnétiques, auraient pu être envisagés. 3.3.2 Sédiment AhAhLABO Les caractéristiques chimiques de ce sédiment selon trois fractions granulométriques (< 80µm ; 80 µm << 2000 µm ; > 2000 µm) sont présentées dans le Tableau IV- 6.

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Tableau IV- 6 : Pourcentage massique (P.M.), teneurs en matière organique (M.O) et en éléments traces des trois fractions granulométriques du sédiment AhAhLABO.

P.M M.O Cd Cr Cu Ni Pb Zn % mg kg-1 > 2000 µm 12 6,6 0,7 98 45 62 126 627 80 < < 2000 µm 68 14,9 3,0 226 259 134 383 2012 < 80 µm 20 29,4 5,2 382 423 154 644 3267 La fraction fine (< 80 µm) représente seulement 20 % de la masse totale de l’échantillon

AhAhLABO ce qui est une proportion relativement faible pour un sédiment. Elle présente une forte proportion de matière organique (29,4 %) et des concentrations notables en éléments traces divers. En termes de distribution, les métaux sont un peu « enrichis » dans la fraction fine, puisque les 20% de la fraction fine inférieure à 80µm renferment entre 24 (pour Ni) et 31-33 % de la quantité totale des éléments traces. La fraction 80-2000 µm, est fortement représentée (68 %) et contient l’essentiel des métaux (en termes de distribution, entre 70 (pour Ni) et 64-66 de la quantité totale des métaux). La faible proportion de fines et la répartition des métaux semblent faire de cet échantillon de sédiment un bon candidat à l’attrition. Le sédiment brut AhAhLABO a fait l’objet de séparation sur la base des propriétés de taille, de densité et magnétiques. Les fractions ainsi obtenues sont pesées et font l’objet d’une caractérisation sous loupe binoculaire et au MEB. Les résultats détaillés de la caractérisation optique sont présentés dans l’annexe disponible sur le CD joint à ce document. Comme pour Cheviré et à la différence de Flavigny, les phases denses et/ou magnétiques qui contiennent en général les métaux sous forme concentrée sont très peu représentées à l’exception d’une phase porteuse à Cu (et S) microgrenue et très fragile. Les métaux sont très certainement majoritairement présents avec les phases actives pour la sorption dans les sols et les sédiments, à savoir, les oxyhydroxydes de Fe et Mn, les argiles et la matière organique. Ces petites phases, à la vue des mécanismes d’agrégation identifiés sur Cheviré, devraient se comporter favorablement lors de l’attrition, tout comme celle porteuse de cuivre sous forme concentrée. C’est effectivement ce que montrent les essais d’attrition en laboratoire (attrition pendant 180 sec de la tranche granulométrique 80µm – 2mm, en pulpe à moins de 30% d’eau ; résultats présentés dans le Tableau IV-7.

Tableau IV- 7 : Pourcentage massique, teneurs en matière organique et en éléments traces des deux fractions granulométriques générées par attrition – Sédiment AhAhLABO

P.M M.O Cd Cr Cu Ni Pb Zn % mg kg-1 80 < < 2000 µm après attrition 85 6,4 1,3 154 108 99 206 1071 < 80 µm après attrition 15 43,0 7,8 462 591 181 948 6396

Le traitement par attrition sur la fraction granulométrique inférieure à 2mm a engendré la formation de 15 % de particules fines inférieures à 80 µm. Cette fraction fine générée présente des teneurs en matière organique et en éléments traces élevées. En contrepartie, la fraction résiduelle de l’attrition présente des teneurs en métaux et matière organique significativement plus basses. En termes de bilan, la distribution des métaux avant et après attrition se perçoit mieux sur la Figure IV- .

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0

20

40

60

80

100

% Cd Cr Cu Ni Pb Zn

Pour

centag

es

> 2000 µm 80< diam< 2000µm < 80 µm

Figure IV- 24 : Pourcentage massique des différentes fractions granulométriques et distribution des

différents éléments traces (en %) avant et après attrition.

La fraction fine inférieure à 80 µm représente au final 30% de l’échantillon brut et renferme 68-70 % du cuivre, cadmium (et de la matière organique, non représentée sur la Figure IV- 24), 63% du plomb, 55 % du chrome et du zinc et 43% du nickel. 3.4 Conclusions sur les apports de la caractérisation L’attrition va générer des fines polluées supplémentaires, aussi, comme pour tout procédé de sols ou de sédiments, la présence initiale de fraction fine pourra être un facteur technico-économique limitant. L’attrition présente un intérêt certain pour toutes les pollutions « classiques » multi-élémentaires, concentrées essentiellement sur les fines quand ces dernières sont regroupées en agrégats limitant leur séparation lors des « lavages » classiques par hydrocyclonage. L’intérêt de l’attrition sera plus limité quand la pollution est liée à des particules anthropiques spécifiques. Elle pourra présenter un intérêt si ces particules sont plus friables que les principaux composants du sol, l’attrition favorisant un broyage différentiel de ces particules, les rendant aptes à être séparées ensuite par tamisage (ou plutôt lavage par l’hydrocyclonage). Plus les formes anthropiques sont variées, plus le risque est élevé que toutes ces phases ne se comportent pas de façon égale lors de l’attrition. Ainsi, par exemple, toutes les pollutions sous forme de particules métalliques ne seront pas modifiées par l’attrition (exemple, fragment de fil, billes magnétiques…). Dans ces conditions il est possible d’imaginer qu’à l’extrême la fraction attritée soit potentiellement plus concentrée qu’avant attrition en raison du « maintien » dans la fraction grossière et du départ de fines moins polluées. Auparavant, des essais simples d’attrition en laboratoire (sous réserve d’être représentatif du volume global de sédiment à traiter), suivi d’analyses chimiques des fractions obtenues permettent d’obtenir rapidement un avis sur l’efficacité que l’on peut attendre de l’attrition. Si on se place dans une démarche visant à expliquer les résultats obtenus, une caractérisation minéralogique s’impose. Elle peut être considérée comme souhaitable au préalable de tout procédé de traitement des sédiments afin d’orienter au mieux les étapes de traitement.

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4. Unité de traitement pilote 4.1 Principe du traitement A l’issue de ces essais de laboratoire concluant et sur la base de l’expérience du domaine de la minéralurgie, il est possible d’élaborer un schéma d’unité de traitement englobant une étape d’attrition. Le principe de cette l’unité nommée ATTRISED est décrit sur la Figure 25. Les sédiments, injectés dans l’unité pilote subissent une première coupure granulométrique à 30 mm. La grille statique, placée en amont de l’unité, a pour objectif d’isoler les macro déchets et de protéger ainsi les équipements situés en aval. La fraction supérieure à 30 mm sera éliminée via la filière des déchets ménagers. Les résidus inférieurs à 30 mm sont acheminés, par l’intermédiaire d’un convoyeur, au niveau d’un tamis vibrant de maillage 2 mm. Cette coupure joue un double rôle : elle isole d’une part la fraction 2 mm – 30 mm et d’autre part protège l’hydrocyclone situé en aval, des particules grossières. La séparation granulométrique suivante est réalisée par hydrocyclonage. Cette technique de séparation hydrodynamique est basée sur le classement des particules sous l'effet des forces centrifuges et d'entraînement au sein d'un tourbillon d'eau. Elle permet d’abaisser le seuil de coupure à 60 µm (contre 80 µm par tamisage en laboratoire). L’objectif est de réduire ainsi le pourcentage de particules fines enrichies en polluants. Les particules inférieures à 60 µm contenues dans les eaux de surverse des hydrocyclones sont ensuite injectées dans la filière de traitement des eaux (décanteur et filtre presse). La fraction 60 µm – 2 mm est, quant à elle, introduite en continu dans la machine d’attrition. Comme en laboratoire, les forces de frottement induites par ce traitement génèrent des particules fines qui seront également séparées par hydrocyclonage puis orientées vers le traitement des eaux. La fraction 60 µm – 2 mm récupérée sera caractérisée en vue de définir les filières potentielles de valorisation. L’ensemble de ces opérations est réalisé par voie humide avec des teneurs en eau qui fluctuent de 85 % pour les coupures par hydrocyclone à 30 % pour l’étape d’attrition. Les eaux de surverse du décanteur sont directement renvoyées au niveau des différents équipements afin de fonctionner en circuit fermé. Le processus est décrit en détail dans Pétavy (2007).

Figure IV-25 : Principe de l’unité de traitement ATTRISED

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4.2 Traitement de différents sédiments A l’échelle du pilote, quatre sédiments de bassin (Cheviré, AhAh -2 échantillons-, Lyon, Flavigny3 et deux de balayure de chaussées (Lille, Bordeaux) ont été traités. Dans chaque cas, 2 tonnes de sédiments ont été traitées. L’ensemble des résultats est présenté dans Pétavy (2007) et le choix est fait de se concentrer sur trois sédiments représentatifs (Cheviré, AhAh et Lille). 6) Les caractéristiques chimiques des sédiments bruts et des différentes fractions ainsi que les pourcentages massiques sont répertoriés dans le tableau IV-8. Ces valeurs sont comparées aux valeurs cible et d’intervention de la norme hollandaise pour les sols pollués utilisée en l’absence de législation spécifique pour ces sédiments. Le sédiment brut de Cheviré présente des teneurs très élevées en polluants organiques avec 15,6 % de matière organique, 3540 mg kg-1 d’hydrocarbures totaux et 388 µg kg-1 de phénanthrène. Les quantités de cuivre et de zinc sont également très élevées avec respectivement 306 et 1180 mg kg-1. Bien que les sédiments de AhAh et de Lille présentent des teneurs en polluants plus faibles que celles rencontrées dans les résidus de Cheviré, un traitement est néanmoins indispensable pour une réutilisation de ce résidu en technique routière car certains composés sont présents en forte concentrations. A titre d’exemple on peut citer les concentrations en hydrocarbures totaux (2533 mg kg-1) du bassin AhAh et les concentrations en phénanthrène (727 µg kg-1 ) des balayures de Lille.

Tableau IV-8 : Pourcentages massique et caractérisation chimique des sédiments bruts et des fractions granulométriques issues de l’unité pilote et comparaison avec les valeurs cible et

d’intervention, de la norme hollandaise pour les sols pollués. P.M1 MO2 HcT3 Phe4 Cr Cu Pb Zn % % mg kg-

1 µg kg-

1 mg kg-1

Sédiment brut - 15,6 3540 388 69 306 138 1180 > 30 mm 4 - - - - - - -

2 mm – 30 mm 8 7,5 383 185 32 125 83 650 60 µm – 2 mm 50 2,5 108 20 27 21 60 188

Cheviré

< 60 µm 38 25,2 6431 691 114 496 268 2275 Sédiment brut - 5,2 2533 268 29 72 69 268

> 30 mm 1 - - - - - - - 2 mm – 30 mm 13 3,8 / / 42 38 37 134 60 µm – 2 mm 74 2,0 1344 168 34 50 48 78

AhAh

< 60 µm 11 16,8 2805 582 123 303 348 1152 Sédiment brut - 5,9 823 727 202 97 106 356

> 30 mm 2 - - - - - - - 2 mm – 30 mm 32 2,6 / / 64 16 12 58 60 µm – 2 mm 44 2,8 308 323 76 80 49 206

Lille

< 60 µm 22 16,5 1318 964 118 222 269 871 Valeur cible norme - - - - 100 36 85 140

Valeur d’intervention - - - - 380 190 530 720 1 : pourcentage massique ; 2 : matière organique ; 3 : hydrocarbures totaux ; 4 : phénanthrène 3 Les résultats du traitement de Flavigny ont déjà été présentés dans le chapitre relatif aux apports de la caractérisation.

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La fraction supérieure à 30 mm constituée de canettes, bouteilles, cailloux et autres détritus, représente 1 à 4 % de la masse de l’échantillon brut en fonction des sites étudiés. Elle est éliminée avec les déchets ménagers. Les produits de balayage étant généralement plus grossiers que les sédiments de bassin, le pourcentage massique de la fraction 2 mm – 30 mm varie de 8 % (Cheviré) à 32 % (Lille). Les teneurs en polluants de cette fraction sont environ 2 fois plus faibles que dans l’échantillon brut pour la majorité des produits caractérisés et atteignent même pour certains composés des concentrations 9 à 10 fois plus faibles. Les fractions 60 µm – 2 mm représentent 44 à 74 % de l’échantillon brut et ont des teneurs similaires à celles rencontrées dans les sols ordinaires. Les rendements de dépollution de cette fraction traduisent une efficacité élevée de la méthode de traitement et laisse présager des filières de valorisation intéressantes. Les fractions inférieures à 60 µm représentent 11 à 38 % (pour Cheviré le plus fin des sédiments) des sédiments bruts et renferment une majorité des polluants initialement présents dans les sédiments. 4.3 Efficacité de l’étape d’attrition Des échantillons des fractions 60 µm – 2 mm avant attrition ont également été analysés afin de confirmer l’efficacité de l’étape d’attrition observée en laboratoire. Les figures IV-26 et IV-27 présentent les concentrations en polluants organiques (matière organique, hydrocarbures totaux, HAP) et métalliques (cuivre et zinc) au sein des fractions 60 µm – 2 mm avant attrition (60 µm – 2 mmB) et après attrition (60 µm – 2 mmA) des sédiments de Cheviré et de Lille.

851 186 59 320

21 188

6.3

1082.5 20

0%20%40%60%80%

100%

MO Hct Phe Cu Zn

60µm-2mmB 60µm-2mmA

% mg kg-1 µg kg-1 mg kg-1 mg kg-1 Figure IV-26 : Comparaison avant (60 µm – 2 mmB) et après (60 µm – 2 mmA) attrition des teneurs en polluants au sein des fractions 60 µm – 2 mm des sédiments de Cheviré.

517 808 87 381

80 206

4,5

3082,8 323

0%20%40%60%80%

100%

MO Hct Phe Cu Zn

60µm-2mmB 60µm-2mmA

% mg kg-1 µg kg-1 mg kg-1 mg kg-1 Figure IV-27 : Comparaison avant (60 µm – 2 mmB) et après (60 µm – 2 mmA) attrition des teneurs en polluants au sein des fractions 60 µm – 2 mm des sédiments de Lille.

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Dans cette étude, la différence entre les fractions 60 µm – 2 mm avant (60 µm – 2 mmB) et après attrition (60 µm – 2 mmA) sont particulièrement remarquables. Pour les sédiments de Cheviré (figure IV-26), le pourcentage de matière organique diminue de 6,3 à 2,5 %, les concentrations en hydrocarbures totaux et en phénanthrène sont de 108 mg kg-1 et 20 µg kg-1 contre respectivement 851 mg kg-1 et 186 µg kg-1 avant attrition. Les concentrations en éléments traces indiquent également l’effet important de l’attrition sur la dépollution des sédiments. Pour les sédiments de Lille (figure IV-27), l’effet de l’attrition et moins important que pour les sédiments de Cheviré. En effet, pour les sédiments de Lille, les pourcentages de réduction de la pollution s'étendent de 10 % pour le cuivre à 60 % pour le phénanthrène tandis que ce pourcentage varie de 40 % pour le zinc à 90 % pour les hydrocarbures et le phénanthrène dans le cas des sédiments de Cheviré. Bien que l’étape d’attrition permettent une réduction significative des teneurs en polluants, son efficacité dépend essentiellement de la quantité de particules fines agglomérées au sein de la fraction 60 µm – 2 mm. 4.4 Caractérisations géotechniques Une caractérisation géotechnique (tableau IV-9) est réalisée sur les deux fractions potentiellement valorisables (2 mm – 30 mm et 60 µm – 2 mm) suivant le guide technique pour la réalisation des remblais et des couches de forme (SETRA-LCPC, 2000).

Tableau IV-9: Caractéristiques géotechniques des 2 fractions potentiellement valorisables. M.O dmax1 < 2 mm2 < 80 µm3 VBS4 ρd OPN5

% µm % % g 100 g-1 t m-3

2 mm – 30 mm 7,5 <50 mm - - - - Cheviré 60 µm – 2 mm 2,5 <50 mm 89 2 0,25 1,64 2 mm – 30 mm 3,8 <50 mm - - - - AhAh 60 µm – 2 mm 2,0 <50 mm 93 2 0,66 1,70 2 mm – 30 mm 2,6 <50 mm 5 1 <0,1 / Lille 60 µm – 2 mm 2,8 <50 mm 100 6 0,67 1,76

1 : diamètre de l’élément le plus grossier ; 2 : % de passant à 2 mm ; 3 : % de passant à 80 µm ; 4 : valeur au bleu de méthylène ; 5 : masse volumique sèche apparente à l’optimum Proctor. Le premier critère de sélection concerne la teneur en matière organique. Les fractions présentant un pourcentage de matière organique supérieur à 3 % appartiennent à la classe F identifiée comme sols organiques et sous produits industriels. Avec des teneurs en matière organique de 7,5 et 3,8 %, les fractions 2 mm – 30 mm des sédiments de Cheviré et AhAh sont considérés comme des produits faiblement organiques et appartiennent à la classe F11 (MO<10%). Pour les résidus présentant une teneur en matière organique inférieure à 3 %, la classification se poursuit avec trois critères granulométriques (diamètre maximal de l’élément le plus grossier et les pourcentages de passant à 2 mm et à 80 µm) et un critère d’argilosité (valeur au bleu de méthylène). Avec un dmax inférieur à 50 mm, un pourcentage de passant à 2 mm supérieur à 70 %, un pourcentage de particules fines (<80 µm) inférieur à 12 % et une valeur au bleu de méthylène supérieure à 0,2 g pour 100 g de sol, les fractions 60 µm – 2 mm des trois sédiments étudiés appartiennent à la classe B2, classe regroupant les sables peu argileux.

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Avec d’une part des pourcentages de passant à 2 mm et 80 µm de 5 et 1 % et d’autre part une très faible argilosité (VBS <0,1) la fraction 2 mm – 30 mm des balayures de Lille appartient à la classe D2, classe des graves alluvionnaires propres. 4.5 Filières de valorisation Le Tableau IV-10 recense les différentes classes obtenues à partir du guide des terrassements routiers ainsi que les filières de valorisation associées. Tableau IV-10 : Classification et filières de valorisation des différentes fractions issues du traitement

des sédiments de l’assainissement pluvial. Bassins Fractions Classification Filières de valorisation potentielles

2 mm – 30 mm F11 Remblais de surface Cheviré 60 µm – 2 mm B2

Remblais routier, de tranchée, de surface Couches de forme

2 mm – 30 mm D2 Remblais routier, de tranchée, de surface

Couches de forme Nancy 60 µm – 2 mm B2 Remblais routier, de tranchée, de surface

Couches de forme 2 mm – 30 mm F12 Aucune AhAh 1 60 µm – 2 mm F11 Remblais de surface 2 mm – 30 mm F11 Remblais de surface

AhAh 2 60 µm – 2 mm B2 Remblais routier, de tranchée, de surface Couches de forme

2 mm – 30 mm F12 Aucune Lyon 60 µm – 2 mm F11 Remblais de surface 2 mm – 30 mm F11 Remblais de surface

Bordeaux 60 µm – 2 mm B2 Remblais routier, de tranchée, de surface Couches de forme

2 mm – 30 mm D2 Remblais routier, de tranchée, de surface Couches de forme Lille

60 µm – 2 mm B2 Remblais routier, de tranchée, de surface Couches de forme

Parmi les 14 fractions issues du traitement physique (Tableau IV-10) des sédiments de bassin et des balayures de voiries, 12 d’entre elles sont susceptibles d’être directement valorisées comme remblais routier, de tranchée ou de surface ou comme couche de forme. Seules 2 fractions (2mm – 30 mm des sédiments de AhAh1 et Lyon) présentent des caractéristiques (matière organique > 10 %) ne satisfaisant pas les contraintes du GTR liées à la mise en remblai ou en couche de forme. Ces deux fractions peuvent néanmoins prétendre à une réutilisation comme remblai de surface si elles sont incorporées à la fraction 60 µm – 2 mm. 4.6 Conclusion sur le passage dans l’unité pilote et les possibilités de valorisation En conclusion, les sous-produits de l’assainissement (sédiments de bassin issus de la gestion des eaux pluviales routières et urbaines, produits de balayure de chaussée) représentent, après

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traitement, une source importante de matériaux capable de répondre, du point de vue géotechnique, aux fortes demandes de remblais. De plus, plusieurs groupes de travail se penchent actuellement sur l’établissement d’une charte obligeant les maîtres d’ouvrage à utiliser une certaine quantité de produits réutilisables parmi leur consommation de matériaux destinés à la mise en remblai ou en couche de forme. A titre d’exemple, le département de la Haute Garonne encourage la réutilisation des déchets traités sur des chantiers de travaux publics. 5. Traitement biologique 5.1 Principe du traitement Les procédés biologiques permettent de dégrader les polluants par l’action de micro-organismes (bactéries, champignons…) et peuvent être utilisés seuls ou en complément d’une autre technique. La décontamination par voie biologique consiste donc à stimuler un phénomène naturel pour en augmenter le rendement afin de détruire le polluant organique qui sera utilisé comme source de carbone. Les traitements biologiques sont réalisés in situ en introduisant dans le sol les éléments nécessaires au développement de la biomasse (oxygène sous forme gazeuse ou liquide et nutriments) ou bien ex situ en traitant le sol excavé. Nous allons nous intéresser au landfarming, technique de dégradation ex-situ des hydrocarbures. Lorsque la dégradation des hydrocarbures et des HAP n’est pas suffisamment élevée, des ajouts de nutriments spécifiques ou de bactéries adaptées à la pollution peuvent être effectués. Une légère amélioration des taux de dégradation des HAP après avoir ajouté de l’azote a été constatée avec une augmentation de 10 % du taux de biodégradation (Straube et al., 2003). De même, la bio-augmentation (ajout de bactéries spécifiques) est une solution pour favoriser la dégradation des HAP lourds (benzo[a]pyrène) ou le traitement des sols fortement contaminés (Juhasz et Naidu, 2000). La durée de traitement est de 12 à 24 mois pour un taux moyen (le rendement varie selon la molécule) de dégradation de 80 % (Gabet, 2004). 4.2 Un exemple d’essai sur cases pilotes Des tests ont été menés afin d’étudier si le Landfarming peut constituer une technique alternative au traitement physique lorsque celui ci présente de faibles rendements ou ne paraît pas très adapté. Le traitement biologique par Landfarming entraîne une réduction importante de la teneur en hydrocarbures totaux initialement présents dans les sédiments de l’assainissement pluvial (tableau IV-11).

Tableau IV-11 : Comparaison des teneurs en hydrocarbures totaux avant et après traitement par Landfarming et avec la fraction 60 µm-2 mm après attrition.

Hydrocarbures totaux en mg kg-1 Avant traitement Après traitement

(landfarming) Fraction 60 µm -2 mm

(pilote) Cheviré 3540 1064 108 Lille (balayures) 823 325 308 AhAh 4955 2846 1344

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Néanmoins l’action du traitement biologique par landfarming est limitée ; elle ne permet pas une élimination des hydrocarbures aromatiques polycycliques. De plus, le pourcentage de matière organique n’évolue pas lors du traitement et les teneurs élevées dans les résidus ne permettront pas dans de nombreux cas, de valoriser directement les résidus traités. Une contrainte supplémentaire, liée aux eaux de percolation, sera également à prendre compte pour ne pas relarguer dans l’environnement de fortes teneurs en éléments traces et en carbone organique dissous. 5. Conclusion générale L’attrition présente un intérêt certain pour toutes les pollutions « classiques » multi-élémentaires, concentrées essentiellement sur les fines quand ces dernières sont regroupées en agrégats limitant leur séparation lors des « lavages » classiques par hydrocyclonage. L’intérêt de l’attrition sera plus limité quand la pollution est liée à des particules anthropiques spécifiques. Elle pourra présenter un intérêt si ces particules sont plus friables que les principaux composants du sol, l’attrition favorisant un broyage différentiel de ces particules, les rendant aptes à être séparées ensuite par tamisage (ou plutôt lavage par l’hydrocyclonage). Plus les formes anthropiques sont variées plus le risque est élevé que toutes ces phases ne se comportent pas de façon égale lors de l’attrition. Ainsi, par exemple, toutes les pollutions sous forme de particules métalliques ne seront pas modifiées par l’attrition (exemple, fragment de fil, billes magnétiques…), la fraction attritée pouvant potentiellement être plus concentrée qu’avant attrition en raison du « maintien » dans la fraction grossière non éliminée lors du tamisage et départ de fines moins polluées. Auparavant, des essais simples d’attrition en laboratoire (sous réserve d’être représentatif du volume global de sédiment à traiter), suivi d’analyses chimiques des fractions obtenues permettent d’obtenir rapidement un avis sur l’efficacité que l’on peut attendre de l’attrition. Si on se place dans une démarche visant à expliquer les résultats obtenus, une caractérisation minéralogique s’impose. Elle peut être considérée comme souhaitable au préalable de tout procédé de traitement des sédiments afin d’orienter au mieux les étapes de traitement. Le pourcentage de sédiments potentiellement valorisables (fractions 60 µm – 2 mm et 2 mm – 30 mm) après traitement par l’unité pilote conçue au Laboratoire Central des Ponts et Chaussées, varie de 34 % pour les résidus les moins adaptés (granulométrie trop fine) à plus de 80 % pour les produits plus grossiers. L’ensemble des pourcentages définis lors de ces travaux est à majorer si l’on résonne en réduction de volume (en prenant en compte la siccité des sédiments) et non plus en matière sèche. L’action du traitement biologique est limitée et ne permet pas une élimination des hydrocarbures aromatiques polycycliques. De plus, le pourcentage de matière organique n’évolue pas lors du traitement et les teneurs élevées dans les résidus ne permettront pas dans de nombreux cas, de valoriser directement les résidus traités. Au vu des résultats observés lors des deux séries de landfarming, le traitement biologique dans des conditions limitées (absence d’UV et de ventilation) ne sera pas suffisant pour un traitement complet des résidus. Néanmoins, sa facilité de mise en œuvre et son faible coût sont des atouts indéniables pour utiliser cette technique comme prétraitement des sédiments fortement contaminés par les hydrocarbures.

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6. Bibliographie Badin A-L. (2009). Répartition et influence de la matière organique et des microorganismes sur l’agrégation et le relargage de polluants dans les sédiments issus de l’infiltration des eaux pluviales. Thèse INSA Lyon, 231 p. Baize D. (2000).Teneurs totales en métaux lourds dans les sols français. Le courrier de l’environnement, 39, 39-54. Clozel B., Ruban V, Durand C and Conil P. (2006) - Origin and mobility of heavy metals in contaminated sediments from retention and infiltration ponds. Applied Geochemistry, Vol 21, Issue 10, pp 1781-1798. Gabet S. (2004). Remobilisation d'Hydrocarbures Aromatiques Polycycliques (HAP) présents dans les sols contaminés à l'aide d'un tensioactif d'origine biologique. Thèse de doctorat de l’Université de Limoges, 230 pages. Juhasz A. L. et NAIDU R. (2000). Bioremediation of high molecular weight polycyclic aromatic hydrocarbons : a review of the microbial degradation of benzo[a]pyrene. International Biodeterioration and Biodegradation, vol. 45, 57-88. NF P 94-056 : sols : reconnaissance et essais. Analyse granulométrique. Méthode par tamisage à sec après lavage. Mars 1996. NF P 94-054. Sols : reconnaissance et essais - Détermination de la masse volumique des particules solides des sols - Méthode du pycnomètre à eau. Octobre 1991. NF P 94-068. Sols : reconnaissance et essais - Mesure de la capacité d'adsorption de bleu de méthylène d'un sol ou d'un matériau rocheux - Détermination de la valeur de bleu de méthylène d'un sol ou d'un matériau rocheux par l'essai à la tache. Octobre 1998. NF P 94-093. Sols : reconnaissance et essais - Détermination des références de compactage d'un matériau - Essai Proctor normal. Essai Proctor modifié. Octobre 1999. Pétavy F. (2007). Traitement et valorisation des sédiments de l’assainissement pluvial. Thèse univ. Nantes, 282 p. Pétavy, F., Ruban, V., Viau, J.Y. , Conil, P. et Auriol, J.C. (2007a). Treatment of runoff water sediments with a view to their re-use. International Journal of Chemical Reactor Engineering, Vol. 5, art. A102. Pétavy, F. Ruban, V. Viau, J.Y. et Conil, P. (2007b). Une unité pilote de traitement des sédiments issus de l’assainissement pluvial. L’ Eau, L’ Industrie, Les Nuisances, n° 300, p 79-82. Pétavy F. , Ruban V., Conil P., Viau J-Y. (2008). Reduction of sediment micro-pollution by means of a pilot plant. Water Science and Technology, 57, 1611-1617. Pétavy, F., Ruban, V. et Conil, P. (2009a). Efficiency of attrition for the decontamination of storm-water sediments. Applied Geochemistry, 24, 153-161. Pétavy, F. et Ruban, V. (2009b). Treatment of storm-water sediments : Efficiency of an attrition scrubber. Laboratory and pilot scale studies. Chemical Engineering Journal, 145, 475-482. Pétavy F., Ruban V., Conil P., Viau J-Y, Auriol J-C. (2009c). Two treatment methods for stormwater sediments: pilot plant & landfarming – Reuse of the treated sediments in civil engineering. Environmental Technology, à paraître. Ruban V., Baladès D., Bechet B., Clozel B., Conil P., Delolme C., Durand C., Heyvang I., Viau J.-Y. (2005). Caractérisation et gestion des sédiments de l’assainissement pluvial. Génie urbain EG 19, études et recherches des laboratoires des ponts et chaussées, 151 p.

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CONCLUSION GÉNÉRALE

Ce document de synthèse qui fait suite à des travaux de recherche pluridisciplinaires menés pendant 3 ans a permis d’avoir une vue d’ensemble de la problématique liée aux sédiments de l’assainissement pluvial. Le devenir des sédiments issus de l’assainissement pluvial est une préoccupation forte des gestionnaires de bassins et voiries. En effet, ces résidus représentent des quantités importantes et sont fréquemment pollués en éléments traces, matière organique et hydrocarbures. Leur gestion constitue donc un réel enjeu économique et environnemental d’autant plus que la conservation des ressources naturelles et la valorisation des sous-produits est inscrite dans le Grenelle de l’environnement. Les principales conclusions sont rappelées ci-dessous. Les études de caractérisation menées sur un grand nombre de sédiments de l’assainissement pluvial confirment les travaux précédents à savoir ; ces sédiments sont fréquemment pollués, tant par des polluants organiques hydrocarbures, HAP) que par des métaux. Une typologie des sédiments de fossés et bassins à été réalisée. Concernant les sédiments de fossés, il apparaît que les teneurs en hydrocarbures, Pb, Zn et Cu augmentent avec le trafic mais l’influence est peu marquée pour les trafics < 40 000 véhicules/jour. On ne décèle pas d’influence pour Cd, Cr et Ni. L’influence n’apparaît pas non plus pour les sédiments de bassins. D’autres paramètres interviennent tels que l’impluvium routier capté, la nature du bassin, son fonctionnement etc. La caractérisation de la matière organique montre que la matière organique anthropisée est située dans la phase lipidique dite mobile alors que les substances humiques sont d’origine naturelle. Pour des études ultérieures il faudra donc après une caractérisation fine de la matière organique (lipides et substances humiques) effectuer un suivi de la fraction lipidique. Pour le suivi futur de ce type d’échantillons la technique de pyrolyse multi-shot permettra une étude rapide des molécules organiques présentes. Les échantillons présentant des signes d’anthropisation devront être par la suite analysés par extraction et caractérisation de la fraction mobile lipidique. Enfin, des essais ont été réalisés concernant l’analyse des platinoïdes (Pt, Pd, Rh) dans ces sédiments. L’utilisation d’une technique analytique courante au coût d’investissement modérée la GF-AAS donne de bons résultats vis à vis des EGP dans l’environnement routier et principalement dans les matrices solides via l’utilisation de micro-colonnes permettant de concentrer les EGP des échantillons et d’en supprimer les interférents matriciels. Les limites de cette techniques de séparation reposent sur la compétition entres les EGP et certains éléments métalliques vis à vis des sites d’adsorption « spécifiques » de la micro-colonne. Les résultats fournis par l’ICP-MS doivent en ce qui concerne le rhodium et principalement le palladium être pris avec la plus extrême réserve en raison des interférences analytiques difficilement résolues avec les techniques classiques d’ICP-MS (même à haute résolution). Des expérimentations batch/colonne ont été menées sur 3 matériaux (sédiments de bassin et balayures), ainsi que des observations MEB et un travail de modélisation de l’équilibre chimique dans les éluats a été réalisé. A côté de l’objectif initial de quantifier la mobilisation des métaux trace contenus dans les matériaux, un objectif secondaire était de rechercher les phases porteuses des polluants pour conforter les hypothèses de transfert. Les expérimentations en laboratoire ont permis de constater qu’à quelques exceptions prèsles concentrations en métaux mobilisés étaient du même ordre de grandeur pour les différents matériaux. Ceci conduit à penser que les formes des polluants sont relativement identiques dans les eaux de ruissellement, indépendamment du site. Les niveaux d’extraction restent faibles dans les conditions de l’expérimentation mais on a pu souligner que tous les métaux

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sont soit sensibles à une modification des conditions physico-chimiques de type salinité de l’eau de ruissellement, soit à des périodes d’arrêt et de reprise de débit. Le transfert colloïdal compte de façon très variable dans le transfert global des éléments polluants. On retrouve les tendances observées pour les eaux de ruissellement. L’analyse des observations conduit à interpréter les transferts des métaux plus en terme de transfert colloïdal qu’en terme d’échange ionique par rapport à des alumino-silicates. Il est difficile de recouper les informations apportées par les observations MEB et la modélisation du système chimique avec les concentrations en sortie de colonne, même avec une coupure à 0,45 µm. On retrouve cependant au MEB l’association Mn-Cd qui est proposé comme mécanisme responsable du transfert du Cd. La présence d’alumino-silicates dans les éluats conforte la relation forte entre teneur en Si et Al, la modélisation permet d’assoir l’hypothèse des oxydes métalliques et de la silice colloïdale. Les méthodes d’observation et d’analyse spectrale mériteraient plus d’investigation car il est important de pouvoir réfléchir sur des éléments figurés pour expliquer la migration des polluants. L’analyse des teneurs en ETM de la trentaine de RAR (matériaux bruts et fractions granulométriques pour certains) étudiés par comparaison avec des seuils de type TEC ou PEC ou par calcul d’un quotient de risque comme QPECm montre que ces matériaux sont potentiellement dangereux, hors les autres contaminants (HAPs, PCBS, pesticides, etc.) non analysés dans ce travail. Il semble que l’analyse sommaire faite à partir des teneurs en métaux comparées aux seuils de toxicité aquatique et les résultats des essais en microcosmes menés concordent assez bien. En effet, la première analyse suggère que, pour la plupart des lixiviats de résidus d’assainissement routier, le risque de toxicité aquatique due aux métaux est écarté après dilution par 100 (concentration en lixiviat de 1%), alors que les essais en microcosmes indiquent une absence d’effets significatifs pour des concentrations ≤ 10%. Compte tenu du facteur de sécurité de 10 généralement appliqué aux résultats d’essais en microcosmes, la PNEC qui en résulte serait voisine de 1%. Il faut également se rappeler que les lixiviats produits au laboratoire sont généralement plus chargés que dans la réalité du fait des conditions de contact entre l’eau et les matériaux solides, et que les apports de polluants diminuent au fur et à mesure que les matériaux sont lessivés (lorsque L : S augmente). Par ailleurs, il ressort de cette étude que si les résidus d’assainissement pluvial présentent une structure compacte et des teneurs en métaux lourds pouvant venir perturber la croissance du ray grass, cette espèce n’a pas présenté de signe sévère de toxicité, comme l’apparition de nécrose ou de cholorose durant la culture. Ce dernier point peut notamment s’expliquer par la faible accumulation par le ray grass que ce soit pour le zinc ou le cadmium. Il serait intéressant d’élargir l’étude de la bioaccumulation par le suivi d’autres métaux comme, par exemple, le chrome pour le sédiment de Nancy, dont la forte teneur ne semble pas avoir eu d’importantes conséquences sur la croissance de la plante. Un suivi de cet élément permettrait d’avoir une idée de son évolution durant la culture. Concernant le traitement des sédiments, il apparaît que l’attrition présente un intérêt certain pour toutes les pollutions « classiques » multi-élémentaires, concentrées essentiellement sur les fines quand ces dernières sont regroupées en agrégats limitant leur séparation lors des « lavages » classiques par hydrocyclonage. L’intérêt de l’attrition sera plus limité quand la pollution est liée à des particules anthropiques spécifiques. Elle pourra présenter un intérêt si ces particules sont plus friables que les principaux composants du sol, l’attrition favorisant un broyage différentiel de ces particules, les rendant aptes à être séparées ensuite par tamisage (ou plutôt lavage par l’hydrocyclonage).

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Plus les formes anthropiques sont variées plus le risque est élevé que toutes ces phases ne se comportent pas de façon égale lors de l’attrition. Ainsi, par exemple, toutes les pollutions sous forme de particules métalliques ne seront pas modifiées par l’attrition (exemple, fragment de fil, billes magnétiques…), la fraction attritée pouvant potentiellement être plus concentrée qu’avant attrition en raison du « maintien » dans la fraction grossière non éliminée lors du tamisage et départ de fines moins polluées. Le pourcentage de sédiments potentiellement valorisables (fractions 60 µm – 2 mm et 2 mm – 30 mm) après traitement par l’unité pilote ATTRISED varie de 34 % pour les résidus les moins adaptés (granulométrie trop fine) à plus de 80 % pour les produits plus grossiers. L’ensemble des pourcentages définis lors de ces travaux est à majorer si l’on résonne en réduction de volume (en prenant en compte la siccité des sédiments) et non plus en matière sèche. ATTRISED apparaît donc comme une solution innovante pour le traitement des sédiments de l’assainissement pluvial et pourrait également être adapté à d’autres sédiments issus du curage de réseaux ou du dragage de canaux, fleuves et rivières. En revanche, l’action du traitement biologique (landfarming) est limitée et ne permet pas une élimination des hydrocarbures aromatiques polycycliques. De plus, le pourcentage de matière organique n’évolue pas lors du traitement et les teneurs élevées dans les résidus ne permettront pas dans de nombreux cas, de valoriser directement les résidus traités.

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Dépôt légal 4e trimestre 2009