5
Les tics chez l’enfant J.-L. Lang 1. Historique Jusque vers la fin du XIX e siècle, on décrivait sous le nom de tics toutes les convulsions parcellaires plus ou moins localisées. Ce n’est qu’avec les études cliniques de Trousseau (symptômes neurologiques, chorées partielles), puis les travaux de Charcot sur l’état mental des tiqueurs (symptômes témoins d’une maladie mentale), enfin la des- cription de la « maladie des tics », par Gilles de la Tourette (entité nosographique basée sur la doctrine de Magnan), que les problèmes posés par les tics commencèrent à être abordés. C’est surtout par les travaux de Brissaud et de ses élèves Meige et Feindel, ceux aussi de Grasset, Pitres, Cruchet, qu’ils acquirent leur autonomie descriptive et que fut abordée l’étude de leur signification. À cette étude psycho- pathologique s’attachent les recherches actuelles (structure d’un trouble psychomoteur ; parenté avec le syndrome obsessionnel ; analogie avec certains symptômes hystéri- ques), et c’est là, souvent, qu’elles se divisent encore (cf. à ce propos : Rouart : Tics et personnalité de l’enfant. Evol. Psych. 1947, 1, p. 267 et Lebovici : les Tics chez l’enfant Paîdeia. P.U.F. 1951). 2. Description générale Brissaud a donné la première définition classique du tic, mouvement involontaire dont le caractère essentiel est d’être un geste, c’est-à-dire un mouvement figuré — mais aussi un geste anormal, inachevé, dont la conscience inten- tionnelle semble avoir disparu. À partir de cette notion se précisa dès lors la définition des tics : mouvements involontaires, brusques et soudains, rapides et répétés, atteignant un ou plusieurs groupes musculaires fonctionnels ou en relation fonctionnelle, qui semblent avoir perdu toute utilité, mais qui paraissent cependant représenter une adaptation fonctionnelle an- cienne dont la motivation serait évanouie. Ainsi ils se caractérisent au point de vue descriptif : par leur brusquerie et leur répétition : ce sont des mouvements forcés qui se répètent à intervalle varia- ble ; par leur systématisation fonctionnelle, et non pas ana- tomique ; par leur anomalie en tant que gestes : ce sont des caricatures de gestes normaux (Charcot) ; par certains caractères, partie intégrante de cette ano- malie : leur intempestivité, leur inopportunité, leur stérilité : ce sont des gestes parasites ; par leur variabilité enfin : déplacement dans le temps (plus ou moins rapproché, irrégulièrement), dans l’es- pace (variations des territoires atteints) ; tendance extensive ; variabilité aussi suivant les circonstances (diminués par le repos, l’examen, augmentés par les émotions, la fatigue, disparaissant évidemment durant le sommeil). Il faut insister de plus : sur le caractère impérieux du tic, amenant souvent après lui un certain soulagement ; sur son caractère de chose incongrue, plus ou moins honteuse, plus ou moins interdite ; sur l’importance du fait d’être vu, sur le caractère furtif (Rouart). 3. Diagnostic différentiel Ces divers caractères permettent ainsi de différencier les tics d’un certain nombre de mouvements anormaux : non pas les tremblements, les mouvements athétosi- ques, les crampes professionnelles... qui en sont fort éloignés ; > Première parution : Revue de neuropsychiatrie infantile et d’hygiène mentale de l’enfance 1955 ; 4 (11-12) : 553-560. © L’Expansion Scientifique Française. Neuropsychiatrie de l’enfance et de l’adolescence 50 (2002) 338–342 www.elsevier.com/locate/ea © 2002 Éditions scientifiques et médicales Elsevier SAS. All rights reserved. PII: S 0 2 2 2 - 9 6 1 7 ( 0 2 ) 0 0 1 1 2 - 5

Les tics chez l'enfant

Embed Size (px)

Citation preview

Page 1: Les tics chez l'enfant

Les tics chez l’enfantJ.-L. Lang

1. Historique

Jusque vers la fin du XIXe siècle, on décrivait sous lenom de tics toutes les convulsions parcellaires plus oumoins localisées. Ce n’est qu’avec les études cliniques deTrousseau (symptômes neurologiques, chorées partielles),puis les travaux de Charcot sur l’état mental des tiqueurs(symptômes témoins d’une maladie mentale), enfin la des-cription de la « maladie des tics », par Gilles de la Tourette(entité nosographique basée sur la doctrine de Magnan), queles problèmes posés par les tics commencèrent à êtreabordés.

C’est surtout par les travaux de Brissaud et de ses élèvesMeige et Feindel, ceux aussi de Grasset, Pitres, Cruchet,qu’ils acquirent leur autonomie descriptive et que futabordée l’étude de leur signification. À cette étude psycho-pathologique s’attachent les recherches actuelles (structured’un trouble psychomoteur ; parenté avec le syndromeobsessionnel ; analogie avec certains symptômes hystéri-ques), et c’est là, souvent, qu’elles se divisent encore (cf. àce propos : Rouart : Tics et personnalité de l’enfant. Evol.Psych. 1947, 1, p. 267 et Lebovici : les Tics chez l’enfantPaîdeia. P.U.F. 1951).

2. Description générale

Brissaud a donné la première définition classique du tic,mouvement involontaire dont le caractère essentiel estd’être un geste, c’est-à-dire un mouvement figuré — maisaussi un geste anormal, inachevé, dont la conscience inten-tionnelle semble avoir disparu.

À partir de cette notion se précisa dès lors la définitiondes tics : mouvements involontaires, brusques et soudains,rapides et répétés, atteignant un ou plusieurs groupes

musculaires fonctionnels ou en relation fonctionnelle, quisemblent avoir perdu toute utilité, mais qui paraissentcependant représenter une adaptation fonctionnelle an-cienne dont la motivation serait évanouie.

Ainsi ils se caractérisent au point de vue descriptif :• par leur brusquerie et leur répétition : ce sont des

mouvements forcés qui se répètent à intervalle varia-ble ;

• par leursystématisation fonctionnelle, et non pas ana-tomique ;

• par leur anomalie en tant que gestes : ce sont descaricatures de gestes normaux (Charcot) ;

• par certains caractères, partie intégrante de cette ano-malie : leur intempestivité, leur inopportunité, leurstérilité : ce sont des gestes parasites ;

• par leurvariabilité enfin : déplacement dans le temps(plus ou moins rapproché, irrégulièrement), dans l’es-pace (variations des territoires atteints) ; tendanceextensive ; variabilité aussi suivant les circonstances(diminués par le repos, l’examen, augmentés par lesémotions, la fatigue, disparaissant évidemment durantle sommeil).

Il faut insister de plus :• sur le caractère impérieux du tic, amenant souvent

après lui un certain soulagement ;• sur soncaractère de chose incongrue, plus ou moins

honteuse, plus ou moins interdite ;• sur l’importance du fait d’être vu, sur le caractère furtif

(Rouart).

3. Diagnostic différentiel

Ces divers caractères permettent ainsi de différencier lestics d’un certain nombre de mouvements anormaux :

• non pas les tremblements, les mouvements athétosi-ques, les crampes professionnelles... qui en sont fortéloignés ;

> Première parution : Revue de neuropsychiatrie infantile et d’hygiènementale de l’enfance 1955 ; 4 (11-12) : 553-560. © L’ExpansionScientifique Française.

Neuropsychiatrie de l’enfance et de l’adolescence 50 (2002) 338–342

www.elsevier.com/locate/ea

© 2002 Éditions scientifiques et médicales Elsevier SAS. All rights reserved.PII: S 0 2 2 2 - 9 6 1 7 ( 0 2 ) 0 0 1 1 2 - 5

Page 2: Les tics chez l'enfant

• mais certaines chorées subaiguës frustres et prolon-gées. Cependant, les mouvements choréiques ne sontpas figuratifs, ils sont plus irréguliers, plus fréquents,ils varient d’un instant à l’autre, sont moins saccadés,moins continus, et souvent àprédominance unilatérale ;

• certains spasmes de même pourront se discuter, notam-ment des spasmes faciaux et surtout dans les cas où unfacteur obsessionnel secondaire vient compliquer ousuivre le spasme. En fait ce dernier est un mouvementplus explosif, plus simple, sans systématisation fonc-tionnelle, à topographie par contre anatomique, et quipersiste durant le sommeil ;

• les stéréotypies, gestes normaux, non caricaturaux etnon convulsifs, peuvent prêter àdiscussion avec les ticsdes idiots ou déments, dont elles semblent pathogéni-quement assez proches ;

• quant aux épilepsies partielles, seul le tic de Salaam etcertaines épilepsies myocloniques palpébrales semblentpouvoir prêter à confusion.

Sur un autre plan par contre, peut se discuter la délimi-tation du symptôme « tic » : jusqu’à quel point peut-on ainsidénommer certains gestes complexes ou associés qui serapprochent des manifestations conjuratoires des obsédés(« tics de génuflexion »), des « habitudes nerveuses » (ner-vous habits des anglo-saxons, tels onychophagie, cheilopha-gie, voire masturbation), des « habitudes psychomotrices »,ou encore de certains spasmes hystériques (notammentrespiratoires). Il s’agit plus alors du diagnostic de lastructure mentale qui sous-tend le symptôme, et encoren’aura-t-on le droit de parler de tics que pour autant qu’ ils’agira de mouvements brusques, stériles et répétés.

4. L’examen médico-psychologique

Il commencera par l’ interrogatoire des parents :• Celui-ci mettra souvent en évidence une hérédité simi-

laire chez les parents (tics actuels ou disparus), oudissemblable (parents névropathes ou ayant autrefoisprésenté des troubles psychomoteurs). En fait, il estbien difficile de faire la part de ce qui revient àl’hérédité, àdes facteurs ou fautes éducatives venant deparents eux-mêmes perturbés, voire enfin à l’ identifi-cation ou plus simplement l’ imitation par l’enfant d’unde ses parents tiqueur.

• Dans les antécédents de l’enfant, l’ interrogatoire re-trouve avec une fréquence non négligeable des troublesdu premier développement. Tantôt il s’agit d’une ano-rexie précoce ou de difficultés alimentaires du premierâge ou du sevrage ; tantôt de difficultés dans l’appren-tissage sphinctérien (énurésie, petits drames), ou aucontraire une certaine précocité en relation avec le

perfectionnisme maternel et souvent aussi des contrain-tes motrices assez sévères. Dans d’autres cas, il s’agirad’un petit retard psychomoteur (allant ou non de pairavec un état d’anxiété de la mère au moment despremiers pas), souvent enfin de terreurs nocturnes, decolères impulsives, de masturbation sévèrement répri-mée. Tous ces éléments, qui participent de facteurs trèsdivers, demanderont à être explicités en fonction del’hérédité, du terrain, du développement génétique, etaussi des règles d’éducation appliquées dans la famillede l’enfant tiqueur.

• Enfin l’on fera préciser la genèse du symptôme et lesréactions familiales depuis l’apparition du tic. Souventd’ailleurs une cause locale irritative sera invoquée(poussière dans l’œil, chapeau étroit, mèche de che-veux, eczéma des lèvres...). Bien que sans valeurexplicative par elle-même, elle nécessite une investiga-tion sérieuse pour la compréhension de la genèse du ticet de sa signification d’acte compulsionnel voire conju-ratoire.

L’étude directe des tics devra se poursuivre au cours del’ interrogatoire et des divers examens : ceux-ci demandent àêtre variés, il faudra distraire l’enfant, également l’observerde loin. Cette étude précisera les caractères distinctifs du tic.Elle en précisera également la localisation.

• Le plus souvent, la face, yeux, lèvres, ailes du nez,menton, oreilles... sont intéressés. Soit isolément (cli-gnement, clignotement, nictitation, écarquillements,mouvements des globes oculaires, moue, succion, pin-cement, grimaces, léchage, chiquage, tirement de lalangue, mouvements des mâchoires, reniflement, fron-cement du nez, plissement du front...), soit en mouve-ments associés (mimiques diverses, rire, frayeur), asso-ciés souvent aussi avec des mouvements du cou ou desépaules.

• Fréquents aussi sont ces derniers : hochements d’ap-probation, salutation, négation, inclinaison du cou, ticsisolés des épaules (haussements), des mains (croise-ment), des doigts (grattage), alors que les tics desmembres inférieurs sont plus rarement isolés (coup depied à l’autre jambe, ébauche de génuflexion, de sautou de danse...).

• Les muscles du tronc et de l’abdomen jouent surtout ensynergie fonctionnelle avec les précédents ou les sui-vants.

• Les tics respiratoires méritent une place àpart en raisonde leur fâcheuse expression pronostique bien souvent(reniflement, ronflement, éternuement, sifflement, souf-flement, toux...). Souvent ils précèdent (de même que lacoprolalie), les tics phonatoires de signification pronos-tique plus grave encore (exclamation, gloussement, crisd’animaux, aboiement...), parfois accompagnés de ticsdigestifs (sputation, déglutition) ou de spasmes élocu-

J.L. Lang / Neuropsychiatrie de l’enfance et de l’adolescence 50 (2002) 338–342 339

Page 3: Les tics chez l'enfant

toires ou tics d’élocution, ces deux dernières variétéspouvant d’ailleurs exister aussi isolément.

Il y a lieu également de noter, non seulement l’éventuellevariabilité dans le temps de ces tics, mais aussi la multipli-cité possible des territoires intéressés, la complexité desassociations, qui, à partir du tic simple, va souvent poser leproblème de sa parenté avec les habitudes psychomotrices,certains actes compulsionnels, certaines stéréotypies.

Durant l’observation de ces tics se poursuivra l’ interro-gatoire de l’enfant tiqueur. Celui-ci est le plus souvent ungarçon d’âge scolaire ou prépubère. Les tics sont en effetplus rares chez les filles et surviennent moins souvent avant6 ou 7 ans.

Cet interrogatoire a pour but de préciser la mentalité del’enfant tiqueur et la structure psychopathique sous-jacenteéventuelle. On lui fera décrire ses tics, leur genèse, sesréactions à leur propos, les réactions également de l’entou-rage. On explorera son affectivité en général. On tentera demettre en évidence en particulier tel ou tel élément de lasérie obsessionnelle ou hystérique, des signes d’hyperémo-tivité ou d’ instabilité psychomotrice.

En dehors de ces éléments qui sont les plus fréquemmentrencontrés et indépendamment d’eux, on retrouvera trèsfréquemment :

• des signes mineurs d’anxiété ou d’ inhibition ;• un comportement facilement agressif et impulsif ;• une ambivalence du type obéissance-révolte ;• enfin souvent aussi un certain état d’arriération ou

infantilisme affectif ;tous signes témoins d’un défaut de maturation psycho-

motrice et affective, et par où s’expriment les conflits nonrésolus de l’enfant.

L’examen neurologique recherchera notamment :• des symptômes de débilité motrice : paratonie, synci-

nésies, hyperréflectivité tendineuse, incoordination,troubles du rythme...

• des signes neurologiques de la série extra-pyramidale,séquelles éventuelles d’une encéphalite ancienne ouméconnue,

• des troubles de la structure temporo-spatiale : gauche-rie complète ou dissociée, troubles optico-spatiaux...

• des troubles de l’équilibre végétatif : vasomoteurs ousudoraux.

L’examen psychologique montrera souvent aux épreuvesde niveau mental des performances assez médiocres, desrésultats dispersés, des signes extérieurs au cours del’épreuve d’hyperémotivité, inhibition ou instabilité.

L’on pratiquera des épreuves de latéralité, des testsmoteurs de niveau et de performance, qui indiquent fré-quemment des troubles de maturation motrice.

Des tests projectifs, des dessins, complèteront enfinl’exploration de l’état affectif et de la structure mentalesous-jacente.

5. Évolution et étiologie

Au terme de ces examens, il va s’agir de préciserl’évolution et le pronostic, et de dégager les facteursétio-pathogéniques. En fait, ces deux temps sont insépara-bles.

L’évolution est très difficile àprévoir. Presque toujours ledébut a été insidieux, et même en cas de tic importantsecondaire à un traumatisme psychologique récent, il esthabituel de retrouver dans les antécédents des tics pluslégers, passagers, ayant spontanément disparu.

Un élément évolutif également important, c’est unenaturelle tendance à l’extension. Cependant non moinsfréquente est l’éventualité de rémissions spontanées, parfoiscourtes certes, mais souvent aussi définitives. Or, si lesymptôme a disparu, il n’en est pas moins légitime de sedemander ce qu’ il est advenu de la structure qui le sous-tendait.

En fait, ce qui domine dans le pronostic, donc pourl’évolution, c’est bien d’une part la structure psychomotriceou mentale dont le tic n’est que l’expression, d’autre part saplace et son importance au sein de cette structure. L’on estainsi amené à distinguer schématiquement trois grandescatégories de syndromes :

• les cas où le tic est l’une des expressions de désordresneuro-organiques et ne pose pas en lui-même deproblème pronostic ou évolutif particulier. Ainsi les ticsdes déments et des idiots, les tics post-encéphalitiqueségalement. C’est dans ces syndromes à substratumorganique, notamment extrapyramidal, que l’on peuttoutefois avoir à discuter la « maladie des tics » deGilles de la Tourette, progressivement extensive vers lesyndrome de « chiorée variable » (Brissaud), avec ousans évolution démentielle ;

• un second groupe où le tic n’est que la manifestationpassagère d’un trouble fonctionnel, d’un déséquilibrelui-même temporaire : dans ce cas sa disparition coïn-cide avec la guérison. Suivant les cas il pourra s’agirsoit de tics variables plus ou moins fugaces chez unpetit instable psychomoteur, soit d’un tic récent apparuaprès un quelconque conflit chez un hyperémotif ou unanxieux, soit encore d’un tic à expression obsession-nelle ou hystéroïde, mais sans évolution névrotique,témoin, chez un enfant par ailleurs adapté et vivant enmilieu familial sain, d’un conflit passager vite résolutif.Souvent aussi il s’agira d’un de ces tics passagersfréquemment observé entre 5 et 7 ans, accompagnantdivers petits troubles du comportement, et qui, ou bienva disparaître avec eux, ou bien va faire place àdes « habitudes psychomotrices » ou des actescompulsionnels qui poseront le problème sur un autreplan ;

340 J.L. Lang / Neuropsychiatrie de l’enfance et de l’adolescence 50 (2002) 338–342

Page 4: Les tics chez l'enfant

• dans un dernier groupe enfin le tic n’est qu’un élément,passager ou durable, mais le plus souvent durable, d’unsyndrome plus global dont il partage le pronostic. Ilpeut s’agir de l’expression d’une instabilité psychomo-trice manifeste, très souvent aussi d’un état obsession-nel en voie de constitution, plus rarement d’une hysté-rie infantile. Dans tous ces cas, la disparition spontanéeou en cours de traitement de ces tics, n’a pas lasignification de la guérison de l’état dont ils relèvent —et il importe de mettre l’entourage en garde contre unetelle interprétation et de poursuivre activement le trai-tement qui convient.

6. Traitement

Le traitement des tiqueurs s’ impose :• car le tic est un symptôme gênant par lui-même ;• car il participe en règle générale à une immaturation

psychomotrice ;• car il peut être enfin l’ indice d’un état névrotique plus

ou moins grave en voie de constitution.Le traitement général comporte : repos, calme, hygiène

physique et mentale, tant pour l’enfant que pour sonentourage familial. Souvent l’ isolement s’ imposera, soit enraison de l’état mental du tiqueur, soit pour tenter undéconditionnement, soit parce que ce sera le seul moyend’obtenir ce repos et ce calme nécessaire.

Par ailleurs, quelques sédatifs, non pas des barbituriquesmais des préparations à base de bromure de calcium, dulargactyl ou du rauwolfia à faibles doses, seront de précieuxadjuvants.

Ce traitement général peut souvent suffire. Mais larécidive est fréquente, ou l’apparition d’un état d’ instabilitépsychomotrice manifeste, ou des éléments plus structurésd’un état névrotique. On a donc conseillé dans certains cas,au cours de la cure d’ isolement, un traitement plus actif :cure de sommeil ou plus souvent traitements narcoplexiquesà doses moyennes, enfin électrochocs en sommation (3 parjour pendant 3 jours).

Le traitement moteur est indispensable dans presque tousles cas : il doit agir sur le tic et sur le fond psychomoteur engénéral :

• exercices d’ immobilité de durée croissante, 2 fois parjour (Brissaud) ;

• technique de Meije devant le miroir : observation,reproduction et inhibition du tic par l’enfant et par celuiqui le dirige — puis exercices plus complexes devant,puis sans miroir ;

• exercices de désinhibition basés sur la théorie desréflexes conditionnés, actuellement à l’étude ;

• traitement de l’ instabilité : rythmique simple une oudeux fois par semaine, puis exercices d’attention, sportsde groupe ;

• traitement de la débilité motrice ou de l’ incoordina-tion : rééducation psychomotrice, relaxation, rythmiquecomplexe et gymnastique dissociative ;

• parfois en plus, rééducation des troubles de latéralité.Dans tous ces cas, il faut insister sur l’ importance de

l’appoint psychothérapique au cours des séances de réédu-cation.

Les thérapeutiques psychologiques.• La psychanalyse n’aura d’ indication que si l’on note

soit un syndrome d’hystérie infantile manifeste, soitplus souvent des défenses structurées suivant le modeobsessionnel, avec rationalisation de l’angoisse ouannulation. Ce traitement devra comporter un rythmesuffisant (3 séances au début le plus souvent), devraêtre prolongé, et exigera la coopération compréhensivedes parents. On y insistera sur l’analyse de l’agressivitéet sur celle des conflits préœdipiens.

• La narco-analyse thérapeutique n’a elle aussi que peud’ indication : après 10 ans, et surtout dans les structuresplastiques de type hystérique, ou encore en cas de ticsd’apparition récente à la suite d’un conflit réactionnel àune situation traumatisante.

• Les thérapeutiques par suggestion (hypnose, rêveéveillé, persuasion) ne sont guère indiquées que dansdes cas légers, chez des enfants suggestibles et peuintelligents.

• Le plus souvent l’on aura recours soit à des psychothé-rapies simples, dites de contact ou de soutien ; soit àdespsychothérapies d’ inspiration analytique, avec analysedes conflits actuels et des défenses qui les sous-tendent,mais sans analyse véritable des réactions de transfert nides conflits profonds ; soit à des psychothérapies degroupe, chez les adolescents ; soit à des « psychothé-rapies de parents » : conversations simples répétées,groupe de parents... etc...

Dans tous ces cas, il est le plus souvent utile d’adjoindreau traitement une rééducation des troubles psychomoteurs.

Les résultats sont généralement favorables dans les casd’ instabilité psychomotrice (rééducation, plus action sur lesparents). Ils le sont souvent aussi dans les syndromeshystéroïdes. Ils sont beaucoup plus aléatoires en cas desyndrome obsessionnel, notamment si une véritable psycha-nalyse infantile n’a pu être instituée.

7. Psychopathologie

En définitive, la structure du tic est celle d’un troublepsychomoteur où s’exprime toute la personnalitéde l’enfanttiqueur, en fonction de son donné héréditaire et de son

J.L. Lang / Neuropsychiatrie de l’enfance et de l’adolescence 50 (2002) 338–342 341

Page 5: Les tics chez l'enfant

terrain, mais aussi de son évolution génétique : développe-ment psychomoteur, maturation affective, entourage.

En dehors des syndromes neurologiques les plus authenti-ques (tels les tics post-encéphalitiques) et des tics des idiots etdes déments, ils sont le plus souvent rattachables à l’ instabi-litépsychomotrice, le syndrome obsessionnel ou l’hystérie.

En fait, ceci n’épuise pas le problème psychopatho-logique — et si le tic a bien la valeur d’acte compulsionnelsignificatif, il reste à discuter, comme dans tous les symp-tômes de cet ordre, si les conflits expliquent sa genèse, ou siplus simplement ils s’y insèrent, et, à travers lui, parvien-nent à se manifester.

342 J.L. Lang / Neuropsychiatrie de l’enfance et de l’adolescence 50 (2002) 338–342