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des relations interpersonnelles pendant les trois I annees G. BOULANGER-BALLEYGUIER, FRANCE Comment est parcouru le chemin separant le nouveau-ne, qui reagit principalement a ses sensations internes et de facon reflexe a quelques stimuli externes, et l'enfant de 3 ans ayant etabli des relations nuancees avec les differentes personnes de son entourage? Com- ment se differencient ses attitudes relation- nelles envers chaque personne, premieres attitudes qui resteront toujours plus ou moins sous-jacentes aux relations futures qu'il nouera avec son entourage? Jusqu'a present, on a surtout etudie la relation avec la mere. A partir d'observations sur des enfants, Spitz, Bowlby, Ainsworth, Schaffer ont decrit la formation de ce premier lien: orientation vers la personne humaine grace aux multiples satisfactions et stimula- tions donnees par la mere, cet interet n'etant pas encore lie a une personne bien definie pendant les premiers mois, de sorte qu'on peut parler d'une periode d'attachement in- differencie; ensuite, polarisation de cette relation sur une personne privilegiee-> generalement la mere-i-dont l'enfant recherche la presence et les soins, ce qui s'accompagne d'une differenciation de l'etranger qui suscite maintenant de l'anxiete (cette periode d'attachement intense a la mere, que l'on situe generalement entre 8 mois et 2 ans i, se manifeste par un besoin de contact, puis de proximite envers cette personne gratifiante et securisante); enfin, debut d'une progressive autonomie, l'enfant devenant capable de s'eloigner de sa mere et de mieux supporter son absence. 137 Ces etudes ont egalernent montre que la formation de ce premier "lien objectal" s'accompagne tres souvent de liens secon- daires avec d'autres personnes familieres: pere, grand-mere, grand frere ou soeur, etc. En effet, l'entourage de l'enfant n'est pas exclusivement compose de la mere, comme de nombreuses etudes le laisseraient penser, ce qui est une simplification de la realite. Ces relations avec les differentes personnes de l'entourage se developpent-elles de facon identique, ou se differencient-elles suivant la personne a laquelle elles s'adressent? Ces differences sont-elles uniquement quantita- tives (intensite du lien) ou aussi qualitatives (modes differents de relations)? Modes relationnels Pour le savoir, il ne suffit pas d'opposer les sentiments d'amour et de haine que l'enfant peut eprouver envers son entourage. Pendant les trois premieres annees, on peut detecter differentes formes de relation qui apparaissent progressivement a mesure que la maturation et le developpement psycho-moteur les ren- dent possibles. Les etudes sur la premiere enfance decrivent de nombreux comporte- ments que nous avons reunis suivant les tendances qu'ils manifescent; par exemple, l'attachement peut etre exprime par des signes positifs ou negatifs; nous avons ainsi etabli plusieurs modes relationnels permettant de decrire de facon nuancee les relations qui s'etablissent entre l'enfant et chaque personne de son entourage. Nous differencierons ainsi:

L’établissement des relations interpersonnelles pendant les trois premières années

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L'~tablissement des relations interpersonnelles

pendant les troisI

annees

G. BOULANGER-BALLEYGUIER, FRANCE

Comment est parcouru le chemin separant lenouveau-ne, qui reagit principalement a sessensations internes et de facon reflexe aquelques stimuli externes, et l'enfant de 3 ansayant etabli des relations nuancees avec lesdifferentes personnes de son entourage? Com­ment se differencient ses attitudes relation­nelles envers chaque personne, premieresattitudes qui resteront toujours plus ou moinssous-jacentes aux relations futures qu'ilnouera avec son entourage?

Jusqu'a present, on a surtout etudie larelation avec la mere. A partir d'observationssur des enfants, Spitz, Bowlby, Ainsworth,Schaffer ont decrit la formation de ce premierlien: orientation vers la personne humainegrace aux multiples satisfactions et stimula­tions donnees par la mere, cet interet n'etantpas encore lie a une personne bien definiependant les premiers mois, de sorte qu'onpeut parler d'une periode d'attachement in­differencie; ensuite, polarisation de cetterelation sur une personne privilegiee->generalement la mere-i-dont l'enfant recherchela presence et les soins, ce qui s'accompagned'une differenciation de l'etranger qui suscitemaintenant de l'anxiete (cette perioded'attachement intense a la mere, que l'onsitue generalement entre 8 mois et 2 ans i,se manifeste par un besoin de contact, puisde proximite envers cette personne gratifianteet securisante); enfin, debut d'une progressiveautonomie, l'enfant devenant capable des'eloigner de sa mere et de mieux supporterson absence.

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Ces etudes ont egalernent montre que laformation de ce premier "lien objectal"s'accompagne tres souvent de liens secon­daires avec d'autres personnes familieres:pere, grand-mere, grand frere ou soeur, etc.En effet, l'entourage de l'enfant n'est pasexclusivement compose de la mere, commede nombreuses etudes le laisseraient penser,ce qui est une simplification de la realite. Cesrelations avec les differentes personnes del'entourage se developpent-elles de faconidentique, ou se differencient-elles suivant lapersonne a laquelle elles s'adressent? Cesdifferences sont-elles uniquement quantita­tives (intensite du lien) ou aussi qualitatives(modes differents de relations)?

Modes relationnelsPour le savoir, il ne suffit pas d'opposer les

sentiments d'amour et de haine que l'enfantpeut eprouver envers son entourage. Pendantles trois premieres annees, on peut detecterdifferentes formes de relation qui apparaissentprogressivement a mesure que la maturationet le developpement psycho-moteur les ren­dent possibles. Les etudes sur la premiereenfance decrivent de nombreux comporte­ments que nous avons reunis suivant lestendances qu'ils manifescent; par exemple,l'attachement peut etre exprime par des signespositifs ou negatifs; nous avons ainsi etabliplusieurs modes relationnels permettant dedecrire de facon nuancee les relations quis'etablissent entre l'enfant et chaque personnede son entourage. Nous differencierons ainsi:

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une recherche positive de contact et deproximite avec autrui, manifestee par desgestes tels que tendre les bras pour etre pris,calmer, suivre 1a personne, etc.; nous lesregrouperons sous Ie terme d'affection;

des signes d'affect negatif lorsque echouecette quete de la personne desiree; i1 s'agitprincipalement de cris quand elle cesse des'occuper de l'enfant, lorsqu'elle s'en va, etc.,et un peu plus tatd de coleres; nous avonsetudie ces manifestations sous le termed' "irritation" pour bien marquer qu'il s'agitd'une decharge diffuse et globale de tension,meme si elle survient de plus en plus souventen reaction au comportement d'une personne(qui s'en va, lui retire un objet, etc.) et estcomprise par eUe comme une demande.

II faut en effet la differencier de Yagressionqui est un mode de relation mieux dirige versautrui, et qui apparait lorsque les personnessont bien differenciees et que l'enfant utilisemaintenant des gestes pour exprimer soninsatisfaction. Mais l'agression evolue avecl'age; on peut differencier l'agression directe,qui s'exprime par des gestes impulsifs dirigesvers la personne (battre, mordre, etc.), etl'agression indirecte, qui marque un certaincontrole et l'utilisation de moyens detournes,symboliques (faire semblant de taper, jouera. tuer, etc.).

D'autres modes de relation apparaissentegalement vers la fin de la premiere annee ;ainsi Yimitation: elle est preparee par la reac­tion circulaire au cours de laquelle l'enfantreproduit sur son initiative ou celIe d'autruides mouvements qu'il sait deja faire; a partirde l'age de 10 mois environ, il essaye dereproduire des gestes ou des sons nouveauxpour lui et observes sur autrui. Les progresde cette nouvelle conduite ont ete par­ticulierement decrits pas Guillaume, Piaget,Malrieu. D'abord reproduction d'actes sim­ples, elle se transforme en assimilationd'activites complexes et permet ainsi de jouerles roles d'autrui grace auxquels l'enfantarrive a s'identifier aux autres.

La soumission apparait egalement a partirde la deuxieme annee; les psychanalystes ontbeaucoup insiste sur son inverse, l'opposition,comme mode prevalent de relation avec la

mere pendant la deuxieme annee, a propos del'apprentissage de la proprete; mais on peutremarquer avec Spitz que l'enfant arrive desla fin de la premiere annee a. se soumettrea. d'autres interdictions (ex.: ne pas touchera. un objet defendu); c'est par rapport a toutessortes d'activites que l'enfant se soumet auxordres d'autrui ou s'y oppose. II y a deuxmanieres de realiser I'opposition: d'une partde facon active, en dechargeant sa tension pardes refus, des coleres (irritation), et meme parun comportement agressif; d'autre part encoupant la relation avec autrui.

Cette seconde maniere rejoint toutes sortesde manifestations souvent attribuees a. lapeur ou a l'anxiete: fuite devant un objet ouune situation effrayants, blocage du com­portement (Meili). On peut les rapprocherdes "prototypes" des mecanismes de defensedecrits par Spitz et Bowlby: rejet de ce quiest ressenti comme desagreable, detourne­ment, et meme retrait de l'interet pour unepersonne auparavant tres aimee (par exemple:non reconnaissance de Ia mere apres uneseparation). Nous avons regroupe ces com­portements sous le terme de "rea ztionsdefensives" et y voyons un mode particulierde relation a autrui: son evitement, tentativede desengagement d'une relation chargeed'affect negatif (frustrante, effrayante, etc.).

En s'opposant, l'enfant cherche a. affirmersa position personnelle vis-a-vis d'autrui;mais celle-ci devient surtout possible grace asa capacite croissante d'autonomie: pro­gressivement, il arrive a. se satisfaire lui-meme(manger, s'habiller, changer de jouet, etc.),et il devient ainsi moins dependant materielle­ment et affectivement des personnes de sonentourage. Cette tendance a agir et a. sedecider par soi-meme se developpe pendanttoute l'enfance et constitue d'apres Zazzo Iebut qui pousse l'enfant a progresser afind'arriver a. la maturite aduIte.

Ces differents modes de relation apparais­sent au cours des trois premieres annees; ilsse forment par les interactions quotidiennesde l'enfant avec les personnes de son en­tourage. Mais celles-ci, par leurs pratiques etattitudes, ne vont-elles pas influencer le de­veloppement de ces modes relationnels?

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Autrement dit, l'enfant va-t-il agir differem­ment suivant les personnes rencontrees,organiser ses relations en fonction desrelations que les autres etablissent enverslui?

MethodePour repondre a. ces questions, nous avons

analyse les entretiens semi-directifs obtenusavec des meres au cours d'une etude lon­gitudinale; 39 enfants (19 garcons, 20 filles)ont ete suivis depuis la naissance, a. intervallesreguliers (une fois par mois pendant les deuxpremieres annees, une fois tous les deux moispendant la troisieme); leur nombre a diminueau cours de la recherche mais atteignaitencore 29 a. l'age de trois ans.

Du contenu de ces entretiens nous avonsextrait des echelles permettant de quantifierla plupart des modes relationnels decrits plushaut. Chaque echelle regroupe un certainnombre de comportements que l'on peutrattacher au meme mode relationnel; on averifie si les reponses positives (la mere ditque 1'enfant presente ce comportement)s'etablissent bien de facon hierarchisee (uni­dimensionnalite de la variable estimee selonla methode de Guttman). La somme desreponses positives donne la note de l'enfanta. un age donne. Elle a ete recherchee se­parement pour plusieurs sortes de personnes:Ie pere (ou son substitut), la mere (ou sonsubstitut: nourrice par exemple), le grandenfant masculin, le grand enfant feminin,le petit enfant (enfant du meme age ou pluspetit que lui). Tandis qu'on a toujours unenote pour les parents, il n'en existe pourchaque categorie d'enfants que lorsque lesujet a de frequents contacts avec eux (frereou seeur, voisin, camarade de creche, etc.).La plupart des sujets sont eleves dans leurfoyer; quelques-uns sont gardes a. la journeepar une nourrice ou en creche.

On a ainsi obtenu la note de chaque enfanta. chaque mois pour les attitudes relationnellesde:

affection: signe de joie quand cette personneapproche; cherche a. etre pris par elle: quel­quefois; tous les jours; la caline en retour; lacaline de lui-meme; ne cherche pas a. descendre

de ses genoux; la suit; vient se faire consolerpar elle; la prefere;

imitation: imite ses gestes; repete ses sons;imite ses activites; l'imite dans son jeu;l'imite le plus; met ses habits; fait semblantde I'etre:

agression directe: la frappe avec un objet;la repousse; se defend quand elle lui prendun objet; la griffe ou la frappe; lui donne descoups de pied ou lui tire les cheveux; la mord;

agression indirecte: lui prend un objet oula taquine; lui dit des injures ou lui fait desgrimaces; l'attaque de facon symbolique. Larelation entre Ie nombre de comportementsd'agression indirecte sur la somme totale decomportements agressifs, envers un person­nage, a permis de calculer un indice desocialisation de l'agression.

On recherche l'existence de ces comporte­ments vis-a-vis de chaque personnage et nonleur frequence, qui depend davantage de laduree de presence de chacun avec l'enfant.(Les echelles concernant les autres attitudesrelationnelles (autonomie, soumission, re­actions defensives) ne seront pas etudiees ici,car les resultats n'etaient pas suffisammentnuances pour les analyser vis-a-vis de chaquecategoric de personnage.)

Chaque enfant peut etre caracterise par lescourbes evolutives de ses modes relationnelsvis-a-vis des personnages composant sonentourage familier. Nous en avons fait lesmoyennes a. chaque age et separement pourchaque sexe. Ce sont ces resultats que nousallons exposer main tenant.

ResultatsI L'evolution des relations vis-it-vis des dif­

ferents personnages :a) Le nombre de comportements affectueux,

qui indiquent le plaisir d'etre avec une cer­taine personne et la recherche de contact avecelle, augmente pendant la premiere annee, esttres eleve pendant la deuxieme annee etdiminue pendant la troisieme annee, On peutsupposer que l'augmentation pendant lapremiere annee correspond d'une part a. lamobilite croissante de I'enfant, d'autre parta. son attachement de plus en plus specifique.Mais nous voyons tout de suite que cette

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"affection" ne s'adresse pas seulement a lamere, meme si elle en est, l'objet preferentiel,Les objets secondaires d'affection sont, dansl'ordre: le pere, les grands enfants, le petitenfant (l'affection vis-a-vis de celui-ci etantnulle pendant la premiere annee et tres faiblepar la suite). Cet ordre preferentiel estidentique pour les garcons et pour les-filles,si nous tracons separement leurs courbes.Mais nous constatons que les filles sont engeneral, des rage de 6 mois, plus affec­tueuses que les garcons (ceci a deja ete trouvepar d'autres auteurs).

b) Le nombre de comportements d'imitationsuit une evolution differente, II est peu elevependant la premiere moitie de la premiereannee, mais augmente rapidement par la suite,pour atteindre un plateau a la fin de latroisieme annee. Si nous le comparons aunombre de comportements affectueux, nousremarquons que les personnages les plusimites ne sont pas forcement ceux dontl'enfant recherche le plus de contact. La mereest tres imitee,. mais aussi les grands enfants(feminins et masculins); par contre, le pereest moins facilement un modele d'imitation,et le "petit enfant" ne rest presque pas.

Si nous etudions separement les courbesdes garcons et des filles, on remarque que cetordre preferentiel est le meme pour les deuxsexes; mais des la deuxieme annee les fillesimitent beaucoup plus la mere que les gar­cons, tandis que ceux-ci imitent un peu plusle pere pendant la troisieme annee; ladifference est cependant moins nette: elle eststatistiquement significative pour la mere desl'age de 13 mois tandis qu'elle ne rest jamaispour le pere; autrement dit, les filles imitenta peu pres autant le pere que les garcons,mais elles imitent beaucoup plus la mere.

c) Les comportements agressifs ne se ren­contrent guere avant le deuxieme semestre dela premiere annee, mais leur nombre aug­mente ensuite rapidement et diminue seule­ment a la finde la troisieme annee. II est surtouteleve envers les grands enfants (masculins etfeminins) et un peu moins envers la mere,surtout a partir de 15 mois; enfin il est faibleenvers le petit enfant, bien qu'il augmentenettement a la fin de la troisieme annee, et

il reste toujours tres faible pour Ie pere. Ence qui concerne la difference entre sexes, lesgarcons sont nettement plus agressifs que lesfilles, et ceci des le deuxieme semestre de lapremiere annee.

On remarque que les modes indirectsd'agression apparaissent pendant le deuxiemeannee (envers tous les personnages) et sontde plus en plus utilises, tandis que les modesd'agression directe disparaissent envers lesparents pendant la troisieme annee, de sorteque c'est 1'agression indirecte qui 1'emporte.Cette substitution est moins nette envers lesgrands enfants, et n'existe pas pour le petitenfant, envers qui tous les modes d'agressionsont de plus en plus utilises. Ces differencess'expriment par 1'indice de socialisation del'agression; les courbes evolutives suivant lespersonnages montrent que cet indice est re­lativement eleve pendant la deuxieme anneepour lesgrands enfants (masculins et feminins)mais qu'il n'augmente guere ensuite, tandisque c'est surtout envers les parents quel'agression devient indirecte pendant latroisieme annee. A 3 ans, on peut classer lespersonnages suivant qu'ils sont 1'objet d'unesocialisation de moins en moins elevee: lepere, le grand enfant feminin, le grand enfantmasculin, le petit enfant.

On peut expliquer ainsi l'evolution mani­festee par ces courbes: l'agression directe,qui apparait a peu pres de la meme faconenvers tous les personnages familiers a lafin de la premiere annee (sauf envers le petitenfant avec lequel les relations sont peunombreuses), semble inhibee, probablementa cause de 1'opposition rencontree chez cespersonnages (punitions, etc.). Elle se trans­forme done de deux manieres: d'une part, lesmodes utilises changent et deviennent plusindirects; nous voyons que ce processus estplus important envers les parents, qui sontdes agents de socialisation plus efficaces queles enfants; d'autre part, probablement acause de cette repression parentale, l'agres­sion est inhibee envers les parents et deplaceesur les enfants; on observe ainsi un com­portement plus facilement agressif enverseux, et des jeux agressifs; cependant l'agres­sion est d'autant plus directe que l'autre y

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oppose moins de resistance; c'est probable­ment pourquoi l'agression envers le petitenfant, qui etait faible pendant les deuxpremieres annees du fait du manque derelations avec lui, augmente au contraire defacon spectaculaire au milieu de la troisierneannee et ne manifeste guere de socialisation.Enfin, on peut remarquer qu'il n'y a pasd'opposition entre l'affection et l'agression.Par exemple, c'est envers la mere que les deuxsortes de comportements sont d'abord utilises.On peut penser que plus l'enfant a d'echangesavec. une personne, plus iI a tendance autiliser taus les modes relationnels a sadisposition.

II Les attitudes affectives envers chaque per­sonne de la famille:

Cette etude de l'evolution de quatre atti­tudes affectives envers les differents per­sonnages familiers montre que les relationsinter-personnelles du jeune enfant depassentlargement la relation mere-enfant, meme sicelle-ci parait souvent predominante, Le pere,les autres enfants jouent un role importantpour Ie hebe. Les relations qui se nouententre eux ne sont pas uniformes pour tous:au contraire, elles deviennent de plus en plusspecifiques avec l'age. L'enfant s'adapte pro­bablement a la maniere d'agir de chacund'eux et aux satisfactions ou frustrations qu'ilen recoit; il utilise done de rnaniere pre­ferentielle certains modes d'action suivant lepersonnage auquel il s'adresse. Les courbesevolutives montrent que cette differenciations'accentue avec l'age, certains modes derelation n'apparaissant d'ailleurs que pendantIe deuxierne semestre de la premiere annee(imitation, agression) ou plus tard (agressionindirecte). On peut decrire schematiquementla facon dont les enfants ont tendance a. secomporter envers chaque personnage:

a) La mere est bien la personne la plusimportante pour l'enfant. C'est elle dont ilrecherche surtout la presence, le contact, etceci des les premiers mois; cette dependanceaffective se manifeste de facon croissante etculmine vers 18 mois; sa diminution par lasuite-correspondant a une independancecroissante-s-n'empeche pas que la mere reste

toujours l' objet preferentiel,C'est elle aussi qui est la plus imitee, et

ceci particulierement par les filles, tandis queles garcons l'imitent autant que le pere. Cetteimitation sera probablement la base surlaquelle se forgera l'identification (se mettrea la place de quelqu'un, agir et penser commelui), dont nous voyons deja. les premices a lafin de la troisierne annee (prendre le role d'undes parents dans Ie jeu, preferer telle ou tellecategoric de jeux) ; elle semble done mieuxpreparee chez les filles, qui s'identifierontainsi plus precocement au modele feminin(ce qui confirme les resultats de Sears).

La mere est aussi un objet importantd'agression, lorsque l'enfant commence a.utiliser ce mode de relation. Mais nous avonsvu qu'avec l'age, il refrene ce mode d'approchevis-a-vis d'elle, et utilise de plus en plusl'agression indirecte; surtout pendant latroisieme annee, elle est done un agent im­portant de socialisation de l'agression. Maiscelle-ci reste encore frequemment utiliseeenvers elle.

b) Le pere est aussi UL personnage impor­tant pour l'enfant, mais pas de facon exacte­ment parallele a. la mere. Les enfants recher­chent aussi beaucoup sa presence et soncontact; parait ainsi etre un substitut plusvalable que les grands freres et seeurs. Maisles autres attitudes de l'enfant lui assignentun role bien particulier: des la fin de lapremiere annee, il recoit excessivement peud' agression; celle-ci est d' ailleurs de plus enplus indirecte, Ie pere etant autant que lamere un agent de socialisation. Ceci sereflete dans les remarques de la mere: le pereest Ie plus "craint" par l'enfant, celui-ci n'osepas se permettre d'etre agressif envers lui.Enfin, il est relativement peu imite; il l'esttres peu par les filles, et meme un peu moinsque les grands enfants par les garcons.L'enfant reagit done au pere comme a. unsubstitut maternel (pour Ie prendre, s'enoccuper), mais il n'est pas un modele pre­dominant et il est ressenti comme tresinhibant.

c) Les grands enfants ne semblent gueredifferencies selon Ie sexe: les courbes pour lesgrands enfants masculins ou feminins sont

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generalement tres proches; leur age doit donejouer beaucoup plus que leur sexe. Le beberecherche relativement peu leur contact,meme s'il a des reactions joyeuses a leurapproche; le grand enfant feminin seraitcependant percu davantage comme un sub­stitut maternel, son contact etant un peu plusrecherche que celui du grand garcon. Parcontre, ils sont to us les deux des modelestres importants d'imitation: le bebe les imitepresque autant que la mere (surtout lesgarcons) et generalement plus que le pere,Cela n'empeche pas qu'ils soient davantageobjet d'agression que les parents; a partir de15 mois, c'est envers eux que l'enfant semontre le plus agressif, et ceci souvent defayon tres directe; en effet, hien que l'agres­sion envers eux se socialise pendant ladeuxieme annee, ce phenomene est nettementmoins important qu'envers les parents pen­dant la troisieme annee. On peut done penserque les grands enfants sont des agents desocialisation, mais de facon beaucoup moinsefficace que les parents. Ils sont done desmodeles envers qui 1'enfant peut se mesureret s'opposer beaucoup plus librement qu'en­vers les parents.

d) Enfin, le petit enfant n'apparait gueredans la vie du bebe avant la troisieme annee,lorsqu'il lui nait souvent un frere ou unesceur, ou qu'il se met afrequenter une garderieou une ecole maternelle. Auparavant, lenombre d'enfants eleves au foyer ayant uncontact regulier avec un autre enfant de leurage ou plus jeune est tres restreint. Les con­clusions que nous pouvons envisager iciseraient done probablement tres differentes siI'on etudiait des enfants eleves en commu­naute (institution, creche, comme ceux ob­serves par I. Lezine); deux seulement de cesenfants vont regulierement a la creche, etquelques-uns y ont fait des sejours de quel­ques mois. Mais meme pour ceux qui fre­quentent ainsi regulierement d'autres petitsenfants, les relations entre eux semblentpresque inexistantes pendant les deux pre­mieres annees. C'est en effet pour eux quenous trouvons generalement les notesles plus basses, proches du zero pourto utes les attitudes etudiees, Par contre,

pendant la troisieme annee, ces notes aug­mentent et permettent encore de donner unrole different a ce personnage. Les signesd'affection envers lui sont toujours extreme­ment rares, bien qu'ils augmentent pendantla troisieme annee; de meme, c'est le person­nage Ie moins imite, mais la aussi nous notonsune augmentation pendant la troisieme annee(provenant peut-etre d'une jalousie envers lenouveau-ne: desir de prendre sa place, deboire son biberon, etc.). L'agression augmentenettement pendant la troisieme annee (elledevient aussi forte qu'envers la mere), et elleest tres peu socialisee; en fait l' agression in­directe augmente autant que l'agressiondirecte, qui reste toujours predominante; onn'observe pas de substitution de 1'une a1'autrecomme c'est le cas pour les parents et tendaussi a l'etre pour les grands enfants. Lesrelations avec le petit enfant se multiplientdone surtout sous le signe de la jalousie:defoulement assez franc de l'agressivite enverslui, imitation qui prend souvent la teinte d'unerevendication de soins maternels.

Les enfants developpent done de tresbonne heure des modes d'approche differentsselon les personnages qui les entourent. Il esttres probable que cette differenciation est duea une adaptation de l'enfant aux manieresd'agir propres a chacun de ces personnages;ayant experimente de facon repetee certainessatisfactions ou frustrations specifiques, il lesattend et les provoque par une conduite com­plementaire. Ainsi la mere est celle qui prendle plus l'enfant, a l'occasion des soins, etc.;c'est elle qui est le plus presente, de sorte queses actions sont le plus observees par l'enfantet serviront ainsi de modele; elle provoqued'ailleurs cette imitation en jouant avec1'enfant. Cette familiarite explique que leursrelations soient nombreuses, meme lorsqu'ils'agit d'agression; cependant, elle est aussiun agent important de socialisation par sespunitions, ses gronderies, etc. Le pere, parcontre, est celui qui est le plus absent dufoyer, ce qui peut expliquer qu'il soit peuimite, et que l'enfant le craigne le plus(remarque faite frequemment par les meres,meme lorsqu'elles ajoutent qu'il n'est pas leplus severe); d'ou le peu d'agression envers

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lui et son importance comme agent desocialisation; par contre, en tant qu'adulte,il prend facilement l'enfant et peut eventuelle­ment lui donner quelques soins: d'ou larecherche de son contact. Au contraire, lesgrands enfants remplacent peu la mere decette maniere (saufparfois les grandes soeurs),mais ils jouent beaucoup avec Ie hebe, etsouvent de maniere assez agressive (surtoutles garcons): des echanges nombreux per­mettent un defoulement de l'agressivite dansles jeux. Ces enfants sont aussi des modelesplus faciles a imiter que les parents. Entin, Iepetit enfant, surtout lorsqu'il est plus jeune,agit peu sur l'enfant de 0 a 3 ans. II mene unevie separee, ayant un rythme different desautres, et est souvent tres protege par la merequi craint pour lui l'agression des autresenfants. II suscite plutot la jalousie de l'enfantprecedent parce qu'il prend sa place enaccaparant l'attention et les soins maternels.

III Cas d'un enfant:Un exemple montrera comment l'enfant

organise ses relations en fonction de l'attitudedes differents membres de sa famille, et lesmodifie suivant l'evolution du contextefamilial.

Dominique est la deuxieme enfant d'uncouple de niveau modeste (pere macon), Elleest tres bien acceptee par ses deux parents, lamere arretant son travail d'ouvriere a sanaissance. Celle-ci a lieu par cesarienne, maisl'enfant n'en souffre pas. Le developpementgeneral (motricite, langage, sante) se deroulenormalement. Les deux parents s'interessentbeaucoup a cette enfant et la preferent nette­ment a sa sceur, elevee jusque-la en nourrice.

Dominique s'eveille de bonne heure a larelation humaine, et montre des les premiersmois de nombreux comportements affectueux,tant envers son pere que sa mere; son irrita­bilite est normale. Pendant la deuxiemeannee, elle developpe une bonne imitationenvers sa mere et aussi envers son pere; elleaccepte facilement la soumission aux ordresde sa mere, tout en devenant assez autonome;elle est relativement peu agressive envers sesdeux parents. Elle le devient davantage enverssa sceur (qui est assez jalouse d'elle), mais

developpe egalement des relations d'affectionet d'imitation envers elle. Jusqu' a 2 ansenviron, ses relations sociales sont done tresdeveloppees envers tous les membres de safa mille, l'irritabilite et l'agressivite etant sur­tout orientees vers la seeur ainee.

Au debut de sa troisieme annee, la structurefamiliale se modifie. Le pere prend un travailqui l'eloigne souvent du foyer; il s'occupedone beaucoup moins de Dominique. Etsurtout, la mere accouche d'un garcon qu'ellese met a preferer nettement. Entin, Dominiqueentre a l'ecole maternelle a l'age de 2 ans 11mois. Pendant cette troisieme annee, l'enfantse renferme visiblement. Ses comportementsaffectueux envers tous ses familiers diminuentbeaucoup; cependant elle continue a imiterde plus en plus sa mere et sa sceur, mais ellecesse son imitation de son pere; enfin sonagressivite envers ses parents devient soit tressocialisee (envers la mere), soit disparaitpratiquement (envers le pere), Elle devientextremement soumise, et de plus en plus in­differente (surtout envers Ie petit frere), Sesreactions defensives (passivite, timidite) sedeveloppent considerablement, et se mani­festent ensuite tout particulierement a l'ecole.Entin, sa sante se deteriore (petits troublesdigestifs et respiratoires) et son sommeildevient trouble.

Le bon developpement de to utes les rela­tions sociales ainsi que d'une affirmationnormale de soi est done freine par le change­ment d'attitude des deux parents. L'enfant sedefend des frustrations que cela implique,a la fois par une attitude tres docile (pour sefaire mieux admettre) et par une restrictiondes relations avec autrui. Mais la tensionnerveuse engendree ne peut se Iiberer-i-sinondans quelques reactions agressives envers sasreur-et envahit alors les voies vegetatives;enfin, l'enfant n'ose plus s'afflrrner face aautrui et se protege en s'isolant.

L'etude de ces interrelations montre doneque l'enfant organise des les deuxieme ettroisieme annees ses relations vis-a-vis d'au­trui en reagissant a tout son entourage; ildeveloppe de facon specifique certains modesrelationnels suivant les attitudes rencontrees

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a. son egard chez les differents membres de safamille. Celles-ci peuvent aller dans le memesens (attitudes assez semblables du pere et dela mere dans le cas cite), et renforcer alors lesmemes tendances chez l'enfant; au contraire,elles peuvent se compenser. Ainsi un pereaffectueux peut aider a. surmonter la perted'affection maternelle a. la naissance d'unnouvel enfant; ou encore, un grand frere peutservir de modele d'identification plus dis­ponible et plus facile a. imiter que le parentdu sexe correspondant. Les autres enfantsjouent non seulement ce cole de "relaisd'identification", mais permettent aussi, a.travers leurs jeux et leurs disputes, la de­charge des tensions et la recherche de l'affir­mation de soi face a. autrui.

Ainsi l'enfant etablit des attentes vis-a-visd'autrui, et developpe ses attitudes re­lationnelles par rapport a. celles-ci. 11 nes'agit pas seulement d'attachement et d'op­position a. la mere; c'est un jeu differencie demodes relationnels face a. des personnesjouant aupres de lui differents roles. C'estpourquoi il est important d'en reconnaitre laformation durant ces premieres annees. 11transposera ensuite ces relations aux per­sonnes jouant aupres de lui le meme role,ayant a. ses yeux le meme statut (maitresse,camarades d'ecole), La famille tout entiereest ainsi le creuset OU s'elaborent les pre­mieres attitudes affectives envers autrui,attitudes qui seront ensuite deplacees surd'autres personnes.

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The article reports the results of a longitudinal studyof 39 children from birth to three years in which thechild's relationships with his mother, father and oldersiblings were recorded under the general categoriesof affection, imitation, direct aggression and indirectaggression. Results showed that as early as the secondand third year, the child learns specific modes ofrelation to each particular member of his family. Heis most often in the presence of his mother whoattends most to his needs and thus she is most fre­quently sought out as an object of affection and is animportant stimulus for imitative behaviour. This isparticularly so with girls although boys also imitatetheir mother more readily than they do their father.The mother also provokes the greatest amount ofearly aggression, but because of her socialising rolewhich is sometimes punitive, such aggression rapidlybecomes indirect in nature (e.g, worked out symbolic­ally in games).

The father on his part is the member of the familywho is imitated least but feared most, althoughinterestingly enough he may be a more readilyacceptable mother substitute than any of the child'solder siblings. The latter have the most numerousdirect aggressive exchanges with the young child andare also imitated to a greater extent than eithermother or father. Any younger infant is usuallyprotected from his three-year-old sibling, who oftenrelates to him with feelings of jealousy.

El articulo informa sobre los resultados de un estudiolongitudinal de 39 niiios desde el momento de sunacimiento hasta la edad de tres aiios, durante loscuales las relaciones del niiios con su madre, padre yotros hermanos se catalogaron 0 clasificaron bajo lostitulos generales de afecto, imitaci6n, agresividaddirecta 0 indirecta. Ya en el segundo y tercer aiio elniiio aprende formas especificas de relacionarse concada miembro determinado de la familia. La mayorparte del tiempo se halla en presencia de su madre queatiende a la mayoria de sus necesidades y que porconsiguiente es buscada con mayor frecuencia comoobjeto de afecto y constituye un importante estimulopara el comportamiento imitativo. Esto ocurre sobretodo con las niiias, aunque tambien los niiios irnitana su madre mas que a su padre. La madre suscitaasimismo el mayor porcentaje de agresividad tem­prana, pero a causa de su papel de socializaci6n, quees en ocasiones de naturaleza punitiva, las tendenciasagresivas se hacen indirectas en naturaleza (porejemplo, manifestadas simb6licamente en juegos).

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EI padre, por su parte, es el miembro de la familiaa quien menos se imita pero a quien mas se teme,aunque-y esto es interesante-puede convertirse yaceptarse como substituto de la madre con masfacilidad que cualquiera de los hermanos mayores delnino. Estos ultimos son aquellos con quienes tiene

lugar el mayor numero de relaciones de tipo agresivoy aquellos tambien a quienes el nino imita mas que ala madre 0 al padre. Se suele proteger a cualquiernino pequefio de la agresividad de su hermano detres afios, que a menudo se relaciona con el mediantesentimientos de celos 0 envidia,

LANGUAGE ACQUISITION

The theme ofVol. 6, I is the young child's acquisition oflanguage. The followingarticles are included:McKenna, Anne: Editorial: Language in early educationSinclair, Hermione: Les debuts du langageCazden, Courtney B.: Play with language and metalinguistic awarenessRuoppila, Isla: The effect of training on the grammar of preschool childrenO'Cleirigh, Ann: Descriptions of the child's acquisition and development of

language

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