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N°193 - 30 / 08 / 2013 LETTRE MENSUELLE SOCIO-ÉCONOMIQUE

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N°193 - 30 / 08 / 2013

LETTREMENSUELLE

SOCIO-ÉCONOMIQUE

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CCE Conseil Central de l’Économie

NUMER0 193 - août 2013

• Comité d’accompagnement: Andy Assez, Emmanuel de Bethune, Kris Degroote, Luc Denayer, Tasso Fachantidis, Michèle Pans, Michael Rusinek, Siska Vandecandelaere

• Rédaction: Elisa Decaluwé, Stephen Renders, Lieselot Smet• Secrétariat de rédaction: Alain Cabaux• Traduction: Bernadette Hamende• Mise en page: Simonne Loison• Assemblage: José Marquez Y Sanchez• Site Web: www.ccecrb.fgov.be• Éditeur responsable: Kris Degroote, Avenue de la Joyeuse Entrée 17-21, 1040 Bruxelles

PERSPECTIVES ÉCONOMIQUES

Une interview d’Henri Bogaert 3

CONJONCTURE

Industrie papetière et graphique 8

FORMATION

Le décrochage scolaire : un phénomène du passé ? 16

ACTUALITÉS

Comité économique et social européen 22

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Une interview d’Henri Bogaert

PERSPECTIVES ÉCONOMIQUES

Comme le veut la tradition, le Bureau fédéral du Plan (BFP) est venu, le 16 mai dernier, présenter ses perspectives économiques à moyen terme aux interlocuteurs sociaux réunis au sein du CCE. Ceux-ci ont reçu comme chaque année des projections détaillées de variables macroéconomiques pour la Belgique dans un contexte international. Les thématiques suivantes ont été traitées : la conjoncture, le marché du travail, les fi nances publiques et l’énergie. La présentation de ce document, élaboré à la demande des interlocuteurs sociaux, permet aux membres du CCE de mieux comprendre le contexte macroéconomique dans lequel ils mèneront la concertation au cours des cinq prochaines années. Il s’agit également d’une rencontre interactive qui permet de s’informer sur certains développements incertains ou frappants. Le secrétariat du CCE a également saisi l’occasion pour acquérir une connaissance approfondie de notre situation économique, des principaux enjeux et des conséquences pour les décideurs politiques. À cet effet, le secrétariat a réalisé une interview exclusive et très enrichissante de Monsieur Henri Bogaert, éditeur responsable des perspectives à moyen terme et commissaire du BFP. Fort de plus de quarante années d’expérience, cet économiste de premier plan est idéalement placé pour dresser le bilan de l’économie belge. Nous vous retranscrivons ci-après l’intégralité de cet entretien passionnant.

Les perspectives économiques du BFP ne sont pas des prévisions économiques, pouvez-vous nous expliquer ce qui les différencie ?

Henri Bogaert (H.B.) : Les budgets économiques, qui sont publiés tous les six mois, sont des prévisions utilisées par le gouvernement pour établir sa prévision budgétaire. On constate à l’expérience que ces prévisions sont non biaisées, donc pas systématiquement optimistes ou pessimistes, mais cela ne veut pas dire qu’elles sont exactes ! On constate que la prévision pour l’année même faite au mois de février est la plus fi able, plus, évidemment, que celle de septembre de l’année précédente.

La projection que nous faisons chaque année au mois de mai pour le CCE est beaucoup plus complète que le budget économique en ce sens qu’elle est plus détaillée et plus précise sur certains points. En particulier, ce n’est qu’à cette occasion que le BFP publie des comptes assez détaillés pour l’année courante et pour les 5 années à venir des fi nances publiques par niveau de pouvoir. On parle de projection parce qu’on ne peut pas à terme de 5 ans parler de prévision. La méthodologie utilisée part de la prévision du budget économique et, d’une part, prolonge les tendances fondamentales de l’économie et, d’autre part, fait l’hypothèse que l’économie revient en 5 ou 7 ans sur son sentier d’équilibre, c’est-à-dire sur ses tendances fondamentales alors que la prévision du budget économique, en général, incorpore des chocs de toutes natures qui écartent l’économie de ses tendances de base. Ce sont évidemment des hypothèses fortes. On sait que les années postérieures à celles prévues par le budget économique, c’est-à-dire les années postérieures à l’année courante et l’année suivante, comporteront elles-aussi de nombreux chocs (par exemple sur le prix du pétrole, sur la politique monétaire de la BCE, sur la politique budgétaire des Etats Membres, sur le contexte de l’économie mondiale, sur la démographie, etc…). La projection à moyen terme suppose l’absence de tels chocs pour se concentrer sur les tendances fondamentales.

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Une interview d’Henri Bogaert

PERSPECTIVES ÉCONOMIQUES

Vous avez une expérience de plus de quarante ans en politique économique, pouvez-vous nous expliquer comment les perspectives du BFP peuvent être utilisées pour déterminer les grands enjeux de politique économique ?

H.B. : On distingue, en général, 2 aspects de la politique économique : la politique de stabilisation (politique budgétaire et surtout monétaire) et la politique structurelle. De moins en moins les aspects de stabilisation ont été mis en avant durant les 20 dernières années pour se concentrer sur les aspects structurels : c’était nécessaire pour intégrer les marchés européens et coordonner les institutions des pays européens pour qu’elles débouchent sur un ensemble économique nouveau qui fonctionne mieux et de manière harmonieuse. Depuis la grande récession de 2008-2009, les aspects de stabilisation sont revenus au premier plan. Ensuite, avec la crise de la dette, c’est la maîtrise des fi nances publiques qui est devenue l’objectif principal au détriment des aspects de stabilisation macroéconomique. La projection à moyen terme est, dans ce contexte, un outil précieux pour le débat et la décision politique. D’une part, elle donne l’évolution de la croissance économique, de l’emploi, de la compétitivité, des fi nances publiques à politique inchangée. L’encadrement qui est donné aux Etats Membres par les règles de coordination des politiques économiques au niveau européen détermine très largement les objectifs à atteindre. Il s’agit, en particulier, de l’objectif de solde budgétaire, de taux d’endettement, de taux d’emploi, de taux de pauvreté, de taux d’émissions de CO2… Pour beaucoup de ces objectifs, la projection à moyen terme permet de voir si la Belgique se rapproche de ses objectifs et de mesurer les efforts à fournir pour les atteindre. Malheureusement, le modèle utilisé ne permet pas de couvrir tous les objectifs et je trouve, par exemple, très dommage que les objectifs sociaux, comme le taux de pauvreté ou le taux de scolarité, ne soit pas modélisés. Déterminer un ordre de grandeur des efforts à fournir pour atteindre des objectifs est une chose, défi nir une politique pour atteindre ces objectifs est une tout autre histoire ! Le Bureau du plan s’est toujours donné pour ligne de conduite de ne pas recommander une politique plutôt qu’un’ autre. Chaque type de politique accorde en effet plus de poids pour les thèses défendues par l’un ou l’autre parti politique. Par contre, nous avons très régulièrement étudié des propositions émanant du gouvernement ou des partenaires sociaux pour atteindre des fi ns économiques.

Si vous deviez faire l’exercice à partir des dernières perspectives du Bureau fédéral du Plan, quelles sont les grands enseignements que vous en tireriez ?

H.B. : Plusieurs défi s apparaissent clairement des dernières perspectives à moyen terme. Tout d’abord la montée du chômage, ensuite la diminution continue de la croissance de la productivité, c’est-à-dire de la richesse, du pouvoir d’achat produit en moyenne en Belgique par une heure de travail, enfi n, l’écart entre le défi cit projeté à moyen terme à politique inchangée et l’objectif de surplus structurel que nous devrions atteindre en 2015 ou 2016.

Sur chacun de ces défi s de politique économique, pourriez-vous approfondir votre réfl exion ?

H.B. : Je crois que le point de départ, l’origine, se trouve dans le ralentissement de la productivité. C’est la source des problèmes de compétitivité. Les salariés ont pris l’habitude d’une progression régulière de leur salaire hors index. Une telle croissance n’est compatible avec une économie très ouverte à la concurrence que si la productivité croit en proportion, ce qui n’est pas le cas. D’où les pertes de parts de marché, les délocalisations et, fi nalement, les pertes d’emplois dans les secteurs exposés à la concurrence internationale. Ce phénomène a été relativement caché : (1) par la création d’emplois subsidiés dans les secteurs de proximité et non marchands, (2) par le fait que les pays limitrophes avaient une performance encore plus défavorable, à la nuance près de l’Allemagne qui tente depuis

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PERSPECTIVES ÉCONOMIQUES

Une interview d’Henri Bogaert

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plusieurs années de l’empêcher par des réformes structurelles importantes, (3) par la haute conjoncture des années 2005 à 2007.

La politique budgétaire menée depuis l’année 2000 va, à mon sens et paradoxalement, à contrecourant des recommandations que ce soit par la Commission ou le CSF. Il était recommandé de maintenir le haut niveau de surplus primaire atteint en 2000 pendant plusieurs années afi n de réduire le taux d’endettement et ainsi faire face plus aisément au coût du vieillissement démographique. Par ailleurs, cette politique aurait été plus neutre conjoncturellement. Mais la relativement faible croissance potentielle n’était ni prévue, ni même observée au travers des méthodes d’estimation utilisées à l’époque. Le ralentissement constant de la productivité n’était pas anticipé. Les gouvernements étaient incités à stimuler une croissance trop faible ou, à tout le moins, à adopter une politique budgétaire qui ne soit pas restrictive. Les gouvernements ont dès lors maintenu le solde des fi nances publiques proche de zéro, ce qui avait pour conséquence surprenante que la politique était particulièrement pro-cyclique, alimentant une certaine forme de surchauffe à partir du milieu des années 2000’. En effet, avec l’équilibre budgétaire, le gouvernement se trouvait face à un effet boule de neige inversé : le taux d’endettement diminuait, les charges d’intérêt aussi et laissait donc de la marge pour réduire le solde primaire, c’est-à-dire augmenter les dépenses primaires ou pour réduire la pression fi scale. Quand une telle politique arrive à faire passer le surplus primaire de 6,5% du PIB en 2000 à 0,5% en 2012, on peut mesurer l’impact sur l’expansion de la demande et sur l’output gap. Les tensions salariales se sont montrées inévitablement vives, mais limitées par l’affl ux de travailleurs immigrés et contrôlées par la loi de 1996. Ce contrôle n’a pourtant pas pu se faire sans que le gouvernement ne lâche du lest en développant les subventions salariales. Le paradoxe est que les politiques d’allégement du coût du travail n’ont pas conduit à un allégement, mais à un accroissement du salaire poche. Cet accroissement de salaire a en quelque sorte été fi nancée par le contribuable.

On ne peut conclure qu’en reconnaissant que la politique recommandée de stabilisation du surplus primaire aurait dû être menée à bien ou, qu’à défaut des réformes beaucoup plus radicales du marché du travail auraient dû être adoptées comme en Allemagne. A moyen terme, les perspectives ne montrent pas encore d’effet boule de neige inversé. Néanmoins, on se dirige dans la seconde moitié des années 2010 vers un scénario identique à celui des années 2000’ avec une détérioration du surplus primaire plus pressante encore car le vieillissement est là. Conclusion : des réformes plus radicales devraient être prises en considération, si l’on veut éviter l’ineffi cacité de la politique suivie durant les années 2000’ ?

Les perspectives à moyen terme du BFP font état de risques importants concernant la crise de la dette et le rétablissement escompté de la croissance. Comment évaluez-vous l’effet des mesures politiques prises par les autorités européennes, notamment le « SixPack », le « Fiscal Compact », et les avancées qui ont été faites dans la direction d’une union bancaire ? Pensez-vous qu’elles offrent une issue à la grande récession ?

H.B. : Le processus européen de gestion de la crise est extrêmement laborieux et les retards accumulés à prendre les bonnes décisions politiques sont responsables de la gravité de cette crise. Tout d’abord, dans la panique vis-à-vis des effets de contagion de la crise grecque, une série de dispositions a été pris visant à consolider les fi nances publiques. On n’a pas fait dans le détail, tous les pays, y compris l’Allemagne, ont entamé et poursuivi une politique de réduction des défi cits, disons à partir de mi 2011. Si l’on en croit l’OCDE, la réduction du défi cit structurel de l’ensemble de la zone euro, mais aussi de l’ensemble des pays de l’OCDE, ce qui représente 65% du PIB mondial, serait de plus de 1% du PIB en 2011, en 2012 et en 2013. Etant donné l’étendue géographique des économies concernées, dès

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Une interview d’Henri Bogaert

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lors leur caractère d’économie relativement fermée, et l’ampleur de l’assainissement, les multiplicateurs budgétaire du PIB sont très élevés. Vu la faiblesse de la croissance potentielle, il n’est pas étonnant que la croissance depuis 2012 soit très faible dans la plupart des pays et négative dans beaucoup. Une politique plus coordonnée, laissant la place à des politiques de soutien de la croissance dans certains pays et de consolidation dans les pays fragiles fi nancièrement reste une question à débattre. Les effets de spillover d’un pays sur l’autre au sein de la zone euro semblent réduits et ineffi caces, par contre, des transferts de revenus des pays plus solides vers les pays fragiles auraient été plus appropriés. Malheureusement, le manque de confi ance au sein de la zone euro entre Etats Membres ne permettait pas de se lancer dans des politiques novatrices de ce type. Le problème est un peu le même avec l’union bancaire, des avancées ont été engrangées, mais des questions aussi essentielles que la garantie des dépôts ne sont toujours pas résolues de manière satisfaisante.

L’Europe a choisi de tout miser sur l’orthodoxie fi nancière et ainsi de consolider la zone euro par les fondamentaux plutôt que par des mécanismes de solidarité et des réglementations qui auraient nécessité plus de fédéralisme, fédéralisme auquel les peuples ne semblent pas encore prêts. La bonne nouvelle est que, progressivement, les assainissements, tant en termes budgétaires qu’en termes de compétitivité, commencent à porter leur fruits et que certains pays en tous cas peuvent adopter une politique plus accommodante. On peut espérer maintenant que l’Europe sorte lentement de la récession dans les mois à venir.

Dans la stratégie Europe 2020, la compétitivité d’un pays est défi nie comme la capacité d’une économie à assurer une augmentation régulière du niveau de vie et un niveau de chômage involontaire aussi faible que possible. Comment évaluez-vous le développement actuel de la compétitivité belge au regard de cette défi nition ?

H.B. : J’ai déjà parlé des problèmes de compétitivité que rencontre la Belgique depuis une dizaine d’années. Ces problèmes trouvent leur origine dans les trop faibles progrès de productivité et, singulièrement, de la productivité totale des facteurs, c’est-à-dire des progrès techniques, des innovations, de l’amélioration de la qualité des produits et des services. Ces progrès de productivité sont trop réduits par rapport aux aspirations d’amélioration du pouvoir d’achat des salariés.

La politique qui a été suivie ne peut sûrement pas être qualifi ée de durable ou de soutenable, en particulier en termes d’emplois.

Le rapport du Groupe d’experts «Compétitivité et Emploi» (GECE) a montré quelques faits qui interpellent. Premièrement, comme je l’ai déjà dit, la hausse des salaires a été durant les années 2000 plus importante que celle de la productivité. C’est vrai en moyenne dans l’économie, mais aussi pour bon nombre de branches d’activité. Deuxièmement, les salaires ont augmenté plus que dans les trois pays voisins si on ne tient pas compte des subventions salariales. Si on tient compte des subventions salariales dans l’ensemble de l’économie, les salaires augmentent à peu près au même rythme que dans la moyenne des trois pays voisins. Toutefois, certaines branches d’activité comme les services de proximité, les soins de santé et les services publics, fortement fi nancés par les pouvoirs publics, tirent la moyenne vers le bas et expliquent, d’ailleurs, pour l’essentiel les bonnes performances en termes de création d’emplois en Belgique. Si on fait abstraction de ces branches d’activité, la hausse des salaires dans les branches soumises à la concurrence internationale est plus élevée que dans les trois pays voisins. Au total, la compétitivité coût est problématique aujourd’hui dans un certain nombre de branches et, singulièrement, dans la plupart des branches industrielles.

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PERSPECTIVES ÉCONOMIQUES

Une interview d’Henri Bogaert

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Le point qu’il faut mettre en évidence est que le modèle de négociation salariale ne semble plus permettre à la Belgique de créer de l’emploi que dans les branches abritées de la concurrence internationale (les services, l’énergie et la construction) ou surtout dans celles qui sont largement subsidiées ou mieux fi nancées par les pouvoirs publics, c’est-à-dire par les contribuables. Même avec la forte augmentation des subventions salariales, les branches industrielles ne parviennent pas à contenir l’hémorragie d’emplois. Au niveau macroéconomique, une telle situation n’est pas durable car elle est ineffi cace. Le taux moyen de prélèvement ne cesse de s’accroître, ce qui diminue l’incitation moyenne et globale à travailler en Belgique.

Au total, la Belgique a néanmoins, réalisé de bonnes performances par rapport aux pays voisins, que ce soit avant ou après la crise, que ce soit en termes d’emplois ou en termes de valeur ajoutée. Ces bonnes performances sont surtout dues au soutien des autorités publiques et non à l’action du secteur privé. Il importe maintenant de se donner les institutions qui permettront au secteur privé de prendre le relais.

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Industrie papetière et graphique

CONJONCTURE

CCE Conseil Central de l’Économie

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Fin juin 2013, le « Projet de rapport concernant l’évolution conjoncturelle dans l’industrie papetière et graphique – Printemps 2013 » a été présenté aux membres de la Commission consultative spéciale du Papier. Le rapport de conjoncture examine en détail les tendances économiques actuelles dans l’industrie papetière et graphique et avance une série de prévisions pour 2013.

La conjoncture dans le secteur papetier et graphique est étroitement liée à la conjoncture dans tous les secteurs en Belgique, en Europe et dans le monde. Dans la plupart des pays, les perspectives de croissance ont été revues à la baisse par rapport aux prévisions d’automne de la Commission européenne. Ainsi, selon la projection la plus récente de la Commission européenne, la Belgique affi chera une croissance économique de 0,4 % en 2013 au lieu des 0,7 % annoncés l’automne dernier. Pour la zone euro, la Commission européenne prévoit une récession économique de 0,4 % en 2013, alors qu’elle avait précédemment escompté une croissance économique de 0,1 %. L’OCDE envisage même un scénario plus pessimiste, avec une croissance nulle pour la Belgique et une récession économique de 0,6 % pour l’Europe. La conjoncture de l’industrie papetière et graphique s’inscrit donc dans le contexte d’une dégradation généralisée de la conjoncture en Belgique et en Europe. Celle-ci s’explique par la crise de la dette européenne et son impact négatif sur la confi ance des chefs d’entreprise et des consommateurs. Des enquêtes réalisées par la Commission européenne révèlent que la confi ance s’est détériorée à partir de début 2012, tant en Belgique qu’au sein de l’Union européenne. Cela s’expliquerait avant tout par un nouveau recul de la confi ance des chefs d’entreprise. Selon la Commission européenne, le manque de confi ance, l’excédent de capacité de production dans l’industrie, le resserrement accru des conditions de crédit et la baisse des investissements dans les biens d’équipement entraîneront en Belgique une nouvelle diminution de la demande intérieure et des investissements en 2013. La croissance de l’économie belge, qui est une économie ouverte, devra donc être stimulée par la croissance mondiale globale.

Des articles de presse récents donnent toutefois à penser que l’on peut prudemment faire preuve d’un optimisme modéré pour la zone euro et la Belgique. Dans la plupart des pays européens, les cures d’austérité les plus drastiques sont terminées. Les conditions de crédit s’améliorent et la confi ance dans l’Europe augmente légèrement. La situation demeure toutefois incertaine ; nous pourrons apporter davantage de clarté sur cette situation économique dans le prochain rapport de conjoncture, qui sera publié fi n 2013.

L’industrie papetière et graphique est très sensible aux variations conjoncturelles. L’impact négatif de la récession sur le secteur papetier et graphique est globalement deux fois plus élevé que dans d’autres secteurs. La secteur a vu ses chiffres de vente s’effondrer, en particulier dans le segment de la publicité, qui est le premier à souffrir des économies en temps de crise. Par ailleurs, un bouleversement numérique a lieu dans les économies industrialisées, les supports papier devant céder des parts de marché aux alternatives numériques. D’une part, on craint que cette part de marché ne soit défi nitivement perdue, mais d’autre part, ce bouleversement donne au secteur la possibilité de jouer pleinement la carte de la complémentarité croissante de la communication écrite et numérique, notamment dans les médias et la publicité.

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CONJONCTURE

Industrie papetière et graphique

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À la lumière de la situation conjoncturelle globale et de la situation spécifi que du secteur, nous examinerons ci-après pour chaque sous-secteur les tendances conjoncturelles les plus récentes et les derniers indicateurs sectoriels disponibles pour 2013.

PÂTE À PAPIER

La pâte à papier est une matière première importante pour l’industrie papetière et graphique. Les mouvements dans le secteur de la pâte ont une infl uence sur le fonctionnement des producteurs de papier et des entreprises graphiques, puisque ceux-ci sont des acheteurs (in)directs de pâte à papier. C’est pourquoi il est important d’examiner les performances du secteur de la pâte avant d’aller plus loin dans l’analyse de l’industrie papetière et graphique.

Comme indiqué dans le précédent rapport de conjoncture, les prix de la pâte de feuillus blanchie (ou BHKP) et de la pâte de résineux blanchie (ou NBSK) se rapprochent fortement au deuxième semestre de 2012. Cela s’explique essentiellement par la baisse du prix de la pâte NBSK, la version la plus qualitative. Nous soulignions également qu’il ne s’agirait que d’une situation temporaire. Une modifi cation de cette situation est prévue fi n 2012 et début 2013. Les prix des deux types de pâte affi cheront à nouveau une tendance haussière, le prix de la pâte NBSK se détachant à nouveau par rapport au niveau de prix de la pâte BKHP.

Outre les prix, nous examinons également l’évolution de la production au sein du secteur de la pâte à papier. La production de pâte fraîche a baissé de 1,7 % en 2012 par rapport à l’année précédente. Le présent rapport ne contient pas de statistiques sur la production de pâte recyclée, mais il ressort des chiffres de Cobelpa que celle-ci présente une tendance haussière et a déjà atteint un niveau relativement élevé.

Un coup d’œil sur les chiffres du commerce extérieur, y compris pour la pâte recyclée, révèle que les exportations de pâte à papier se sont accrues de 3,5 % en 2012 par rapport à 2011. Dans le même temps, les importations ont baissé de 1 % en comparaison avec 2011. Il en a résulté un défi cit de la balance commerciale de la pâte à papier, même s’il s’est avéré moins important qu’en 2011. Le mois

Évolution des prix de la pâte à papier

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NBSK Prix en $ par tonne BHKP prix en $ par tonne

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Source : FOEX

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Industrie papetière et graphique

CONJONCTURE

de janvier 2013 se caractérise toutefois à nouveau par un défi cit supérieur à celui de janvier 2012, et ce en raison d’une augmentation des exportations de 5,4 % par rapport à janvier 2012 et à une hausse encore plus intense des exportations (+21,8 %). Il convient d’ajouter à cet égard que la part de la pâte recyclée dans les échanges internationaux est marginale en comparaison avec celle de la pâte à papier fraîche.

On peut déduire des données précitées que l’industrie papetière belge a acheté moins de pâte à papier fraîche produite en Belgique. Pourtant, les producteurs belges de papier ont fabriqué davantage de produits en papier et carton en 2012. Cette augmentation s’explique sans doute par une hausse de la consommation de pâte recyclée et/ou par l’utilisation de stocks de pâte que les entreprises papetières avaient précédemment constitués.

PAPIER

Si l’on poursuit notre chemin le long du processus de production, nous arrivons à la fabrication et à la transformation du papier et du carton. De 2011 à début 2013, les prix européens du papier ont été globalement marqués par une augmentation au premier semestre de chaque année suivie d’une diminution au second semestre. Cette tendance ne se vérifi e toutefois pas pour toutes les sous-catégories de papier. Ainsi, les prix des emballages atteignent un niveau plus élevé dans le courant de la seconde moitié de 2012, tandis que les prix du papier d’impression, d’écriture et graphique fl échissent. Le sous-secteur des emballages est un segment de croissance important au sein du secteur papetier. On observe une évolution de la production de masse d’emballages standardisés vers la « personnalisation de masse » des emballages. Les emballages arborent des accents différents en fonction du thème, de la saison, de la région, de promotions en cours, pour ne citer que quelques exemples. Cette stratégie a pour objectif de séduire les clients potentiels avec une couleur attrayante, une forme esthétique ou un couche de vernis originale. Une comparaison des prix européens et belges du papier montre que ceux-ci évoluent de manière similaire.

Pour l’évolution des prix des vieux papiers, nous nous basons sur la moyenne des prix des pays voisins. Une certaine stabilité caractérise la deuxième moitié de 2012 et le début 2013. L’évolution des prix reste toutefois très dépendante des exportations vers l’Asie et la Chine. Compte tenu du renforcement temporaire des contrôles de qualité de la Chine sur certains produits importés, dont les vieux papiers, à partir de février 2013, il est possible que les exportations vers ce pays diminueront dans le courant de 2013.

La production belge de papier s’est accrue sur l’ensemble de l’année 2012 (+2,4 %), à l’exception du papier journal. Le taux d’utilisation des capacités de production dans le secteur papetier diminue légèrement dans les deux sous-segments. Dans le segment de la fabrication de papier et carton, le taux d’utilisation s’élève à 93,4 % au premier trimestre de 2013. C’est un pourcentage inférieur à celui enregistré au premier trimestre de 2012 (95,4 %). Le taux d’utilisation dans le segment de la transformation du papier et carton se situe à un modeste niveau si l’on prend comme référence la période s’étalant de 2000 à aujourd’hui. Le taux d’utilisation s’élève à 76,7 %, soit en dessous du niveau du premier trimestre de 2012 (77,5 %). En dépit du taux d’utilisation élevé dans le segment de la fabrication, on observe pour la quatrième année consécutive une baisse des investissements dans ce sous-secteur, à hauteur de quasiment 4 % en 2012. Les investissements se situent à un niveau relativement bas. Le segment de la transformation enregistre en revanche une hausse des investissements de près de 43 % en 2013 et atteint ainsi un niveau relativement élevé.

Le commerce extérieur belge du papier s’est dégradé en 2012 ; les exportations ont diminué de près de 17 % et les exportations de 8 %. Le défi cit de la balance commerciale se creuse et atterrit à

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CONJONCTURE

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Source: BNB

-652,2 millions d’euros. Le secteur papetier belge continue donc à perdre en compétitivité vis-à-vis de l’étranger. En janvier 2013, une légère amélioration de la balance commerciale des produits du papier se met en place, mais celle-ci est insuffi sante pour corriger le défi cit.

La courbe de conjoncture brute de l’industrie du papier et du carton connaît début 2013 une tendance baissière dans le prolongement du 2ème semestre de 2012. Cette évolution conjoncturelle médiocre de l’industrie est largement imputable aux prévisions pessimistes concernant le segment de la fabrication, qui se traduisent par un fl échissement de la courbe de conjoncture lissée pour la majeure partie de 2012.

Courbe de conjoncture fabrication de papier

et carton

Courbe de conjoncture transformation papier

et carton

La courbe de conjoncture lissée du segment de la transformation enregistre en revanche une légère augmentation, qui s’explique principalement par le sommet atteint dans la série brute à la mi-2012. En ce qui concerne les perspectives pour l’industrie du papier et du carton, les personnes interrogées déclarent s’attendre à une diminution de l’emploi et de la demande, et ce malgré le relèvement du nombre de commandes intérieures, la hausse des prix de vente et les anticipations de prix favorables qui en découlent. La durée moyenne d’activité assurée s’élève en avril 2013 à 1,2 mois, soit sous le niveau d’avril 2012 (1,4 mois).

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Industrie papetière et graphique

CONJONCTURE

SECTEUR GRAPHIQUE

En tant qu’acheteuses de papier, les entreprises graphiques forment également un maillon important de la chaîne de valeur. Elles ont une infl uence sur le fonctionnement économique du secteur de la pâte et du papier et sont elles-mêmes infl uencées par les modifi cations qui s’opèrent au sein du secteur. En 2012, le secteur graphique a été confronté à une perte de chiffre d’affaires d’environ 5 % par rapport à 2011, tant dans les maisons d’édition que dans les imprimeries. En comparaison avec les années précédentes, le chiffre d’affaires est en 2012 à un niveau relativement bas. Le niveau d’investissement est en recul pour la septième année consécutive et se situe au niveau le plus faible depuis 2005. Cette tendance négative s’observe aussi bien dans les imprimeries (-8,6 %) que dans les maisons d’édition (-9,8 %). Un faible niveau d’investissement dans l’industrie graphique est généralement associé à un faible taux d’utilisation des capacités de production. Les chiffres de 2012 confi rment ce phénomène ; le taux d’utilisation a poursuivi sa chute pour s’établir fi n 2012 à 73,7 %. Le premier trimestre de 2013 est toutefois marqué par une augmentation substantielle du taux d’utilisation de la capacité de production, qui remonte à 83,7 %. Il pourrait s’agir du signe précurseur d’une hausse des investissements au premier trimestre de 2013.

Contrairement au secteur de la pâte et du papier, le secteur graphique parvient à réaliser un excédent de balance commerciale de 126 millions en 2013. La Belgique conserve donc dans ce secteur une certaine compétitivité vis-à-vis de l’étranger, et en particulier des pays voisins. En janvier 2013, les exportations étaient 3 % plus élevées qu’au même mois en 2012. Cette augmentation s’explique principalement par les exportations plus importantes de matériel publicitaire et de catalogues commerciaux.

Malgré cette balance commerciale positive, la détérioration de la tendance conjoncturelle, qui avait débuté à la mi-2011, s’est poursuivie dans le secteur graphique. La série brute de la courbe de conjoncture a de nouveau chuté en avril. Cette chute laisse augurer d’un nouveau fl échissement de la courbe de conjoncture lissée.

Courbe de conjoncture secteur graphique

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J A J O20

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Série brute industrie graphique Série lissée industrie graphique

Source: BNB

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CONJONCTURE

Industrie papetière et graphique

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EMPLOI SECTEUR PAPETIER

L’emploi se révèle être une donnée complexe et doit être examiné en rapport avec les chiffres du chômage temporaire et les données sur les faillites.

Dans l’industrie papetière, le nombre d’emplois s’est à nouveau réduit au troisième trimestre de 2012 pour se fi xer à 12 451 postes, soit le niveau le plus bas depuis 2008. Une baisse est observée dans les deux sous-secteurs. Dans le segment de la transformation, il convient de souligner que le nombre d’ouvriers diminue entre le troisième trimestre de 2011 et 2012, tandis que le nombre d’employés augmente.

Durant le deuxième semestre de 2012, le secteur du papier est caractérisé par une tendance à la hausse du chômage temporaire. Au premier trimestre de 2013, le chômage temporaire continue à grimper, atteignant un niveau plus élevé qu’à la fi n 2009 et qu’au début 2012. Une augmentation du chômage temporaire évite dans un premier temps de recourir à des licenciements effectifs. Mais en l’absence de revirement conjoncturel, une hausse du chômage temporaire n’est que le signe annonciateur de futurs licenciements effectifs. En l’occurrence, cette tendance haussière s’accompagne d’une baisse de l’emploi au troisième trimestre de 2012. Cela ne laisse donc présager rien de bon en termes de chiffres de l’emploi pour le dernier trimestre de 2012 et surtout pour le début 2013.

Le secteur de la transformation du papier a enregistré 6 faillites en 2012, qui sont à l’origine de près de 50 % (68 sur 147) des licenciements nets. C’est davantage que dans le segment de la fabrication, où 1 faillite en 2012 a causé environ 1/3 (17 sur 58) des licenciements nets. Pour les 4 premiers mois de 2013, on observe une diminution du nombre de faillites, tant dans le secteur de la fabrication que dans celui de la transformation, par rapport aux 4 premiers mois de 2012. On constate en outre globalement une baisse du nombre de licenciements liés à des faillites par rapport au premier trimestre de 2012. Toutefois, avec une perte moyenne de 25 emplois par faillite début 2013 contre 16 emplois début 2012, l’ampleur des faillites dans le secteur du papier continue à s’accroître. L’amélioration provisoire des

Évolution du chômage temporaire et nombre

de licenciements dans l’industrie papetière

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chômage temporaire licenciements

Industrie papetière

Sources : ONEm et ONSS

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Industrie papetière et graphique

CONJONCTURE

chiffres des faillites pour début 2013 est porteuse d’espoir, mais elle doit être mise en balance avec le danger potentiel de la forte hausse du chômage temporaire et de la taille moyenne des entreprises qui mettent la clef sous le paillasson.

EMPLOI SECTEUR GRAPHIQUE

Le secteur graphique est marqué par une baisse continue de l’emploi depuis 2010. La tendance ne s’inverse pas au troisième trimestre de 2012, avec pour résultat que le nombre de travailleurs se situe au niveau le plus bas depuis 2010 (23 252). Par rapport à la même période de l’année précédente, le nombre de travailleurs s’est réduit de pas moins de 1 358 unités. Ce recul s’observe dans pratiquement tous les segments du secteur graphique. Les pertes en pourcentage les plus importantes se situent dans le segment « prépresse » (près de 11,5 %) et dans les maisons d’édition (presque 8 %). Les pertes d’emplois substantielles dans le segment « prépresse » étaient à prévoir, puisque la numérisation et les nouvelles technologies ont pour effet de simplifi er les activités de prépresse, qui sont dès lors de plus en plus facilement prises en charge par les imprimeurs ou les clients. L’expertise des entreprises de prépresse perd ainsi sa valeur ajoutée. Le troisième secteur du classement est celui des imprimeries de journaux, dans lesquelles l’emploi a diminué de quasiment 6 %. Il est probable que ces entreprises perdent des parts de marché parce que le public se tourne de plus en plus vers la lecture numérique du journal, ce qui fait baisser la demander des versions papier. Le chômage temporaire, qui a reculé dans le courant du premier semestre de 2012, reste à un faible niveau au deuxième semestre. La baisse de l’emploi est moins vive au troisième trimestre de 2012. Début 2013, un relèvement du chômage temporaire semble augurer d’une possible intensifi cation des pertes d’emploi.

Dans les imprimeries, la situation semble à première vue s’améliorer en matière de faillites en 2012, puisque leur nombre diminue. Rien n’est moins vrai si l’on observe les licenciements induits par ces faillites. En 2012, la faillite d’une imprimerie cause en moyenne 9 pertes d’emplois, alors que ce chiffre était encore limité à 2 en 2011. 63 imprimeries ont cessé leurs activités et ces faillites représentent pratiquement l’ensemble des licenciements nets enregistrés en 2012 (573 sur 594). Comme dans le rapport de conjoncture précédent, nous pouvons donc en conclure que des imprimeries de plus grande

Évolution du chômage temporaire et nombre de licenciements dans le secteur graphique

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chômage temporaire licenciements

Industrie graphique

Sources : ONEm et ONSS

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Industrie papetière et graphique

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taille ont fait faillite en 2012. La perte moyenne d’emplois par faillite s’accroît également en 2012 dans les maisons d’édition, même si cela reste moins prononcé que dans les imprimeries. En 2012, 37 faillites ont été à l’origine d’environ 14 % du nombre total de licenciements nets (108 sur 764).

Les 4 premiers mois de 2013 annoncent un possible retournement de la tendance à l’augmentation du nombre d’entreprises et d’emplois qui disparaissent chaque année. Le nombre de faillites se stabilise, voir diminue, en comparaison avec les 4 premiers mois de 2012, sauf dans le secteur des imprimeries. Au sein du secteur graphique, les licenciements liés à des faillites sont en baisse, en particulier dans le secteur des imprimeries. Cela pourrait également signifi er la fi n de la tendance à voir des imprimeries de plus en plus grandes mettre la clef sous le paillasson.

CONCLUSION

Globalement, nous pouvons dire que le niveau conjoncturel a continué à s’affaiblir fi n 2012 tant dans le secteur du papier que dans le secteur graphique. Les premiers mois de 2013 ne sont pas plus réjouissants. La sensibilité à la conjoncture et la numérisation accroissent la pression qui pèse sur les performances du secteur. Bien qu’un retournement potentiel soit en vue en termes de faillites, les chiffres provisoires du chômage ne laissent pas augurer de bonnes nouvelles pour les chiffres de l’emploi à venir.

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FORMATIONLe décrochage scolaire : un phénomène du passé ?

Le mercredi 5 juin 2013, le Steunpunt Studie en Schoolloopbanen (SSL – point d’appui « parcours d’études et scolaires ») a organisé à Louvain une journée d’étude consacrée au décrochage scolaire. Le Pacte 2020 fl amand a pour ambition de réduire de moitié, à l’horizon 2020, le nombre de jeunes qui quittent l’enseignement secondaire sans qualifi cation. La Flandre est ainsi plus ambitieuse que l’Europe dans ce domaine. L’objectif européen de ramener le taux d’abandon scolaire précoce à moins de 10 % a déjà été atteint en Flandre, mais on est encore loin des chiffres visés par le Pacte 2020.

Le séminaire a été le théâtre de discussions concernant l’évolution des chiffres et un certain nombre d’explications de nature individuelle, scolaire et systémique. Il a également été question des effets à long terme et des interventions susceptibles de remédier au décrochage scolaire. Ces thèmes ont été abordés dans le cadre de cinq exposés.

LES JEUNES EN DÉCROCHAGE SCOLAIRE EN FLANDRE EN 20101

En Flandre, la notion de jeunes en décrochage scolaire (aussi appelés « jeunes quittant prématurément l’école » voire « décrocheurs scolaires ») est défi nie comme suit : un élève est en décrochage scolaire lorsqu’il interrompt son parcours scolaire alors qu’il n’est pas encore détenteur d’une qualifi cation. Lorsqu’un élève obtient une qualifi cation après un parcours scolaire interrompu, il devient un jeune en décrochage scolaire « qualifi é ». Même s’il acquiert ultérieurement une qualifi cation, il est toujours considéré comme un jeune en décrochage scolaire.

Les qualifi cations accessibles aux élèves sont les suivantes : un diplôme de l’enseignement secondaire, un certifi cat d’étude de 6e année de l’enseignement professionnel ordinaire à temps plein, un certifi cat de l’enseignement professionnel à temps partiel, un contrat d’apprentissage (SYNTRA) ou un certifi cat de qualifi cation de l’enseignement professionnel spécialisé.

L’étude révèle des différences entre les pays de l’UE quant au nombre de jeunes en décrochage scolaire. Mais on n’observe pas seulement des écarts d’un pays à l’autre, il y a également une grande diversité à l’intérieur des pays et même au sein des régions. En Belgique, par exemple, le taux de décrochage scolaire s’élève à environ 9 % en Flandre, tandis qu’il oscille autour des 18 % en Région de Bruxelles-Capitale. Le taux de décrochage scolaire est aussi beaucoup plus élevé dans les communes ou villes de plus grande taille. Dans d’autres pays européens également, les jeunes quittant prématurément l’école sont proportionnellement plus nombreux dans les zones urbaines que dans les zones plus rurales.

Georges van Landeghem a également examiné l’évolution des jeunes en décrochage scolaire en Flandre. Il en ressort que leur nombre a augmenté entre 2001 et 2007, mais qu’une baisse a été enregistrée à partir de 2008. Différentes explications sont possibles. En 2007, la situation était favorable sur le marché de travail, ce qui incitait les jeunes à chercher de l’emploi plus rapidement. Après l’éclatement de la crise fi nancière en 2008, les élèves sont restés plus longtemps sur les bancs de l’école. La réforme de la formation en alternance a également eu un impact, puisque les élèves prolongent à présent leur

1 Titre complet de l’intervention : « Les jeunes en décrochage scolaire en Flandre en 2010 : répartition par lieu, niveau d’instruction de la mère et langue maternelle » par Georges VAN LANDEGHEM (KU Leuven)

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FORMATION

Le décrochage scolaire : un phénomène du passé ?

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parcours dans l’enseignement professionnel afi n d’obtenir leur certifi cat. Il est à noter que le nombre de garçons quittant prématurément l’école est nettement plus élevé que le nombre de fi lles. Les chiffres évoluent toutefois de façon similaire pour les deux sexes.

Si l’on tient compte de la langue maternelle (néerlandais ou autre langue) et du niveau d’instruction de la mère (hautement ou faiblement qualifi ée), il apparaît que le taux de décrochage scolaire est nettement plus élevé chez les jeunes dont la mère parle une autre langue et est faiblement qualifi ée que chez ceux dont la mère est une néerlandophone hautement qualifi ée. En outre, les élèves du premier groupe quittent le milieu scolaire beaucoup plus lentement. Notamment en raison du redoublement, il est fréquent qu’ils n’obtiennent une qualifi cation qu’après l’âge de 18 ans. Ce contraste entre groupes socioéconomiques s’observe dans chaque ville ou commune. Les résultats de cette étude ont une série de conséquences pour la politique. La Flandre est très hétérogène en matière de décrochage scolaire, d’où la nécessité de mener une politique au niveau local. La collaboration avec les écoles locales, l’enseignement pour adultes et les entreprises est importante. Par ailleurs, il est également important d’accompagner les élèves en diffi culté d’apprentissage et de leur proposer un parcours adapté vers une qualifi cation et un emploi.

LIEN ENTRE SENTIMENT D’APPARTENANCE À L’ÉCOLE ET DÉCROCHAGE SCOLAIRE2

Le décrochage scolaire est souvent l’aboutissement d’un parcours scolaire long et individuel. Ces élèves ont des histoires très différentes, mais on peut malgré tout dégager quelques tendances. Souvent, ces jeunes décrochent relativement tôt dans le parcours scolaire, il s’agit plus souvent de garçons que de fi lles, et ils ont un statut socioéconomique modeste. Les redoublants et les élèves qui changent fréquemment d’école sont également proportionnellement plus nombreux à quitter l’enseignement sans qualifi cation.

L’implication est aussi un aspect important. C’est un facteur intéressant, car il est plus facile à appréhender que des facteurs plus externes comme le sexe de l’élève. Sur base de la banque de données LOSO, 4 046 élèves ont été suivis depuis l’enseignement secondaire jusqu’au marché du travail. 541 d’entre eux sont en décrochage scolaire, c’est-à-dire qu’ils n’ont pas terminé l’enseignement secondaire à temps plein. L’étude a examiné à la fois leur implication affective et comportementale. L’implication affective concerne les relations enseignant-élève et l’implication comportementale l’attitude à l’égard du travail scolaire et la disposition à travailler pour l’école.

L’étude montre clairement que la totalité ou presque des personnes qui font preuve d’une grande implication durant tout leur parcours dans l’enseignement secondaire obtiennent un diplôme. Lorsque l’implication est faible dès le début des études, la probabilité de terminer celle-ci diminue d’année en année, mais lorsque l’implication est importante au début avant de se réduire, la probabilité d’achever le cycle secondaire est encore plus faible.

Le groupe des élèves témoignant d’une implication élevée et stable, et parmi lesquels fi gurent donc peu de « décrocheurs scolaires », est composé à environ 65 % de fi lles. Dans le groupe dont l’implication est initialement importante mais dont l’implication comportementale diminue au fi l du temps, et dans celui dont l’implication comportementale est faible dès le début, on retrouve en revanche beaucoup plus de garçons (64 % et 79 %). Le groupe des étudiants affi chant une implication faible et qui diminue avec

2 Titre de l’intervention : « Lien entre sentiment d’appartenance à l’école et décrochage scolaire » par Carl LAMOTE (KU Leuven), Jan VAN DAMME (KU Leuven) et Wim VAN DEN NOORTGATE

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FORMATION

Le décrochage scolaire : un phénomène du passé ?

le temps compte pas moins de 83 % de garçons. Des études antérieures avaient déjà montré que les garçons étaient sous-représentés dans le groupe des élèves faisant preuve d’une grande implication, tant sur le plan affectif que comportemental, mais la cause de ce phénomène n’est pas tout à fait claire. Jackson (2002) évoque la « laddishness » (le machisme) comme raison potentielle de leur moindre implication comportementale. Les garçons considèrent que fournir des efforts sur le plan scolaire est un trait de caractère féminin et qu’obtenir des résultats sans se donner trop de peine est un signe de talent. En outre, les garçons sont moins impliqués que les fi lles sur le plan affectif. Ils ont un comportement plus perturbateur et leur relation avec les enseignants est souvent moins bonne.

Un élève moins impliqué fera plus souvent l’école buissonnière, changera d’école à plusieurs reprises, mais il aura aussi de moins bons résultats et il aura davantage tendance à redoubler. La raison et les conséquences ne sont cependant pas évidentes. La question est de savoir si une détérioration des résultats scolaires entraîne une implication plus faible, ou si la relation de cause à effet est inverse.

Nous pouvons conclure que le groupe des jeunes en décrochage scolaire est hétérogène, mais qu’il existe quelques critères déterminants, parmi lesquelles l’implication. La baisse d’implication et le décrochage des élèves peu impliqués sont assez précoces dans l’enseignement secondaire. C’est pourquoi il est très important d’appréhender ce problème dès le départ pour que les jeunes restent plus longtemps sur les bancs de l’école.

LES EFFETS À LONG TERME DU DÉCROCHAGE SCOLAIRE EN FLANDRE3

S’il a été question ci-avant des causes du décrochage scolaire, l’étude de Jan Van Damme s’intéresse quant à elle aux effets à long terme de ce phénomène sur la situation sur le marché du travail et d’autres domaines de la vie (santé, loisirs, etc.). Des études antérieures avaient notamment montré que les personnes sans qualifi cation avaient un emploi mal rémunéré et de moindre qualité, qu’elles n’approfondissaient pas leurs connaissances dans le cadre de leur premier job et qu’elles étaient aussi plus souvent au chômage.

Pour cette étude, il a été fait appel à des données concernant 520 élèves de l’enseignement public à Louvain, qui ont été suivis durant leur cursus primaire et secondaire, puis interrogés à nouveau à l’âge de 35 ans. Il s’agit de cinq cohortes nées pendant la période 1964-1968. Les jeunes en décrochage scolaire sont défi nis comme les élèves qui n’ont ni diplôme de 6e année de l’enseignement secondaire, ni qualifi cation courte (4e année enseignement secondaire), ni contrat d’apprentissage.

Les auteurs de l’étude ont sélectionné des variables pertinentes liées aux sorties du système scolaire avec (sans) qualifi cation et aux effets à long terme. Douze des 93 variables sélectionnées ont été retenues : le sexe, le redoublement dans l’enseignement primaire, le redoublement dans l’enseignement secondaire, les résultats en langue dans l’enseignement primaire, les résultats en mathématique dans l’enseignement primaire, les résultats globaux dans l’enseignement primaire, l’indice pondéral4, le « frostig developmental test of visual perception »5, le nombre d’enfants au sein du ménage, le QI, la préparation à l’enseignement primaire au sein du ménage et la forme d’enseignement secondaire.

3 Titre de l’intervention : « Les effets à long terme du décrochage scolaire en Flandre » par Jan VAN DAMME, Marc BLOMMAERT (Centrum voor Onderwijseffectiviteit), Carl LAMOTE (KU Leuven) et Jo MEYER.

4 Le Ponderal Index (P.I) donne une indication du poids corporel d’une personne. Le Ponderal Index se base sur le poids et la taille d’une personne. Formule : P.I.= poids corporel(kg) / taille(m)³.

5 Il s’agit d’un test de perception visuelle qui mesure entre autres la coordination œil-main, la reconnaissance des formes et la vision dans l’espace.

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De l’étude ont découlé les résultats suivants. Les personnes sans qualifi cation ont généralement un salaire mensuel moins élevé et sont aussi plus longtemps au chômage. Il est plus probable qu’elles travaillent sous le statut « ouvrier » ou « contractuel dans le secteur public » plutôt que sous le statut d’employé. Si nous examinons les domaines de la vie autres que le travail, il apparaît que les personnes sans qualifi cation font plus souvent appel à la mutualité et pratiquent moins de sport. Leurs activités de loisirs sont moins liées au travail. En revanche, sur le plan du stress psychologique et physique, il n’y aucune différence signifi cative entre les qualifi és et les non qualifi és. Il ressort également de l’étude que les personnes sans qualifi cation exercent moins souvent un emploi dans lequel ils sont autonomes et peuvent se développer personnellement.

Ces résultats ne peuvent cependant pas être généralisés. Il s’agit de moyennes, et il existe aussi des exemples de réussite chez les non qualifi és et d’échec chez les personnes qualifi ées.

DÉTERMINANTS DU DÉCROCHAGE SCOLAIRE AU NIVEAU SYSTÉMIQUE6

La stratégie Europe 2020 a défi ni cinq grands objectifs, parmi lesquels réduire de 20 millions le nombre de pauvres et réduire le taux de décrochage scolaire à moins de 10 %. Ces deux objectifs sont plus ou moins liés, car les jeunes qui quittent l’école sans qualifi cation sont davantage exposés au risque de pauvreté. L’objectif de l’étude d’Ides Nicaise est d’analyser comment les politiques peuvent contribuer précisément, au niveau macroéconomique, à la prévention du décrochage scolaire et aux actions d’intervention et de remédiation.

Les déterminants du décrochage scolaire sont aussi bien structurels qu’individuels. Les deux aspects s’infl uencent et se renforcent. Les déterminants structurels sont notamment le contexte économique général, les caractéristiques du système d’enseignement et la protection sociale dont bénéfi cient les jeunes en décrochage scolaire. Parmi les déterminants individuels, citons la motivation, le contexte socioéconomique, le redoublement, etc.

Les auteurs de l’étude ont examiné l’effet de chacun de ces déterminants sur le décrochage scolaire et ont comparé celui-ci avec l’effet escompté. On s’attendrait à ce qu’un taux de chômage élevé chez les adultes ait un effet dissuasif sur le décrochage scolaire, mais c’est l’inverse qui se produit. Ceci pourrait s’expliquer par le fait que les jeunes qui quittent la maison sont davantage stimulés à trouver de l’emploi qu’à rester à l’école. Le chômage des jeunes induit aussi un décrochage scolaire plus important, ce qui est inquiétant dans le contexte de la crise. Comme on pouvait s’y attendre, le nombre de jeunes en décrochage scolaire augmente en fonction du degré de pauvreté. C’est dû en partie au fait que les familles pauvres peuvent moins se permettre d’investir dans l’enseignement de leur enfant.

Différents déterminants du système scolaire ont également été examinés. Lorsque le budget consacré à l’enseignement augmente par rapport au PIB, la qualité de l’enseignement s’améliore et le taux de décrochage scolaire diminue. Même dans les pays où l’obligation scolaire est plus longue, on recense moins de jeunes en décrochage scolaire. Un grand nombre de redoubleurs a par contre pour effet d’accroître le coût de l’enseignement, sans compter que le redoublement est souvent décourageant pour l’élève. Plus il y a de redoubleurs, plus il y a de jeunes en décrochage scolaire. Lorsque les écoles sont plus sélectives dans le choix de leurs élèves et qu’elles les sélectionnent sur base des capacités intellectuelles, la concurrence entre les écoles est plus intense et l’enseignement est de meilleure qualité.

6 Titre complet de l’intervention : « Déterminants du décrochage scolaire au niveau systémique : une étude comparative pour l’UE-27 » par Ides NICAISE (HIVA-KU Leuven), Kristof DE WITTE (KU Leuven), Carl LAMOTE (KU Leuven), Jeroen LAVRIJSEN (HIVA-KU Leuven), Georges VAN LANDEGHEM.

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Le décrochage scolaire : un phénomène du passé ?

On pourrait s’attendre à ce que cela creuse les inégalités et à ce que cela soit dissuasif pour certains élèves, mais le nombre de jeunes en décrochage scolaire est pourtant moins élevé. Les formations spécifi quement axées sur le marché du travail (comme l’enseignement professionnel ou technique) motivent généralement les jeunes à obtenir leur diplôme. Si cet enseignement est bien structuré, le nombre de jeunes en décrochage scolaire peut se réduire.

La diminution du nombre de personnes en décrochage scolaire réduit la pauvreté chez les générations futures, mais elle n’a aucune infl uence sur la pauvreté actuelle. C’est pourquoi il est important de ne pas seulement travailler préventivement, mais aussi de s’intéresser au groupe des « décrocheurs scolaires » qui sont déjà sur le marché du travail. Les pouvoirs publics peuvent intervenir en la matière en continuant à développer l’enseignement de la seconde chance. C’est un fi let de sécurité pour ceux qui sont sortis du système initial ou une alternative pour obtenir une qualifi cation.

Les résultats de cette étude ont quelques implications pour les mesures politiques de prévention. Ainsi, un contexte socioéconomique favorable, par exemple une plus grande croissance économique, un taux de chômage plus faible chez les jeunes et moins de pauvreté, entraîne une baisse du nombre de jeunes quittant prématurément l’école. En matière d’enseignement, une obligation scolaire plus longue et une diminution du nombre de redoubleurs peuvent avoir des effets positifs, au même titre qu’une bonne organisation des fi lières professionnelles et techniques, dont les formations sont bien adaptées au marché du travail.

INTERVENTIONS EFFICACES POUR RÉDUIRE LE DÉCROCHAGE SCOLAIRE7

À la demande du ministère néerlandais de l’enseignement, de la culture et des sciences (OCW) et d’un certain nombre d’écoles et de groupes d’écoles, il a été procédé à une évaluation des interventions politiques et du lien de cause à effet entre les interventions et leur impact sur le décrochage scolaire.

Le décrochage scolaire est un problème complexe qui est infl uencé par des spécifi cités liées à l’élève (sexe, motivation, capacités…), aux parents (formation, classe sociale, contrôle du travail à domicile…) et à l’école (localisation, taille de la classe, type d’école…). Le coût privé et le coût pour la société du décrochage scolaire sont élevés, car le risque de chômage s’accroît, la cohésion sociale diminue, le risque d’activités criminelles augmente… Conformément à l’objectif d’Europe 2020, les Pays-Bas souhaitent réduire le taux de décrochage scolaire à 8 %, mais des mesures sont nécessaires pour y arriver.

Lors de l’année académique 2004-2005, les Pays-Bas ont lancé le Basisregister Onderwijsnummer (BRON). Il s’agit d’un numéro d’ordre unique attribué à chaque élève, de manière à ce qu’il puisse être suivi durant la totalité de son parcours scolaire. Il contient de nombreuses données, tels que le code postal, des informations sur les parents et la situation sociale. Un jeune en décrochage scolaire est défi ni comme un élève de moins de 23 ans qui ne possède aucun diplôme et n’est plus inscrit dans un établissement d’enseignement alors qu’il l’était encore au 1er octobre de l’année précédente. Une autre mesure consiste à permettre à tout un chacun d’effectuer une recherche sur le nombre de « décrocheurs scolaires » par quartier, école ou région. Les communes et écoles sont ainsi incitées à agir contre le décrochage scolaire via un système de naming and shaming (littéralement « nommer et faire honte »).

7 Titre de l’intervention : « Interventions effi caces pour réduire le décrochage scolaire » par Kristof DE WITTE.

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FORMATION

« Le décrochage scolaire : un phénomène du passé ? »

Lettre Mensuelle Socio-économique > page 21

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Le ministère a proposé dix mesures que les régions et écoles peuvent mettre en œuvre. Leur impact sur le décrochage scolaire a été examiné, et il apparaît qu’il est très variable d’une mesure à l’autre. L’enregistrement de l’absentéisme ne semble fonctionner que dans les écoles présentant un faible taux de décrochage scolaire. Les projets curatifs, comme l’amélioration de l’accès aux systèmes de formation en alternance, ont un effet immédiat. Le mentorat, le coaching et l’occupation de jour (impliquer les jeunes à l’école après les heures de classe) ont l’impact le plus important. En fait, ce sont surtout les mesures qui interviennent activement auprès des jeunes qui fonctionnent.

Les Pays-Bas ont également mis en place une « subvention de performance ». Il s’agit d’un incitant fi nancier perçu par l’école à chaque fois qu’elle parvient à réduire le nombre d’élèves en décrochage scolaire par rapport à l’année académique de référence 2005-2006. Cet incitant peut toutefois être injuste, puisque certaines écoles attachaient déjà beaucoup d’importance au décrochage scolaire avant 2005-2006. De plus, le contexte social des élèves varie d’une école à l’autre. Les écoles qui comptent plus d’élèves à risque de décrochage sont lésées. Il ressort de l’étude qu’en l’absence de correction adéquate et complète en fonction des caractéristiques de l’école et des élèves, ces incitants fi nanciers sont inéquitables. Ils permettent néanmoins de renforcer considérablement la sensibilisation et l’intérêt des écoles à l’égard du décrochage scolaire.

Puisque l’absentéisme augmente la probabilité de décrochage scolaire de 3,9 %, il est indispensable de mener une politique à cet égard. Améliorer le rapportage en matière d’absentéisme réduit le nombre de jeunes en décrochage scolaire, mais pas de façon signifi cative. Une politique active en matière d’absentéisme produit en revanche des résultats substantiels.

Il est important de vérifi er si les initiatives politiques ont un impact sur le nombre de jeunes quittant prématurément l’école, mais cet impact doit être corrigé des infl uences économiques. Le décrochage scolaire est en effet grandement infl uencé par le cycle économique à court terme et la croissance de la prospérité à long terme. Le lien institutionnel entre le marché du travail et l’enseignement infl uence également le décrochage scolaire. Toute variation du taux de décrochage scolaire doit par conséquent être corrigée de ces infl uences extérieures.

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Comité économique et social européen

ACTUALITÉS

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Au cours de sa session plénière des 10 et 11 juillet 2013, le Comité économique et social européen a notamment émis les avis suivants, dont nous vous proposons la synthèse.

UN PLAN D’ACTION EUROPÉEN POUR LE COMMERCE DE DÉTAIL1

Le CESE:

- soutient l’approche holistique du plan d’action;

- estime que certaines de ces actions risquent de rester lettre morte ou de ne pas pouvoir être pleinement mises en œuvre, car il n’est pas suffi samment tenu compte des répercussions de la crise économique sur le secteur, en particulier dans les pays les plus touchés par les mesures d’austérité;

- recommande, dans la mise en œuvre du plan, de tenir compte de la diversité dont témoignent souvent les formes revêtues par les PME et les microentreprises;

- demande que les entreprises soient encouragées à intégrer le commerce en ligne dans la perspective de surmonter la problématique des horaires et des jours d’ouverture/fermeture des magasins;

- soutient l’initiative de la Commission de lancer un dialogue avec toutes les parties intéressées afi n de défi nir au niveau de l’UE des mesures effi caces pour combattre l’économie informelle, le travail au noir et l’économie souterraine. Il plaide pour que les États membres fassent preuve d’une forte volonté politique que la Commission pourrait coordonner au moyen d’un partenariat renforcé.

MARQUES2

Au regard de la valeur économique indiscutable des marques et de leur incidence positive sur le fonctionnement du marché intérieur, le présent cadre normatif de protection supranationale s’avère manifestement insuffi sant. La proposition de directive constitue cependant une avancée par rapport à la situation actuelle. Le CESE:

- plaide pour un renforcement de la protection des droits de propriété intellectuelle attachés à l’utilisation légitime d’une marque commerciale, en améliorant autant que possible le registre des marques de l’UE et en incitant la Commission européenne à soutenir l’OHMI dans l’exercice de ses fonctions de contrôle du respect des droits en question;

1 COM(2013) 36 fi nal – CES1696-2013_00-00_ tra_ac

2 COM(2013) 162 fi nal – 2013/0089 (COD) – CES3456-2013_00-00_ tra_ac

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ACTUALITÉS

Comité économique et social européen

Lettre Mensuelle Socio-économique > page 23

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- demande l’adoption de mesures préventives et de réparation à l’égard du piratage, qui porte préjudice à la compétitivité des entreprises européennes.

De manière générale, l’ensemble de ce processus d’harmonisation devrait aboutir au cours des prochaines années à l’uniformisation du droit des marques par l’adoption d’un Code des marques de l’Union, qui devrait notamment permettre l’instauration d’une procédure souple, uniforme et économique qui aide les intéressés à opter librement pour l’enregistrement volontaire de la marque commerciale, ce qui mettra un terme aux disparités législatives actuelles..

PUBLICATION D’INFORMATIONS NON FINANCIÈRES3

- Le Comité accueille favorablement les propositions de la Commission concernant les modifi cations des directives comptables, tant en matière de publication d’informations non fi nancières qu’en matière de représentation de la diversité dans les instances dirigeantes. Ces modifi cations limitées participent à l’amélioration du cadre de la gouvernance d’entreprise de l’UE4.

- Le Comité recommande au Parlement européen et au Conseil de prendre en compte l’équilibre atteint par ces modifi cations qui accroissent la transparence en matière environnementale, sociale, sociétale et de gouvernance (ESG). La proposition de la Commission constitue un dispositif souple et approprié pour améliorer la communication vers les actionnaires, les investisseurs et les autres parties prenantes. Cette proposition ne s’adresse qu’aux grandes sociétés, afi n d’éviter d’imposer des exigences supplémentaires à des entreprises de plus petite taille.

3 COM(2013) 207 fi nal – 2013/0110 (COD) –CES3548-2013_00-00_ tra_ac

4 Le cadre de la gouvernance d’entreprise, JO C 24 du 28.1.2012, p. 91.

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Une mission d’étude et de documentation

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SECRÉTARIAT CCE

Le Conseil central de l’économie, institué en 1948, rassemble les interlocuteurs sociaux. Son objectif est d’associer les représentants de la politique économique. Sa compétence s’étend à tous les problèmes relatifs à l’économie; elle est uniquement consultative. Son apport spécifi que est de susciter la confrontation des vues et le dialogue entre ses membres.

Le Conseil est donc à la fois, d’une part, un carrefour d’idées où se confrontent les opinions et où s’élaborent des propositions communes où l’intérêt général prévaut sur les intérêts particuliers et, d’autre part, un rouage de la politique économique, le Conseil traduisant ses propositions sous forme de synthèses à l’intention des responsables de la politique économique.

Le secrétariat du Conseil a la double mission d’assurer les services de greffe et d’économat et de réunir la documentation relative aux travaux du Conseil. Au fi l des ans, il a développé cette seconde fonction. Ses études détaillées ont trait aux problèmes soumis à l’examen du Conseil, mais également à des sujets sur lesquels il estime qu’il faut attirer l’attention des interlocuteurs sociaux et des responsables politiques. De plus, le secrétariat publie régulièrement des notes d’information générale et des dossiers statistiques divers. Dans ce cadre, le secrétariat tire profi t des relations privilégiées qu’il entretient avec les services d’études des institutions économiques nationales et internationales.

La Lettre mensuelle socio-économique s’inscrit dans la mission d’étude et de documentation du secrétariat. Celui-ci est seul responsable de son contenu.

Robert TolletPrésident

Luc DenayerSecrétaire

Kris DegrooteSecrétaire adjoint