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V ous diffusez les idées de la liberté en France. Vous avez grand mérite : le libéralisme n’est pas connu, ni enseigné ni pra- tiqué dans notre pays. Il est carica- turé, on entend dire très souvent que les drames actuels sont les conséquences de « l’ultra-libéra- lisme » alors que la France est parmi les plus étatistes, les plus jacobins, les plus souverainistes des pays réputés libres. On sous-entend peut-être ainsi qu’il y a un libéra- lisme raisonnable, politiquement correct, un genre de sociale démo- cratie « à la française ». L’année 2016 sera décisive pour les idées que vous prônez avec lucidité et courage. La logique vou- drait que les Français, lassés des politiques de droite comme de gauche, cherchent une troisième voie. Et, de fait, une lointaine musique libérale se fait entendre dans la classe politique et les médias, alors que le silence régnait depuis 2002, date de l’échec d’Alain Madelin et de la dissolution de « Démocratie Libérale », le parti naissant et, pire encore, des réseaux d’« Idées Action ». Hélas, un électeur sur trois s’est égaré dans la voie populiste : le besoin de changement a mené à une impasse. Vous vous efforcez, avec courage et talent, d’indiquer la vraie direction. Vous espérez, à juste titre, qu’un vrai débat d’idées s’instaure enfin, et vous engagez la classe politique à s’inspirer des principes et des poli- tiques qui ont fait le succès des réformes libérales dans nombre de pays. Peut-être l’émergence d’un électorat libéral pourrait-il donner à réfléchir à quelques candidats, sinon à quelque formation. Votre espoir est légitime et réaliste, encore faut-il que la présentation du libéralisme soit à la fois simple et rigoureuse, à usage d’un peuple désinformé et désemparé. Directeur de la publication : Jacques GARELLO Sommaire Les pièges : approches contre productives Le piège de l’anti-socialisme Le piège de la droite et de la gauche Le piège des réformes ponctuelles Le piège statistique Les arguments à faire valoir L’argument utilitaire L’argument humaniste L’argument ontologique Lettre ouverte aux libéraux de Jacques Garello Diffusion pour aleps par gmsolutionsweb ASSOCIATION POUR LA LIBERTE ECONOMIQUE ET LE PROGRES SOCIAL ALEPS, BP 80026, 13545 Aix en Provence Cedex 4 www.libres.org Commission Paritaire : 0118 K 87909 - ISSN : 1951-4727 Dépot légal : à parution Le supplément de la nouvelle lettre n°1260 www.libres.org 1 la nouvelle lettre Abonnements et commandes Pour vous abonner ou vous réabonner à la Nouvelle Lettre et passer vos commandes d’ouvrages, cli- quer sur le bouton de paiement en ligne ou imprimer le bulletin d’abonnement et retourner-le-nous par courrier avec votre réglement. Abonnement et paiement en ligne Bulletin d’abonnement Supplément de janvier 2016 www.libres.org - Supplément gratuit Jacques Garello Président d'honneur de l'ALEPS

Lettre ouverte aux liberaux

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Par Jacques Garello

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Page 1: Lettre ouverte aux liberaux

Vous diffusez les idées de laliberté en France. Vous avezgrand mérite : le libéralisme

n’est pas connu, ni enseigné ni pra-tiqué dans notre pays. Il est carica-turé, on entend dire très souventque les drames actuels sont lesconséquences de « l’ultra-libéra-lisme » alors que la France est parmiles plus étatistes, les plus jacobins,les plus souverainistes des paysréputés libres. On sous-entendpeut-être ainsi qu’il y a un libéra-lisme raisonnable, politiquementcorrect, un genre de sociale démo-cratie « à la française ».

L’année 2016 sera décisive pourles idées que vous prônez aveclucidité et courage. La logique vou-drait que les Français, lassés despolitiques de droite comme degauche, cherchent une troisièmevoie.

Et, de fait, une lointaine musiquelibérale se fait entendre dans laclasse politique et les médias, alors

que le silence régnait depuis 2002,date de l’échec d’Alain Madelin etde la dissolution de « DémocratieLibérale », le parti naissant et, pireencore, des réseaux d’« IdéesAction ». Hélas, un électeur sur troiss’est égaré dans la voie populiste :le besoin de changement a mené àune impasse.

Vous vous efforcez, avec courage ettalent, d’indiquer la vraie direction.Vous espérez, à juste titre, qu’un vraidébat d’idées s’instaure enfin, etvous engagez la classe politique às’inspirer des principes et des poli-tiques qui ont fait le succès desréformes libérales dans nombre depays. Peut-être l’émergence d’unélectorat libéral pourrait-il donner àréfléchir à quelques candidats,sinon à quelque formation. Votreespoir est légitime et réaliste,encore faut-il que la présentationdu libéralisme soit à la fois simpleet rigoureuse, à usage d’un peupledésinformé et désemparé.

Directeur de la publication : Jacques GARELLO

SommaireLes pièges : approchescontre productives

Le piège de l’anti-socialisme

Le piège de la droite et de lagauche

Le piège des réformes ponctuelles

Le piège statistique

Les arguments à faire valoir

L’argument utilitaire

L’argument humaniste

L’argument ontologique

Lettre ouverte aux libérauxde Jacques Garello

Diffusion pour aleps par gmsolutionsweb

ASSOCIATION POUR LA LIBERTE ECONOMIQUE ET LE PROGRES SOCIALALEPS, BP 80026, 13545 Aix en Provence Cedex 4

www.libres.org

Commission Paritaire : 0118 K 87909 - ISSN : 1951-4727Dépot légal : à parution

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Jacques Garello Président d'honneur de l'ALEPS

Page 2: Lettre ouverte aux liberaux

Je me permets de vous adressercette lettre, au nom de l’ancien-neté. Il y a tout juste 40 ans, jerédigeais « Idées pour unManifeste libéral », opuscule pré-facé par Jacques Rueff. Depuislors, je n’ai cessé de proposerdes versions diverses de pro-grammes libéraux, la plupart dutemps préparés par des sémi-naires et rencontres auxquelsparticipaient les intellectuels libé-raux et des personnalités dumonde économique et politique.Vous m’objecterez avec raison

que ce n’est pas un bon pointpour moi et mes amis, puisquenous avons à ce jour totalementéchoué (après avoir espéré lesuccès complet en 1986).Pourtant, le message que nousavons porté a été celui-là mêmequi a conduit à des réformesdécisives et salutaires dans laplupart des pays libres. Pour leslibéraux, la France est une terrede mission…

Vous voudrez bien me pardonnerces longs prolégomènes. J’en

viens à l’objet central de cette lettre : définir une communeapproche d’un nouveau pro-gramme libéral pour constituerune force de frappe intellectuellede nature à convaincre l’opinionpublique d’abord, quelques per-sonnalités de la classe politiqueensuite. C’est précisément unelongue expérience, partagéeavec de nombreux libéraux tantFrançais qu’étrangers, qui inspirecette démarche, en énumérantles pièges à éviter, et les argu-ments à faire valoir.

Dénoncer les erreurs du socia-lisme dans toutes ses formes estsans doute nécessaire, mais onne peut en rester là.

1° Il est certain que les erreursaccumulées depuis 2012 et l’étatdans lequel les socialistes ontréduit la France sont des atoutsdéterminants pour les libéraux.Ce qui est mal fait permet decomprendre ce qu’il faudrait faire.

2° Cependant détruire le socia-lisme ne suffit pas toujours àlever le voile d’ignorance qui

entoure le libéralisme. Ce voileest épais dans un pays qui n’ajamais connu de gouvernementlibéral durable depuis des lus-tres. Les libéraux doivent doncse concentrer sur la pédagogiede la liberté, une mission auxaccents nouveaux, qui répondau besoin de changement radi-cal. Il faut donner aux Françaisl’occasion de rêver, plutôt quede remâcher leurs (justes)révoltes et rancunes. Le socia-lisme c’est le désespoir, le libé-ralisme c’est le renouveau.

3° L’anti-socialisme condamne sans doute les dirigeants actuels, mais aussi ceux qui les ont précéd és. Peu instruits du libéralisme, trop de Français croient que la poli ti que prati-quée sous les présidences Chirac ou Sarkozy a été libérale, alors qu’elle étai t pour l’essen-tiel socialiste.

2 Le supplément de la nouvelle lettre n°1260 www.libres.org

Les pièges : approches contre productivesLe piège de l’anti-socialisme

Le piège de la droite et de la gauche

… Lettre ouverte aux libéraux

1° Si dans certains pays le choixélectoral est entre une droitelibérale et une gauche socialiste,ce n’est pas vrai en France.D’ailleurs, quelques partis poli-tiques « de gauche » ont réalisédes réformes libérales décisives :par exemple, le Canada deChrétien, l’Allemagne deSchroeder, voire l’Angleterre deTony Blair.

La France a la particularité

d’avoir une « droite » étatiste,jacobine, héritière des légiti-mistes, des bonapartistes ; parcomparaison la droite girondineou orléaniste a été progressive-ment étouffée. Le gaullisme aaccentué le fossé, puisqu’en sonsein droite et gauche se « ras-semblent ». Un tronc communde dirigisme, de protectionnismeet de corporatisme permet à ladroite de faire une politique de

gauche (toujours) et à la gauchede faire une politique de droite(parfois).

2° Dans ces conditions, le débatrécent, initié par EmmanuelMacron, pour savoir si le libéra-lisme est de droite ou degauche, n’a aucun sens. Bastiatsiégeait à gauche, Tocquevilleau centre. Droite et gauche nefont qu’indiquer la place dansl’amphithéâtre des législateurs.

Page 3: Lettre ouverte aux liberaux

www.libres.org Le supplément de la nouvelle lettre n°1260 3

1° Une réforme ponctuelle, fût-elle nécessaire et bien pensée,se heurte à l’inertie et auxcontradictions nées d’un sys-tème globalement pervers. Leprogramme proposé par le «candidat libre » en 2012 énumé-rait sept mesures fondamentales :concurrence scolaire, salairecomplet, retraites par capitalisa-tion, impôts proportionnels,logements privés, referendumd’initiative populaire, réductionde la législation. L’avantage decette présentation était de don-ner un tour concret à un projetlibéral. L’inconvénient était delaisser croire que l’on ne pouvaitse lancer dans l’une de ces septréformes sans mettre en œuvreles six autres.

Le libéralisme appelle un change-ment global et des principes, etdes institutions, et des comporte-ments. Il est « compréhensif » di-sent les Anglais : c’est un tout.

2° Les principes ont plus d’im-portance que les mesures, car ilsles guident. Les mesures inter-viennent en aval, elles ne peu-vent réussir si en amont les prin-cipes ne sont pas respectés.Mais il est plus difficile a priori dese référer à une doctrine, lesgens croient à la supériorité del’empirisme – qui s’affranchit detoute vision d’ensemble. Auprétexte que certaines doctrinesont conduit à des drames éco-nomiques et humains, telle ladoctrine de la lutte des classes,il est malséant de se réclamerd’une doctrine, qui pourtantdonne un sens à tout change-ment, à toute vie. Réfléchir, envi-sager le long terme, c’estaujourd’hui perdre son temps. Lavictoire du « court-termisme »est un renoncement, un rejet detoute cohérence. Keynes plai-santait-il quand il affirmait « Dansle long terme nous serons tous

morts » ? Mises : « La devise dusocialisme, c’est après moi ledéluge ». Etonnant au siècle du « développement durable ». Maisles adversaires de la liberté n’hé-sitent pas à faire miroiter « legrand soir ».

3° Quand la maladie est grave, ilvaut mieux pratiquer la chirurgieque la médecine douce. Bastiatparlait d’un homme, qui devaitcouper la queue de son chienBourguignon : « Mon pauvreBourguignon, je dois te couper laqueue, mais pour que tu souffresmoins, je t’en couperai un petitmorceau chaque jour ». Lesgouvernants en position de réali-ser des réformes, notammentquand ils viennent d’être élus surun programme global, gaspillentleurs cent premiers jours, ils neparviendront jamais à réaliserdes changements en profondeur.

3° Contrairement au schémahabituel, la gauche françaisen’est pas le parti du mouvement,ni la droite celui de l’ordre. Lagauche est conservatrice : ellene veut pas éliminer les privi-lèges, elle veut les étendre etles protéger. La CGT est un hautlieu du conservatisme. Lessocialistes ont été incapables defaire leur charte de Bad

Godesberg. La droite a oubliédepuis longtemps sa missionde maintien de l’ordre : en dépitde ses discours sécuritaires ellea toléré et cultivé le laxisme judi-ciaire et carcéral, ainsi que ladésorganisation policière . C’estsouvent la rue qui a fait la loi à laplace du parlement. Les syndi-cats révolutionnaires ont étéécoutés, choyés et financés.

4° Les scandales politico-finan-ciers ont atteint la droite commela gauche. L’esprit civique en asouffert, et le populisme a trouvéainsi un terreau idéal. Le « capitalisme de connivence »,alliance de la classe politique etdes milieux d’affaires, a pu se développer avec tous les partisau pouvoir.

Le piège des réformes ponctuelles

Le piège statistique

… Lettre ouverte aux libéraux

1° Il existe une religion du chiffre.Un programme qui ne serait paschiffré serait aujourd’hui incom-pris et irrecevable. Or, les chif-fres ne sont pas des preuves,mais des résultats.2° Les chiffres s’envolent,comme les paroles. Une accu-mulation de chiffres impres-sionne dans un premier temps,

mais finit par lasser et embrouil-ler les esprits.3° La bataille des chiffres estincertaine. Tout chiffre à l’appuid’une thèse appelle un chiffre àl’appui de son contraire... Lemeilleur exemple est celui de lamesure des inégalités. 4° Certaines données décisivespour la vie en société ne sont

pas chiffrables, en dépit des son-dages d’opinion : la confiance, ledévouement, l’honneur. 5° Plus généralement les chif-fres mesurent ce qui se voit, etoublient ce qui ne se voit pas.On ne trouve pas un seul chiffredans l’œuvre de Bastiat ou deHayek, ni dans la théorie géné-rale de lord Keynes.

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4 Le supplément de la nouvelle lettre n°1260 www.libres.org

6° Mais les chiffres oriententtoujours la lecture des évène-ments en termes globaux. Lesstatisticiens travaillent sur descatégories, des classes, desmoyennes. Les sociologuesdécoupent la réalité humaine enstrates, tout comme les macro-économistes. Or, le libéralisme explique la réa-lité à partir des choix personnels ;l’individualisme méthodologiqueest indispensable à la descrip-tion et la compréhension desphénomènes sociaux.

7° Enfin, et non le moindre, lessources statistiques ne sont pastoujours fiables. Des manipula-tions sont incessantes de lapart de statisticiens peu scru-puleux, comme les équipes duGIEC à propos du réchauffementclimatique. En France, les sources sontentre les mains d’un monopolepublic, qui modifie à sa guise lesséries publiées, et s’en remet àdes monographies orientées. Au niveau international, lesétudes de l’OCDE et du FMI sont

d’une qualité déclinante, les apriori idéologiques sont trèsrepérables.

Les statistiques, et surtout leurstatut désormais dominant d’ar-guments suprêmes et depreuves scientifiques, ne peu-vent étayer un programme libé-ral. Certes, à la manière desépices, elles peuvent relever lasaveur des arguments libéraux.Mais une pincée suffit.L’important, ce sont les argu-ments.

Si les précédentes considéra-tions étaient d’essence méthodo-logique celles-ci se rapportent aucontenu même du libéralisme, etje n’aurai pas le front d’y insisterlourdement, puisque votre enga-

gement libéral est solide etconnu.

Cependant certains d’entre nous,par leur formation, par leur expé-rience, aiment bien instruire les

catéchumènes en donnant prio-

rité à tel ou tel argument. Mais

tous les arguments sont bons,

parce que le libéralisme est riche

de ses nombreuses dimensions.

Le libéralisme, çà marche ! Biensûr, puisque c’est l’antidote dusocialisme, qui ne marche pas.Mais, de façon positive, parceque les résultats sont les meil-leurs possibles. Sans doute est-ildifficile d’identifier un paysauthentiquement et complète-ment libéral. La Suisse est peut-être celui qui s’en approche leplus. Aux Etats Unis, les perfor-mances sont variables d’un Etat àl’autre. Néanmoins, ce sont bienles pays les plus libéraux qui ontles meilleurs résultats.

Résultats économiques : com-parez les taux de croissance, lestaux de chômage, l’état desfinances publiques. Depuis vingtans, Pacific Institute et Heritage

Foundation élaborent et publientannuellement un indice de libertééconomique, et le degré de libé-ralisme se mesure à cinq critèresmajeurs, imaginés par MiltonFriedman : taille du secteurpublic, respect de la propriété pri-vée, stabilité monétaire, libertédes échanges avec l’étranger ,poids des réglementations. Si leclassement des pays du mondeentier (160) est approximatif,l’évolution du même indice pourun même pays est significatif.Ainsi la France ne figure plusdans le premier tiers du classe-ment alors qu’elle était dans lepremier quart il y a vingt ans.D’autre part la corrélation entreindice de liberté économique ettaux de croissance, niveaux de

revenus et de leurs inégalités,est assez spectaculaire.

Résultats humains : sans verserdans l’économisme, on sait quela liberté économique s’accom-pagne d’une valorisation du capi-tal humain. Les indices de déve-loppement humain en attestent.Il est important pour les individuset leurs familles de trouver leurplace dans la société.

Une société libre sait accueilliret intégrer les immigrants, ilsaccèdent à l’emploi, à la pro-priété, ils concourent au progrèsgénéral, ce qui leur vaut considé-ration et fierté. Un EtatProvidence crée assistanat etcommunautarisme.

Les arguments à faire valoir

L’argument utilitaire

… Lettre ouverte aux libéraux

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www.libres.org Le supplément de la nouvelle lettre n°1260 5

Bien que l’argument utilitaristesoit le plus souvent employé, etse révèle convaincant, il n’est pasen soi suffisant. Ce n’est pasparce que « ça marche » quec’est bien. Le positivisme a seslimites : des circonstances histo-riques, géographiques, voireconjoncturelles ou aléatoires peu-vent être à l’origine de résultatspositifs.

L’atout maître du libéralisme estd’attribuer le succès de la libertéà la nature même de l’homme.Ce qui caractérise et spécifiel’être humain, c’est sa capacitéde créer, son désir de reconnais-sance personnelle, son empathie.Voilà pourquoi la propriétéaccompagne naturellement laliberté.

1° La créativité permet à chacund’utiliser et d’épanouir sestalents, de démontrer ses capaci-tés. Il n’y a pas d’autre ressource« naturelle » que celle de l’homme(Julian Simon : « ultimate res-source »). La créativité supposele choix, l’exploration de nou-velles voies : c’est la diversité quipermet par tâtonnement d’accé-

der à la connaissance. Le progrèsest processus d’essais et d’er-reurs (Hayek)

2° L’œuvre personnelle doit êtrereconnue, récompensée. Celuiqui concourt au bien-être desautres mérite d’être identifié, gra-tifié. C’est d’ailleurs ce qui incitechacun à faire de son mieux, l’efficacité est le fruit de la stimu-lation. Israël Kirzner « Ce n’estpas parce qu’il est efficace que lecapitalisme est juste, c’est parcequ’il est juste qu’il est efficace ».La justice « sociale » ne consistepas à partager « équitablement »la richesse communément accu-mulée, mais à donner à chacunla part de richesse qu’il a créée :qui trouve garde (finder keeper).Ce principe s’applique en parti-culier au profit réalisé par l’entre-preneur qui a ajouté de la valeur àce qui existait déjà.

3° La valeur elle-même naît duservice rendu aux autres. Parmiles « sentiments moraux » AdamSmith a repéré le sentiment quipousse l’être humain à entrer en résonance avec les autres, à comprendre leurs besoins et leurs satisfactions. Cette

« empathie » est l’origine del’échange, procédé caractéris-tique des relations humaines « On n’a jamais vu des chiens

échanger un os » (Friedman). Parnature, l’homme n’est pas « un

loup pour l’homme » (Hobbes),puisque ce n’est pas un loup.Bastiat cite la fable de Florian,l’aveugle dit au paralytique « Je

marcherai pour vous, vous y ver-

rez pour moi ».

4° La Propriété est une consé-quence nécessaire de la naturede l’homme. Dans la force dumot l’homme naît propriétaire(Bastiat) Puisque la nature del’homme est d’exploiter ses facul-tés pour créer, puisque créerc’est valoriser, puisque la valeurc’est le service des autres, l’insti-tution cardinale d’une sociétéhumaine est la propriété. Touteatteinte à la propriété est uneatteinte à l’homme : les facultésne sont que le prolongement dela personne, la propriété n’estque le prolongement des facultés(Bastiat encore). Les régimestotalitaires brisent cette chaîne et,ce faisant, brisent la personne. Lapropriété est de droit naturel.

Au-delà de l’humanisme, quiexplore et respecte la nature del’être humain, nombreux sont leslibéraux qui se posent la ques-tion : quelle est la destinée de lapersonne, quel est le sens desa vie ? Il est vraisemblable quedes millions de gens se posentaussi la question, même s’ils laformulent autrement, même s’ilss’en occupent de façon plus oumoins aléatoire, plus ou moinsapprofondie – en fonction de leurvécu, de leur âge.

La religion est à coup sûr une

réponse appropriée : les rela-tions entre Dieu et l’être humainsont existentielles (GabrielMarcel). Mais l’accès à la religionn’est pas toujours facile, et nom-breux sont les agnostiques,allant jusqu’à l’athéisme. Pourautant, chercher et donner unsens à sa vie est sans doute ladémarche la plus naturelle quisoit, parce que l’homme estattiré vers un plus – même s’ilne sait pas le nommer.

Les libéraux ne sont pas una-nimes pour utiliser l’argument

ontologique. Certains pensentque la liberté se suffit à elle-même. A leurs yeux l’usage de laliberté s’affranchit de toute coer-cition. Dans son fameux appen-dice de la Constitution de laLiberté (Pourquoi je ne suis pasconservateur) Hayek serait tentéde dénommer les libéraux des « libertariens », mais il hésite àuser d’un terme à la résonanceambiguë, car il croit aussi aupoids de la tradition, et s’assi-mile plus volontiers à un « vieuxwhig ».

L’argument humaniste

L’argument ontologique

… Lettre ouverte aux libéraux

Page 6: Lettre ouverte aux liberaux

8 Le supplément de la nouvelle lettre n°1260 www.libres.org

Parallèlement la phénoménolo-gie de Husserl, notamment pro-longée par Karol Wojtyla(Paroles et actes) met l’accentsur le poids de la vie elle-même,l’expérience donnant sans cesseà l’être humain l’occasion des’interroger sur son destin.Ancré dans des racines aussibien que porté sur des ailes, ilsubit ainsi une coercitionpuisqu’il est en rechercheéthique, en quête d’un bien etd’un mal. C’est ce qui le conduità ajuster sa vie.

Cet ajustement est recherche desoi-même. De la sorte, la libertéest « ordonnée à la dignité de lapersonne ». Liberté des actes,dignité des personnes, disaitJean Paul II. Se référer à ladignité des personnes pour pro-poser le libéralisme ne peutrepousser le catéchumène, carla dignité est le manteau qui

recouvre l’éthique personnelle.Qui revendiquerait l’indignitépour guide de sa vie, sinon lesphilosophes post-modernes quiessaient de pronostiquer « l’homme dévasté », commedisait Jean François Mattéi.L’homme s’autodétruisant, pro-mis au néant : ce message est-ilcompatible avec celui du libéra-lisme ? Le refus de la vie, lanégation du genre, la destruc-tion de la famille, la perte durespect : la liberté se reconnaît-elle à de tels objectifs ? Ou, toutà l’inverse, la liberté est-elle don-née aux hommes pour bâtir une« civilisation de l’amour » ? Leslibéraux, ceux du moins quiassocient liberté et dignité, peu-vent souvent vaincre la peur dulibéralisme en se plaçant sur leterrain de la destinée humaine.La foi dans la liberté s’articulefacilement avec l’espérance etla charité.

Peut-être cette dimension onto-logique du libéralisme est-elle detrop. Mais en sens inverse nosarguments manquent souventde pertinence parce qu’ils nefont pas référence à la dignité dela personne humaine, à sanature, à sa vocation. En cestemps de doute et de peur, ilfaut oser le libéralisme.

Tel est du moins mon sentiment.Comme les pièges que j’ai évo-qués, comme les arguments quej’ai rappelés, ce sentiment n’estpas inspiré par ma conceptionpersonnelle du libéralisme, maispar l’héritage intellectuel de tousces maîtres que j’ai lus, écoutés.J’espère ne pas avoir trahi cethéritage, ne pas vous avoir heur-tés, ni vous avoir fait perdrevotre temps. Le temps d’un libé-ral est toujours précieux.

… Lettre ouverte aux libéraux

Connaissance du libéralisme

pour ceux qui s’inquiètent pour la moralité du marché ou le matérialisme du capitalisme

Si le libéralisme n’est pas assez attractif dans notre pays, c’est qu’il n’est pas connu. Pasenseigné, pas traité, le libéralisme est caricaturé.Ce livret rétablit la vérité : non le libéralisme n’est pas la loi du plus fort, non la propriété n’estpas le vol, non l’intérêt personnel n’est pas l’égoïsme, non l’inégalité n’est pas l’injustice, etc.Au contraire le libéralisme a une dimension éthique : c’est une doctrine de la dignité de la per-sonne humaine et de l’harmonie sociale.

36 pages, 5 €

Se passer de l’Etat

à offrir à ceux qui craignent la disparition des écoles, des trains, de l’électricité, des

théâtres, des musées et des stades

Pas de sérieuse diminution des dépenses publiques sans réduction du périmètre de l’Etat.Des privatisations généralisées ne nuisent pas à la santé, ni à l’éducation, ni aux communica-tions, ni aux retraites de la population : c’est tout le contraire, comme le prouvent les réformespratiquées en Allemagne, en Grande Bretagne, en Scandinavie, en Europe Centrale ou auCanada, il est facile, confortable et économique de se passer de l’Etat dans beaucoup dedomaines.

36 pages, 5 €