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GAVALET Maryse
Travail de fin d'études
L'ETUDIANT INFIRMIER ET
L'AGIR COMPETENT
UE 3.4.S6 Initiation à la démarche de recherche
UE 5.6.S6 Analyse de la qualité et traitement de données scientifiques et professionnelles
Date de restitution: mardi 29 mai 2012Date soutenance orale: mardi 19 juin 2012
IFSI Le Blanc Promotion 2009/2012
2
Il s’agit d’un travail personnel effectué dans le cadre d’une scolarité à l’IFSI du Blanc
et il ne peut faire l’objet d’une publication en tout ou partie sans l’accord de son
auteur et de l’IFSI.
« J'atteste sur l'honneur que la rédaction de ce travail de fin d'études, réalisé en vue
de l'obtention du diplôme d'État d'infirmier(e), est uniquement la transcription de
mes réflexions et de mon travail personnel.
Et, si pour mon argumentation, je copie, j'emprunte un extrait, une partie ou la
totalité de pages d'un texte, je certifie avoir précisé les sources bibliographiques. »
3
Remerciements
Je tiens tout d’abord à remercier ma famille et mes amis qui m’ont soutenue
tout au long de ma formation. Je tiens aussi à exprimer ma gratitude à ma tante,
Mme Magalie Costes, qui a été très présente, qui m'a soutenue et aidée durant la
réalisation de ce travail.
Je remercie également l’équipe pédagogique de l’Institut de Formation en
Soins Infirmiers du Blanc ainsi que les équipes soignantes qui m’ont accueillie au
cours de mes stages.
4
Sommaire
I) Introduction .............................................................................. 5
II) Situation de départ ................................................................. 6
1) Démarche de questionnement................................................................ 7
III) La situation d'apprentissage .................................................. 8
1) Définition générale du concept................................................................ 8
2) Composition d'une situation.................................................................... 8
3) La situation simulée................................................................................. 9
4) La situation réelle.................................................................................... 11
IV) Le processus d'apprentissage …....................................... 131) Définition générale du concept................................................................ 13
2) But et conséquence de l'apprentissage................................................... 13
3) Connaissances et savoirs théoriques...................................................... 14
4) Rôle de la situation dans le processus d'apprentissage.......................... 17
5) Analyse de la pratique professionnelle.................................................... 23
V) La compétence …............................................................... 25
1) Définition générale du concept............................................................... 25
2) Composition d'une compétence............................................................. 27
3) La compétence: finalité de l'apprentissage............................................ 28
4) L'analyse des pratiques dans la compétence......................................... 29
VI ) Conclusion …...................................................................... 31
VII) Démarche de recherche ....................................................... 32
Bibliographie...................................................................................................... 34
Annexes............................................................................................................. 37
5
I) Introduction
La formation infirmière prépare les étudiants à devenir des professionnels
responsables, prêts à réagir dans des situations difficiles et assumer des décisions
qui peuvent être vitales pour le patient. De plus, l'infirmière est amenée à travailler
de plus en plus en interdisciplinarité et ses responsabilités vont augmenter..
Il est donc important que l'élève en formation acquiert les connaissances,
l'expérience et surtout les compétences nécessaires qui feront de lui un
professionnel.
J'ai décidé de me concentrer sur les situations d'apprentissage car « l’activité
infirmière c’est essentiellement et fondamentalement une pratique ».1
Ici, nous allons nous intéresser à l'action et à la pratique qui permettent à
l'étudiant de se retrouver face à des situations concrètes, réelles et
responsabilisantes car elles le confrontent à la pratique professionnelle, que se soit
en stage ou à l'institut de formation. J'appellerai ces situations des « situations
d'apprentissage particulières ».
Pour introduire mon travail, je décrirai une situation que j'ai vécue, puis la
démarche de questionnement qui en découle pour aboutir à ma question de départ.
Le cadre conceptuel de ce travail est la situation, ensuite en découle un
apprentissage avec des savoirs et des connaissances, et enfin, la compétence.
Le concept de compétence sera abordé à la fin car il faut d'abord définir tout le
processus antérieur qui permet son acquisition.
Ma démarche de recherche portera sur le retour réflexif de situation vécues en
stage et si les étudiants peuvent approfondir leurs compétences grâce à ces
échanges.
1 SAVOYANT. 2005. La professionnalisation des personnels infirmiers. p.3
6
II) Situation de départ
La situation se déroule en service de long séjour. Je suis alors en début de
deuxième année. Il s'agit de la première urgence à laquelle je suis confrontée. Mme
Marie2, une résidente, est atteinte de la maladie d'Alzheimer et oxygéno
dépendante. Vers 12H30, Mme Marie fait un arrêt respiratoire. Je m'en aperçois et
alerte l'infirmière. Je ne sais pas comment agir. Elle appelle le médecin qui me
demande d'aller chercher de suite le chariot d'urgence. Je me rend compte que je
n'ai jamais pris connaissance du chariot: je ne sais pas ce qu'il contient ni comment
il faut s'en servir. De plus, savoir que la vie de Mme Marie est en danger me met
une pression importante. Je cours chercher le chariot d'urgence et réfléchis à ce
que je pourrais faire en revenant dans la chambre. Je n'ai que des notions de
premiers gestes d'urgence appris lors de sessions de secourisme, mais je me rend
compte que je n'ai pas de réflexes lors d'une situation réelle. Je ne sais pas
comment gérer cela. De plus, même l'infirmière semblait ne pas savoir comment
agir car en service de long séjour, les urgences de ce type ne sont pas courantes.
Afin de ne pas me sentir inutile, j'aide l'infirmière à chercher le matériel nécessaire
dans le chariot, mais problème, celui-ci n'est pas assemblé, des pièces à usages
uniques ont été remises dans le chariot ce qui rend la tâche encore plus difficile. Je
décide alors d'aider le médecin en maintenant la tête de Mme Marie afin que ses
voies respiratoires restent ouvertes. Puis quelques minutes plus tard, le SAMU
arrive et prend totalement en charge Mme Marie.
Je reste dans la chambre jusqu'à l'évacuation de la résidente, afin de voir
toute la prise en soin. J'étais stressée mais soulagée que le SAMU soit présent pour
prodiguer des soins de qualité à Mme Marie.
Je ne me sens pas bien. J'aurai aimé faire plus. Je ne me sens pas
soignante: Mme Marie avait besoin de soins d'urgence mais ni moi, ni l'infirmière
n'étions préparées.
Le médecin m'a alors remerciée pour l'aide que je lui ai apporté.
2 Dont le nom a été déontologiquement modifié
7
1) Démarche de questionnement
A la suite de cette situation, mon premier questionnement était
principalement d'ordre technique ou émotionnel:
– Comment gérer son stress, sa culpabilité et son émotion face à une
urgence? Peut-on gérer son stress lors d'une première urgence ?
– Même si Mme Marie est rétablie, est ce que cette prise en charge est un
échec? Pourquoi n'ai je pas eu le réflexe de regarder le chariot d'urgence et
de prendre connaissance de la procédure?
– Est ce que, par la mauvaise connaissance des procédures d'urgence du
service, nous avons mis la vie de Mme Marie en danger? Comment ne pas
se sentir coupable ou inefficace après une urgence?
– Pourquoi l'infirmière ne connaissait pas le chariot d'urgence? L’équipe
soignante est-elle formée à ce type de prise en charge ? Les situations
d’urgence sont-elles rares dans ce service ?
Après réflexion, ce n'est pas le principal problème . En effet, ce qui ressort le plus
est mon manque d'expérience. Puis en l'écrivant et en prenant du recul, je me suis
demandée « est ce que j'ai les connaissances et l'expérience nécessaire pour réagir
à une première situation d'urgence? ». En début de deuxième année je ne suis pas
capable de gérer une urgence. Je n'ai pas été confronté assez de fois à ce genre de
situation, de plus, je n'ai pas assez de connaissances théoriques sur le sujet.
La question qui ressort est la suivante : le fait d'être confrontée à des
situations d'apprentissages particulières permet-il de développer un agir compétent?
J'ai alors concentré mes recherches sur les concepts de situation d'apprentissage,
de connaissance, d'apprentissage, de compétence. Je me suis rendu compte que,
grâce à cette urgence vécue, j'ai pu commencer un apprentissage, car si je suis
confrontée à une autre situation comme celle ci, je saurais mieux réagir, gérer mon
stress et prendre plus d'initiatives pertinentes même s'il me reste encore beaucoup
à apprendre.
De plus, développer ce concept d'apprentissage permet de faire prendre
conscience que l'apprentissage d'un métier est toujours complexe, qu'il faut passer
par certaines étapes difficiles, d'erreurs afin de se construire des connaissances et
d'être compétent dans le milieu professionnel.
8
II) La situation d'apprentissage
1) Définition générale du concept
Selon Patrick Mayen (chercheur en sciences de l'éducation), une situation
c'est « l'environnement, le monde ou la société qui partagent une action avec
moi »3. Autour de l'individu, différents acteurs et facteurs interagissent afin de créer
une action.
Une situation évolue, est en mouvement et se modifie car il s'agit d'une pratique,
d'une activité ou d'une action. L'individu agit sur l'environnement, le remanie, le
corrige, l'améliore afin d'atteindre son but.
« Du point de vue de la personne, une situation lui apparaît telle qu'elle
l'appréhende, la perçoit, la comprend, la problématise en vue d'y faire quelque
chose ou d'en faire quelque chose (…) Une situation est fonction des possibilités,
des actions et des intentions de la personne étant donné les circonstances
(moment, lieu, conjonctures,...) dans lesquelles elle se trouve et des ressources
internes et externes dont elle dispose » 4
Une situation est donc vue différemment selon les individus, chacun agira en
fonction de plusieurs facteurs. Une situation permet des interactions et aura un but
final.
2) Composition d'une situation
Selon Patrick Mayen5, une situation est composée de plusieurs ensembles:
-un lieu institutionnel, une structure : cadre spatial délimité. Par exemple: la
chambre d'un résident en maison de retraite.
-un espace organisationnel et relationnel: il s'inscrit dans le processus de travail.
C'est l'ensemble des tâches et des relations avec les autres (professionnels,
patients, familles) qui permettront d'arriver au service final. Je n'agis pas seul. Par
exemple, dans une situation de prise en soin d'un patient diabétique, d'autres
professionnels agissent: la diététicienne, le médecin, l'aide soignante, un membre
3 MAYEN. 2011. Situation de travail-de formation et d'évaluation. [Vidéo conférence]4 DOMENICO-FIDEL. 2009. Développer un agir compétent. p635 MAYEN. 2011. Situation de travail-de formation et d'évaluation. [Vidéo conférence]
9
de la famille. Chacun a une tâche/un rôle différent bien défini et organisé dans la
journée.
-une dimension temporelle: l'heure ou un moment particulier de la journée. Cela
peut aussi être une durée. Par exemple: au moment de la toilette d'un patient.
-une procédure: comment faire pour arriver au but, au service demandé. Par
exemple: un protocole de service.
-un but: ce que l'on doit atteindre: le service final. Par exemple: ablation d'une lame
selon le protocole.
Avant d'expliquer quel est le rôle concret des situations dans le processus
d'apprentissage, il faut d'abord comprendre et décrire ces situations
d'apprentissage.
Dans la pratique professionnelle, c'est « un ensemble de conditions et de
circonstances susceptibles d'amener une personne à construire des
connaissances »6. Une situation d'apprentissage induirait donc des connaissances,
permettrait de construire une démarche de réflexion.
Dans la formation infirmière, il est possible de distinguer deux sortes de situations:
3) La situation simulée
Suite aux connaissances théoriques, l'étudiant peut être confronté à un
début de pratique (que ce soit par l'action en salle de pratique, ou par narration,
comme une étude de cas, par exemple). Dans ce cas là, c'est le formateur qui
« organise » la situation. « Le formateur a conçu la situation de telle sorte que
l’apprenant soit amené à mobiliser, parmi ses ressources, des savoirs qui
permettent de traiter le problème et ainsi d’assimiler le savoir qui a permis de le
résoudre ».7
« La réussite de l’action ne peut plus être le principal critère ; il faut démontrer la
pertinence de la solution adoptée »8
6 FAEBERT. 2004. Caractérisation des situations d'apprentissage en groupe. p37 PASTRE-MAYEN-VERGNAUD. 2006. La didactique professionnelle. p438 PASTRE-MAYEN-VERGNAUD. 2006. La didactique professionnelle. p44
10
Le but d'une situation simulée est de faire les liens entre les savoirs utilisés
et la réponse apportée avec les formateurs, mais surtout de pouvoir expliquer les
liens, les pourquoi de telle ou telle action.
L'intérêt d'une situation simulée est le temps. En effet, lors d'une simulation,
il est toujours possible de stopper, de rectifier une erreur, de faire un point sur telle
pratique, de compléter l'action, d'aider l'étudiant dans un geste, poser des
questions...
Les situations simulées permettent un apprentissage plus accessible car il y a une
certaine souplesse: « Il (l'étudiant) ne peut traiter que les situations qu’il rencontre,
dans les conditions qui lui sont imposées et avec les seuls moyens à sa disposition.
La simulation permet d’apporter des degrés de liberté par rapport à cette
soumission au réel ».9
Dans la situation simulée, la responsabilité de l'étudiant est minime (juste
celle de bien réussir la pratique). De plus, il n'y a pas d'autres contraintes qui
viennent interagir avec l'action demandée (exemple: pas de sollicitations de
soignants, de patients, d'autres soins à effectuer...).
Selon Marguerite Altet, durant ces simulations, l'étudiant: « recherche, tâtonne,
explore, pose une question spontanément, propose spontanément une solution,
apporte des idées, a des initiatives, résout des problèmes, confronte, échange avec
d'autres élèves, demande de l'aide, donne son opinion, fait une hypothèse,
argumente, juge, évalue » 10
« Utiliser la simulation comme démarche didactique pose nécessairement le
problème de la relation entre la situation professionnelle de référence et la situation
simulée. Étant donné que le but est d’apprendre une activité, il faut bien que
l’apprentissage effectué dans la simulation aboutisse à la maîtrise de l’activité
portant sur la situation professionnelle de référence »11
Dans la formation infirmière, il n'est pas possible d'utiliser uniquement des situations
simulées comme pédagogie car l'étudiant ne serait alors, jamais confronté à des
situations réelles, donc au monde professionnel.
Les situations simulées permettent de préparer au réel. C'est lors du stage, lors de
la confrontation avec des situations réelles que les compétences seront évaluées.
9 PASTRE-MAYEN-VIGNAUD.2006. La didactique professionnelle. p.4510 RIEUNIER-RAYNAL. 2010. Pédagogie, dictionnaire des concepts clés. p.28.11 PASTRE-MAYEN-VIGNAUD.2006. La didactique professionnelle. p.43
11
4) La situation réelle
On peut aussi appeler ces situations : « situations professionnelles ou de travail ».
« La situation de travail, comme séquence en milieu professionnel, intervient
comme une situation qui va servir de référence à toutes les autres situations
d’apprentissage »12.
« La situation professionnelle comme la production d’un sujet « centre du monde »
immergé dans un champ de rapports dialectiques entre, « l'ici et maintenant », et «
les différents cercles contextuels » (établissement, entreprise, réseaux locaux ou
régionaux, institution, etc.) qui marquent de leur empreinte les conditions
d'expression du sens pratique et qui relèvent d'une hybridation entre habitus
individuel, habitus de classe et habitus professionnel. »13
C'est l'étudiant en stage qui découvre le monde professionnel.
Il semble donc important de définir ce qu'est un stage: « Un stage est une
période de formation pratique en entreprise, complémentaire aux études
théoriques »14. Donc en plus de l'école et de la théorie: c'est la pratique.
« Le stage constitue une période d'observation et de formation pratique. Il s'inscrit
dans le cadre d'un cursus de formation initiale scolaire ou universitaire qu'il a
vocation à compléter et qui a pour objet principal la familiarisation avec le milieu
professionnel. Il doit permettre à l'étudiant de faire le lien entre les connaissances
acquises pendant la scolarité et leur application dans le futur métier dans lequel il
se prépare »15
« Le but est d’acquérir des compétences pratiques, de confirmer ou d’infirmer
l'orientation vers une filière ou un métier, et d'habituer progressivement au monde
du travail »16.
C'est durant le stage que l'étudiant acquiert ou améliore ses compétences.
La situation réelle confronte l'étudiant à des situations non simulées: il agit
en coopération avec des professionnels de santé, dispose de ressources propres
12 PASTRE-MAYEN-VIGNAUD.2006. La didactique professionnelle. p.4613 MARCEL-TUPI. 2010. La situation professionnelle contribution des sciences de l'éducation à
l'élaboration d'un objet scientifique. p.114 2011. qu'est ce qu'un stage? [internet]
15circulaire du 23 juillet 2009
162011. qu'est ce qu'un stage? [internet]
12
au lieu de stage, mais surtout, il s'occupe de personnes malades, souffrant de telle
ou telle pathologie, en demande d'écoute, de soins et de guérison... C'est la
responsabilité et l'incidence des actions de l'étudiant sur la personne.
Certaines situations sont programmées (exemple: éducation alimentaire d'un
diabétique), en revanche, d'autres seront aléatoires ou imprévues (exemple: prise
en charge d'une chute d'un patient dans le couloir d'un service, ou un arrêt cardio-
respiratoire).
L'étudiant se voit confier des responsabilités, une organisation de service et
des actions concrètes sur la santé des patients durant son stage car ce dernier est
inscrit dans le processus d'apprentissage. Chaque acte durant ce stage peut donc
être considéré comme situation d'apprentissage réelle.
Mais quel est l'objectif du stage vis à vis des situations professionnelles que
l'étudiant va rencontrer?
« L’objectif essentiel est que ce dernier maîtrise le plus rapidement possible la
situation spécifique dans laquelle il est engagé en tant que stagiaire et en tant que
producteur »17.
De plus, dans le port folio de l'étudiant en soins infirmiers, il est précisé qu'un de ses
rôles est de « s'impliquer dans la résolution des situations ».
Durant ces périodes, l'étudiant sera donc confronté à ces situations réelles,
mais toujours dans un objectif d'apprentissage.
Ces situations réelles sont en interactions avec les simulations et les cours
théoriques de l'école.
« Pour agir en situation, la personne devrait faire appel aux bonnes ressources, les
combiner de manière efficace et les utiliser à bon escient »18
Les situations d'apprentissage sont donc inscrites dans un cadre de
« compétences ». Mais avant d'être compétent, il faut apprendre.
Pour devenir professionnel, l'étudiant devra savoir gérer et comprendre les
situations auxquelles il sera confronté.
Pour cela, un processus d'apprentissage est nécessaire.
17 PASTRE-MAYEN-VIGNAUD.2006. La didactique professionnelle. p.4618 COUDRAY-GAY. 2009. Le défi des compétence. p.42
13
II) L'apprentissage
1) Définition générale du concept
Selon le petit Robert 2006 , se sont des modifications durables du comportement
d'un sujet grâces à des expériences répétées.
Malcuit définit l'apprentissage comme « le processus ou l'ensemble des processus
qui sous-entendent les modifications de comportement survenant à la suite de
l'expérience ou du contact avec l'environnement » 19
C'est aussi une « période durant laquelle quelqu'un apprend un savoir-faire
nouveau et le processus par lequel ce savoir nouveau s'acquiert »20
« Modification de la capacité d'un individu à réaliser une activité sous l 'effet des
interactions avec son environnement. (…) Il est généralement entendu que la
modification consiste en un progrès » 21
On peut associer plusieurs termes à apprentissage: processus, changement,
cheminement, évolution, modification...
L'apprentissage est une démarche temporelle, plus ou moins étendue dans le
temps. Il s'agit d'une transformation. Ce cheminement peut parfois être difficile car
apprendre passe par l'assimilation de savoirs théoriques, des expériences, mais
aussi par des erreurs, ou des essais infructueux.
2) But et conséquence de l'apprentissage
Quel est la conséquence et le but de l'apprentissage? Selon
Lieberman:« l'apprentissage se traduit par un changement relativement permanent
de notre capacité à effectuer, changement dû à des types particuliers
d'expérience »22
Apprendre induirait donc la modification du comportement de l'individu.
19 CLEMENT. 2006. Apprentissage et conditionnement. p.1020 FORMARIER-JOVIC. 2009. Les concepts en sciences infirmières. p.7221 BLAY. 2008. Dictionnaire des concepts philosophiques. p.7822 CLEMENT. 2006. Apprentissage et conditionnement p.11
14
« L’activité infirmière est une pratique d’abord en ce qu’elle est en partie une
activité d’application de procédures, de protocoles et de prescriptions, dont
l’ensemble définit bien la dimension technique de l’activité. Comme dans toute
situation de ce type, la stricte application de ces procédures ne signifie pas leur
mise en œuvre aveugle. Le point essentiel ici est la compréhension de la
procédure, de tout ce qui la justifie et la rend nécessaire (le problème auquel elle
répond et toutes les caractéristiques de la situation qui en déterminent le contenu) » 23 Apprendre, ce n'est pas seulement faire, mais aussi comprendre.
« Apprendre, selon Claparède, ne consiste pas pour l'élève à accumuler des
connaissances mais à exercer son intelligence et à acquérir des méthodes de
pensée » 24
Pour illustrer le concept d'apprentissage, se reporter à l'annexe 1 qui reprend
ses différentes caractéristiques.
Quand j'apprends, qu'est ce que je transforme?
« Les objets d'apprentissage renvoient à tout ce qu'un individu peut apprendre:
langage, attitudes, concepts, comportement, faits, informations, gestes,
méthodes,... » 25
La confrontation avec des situations réelles (en stage par exemple) ou simulées
(par les formateurs) a une très grande importance dans l'apprentissage.
« Mais l’analyse du travail a aussi une autre fonction : elle est un instrument
puissant pour les apprentissages. Car il ne nous a pas échappé qu’on apprend
aussi en travaillant : l’activité s’accompagne toujours d’apprentissage ».26
Le but de l'apprentissage infirmier est donc la compétence professionnelle.
3) Savoirs théoriques
Tout d'abord, il faut savoir qu'être infirmière implique de nombreuses responsabilités
du fait que la santé d'individus en dépend. Le professionnel et l'étudiant sont
confrontés tous les jours à des situations à risque, il n'est donc pas concevable que
l'apprentissage pratique se fasse immédiatement « sur le tas ».
23 SAVOYANT. 2005. La professionnalisation des personnels infirmiers. p.424 ALTET. 2006. Les pédagogies de l'apprentissage. p.2525 REUNIER-RAYNAL. 2010. Pédagogie, dictionnaire des concepts clés. p.2426 PASTRE-MAYEN-VIGNAUD.2006. La didactique professionnelle. p.43
15
De plus, il n'y a aucun bénéfice si l'élève ne comprend pas les actes qu'il exécute.
En effet, est-il possible de comprendre les fondements d'un soin, si je ne connais
pas le concept de soin, ou de pudeur, de douleur, de soignant? Ou comment
soigner si j'exécute un soin sans savoir pourquoi, ou quelle est la surveillance
nécessaire.
Des savoirs théoriques sont nécessaires avant d'être confronté à la réalité d'une
situation.
« La théorie est un excellent outil pour expliquer et prévoir » 27
D'après Le Quillet, le savoir est « avoir connaissance de..., être instruit de ou
dans..., être capable de...C'est aussi la somme de ce que l'on a appris »28 .
Les connaissances théoriques sont reliées aux connaissances déclaratives (sur les
objets), c'est à dire qu'elles « concernent les faits, ce sont des savoirs: elles portent
sur les propriétés des objets et leurs relations »29
Le savoir est « largement utilisé comme synonyme de connaissance. Mais peut
aussi prendre le sens de science, information, compétence, croyance, contenu,
représentation,... » 30
Tous ces savoirs ne sont pas valables uniquement en début de première
année, mais tout au long des trois années de formation.
« Le savoir théorique répond au besoin de comprendre en établissant des relations
de cause à effet. Il permet ainsi d'accéder à une vision panoramique de la réalité qui
conduit l'individu à prendre du recul par rapport à son expérience. En organisant
ainsi le savoir d'expérience, le savoir théorique permet d'en corriger les distorsions,
de répondre à certaines des questions qu'il a suscité, de mettre à jour le contenu de
certaines intuitions qu'il véhicule. » 31
La connaissance théorique permet de connaître des faits et non des actions: c'est le
« savoir comment » et « savoir que ».
Dans la formation infirmière, ce sont les cours magistraux par exemple.
Exemple: savoir comment fonctionne le système cardio-pulmonaire pour ensuite
27 BENNER. 1995. De novice à expert. p828 WALTER. 1988. Le savoir infirmier. p.2529 REUNIER-RAYNAL. 2010. Pédagogie, dictionnaire des concepts clés. p.8730 REUNIER-RAYNAL. 2010. Pédagogie, dictionnaire des concepts clés. p.32731 ARTAUD. 1981. Savoirs d'expérience et savoirs théoriques. p.6
16
mobiliser ses connaissances dans une situation ou un patient serait en insuffisance
cardiaque.
Le savoir théorique peut aussi se dégager par l'étude de situations, comme
une démarche de soin sur le dossier d'un patient , ou par le récit d'une expérience
vécue.
« S'il arrive à l'enseignement magistral de faire appel à l'expérience subjective de
l'apprenant, c'est dans une intention bien précise : celle d'assurer une meilleure
efficacité de la transmission des contenus en suscitant le désir d'apprendre ou de
parvenir à une meilleure compréhension des notions théoriques en se référant à
des exemples et à des situations de la vie courante »32.
La connaissance et les savoirs théoriques font partis de la première étape
« comprendre » :« l'étudiant acquiert les savoirs nécessaires à la compréhension de
la situation et du résultat attendu »33
Ces savoirs seront aussi en interaction avec les situations vécues. Certes, avant le
premier stage, il est nécessaire de connaître les grands fondamentaux, comme les
grands systèmes du corps humain, les concepts,.... Mais tout au long de sa
formation, l'étudiant aura toujours des apports théoriques afin de faire les liens avec
sa pratique et les situations professionnelles rencontrées.
« Un étudiant peut déjà découvrir des situations du métier au premier
semestre, appréhender des premiers éléments du raisonnement clinique,
comprendre, connaître et reconnaître les « cycles de la vie » tout en développant
des premiers acquis sur les soins de confort et de bien-être »34
Tous les savoirs théoriques sont complémentaires de l'action. Il seront sans cesse
mobilisés au travers des situations rencontrées « Il leur (les étudiants) ai demandé
de mobiliser leurs savoirs, de décrire leurs actions et d'essayer de les expliquer »35
« Le choix opéré dans la formation est de permettre l'acquisition des savoirs liés à
la santé et aux pathologies non par accumulation et empilage d'une liste de
connaissances des disciplines médicales, mais par leur mobilisation tout au long de
la formation »36
32 ARTAUD. 1981. Savoirs d'expérience et savoirs théoriques. p.633 COUDRAY-GAY. 2009. Le défi des compétences. p.4434 COUDRAY-GAY. 2009. Le défi des compétences. p.6935 COUDRAY-GAY. 2009. Le défi des compétences. p.7036 COUDRAY-GAY. 2009. Le défi des compétences. p.77
17
Les savoirs et connaissances théoriques ont donc une grande place dans la
compétence.
Guy le Boterf distingue plusieurs types de compétences, dont celles des savoirs
théoriques: savoir comprendre, savoir interpréter.
Les savoirs théoriques vont se compléter avec les savoirs d'actions.
4) Rôle de la situation dans le processus d'apprentissage
« Pour permettre l'acquisition des compétences, la construction pédagogique
s'articule autour de situations professionnelles clés. En effet, l'étudiant doit, à la fin
de sa formation, être capable d'agir dans des situations professionnelles données
(au niveau débutant dans le métier). Il s'agit donc de lui permettre, au cours de sa
formation, de mobiliser ses différents savoirs dans des situations professionnelles
(réelles ou simulées) différentes, avec une progression dans la mise en œuvre »37
Pour permettre ce processus d'acquisition de compétence, l'étudiant est confronté à
des situations réelles en stage. Il va apprendre par l'expérience, par la résolution de
problèmes, mais aussi par les essais et erreurs, par l'observation des pratiques...
Précédemment, nous avons vu en détail ce que sont, les connaissances, les
savoirs, les situations en général, les situations d'apprentissage simulées ou réelles.
Maintenant, comment les situations d'apprentissage jouent-elle dans le processus
d'apprentissage? Comment assimile t-on des connaissances ,des savoirs par
l'action?
Comme il a été dit précédemment, une situation peut être simulée par des
formateurs (exemple: apprendre à faire le massage cardiaque) mais aussi réelles en
milieu de stage (exemple: gérer une urgence vitale d'un patient en arrêt cardio-
respiratoire). Ces deux genres de situations sont sources d'apprentissage.
Selon Chevalier (2004), il est possible de distinguer trois buts dans l'apprentissage:
-Apprendre que (savoirs) « acquérir de nouvelles informations, puis les organiser et
les associer à des connaissances antérieures »
-Apprendre à (savoir-faire) « acquérir de nouvelles compétences, techniques ou
habiletés »
37 COUDRAY-GAY. 2009. Le défi des compétences. p.42
18
-Apprendre comment « acquérir les stratégies de compréhension, de résolution de
tâches ou de problème » 38. C'est, d'une certaine façon, le savoir-être. Ce dernier
concerne principalement le caractère et le comportement de l'individu. Ce sont des
« qualités » ou des capacités comme l'empathie, la motivation, le respect, bon esprit
d'analyse.... « Capacité à sélectionner et à globaliser de façon pertinente
l'information disponible pour parvenir à un diagnostic fiable et/ou une solution
adaptée »39.
Selon Skinner « nous n'apprenons que ce que nous faisons. Nous
apprenons par l'expérience. Nous apprenons par essais et erreurs ».
Il y a différents « types » d'apprentissage: par problème, par projet, expérientiel,
social, coopératif, par essais et erreurs... Certains de ces types d'apprentissages
permettent à l'apprenant d'être actif.
Les savoirs acquis par l'étudiant vont être mobilisés, transformés,
approfondis. « On désigne par savoir la capacité qu'un individu a acquis de
désigner, de discriminer, de décrire des objets extérieurs à lui et par connaissance
l'appropriation des savoirs. L'apprentissage ne peut plus être assimilé à un
stockage de savoirs transmis. Le processus d'apprentissage commence quand ces
savoirs sont incarnés, quand le sujet ou plutôt la personne est capable d'agir sur et
avec ce savoir, dès que la personne, par son projet, les habite. L'apprentissage est
alors appropriation,c'est à dire transformation du savoir et de la personne qui sait».40
Après les savoirs théoriques, l'élève va être confronté à une situation
pratique pour acquérir des savoirs professionnels.
Afin de bien visualiser comment se fait le processus d'apprentissage, il faut
d'abord comprendre le mécanisme des différentes étapes. Chaque étape sera
décrite, analysée et expliquée par des citations de théoriciens ou chercheurs, par
des expériences vécues ou par des exemples dans la pratique infirmière.
38 CHEVALIER. 2004. Apprentissage moteur et processus d'apprentissage .p.939 Le savoir-être.2003 [|internet]40 DONNADIEU-GENTHON.1998. Les théories de l'apprentissage. p.25 et 26
19
« Au départ de tout apprentissage, il y a une action globale au projet. Cette
action provoque un déséquilibre dans un milieu. Il y a un effet. L'individu perçoit cet
effet et, de ce fait, cela va le renseigner sur la validité de son projet, il va
s'accommoder plus ou moins de son action. Ces informations qu'il va recevoir vont
être pour lui un temps où il va se réorganiser. Il va se relancer dans une action
menée plus surement grâce à une énergie et une motivation plus importante dans
la mesure où le renvoi de son action lui a permis de percevoir des éléments positifs
(dans le sens où il s'est passé quelque chose à cause d'un acte). Ce nouvel acte
provoque également une ré-exploration du milieu des variables. Mais cette fois ci
plus réfléchie. La nouvelle réponse, la réaction plus juste donne une régularité. Il y a
cheminement intellectuel et, au bout d'un certain nombre d'actions, il y aura une
réflexion à un niveau plus élevé et une approche de la théorisation des concepts.
Associé à cela il y a découverte d'un pouvoir. Pouvoir sur la matière, pouvoir d'agir,
pouvoir sur les gens, pouvoir sur le social »41
Ce texte résume les différentes étapes de l'apprentissage par l'action. Ce processus
est donc une suite d'étapes qui s'enchainent, un cheminement qui « tourne » autour
des mêmes actions et analyses. Pour illustrer ces propos, se reporter aux annexes
2 et 3.
Voici l'exemple du livre le défi des compétences, qui décrit le processus
d'apprentissage selon trois paliers: comprendre-faire-transposer.
-comprendre: « l'étudiant acquiert les savoirs nécessaire à la compréhension de la
situation et du résultat attendu »42
C'est l'activité de réflexion. C'est se situer par rapport à l'action. C'est le moment où
l'apprenant réfléchi à son action, commence à mettre en lien son savoir à la
situation pratique.
« Le savoir théorique répond au besoin de comprendre en établissant des relations
de cause à effet »43
Dans l'étape comprendre, se trouve aussi le discernement, de la part de l'étudiant,
de toutes les ressources qu'il dispose avant d'être confronté à la situation.
41 ALTET. 2006. Les pédagogies de l'apprentissage. P.7342 COUDRAY-GAY. 2009. Le défi des compétences. p4443 ARTAUD. 1981. Savoirs d'expérience et savoirs théoriques .p.6
20
« Une personne qui cherche à améliorer une situation s'appuie sur un ensemble de
ressources »44. Prenons l'exemple d'un étudiant, en service de chirurgie, qui veut
effectuer une toilette complète au lit d'un patient opéré pour une pose d'une
prothèse totale de la hanche.
Selon le livre « Développer un agir compétent », on retrouve cinq ressources
différentes: cognitives (savoirs théoriques, par exemple, connaissances de la
procédure d'une toilette, sur ce qu'est une prothèse totale de hanche, les
précautions à prendre ,...). Corporelles (position du patient de façon à ne pas luxer
la prothèse, de l'étudiant pour ne pas se faire au mal au dos,...). Conatives (qualités
qui permettent d'effectuer le travail comme la confiance en soi, la patience, la
motivation,...). Matérielles (lit médicalisé, adaptable, bassin,...). Humaines (patient,
aides soignantes, infirmières, chirurgiens...).
Comprendre la situation c'est donc identifier toutes les ressources, tous les
composants qui la constitue afin de pouvoir agir et répondre au besoin car « l'action
implique toujours le déploiement articulé d'un ensemble de ressources » 45. Si je ne
sais pas de quoi je dispose autour de moi, comment pourrai-je faire une prise en
soin de qualité? Il doit y avoir un travail de réflexion avant toute action.
L'étudiant ayant identifié et compris la situation, il va ensuite effectuer le geste.
-faire: « l'étudiant mobilise ses savoirs en situation et acquiert la capacité à agir et à
apprécier le résultat de son action »46
« C'est dans et par l'action en situation et tout ce qui intervient dans la mise en
action d'une situation qu'une personne construit, entre autres, les ressources
cognitives et qu'elle développe son agir compétent »47
C'est se positionner et transformer la situation. Il s'agit d'une activité réflexive. Le fait
d'être confronté à des situations professionnelles, l'étudiant va se former de
l'expérience et des savoirs d'action. Le seul fait d'avoir été confronté même une
seule foi à une situation particulière, constitue une expérience. Selon Barbier,
l'expérience c'est « l'exercice par un sujet d'une activité ».
44 DOMENICO-FIDEL. 2009 développer un agir compétent .p.7145 DOMENICO-FIDEL. 2009 développer un agir compétent .p.7146 COUDRAY-GAY. 2009. Le défi des compétences. p4447 DOMENICO-FIDEL. 2009 développer un agir compétent .p.71
21
Les situations d'apprentissage vont permettre l'acquisition de trois sortes de savoirs:
«Le savoir d’action qui guide le processus de l’activité (savoir de positionnement
(identitaire), de process, de communication, le savoir d’expérience qui peut-être
issu d’une expérience vécue et qui a interrogé le sujet, le savoir lié à l’expérience au
sens du développement d’une expertise ». 48
John Dewey développe une méthode « apprendre en agissant, qui est
fondée sur les activités de l'élève et sur sa formation cognitive à partir des
expériences qu'il effectue. Dewey défend l'apprentissage signifiant qui permet
l'intégration progressive des savoirs par l'interaction avec le milieu, l'enseignant et
les pairs: c'est la continuité et l'interaction de l'expérience qui, par leur active union,
fournissent l'exacte mesure de la signification éducative et la valeur de l'expérience.
Activité, expérience, situation, interaction et sens du projet sont des éléments clés
de la pédagogie Deweyenne »49
Skinner aussi décrit la place important qu'a l'expérience et l'activité dans
l'apprentissage . Selon lui « l'apprentissage par l'action place l'accent sur la
réponse. L'apprentissage par l'expérience sur l'occasion dans laquelle la réponse
survient; l'apprentissage par essais et erreurs sur les conséquences de la
réponse »50
Où encore pour Piaget et Kolb, nous apprenons par l'expérience et l'action.
Prenons un exemple d'apprentissage par erreur.
Le médecin prescrit une injection d'antibiotique car un patient est atteint d'une
infection urinaire. L'étudiant se rappelle qu'à son arrivé, une infirmière avait fait cette
injection en intra musculaire à une patiente. Mais il n'a pas demandé les
antécédents de la patiente, ni le pourquoi de la prescription. Il demande donc à
pratiquer l'injection (en ayant précédemment fait le lien de cette prescription avec
l'infection). Il la prépare et l'effectue en intramusculaire.
Dans la soirée, le patient se plaint de douleurs au niveau du point de ponction de
l'injection. De plus, un énorme hématome c'est formé. L'étudiant n'a pas tenu
compte de son traitement actuel (le patient est sous AVK) mais uniquement de son
infection urinaire.
48 CHOCAT. 2009. Le savoir d'expérience. p.449 ALTET. 2006. Les pédagogies de l'apprentissage. p.2350 ALTET. 2006. Les pédagogies de l'apprentissage. p.28
22
Le patient aurait pu faire une hémorragie ou un hématome plus profond.
Suite à cette erreur, l'étudiant retirera aussi des connaissances de cette situation.
« Le problème crée un déséquilibre, une prise de conscience et son énoncé
contribue à un retour d’équilibre dans la mesure où le contexte favorise cette
dynamique ». 51
« Dans une situation problème, les contraintes et les ressources sont organisées
pour que l'étudiant rencontre un obstacle et acquiert les connaissances spécifiques
et des compétences pour le résoudre. Les apprenants sont plus autonomes,
développent leur esprit critique et stabilisent leurs connaissances » 52
L'annexe 4 illustre ce processus d'apprentissage par les situations
concrètes.
-transposer: « l'étudiant transpose ses acquis dans de nouvelles situations, ce qui
lui permet de conceptualiser et d'acquérir la capacité à s'adapter à d'autres
situations encore inconnues »53
L'étape de la transposition est le résultat de toutes les autres. Elle résulte de l'action
et de l'analyse qui en suit. Il existe plusieurs synonymes de transposer: déplacer,
modifier, permuter... C'est reporter les savoirs professionnels dans une autre
situation.
« Chaque situation d'apprentissage doit proposer des concepts clés pour structurer
le savoir recherché de même que diverses stratégies cognitives dynamiques. Les
mécanismes de réalisation des apprentissages proposés doivent aussi se situer
dans une progression de la difficulté qui donne à l'étudiante l'occasion de
développer peu à peu ses connaissances, son jugement clinique, ses habilités et
son autonomie ».54
Plus on est confronté à une action, plus on peut la maitriser, la gérer et
transposer nos différents savoirs, mais uniquement en suivant un processus précis.
Prenons un exemple concret. Dans un établissement scolaire, je fais un premier
entretien d'écoute avec un élève en difficulté. Durant cet entretien, j'ai fais quelques
erreurs, des oublis, ou j'ai du mal à trouver mes mots. J'analyse pourquoi, qu'est ce
51 CHOCAT. 2009. Le savoir d'expérience. p.752 FORMARIER-JOVIC. 2009. Les concepts en sciences infirmières. p.7253 COUDRAY-GAY. 2009. Le défi des compétences. p.4454 PHANEUF. 2004. Le concept de compétence comme structurant du programme de formation
infirmier. p.4
23
que j'aurai du faire de mieux?
Je refais le même type d'entretien plus tard (avec un autre élève), je me rappelle de
mon expérience antérieure, donc j'essaye de ne pas refaire les mêmes erreurs et
oublis: j'améliore ma performance. Suite à ce deuxième entretien, je refais une
analyse de ma pratique, les liens avec mes différents savoirs... ainsi de suite. Au
bout d'un certain temps, et d'une certaine expérience, j'aurai acquis la maitrise de
ce type d'entretien.
Avant de transposer les différents savoirs (théoriques, d'actions,...), il est
nécessaire d'avoir un retour réflexif qui correspond au « feed-back ». C'est l'analyse
de la pratique, du résultat de la procédure utilisée pour répondre à la situation.
5) Analyse de la pratique professionnelle
Sans l'analyse de la pratique, le rôle des situations dans le processus
d'apprentissage ne serait pas complet.
En effet, c'est l'analyse qui permet de comprendre les situations
d'apprentissage et de transposer les savoirs acquis. Le geste technique, ne
demande pas de réflexion préalable, sauf le respect du protocole et une certaine
dextérité qui permet de faire le soin. Alors que l'analyse permet la compréhension
de la situation et du geste, elle est omniprésente dans le processus. Dans le métier
infirmier, il serait extrêmement dangereux d'effectuer des soins dans l'ignorance,
sans savoir pourquoi. Une erreur peut être fatale pour le patient. Les étudiants sont
formés pour être des professionnels réflexifs et responsables dans les choix qu'ils
devront prendre. L'analyse est complémentaire à la pratique mais aussi aux cours
théoriques.
C'est pour cela qu'il m'a semblé très important d'expliquer le rôle de l'analyse de
situation car elle est présente dans tous les paliers de l'apprentissage.
« Dans le cadre du développement de capacités : en y associant une
approche inductive et/ou réflexive à partir de situations vécues, une certaine
posture de la part de l’étudiant (de questionnement, d’implication, de réflexion, de
prise de distance), du formateur, une référence à des cadres théoriques explicatifs
(ex : psycho dynamique du travail…), une interactivité, on peut travailler et
développer :
24
-d'ordre cognitif : l’analyse de situation, l’observation, la conceptualisation, la
capacité à transférer des savoirs, à les extraire, à nommer, à décrire, à établir des
liens avec des cadres théoriques de référence, à donner du sens : « Ces savoirs
professionnels sont des piliers à la réflexion soignante ».
-d'ordre affectif : travail sur les ressentis, les émotions. Ce savoir d’expérience «
génère de l’émotion et cette émotion facilite l’apprentissage et la mise en mémoire
».
-d'ordre identitaire : dynamique de construction d’une identité professionnelle et
notamment par le biais de ce décalage théorie – pratique » 55
Il est vrai que la notion des émotions n'a pas été abordée. Mais il faut savoir
que dans le milieu infirmier, la gestion des émotions est aussi un apprentissage. En
effet, un étudiant peut avoir du mal à gérer son angoisse par rapport à une situation
d'urgence, son impatience face à une difficulté, ou la tristesse face à un décès. Avec
la pratique et l'expérience, il apprendra aussi à gérer cela, ce qui lui permettra de
garder une attitude soignante quand aux émotions. Chaque personne est singulière,
cet apprentissage n'a donc pas le même avancement pour tous les étudiants.
Certains prendront des situations beaucoup plus à cœur et d'autres seront moins
stressés.
Durant la formation les retours réflexifs et l'analyse des situations
professionnelles sont omniprésents: durant le stage, en salle de pratique, initiation
aux démarches de soins, études de cas concrets, récits de situations de stage en
groupe puis partage entre les étudiants, durant les cours magistraux, dans le port
folio et durant les suivis pédagogiques du stage avec un formateur.
L'analyse n'est pas uniquement relater une situation, « à ce moment là, j'ai fais ça...
j'ai entendu une infirmière dire cela.... », mais c'est surtout faire ressortir du vécu ce
que l'on apprend et ressent.
« Le retour sur l’expérience vécue en situation dans un dispositif de formation par
alternance, ne peut pas être un simple retour sur l’action de celui qui apprend, mais
c’est forcément aussi un retour sur son activité de compréhension, d’interprétation
des situations, de l’activité des autres plus expérimentés ». 56
55 CHOCAT. 2009. Le savoir d'expérience. p.256 PASTRE-MAYEN-VIGNAUD. 2006. La didactique professionnelle. p.48
25
V) La compétence
Alors que les savoirs théoriques sont validés à l'école, les compétences sont
évaluées en stage. C'est durant cette période de stage que l'étudiant sera confronté
aux situations réelles, et par la suite, les professionnels l'évalueront en remplissant
le bilan de stage.
La formation infirmière est un programme structuré à partir de compétences. Ce
programme « met l'accent sur le processus d'apprentissage et peut conduire à une
meilleure intégration des savoirs et des conduites, à une plus grande autonomie du
jeune gradué en facilitant son adaptation à des situations complexes et permet ainsi
un meilleur transfert des connaissances acquises au collège vers les situations de
travail » 57
« Le référentiel de compétences positionne d'emblée l'infirmier dans une pratique
réflexive basée sur le raisonnement clinique : de quelles informations ai-je besoin
pour agir? Quels signes, quels symptômes sont observés? Quelles sont les
ressources, les attentes, les besoins de la personne? Quelle est mon analyse de la
situation et comment cela oriente-t-il mon action? Comment adapter les soins, les
réajuster en fonction de l'évolution de la situation? Comment évaluer mon
action? »58
Pour que les compétences soient acquises, l'étudiant doit passer par une
démarche réflexive nécessaire afin que les professionnels puissent l'évaluer.
Nous allons donc voir ce qu'est une compétence, de quoi elle est composée, son
rôle dans la formation infirmière ainsi que sa place.
1) Définition générale du concept
Le concept de compétence est très large et du fait très difficile à définir. Il existe de
nombreuses définitions et toutes se complètent: « la compétence est la maitrise
d'un savoir faire opérationnel relatif aux activités d'une situation déterminée,
requérant des connaissances et des comportements. Elle est inséparable de l'action
et ne peut être appréhendée qu'au travers de l'activité »59
57 PHANEUF. 2004. Le concept de compétence comme structurant du programme de formation infirmier. p.3
58 COUDRAY-GAY. 2009. Le défi des compétences. p.5559 COUDRAY-GAY. 2009. Le défi des compétences. p.41
26
Pour Le Boterf, la compétence se situe plutôt au carrefour de la formation
professionnelle, de la situation de travail et des expériences de vie du sujet. Selon
lui, le degré de maitrise des contenus (savoirs), capacités et attitudes (savoir-être)
assure une maitrise plus ou moins importante de la compétence.
Pour P.Perrenaud « une compétence est une capacité d'action efficace face à une
famille de situations, qu'on arrive à maitriser parce qu'on dispose à la fois des
connaissances nécessaires et de la capacité de les mobiliser à bon escient, en
temps opportun, pour identifier et résoudre de vrais problèmes »60
« C'est la combinaison savamment réalisée de savoirs, de capacités et d'attitudes à
réunir dans un contexte donné pour résoudre un problème identifié. Une
compétence n'est jamais atteinte d'une manière définitive, elle l'est à un moment
donné, dans un contexte donné, elle doit par contre être entretenue et adapté pour
durer »61
Dans toutes ces définitions, il y a toujours la notion d'action ou de situations.
Il y a aussi les mots: maitrise, efficace, opérationnel, combinaison savamment
réalisée.
Tous ces mots ont un rapport avec « qualité ». Il est donc possible de parler de
compétence lorsque l'individu réagi de manière efficace et de qualité dans une
situation donnée. C'est atteindre le but dans les règles de bonnes pratiques.
Selon Jonnaert « la situation est le critère de la compétence ». Selon lui, il est
possible de parler de compétence lorsque que l'individu arrive à trouver une solution
aux situations rencontrées. « C'est le fait que la personne arrive à solutionner la
situation avec succès qui est le critère de la compétence. La perspective est alors
celle de la compétence située-l'agir compétent situé » 62
Ce concept est en lien avec professionnel, car avoir un agir compétent, c'est être
professionnel.
« ce qui détermine la compétence ce n'est pas seulement la capacité à effectuer un
type d'action, mais aussi la reconnaissance par les autres de cette capacité »63
60 FORMARIER-JOVIC. 2009. Les concepts en sciences infirmières. p.10861 LE CLAINCHE. 2008. Approche du concept compétence. p.162 DOMENICO-FIDEL. 2009. Développer un agir compétent. p.5763 REY. L'approche par compétence. p.3
27
2) Composition d'une compétence
La compétence comporte plusieurs caractéristiques:
« -elle fait appel à différentes ressources: savoirs théoriques, pratiques,
méthodologique, relationnels et sociaux (comportements), etc...;
-la compétence est liée aux situations dans lesquelles elle s'exerce;
-les connaissances (savoirs théoriques, méthodologiques, pratiques) sont
associées à la compétence. Elles représentent une ressource dans la mesure où la
personne est en capacité de les mobiliser »64
Comme nous l'avons vu, la compétence s'articule autour de nombreuses
ressources. Pour illustrer tout cela, se reporter à l'annexe 5.
Le niveau de maitrise d'une compétence s'entretient sinon il régresse. Une
compétence s'acquiert, s'évalue et évolue. Pourquoi une compétence doit-elle
s'entretenir?
Parce que la pratique infirmière évolue. L'infirmière n'est plus seulement une
exécutante, qui applique la prescription aveuglément. Elle est maintenant de plus en
plus amenée à travailler en interdisciplinarité, à analyser ses soins, faire des liens
entre les symptômes et la pathologie par exemple. Une grande place est accordée
pour les compétences de travail en équipe.
« Les titulaires du diplôme doivent être en capacité d'établir tous les liens
nécessaires entre les interventions des différents acteurs de la santé, du social, de
l'aide à domicile, de transmettre les informations et d'assurer une réelle continuité
des soins dans des parcours plus complexes »65
« La maitrise d'une compétence doit être continuellement adaptée à l'évolution du
contexte dans laquelle elle s'exerce: intégration de nouvelles connaissances, mise
en œuvre de nouvelles capacités, adoption de nouvelles attitudes »66
Quand un étudiant obtient son diplôme, il est supposé être compétent pour
travailler en autonomie dans un service par exemple. Mais pour cela, il faut:
« Qu'il maitrise des savoirs, comme la connaissance des pathologies, du
fonctionnement des différents systèmes du corps humain, les procédures des
64 COUDRAY-GAY. 2009. Le défi des compétences. p.4165 COUDRAY-GAY. 2009. Le défi des compétences. p.5666 LE CLAINCHE. 2008. Approche du concept de compétence. p.5
28
soins,... »
« Qu'il maitrise des capacités: observer, comparer, identifier, repérer, apprécier,
évaluer, analyser,... »
« Qu'il adopte les bonnes attitudes: rigueur, autonomie, responsabilité, initiative,
dextérité, sang-froid,... »67
Un jeune diplômé est donc difficilement compétent dans beaucoup de domaines car
l'expérience est encore faible. C'est la pratique répétitive dans un lieu de travail qui
le rendra compétent.
3) Compétence: finalité de l'apprentissage
« L’étudiante démontre l’appropriation d’une compétence en :
- manifestant sa capacité de faire face adéquatement à une situation problème
semblable à ce à quoi elle devra faire face en milieu de travail, c’est-à-dire une
situation où les attitudes, les valeurs, les comportements, les habiletés, les
techniques organisationnelles, relationnelles et les conduites propres à cette
compétence sont mises à contribution dans une synergie d’action.
- en mettant en place, face à ces situations, les actions appropriées et efficaces qui
caractérisent un haut niveau de qualité de soins.
Afin d’y parvenir, chaque situation d’apprentissage doit proposer des concepts-clés
pour structurer le savoir recherché de même que diverses stratégies cognitives
dynamiques. Les mécanismes de réalisation des apprentissages proposés doivent
aussi se situer dans une progression de la difficulté qui donne à l’étudiante
l’occasion de développer peu à peu ses connaissances, son jugement clinique, ses
habiletés et son autonomie ». 68
Qu'est ce qu'un agir compétent? Comme nous l'avons vu précédemment,
par les définitions, agir de manière compétente c'est être professionnel. C'est avoir
les bons réflexes, les bons gestes, mobiliser ses savoirs de manière pertinente,
travailler en équipe pour résoudre les problèmes... Beaucoup de termes définissent
l'agir compétent.
67 LE CLAINCHE. 2008. Approche du concept de compétence. p.368 PHANEUF. 2004. Le concept de compétence comme structurant du programme de formation en
soins infirmiers. p.4
29
Il est possible de prendre la définition du professionnel infirmier pour définir ce
qu'est être compétent dans ce domaine. C'est: «évaluer l'état de santé d'une
personne et analyser les situations de soins; concevoir et définir des projets de
soins personnalisés ; planifier des soins, les prodiguer et les évaluer ; mettre en
œuvre des traitements »69
Se reporter à l'annexe 6 qui résume ce qu'est l'agir compétent.
Pour résumer:
« Dans le cadre scolaire, cela nous amène à dire que:
-Les compétences validées auprès des élèves le sont à un moment donné, dans un
contexte donné et avec un niveau d'exigence identifié.
-Une compétence n'est pas atteinte de façon définitive.
-On peut progresser dans le niveau de maitrise d'une compétence.
-Pour garantir la maitrise d'une compétence dans le temps, il faudra l'entretenir par
une mise en œuvre régulière (l'entrainement apporte de l'expérience).
-L'élève devra s'adapter en cernant les évolutions du contexte de mise en œuvre de
la compétence et en intégrant les nouveaux savoirs qui peuvent lui être associés.
-La remise en cause de la maitrise d'une compétence un moment validé est donc
une possibilité à envisager.
-Le transfert et la répétition d'une « situation problème » sont indispensables pour
s'assurer d'un minimum d'autonomie de l'élève pour résoudre le problème »70.
4) L'analyse des pratiques dans la compétence
Nous avons vu la compétence par rapport à l'action, mais elle a aussi un grand rôle
par rapport à l'analyse de situation et par le récit d'expérience:
« En lien avec le référentiel d’activités et de formation, l’approche par compétences
et la pratique réflexive, le travail d’analyse du récit d’expérience permet :
- D’expliciter et prendre conscience d'une stratégie cognitive, travailler sur les
représentations, apprécier la cohérence entre la pensée et l'action, comparer cette
stratégie avec les autres membres du groupe, en apprécier son efficacité,
développer son sentiment d'auto-efficacité.
69 COUDRAY-GAY. 3009. le défi des compétences. p.5270 LE CLAINCHE. 2008. L'approche du concept de compétence. p.5
30
- A partir d'une situation vécue en stage : répondre à une problématique posée,
proposer un cadre explicatif et des actions, faciliter le transfert de connaissances
théoriques en établissant des liens, travailler sur l'identité professionnelle, prendre
conscience du déroulement d'une pratique lors d'une évaluation, développer une
dynamique d'analyse de situations.
- Expliciter une procédure professionnelle, le sens d'une pratique en situation, les
déterminants de sa réalisation en contexte, la modifier et la faire évoluer.
- Lors d'une démarche de recherche : préciser une question de recherche, orienter
la problématique, intégrer la méthodologie de recherche.
- Lors d'un bilan de compétences : permettre de faire émerger les compétences
acquises et les situations où elles s'expriment. ». 71
L'étudiant approfondi et analyse (que se soit seul, avec un groupe
d'étudiants, des formateurs ou des professionnels de santé) ce qu'il a vécu. De ce
fait, il fait ressortir des savoirs, des émotions, ce qu'il aimerait améliorer dans sa
pratique ou au contraire ce qu'il a acquis. C'est un approfondissement du vécu qui
permet à l'étudiant d'évoluer dans sa pratique.. Cela a donc un grand rôle dans les
compétences, car comme nous l'avons vu précédemment, ces dernières ne
pourront être acquises que si l'étudiant passe par une activité de réflexion.
71 CHOCAT. 2009. Le savoir d'expérience. p.10
31
VI) Conclusion
En conclusion, nous pouvons donc affirmer que former des infirmiers et
infirmières compétents c'est faire en sorte « qu'ils soient capables, par eux-mêmes,
de choisir ce qu'il est pertinent de faire dans une situation relevant de leur champ de
compétence, même quand cette situation n'a pas fait l'objet d'un entrainement
spécifique » 72
Mais avant d'être compétent, il est nécessaire de passer par un processus
d'apprentissage afin d'acquérir les savoirs nécessaires qui feront de l'étudiant un
professionnel.
L'élève doit passer par la pratique mais aussi par l'analyse de celle-ci. A l'Institut de
Formation en Soins Infirmiers, des temps de retour réflexif sont dédiés aux étudiants
afin que ces derniers prennent du recul et puissent retirer des savoirs de leur
pratique.
Ma démarche de recherche portera donc sur l'analyse des pratiques et son rôle
dans l'approfondissement de la compétence.
72 REY. L'approche par compétence. p.5
32
VII) Démarche de recherche
Question de recherche: Le retour réflexif de situation permet-il à l'étudiant
d'approfondir ses compétences?
Le but de cette question est d'analyser le vécu des étudiants lors des analyses de
pratiques professionnelles en groupe (environ douze étudiants). Durant ces
moments, l'étudiant narre une situation qu'il a expérimenté en stage, qui l'a
interpellé ou qui lui a posé problème. Suite au récit, les autres étudiants du groupe
et les formateurs partagent sur la situation et posent des questions à l'étudiant afin
que celui-ci approfondisse son analyse.
Je souhaiterai construire un questionnaire à destination des étudiants (1ère,
2ème et 3ème années) afin de connaître leur point de vue sur ces moments réflexifs
mais aussi établir les connaissances qu'ils retirent de ces échanges et si certaines
compétences sont approfondies.
Ce questionnaire serait à distribué après un premier retour réflexif des 1ères années
afin que ces derniers puissent aussi répondre aux questions.
Pour connaître l'avancement dans les études, il faudrait savoir en quelle
année se trouve l'étudiant car son niveau définira les différents savoirs acquis. Un
élève de 1ère année ne réagira pas de la même façon qu'un autre de 3ème année
car le niveau de connaissance sera différent. De plus, certains auront déjà eu des
retours réflexifs, ou auront effectué plus de stages, de ce fait, les étudiants ne
retirerons pas les mêmes bénéfices de ces échanges en fonction de leur niveau
d'étude.
Ce questionnaire permettrait aussi de savoir s'il sont à l'aise, ou s'ils ont des
difficultés à s'exprimer devant un groupe. En effet, ce genre de rencontre peut être
difficile pour certains (timidité, lors d'une 1ère rencontre, peur du jugement...), du fait
que dans ces situations, l'étudiant a pu être en difficulté, ou ressentir des émotions
fortes (stress, découragement, culpabilité,...). De plus, cela peut empêcher un
étudiant de bien communiquer son expérience car il passera sommairement sur ses
ressentis, n'insistera pas sur une erreur ou quelque chose qu'il n'aura pas compris.
33
Il est aussi important de connaître le type de situation que l'étudiant choisi de
présenter. Dans cette situation, il peut être acteur ou observateur, avoir rencontré
des difficultés ou non, etc...
Le type de situation choisie n'est pas anodine. Soit l'étudiant veut des réponses à un
problème qu'il a rencontré, soit du soutien de la part de ses pairs et des formateurs,
soit partager une expérience positive et faire participer les autres à cette
expérience... De plus, les savoirs et les contenus exprimés seront différents selon le
type de situation. Il serait aussi possible de savoir ce qu'il attend de ces retours en
demandant pourquoi il choisi ce type de situation.
Puis, il est important de connaître le bénéfice que l'étudiant a retiré de ces
échanges. Comme par exemple, s'il a eu des réponses pour sa situation, si
l'expérience des autres lui a été bénéfique, s'il a pu développer des objectifs de
stage.... Concernant les objectifs de stage, il me semble important de demander
lesquelles car c'est par l'aboutissement des objectifs que l'étudiant a formulé que
des compétences vont être acquises.
Ce questionnaire permettrait de connaître quels savoirs et quelle(s)
compétence(s) l'étudiant peut approfondir grâce à ces échanges: des savoirs, des
savoir-faire et des savoir-être. Est ce que ces retours réflexifs permettent aux
étudiants de les aider dans leur acquisition de compétence en stage et s'ils peuvent
faire progresser leurs connaissances (théoriques ou pratiques).
34
Références bibliographiques
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universitaires de France, 128 p.
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l'apprentissage: quel usage pour les cadres de santé? Paris :Masson, 128p
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35
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de l'état. Circulaire du 23 juillet 2009 relatives aux modalités d'accueil des étudiants
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Article de revue:
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formation. 2011, N° 296, 19p
ARTAUD Gérard. 1981. « Savoir d’expérience et savoir théorique : pour une
méthodologie de l’enseignement basée sur l’ouverture à l’expérience » Revue des
sciences de l'éducation. Vol. 7, n° 1, 1981, p. 135-151.
FAEBERT Richard. 2004. Caractérisation des situations d'apprentissage en groupe.
Sciences et technologies de l'information et de la communication pour l'éducation et
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LE BOTERF Guy. 2002. De quel concept de compétence avons nous besoin?
SDINS Cadres, n°41, 02/202, p20 à 22.
PASTRE Pierre, MAYEN Patrick, VERGNAUD Gérard. 2006. La didactique
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SAVOYANT Alain. 2005. La professionnalisation des personnels infirmiers.
Document Céreq. Juin 2005. N° 4/5, 25 p.
Congrès, colloques:
MARCEL Jean-François, TUPI Frédéric. 2010. La situation professionnelle
contributions des sciences de l'éducation à l'élaboration d'un objet scientifique.
Actes du congrès de l’Actualité de la recherche en éducation et en formation
(AREF), Université de Genève.
36
Symposium proposé par : F. Bréant, P. Hébrard, P. Prévost, P. Vallet. 2007. Modèle
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Colloque COMPÉTENCES ET SOCIALISATION organisé par Le CERFEE et Le
LIRDEF avec le concours de Montpellier SupAgro.
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24 mai 2011, dans le cadre des journées de professionnalisation organisées par
Eduter Ingénieurie. [en ligne], consulté le 24/03/2012. http://canal-eduter.fr
37
ANNEXES
38
Annexe 1
Qu'est ce que l'apprentissage? 73
73 CHEVALIER. 2004. Apprentissage moteur et processus d'apprentissage. p.10
39
Annexe 2
Le processus d'apprentissage 74
schéma 3
Le processus d'apprentissage75
74 http://www.cccpfpt.qc.ca [en ligne]75 ALTET. 2006. Les pédagogies de l'apprentissage. p.7
40
Annexe 4
COUDRAY-GAY. 2009. Le défi des compétences. p.44
41
Annexe 5
COUDRAY-GAY. 2009. Le défi des compétences. p.42
42
Annexe 6
Agir en compétences 76
76 LE CLAINCHE. 2008. Approche du concept de compétence. p.4
43
Annexe 7
Je m’appelle Maryse Gavalet et suis actuellement en 3ème année à l’Institut de
Formation en Soins Infirmiers du Blanc.
La situation se passe dans un service USLD (Unité de Soins Longue Durée) en
début de 2ème année.
Le service se trouve au 3ème étage. Lors de la distribution des médicaments, vers
12h30, je rentre dans la chambre de Mme Marie. Cette dernière est atteinte de la
maladie d'Alzheimer et est oxygéno-dépendante. En allant déposer son traitement
sur la table, je la découvre allongée sur son lit, sans oxygène, les yeux ouverts, le
teint extrêmement gris, les extrémités bleues, la bouche ouverte avec de la salive
blanchâtre. Cela me fait un choc, je pense de suite qu'elle est décédée. De plus je
ne distingue pas de mouvements respiratoires. L'infirmière rentre au même moment
dans la chambre et je lui signale la situation. Je prends le pouls de Mme Marie et
me rend compte qu'il bat encore. L'infirmière va chercher un masque à haute
concentration (dans la salle de soin qui se trouve à l'autre bout du service), mais
celui qu’elle ramène est pédiatrique et cassé. N'ayant jamais eu à gérer une
urgence, je ne sais pas vraiment quoi faire, et le stress commence à monter. Le fait
que ce masque ne soit pas adapté me gêne encore plus. Le temps que l'infirmière
appelle le médecin du service, j'essaye de dégager les voies respiratoires de Mme
Marie en lui maintenant la tête en arrière afin que l'oxygène passe, mais je sens que
sa trachée est bouchée par des glaires.
Le médecin arrive, demande à l'infirmière de perfuser Mme Marie et me demande
d'aller chercher le chariot d'urgence. Autre moment de stress, je me rends compte
que je ne suis jamais allée voir le chariot d'urgence, mais je sais qu'il se trouve au
2ème étage.
Je cours vers les escaliers. Une fois arrivé au 2ème étage, je demande au premier
soignant où est le chariot d'urgence et lui dit que cela est urgent. Il me dit qu'il est
sûrement dans la salle de soins. Je le dégage, et me dépêche de retourner à
l'ascenseur. Je pense à Mme Marie, et me sens coupable de mettre trop de temps à
remonter ce chariot, je commence à m'impatienter. L'ascenseur met plusieurs
minutes à venir. Il s'ouvre enfin, je vois des gens de la maintenance qui me disent
qu'ils vont au premier étage. Je leur dit de partir car je dois monter le chariot
44
d'urgence au 3ème. Cela m'agace de plus en plus.
J'arrive enfin dans la chambre à Mme Marie. Je suis prise au dépourvue et me sens
un peu coupable, c'est la première fois que je vois une urgence et que je n'ai pas
pris le temps de regarder dans ce chariot. Le médecin demande un autre masque
de concentration avec un ballon. L'infirmière ne sait pas où se trouve le matériel
dans le chariot. Nous cherchons, mais problème: celui ci n'est pas assemblé, des
pièces à usage uniques ont été remises, et certains matériels sont mélangés. Le
médecin réussi à assembler le matériel. Je vais l'aider à maintenir la tête de Mme
Marie le temps qu'il ventile. Pendant que je suis allée chercher le chariot, le
médecin a appelé le SAMU. J'espérais que ce dernier arrive vite car l'état de Mme
Marie empirait.
Le SAMU arrive, je me mets alors au fond de la chambre durant toute la durée de la
prise en charge: intubation, mise sous respirateur artificiel, sédatifs...
Mme Marie part de la chambre avec les urgences. Cela aura durée environ 1h. Je
ne me sens pas très bien, j'espère surtout que Mme Marie ne décède pas. Le
médecin du service vient me voir à la fin pour me dire que je l'avais bien aidé et il
me remercie. Je suis un peu sous le coup de l'émotion. Je me dis que si j'avais pris
connaissance du chariot avant j'aurai été plus efficace, et puis je n’aurais pas du
mettre autant de temps pour le monter dans la chambre (même s'il était difficile
d'aller plus vite). Je ne comprends pas non plus le fait que le chariot ne soit pas
correctement constitué et que l'infirmière ne connaisse pas vraiment les procédures.
Mais les paroles du médecin m'ont quand même rassurée. Il est difficile dans une
urgence de se poser calmement, réfléchir et se rendre utile. En tant qu'étudiante,
c'est la première urgence à laquelle j'ai été confrontée. Mais j’aurai aimé y être
mieux préparée.
J'appris par la suite que Mme Marie avait été transférée en service de réanimation.