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L'Expérience de la Participation dans les Établissements de Santé et des Services sociaux au Québec: un Bilan Author(s): CLERMONT BÉGIN, HAROLD BHÉRER and HUBERT WALLOT Source: Canadian Journal of Public Health / Revue Canadienne de Sante'e Publique, Vol. 69, No. 6 (NOVEMBER/DECEMBER 1978), pp. 445-453 Published by: Canadian Public Health Association Stable URL: http://www.jstor.org/stable/41987663 . Accessed: 14/06/2014 21:42 Your use of the JSTOR archive indicates your acceptance of the Terms & Conditions of Use, available at . http://www.jstor.org/page/info/about/policies/terms.jsp . JSTOR is a not-for-profit service that helps scholars, researchers, and students discover, use, and build upon a wide range of content in a trusted digital archive. We use information technology and tools to increase productivity and facilitate new forms of scholarship. For more information about JSTOR, please contact [email protected]. . Canadian Public Health Association is collaborating with JSTOR to digitize, preserve and extend access to Canadian Journal of Public Health / Revue Canadienne de Sante'e Publique. http://www.jstor.org This content downloaded from 188.72.96.115 on Sat, 14 Jun 2014 21:42:09 PM All use subject to JSTOR Terms and Conditions

L'Expérience de la Participation dans les Établissements de Santé et des Services sociaux au Québec: un Bilan

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L'Expérience de la Participation dans les Établissements de Santé et des Services sociaux auQuébec: un BilanAuthor(s): CLERMONT BÉGIN, HAROLD BHÉRER and HUBERT WALLOTSource: Canadian Journal of Public Health / Revue Canadienne de Sante'e Publique, Vol. 69, No.6 (NOVEMBER/DECEMBER 1978), pp. 445-453Published by: Canadian Public Health AssociationStable URL: http://www.jstor.org/stable/41987663 .

Accessed: 14/06/2014 21:42

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L'Expérience de la Participation

dans les Établissements de Santé

et des Services sociaux au Québec: un Bilan

CLERMONT BEGIN, Ph.D., HAROLD BHÉRER, Ph.D. et HUBERT WALLOT, M D., F.R.C.P.(C)'

Depuis 1971, le Québec vit une expérience unique de participation des employés et des usagers du réseau des établissements de santé et de services sociaux. Certes, entre la promulgation de la loi sur les services de santé et les services sociaux en 1 97 1 ( 1 ) et sa mise en application à travers tout le réseau, un certain nombre de mois, voire d'années s'est écoulé. Sur le plan même des habitus sociaux, la population n'a réagi que timidement, au début, à la perspective d'élire ses représentants aux conseils d'administration des divers établissements. Il n'en demeure pas moins que, déjà, après ces brèves années de mise en route, des voix s'élèvent à travers le Québec pour réclamer l'arrêt ou la relance ou, en tout cas, un premier bilan de cette expérience.

C'est dans la perspective d'un tel bilan qu'ont été entreprises les études à la base du présent document. Nous tenterons donc de dégager une hypothèse quant au bilan que l'on peut faire après huit années de l'expérience de la participa- tion au Québec. Pour nous aider dans ce travail, nous avons organisé en mai 1978 un séminaire sur le sujet. Ce séminaire regroupait bon nombre de ceux qui furent à l'origine de la conception et de l'implantation de la réforme de la santé au Québec. Le présent document est donc le fruit des discussions qui furent tenues à cette occasion, étoffé également des réflex- ions que nous ont inspirées notre intérêt, nos recherches et notre fréquentation assidue du milieu québécois de la santé depuis le début de cette expérience.

Notre intention n'est donc pas de porter un jugement définitif et global sur cette question mais de mettre en

1. Faculté des Sciences de l'administration, Université Laval, Quebec G1K 7P4

lumière certains aspects plus problé- matiques de cette expérience de participation, et d'entrevoir quelques voies de l'avenir.

Pour faciliter la compréhension il semble important dans un premier temps de revenir sur les structures mises en place en 1971, de même que sur les intentions du législateur. 11 sera alors possible de vérifier l'adéquation de ces structures et de ces intentions, de même que d'analyser toute l'évolution concrète de l'expérience.

Dès lors certaines variables détermi- nantes d'une stratégie de prolongation du changement amorcé en 1 97 1 ne man- queront pas de se dégager, même si pour l'essentiel notre démarche se limite aux seuls établissements classés comme centres hospitaliers (CH) et centres locaux de services communautaires (CLSC). Par exemple, le phénomène de la participation concomitante des usagers et du personnel dans la gestion des établissements présente de nom- breuses facettes aussi intéressantes que problématiques et qu'il importe de mettre en lumière dès ce premier bilan.

La structure de la participation dans le réseau des affaires sociales

En 1967, la Commission d'enquête sur les services de santé et les services sociaux (commission Castonguay- Nepveu) (2) formée par le gouverne- ment provincial amorçait un vaste travail de réflexion et de consultation qui devait durer près de cinq années et conduire à la publication d'un volu- mineux rapport en plusieurs volumes. Ce rapport contenait les fondements idéologiques et organisationnels d'une réforme complète de l'ensemble du système de santé et des affaires sociales pour le Québec. Un des principes fondamentaux sur lequel on aspirait alors voir s'ériger le nouveau régime de

la santé et des affaires sociales était celui de la participation.

Une loi qui s'inspira du contenu du rapport de cette commission d'enquête soit "la loi sur les services de santé et les services sociaux" vint sanctionner dans les faits les principes de base de cette réforme et institua la structure nouvelle du réseau de distribution des services de santé et des services sociaux. Le concept de participation fut opérationnalisé par diverses modalités structurelles que l'analyse du contenu de cette loi nous permet de mettre en lumière.

Ainsi les établissements de santé et de services sociaux du Québec sont gérés par des conseils d'administration représentatifs des différents groupes concernés par les activités des établisse- ments: usagers, professionnels, mem- bres du personnel non clinique, uni- versités, etc. Le tableau 1 reproduit la composition des conseils d'administra- tion des principales catégories d'établissement de tout le réseau.

Les membres du conseil d'admini- stration exercent leur mandat pour une période de deux années. Les membres élus le sont lors d'assemblées régionales convoquées à cette fin par le Conseil régional des services de santé et sociaux (CRSSS) selon des procédures édictées par la loi.

À cette structure locale s'ajoute une structure régionale de participation. À cet effet, le territoire du Québec est divisé en douze régions et chacune d'elles, à part certaines régions éloignées à faible bassin de population, compte un conseil régional. Ce centre régional de la santé et des services sociaux a entre autres comme mandat:

"De susciter la participation de la population à la définition de ses propres besoins en matière de ser- vices de santé et de services sociaux ainsi qu'à l'administration et au fonc-

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TABLEAU I. Composition des conseils d'administration des établissements du réseau de santé et de services sociaux au Québec

Groupes représentés au conseil CLSC CH CRSSS CA CSS d'administration

Usagers (élection) 5 2 - 2 2 Groupes socio-économiques (nomination) 2 2 - 2 2 Conseil consultatif du personnel clinique du centre (élection) 11 - 11 CH affilié service (élection) 11 3 12 CLSC affiliés par contrat de service (élection) - 1 3 - 2 Centre de services sociaux régional (CSS) élection 1 - 3 1 -

Conseil des médecins et dentistes du centre (élection) 1 1 - - -

Université affiliée (s'il y a lieu) (nomination) 1 2 11 Résidents et internes (s'il y a lieu) (élection) - 1 - - -

Directeur général (nomination) 11 11 -

Personne non clinique (élection) 11 - 11

Collège d'enseignement général et professionnel (CEGEP) - - 1 - -

Centre d'accueil (CA) (élection) - - 3 - 2

Notes: A. Le lecteur trouvera en Tableau II la signification de chacun des sigles utilisés dans ce tableau pour désigner les différentes catégories d'établissements. B. Les corporations sans but lucratif propriétaires d'actifs immobiliers dans les établissements de santé et de services sociaux ont le privilège d'élire des

représentants pour siéger au sein du conseil d'administration de ces établissements dans les proportions suivantes: CH quatre personnes CSS quatre personnes CA deux personnes

TABLEAU II. Sigles

CA: Centre d'accueil Établissement chargé d'offrir des services d'hébergement protégé à différentes catégories de la population.

CEGEP: Collège d'enseignement général et professionnel Établissement d'enseignement post-secondaire conduisant vers un métier (orientation professionnelle) après trois ans, ou vers l'université (orientation générale) après deux ans. Le cours d'infirmière s'effectue au sein de l'orientation professionnelle.

CH: Centre hospitalier Établissement de santé fournissant principalement les services hospitaliers et les services d'investigation spécialisée.

CLSC: Centre local de services communautaires Établissement fournissant des services sociaux et des services de santé de première ligne.

CRSSS: Conseil régional de la santé et des services sociaux Organisme régional consultatif chargé de conseiller le ministère des affaires sociales quant à l'approbation des divers programmes de santé ou de distribution des ressources.

CSS: Centre des services sociaux Organisme responsable de la distribution des ressources physiques et humaines en services sociaux auprès des autres établissements.

MAS: Ministère des affaires sociales.

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tionnement des établissements que dispensent ces services . . /'(Art. 16, Ch. 48, S.R.Q.). Outre d'encadrer la participation

locale, le CRSSS a pour mission de promouvoir la coordination entre établissements d'une même région. 11 est lui aussi représentatif des diverses parties intéressées aux activités de santé et de services sociaux et son conseil d'administration s'établit selon le modèle suivant:

membres Universités 2 CEGEP 1 CLSC 3 CH 3 CSS 3 CA 3 Directeur général 1

Quatre membres sont aussi élus par les maires des municipalités de la région et 2 autres sont nommés par le gouvernement du Québec (lieutenant- gouverneur en conseil).

Enfin, à l'échelle provinciale, le Ministère des affaires sociales (MAS) a mis sur pied un conseil des affaires sociales. Le conseil se compose des dix- neuf personnes suivantes: trois repré- sentants du secteur des services sociaux, deux représentants des associations familiales, deux représentants de groupes socio-économiques, trois représentants du milieu universitaire, deux représentants du milieu syndical, un sous-ministre du MAS, le président de la Régie des rentes du Québec, le président de la Régie de l'assurance- maladie et enfin le président du Conseil des affaires sociales lui-même.

Ce conseil a un mandat d'étude et de consultation. 11 peut, sur sa propre ini- tiative ou à la demande du ministre, étudier toute question ou entendre toute requête qu'il juge pertinente à son domaine.

Telles sont les principales structures participatives instaurées par la législa- tion québécoise de 1971. Il convient toutefois d'y ajouter certaines mesures affectant le fonctionnement interne des établissements.

Ainsi, le Québec connaissait déjà, depuis plusieurs années, l'émergence de

nombreux comités de citoyens. Créa- tions relativement spontanées, ces comités se chargeaient de faire valoir le point de vue des citoyens devant les organismes étatiques à tous les échelons: municipaux, scolaire, pro- vincial, fédéral. Entre les périodes électorales, ils ont souvent fait figure de conscience, ou de trouble-fête, pour les élus du peuple. Au Québec, il advient souvent que les résultats électoraux, en termes de sièges obtenus par les divers partis, s'éloignent largement de la répartition réelle du suffrage populaire. Libres de toute attache politique partisane, les comités de citoyens jouissent donc d'une expérience déjà vaste dans la circulation de l'informa- tion et l'animation du milieu.

Étant donné le caractère et l'objectif des CLSC, le Ministère des affaires sociales décida d'y associer de près les comités de citoyens. Ceux-ci devaient présider à l'implantation et à la gestion des CLSC dans le cadre de la loi. Ainsi, l'action communautaire devenait une activité extrêmement importante au sein des CLSC. L'organisation même de ce type d'établissement s'en est trouvée radicalement affectée, avec l'émergence, à côté des modules médical et social, d'un module communautaire unique- ment chargé de faire l'animation du milieu, de conscientiser la population vis-à-vis les questions de santé et de la motiver à participer pleinement à la ges- tion et à l'action du CLSC.

De plus, le rapport de la Com- mission d'enquête sur la santé et les ser- vices sociaux, qui fut à l'origine de la réforme de la santé au Québec, permet- tait de concevoir toute l'organisation des CLSC autour du concept d'équipe. L'équipe multidisciplinaire du CLSC regroupait donc tous les professionnels de la santé et des services sociaux; ceux- ci devaient donc agir en symbiose tant au niveau purement clinique qu'à celui de la conception et de la réalisation des programmes de dépistage et de prévention. Pour le ministère, ces diverses mesures permettaient l'atteinte des objectifs de globalité, d'accessibilité, de personnalisation et d'efficacité des soins dans les CLSC.

Dans les centres hospitaliers, le

ministère imposa une structure organi- sationnelle susceptible d'assurer l'inté- gration médicale et administrative à tous les niveaux de décisions. Ainsi, le conseil consultatif du personnel clini- que, organe constitué de tous les pro- fessionnels cliniques d'un centre (omni- praticiens, spécialistes, ergothéra- peutes, physiothérapeutes, infirmières, diététistes, etc.) devait jouer un rôle influent dans les décisions administra- tives de ce dernier, de même la sou- mission des départments cliniques à l'autorité d'un directeur des services professionnels, en même temps médecin et membre à plein titre de l'équipe ad- ministrative du centre, était destinée à rapprocher le milieu médical du milieu administratif; on voulait ainsi réduire les inefficacités engendrées par le paral- lélisme structurel des deux entités, médicale et administrative, si typique de la structure classique des centres hospitaliers.

Toutes ces mesures de promotion de la concertation et de la participation ont été instaurées au début des années 7 1 et ont été appliquées depuis lors. Quel bilan peut-on en faire? Les objectifs de participation préconisés par la Com- mission d'enquête et institutionnalisés dans ces mesures législatives subsé- quentes ont-ils été réellement atteints? Et avec quels résultats? Ce sont là les questions vers lesquelles il importe de nous tourner maintenant, afin de dresser un premier bilan de l'ensemble de cette expérience.

Le bilan Nous avons mentionné en introduc-

tion que nous ne visons pourtant pas à un bilan global de l'expérience qué- bécoise. Celle-ci ne compte, après tout, que huit ans d'existence; même les méthodes empiriques les plus sophisti- quées ne permettraient guère de dif- férencier entre les faits significatifs quant à son évolution fondamentale, et les incidents de parcours typiques de tout processus de changement social.

Dès lors, le type de bilan qu'il semble possible et souhaitable de dresser comporte une large part d'interpréta- tion des faits. Ceux-ci demeureront encore trop épars, trop peu significatifs

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et trop lourds de contexte pour permet- tre un jugement définitif. Notre entreprise ne peut donc se réaliser sans démarche inductive et il nous faudra poser des liens entre certains faits, inter- préter la réalité afin de lui donner une certaine cohérence et parvenir à une première ébauche de bilan. Car quelles que soient les difficultés méthodologi- ques, il demeure, à l'heure actuelle, un fait central, et qui risque d'être signi- ficatif: la société québécoise elle-même, et particulièrement les milieux, directe- ment intéressés, réclament d'ores et déjà un premier bilan, sinon une réorienta- tion de l'expérience.

Lors du séminaire que nous avons organisé à la Faculté des sciences de l'administration de l'Université Laval, bon nombre de ceux qui ont oeuvré au sein des équipes de conception et/ ou d'implantation de la réforme de la santé au Québec, ont apporté une première réponse aussi unanime que révélatrice: La participation dans le domaine de la santé s'est avérée jusqu'à présent embryonnaire et ses effets sur le fonctionnement des organisations im- pliquées sont encore difficiles à perce- voir.

Au niveau des centres hospitaliers, la participation aux décisions des différents groupes à l'intérieur des conseils d'administration s'est avérée relativement faible.

D'une part, le pouvoir semble concentré entre les mains des profes- sionnels et des représentants des groupes socio-économiques; ces der- niers font habituellement partie des élites traditionnelles. Le poids des usagers sur les décisions des conseils demeure donc très faible, d'autant plus qu'ils sont limités à deux voix sur douze seulement. On a même remarqué l'émergence d'une tendance à l'ab- sentéisme de ces deux représentants lors des séances du conseil.

Quant aux représentants du person- nel non-clinique, ils sont habituelle- ment des militants syndicaux; ils se retrouvent ainsi dans une sorte de dilemme entre leur allégeance syndi- cale et leur loyauté à un conseil d'ad- ministration dont ils sont membres à part entière.

On se souviendra aussi que le direc- teur général du centre est membre à part entière du CA. Plusieurs directeurs voient donc, dans la présence d'un membre du personnel au sein du conseil, une entrave à leur autorité. Les directeurs sont fréquemment amenés à jouer de manipulation afin de "faire passer mes idées envers et contre celles des représentants du personnel suscep- tibles de s'y objecter." En conséquence, le représentant du personnel se voit souvent informellement frustré dans ses droits. Si son assiduité se maintient, son conflit d'allégeance et son degré d'en- gagement s'en trouvent affectés. De participant actif qu'il se voyait au début, son rôle se réduit souvent à celui de simple observateur des délibérations du conseil et d'informateur privilégié de son syndicat pour les questions qui ne concernent pas de près le groupe qu'il représente. Et sur certains sujets cruciaux, il se transforme souvent alors en agent négociateur du syndicat auprès des autres membres du conseil d'administration. L'absence totale d'une tradition de concertation patro- nale-ouvrière, dans le syndicalisme nord-américain, rend encore plus in- confortable la position du représentant syndical au sein du conseil d'ad- ministration.

Au niveau du fonctionnement interne du centre hospitalier, on a vu que le bicéphalisme structurel médico-admini- stratif avait été dénoncé par la Com- mission d'enquête sur les services de santé et les services sociaux; il s'est pourtant maintenu, en dépit de toutes les mesures législatives. "On retrouve donc aujourd'hui dans les centres hospitaliers deux solitudes, d'une part les administrateurs qui ne connaissent rien à la médecine et d'autre part les médecins et les autres professionnels qui ignorent l'abc de l'administration. Comme en politique, ces solitudes sont hiérarchiques entre elles, confinées à leur rôle et reliées par des mécanismes imparfaits" (3). Ces propos récents du président de l'Association des conseils des médecins et dentistes des établisse- ments de santé constituent un diagnos- tic assez réaliste de l'atteinte des ob- jectifs de participation à ce niveaux.

Dans le CLSC, la problématique de la participation s'est posée à la fois au niveau du fonctionnement interne des équipes multidisciplinaires et au sein du conseil d'administration. Sur le premier plan, les recherches du sociologue Vinet (4), effectuées dans trois CLSC et une unité de médecine familiale, conduisent à des conclusions sévères.

Vinet a observé le fonctionnement concret des équipes multidisciplinaires dans chacun de ces centres et constaté ce qui suit: "Sous le vocable "équipe multi- disciplinaire", nous avons rencontré un amalgame de professionnels profondé- ment divisés et soucieux, chacun pour soi ou pour son corps professionnel, d'acquérir ou de conserver un maxi- mum d'autonomie, un champ d'action bien identifié, un pouvoir de contrôle sur certaines activités du centre et une clientèle propre. Dans la mesure où la notion d'équipe implique la mise en commun des apports de chacun à une tâche globale, nous n'avons pas croisé souvent d'équipe" . . . "On attendait de la création d'équipes multidisciplinaires qu'elle facilite le travail en commun, qu'elle abolisse les frontières et les cloisonnements professionnels. Après trois années d'observation, nous sommes en mesure d'affirmer qu'elle a tout au plus déplacé légèrement quel- ques frontières professionnelles et permis à certains groupes, à la faveur de la mêlée, d'obtenir plus d'autonomie et d'agrandir leur champ d'action mais plus rarement d'apprendre à travailler avec leur voisin".

Quant au fonctionnement des con- seils d'administration étudiés pendant la même durée, Vinet constate que l'idéologie professionnelle élitiste a aussi marqué le fonctionnement des conseils d'administration: "C'est à ce niveau que l'antinomie entre les notions de professionnalisme et de participation apparut le plus visiblement" . . . "l'ob- servation amène à constater que la population est demeurée en marge des •grandes questions reliées aux orienta- tions ou à la programmation des acti- vités des centres, même lorsqu'elle fut représentée aux conseils d'administra- tion par les délégués de groupes popu- laires ou de comités de citoyens."

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L'auteur souligne en fait que dans deux des centres observés, la participation de la population à l'organisation des activités fut systématiquement exclue. Dans un troisième centre, l'expérience de la participation fut, à l'origine, très intense: "De fait", écrit Vinet, "la par- ticipation fut si intense, les objectifs si élevés, la consultation si poussée et la crainte de l'échec si forte que le centre prépara sa programmation durant un an avec son conseil et son personnel, sans oser ouvrir ses portes au public . . . cette longue opération se déroula en l'absence d'usagers, faute de services. Concrètement, les résultats furent très minces."

Enfin, du quatrième et dernier centre étudié, Vinet observe ce qui suit: "Dans le dernier CLSC, des comités de citoyens furent mis sur pied à l'occasion de la création du centre par un employé de ce dernier. Ces comités, animés par leur créateur et par un organisateur communautaire s'avèrent très actifs durant la première année d'existence du CLSC . . "Durant la plus grande partie de la période d'observation, les réunions du conseil d'administration furent tenues devant une assistance nombreuse et attentive . . "Celui-ci a rapidement ouvert ses portes et offert des services à la population de sorte que les comités de citoyens étaient des comités d'usagers et qu'une relation étroite semblait devoir s'établir entre l'organisation des activités du centre et les besoins exprimés par les usagers."

Pourtant cette expérience de parti- cipation devait s'avérer éphémère: "Au moment où les comités de citoyens obtinrent du CLSC les modalités de services souhaités, l'intérêt décrut considérablement et les animateurs, malgré leur influence, ne purent maintenir très longtemps cette expéri- ence de participation. D'eux-mêmes, les ussagers se retirèrent du champ de pouvoir qu'ils avaient conquis, à la fois satisfaits des résultats obtenus et quelque peu déconcertés face à la complexité technique de certains dossiers relatifs à la programmation du centre. Ils abandonnèrent ainsi leur part de pouvoir aux professionnels sans nécessairement prendre conscience du

caractère difficilement réversible de ce processus".

Bien que l'auteur insiste pour nuancer ces conclusions en raison de la courte expérience des CLSC, force est quand même de constater la faiblesse de la participation populaire et son peu d'impact. De plus, depuis le terme de cette étude, aucune mesure législative ou autre n'a été prévue qui puisse réellement affecter le sens de ces conclusions.

Un premier diagnostic d'échec de la participation se pose donc dans les centres hospitaliers (CH) et dans les CLSC. L'élitisme professionnel, carac- téristique des CH québécois avant la réforme de la santé, s'est maintenu. 11 s'est même installé dans les CLSC. Dans ces deux types d'établissements, cet élitisme imprègne fortement les dé- cisions, tant de nature clinique qu'ad- ministrative. Quant à la participation de la population, celle-ci paraît artificielle, saccadée et quelquefois même "apathi- que" (5).

Par ailleurs, le processus de change- ment engagé lors de la réforme a tout de même entraîné des aspects éminemment positifs.

À ce propos, convient-il de souligner qu'entre la situation que nous venons de décrire si problématique qu'elle puisse être et la situation prévalente avant la réforme au niveau de la représentativité des groupes au sein des conseils d'ad- ministration, situation d'ailleurs dé- noncée par la Commission d'enquête sur la santé et le bien-être social, un réel progrès est quand même constaté à ce chapitre.

D'une part, les usagers ont une voix officielle au chapitre des décisions et en ce sens le système des établissements paraît théoriquement plus ouvert aux besoins et aux attentes des commun- autés desservies qu'il ne l'était du temps où les religieuses étaient détentrices quasi exclusives du pouvoir de gestion des établissements.

D'autre part bien que les progrès souhaités dans la symbiose des per- sonnels et des professionnels des étab- lissements n'ont pas été aussi signi- ficatifs qu'on aurait pu le souhaiter, il n'en demeure pas moins que le principe

de l'unité de direction a été officielle- ment confirmé du moins dans les structures et spécialement aux niveaux supérieurs de la hiérarchie administra- tive des établissements.

Cette unité de direction était peut- être essentielle à un développement équilibré de la participation puisqu'elle identifie le centre du pouvoir dans l'organisation.

Mais encore une fois, ce premier bilan ne peut porter sur l'ensemble de la réforme et s'attache donc plutôt à ses aspects les plus problématiques. Toute- fois, avant d'expliciter ceux-ci et de chercher des voies de solutions, il semblait nécessaire de rappeler qu'il existe des aspects plus positifs, et dont il faudra bien tenir compte lorsque sera venu le temps d'un bilan d'ensemble.

Une explication de l'échec apparent de l'expérience de la participation La participation des usagers

Au départ, le sentiment d'échec ne peut s'expliquer sans référer au concept de participation, tel que défini lors de l'instauration de la réforme de la santé au Québec. Or, fait à noter, bien que la Commission d'enquête sur la santé et les services sociaux fasse de la participa- tion un des principes directeurs de l'organisation du régime (c.f., Vol. IV, Tome II, p. 99), ce n'est que dans le volume III sur le développement que le concept est défini (c.f., Vol. III, Tome II, p. 213). Et ce volume ne parut qu'en 1971, après tous les autres.

Ainsi donc, le nouveau régime de la santé au Québec fut échafaudé à partir d'un principe de participation non encore défini; même le volume III laisse place à toutes les interprétations possibles. En effet, la Commission énonce son principe en ces termes: "... la participation décisionnelle et consultative de la population desservie aux organismes du régime, de manière à faciliter l'adaptation constante du régime aux besoins changeants de cette population" (c.f., op. cit., p. 213).

Pareils faits autorisent certaines interrogations sur l'objectif même de la participation dans le système québécois des affaires sociales. A-t-on accepté sans plus d'examen le postulat de la

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participation en tant que valeur culturelle fondamentale de la société québécoise? Dans quelle mesure a-t-on reconnu comme axiomatique le besoin, le désir, et la capacité de participation des Québécois sans autre vérification préalable? Dans quelle mesure le principe de participation sur lequel repose le régime de la santé au Québec est-il le fruit de l'idéologie dominante au sein du groupe de concepteurs de la réforme de la santé au Québec, davantage qu'une réalité bien ancrée dans les valeurs et les habitudes de vie de notre société? Vinet (4) parle d'ailleurs "d'absence d'assises culturelles" pour expliquer l'échec de la participation dans les CLSC. Cette interprétation semble toute aussi valable pour les usagers des CH; et elle l'est sans doute encore également pour ces profession- nels que notre société a toujours voulu individualistes et élitistes, et pour ces syndicats dont le rôle social s'est, de tout temps, limité à la revendication et la contestation plutôt qu'à la concertation et à la participation. Dans ce contexte, la réforme du système des affaires sociales n'aurait-elle pas servi d'oc- casion privilégiée à ceux qui voulaient faire de la participation la pierre angulaire de l'identification d'une société québécoise nouvelle?

Par surcroît, la définition fournie par la Commission dans son volume III est on ne peut plus éthérée: "La participa- tion est la contribution des citoyens aux organismes auxquels ils appartiennent" (p. 213). Bien que la Commission présente ensuite l'étendue possible des formules de participation de la "simple association volontaire jusqu'à la société politique", elle ne prend pas pour autant position sur le modèle de participation à privilégier dans le système de santé. Il faudra attendre la promulgation de la loi sur les services de santé et les services sociaux et surtout le vécu de cette loi, pour se rendre compte que l'ampleur de ce concept théorique de participation s'est traduite, dans les faits, par une participation essentiellement instru- mentale: un moyen, pour les gestion- naires du système des affaires sociales, d'établir et de maintenir une plus grande adéquation entre besoins et services.

Dans ce contexte, la participation s'est trouvée "encadrée" par un système cohérent d'établissements dispensateurs de services, au sommet duquel se trouve le Ministère des affaires sociales, détenteur et protecteur des fonds publics. Dès lors, la participation ne pouvait être vécue et encouragée au- delà d'un certain seuil de tolérance sans mettre en péril les institutions politiques en place.

Ainsi donc, tacitement, on accepte de subventionner la participation, dans la mesure où elle s'effectue dans le respect de l'ordre social et politique établi. La question est alors de déterminer le seuil exact de tolérance du système et les effets de l'atteinte de ce seuil sur l'attitude des agents concernés.

Dans le cas des centres hospitaliers, ce seuil critique s'est maintenu à un niveau particulièrement bas. Dès le début de la réforme, les autorités du Ministère des affairs sociales n'ont-elles pas abruptement arrêté tous les projets d'expansion hospitalière, même ceux qui étaient déjà fort avancés? Par la suite, elles ont freiné considérablement le rythme d'accroissement des dépenses hospitalières. Elles ont aussi concentré et renforcé leur propre pouvoir d'appro- bation et de contrôle direct des budgets hospitaliers.

Il n'entre pas dans nos objectifs de discuter du bien fondé de telles mesures. Nous sommes même portés à croire qu'elles étaient essentielles. Cependant, ces faits mettent en lumière l'antinomie entre d'une part le rêve de la participa- tion et, d'autre part, les impératifs d'une allocation plus rationnelle des ressour- ces dans un système composé d'unités fort différenciées et au sein d'un contexte économique difficile. Le fait d'encourager la participation tout en en contraignant l'exercice peut être source de frustration et de défaitisme, plutôt que d'accomplissement et de réalisation si à la base les attentes des participants sont plus grandes.

Ces questions préalables ne nous apparaissent pas avoir été posées avec suffisamment de prudence et d'atten- tion. Elles se posent maintenant d'elles- mêmes et dans toute leur acuité, étant

donné le sentiment d'échec que notre séminaire a permis de mettre en lumière.

Au niveau des CLSC, la participa- tion semblait liée à la nature même de l'établissement; c'est pourquoi, sans doute, on a permis un seuil de tolérance plus élevé. Les organisateurs com- munautaires furent autorisés à animer les groupes de citoyens à aiguillonner la population afin de l'intéresser à la cause de la santé. Mais lorsque la promotion de la santé parut impliquer la contesta- tion des modalités traditionnelles de distribution des services ou de gestion et de contrôle des établissements par des élites locales professionnelles et politico-économiques, ces mêmes organisateurs furent taxés d'"agi- tateurs communautaires" et rejetés par le système.

À cause des contraintes politiques et économiques auxquelles le Ministère des affaires sociales avait à faire face, il opposa dans la plupart des cas une fin de non recevoir à cette forme de participation. Il se trouva alors quelques groupes populaires pour contester ouvertement le Ministère (ce qui fit d'ailleurs dire à certains que ce dernier finançait sa propre con- testation!) D'autres capitulèrent, soit en se retirant purement et simplement, soit en acceptant une forme de par- ticipation restreinte.

Encore ici, il n'entre pas dans les ob- jectifs et cet article de discuter du bien- fondé de la position du Ministère des affaires sociales. Mais ces faits devaient être soulignés, puisqu'ils mettent en lumière une seconde antinomie à l'idée même de participation: l'héritage socio- politique du Québec. Même si la société québécoise elle-même s'est souvent montrée ouverte aux valeurs d'entre- aide et de coopération, les structures politiques, dont est doté le Québec à tous les niveaux, n'ont jamais vraiment su tolérer l'ambiguité et l'incertitude que suscite, au moins au départ, toute décentralisation véritable des décisions.

La participation du personnel et des professionnels

Certes, jusqu'ici notre étude s'est davantage portée vers la participation populaire que vers la participation des

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employés et des professionnels. Il était difficile de traiter de ces deux types de participation en même temps, étant donné la complexité des rapports entre Tune et l'autre, et, parfois même, la divergence d'intérêt entre usagers et membres du personnel dans la gestion et l'organisation des établissements. Ce- pendant, même à ce niveau, et comme l'a montré au moins implicitement l'analyse qui précède, l'inquiétude n'est pas moindre.

Pour les professionnels et le personnel non clinique, le degré de participation s'établit sur une échelle dont la limite inférieure est la coopéra- tion la plus simple du travailleur passif qui se résume à recevoir des ordres de la direction et d'y obtempérer. La limite supérieure correspond à l'une ou à l'autre des formes d'auto-gestion. Entre ces deux extrêmes, il existe toute une série des modèles de participation (Blumberg, (6)). Là encore, la Com- mission d'enquête sur les services de santé et les services sociaux semble avoir négligé de définir son modèle de participation. Par la suite, le législateur s'est contenté de reconnaître le principe de participation à travers une formule mathématique de représentation des parties au conseil d'administration et dans certains comités à caractère con- sultatif (CCPC) au sein des établisse- ments.

Encore une fois donc, participation envisagée comme axiome, non définie, et qui, par surcroît, postule tout simplement un certain nombre de capacités et d'aptitudes chez les intéressés.

Chez les professionnels, d'abord, on postule une capacité à traiter efficace- ment des problèmes administratifs de l'établissement tant au niveau opérationnel qu'au niveau de ses grandes orientations. Pourtant, on sait depuis longtemps que le professionnel n'a pas été formé pour ce faire. On sait de plus, car plusieurs études l'ont démontré (Bennis (7), Mintzberg (8), Gardner (9)) que l'allégeance du pro- fessionnel va davantage à sa profession, à son association, à ses collègues qu'à l'organisation dans laquelle il oeuvre.

Certes, ces facteurs n'éliminent pas

toute possibilité ou formule de participation. Ils impliquent cependant pour le personnel professionnel et clinique un apprentissage de la participation et de la gestion; une stratégie de changement planifiée pourrait, par exemple, permettre de réaliser un tel apprentissage. Mais, dans l'expérience québécoise, le modèle de participation a été implanté sans autre délai que l'accomplissement de tout le processus de nomination.

Quant au personnel non clinique, il a d'abord voulu saisir au vol une occasion intéressante, un certain vacuum de pouvoir pouvant facilement être occupé par un représentant syndical. Mais comme on l'a signalé plus haut, le "délégué" s'est vite trouvé confronté à un dilemme d'allégeance et de loyauté: doit-il être loyal envers le conseil d'administration, dont il est membre à part entière? Ou envers son syndicat, dont il se sait le délégué et à qui il est tenu, si ce n'est juridiquement du moins moralement, de rendre des comptes?

Dans certains cas, les choix ont été clairs soit dans un sens, soit dans l'autre. Dans d'autres, les positions ont davan- tage été prises au gré des situations. Mais il s'est aussi trouvé des individus qui durent payer de leur crédibilité personnelle leurs choix décisionnels à cet égard. Prenant position pour le syndicat, ils furent perçus comme des agents négociateurs contaminant l'uni- cité idéologique du conseil, et se virent refuser la confiance et la solidarité des autres membres. Prenant position pour le conseil d'administration, ils furent rapidement et souvent taxés de dé- loyaux par leurs collègues syndicaux. Comment peut-on dans un tel contexte "vivre" la participation?

Dans un cas comme dans l'autre, ces faits mettent en lumière une troisième antinomie fondamentale, celle du con- flit entre allégeance à l'organisation et allégeance à la profession ou aux col- lègues. Est-il véritablement possible d'être loyal à ces deux niveaux? L'ex- périence de la participation dans le système des affaires sociales du Québec permet de réaliser tout l'impact de ce problème.

Les variables déterminantes d'une stra- tégie de changement

Un tel bilan n'aurait que peu d'utilité, s'il ne servait à dégager les éléments sur lesquels il convient maintenant d'ajuster notre stratégie de changement en vue de l'édification d'un véritable système par- ticipatif au sein des affaires sociales québécoises. Cette entreprise n'entre cependant pas dans les buts de la présente étude; elle constitue en elle- même un autre domaine de recherche, peut-être plus essentiel encore. Toute- fois, il convient de préciser quels de- vraient être les principaux axes de cette seconde démarche. À cet égard, il importe d'expliciter les quatre pro- blèmes suivants:

a) Le choix d'un modèle de partici- pation;

b) Le dilemme du contexte écono- mique propice à la promotion de* la participation;

c) Le dilemme de la co-existence de deux formules coopératives au sein d'un même établissement: la consommation et la production;

d) L'apport de la technologie de l'in- formation comme facteur de maintien de l'harmonie.

a) Le choix d'un modèle de partici- pation

Il semble évident que la réforme de la santé et des services sociaux du Québec n'a jamais fait de distinction entre la participation, comme objectif et la participation instrumentale. Non pas qu'il soit jamais possible de prévoir et d'encadrer à l'avance les développe- ments structurels et sociaux auxquels une véritable expérience de participa- tion puisse mener: il est déjà acquis, par exemple, que, au moins dans une première étape, la participation peut conduire au renforcement de la distance de pouvoir entre les puissants et les faibles au sein d'une même organisation (Mulder (10)). Mais, dans le contexte québécois, la participation de type instrumental se rapproche trop des techniques GPO (gestion par objectifs) et relations humaines pour ne pas être dénoncée par les milieux syndicaux du personnel non-clinique. Par contre, ces mêmes techniques pourraient, dans une assez large mesure, favoriser le travail

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ďéquipe multidisciplinaire au sein du personnel clinique. Ainsi donc, même des techniques traditionnelles de changement, bien timides en regard de celles de la participation, vue comme une finalité du système, peuvent mener à des expériences saccadées, chargées de succès et de contrecoups. Entre une participation essentiellement instru- mentale et une participation totale à tous les niveaux, il existe sans doute une série de formules intermédiaires à dé- couvrir et à expérimenter.

b) Le dilemme d'un contexte écono- mique propice à l'éclosion de la par- ticipation

Là aussi, un dilemme se pose. Parti- cipation et centralisation sont deux concepts qui, quoique antinomiques dans leurs définitions, n'en coexistent pas moins dans la réalité. En effet, les périodes de crise économique engen- drent habituellement la participation en même temps qu'elles provoquent chez les détenteurs du pouvoir une tendance au centralisme et à la hiérarchisation. Par ailleurs, les périodes de stabilité et de prospérité économiques favorisent habituellement le statu quo.

Ce dilemme de conditions écono- miques les plus favorables à trouver pour favoriser la participation est donc loin d'être résolu. C'est là une difficulté à laquelle le développement d'un modèle de participation se butera sans doute. Les tenants de l'idéologie parti- cipative répondront qu'il s'agit d'un aspect secondaire et qu'il convient de faire flèche de tout bois. Le problème d'effectuer des changements dans la répartition du pouvoir social en période de crise économique n'en demeure pas moins vital.

c) Le dilemme de la coexistence de deux formules coopératives: coopéra- tives de consommation vs coopératives de production

Une autre difficulté importante se situe justement au niveau de la con- comitance entre les formules de partici- pation des usagers et de la participation des employés.

Théoriquement, il est possible de penser que la participation des usagers renforcera le pouvoir des élites tradi-

tionnelles toujours présentes en insis- tant sur les services, et donc sur l'out- put. Mais l'output d'un établissement de santé est si varié et si difficile à définir que des divorces peuvent rapidement surgir entre telle ou telle partie des élites traditionnelles et les représentants des usagers. Dans un tel cas, la conséquence immédiate ne serait pas nécessairement une alliance des usagers syndiqués, elle- même contre nature: le personnel syn- diqué, comme tout le personnel pro- fessionnel, s'intéresse autant à l'aspect processus, sinon davantage, qu'à l'as- pect output du fonctionnement d'un établissement. Le risque de la juxta- position des deux formes de coopé- ration est alors d'engendrer le désen- chantement à la fois des syndiqués et des usagers, ce que semble confirmer l'ex- périence québécoise. Comme on le voit, le. système d'alliances, et même la dy- chotomie output-processus, n'est ni aussi stable ni aussi claire qu'on pour- rait le croire au départ. Or, cette insta- bilité des alliances et l'imprécision des objectifs ne peut manquer d'influer directement sur les modalités et les résultats de la participation.

Plusieurs formules peuvent être en- visagées pour solutionner ce type de problème, mais elles demeurent toutes, essentiellement, expérimentales: parti- cipation restreinte aux seuls employés, aux seuls usagers, participation poli- tique des employés et instrumentale des usagers ou l'inverse. Il serait sans doute nécessaire que la loi fournisse la latitude requise à l'expérimentation. Quoiqu'il en soit, les sujets de la participation devraient aussi faire l'objet d'appren- tissage formel du travail d'équipe. Dans une certaine mesure, les expériences de participation et de qualité de vie au travail vécues dans certaines entreprises privées: séminaires initiaux, experts- observateurs et séminaires-bilans méri- tent d'être tentées car si elles semblent nécessaires dans un milieu d'entreprise normal a fortiori dans un milieu bardé de professionalisme et de chasse gardée.

d) L'apport de la technologie de l'in- formation comme facteur de maintien de l'harmonie

La systématisation de l'information

rendue possible par la technologie in- formatique ouvre à la poursuite simul- tanée d'objectifs de planification et de participation des perspectives jusqu'ici insoupçonnées. En effet, par l'informa- tion quasi simultanée il devient possible aux participants d'assurer une meilleure gestion de leurs activités et au planifi- cateur d'exercer le rôle non directif de régulateur et de promoteur des initia- tives locales et régionales.

Cependant, bien que la technologie moderne favorise la décentralisation, elle se heurte dans son développement à l'éthique de la confidentialité, ce pour- quoi s'est opposée fermement notre ligue des droits de l'homme. L'érection de groupes autonomes de travail ou de communautés autonomes de gestion de la santé et des services sociaux se trouve donc à la fois favorisée par la technolo- gie moderne et défavorisée par les dangers politiques que cette même technologie suscite en d'autres secteurs de la société, autre dilemme dont la résolution paraît essentielle à la pour- suite d'une stratégie de changement.

Telles sont là certaines des variables déterminantes dont il faudra tenir compte dans l'édification d'une straté- gie visant à prolonger le changement déjà amorcé par la réforme des affaires sociales au Québec.

Conclusion Le jugement que nous avons porté à

l'expérience de la participation au Québec peut sembler sévère. Les trois antinomies fondamentales dont nous avons fait état et les variables déter- minantes de la stratégie future de changement sous-tendent toutes l'exis- tence d'une antinomie encore plus fondamentale: celle de la recherche de la liberté démocratique dans le respect de l'ordre (Schumacher (1 1)). La solution, semble-t-il ne réside pas dans la con- ciliation de ces contraires mais plutôt dans la "reconnaissance libre de la légitimité et de la nécessité des deux éléments."

C'est là un résultat qui ne peut s'obtenir sans confrontations d'idéolo- gies et d'intérêts. En poursuivant simul- tanément les deux objectifs, soit ceux de la planification et ceux de la participa-

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tion, les concepteurs de la réforme des affaires sociales au Québec déclenchai- ent donc un long processus de con- frontations, prélude à l'instauration d'une véritable participation et d'une véritable planification.

Rappelons à l'instar de nombreuses recherches en ce domaine, Lawrence et Lorsch (12), Lorsch et Morse (13), etc., que la confrontation est souvent vue

comme le mode le plus efficace de résolution des conflits.

C'est en ce sens qu'il importait de dresser au moins l'ébauche d'un premier bilan de l'expérience québécoise: non seulement pour répondre aux désirs de l'ensemble de la société et des milieux intéressés, mais aussi pour illustrer, en braquant intentionnellement la lunette sur les faiblesses apparentes et les

aspects négatifs du système instauré, la nécessité de laisser aboutir les processus sociaux engagés avant de se livrer à des tentatives de bilan global et définitif.

Remerciments Ce document a pu être réalisé grâce à l'appui financier

du laboratoire de recherche de la Faculté des sciences de l'administration de l'Université Laval.

BIBLIOGRAPHIE

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2. Gouvernement du Québec. Rapport de la Commission d'enquête sur la Šanté et les Services Sociaux au Québec. Vol. 1 à VII, Editeur du Québec, 1970-71.

3. Lambert, J. Médicaliser les conseils d'administration. Bulletin de l'Association des Conseils des médicins et oculistes des établissement de santé du Québec I V (2): mai- iuin 1978.

4. Vinet, A. Quatre expériences de la partici- pation dans les CLSC. Conférence présentée dans le cadre du séminaire sur l'expérience de

la participation dans le domaine de la santé. Faculté des sciences de l'administration, Université Laval, mai 1978.

5. Document inédit préparé par une équipe de chercheurs pour le compte du Conseil des affaires sociales du Québec, 1975. Partici- pation: bilan par les représentants de la population. 6. Blumberg, P. Industrial Democracy: The Sociology of Participation. London, Con- stable, 1968.

7. Bennis, W. Changing Organizations. New York, McGraw-Hill, 1966.

8. Mintzberg, H. The Structuring of Organi- zations. A Synthesis of the research, 1AE- CEROG, 1975.

9. Gardner, J. Self Renewal. Evanston, 111., Harper, 1963. L'Homme neuf, monde nouveau. Editions Internationales, 1966.

10. Mulder, M. The Daily Power Game. Inter- national Series on the Quality of Working Life Foundation for Business Administra- tion. Delft-Rotterdam, Leeden, 1977.

1 1 . Schumacher, E.F. Small is Beautiful. Contre- temps. Le Seuil Edition Française, 1978.

12. Lawrence, P.R. et Lorsch, J.W. Adapter les structures de l'entreprise. Paris, Les Editions d'Organisation, 1973.

13. Lorsch, J.W. et Morse, J.J., Organizations and their Members: A Contingency Ap- proach. New York, Harper & Row, 1974.

NOTES AUX COLLABORATEURS

Les articles doivent être envoyés au Rédacteur, Revue canadienne de Santé publique, 1 335 avenue Carling, App. 210, Ottawa, Ontario, Canada K1Z 8N8.

Le manuscrit doit être dactylographié à double interligne. Utilisez un côté seulement de papier long de onze pouces et large de huit pouces et demi, et laissez des marges d'au moins un pouce et demi. Envoyez l'original et deux copies. Une copie sera retenue par la revue et ne sera pas renvoyée à l'auteur.

Mettez sur la première page: ( 1 ) Le titre de l'article; (2) les prénoms et noms des auteurs; (3) leurs diplômes universitaires; (4) le service ou l'institution où le travail a été fait; (5) le service où travaillent maintenant les auteurs, s'ils ont changé d'emploi depuis; (6) le nom, l'adresse et le numéro de téléphone de l'auteur qui sera responsable des négociations concernant le manuscrit.

Les articles peuvent être écrits en français ou en anglais. Un bref résumé de l'article devrait paraître sur la seconde page. On a besoin, aussi, d'un résumé dans l'autre langue. Ceci peut être une traduction du résumé original, mais il doit pourvoir un aperçu du contenu de l'article à ceux qui ne pourront le lire dans l'original.

La bibliographie doit être dactylographiée à double interligne et numérotée par ordre de citation dans le texte. Les abréviations de titres de périodiques sont celles qu'utilise l'Index Medicus. Par exemple: 1. Klonoff, H. The Phenomenology of the Marihuana User. Can. J. Public Health 64: 552-61, 1973.

Les illustrations, y compris les photographies, les dessins, les graphiques, les diagrammes, les tracées, et tout ce qui ne peut être composé en caractères d'imprimerie doivent être fournies en deux exemplaires en forme de photographies bien contrastées. Autrement, ces illustrations seront renvoyées à l'auteur, ce qui peut retarder la publication de l'article.

Les lettres envoyées au rédacteur pour fins de publication devront être concises. Le rédacteur se réserve le droit de corriger au besoin les textes.

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