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TRIBUNE LIBRE L’humanitaire... et après ? Un entretien avec Jean-christophe Rufin, ancien président de Médecins sans frontières, président d’Action contre la faim, prix Goncourt 2001 Humanitarian action... And then? An interview of Jean-Christophe Rufin, ex vice president of Médecins sans Frontières, president of Action contre la faim, Goncourt prize 2001 B. Môle Médecins du monde, 15, avenue de Tourville 75007 Paris, France Reçu le 29 avril 2004 MOTS CLÉS Chirurgie humanitaire ; Développement ; Rufin KEYWORDS Humanitarian surgery; Developing; Rufin Résumé D’abord cantonnée dans l’urgence puis de plus en plus impliquée dans les perspectives de développement durable, l’action humanitaire est en situation de crise normale après une phase de croissance ininterrompue d’une trentaine d’années. Bien des facteurs contribuent à cette mise en cause finalement salutaire : professionnalisation des structures, intervention plus sensible des institutions officielles dans le financement, politisation des mouvements, désacralisation des acteurs de terrain, pression des idéolo- gies humanitaires au détriment de l’idéal humaniste, émergence de mouvements concur- rents type alter mondialisation etc. Il nous a semblé pertinent de recueillir l’avis d’une personnalité reconnue dans le domaine de l’action et de la réflexion pour mieux deviner ce que pourrait être l’humanitaire de demain. © 2004 Elsevier SAS. Tous droits réservés. Abstract First dedicated to emergency situations, then more involved in long term duration development, humanitarian action is concerned by a crisis which appears absolutely necessary after 30 years of growing up. Many factors may contribute to that situation: structural professionalisation, official financial pressures, political influences, more ideology for less ideal behaviour, competition with rising of new ideas like alter mondialisation etc. It seems interesting in such a situation to get some advices about humanitarian future from a personality who has recognised responsibilities in both action and thoughts consideration. © 2004 Elsevier SAS. Tous droits réservés. Adresse e-mail : [email protected] (B. Môle). Annales de chirurgie plastique esthétique 49 (2004) 331–338 www.elsevier.com/locate/annpla © 2004 Elsevier SAS. Tous droits réservés. doi: 10.1016/j.anplas.2004.05.004

L'humanitaire… et après ?: Un entretien avec Jean-christophe Rufin, ancien président de Médecins sans frontières, président d'Action contre la faim, prix Goncourt 2001

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TRIBUNE LIBRE

L’humanitaire... et après ?Un entretien avec Jean-christophe Rufin,ancien président de Médecins sans frontières,président d’Action contre la faim, prix Goncourt 2001

Humanitarian action... And then?An interview of Jean-Christophe Rufin,ex vice president of Médecins sans Frontières,president of Action contre la faim, Goncourt prize 2001

B. MôleMédecins du monde, 15, avenue de Tourville 75007 Paris, France

Reçu le 29 avril 2004

MOTS CLÉSChirurgiehumanitaire ;Développement ;Rufin

KEYWORDSHumanitarian surgery;Developing;Rufin

Résumé D’abord cantonnée dans l’urgence puis de plus en plus impliquée dans lesperspectives de développement durable, l’action humanitaire est en situation de crisenormale après une phase de croissance ininterrompue d’une trentaine d’années. Bien desfacteurs contribuent à cette mise en cause finalement salutaire : professionnalisation desstructures, intervention plus sensible des institutions officielles dans le financement,politisation des mouvements, désacralisation des acteurs de terrain, pression des idéolo-gies humanitaires au détriment de l’idéal humaniste, émergence de mouvements concur-rents type alter mondialisation etc. Il nous a semblé pertinent de recueillir l’avis d’unepersonnalité reconnue dans le domaine de l’action et de la réflexion pour mieux devinerce que pourrait être l’humanitaire de demain.© 2004 Elsevier SAS. Tous droits réservés.

Abstract First dedicated to emergency situations, then more involved in long termduration development, humanitarian action is concerned by a crisis which appearsabsolutely necessary after 30 years of growing up. Many factors may contribute to thatsituation: structural professionalisation, official financial pressures, political influences,more ideology for less ideal behaviour, competition with rising of new ideas like altermondialisation etc. It seems interesting in such a situation to get some advices abouthumanitarian future from a personality who has recognised responsibilities in both actionand thoughts consideration.© 2004 Elsevier SAS. Tous droits réservés.

Adresse e-mail : [email protected] (B. Môle).

Annales de chirurgie plastique esthétique 49 (2004) 331–338

www.elsevier.com/locate/annpla

© 2004 Elsevier SAS. Tous droits réservés.doi: 10.1016/j.anplas.2004.05.004

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« La main qui reçoit est toujoursau-dessous de la main qui donne »

Engendrée dans sa version moderne dans la fié-vreuse effervescence soixante-huitarde et une cer-taine tradition humaniste, suppléant volontiers lemanque de compétence par une bonne volontéromanesque, candide et parfois brouillonne, la mis-sion humanitaire a subi dans les années 1990 uneprofonde mutation dont les acteurs n’ont pas tou-jours eu conscience mais qui conditionneaujourd’hui son avenir. Perte d’influence des peti-tes ONG au profit d’organisations puissantes parfoiscapables de traiter « d’état à état », financementsde plus en plus dépendants de fonds supranatio-naux, structuralisation et professionnalisation despersonnels dans un but louable de meilleure effica-cité, l’image de l’humanitaire issue d’une traditionbeaucoup plus ancienne qu’on l’imagine apparaîtde plus en plus brouillée en interne...En externe, ce flou plus ou moins entretenu

continue de présenter au grand public les ressortsintacts du dévouement loyal, de l’action désinté-ressée dans un contexte de plus en plus risqué, duprogrès partagé, gages d’une représentation idéa-lisée capable de mobiliser le cœur et le porte-feuille...Même si symboliquement, la guerre du Biafra a

cristallisé en 1968 le désir des premiers « frenchdoctors » de transgresser le « devoir de réserve »imposé par la Croix Rouge face aux horreurs d’unefamine froidement programmée, l’humanitaireplonge évidemment ses racines aux origines del’humanité. Les commandements de toutes lesgrandes religions monothéistes comportent un vo-let qu’on peut qualifier d’humanitaire quelle qu’ensoit l’expression. Certains pourront voir dans lesordres de chevalerie monastiques les premièresONG au sens moderne du terme = ordres militaro-religieux indépendant des pouvoirs temporels etspirituels, instaurés pour venir en aide aux pèlerinsen route vers les lieux saints ; l’ordre des templiersatteint une puissance telle qu’elle finit par irriter lepouvoir royal de Philippe le Bel qui la décapite enbrûlant ses têtes pensantes... tout en confiscantses biens... La première bonne affaire sur le dosd’une ONG en somme...Ironie de l’histoire, la Croix Rouge dont le silence

assourdissant allait réveiller un certain type deconscience il y a 35 ans est de fait la première ONGdes temps modernes, occupant pratiquement seulele terrain des intermédiaires neutres et indispensa-bles aux grands conflits du 20e siècle. Parallèle-ment, l’extension des empires coloniaux permet lamise en place des premières structures sanitaires

dans les territoires les plus reculés. Nos libres pen-seurs modernes ont beau jeu de dénonceraujourd’hui les enjeux de ces marches forcées « ci-vilisatrices » : même non dénuées d’arrière penséeséconomiques ou politiques — voire religieuses — ils’agissait de porter le « progrès » aux marches lesplus reculées du monde connu ou à connaître auprix d’expéditions périlleuses où exaltation patrio-tique et tradition humaniste se mêlaient plus oumoins confusément. Quant à savoir si le progrèsainsi distribué en était toujours un pour les popula-tions concernées, il s’agit d’une autre question queseuls le recul du temps et la réflexion permettentde formuler...

Toujours est-il qu’une grande confusion règneactuellement... Confusion des motivations qui en-traîne une suspicion certaine vis-à-vis de la simplebonne volonté face à des parcours plus technocra-tiques, confusion des modalités de l’action où lapolitique prend volontiers le pas sur les considéra-tions altruistes même apparemment incontesta-bles, glissement perceptible de l’idéal humanitairevers une idéologie humanitaire qui tend à renforcerla prévalence de l’avis politique, imbroglios desituations locales de moins en moins lisibles où lemilitaire, le religieux, le pouvoir retrouvé de cer-taines minorités, l’émergence des nationalismes,certains moyens de pression économique se fon-dent dans une confusion où il devient difficile desavoir qui manipule qui... Les moyens énormes misen jeu dans l’humanitaire donnent l’impression queles limites de l’action ne sont plus vraiment res-treintes par des considérations simplement budgé-taires. Cette manne relativement peu discutée seconcentre davantage dans les mains de quelques

« La fiction selon laquelle la santé est undroit semble un phénomène propre aux sociétésdéveloppées... La médecine a représenté unoutil important dans le dispositif colonial auxcôtés de la religion et de l’armée. Le médecinapparaît dans le contexte dans la double figured’un aventurier humaniste ou celle plus austèred’un fanatique de la lutte contre les micro-bes... Dans cette représentation coloniale, letiers-monde n’est encore que l’autre monde,celui dont il faut extirper les maladies, ou ilfaut arracher les ronces, construire des routeset des hôpitaux pour assurer les communica-tions et l’entretien de la main d’œuvre invitéeà féconder son sol ancestral assimilé à une sortede chaos original »[1].

332 B. Môle

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institutions au détriment des dons privés dontl’existence reste pourtant vitale pour préserverl’indépendance d’ONG plus fragiles obligées de su-renchérir dans leurs objets de quête : toujours riende plus efficace pour susciter l’élan compassionnelque ces images fortes et culpabilisatrices — enfantsaffamés, regard vides, horizons asséchés, errancesdésespérées... — réduisant notre vision du tiers-monde à une sorte de pagaille permanente et fé-roce abandonnée de Dieu sinon des ambitions deshommes... Alors que toutes nos missions en revien-nent comblées de tant de richesses humaines, cul-turelles et spectaculaires !Les dérapages observés ici et là, la politisation

plus ou moins larvée des décisions, le repli égoïstedu Nord face à la crise, les revendications extré-mistes de groupes potentiellement dangereuxpermettront-ils à l’humanitaire de sortir sinon in-demne du moins renforcé dans sa seule missionfédérative : l’homme ? Vaste interrogation...

Être à la fois un homme d’action et de réflexion,se voir connu et reconnu dans ces deux domainesest un privilège rarement accordé, une sorte deGraal auxquels nous médecins affrontés en per-manence à cette sollicitation ambivalente ten-dons particulièrement. C’est pourquoi il nous asemblé particulièrement pertinent d’interrogerl’un de ceux qui symbolisent au mieux la consé-cration de cette quête qui est en chacun denous : réfléchir et agir, agir puis réfléchir, réa-gir....Jean-Christophe Rufin (Fig. 1) est né à Bourgesen 1952 ; élevé par ses grands-parents à l’ombredes récits de résistance et des rêves de voyages,il passe l’Internat de Paris en 1975 et se destined’abord à la neurologie puis à la psychiatrie.Après sa coopération en Tunisie il poursuit sonexpérience sur le terrain en Amérique Latine,dans les Balkans, et dans la Corne de l’Afriquequ’il connaît particulièrement bien et où il situeson premier roman, « l’Abyssin » (Goncourt dupremier roman 1997, prix Méditerranée, traduiten 19 langues) puis « Les Causes Perdues » (prixinterallié 1999).Ancien vice-président de Médecins sans frontiè-res, il est actuellement président d’Actioncontre la faim1. Il est le premier médecin à avoirreçu le prix Goncourt pour « Rouge Brésil »(2001).

Entretien2

Jean-Christophe Rufin, merci de nous retracerl’inscription de l’action humanitaire au sein devotre carrière.

Je suis d’abord médecin, et je le revendique,même si je ne pratique plus en ce moment laclinique. J’ai fait mes études à Paris et passé l’in-ternat en 1975. Très rapidement, en partie peut-être pour des raisons familiales, et parce quej’avais une idée un peu romantique, un peu « héroï-que », de la médecine, j’ai éprouvé le besoin defaire autre chose que la médecine hospitalière tellequ’elle m’était proposée. J’ai eu l’occasion derencontrer d’autres réalités pendant mon servicemilitaire en Tunisie, où j’étais coopérant et où, parle hasard des choses, je travaillais dans une mater-nité. Je faisais de l’obstétrique, chose peu cou-rante dans l’armée française ! En rentrant, j’ai priscontact avec Médecins sans frontières qui en était à

1 ACF 4 rue Niepce, 75014 Paris. 2 Réalisé avec l’assistance technique de Guillaume Mérere.

Figure 1

« L’âme est ainsi faite que vous vous habituezà toutes sortes d’injustices lorsqu’elles parais-sent constituer la trame même de la vie » [2].

333L’humanitaire... et après ?

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ses débuts, à ses balbutiements. Le hasard a vouluque je rencontre cette association à ce moment-làet qu’elle a changé un peu ma vie, c’est-à-direqu’elle m’a donné une sorte de liberté et l’enthou-siasme que je recherchais. Après, ma carrière mé-dicale s’en est ressentie, et je n’ai plus quittél’humanitaire.

Née quasi spontanément dans le désordre dupostcolonialisme, l’action humanitaire s’est peuà peu structurée : les petites organisations, sor-tes d’électrons libres de toute attache notam-ment politique se sont muées en grosses machi-neries à la mobilité moins évidente. Que pensez-vous de cette évolution ?

Je pense qu’elle est bonne, parce que malgrétout, la période héroïque était une période où onn’était pas forcément très efficace. On se faisaitplaisir, c’est certain ! La période des débuts, je l’aibien connue et quand on me dit ici : « Ah, c’étaitmieux avant », je réponds : « Oui, c’était peut-êtremieux avant... pour nous... ». Mais on arrivaitcomme des carabiniers dans des situations de criseoù il faut être très réactif. Aujourd’hui, il y a peud’organisations qui sont capables d’être présentesdans ce type de conjoncture éloignée, avec unecertaine efficacité et une certaine compétence.A contrario, lorsqu’il y a des crises en Europe,

par exemple en Yougoslavie, en Roumanie oulorsqu’il y a un tremblement de terre en Arménieou en Turquie, tout le monde pense pouvoir parti-ciper au sauvetage. Tout le monde pense pouvoirprendre sa voiture, mettre du matériel dedans etpartir...Ce type de comportement peut engendrerdes catastrophes ! Il y a un minimum d’exigence desavoir-faire. Et quand c’est à l’autre bout dumonde, c’est encore pire, bien sûr. Je pense que laprofessionnalisation est une bonne chose, sur lefond. Évidemment, il ne faut pas en perdre sonâme. Il faut préserver malgré tout un esprit. Le défiqu’on a ici, c’est de rendre compatible profession-nalisme et un minimum — en fait d’ailleurs unmaximum ! — d’enthousiasme et d’esprit un peupionnier. La difficulté est sans doute là...

Les fils des pères fondateurs vont aujourd’huiprendre les commandes de la machinerie huma-nitaire. Pensez-vous que l’« humanitaire depapa » — ce mélange de candeur et de sponta-néité — soit dépassé et que face à la globalisa-tion des problèmes ceux-ci serait mieux résolud’une manière plus technocratique ?

Ce qui est nouveau, c’est que maintenant pourles plus jeunes il y a la conviction que l’humanitairen’est pas un « minimum ». Pour nous, c’était uneespèce de minimum... Souvent, on avait eu desengagements politiques, puis on était venu à l’hu-manitaire après avoir quitté les grandes causes,comme le communisme. Au fond, on s’était repliésur l’humanitaire comme « minimum ». C’était leplus petit dénominateur commun de l’engagement.Pour les jeunes générations, ce n’est pas ça. C’estquelque chose de plus fondamental, de plus impor-tant parce qu’ils voient bien que dans le monded’aujourd’hui, ce qui nous paraissait à nous être unminimum n’est pas si « minimum » que ça. Il y a destas d’endroits où ça n’existe pas et où des tas deforces politiques, extrémistes ou autres, ne parta-gent pas ces valeurs. Par exemple, on pense qu’ilfaut défendre les faibles. Ce n’est pas évident...Quand on se ballade dans le monde, ce n’est pastrès courant... On pense qu’il faut tendre versl’égalité entre les hommes et les femmes, ce n’estpas évident non plus. Ça l’est même de moins enmoins... On pense que la peine de mort est unéchec humain, et finalement on tue de plus enplus... Tout ça fait que les jeunes s’aperçoiventque ce programme humanitaire est vraiment plusqu’un programme minimum. C’est un vrai pro-gramme politique. Moi je pense que de ce point devue, ils ne sont pas du tout découragés. Simple-ment, ce qu’ils voient aussi, c’est que ça ne suffitpas et qu’il faut sans doute en même temps — pas àla place mais en même temps — avoir d’autresengagements. J’en vois par exemple qui sont dansles mouvements alter mondialistes comme ATTAC,parce qu’ils pensent que le problème de fond est derééquilibrer les questions de pauvreté. On ne lesempêche pas de le faire. Nous à notre place, on faitquelque chose qui est nécessaire, qui est certesirremplaçable, mais on ne fait pas tout !

Depuis la première campagne publicitaire deMSF (« dans leur salle d’attente un milliardd’hommes ») la plupart des organisations ontutilisé ces images fortes pour sensibiliser l’élancompassionnel de l’Occident, plus facilementperturbable du fait de sa tradition chrétienneculpabilisatrice. Même s’il reflète une partiedes réalités, ce miroir déformant de notre visiondu quart monde ne vous paraît-il pas dangereux ?

C’est un véritable drame pour moi à chaque foisque je signe ici les annonces, les envois et mailings(que je suis obligé d’endosser moi-même). Ça merend triste parce que j’aimerais, que nous commu-niquions de façon plus subtile, plus différenciée. Ily a dans les pays du Tiers Monde de très belles

« On allait où les autres n’allaient pas maison retrouvait tout le monde ! »

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choses, il n’y pas forcément que de la misère. Unpays comme l’Éthiopie, ce n’est pas que la famine,c’est aussi un pays riche culturellement d’une cer-taine manière. Il y a bien autre chose dans ces pays,et j’ai bien conscience qu’on les écrase d’une cer-taine façon en les réduisant à la vision de la catas-trophe. Mais d’un autre côté, les organisations hu-manitaires doivent vivre. Il est très important pourelles d’avoir accès aux fonds collectés auprès dugrand public, c’est ce qui nous donne notre indé-pendance, c’est ce qui nous permet d’agir ; il estvrai que le grand public — malheureusement c’estcomme ça — ne réagit qu’à une sorte de mise enscène un peu spectaculaire et un peu forte. Si vousdites aux gens : « Tout va bien, donnez-moi dessous ! », vous n’avez rien. Si vous leur dites : « Toutva mal... », malheureusement, ça marche mieux !C’est un drame, mais c’est comme ça. Je diraisqu’il faut aussi « faire même à regret »...

Les donateurs privés, soucieux de s’intégrer àune action précise (famine, tremblement deterre, réfugiés) semblent actuellement cheznous moins réactifs à ce type d’événementiel. Legros du financement vient aujourd’hui des insti-tutions, moins réactives, demandant davantagede comptes et pesant forcément sur les choix.Cette perte apparente d’indépendanceprésente-t-elle un danger ?

Je crois qu’il y a longtemps, plusieurs années etmême plusieurs décennies, que la part de ce qu’onappelle les financements institutionnels — UnionEuropéenne, Nations Unies et autres — est prédo-minante dans nos associations. Toutes ces ques-tions d’indépendance, on se les est déjà beaucoupposées, il y a dix ou 15 ans. Aujourd’hui, le pro-blème n’est pas tellement là, il est dans la propor-tion que représentent ces financements dans votrebudget. Si vous avez un budget qui a pour 100 % uneorigine étatique, vous n’êtes pratiquement plusune association, vous êtes une sorte de prolonge-ment ou une antenne de l’action de l’État. Pourêtre une association digne de ce nom, il faut dispo-ser de fonds privés, qui ne sont pas forcémentcollectés auprès du grand public, ce peut aussi êtredes fonds qui viennent de mécénats d’entreprise,de partenariats avec des institutions, etc. C’estindispensable, on est condamné à ça. Mais il existefinalement très peu d’associations à avoir accès auxfonds publics en France. Il y a Médecins sans fron-tières, Médecins du monde, Handicap internatio-nal, nous (Action internationale contre la faim),après ça devient beaucoup plus difficile. Il y a unpeu de solidarité, et puis on trouve surtout desassociations qui sont financées pratiquement à

100 % par des programmes internationaux, des pro-grammes institutionnels. C’est donc quelque chosequ’il faut défendre et c’est loin d’être facile...

Vous vous êtes engagé dans la politique en 1993en entrant au cabinet du ministre de la défensecomme conseiller spécialisé dans la réflexionstratégique sur des relations Nord–Sud. L’offi-cialisation de l’action d’état humanitaire par lacréation d’un secrétariat vous paraît-il unebonne initiative ou affichez-vous aujourd’hui lamême méfiance vis-à-vis de l’intrusion du « poli-tiquement correct » dans la prise en chargehumanitaire ? Le droit d’ingérence — arme àdouble tranchant —- a-t-il encore sa raisond’être ?

Ça s’est un peu calmé. On a connu des périodes,en effet, de très forte récupération, avec des se-crétariats d’état à l’action humanitaire etc., et onsentait très bien qu’il y avait une sorte de déman-geaison du côté des politiques pour pénétrer sur ceterrain humanitaire. Ça s’est un peu calmé,d’abord parce que la scène internationale a changéet puis ces derniers temps, c’est moins le sujet !Depuis la guerre en Afghanistan, l’invasion del’Irak, le terrorisme, on est moins dans cette es-pèce de marécage politique qu’a représenté laguerre en Bosnie, où il y a eu la confusion maximumentre humanitaire et militaire. Je pense qu’il fautse faire à l’idée qu’il y a un humanitaire d’État avecquelques institutions au sein du Quai d’Orsay quis’occupent de ça. Maintenant, les rapports entrecet humanitaire d’État et nous se sont clarifiés. Jecrois qu’on est sorti de l’ambiguïté, ça va plutôtbeaucoup mieux.

L’idéal humanitaire prévalant avant les années1980 à peu à peu glissé vers une « idéologiehumanitaire » qui mène parfois davantage àl’affrontement (la concurrence humanitairen’est pas un mythe...) qu’à l’harmonisation desmoyens souvent considérables offerts. De res-pectés et protégés, les acteurs de l’humanitairesont devenus des enjeux, des objets de marchan-dage comme les autres, voire les victimes expia-toires de luttes de pouvoir qui les dépassent.Pensez-vous cette dérive inéluctable ?...

Pendant la guerre froide, les conflits étaientassez ordonnés, il y avait encore à ce moment-làdes zones d’influence très claires : ceux qui étaientprosoviétiques, ceux qui étaient prooccidentaux. Il

« Zut une famine, chic un Kouchner ! »

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y avait un certain respect de l’intangibilité desfrontières, les camps de réfugiés permettaient demettre les victimes à l’abri des zones de combat.Tout ceci était relativement clair. Aujourd’hui, onest dans une très grande confusion parce que lasituation politique est de moins en moins lisible. Ilest très compliqué d’expliquer aujourd’hui certainsconflits (par exemple celui du Libéria avec toutesles factions en présence : qui se bat contre qui ?). Etpuis beaucoup de choses ne sont plus respectées.On a assisté à des effondrements d’États, on aconstaté de plus en plus l’entrée en guerre de zonesurbaines, c’est-à-dire de villes en guerre. Les villesen guerre posent des problèmes tout à fait nou-veau, d’approvisionnement en eau, de mélangeentre populations civiles et zones de combat etc.Tirer au mortier sur un immeuble habité par descivils, c’est autre chose que de perpétrer des com-bats en rase campagne... Les humanitaires sontpiégés dans ces phénomènes nouveaux. Ils sontcoincés là-dedans doublement parce que pour allersecourir les victimes il faut se trouver dans deszones qui sont de plus en plus dangereuses — lesmenaces de la guerre les mettent directement ensituation de risque — et ils ne bénéficient plus decette espèce d’immunité qui pendant la guerrefroide les protégeait. Aujourd’hui les factions pra-tiquent souvent — pas toujours mais souvent — unelogique de pillage qui ne respecte rien et dont leshumanitaires sont les premières victimes. Autre-ment dit, on va nous tirer dessus moins parce nousserions soupçonnés de soutenir telle ou telle fac-tion mais simplement parce qu’on a une belle voi-ture, ou parce qu’on veut s’emparer de ce qu’on aapporté ou de ce qu’on représente. Tout cela faitqu’en effet, l’humanitaire n’a jamais été aussidangereux et nos volontaires jamais été aussi me-nacés voire assassinés que ces dernières années...

Durant cette dernière décennie trois évène-ments ont particulièrement illustré le grandécart et les contradictions de l’humanitaire : lecautionnement apparent d’un régime obscuran-tiste en Afghanistan, l’exploitation de la famineen Éthiopie, l’impuissance face au génociderwandais dont on commémore ce jour même(7 avril 2004) le 10e anniversaire ; commentanalysez-vous l’attitude des ONG face à ces dra-mes ? Votre vision de ces évènements au traversdes propos désabusés — voire carrément cyni-ques — du vieil Hilarion [2] a-t-elle changée ?

Non. En matière de violation des droits del’homme, l’humanité fait preuve d’une « créati-vité » tout à fait spectaculaire... En effet, il y a à lafois la reproduction des mêmes schémas — malheu-

reusement toujours les massacres, les camps deréfugiés etc. — mais mis en scène dans des configu-rations nouvelles.L’expérience des talibans, par exemple, a été

particulièrement, j’allais dire « intéressante »,mais en tout cas surprenante, une sorte de dérived’un pays vers une forme de violation des droits del’homme inscrite dans l’ordre même du pays : ce nesont pas des exactions contre des opposants, c’estla façon-même dont est structurée la société qui nedonne aux femmes aucune place véritablement di-gne, leur interdisant l’accès aux soins etc. Ce futvraiment une sorte de construction monstrueuse,tout à fait inédite.En matière de génocide, on pensait quand même

que le 20e siècle avait épuisé là-dessus ses forces etqu’après les deux seuls génocides reconnus (lesarméniens et les juifs), on avait atteint une sorted’« apogée ». Et puis le Rwanda est venu nousmontrer qu’il pouvait se produire quelque chose detout à fait singulier et nouveau, un génocide à lafois hautement technologique et complètementbrutal, sauvage. Pourquoi le génocide du Rwandaétait-il technologique ? Parce qu’il s’appuyait surdes techniques très modernes de recensement despopulations, de dénombrement ethnique (chacunavait son ethnie marquée sur sa carte d’identité) :sans cette « méthodologie » il n’aurait jamais pu yavoir un génocide aussi « précis », et perpétré dansle même temps à l’aide de moyens totalementprimitifs et atroces [3]...

Mais finalement, je ne suis pas comme Hilarion.Hilarion est désabusé parce qu’au fond il ne croitpas tellement au drame. Moi, je crois au drame, jel’ai vu, on l’a tous vu et parfois vécu. Je croissimplement qu’on n’a pas encore tout saisi. Alorsqu’on sortait d’un 20e siècle dont on pensait qu’ilavait battu tous les records dans ce domaine, à monsens le pire est à venir...

Dans vos écrits comme dans vos paroles pointesans cesse un certain scepticisme. Est-ce unefaçon d’être continuellement attentif aux situa-tions dont vous êtes le témoin où êtes-vousdevenu réellement pessimiste ?

Non, je ne suis pas pessimiste mais j’ai deuxennemis : la naïveté et le cynisme. Je déteste l’unecomme l’autre. Je n’aime pas les gens qui expli-quent qu’il n’y a rien à faire, que tout va mal et quede toute façon tout ne peut qu’aller plus mal, et je

« Pour ne pas être complice d’un crime, il estprêt à abandonner la victime au criminel » [2]

336 B. Môle

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n’aime pas non plus les gens qui pensent que toutva bien et qu’il suffit d’être gentil pour que touts’arrange. Je pense que le Mal, la tragédie hu-maine, c’est quelque chose qui existe, contre la-quelle on peut se dresser, mais qui nécessite unesorte de ténacité et d’inventivité. Il ne suffit pas dedire : « Je suis contre » et puis ça va aller. C’est undes grands honneurs de l’humanitaire français dutype « sans Frontières », que d’avoir essayé demarier charité et lucidité politique. Autrefois onparlait de charité en disant : « la charité n’a rien àvoir avec la politique, il ne faut surtout pas se mêlerde politique ». Nous, on a dit : « Si : pour atteindreles victimes, il faut avoir une lucidité politique ». Ilfaut tâcher savoir qui manipule qui, quels sont lespièges, quels sont les enjeux etc., c’est en crevanttous ces abcès qu’on accédera vraiment à des vic-times de plus en plus difficile à atteindre. Quandvous débarquez dans un pays comme l’Iran après letremblement de terre récent, comment faites-vouspour les rejoindre ? Elles sont « cachées » derrièretout un empilement de structures politiques, reli-gieuses ou autres, qui vous empêchent d’agir. Poury parvenir, il faut déjà pouvoir simplement entrerdans le pays ! Très souvent, on croit qu’il suffit dese poser, dés la descente d’avion on peut commen-cer à travailler... Pas du tout ! Il faut être trèscirconspect. Je ne suis pas pessimiste, je ne suis passceptique, je n’ai pas une vision noire des choses.L’histoire du Bien, l’histoire du Mal, l’histoire dessecours, l’histoire des guerres ont toujours étéparallèles et il faut à chaque fois adapter les mena-ces et les traitements. On l’a vu par exemple dansl’émergence des nouvelles armes, qui entraîne desconventions sur ces armes et donc la mise au pointd’autres armes. Le droit rattrape le fait... On esttout le temps en train de courir après des ajuste-ments pour essayer de se mettre à la hauteur de cesmenaces nouvelles. Ce n’est pas être pessimisteque de voir les choses ainsi. La preuve, c’est que jesuis ici ! Sinon, je resterais couché...

Bernard Hours a écrit [4] « la solidarité estdésormais tellement ritualisée par les médiasqu’elle est devenue un sentiment virtuel, unélément de correction morale universelle.L’idéologie humanitaire se présente comme lafaçade éthique des nouvelles formes d’exploita-tion économique. Elle sert d’abord rendre ac-ceptable l’iniquité en attirant le regard sur lesseules victimes spectaculaires ». Partagez-vouscette analyse ?

Ce n’est pas faux. C’est un risque en tout cas. Sion n’y prend pas garde, l’humanitaire est un alibi.C’est : « Zut une famine, chic un Kouchner ! ». Il

faut, que nous les ONG essayions de garder un rôlede poil à gratter. Je prends l’exemple de Médecinsdu monde lorsqu’ils ont ouvert les Missions France ;cela aurait pu être une façon de replâtrer la situa-tion sociale ici, donc comme le dit ce texte d’êtreles complices d’un ordre social injuste. Or, ce n’estpas ce qui s’est passé : les Missions France deMédecins du monde ont servi au contraire à montrerqu’il y avait des besoins et qu’ils n’étaient pascouverts contrairement à ce qu’on affirmait. Onpensait : « Tout le monde bénéficie de la sécuritésociale » ; en ouvrant un dispensaire en plein Parison a démontré le contraire. À partir de ce moment,tout un processus de transformation sociale a étéenclenché qui a conduit à la création de la CMU.Autrement dit, l’humanitaire peut aussi être unmoyen de remettre en cause les choses, même ànotre porte.Ce n’est pas l’humanitaire en tant que tel qui est

complice, c’est la façon dont on le pratique !

Ces dernières années, une nouvelle formed’idéologie humanitaire a connu une extensionfulgurante, je veux parler de l’alter mondialisa-tion. On peut la percevoir comme une tentativede prise en charge par l’intérieur de certainesdifficultés économiques qui touchent parfois lesmêmes cibles que celles de l’humanitaire. Yvoyez-vous une solution nouvelle et « durable »— comme le dit développement — ou une autreforme de compétition peut-être finalement plusprofitable que perverse ?

Il n’y a rien d’incompatible entre les deux !L’humanitaire ne résout pas durablement les pro-blèmes : il vient au secours de populations qui sonttouchées par une crise. C’est nécessaire, indispen-sable, mais ça ne résout pas les causes. L’humani-taire d’urgence n’a jamais réduit l’écart entre lesriches et les pauvre, n’a jamais apporté la paix dansun pays en guerre, n’a jamais apporté la justice àdes gens qui ont été victimes de violations gravesdes droits de l’homme etc. Nous sommes là pourprotéger des individus à un moment donné et rienn’empêche de promouvoir d’autres types d’action(par exemple la poursuite des criminels de guerrepour crime contre l’humanité par les tribunauxinternationaux). Se préoccuper de la question desinégalités économiques dans le monde est quelquechose de nécessaire, donc je ne vois pas de contra-diction entre les deux. Ceux qui affirmeraient :« Aujourd’hui la nouvelle forme d’action c’est l’al-

« En Afghanistan l’humanitaire était devenuune farce... »

337L’humanitaire... et après ?

Page 8: L'humanitaire… et après ?: Un entretien avec Jean-christophe Rufin, ancien président de Médecins sans frontières, président d'Action contre la faim, prix Goncourt 2001

ter mondialisme, l’humanitaire c’est fini »,n’auraient rien compris ! C’est un peu comme si ondisait : « On va s’occuper de prévention pour lasanté publique, on ne va plus s’occuper de soignerles fumeurs. Ils ont fumé, tant pis pour eux » ; lefait est que tant qu’il y a des gens qui fument et quisont malades, on doit continuer à les soigner entant que médecin. Nous sommes dans la mêmesituation : nous héritons d’un tas de crises extrême-ment regrettables mais qui existent. Pourrait-ondire : « Laissons-les mourir, et occupons-nous desgrandes questions du monde » ? Non, nous nousconsacrons à des populations, à des individus. Parailleurs, d’autres (ou nous-mêmes par d’autres en-gagements) pouvons nous pencher sur les problè-mes de fond. Ce n’est pas du tout incompatible...

Après « Le Piège » [5] puis « L’Aventure Huma-nitaire » [6], quel avenir pour l’humanitaire ?

L’avenir de l’humanitaire, c’est d’abord de res-ter présent, et à mon avis puissant, dans des socié-tés démocratiques. L’humanitaire n’a pas toujoursété une des composantes de la démocratie ! Sidemain on commence à dire : « Plus d’humanitaire,laissons les gens mourir », on ne sera plus vraimentdans le même type de régime politique. Tocque-ville l’avait vu dès le début du 19e siècle : ce quicaractérise la démocratie, c’est le fait de pouvoirse mettre à la place des autres, c’est l’égalité desconditions, c’est le fait de se penser tous égaux. Leproblème est que le paysage va changer : là commeailleurs il y a une internationalisation, une mondia-lisation de l’offre humanitaire. Les grandes organi-sations américaines, anglaises et autres viennent

collecter des fonds chez nous — et nous faisonsd’ailleurs de même chez eux ! Il y a donc une sortede défi : on ne reste plus chacun dans son pré carré,tout le monde va partout.Par ailleurs, il y aura certainement des regroupe-

ments parce qu’ un certain nombre d’associationsne sont pas viables.Enfin, en dernier lieu et qui nous concerne plus

directement, les associations françaises ont étédéveloppées avec l’appui de l’Europe : l’élargisse-ment de celle-ci fait qu’avec de nouveaux mem-bres, de nouvelles associations arrivent; une autrede nos préoccupations est que dans la constitutioneuropéenne — si toutefois elle est signée — l’huma-nitaire passera sous l’autorité du commissairechargé de la politique étrangère et de la défense.Nous avons très peur de perdre l’indépendance quiest la nôtre dans le système actuel et qu’il y ait unetentation, comme c’est le cas aux États-Unis,d’embrigader l’humanitaire dans la lutte contre leterrorisme et pour la sécurité beaucoup plus que delui garder son indépendance.Tout ceci constitue des inquiétudes pour l’ave-

nir, mais je pense que l’humanitaire a encore —j’allais dire « malheureusement » — de beaux joursdevant lui...

Références

[1] Brauman R. Utopies sanitaires. Le Pommier Fayard; 2000.[2] Rufin JC. Asmara ou les causes perdues. Gallimard; 1999.[3] Hatzfeld J. Une saison de machettes. Le Seuil; 2003.[4] Hours B. L’idéologie humanitaire. L’Harmattan; 1998.[5] Rufin JC. Le piège, J.C. Lattés, 1986.[6] Rufin JC. L’aventure humanitaire. Gallimard; 1994.

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