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Année universitaire 2012-2013 LICENCE EN DROIT – GROUPE DE COURS N° II GROUPE DE COURS N° II DROIT ADMINISTRATIF (Cours de M. Coulibaly) Examen Épreuve du 16 mai 2013 Cas pratique : Corrigé didactique

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Année universitaire 2012-2013

LICENCE EN DROIT – GROUPE DE COURS N° II

GROUPE DE COURS N° II

DROIT ADMINISTRATIF

(Cours de M. Coulibaly)

Examen

Épreuve du 16 mai 2013

Cas pratique : Corrigé didactique

SUJET : Cas pratiqueM. Daniel Lebreton, conseiller de tribunal administratif et, accessoirement, un de mes an-ciens étudiants, m’a convaincu de le laisser vous mettre à l’épreuve :« En mon humble qualité de magistrat administratif, je me suis laissé dire que vos récentsexploits juridictionnels avaient divisé l’opinion publique de Trantor-sur-Ciel. D’un côté, lescritiques anonymes à responsabilité limitée. De l’autre, ceux qui savent de quoi est pavé lechemin qui vous a conduits au sommet de votre gloire : un dur labeur, de la sueur, des larmeset de l’humour (la preuve !) qu’aucun mensonge compulsif ne saurait dissimuler.Au contraire de votre étrange professeur, je ne vais pas inventer d’invraisemblables histoires,ni user de tournures alambiquées à la signification incertaine. Mon cas pratique est précis,concis et…pratique. Il se compose de trois affaires distinctes, correspondant à trois espècesqui ont été soumises au tribunal administratif de Trantor-sur-Ciel.Je vous dois une précision liminaire : les faits dont l’exposé suit se sont tous produits dans descirconstances ordinaires.

Pour reprendre une formule célèbre, les faits qui ont donné lieu à la première affaire sont aussisimples qu’ils sont tristes. Trantor, 3 février 2011. Un adolescent, Stéphane Touzard, jouenormalement au basket-ball sur le terrain de sport de son lycée. Il dribble, feinte, saute,marque un panier, s’appuie sur le cerceau (une pratique inhérente à ce jeu) ; à ce moment-là,le panneau de basket-ball s’effondre et Stéphane est mortellement blessé.Le 17 février 2011, M. et Mme Touzard demandent au tribunal administratif de Trantor decondamner la région Île-de-France à réparer le préjudice subi par eux du fait de la mort acci-dentelle de leur fils Stéphane, provoquée par la chute du panneau de basket-ball.Parmi les certitudes qui ressortent de l’instruction menée par le tribunal, il en est deux quiretiendront particulièrement votre attention. Premièrement, le panneau de basket-ball en causeest un ouvrage public dont la région Île-de-France a la propriété et la charge de l’entretien.Deuxièmement, bien que ses vis de fixation fussent anormalement rouillées, cet ouvrage pu-blic n’était pas d’une dangerosité exceptionnelle au moment de l’accident mortel.Le 1er mars 2012, le tribunal administratif de Trantor condamne la région Île-de-France à ré-parer l’intégralité du préjudice subi par les époux Touzard.

L’affaire suivante a pour origine des faits qui se laissent facilement exposer. Par un arrêté endate du 21 avril 2011, Mme le maire de Trantor décide, sans y être obligée, de modifier lesdroits de place et de stationnement sur le marché communal de la ville.Choqué, à bon droit, de n’avoir même pas été informé du projet de décision du maire, le Syn-dicat des commerçants sédentaires, seule organisation professionnelle intéressée, forme, le 28avril 2011, un recours pour excès de pouvoir contre l’arrêté du 21 avril 2011.Devant le tribunal administratif, Mme le maire pose une question et assène une affirmation.La question : « Était-ce bien utile d’informer le Syndicat ? » L’affirmation : « De toute façon,je n’aurais pas été tenue de suivre son avis. » Entre parenthèses, cette affirmation est exacte.Par un jugement en date du 24 mai 2012, le tribunal administratif annule l’arrêté du maire enretenant la seule illégalité que l’ensemble des données de l’espèce permettent au Syndicatd’invoquer avec une chance de succès (Voir annexe).

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La troisième affaire n’est pas la moindre des trois. Par une décision individuelle expresse du19 janvier 2012, le Conseil national de l’ordre des pharmaciens (une autorité administrative) ainscrit Mlle Anne Leblanc au tableau de la section D de l'ordre national des pharmaciens.Cette décision procure à sa destinataire et bénéficiaire, Mlle Leblanc, un avantage juridique-ment protégé : le droit d’exercer en qualité d'adjoint intermittent dans une officine.Un an plus tard, le Conseil national de l’ordre des pharmaciens procède, par une décision da-tée du 25 janvier 2013, au retrait de sa décision du 19 janvier 2012, au motif (d’ailleurs exact)que celle-ci était entachée d’un vice de forme. Une recommandation : vous devez tenir pourréel et avéré ce vice de forme sans vous soucier de savoir d’où il provient.Le 26 janvier 2013, Mlle Leblanc saisit le tribunal administratif d’un recours pour excès depouvoir dirigé contre la décision du 25 janvier 2013 par laquelle (on vient de le voir) le Con-seil national de l’ordre des pharmaciens a procédé au retrait de son inscription au tableau de lasection D de l'ordre national des pharmaciens.

*

1. Pour quels motifs de droit et de fait le tribunal administratif a-t-il condamné la région Île-de-France à réparer l’intégralité du préjudice subi par les parents du jeune Stéphane Tou-zard ?

2. Pour quels motifs de droit et de fait le tribunal administratif a-t-il annulé l’arrêté du maireen date du 21 avril 2011 ?

3. Le retrait de l’inscription de Mlle Anne Leblanc, décidé le 25 janvier 2013 par le Conseilnational de l’ordre des pharmaciens, vous paraît-il légal ?Interrogation subsidiaire, distincte de la précédente : si le même Conseil avait, à la mêmedate et pour le même motif, abrogé ladite inscription au lieu de la retirer, une telle abroga-tion aurait-elle été légale ? »

Nota bene :Le candidat choisit librement l’ordre de ses réponses.Total des points : 20. La répartition est la suivante :

o question n° 1 : 7 pointso question n° 2 : 6 pointso question n° 3 : 7 points

Aucun document n’est autorisé.***

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ANNEXE

Article L. 2224-18 du code général des collectivités territoriales[Résumé]

Les décisions du maire relatives à la modification des droits de place et de stationnement surles marchés communaux sont prises après consultation des organisations professionnellesintéressées. Une telle procédure constitue une garantie pour ces organisations profession-nelles.

***/***

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Table des matières (Cliquer sur un numéro pour accéder directement à la page correspondante)

1 – RÉPONSE À LA QUESTION N° 1 DU CAS PRATIQUE ...........................................................6

LA CONDAMNATION DE LA RÉGION ÎLE-DE-FRANCE ...................................................................................6Pour quels motifs de droit et de fait le tribunal administratif a-t-il condamné la région Île-de-France à réparer l’intégralité du préjudice subi par les parents du jeune Stéphane Touzard ?.....6

1.01 Les motifs de droit et de fait justifiant la condamnation de la région Île-de-France àréparer l’intégralité (c’est-à-dire 100 %) du préjudice subi par les parents du jeune StéphaneTouzard ................................................................................................................................7

1.0.1 Le résumé de la réponse attendue à la question et, donc, aux deuxinterrogations qui la composent. ....................................................................................71.0.2 La démonstration précise de la réponse que le candidat devait formuler dans lerespect de la méthodologie du cas pratique. ..................................................................9

2 – RÉPONSE À LA QUESTION N° 2 DU CAS PRATIQUE : .......................................................17

LA MODIFICATION DES DROITS DE PLACE ET DE STATIONNEMENT SUR LE MARCHÉ COMMUNAL ........................ 17Pour quels motifs de droit et de fait le tribunal administratif a-t-il annulé l’arrêté du maire endate du 21 avril 2011 ? ............................................................................................................ 17

2.0 L’annulation de la décision de modifier les droits de place et de stationnement sur lemarché communal de la ville .............................................................................................. 17

2.0.1 Le résumé de la réponse attendue. ................................................................... 172.0.2 La démonstration précise de la réponse que le candidat devait formuler dans lerespect de la méthodologie du cas pratique. ................................................................ 19

3 – RÉPONSE À LA QUESTION N° 3 DU CAS PRATIQUE : .......................................................24

LE RETRAIT ET L’ABROGATION DE L’INSCRIPTION DE MLLE ANNE LEBLANC ................................................... 24Le retrait de l’inscription de Mlle Anne Leblanc, décidé le 25 janvier 2013 par le Conseil nationalde l’ordre des pharmaciens, vous paraît-il légal ? Interrogation subsidiaire, distincte de laprécédente : si le même Conseil avait, à la même date et pour le même motif, abrogé laditeinscription au lieu de la retirer, une telle abrogation aurait-elle été légale ? ............................ 24

2.1 La légalité du retrait de l’inscription de Mlle Anne Leblanc ............................................ 253.1.1 Le résumé de la réponse attendue. ................................................................... 253.1.2 La démonstration précise de la réponse que le candidat devait formuler dans lerespect de la méthodologie du cas pratique. ................................................................ 27

2.2 La légalité d’une éventuelle abrogation de l’inscription de Mlle Anne Leblanc ............... 333.2.1 Le résumé de la réponse attendue. ................................................................... 333.2.2 La démonstration précise de la réponse que le candidat devait formuler dans lerespect de la méthodologie du cas pratique. ................................................................ 35

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1 – Réponse à la question n° 1 du cas pratique

La condamnation de la région Île-de-France

Pour quels motifs de droit et de fait le tribunal administratif a-t-il condamné la ré-gion Île-de-France à réparer l’intégralité du préjudice subi par les parents dujeune Stéphane Touzard ?

*

À y réfléchir un peu, nous nous apercevons que cette question recouvre en fait deux inter-rogations :

1. Une interrogation portant sur les motifs qui justifient le principe même de la con-damnation de la région Île-de-France : Pour quels motifs le tribunal administratif a-t-il décidé d’obliger la région Île-de-France à verser une indemnité en réparation du pré-judice subi par les parents du jeune Stéphane Touzard ?

2. Une interrogation portant sur les motifs qui justifient le quantum (le montant) de laréparation : Pour quels motifs de droit et de fait le tribunal administratif a-t-il décidéde fixer le montant de l’indemnité due par la région Île-de-France à hauteur de 100 %(l’intégralité) du préjudice subi par les parents du jeune Stéphane Touzard ?

Toutefois, étant donné l’étroite connexité qui unit ces deux interrogations, les deux ré-ponses qu’elles appellent seront fondues en une seule. Ainsi, éviterons-nous les reditesqu’implique la séparation, artificielle, des deux interrogations. Synthétique, cette réponse, uniqueen la forme mais double quant au fond, recouvre deux variantes :

1. Le résumé, précis et concis, de la réponse attendue : variante destinée auxlecteurs extrêmement pressés ;

2. la démonstration précise de la réponse que le candidat devait formulerdans le respect de la méthodologie du cas pratique : variante destinée aux« happy few ».

Pour dire les choses différemment et éviter toute ambiguïté, le candidat devait démontrer saréponse ; la première variante dont il est question ici n’a qu’un seul but : faire gagner du temps àceux qui pensent ne pas en avoir suffisamment.

Les numéros (1.0, 1.0.1, 1.0.1.1, 1.0.1.2, 1.0.2, etc.) qui précèdent les différents para-graphes qui suivent dénotent un plan dit hiérarchique (moderne, universel et très prisé).

*

Notéesur 7

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1.0 Réponse synthétique aux deux interrogations de la question n° 1

1.01 Les motifs de droit et de fait justifiant la condamnation de la région Île-de-France à réparer l’intégralité (c’est-à-dire 100 %) du préjudice subi par les parents

du jeune Stéphane Touzard

Rappel des deux interrogations incluses dans la question :1. Pour quels motifs de droit et de fait le tribunal administratif a-t-il décidé d’obliger larégion Île-de-France à verser une indemnité en réparation du préjudice subi par les pa-rents du jeune Stéphane Touzard ?

2. Pour quels motifs de droit et de fait le tribunal administratif a-t-il décidé de fixer lemontant de l’indemnité due par la région à hauteur de 100 % (l’intégralité) préjudicesubi par le jeune Stéphane Touzard ?

Nota bene : Le candidat n’était pas tenu de séparer formellement ces deux interroga-tions.

1.0.1 Le résumé de la réponse attendue à la question et, donc, aux deux interro-gations qui la composent.

Les faits, les problèmes juridiques de cette question n° 1 ainsi que leur solution sont ceuxde l’arrêt CAA Paris, 23 novembre 1995, M. et Mme Z..., n° 94PA01302 (Cliquez surl’arrêt pour accéder à son contenu).

Les motifs du jugement par lequel le tribunal administratif a décidéd’obliger la région Île-de-France à verser une indemnité en réparation du préjudice su-bi par les parents du jeune Stéphane Touzard,et, simultanément, de fixer le montant de l’indemnité due par la région à hauteur de100 % (l’intégralité) du préjudice subi par les parents du jeune Stéphane Touzardsont les suivants :

1.0.1.1 Premièrement, se trouvaient réunies les conditions générales de l’engagement dela responsabilité de l’administration (en l’espèce de la région Île-de-France) à l’égard desépoux Touzard. En effet, le jeune Stéphane Touzard a été victime d’un accident mortel (lachute d’un panneau de basket-ball) imputable à la région Île-de-France. Cette mort acci-dentelle est la source d’une douleur morale pour les parents de la victime, à savoir lesépoux Touzard. Si le tribunal administratif a condamné la région Île-de-France à verserune indemnité aux parents du jeune Stéphane Touzard, c’est parce qu’il a estimé

que la douleur morale pouvait donner lieu à réparationet qu’au regard des règles générales d’engagement de la responsabilité de

l’administration, l’accident mortel est survenu dans des conditions telles qu’il ouvraitdroit à réparation (lien de causalité direct entre cet accident et un fait del’administration).

La réparabilité de la douleur morale étant admise depuis longtemps par la jurisprudence(CE, Ass., 24 novembre 1961, Ministre des Travaux publics c/ Consorts Letisserand, n° 48841),notre attention devait se porter essentiellement sur les conditions dans lesquelless’est produit l’accident mortel.

1.0.1.2 Deuxièmement, étaient également réunies les conditions spécifiques del’engagement de la responsabilité de l’administration pour dommages de travaux publicssubis par les usagers d’un ouvrage public. Au moment du drame, Stéphane Touzard avaitla qualité d’usager d’un ouvrage public (le panneau de basket-ball) dont la région Île-de-

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France avait la propriété et la charge de l’entretien. Un point dont les implications sontexposées ci-après.

1.0.1.3 Troisièmement, la région Île-de-France n’a pu valablementni démontrer qu’elle avait entretenu normalement le panneau de basket-ball,ni invoquer une cause exonératoire propre à atténuer ou à réduire à néant sa responsabi-lité. Un point qui sera également résumé ci-après.

1.0.1.4 En sa qualité d’usager d’un ouvrage public et à causede la circonstance que les vis de fixation du panneau de basket-ball étaient anormale-

ment rouillées,et du fait, résultant de la circonstance susmentionnée, que le panneau s’est effondré,Stéphane Touzard a été victime d’un accident mortel.

1.0.1.5 Cet accident mortel, qui reçoit la qualification de dommage de travaux publicsparce que consécutif au fonctionnement d’un ouvrage public, permettait d’engager la res-ponsabilité de la région Île-de-France

sur le terrain de la responsabilité pour faute présumée (le défaut d’entretien normalde l’ouvrage public)

et non sur celui de la responsabilité pour faute, car il est donné pour constant, dans lecas pratique, que le panneau de basket-ball n’était pas d’une dangerosité exceptionnelleau moment de l’accident.

1.0.1.6 Pour atténuer ou réduire à néant sa responsabilité, la région Île-de-France était re-cevable

à tenter de démontrer qu’elle avait normalement entretenu le panneau de basket-ballet à invoquer les causes exonératoires suivantes : la force majeure, la faute de la vic-

time et le cas fortuit (mais pas le fait d’un tiers).1.0.1.7 Il ressort des données du cas pratique que la région Île-de-France a sans doute in-

voqué la faute de la victime : « Il dribble, feinte, saute, marque un panier, s’appuie sur le cer-ceau (une pratique inhérente à ce jeu) ; à ce moment-là, le panneau de basket-ball s’effondre etStéphane est mortellement blessé. » Nota bene : Ce point, qui n’est pas certain, n’a aucuneimportance au vu du quantum (100%) de la réparation.

1.0.1.8 Étant donné que la région Île-de-France a été condamnée à réparer l’intégralité(100%) du préjudice subi par les parents de Stéphane Touzard, nous sommes fondé àsoutenir1. que la région n’a pas administré la preuve qu’elle avait entretenu normalement le

panneau de basket-ball (de toute façon, c’était peine perdue d’avance que de tenter defaire oublier que les vis de fixation étaient anormalement rouillées)

2. et que le tribunal administratif n’a pas retenu la seule cause exonératoire invocableavec vraisemblance au vu des données du cas pratique (la faute de la victime), esti-mant que le fait de s’appuyer sur le cerceau était une pratique non fautive parcequ’inhérente au jeu.

1.0.1.9 En définitive, le tribunal administratif a condamné la région Île-de-France à ré-parer l’intégralité du préjudice corporel subi par les parents du jeune Stéphane Tou-zard pour les motifs de droit et de fait suivants :

Stéphane Touzard a été victime d’un accident mortel : la chute d’un panneau de bas-ket-ball ;

Cette mort accidentelle est la source d’une douleur morale pour ses parents, un préju-dice ouvrant droit à réparation ;

Le panneau de basket-ball est un ouvrage public ;

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La région Île-de-France avait la propriété et la charge de l’entretien du panneau debasket-ball ;

Au moment de l’accident, Stéphane Touzard avait la qualité d’usager de cet ouvragepublic ;

La responsabilité encourue par la région Île-de-France était une responsabilité pourfaute présumée (le défaut d’entretien normal de l’ouvrage public) et non une responsa-bilité sans faute car le panneau n’était pas d’une dangerosité exceptionnelle ;

Aucun des deux moyens de défense que la région Île-de-France a sans doute invoqué,avec quelque vraisemblance, (soit pour faire échec à l’engagement de sa responsabilité,soit pour atténuer celle-ci), n’a été jugé fondé par le tribunal :

o Les vis de fixation du panneau de basket-ball étant anormalement rouillées, la ré-gion n’a pu prouver qu’elle avait entretenu normalement l’ouvrage public, niqu’elle avait signalé de manière adéquate le risque anormal auquel cet ouvrage pu-blic exposait depuis un temps long (la rouille ne survient pas brusquement) les per-sonnes qui l’utilisait d’une manière conforme à sa destination ;o La région n’a pas réussi non plus à convaincre le tribunal qu’une cause exonéra-toire de responsabilité devait être retenue, car, en dépit des apparences, le fait pourStéphane Touzard de s’appuyer sur le cerceau du panneau de basket-ball est unepratique inhérente à ce jeu et ne peut donc recevoir la qualification de faute de lavictime. Qui plus est, on relève dans les données du cas pratique un indice de taille :« Un adolescent, Stéphane Touzard, joue normalement au basket-ball sur le terrainde sport de son lycée. ».

*1.0.2 La démonstration précise de la réponse que le candidat devait formulerdans le respect de la méthodologie du cas pratique.

Faits pertinents points de droit soulevés par ces faits pertinents règlespertinentes permettant de trancher ces points de droit application des règles per-tinentes aux points de droit (donc aux faits pertinents) et, ipso facto, réponse effective à laquestion posée

1.0.2.1 Exposé des faits pertinents :Trantor, 3 février 2011. Un adolescent, Stéphane Touzard, joue normalement au bas-ket-ball sur le terrain de sport de son lycée. Il dribble, feinte, saute, marque un panier,s’appuie sur le cerceau (une pratique inhérente à ce jeu) ; à ce moment-là, le panneaude basket-ball s’effondre et Stéphane est mortellement blessé.Le 17 février 2011, M. et Mme Touzard demandent au tribunal administratif de Trantorde condamner la région Île-de-France à réparer le préjudice subi par eux du fait de lamort accidentelle de leur fils Stéphane, provoquée par la chute du panneau de basket-ball.Parmi les certitudes qui ressortent de l’instruction menée par le tribunal, il en est deuxqui attirent particulièrement l’attention.Premièrement, le panneau de basket-ball en cause est un ouvrage public dont la régionÎle-de-France a la propriété et la charge de l’entretien.Deuxièmement, bien que ses vis de fixation fussent anormalement rouillées, cet ou-vrage public n’était pas d’une dangerosité exceptionnelle au moment de l’accidentmortel.Le 1er mars 2012, le tribunal administratif de Trantor condamne la région Île-de-Franceà réparer l’intégralité du préjudice subi par les époux Touzard.

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Pour quels motifs de droit et de fait le tribunal administratif a-t-il condamné la régionÎle-de-France à réparer l’intégralité du préjudice subi par les parents du jeune StéphaneTouzard ?

Définitions :

Motifs de droit et de fait : raisons de droit et de fait justifiant une décision ;Condamner à réparer : décider d’obliger à verser une indemnité en compensationdu préjudice causé ;Intégralité du préjudice subi par les parents : 100% de la douleur morale subie parles parents de la victime ;Ouvrage public. CE, 26 septembre 2001, Département du Bas-Rhin, n° 204575 :

« Considérant que la responsabilité de la personne publique maître d’un bien […]qu’à la condition que le dommage soit imputable à un bien immobilier, seulsusceptible de recevoir la qualification d’ouvrage public ; […] ».

*

1.0.2.2 Question et points de droit :Libellé originel de la question : Pour quels motifs de droit et de fait le tribunal ad-

ministratif a-t-il condamné la région Île-de-France à réparer l’intégralité du préjudicesubi par les parents du jeune Stéphane Touzard ?

Variante imposée par nos définitions et notre compréhension du caractèredouble de la question : Pour quelles raisons de droit et de fait le tribunal administra-tif a-t-il décidé

d’obliger la région Île-de-France à verser une indemnité en réparation du préjudicesubi par les parents du jeune Stéphane Touzard,et, simultanément, de fixer le montant de l’indemnité due par la région Île-de-France à hauteur de 100 % (l’intégralité) du préjudice subi par les parents du jeuneStéphane Touzard ?

Variante justifiée par la nécessité de mettre en exergue les points de droit tran-chés par le tribunal administratif : Quelles règles pertinentes du droit de la respon-sabilité et quels faits pertinents de l’espèce constituent les raisons de droit et de faitqui ont conduit le tribunal administratif à condamner la région Île-de-France à réparer100 % du préjudice subi par les parents du jeune Stéphane Touzard ?

*

1.0.2.3 Exposé des règles pertinentes :Nous avons les faits pertinents ; nous les avons dégagés à l’étape 1.0.2.1.Il nous reste à indiquer les règles pertinentes.

Comment trouver ces règles pertinentes ?Voici une autre question qui nous permettra d’avancer :Au vu des faits pertinents et de la question n° 1 elle-même, quelles sont les règles quirevêtent ici une certaine pertinence ?La question n° 1 du cas pratique soulève, dans ses deux interrogations, un problèmede responsabilité.Les règles dont le tribunal administratif a fait application sont donc celles qui régis-sent la responsabilité de l’administration.

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Devrons-nous exposer toutes les règles relatives à la responsabilité del’administration ?La réponse est négative ! Toutes les règles relatives à la responsabilité del’administration n’ont pas vocation à s’appliquer à tous les cas de responsabilité del’administration.Une distinction doit en effet être faite entre

d’une part, les règles générales du droit de la responsabilité administrative :elles s’appliquent à tous les cas de responsabilité de l’administration, et elles re-çoivent la qualification de principes généraux du droit de la responsabilité admi-nistrative,et d’autre part, les règles qui régissent spécifiquement certains cas de respon-sabilité administrative : en raison de leur portée, elles font parfois figured’exceptions aux principes généraux.

En conséquence,nous exposerons d’abord, en les résumant, les règles applicables à tous les cas deresponsabilité de l’administration,puis nous nous demanderons s’il y a lieu, au regard des faits pertinents, d’exposerdes règles spécifiques applicables à l’espèce.

Nous sommes ainsi amené à donner une signification plus pratique à la question n° 1 :Pour quelles raisons de droit et de fait le tribunal administratif a-t-il estimé quel’application des règles générales ainsi que, le cas échéant, celle des règles spéci-fiques du droit de la responsabilité administrative avaient pour conséquence la con-damnation de la région Île-de-France à réparer 100 % du préjudice subi par les pa-rents de Stéphane Touzard ?

Prima facie, nous devons rechercher les règles pertinentes aussi bien dans le coursque dans les annexes au cas pratique, sachant que nous aurons pour guide les faitspertinents de l’espèce.Les annexes au cas pratique comportent-elles des règles s’appliquant à des faits quicorrespondent peu ou prou aux faits pertinents de la question n° 1 du cas pratique ?De toute évidence, la réponse est négative.C’est uniquement dans le cours que nous puiserons les règles pertinentes.

I. Bref exposé des règles générales du droit de la responsabilité administrativeQuelles sont donc les règles applicables à tous les cas de responsabilité administra-tive ?Il y en a… un certain nombre, mais une seule nous paraît pertinente au regard denotre espèce.Elle a trait aux conditions de l’engagement de la responsabilité administrative.Pour engager valablement la responsabilité de l’administration - ici la région Île-de-France -, il faut qu’il y ait eu1. un préjudice qui soito direct - il doit avoir pour cause directe le fait imputé à l’administration,o certain - Mais un préjudice certain n’est pas nécessairement un préjudice ac-

tuel, déjà réalisé. Un préjudice futur peut donner lieu à réparation dès lors quesa réalisation est certaine.

Exemple : la perte d’une chance sérieuse de réussir à un concours ou à unexamen - CE, 3 novembre 1971, Dlle Cannac, n° 82509,

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o et réparable. En effet, par exception au principe de la responsabilité del’administration, certains préjudices ne donnent pas lieu à réparation.Exemple : les dommages causés par des mesures purement gracieuses ;

2. un fait de l’administration – il doit être une faute si l’action se situe sur le ter-rain de la responsabilité pour faute ; il peut ne pas être une faute si le terrain rete-nu est celui de la responsabilité sans faute ;

3. une relation de causalité entre le fait de l’administration et le préjudice : lefait de l’administration doit avoir été la cause directe du préjudice.Parfois, d’autres faits interviennent dans la réalisation du dommage, soit de ma-nière exclusive, soit concomitamment avec le fait de l’administration. Ils sont dé-nommés causes exonératoires : la force majeure, la faute de la victime, le faitd’un tiers et le cas fortuit. La recevabilité de leur invocation effective dépend desrègles spécifiques régissant les grands domaines de la responsabilité. C’est donc àl’occasion de l’exposé des règles spécifiques dont relève notre espèce que nousapprofondirons la question.

Au surplus, la jurisprudence exige également que la situation de la victime ait été lé-gitime et légale.

II. Bref exposé des règles régissant de manière spécifique les faits pertinents de laquestion n° 1 du cas pratique

Le panneau de basket-ball qui s’est effondré est un ouvrage public. À preuve, dans lecas pratique, il est explicitement qualifié… d’ouvrage public.

Données pertinentes du cas pratique : « La Premièrement, le panneau de basket-ballen cause est un ouvrage public. »

Le dommage mortel dont a été victime le jeune Stéphane Touzard ainsi que, corréla-tivement, la douleur morale de ses parents sont consécutifs à la chute du toboggan.Eu égard au caractère d’ouvrage public du panneau de basket-ball, le dommage mor-tel subi par Stéphane Touzard est un dommage de travaux publics.

Cours, Le principe de la responsabilité de l’administration, page 26 :« L’expression [« dommages de travaux publics »] désigne aussi bien les dommages cau-sés par l’exécution de travaux publics que les dommages qui sont dus à l’existencemême de l’ouvrage construit. »

Selon la situation de la victime ou les caractéristiques de l’ouvrage, le juge admet laresponsabilité pour faute ou la responsabilité sans faute du défendeur :

Les dommages subis par les participants aux travaux publicsPar participants, il faut entendre tous ceux qui prennent part à l’exécution destravaux ou au fonctionnement de l’ouvrage public : entrepreneur, architectes, sa-lariés de l’entreprise ou de la collectivité publique.À leur égard, la responsabilité du défendeur n’est engagée que si une fautesimple a été commise - CE 6 juillet 1988, Électricité de France, n° 29638. On expliquecette solution en mettant en avant la considération suivante : le participant estlui-même responsable de l’état du travail ou de l’ouvrage.

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Les dommages subis par les usagers d’un ouvrage publicPar usagers, on entend tous ceux qui utilisent l’ouvrage public ou qui en tirentparti d’une manière ou d’une autre.En principe, les dommages que les usagers subissent relèvent de la responsabili-té pour faute présumée. Le juge présume qu’il y a eu défaut d’entretien normalde l’ouvrage. Cette présomption renverse la charge de la preuve ; il incombe audéfendeur de prouver qu’il a correctement entretenu l’ouvrage public oud’invoquer comme causes exonératoires la force majeure, la faute de la victimeou le cas fortuit.Toutefois, il existe un cas où l’usager bénéficie du système de la responsabilitésans faute : c’est l’hypothèse où l’ouvrage serait particulièrement dangereux.Les seules causes exonératoires invocables seraient alors la force majeure et lafaute de la victime.

Les dommages subis par les tiers à un ouvrage publicLes tiers sont tous ceux qui n’utilisent pas l’ouvrage, qui n’en bénéficient pas etqui ne le construisent pas.À l’égard des tiers, le juge retient la responsabilité sans faute du défendeur, quine peut invoquer comme causes exonératoires que la force majeure ou la fautede la victime.

*

1.0.2.4 Application des règles pertinentes aux faits pertinents :I. Application des règles générales du droit de la responsabilité administrative

Il ne fait aucun doute que sont réunies en l’espèce les conditions prescrites par lesrègles générales du droit de la responsabilité administrative :

Le jeune Stéphane Touzard a subi au un préjudice corporel « ultime » donnépouro direct - il a eu pour cause directe l’effondrement du panneau,o certain – il n’est hélas plus de ce monde.o et ouvrant droit à réparation pour ses ayants droit - le préjudice mortel subi

par le jeune Stéphane Touzard ne fait pas partie des préjudices dont la répara-tion est exclue. Par extension, la douleur morale de ses parents non plus.

un fait imputable à la région Île-de-France - l’effondrement du panneau de basket-ball dont la région Île-de-France a la propriété et la charge de l’entretien.une relation de causalité entre le fait imputé à la région et le préjudice subi parStéphane Touzard et ses parents.

II. Application des règles relatives à la responsabilité pour dommages de travauxpublicsAu moment de son décès accidentel, le jeune Stéphane Touzard utilisait le panneau debasket-ball.

Données pertinentes du cas pratique : « Trantor, 3 février 2011. Un adolescent, Sté-phane Touzard, joue normalement au basket-ball sur le terrain de sport de son lycée. Ildribble, feinte, saute, marque un panier, s’appuie sur le cerceau (une pratique inhérente àce jeu) ; à ce moment-là, le panneau de basket-ball s’effondre et Stéphane est mortelle-ment blessé. »

Stéphane Touzard avait ainsi la qualité d’usager de l’ouvrage public à l’origine dudécès.

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Plutôt que de renvoyer le lecteur à l’exposé présenté plus haut, nous choisissons,dans le souci d’être compris sans délai, de rappeler ici qu’en cas de dommage detravaux publics subi par l’usager d’un ouvrage public, le juge fait application soitdu principe, soit de l’exception.

Rappelons que le principe est que la responsabilité encourue par la défenderesse, larégion Île-de-France (propriétaire et responsable de l’état du panneau de basket-ball), est une responsabilité pour faute présumée.Autrement dit, le juge renverse la charge de la preuve ; il présume que l’accidentrésulte d’une faute de la région Île-de-France, d’un défaut d’entretien normal del’ouvrage public.Les demandeurs, les parents de Stéphane Touzard, n’ont pas à établir l’existence dela faute, c’est-à-dire du défaut d’entretien normal ; au contraire, il incombe à la ré-gion Île-de-France de démontrer qu’elle a entretenu normalement l’ouvrage public,c’est-à-dire, le panneau de basket-ball.Pour atténuer ou réduire à néant sa responsabilité, la région Île-de-France était re-cevable

à tenter de démontrer qu’elle a avait normalement entretenu le panneau de bas-ket-ballet à invoquer les causes exonératoires suivantes : la force majeure, la faute de lavictime et le cas fortuit (mais pas le fait d’un tiers).

Par exception, lorsque l’ouvrage public est exceptionnellement dangereux, la res-ponsabilité encourue par le défendeur est une responsabilité sans faute.Les seules causes exonératoires invocables alors par le défendeur sont la force ma-jeure et la faute de la victime.

En l’espèce, c’est le régime de la responsabilité pour faute présumée quis’applique.

Données pertinentes du cas pratique : « [B]ien que ses vis de fixation fussent anor-malement rouillées, cet ouvrage public n’était pas d’une dangerosité exceptionnelle aumoment de l’accident mortel. »

Il ressort des données du cas pratique que la région Île-de-France a sans doute invo-qué la faute de la victime, qui n’aurait pas dû, selon elle, s’appuyer sur le cerceau :« Il dribble, feinte, saute, marque un panier, s’appuie sur le cerceau (une pratique inhé-rente à ce jeu) ; à ce moment-là, le panneau de basket-ball s’effondre et Stéphane estmortellement blessé. » Nota bene : ce point qui n’est pas certain, n’a aucune impor-tance au vu du quantum (100%) de la réparation.Étant donné que la région Île-de-France a été condamnée à réparer l’intégralité(100%) de la douleur morale subie par les parents de Stéphane Touzard, noussommes fondé à soutenir1. que la région n’a pas administré la preuve qu’elle avait entretenu normalementle panneau de basket-ball (de toute façon, c’était peine perdue d’avance que detenter de faire oublier que les vis de fixation étaient anormalement rouillées)2. et que le tribunal administratif n’a pas retenu la seule cause exonératoire invo-cable avec vraisemblance au vu des données du cas pratique (la faute de la vic-time), estimant qu’elle jouait normalement et que le fait de s’appuyer sur le cer-ceau était une pratique non fautive parce qu’inhérente au jeu.

*

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1.0.2.5 Conclusion et réponse effective aux deux interrogations de la ques-tion n° 1 du cas pratique telles qu’elles devaient être comprises :

En définitive, le tribunal administratif a condamné la région Île-de-France à réparerl’intégralité du préjudice subi par les parents du jeune Stéphane Touzard pour les motifsde droit et de fait suivants :

1.0.2.5.1 Premièrement, il ne fait aucun doute que se trouvaient réunies les condi-tions générales de l’engagement de la responsabilité de l’administration (enl’espèce de la région Île-de-France) à l’égard des époux Touzard. En effet, le jeuneStéphane Touzard a été victime d’un accident mortel (la chute d’un panneau debasket-ball) imputable à la région Île-de-France. Cette mort accidentelle est lasource d’une douleur morale pour les parents de la victime, à savoir les époux Tou-zard. Si le tribunal administratif a condamné la région Île-de-France à verser uneindemnité aux parents du jeune Stéphane Touzard, c’est parce qu’il a estimé

que la douleur morale pouvait donner lieu à réparationet qu’au regard des règles générales d’engagement de la responsabilité del’administration, l’accident mortel est survenu dans des conditions telles qu’ilouvrait droit à réparation (lien de causalité direct entre cet accident et un fait del’administration).

La réparabilité de la douleur morale étant admise depuis longtemps par la juris-prudence (CE, Ass., 24 novembre 1961, Ministre des Travaux publics c/ Consorts Letisse-rand, n° 48841), notre attention devait essentiellement se porter sur les condi-tions dans lesquelles s’est produit l’accident mortel.

1.0.2.5.2 Deuxièmement, étaient également réunies les conditions spécifiques del’engagement de la responsabilité de l’administration pour dommages de travauxpublics subis par les usagers d’un ouvrage public. Au moment du drame, StéphaneTouzard avait la qualité d’usager d’un ouvrage public (le panneau de basket-ball)dont la région Île-de-France avait la propriété et la charge de l’entretien. Un pointdont les implications sont exposées ci-après.

1.0.2.5.3 Troisièmement, la région Île-de-France n’a pu valablementni démontrer qu’elle avait entretenu normalement le panneau de basket-ball,ni invoquer une cause exonératoire propre à atténuer ou à réduire à néant sa res-ponsabilité. Un point qui sera également résumé ci-après.

1.0.2.5.4 Ces trois motifs (Voir, ci-dessus, Premièrement, etc.) se laissent détaillercomme suit.

Stéphane Touzard a été victime d’un accident mortel : la chute d’un panneau debasket-ball ;

Cette mort accidentelle est la source d’une douleur morale pour ses parents, unpréjudice ouvrant droit à réparation ;

Le panneau de basket-ball est un ouvrage public ;La région Île-de-France avait la propriété et la charge de l’entretien du panneau

de basket-ball ;Au moment de l’accident, Stéphane Touzard avait la qualité d’usager de cet ou-

vrage public ;La responsabilité encourue par la région Île-de-France était une responsabilité

pour faute présumée (le défaut d’entretien normal de l’ouvrage public) et non uneresponsabilité sans faute car le panneau n’était pas d’une dangerosité exception-nelle ;

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Aucun des deux moyens de défense que la région Île-de-France a dû invoquer,avec quelque vraisemblance, (soit pour faire échec à l’engagement de sa responsa-bilité, soit pour atténuer celle-ci) n’a été jugé fondé par le tribunal :o Les vis de fixation du panneau de basket-ball étant anormalement rouillées, larégion n’a pu prouver qu’elle avait entretenu normalement l’ouvrage public, niqu’elle avait signalé de manière adéquate le risque anormal auquel cet ouvragepublic exposait depuis un temps relativement long (la rouille ne survient pasbrusquement) les personnes qui l’utilisait d’une manière conforme à sa destina-tion ;o La région n’a pas réussi non plus à convaincre le tribunal qu’une cause exoné-ratoire de responsabilité devait être retenue, car, en dépit des apparences, le faitpour Stéphane Touzard de s’appuyer sur le cerceau du panneau de basket-ball estune pratique inhérente à ce jeu et ne peut donc recevoir la qualification de fautede la victime. Qui plus est, on relève dans les données du cas pratique un indicede taille : « Un adolescent, Stéphane Touzard, joue normalement au basket-ballsur le terrain de sport de son lycée. ».

*

Nota bene : Les faits, les problèmes juridiques de cette question n° 1 ainsi que leur solu-tion sont ceux de l’arrêt CAA Paris, 23 novembre 1995, M. et Mme Z..., n° 94PA01302 (Cli-quez sur l’arrêt pour accéder à son contenu).

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2 – Réponse à la question n° 2 du cas pratique :

La modification des droits de place et de stationnement sur le marché com-munal

Pour quels motifs de droit et de fait le tribunal administratif a-t-il annulé l’arrêté dumaire en date du 21 avril 2011 ?

*

Cette question comporte une seule interrogation, à laquelle, comme précédemment, nousapporterons une réponse synthétique recouvrant deux variantes :

1. Le résumé, précis et concis, de la réponse attendue : variante destinée auxlecteurs extrêmement pressés ;

2. la démonstration précise de la réponse que le candidat devait formulerdans le respect de la méthodologie du cas pratique : variante destinée aux« happy few ».

Pour dire les choses différemment et éviter toute ambiguïté, le candidat devait démontrer saréponse ; la première variante dont il est question ici n’a qu’un seul but : faire gagner du temps àceux qui pensent ne pas en avoir suffisamment.

Les numéros (2.0, 2.0.1, 2.0.1.1, 2.0.1.2, 2.0.2, etc.) qui précèdent les différents para-graphes qui suivent dénotent un plan dit hiérarchique (moderne, universel et très prisé).

2.0 Réponse synthétique à l’interrogation unique de la question n° 2

2.0 L’annulation de la décision de modifier les droits de place et de stationnementsur le marché communal de la ville

Rappel de l’interrogation : Pour quels motifs de droit et de fait le tribunal administratif a-t-il annulé l’arrêté du maire en date du 21 avril 2011 ?

2.0.1 Le résumé de la réponse attendue.Le tribunal administratif a annulé l’arrêté du maire en date du 21 avril 2011 pour les motifsde droit et de fait qui suivent.

2.0.1.1 L’arrêté du maire est illégal, car, d’une manière générale, l’illégalité entachant unedécision administrative est le seul motif qui peut conduire à son annulation par le jugeadministratif.

2.0.1.2 Plus précisément, l’arrêté du maire est entaché d’un vice de procédure.Définitions :

Le vice de procédure, c’est l’illégalité résultant de la méconnaissance totale ou par-tielle d’une formalité substantielle.

Une formalité substantielle est une règle de procédure, obligatoire ou facultative,dont la méconnaissance totale ou partielle soit exerce une influence sur le sens de la dé-cision dont elle régit l’édiction, soit prive les intéressés d’une garantie (CE, Ass., 23 dé-cembre 2011, Danthony et autres, n° 335033).

Notéesur 6

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2.0.1.3 C’est par un raisonnement en quatre étapes que nous sommes parvenu à cetteconclusion.

2.0.1.4 Première étape. Nous prenons en considération cette précision qui figure dans lecas pratique : « Par un jugement en date du 24 mai 2012, le tribunal administratif annulel’arrêté du maire en retenant la seule illégalité que l’ensemble des données de l’espèce permet-tent au Syndicat d’invoquer avec une chance de succès (Voir annexe). »

2.0.1.5 Deuxième étape. Nous observons que la formalité de la consultation est la seulerègle de la légalité vers laquelle pointent les données (faits et annexe) du cas pratique.

Définition : la consultation, c’est la formalité consistant, de la part d’une autorité administra-tive, à solliciter l’avis d'une autorité individuelle ou d'un organisme avant de prendre une déci-sion.

2.0.1.6 En l’espèce, il s’agit d’une consultation obligatoire avec avis facultatif :1. Le maire était tenu de consulter la ou les organisations professionnelles intéressées,

avant de prendre la décision de modifier les droits de place et de stationnement sur lemarché communal de la ville.Annexe, article L. 2224-18 du code général des collectivités territoriales :« Les décisions du maire relatives à la modification des droits de place et de stationnementsur les marchés communaux sont prises après consultation des organisations profession-nelles intéressées. »

2. Toutefois, le maire n’aurait pas obligé de suivre l’avis que lui auraient délivré la oules organisations professionnelles intéressées.Données pertinentes du cas pratique : « Devant le tribunal administratif, Mme le maire poseune question et assène une affirmation. La question : "Était-ce bien utile d’informer le Syndi-cat ?" L’affirmation : "De toute façon, je n’aurais pas été tenue de suivre son avis." Entre pa-renthèses, cette affirmation est exacte. »

2.0.1.7 Obligatoire, cette consultation était également une formalité substantielle, car saméconnaissance a pour effet de priver les intéressés d’une garantie, et constitue de ce faitun vice de procédure.

Annexe, article L. 2224-18 du code général des collectivités territoriales :« Les décisions du maire relatives à la modification des droits de place et de stationnement surles marchés communaux sont prises après consultation des organisations professionnelles in-téressées. Une telle procédure constitue une garantie pour ces organisations profession-nelles. »

2.0.1.8 Troisième étape du raisonnement. Le Syndicat des commerçants sédentaires,seule organisation professionnelle, n’a pas été consulté par le maire.

Données pertinentes du cas pratique :« Choqué, à bon droit, de n’avoir même pas été informé du projet de décision du maire, leSyndicat des commerçants sédentaires, seule organisation professionnelle intéressée, forme,le 28 avril 2011, un recours pour excès de pouvoir contre l’arrêté du 21 avril 2011.Devant le tribunal administratif, Mme le maire pose une question et assène une affirmation. Laquestion : "Était-ce bien utile d’informer le Syndicat ?" »

2.0.1.9 Quatrième étape du raisonnement. Le maire a pris son arrêté du 21 avril 2011sans être à même de se prévaloir de facteurs faisant obstacle à la consultation ou dis-pensant d’y procéder, tels que

des circonstances exceptionnelles. Données pertinentes du cas pratique : « Je vous doisune précision liminaire : les faits dont l’exposé suit se sont tous produits dans des circons-tances ordinaires. » ;

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une situation de compétence liée. Données pertinentes du cas pratique : « Par un arrêtéen date du 21 avril 2011, Mme le maire de Trantor décide, sans y être obligée, de modifierles droits de place et de stationnement sur le marché communal de la ville. » ;

une situation d’urgence, une hypothèse qui ne trouve aucun appui dans les données ducas pratique (preuve négative, certes) et dont l’exclusion est justifiée par le sens du ju-gement rendu par le tribunal administratif ;

ou l’impossibilité de respecter la formalité de la consultation, encore une hypothèsequi ne trouve aucun appui dans les données du cas pratique (preuve négative, égale-ment) et dont l’exclusion est justifiée par le sens du jugement rendu par le tribunaladministratif.

2.0.1.10 En définitive le tribunal administratif a annulé l’arrêté du maire en date du 21avril 2011 pour les motifs de droit et de fait dont le résumé suit.

Aux termes de l’article L. 2224-18 du code général des collectivités territoriales, lemaire ne peut modifier les droits de place et de stationnement sur les marchés commu-naux qu’après avoir observé une formalité bien précise : la consultation des organisa-tions professionnelles intéressées.Selon les dispositions du même article, cette consultation obligatoire, qui est assortied’un avis facultatif, constitue une garantie pour les organisations professionnellesintéressées.Autrement dit, sa méconnaissance constituerait un vice de procédure, sous réservebien sûr de l’existence de circonstances exceptionnelles, d’un cas de compétence liée,d’une situation d’urgence ou de l’impossibilité de la respecter en tant que formalité.Le Syndicat des commerçants sédentaires est la seule organisation professionnelleintéressée.Il est constant que le maire n’a pas consulté le Syndicat des commerçants séden-taires avant de modifier par son arrêté du 21 avril 2011 les droits de place et de sta-tionnement sur le marché communal de la ville de Trantor.Il est également avéré que le maire a pris son arrêté en date du 21 avril 2011 sans êtreà même de se prévaloir de facteurs faisant obstacle à la consultation ou dispensantd’y procéder, tels des circonstances exceptionnelles, un cas de compétence liée, unesituation d’urgence ou l’impossibilité de consulter le Syndicat des commerçants sé-dentaires.L’arrêté du 21 avril 2011 est donc illégal ; il est entaché d’un vice de procédure. Voi-là pourquoi le tribunal administratif l’a annulé.

*2.0.2 La démonstration précise de la réponse que le candidat devait formulerdans le respect de la méthodologie du cas pratique.

Faits pertinents points de droit soulevés par ces faits pertinents règlespertinentes permettant de trancher ces points de droit application des règles per-tinentes aux points de droit (donc aux faits pertinents) et, ipso facto, réponse effective à laquestion posée

2.0.2.1 Exposé des faits pertinents :2.0.2.1.1 Faits pertinents communs aux trois questions du cas pratique :

RAS.

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2.0.2.1.2 Faits pertinents propres à cette interrogation unique de la question n° 2 ducas pratique :

Par un arrêté en date du 21 avril 2011, Mme le maire de Trantor décide, sans y êtreobligée, de modifier les droits de place et de stationnement sur le marché commu-nal de la ville.Choqué, à bon droit, de n’avoir même pas été informé du projet de décision dumaire, le Syndicat des commerçants sédentaires, seule organisation professionnelleintéressée, forme, le 28 avril 2011, un recours pour excès de pouvoir contre l’arrêtédu 21 avril 2011.Devant le tribunal administratif, Mme le maire

reconnaît qu’elle s’est abstenu de consulter le Syndicat des commerçants séden-taires ;

et motive son abstention par le fait, donné pour exact, qu’elle n’aurait pas été te-nue de suivre l’avis recueilli.Par un jugement en date du 24 mai 2012, le tribunal administratif annule l’arrêté dumaire en retenant la seule illégalité que l’ensemble des données de l’espèce per-mettent au Syndicat d’invoquer avec une chance de succès (Voir annexe).Pour quels motifs de droit et de fait le tribunal administratif a-t-il annulé l’arrêté dumaire en date du 21 avril 2011 ?

*

2.0.2.2 Question et point de droit :Libellé originel de l’interrogation unique de la question n° 2 du cas pratique :

Pour quels motifs de droit et de fait le tribunal administratif a-t-il annulé l’arrêté dumaire en date du 21 avril 2011 ?

Variante imposée par notre compréhension des faits et de l’interrogation :Quelle est la seule illégalité que l’ensemble des données de l’espèce permettait auSyndicat des commerçants sédentaires d’invoquer avec une chance de succès àl’appui de son recours pour excès de pouvoir dirigé contre l’arrêté en date du 21 avril2011 par lequel le maire de Trantor-sur-Ciel a modifié les droits de place et de sta-tionnement sur le marché communal de la ville ?

*

2.0.2.3 Exposé des règles pertinentes :Les faits pertinents du cas pratique n’incitent nullement à exposer toute la liste desrègles de la légalité.L’illégalité qui entache la décision du maire est présentée en ces termes dans le cas pra-tique : « Par un jugement en date du 24 mai 2012, le tribunal administratif annulel’arrêté du maire en retenant la seule illégalité que l’ensemble des données del’espèce permettent au Syndicat d’invoquer avec une chance de succès (Voir an-nexe). »De manière pragmatique, nous nous efforçons de nous remémorer et de noter sur brouil-lon les définitions des différentes illégalités

externes (incompétence, vice de forme et vice de procédure)et internes (violation directe de la loi, erreur de droit, erreur de fait, erreur dans laqualification juridique des faits, erreur manifeste d’appréciation et détournement depouvoir).

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Nous observons alors que la formalité de la consultation est la seule règle de la légalitévers laquelle pointent les données (faits et annexe) du cas pratique.

Définition : la consultation, c’est la formalité consistant, de la part d’une autoritéadministrative, à solliciter l’avis d'une autorité individuelle ou d'un organisme avant deprendre une décision.

Il existe trois hypothèses de consultation :1. la consultation facultative avec avis facultatif. Dans cette hypothèse, l'administra-

tion consulte sans que les textes l'y obligent. Pourquoi le fait-elle alors? Pours'informer et réfléchir avant d'agir. Dans ce cas, l'administration n'est ni obligée deconsulter (consultation facultative) ni obligée de suivre l'avis qui lui est délivré (avisfacultatif) ;

2. la consultation obligatoire avec avis facultatif. Dans ce cas de figure, les textesobligent l'administration à consulter (consultation obligatoire) mais ils ne l'obligentpas à suivre l'avis qui lui est délivré (avis facultatif) ;

3. la consultation obligatoire avec avis conforme. Dans cette hypothèse, les textesobligent l'administration à consulter (consultation obligatoire) et ils l'obligent égale-ment à suivre l'avis qui lui est délivré, à s'y conformer (avis conforme).reste plusqu’à exposer les règles relatives au but des actes administratifs.

*

En l’espèce, il s’agit d’une consultation obligatoire avec avis facultatif :1. Le maire était tenu de consulter la ou les organisations professionnelles intéressées,

avant de prendre la décision de modifier les droits de place et de stationnement sur lemarché communal de la ville.Annexe, article L. 2224-18 du code général des collectivités territoriales :« Les décisions du maire relatives à la modification des droits de place et de stationnementsur les marchés communaux sont prises après consultation des organisations profession-nelles intéressées. »

2. Toutefois, le maire n’aurait pas obligé de suivre l’avis que lui auraient délivré la oules organisations professionnelles intéressées.Données pertinentes du cas pratique : « Devant le tribunal administratif, Mme le mairepose une question et assène une affirmation. La question : "Était-ce bien utile d’informer leSyndicat ?" L’affirmation : "De toute façon, je n’aurais pas été tenue de suivre son avis."Entre parenthèses, cette affirmation est exacte. »

Obligatoire, cette consultation était également une formalité substantielle, car saméconnaissance a pour effet de priver les intéressés d’une garantie, et constitue de cefait un vice de procédure.Annexe, article L. 2224-18 du code général des collectivités territoriales :« Les décisions du maire relatives à la modification des droits de place et de stationnementsur les marchés communaux sont prises après consultation des organisations profession-nelles intéressées. Une telle procédure constitue une garantie pour ces organisations pro-fessionnelles. »

Définitions :Une formalité substantielle est une règle de procédure, obligatoire ou faculta-

tive, dont la méconnaissance totale ou partielle soit exerce une influence sur le sensde la décision dont elle régit l’édiction, soit prive les intéressés d’une garantie (CE,Ass., 23 décembre 2011, Danthony et autres, n° 335033).

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Le vice de procédure, c’est l’illégalité résultant de la méconnaissance totale oupartielle d’une formalité substantielle.

*Il n’y a toutefois pas vice de procédure lorsque l’autorité administrative peut se préva-loir de l’un des facteurs suivants :

des circonstances exceptionnellesune situation d’urgence,un cas de compétence liéeou l’impossibilité de respecter la formalité de la consultation.

*Transition vers l’application des règles pertinentes aux faits pertinents :

Le Syndicat des commerçants sédentaires est la seule organisation professionnelle inté-ressée.1. Mme le maire de Trantor a-t-elle consulté ce syndicat avant de modifier par son ar-

rêté du 21 avril 2011 les droits de place et de stationnement sur le marché commu-nal de la ville de Trantor ?

2. Dans la négative, Mme le maire de Trantor pouvait-elle se prévaloir à bon droit defacteurs faisant obstacle à la consultation ou dispensant d’y procéder, tels des cir-constances exceptionnelles, un cas de compétence liée, une situation d’urgence oul’impossibilité de consulter le Syndicat des commerçants sédentaires ?

*

2.0.2.4 Application des règles pertinentes aux faits pertinents :Les réponses aux deux questions précédentes sont on ne peut plus faciles à trouver :1. Mme le maire n’a pas consulté le Syndicat des commerçants sédentaires avant de

prendre son arrêté du 21 avril 2011, et ce, contrairement aux prescriptions del’article L. 2224-18 du code général des collectivités territoriales.

Données pertinentes du cas pratique :« Choqué, à bon droit, de n’avoir même pas été informé du projet de décision dumaire, le Syndicat des commerçants sédentaires, seule organisation professionnelle in-téressée, forme, le 28 avril 2011, un recours pour excès de pouvoir contre l’arrêté du21 avril 2011.Devant le tribunal administratif, Mme le maire pose une question et assène une affir-mation. La question : "Était-ce bien utile d’informer le Syndicat ?" » ;

2. Cette abstention du maire intervient dans un contexte caractérisé parL’inexistence de circonstances exceptionnelles (Données pertinentes du cas pra-tique : « Je vous dois une précision liminaire : les faits dont l’exposé suit se sont tousproduits dans des circonstances ordinaires. ») ;L’absence d’urgence (une hypothèse qui ne trouve aucun appui dans les données ducas pratique (preuve négative, certes) et dont l’exclusion est justifiée par le sens du ju-gement rendu par le tribunal administratif) ;L’inexistence d’un cas de compétence liée (Données pertinentes du cas pratique :« Par un arrêté en date du 21 avril 2011, Mme le maire de Trantor décide, sans y êtreobligée, de modifier les droits de place et de stationnement sur le marché communalde la ville. ») ;

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L’absence d’une impossibilité, ponctuelle ou non, de consulter le syndicat con-cerné (encore une hypothèse qui ne trouve aucun appui dans les données du cas pra-tique - preuve négative, également - et dont l’exclusion est justifiée par le sens du ju-gement rendu par le tribunal administratif.).

La formalité de la consultation méconnue par le maire étant une formalité substan-tielle, l’arrêté du 21 avril 2011 est donc entachée de vice de procédure.

*

2.0.2.5 Conclusion et réponse effective à l’interrogation unique de la questionn° 2 du cas pratique :

En définitive le tribunal administratif a annulé l’arrêté du maire en date du 21 avril 2011pour les motifs de droit et de fait dont le résumé suit.

2.0.2.5.1 Aux termes de l’article L. 2224-18 du code général des collectivités territo-riales, le maire ne peut modifier les droits de place et de stationnement sur les marchéscommunaux qu’après avoir observé une formalité bien précise : la consultation des or-ganisations professionnelles intéressées.

2.0.2.5.2 Selon les dispositions du même article, cette consultation obligatoire, qui estassortie d’un avis facultatif, constitue une garantie pour les organisations profession-nelles intéressées.2.0.2.5.3 Autrement dit, sa méconnaissance constituerait un vice de procédure, sousréserve bien sûr de l’existence de circonstances exceptionnelles, d’un cas de compé-tence liée, d’une situation d’urgence ou de l’impossibilité de la respecter en tant queformalité.2.0.2.5.4 Le Syndicat des commerçants sédentaires est la seule organisation profession-nelle intéressée.2.0.2.5.5 Il est constant que le maire n’a pas consulté le Syndicat des commerçantssédentaires avant de modifier par son arrêté du 21 avril 2011 les droits de place et destationnement sur le marché communal de la ville de Trantor.

2.0.2.5.6 Il est également avéré que le maire a pris son arrêté en date du 21 avril sansêtre à même de se prévaloir de facteurs faisant obstacle à la consultation ou dispensantd’y procéder, tels des circonstances exceptionnelles, un cas de compétence liée, une si-tuation d’urgence ou l’impossibilité de consulter le Syndicat des commerçants séden-taires.2.0.2.5.7 L’arrêté du 21 avril 2011 est donc illégal ; il est entaché d’un vice de procé-dure. Voilà pourquoi le tribunal administratif l’a annulé.

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3 – Réponse à la question n° 3 du cas pratique :

Le retrait et l’abrogation de l’inscription de Mlle Anne Leblanc

Le retrait de l’inscription de Mlle Anne Leblanc, décidé le 25 janvier 2013 par le Con-seil national de l’ordre des pharmaciens, vous paraît-il légal ?Interrogation subsidiaire, distincte de la précédente : si le même Conseil avait, à la mêmedate et pour le même motif, abrogé ladite inscription au lieu de la retirer, une telle abroga-tion aurait-elle été légale ?

*Cette question recouvre deux interrogations explicites présentées comme distinctes l’une de

l’autre :

1. Une interrogation principale portant sur la légalité du retrait de l’inscription deMlle Anne Leblanc décidé le 25 janvier 2013 par le Conseil national de l’ordre despharmaciens : Le retrait de l’inscription de Mlle Anne Leblanc, décidé le 25 janvier2013 par le Conseil national de l’ordre des pharmaciens, vous paraît-il légal ?

2. Une interrogation subsidiaire relative à la légalité d’une éventuelle abrogationde l’inscription de Mlle Anne Leblanc décidée le 25 janvier 2013 par le Conseilnational de l’ordre des pharmaciens : Si le même Conseil avait, à la même date etpour le même motif, abrogé ladite inscription au lieu de la retirer, une telle abroga-tion aurait-elle été légale ?

Chacune de ces deux interrogations appelle, de notre part, une réponse synthétique recou-vrant deux variantes :

1. Le résumé, précis et concis, de la réponse attendue : variante destinée auxlecteurs extrêmement pressés ;

2. la démonstration précise de la réponse que le candidat devait formulerdans le respect de la méthodologie du cas pratique : variante destinée aux« happy few ».

Pour dire les choses différemment et éviter toute ambiguïté, le candidat devait démontrer saréponse ; la première variante dont il est question ici n’a qu’un seul but : faire gagner du temps àceux qui pensent ne pas en avoir suffisamment.

Les numéros (3.1, 3.1.1, 3.1.2, 3.2.2, etc.) qui précèdent les différents paragraphes qui sui-vent dénotent un plan dit hiérarchique (moderne, universel et très prisé)

*

Notéesur 7

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3.1 Réponse synthétique à l’interrogation n° 1 de la question n° 3

2.1 La légalité du retrait de l’inscription de Mlle Anne Leblanc

Rappel de l’interrogation : Le retrait de l’inscription de Mlle Anne Leblanc, décidé le 25janvier 2013 par le Conseil national de l’ordre des pharmaciens, vous paraît-il légal ?

3.1.1 Le résumé de la réponse attendue.Non, le retrait de de l’inscription de Mlle Anne Leblanc, décidé le 25 janvier 2013 par leConseil national de l’ordre des pharmaciens, ne nous paraît pas légal, car il est intervenuau-delà du délai de quatre mois dans lequel l’autorité administrative a le droit de procéderau retrait d’une décision individuelle explicite créatrice de droits entachée d’illégalité (CE,Ass., 26 octobre 2001, Ternon, n° 197018).

Notre réponse se fonde sur le raisonnement qui suit.3.1.1.1 La décision en date du 19 janvier 2012 par lequel le Conseil national de l’ordre

des pharmaciens a inscrit Mlle Anne Leblanc au tableau de la section D de l'ordre natio-nal des pharmaciens est une décision individuelle explicite créatrice de droits.

Définitions dont une seule était espérée :Décision : acte administratif unilatéral qui affecte l’ordonnancement juridique

(c’est-à-dire l'ensemble des règles de droit qui régissent un milieu social et des situationsjuridiques dont sont titulaires les personnes) ;

Acte administratif unilatéral : acte de droit public (non législatif et non juridiction-nel) destiné à régir le comportement d’une ou plusieurs personnes qui, tantôt étran-gères, tantôt associées à son édiction, n’en sont pas, juridiquement, les auteurs.

Décision individuelle : acte unilatéral qui a pour destinataires une ou plusieurs per-sonnes qu’il désigne nommément ou nominativement ;

Décision explicite ou expresse : décision prise expressément (c’est-à-dire ens’exprimant) par l’administration ;

Décision créatrice de droits (seule définition espérée) : décision administrative in-dividuelle qui procure à son destinataire (ou parfois à un tiers) un avantage ou un inté-rêt juridiquement protégé sur lequel l’administration n’est pas libre de revenir.

3.1.1.2 Le caractère créateur de droits de la décision en date du 19 janvier 2012 par le-quel le Conseil national de l’ordre des pharmaciens a inscrit Mlle Anne Leblanc au ta-bleau de la section D de l'ordre national des pharmaciens

se déduit des définitions susexposéeset se lit également dans les données du cas pratique :o à la fois directement : « Cette décision procure à sa destinataire et bénéficiaire, Mlle Le-

blanc, un avantage juridiquement protégé : le droit d’exercer en qualité d'adjoint intermit-tent dans une officine. »o et indirectement : cette décision du 19 janvier 2012 n’a pas été obtenue par fraude,

car la seule illégalité qui l’entache est un vice de forme (« Un an plus tard, le Conseilnational de l’ordre des pharmaciens procède, par une décision datée du 25 janvier 2013, auretrait de sa décision du 19 janvier 2012, au motif (d’ailleurs exact) que celle-ci était enta-chée d’un vice de forme. Une recommandation : vous devez tenir pour réel et avéré ce vicede forme sans vous soucier de savoir d’où il provient. »)

Nous savons que crée effectivement des droits toute décision par nature créatrice dedroits qui n’est ni entachée de fraude, ni frappée d’inexistence juridique (Cf. cours).

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3.1.1.3 Le retrait d’une décision individuelle explicite (ou expresse, les deux épithètesétant synonymes) créatrice de droits n’est pas laissé à la discrétion de l’autorité adminis-trative.Il est régi par les règles issues de la jurisprudence CE, Ass., 26 octobre 2001, Ternon,n° 197018 :

« […] sous réserve de dispositions législatives ou réglementaires contraires, et hors lecas où il est satisfait à une demande du bénéficiaire, l'administration ne peut retirer unedécision individuelle explicite créatrice de droits, si elle est illégale, que dans le délai dequatre mois suivant la prise de cette décision ; […] »

Définition : Le retrait d’une décision administrative, c’est sa suppression rétroactivedécidée par l'autorité administrative.

3.1.1.4 Ainsi donc, la jurisprudence CE, Ass., 26 octobre 2001, Ternon, n° 197018, qui régitactuellement le retrait des décisions individuelles explicites créatrices de droits, énonce :1. un principe,2. une exception fondée sur une demande du bénéficiaire de la décision individuelle

créatrice de droits3. et des exceptions fondées sur des dispositions législatives ou réglementaires.

3.1.1.5 Le retrait doitêtre motivé dans les trois hypothèses

Définition : La motivation, c’est l’action par laquelle l’autorité administrative ex-pose les motifs de sa décision, c’est-à-dire les raisons de fait et de droit qui justifientsa décision.et être précédé d’une procédure contradictoire dans les hypothèses n° 1 et n° 3.

Définition : « Manière d’agir impliquant qu’une mesure individuelle d’une certainegravité, reposant sur l’appréciation d’une situation personnelle, ne peut être prise parl’administration sans que soit entendue, au préalable, la personne qui est susceptibled’être lésée dans ses intérêts moraux ou matériels par cette mesure » - Bruno Gene-vois.

3.1.1.6 En l’espèce, il y a lieu de faire application du principe. En effet, il n’est fait étatdans le cas pratique

ni d’une demande de retrait émanant de Mlle Anne Leblanc, la bénéficiaire de la déci-sion créatrice de droits du 19 janvier 2012,ni de dispositions législatives ou réglementaires dérogatoires au principe (Aucune dis-position de ce genre n’est annexée au cas pratique).

3.1.1.7 Selon le principe, applicable au cas d’espèce, le retrait d’une décision individuelleexplicite créatrice de droits n’est légal que si deux conditions sont réunies :1. la décision individuelle explicite créatrice de droits est illégale ;2. le retrait intervient dans le délai de quatre mois suivant la prise de cette décision.

3.1.1.8 En l’espèce, si la première condition était remplie, la seconde ne l’était pas :1. La décision individuelle explicite créatrice de droits du 19 janvier 2012 était bien il-

légale, plus précisément entachée d’un vice de forme ;2. Toutefois, le retrait est intervenu le 25 janvier 2013, soit plus de quatre mois (en fait

douze mois) après le 19 janvier 2012 [« Un an plus tard… »].

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3.1.1.9 Le retrait de l’inscription de Mlle Anne Leblanc, décidé pour vice de forme le 25janvier 2013 par le Conseil national de l’ordre des pharmaciens, n’est pas légal :

Il est intervenu dans des circonstances qui ne présentaient pas un caractère exception-nel ;Portant sur une décision individuelle explicite (ou expresse) créatrice de droits, il de-vait se faire dans le respect des conditions déterminées par la jurisprudence CE, Ass., 26octobre 2001, Ternon, n° 197018 (illégalité de la décision créatrice de droits et respect dudélai de quatre mois suivant la prise de celle-ci) ;Certes, la décision créatrice de droits du 19 janvier 2012 était illégale (entachée d’unvice de forme) ;Mais le retrait a été décidé le 25 janvier 2013, soit plus de quatre mois après le 19janvier 2012, date de la prise de la décision individuelle explicite créatrice de droits[« Un an plus tard… »] ;

Économie des moyens oblige, nous n’avons pas besoin de nous demander si ce retraita réellement été motivé (comme le laisse entendre le libellé du cas pratique) et précédéd’une procédure contradictoire : une illégalité suffit amplement.

*3.1.2 La démonstration précise de la réponse que le candidat devait formulerdans le respect de la méthodologie du cas pratique.

Faits pertinents points de droit soulevés par ces faits pertinents règlespertinentes permettant de trancher ces points de droit application des règles per-tinentes aux points de droit (donc aux faits pertinents) et, ipso facto, réponse effective à laquestion posée

3.1.2.1 Exposé des faits pertinents :Par une décision individuelle expresse du 19 janvier 2012, le Conseil national de l’ordredes pharmaciens (une autorité administrative) a inscrit Mlle Anne Leblanc au tableaude la section D de l'ordre national des pharmaciens. Cette décision procure à sa desti-nataire et bénéficiaire, Mlle Leblanc, un avantage juridiquement protégé : le droitd’exercer en qualité d'adjoint intermittent dans une officine.Un an plus tard, le Conseil national de l’ordre des pharmaciens procède, par une déci-sion datée du 25 janvier 2013, au retrait de sa décision du 19 janvier 2012, au motif(d’ailleurs exact) que celle-ci était entachée d’un vice de forme. Une recommandation :vous devez tenir pour réel et avéré ce vice de forme sans vous soucier de savoir d’où ilprovient.Le 26 janvier 2013, Mlle Leblanc saisit le tribunal administratif d’un recours pour excèsde pouvoir dirigé contre la décision du 25 janvier 2013 par laquelle (on vient de le voir)le Conseil national de l’ordre des pharmaciens a procédé au retrait de son inscriptionau tableau de la section D de l'ordre national des pharmaciens.

Le retrait de l’inscription de Mlle Anne Leblanc, décidé le 25 janvier 2013 par le Conseilnational de l’ordre des pharmaciens, est-il légal ?

Définitions :Décision : acte administratif unilatéral qui affecte l’ordonnancement juridique

(c’est-à-dire l'ensemble des règles de droit qui régissent un milieu social et des situationsjuridiques dont sont titulaires les personnes) ;

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Acte administratif unilatéral : acte de droit public (non législatif et non juridiction-nel) destiné à régir le comportement d’une ou plusieurs personnes qui, tantôt étran-gères, tantôt associées à son édiction, n’en sont pas, juridiquement, les auteurs.

Décision individuelle : acte unilatéral qui a pour destinataires une ou plusieurs per-sonnes qu’il désigne nommément ou nominativement ;

Décision explicite ou expresse : décision prise expressément (c’est-à-dire ens’exprimant) par l’administration ;

Retrait : suppression rétroactive d’un acte administratif décidée par l'autorité admi-nistrative ;

Vice de forme : illégalité résultant de l’inobservation d’une formalité substantiellerequise dans la présentation d’un acte administratif.

*

3.1.2.2 Question et point de droit :Libellé originel de l’interrogation n° 1 de la question n° 3 du cas pratique :

Le retrait de l’inscription de Mlle Anne Leblanc, décidé le 25 janvier 2013 par le Con-seil national de l’ordre des pharmaciens, vous paraît-il légal ?

Variante imposée par nos définitions et notre compréhension de l’interrogation :La décision datée du 25 janvier 2012 par laquelle le Conseil national de l’ordre despharmaciens a supprimé rétroactivement l’inscription, effectuée par une décision du19 janvier 2012, de Mlle Anne Leblanc au tableau dudit ordre est-elle intervenue dansle respect des règles régissant une telle suppression ?

*

3.1.2.3 Exposé des règles pertinentes :Nous avons les faits pertinents ; nous les avons dégagés à l’étape 3.1.2.1 (Cf. suprapage 27).Il nous reste à indiquer les règles pertinentes.

3.1.2.3.1 Comment trouver ces règles pertinentes ?Voici une autre question qui nous permettra d’avancer :Au vu des faits pertinents et de l’interrogation n° 1 de la question n° 3 elle-même, quellessont les règles qui revêtent ici une certaine pertinence ?L’interrogation n° 1 de la question n° 3 du cas pratique soulève un problème de légali-té.

Plus précisément, un problème de retrait.Les règles dont le tribunal administratif fera application sont donc celles qui régissent leretrait des actes administratifs.

Devrons-nous exposer toutes les règles relatives au retrait des actes administratifs ?La réponse est négative ! Toutes les règles relatives au retrait des actes administratifsn’ont pas vocation à s’appliquer à n’importe quel cas de retrait d’un acte administratif.En effet, ces règles varient selon

la nature individuelle ou réglementaire de l’acte retiré,son caractère créateur ou non de droits,sa forme explicite (ou expresse) ou implicite.

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En l’espèce, l’acte retiré (l’acte du 19 janvier 2012) est une décision individuelle expli-cite créatrice de droits.

Définitions :Décision, Acte administratif unilatéral, Décision individuelle et Décision explicite ouexpresse : voir définitions données au stade de l’exposé des faits (cf. supra,page 27, n° 3.1.2.1) ;Décision créatrice de droits : décision administrative individuelle qui procure àson destinataire (ou parfois à un tiers) un avantage ou un intérêt juridiquementprotégé sur lequel l’administration n’est pas libre de revenir.

Le caractère créateur de droits de la décision en date du 19 janvier 2012 par lequel leConseil national de l’ordre des pharmaciens a inscrit Mlle Anne Leblanc au tableau dela section D de l'ordre national des pharmaciens

se déduit des définitions susexposéeset se lit également dans les données du cas pratique :o à la fois directement : « Cette décision procure à sa destinataire et bénéficiaire, Mlle

Leblanc, un avantage juridiquement protégé : le droit d’exercer en qualité d'adjoint in-termittent dans une officine. »o et indirectement : cette décision du 19 janvier 2012 n’a pas été obtenue par fraude,

car la seule illégalité qui l’entache est un vice de forme (« Un an plus tard, le Conseilnational de l’ordre des pharmaciens procède, par une décision datée du 25 janvier 2013,au retrait de sa décision du 19 janvier 2012, au motif (d’ailleurs exact) que celle-ci étaitentachée d’un vice de forme. Une recommandation : vous devez tenir pour réel et avéréce vice de forme sans vous soucier de savoir d’où il provient. »)

Nous savons que crée effectivement des droits toute décision par nature créatrice dedroits qui n’est ni entachée de fraude, ni frappée d’inexistence juridique (Cf. cours).

Ainsi sommes-nous amené à donner une signification plus pratique à l’interrogationn° 1 de la question n° 3 :

La décision datée du 25 janvier 2012 par laquelle le Conseil national de l’ordre despharmaciens a supprimé rétroactivement l’inscription, effectuée par une décision du 19janvier 2012, de Mlle Anne Leblanc au tableau dudit ordre est-elle intervenue dans lerespect des règles régissant le retrait des décisions individuelles explicites créatrices dedroits ?La réponse à cette interrogation n° 1 a pour préalable l’exposé des règles régissant leretrait des décisions individuelles explicites créatrices de droits.

*3.1.2.3.2 Le retrait d’une décision individuelle explicite (ou expresse, les deux épithètes

étant synonymes) n’est pas laissé à la discrétion de l’autorité administrative.Il est régi par les règles issues de la jurisprudence CE, Ass., 26 octobre 2001, Ternon,

n° 197018 :« […] sous réserve de dispositions législatives ou réglementaires contraires, et hors lecas où il est satisfait à une demande du bénéficiaire, l'administration ne peut retirer unedécision individuelle explicite créatrice de droits, si elle est illégale, que dans le délai dequatre mois suivant la prise de cette décision ; […] »

Ainsi donc, la jurisprudence CE, Ass., 26 octobre 2001, Ternon, n° 197018, qui régit ac-tuellement le retrait des décisions individuelles explicites créatrices de droits, énonce :1. un principe,

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2. une exception fondée sur une demande du bénéficiaire de la décision individuellecréatrice de droits

3. et des exceptions fondées sur des dispositions législatives ou réglementaires.Le retrait doit

être motivé dans les trois hypothèsesDéfinition : La motivation, c’est l’action par laquelle l’autorité administrative ex-pose les motifs de sa décision, c’est-à-dire les raisons de fait et de droit qui justi-fient sa décision.

et être précédé d’une procédure contradictoire dans les hypothèses n° 1 et n° 3.Définition : « Manière d’agir impliquant qu’une mesure individuelle d’une cer-taine gravité, reposant sur l’appréciation d’une situation personnelle, ne peutêtre prise par l’administration sans que soit entendue, au préalable, la personnequi est susceptible d’être lésée dans ses intérêts moraux ou matériels par cettemesure » - Bruno Genevois.

*3.1.2.4 Application des règles pertinentes aux faits pertinents :

En l’espèce, il y a lieu de faire application du principe énoncé par l’arrêt Ternon.

3.1.2.4.1 En effet, nous ne trouvons trace dans le cas pratiqueni d’une demande de retrait émanant de Mlle Anne Leblanc, la bénéficiaire de la dé-cision créatrice de droits du 19 janvier 2012,ni de dispositions législatives ou réglementaires dérogatoires au principe (Aucunedisposition de ce genre n’est annexée au cas pratique).

3.1.2.4.2 Selon le principe, applicable au cas d’espèce, le retrait d’une décision indivi-duelle explicite créatrice de droits n’est légal que si deux conditions sont réunies :

1. la décision individuelle explicite créatrice de droits est illégale ;2. le retrait intervient dans le délai de quatre mois suivant la prise de cette décision.

3.1.2.4.3 En l’espèce, si la première condition était remplie, la seconde ne l’était pas :1. La décision individuelle explicite créatrice de droits du 19 janvier 2012 était bien il-

légale, plus précisément entachée d’un vice de forme ;2. Toutefois, le retrait est intervenu le 25 janvier 2013, soit plus de quatre mois (en

fait douze mois) après le 19 janvier 2012 [« Un an plus tard… »].3.1.2.4.4 Le retrait de l’inscription de Mlle Anne Leblanc, décidé le 25 janvier 2013 par

le Conseil national de l’ordre des pharmaciens, n’est pas légal :Il est intervenu dans des circonstances qui ne présentaient pas un caractère excep-tionnel ;Portant sur une décision individuelle explicite (ou expresse) créatrice de droits, ildevait se faire dans le respect des conditions déterminées par la jurisprudence CE,Ass., 26 octobre 2001, Ternon, n° 197018 (illégalité de la décision créatrice de droitset respect du délai de quatre mois suivant la prise de celle-ci) ;Certes, la décision créatrice de droits du 19 janvier 2012 était illégale (entachée d’unvice de forme) ;Mais le retrait a été décidé le 25 janvier 2013, soit plus de quatre mois après le 19janvier 2012, date de la prise de la décision individuelle explicite créatrice de droits.

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Économie des moyens oblige, nous n’avons pas besoin de nous demander si ce re-trait a réellement été motivé (comme le laisse entendre le libellé du cas pratique) etprécédé d’une procédure contradictoire : une illégalité suffit amplement.

*3.1.2.5 Conclusion et réponse effective à l’interrogation n° 1 de la questionn° 3 du cas pratique :

3.1.2.5.1 La décision en date du 19 janvier 2012 par lequel le Conseil national de l’ordredes pharmaciens a inscrit Mlle Anne Leblanc au tableau de la section D de l'ordre natio-nal des pharmaciens est une décision individuelle explicite créatrice de droits.

3.1.2.5.2 Le retrait d’une décision individuelle explicite (ou expresse, les deux épithètesétant synonymes) n’est pas laissé à la discrétion de l’autorité administrative.Il est régi par les règles issues de la jurisprudence CE, Ass., 26 octobre 2001, Ternon,n° 197018 :

« […] sous réserve de dispositions législatives ou réglementaires contraires, et hors lecas où il est satisfait à une demande du bénéficiaire, l'administration ne peut retirer unedécision individuelle explicite créatrice de droits, si elle est illégale, que dans le délai dequatre mois suivant la prise de cette décision ; […] »

3.1.2.5.3 Ainsi donc, la jurisprudence Ternon, qui régit actuellement le retrait des déci-sions individuelles explicites créatrices de droits, énonce :

1. un principe,2. une exception fondée sur une demande du bénéficiaire de la décision individuelle

créatrice de droits3. et des exceptions fondées sur des dispositions législatives ou réglementaires.

3.1.2.5.4 Le retrait doitêtre motivé dans les trois hypothèseset être précédé d’une procédure contradictoire dans les hypothèses n° 1 et n° 3.

3.1.2.5.5 En l’espèce, il y a lieu de faire application du principe. En effet, on ne trouvetrace dans le cas pratique

ni d’une demande de retrait émanant de Mlle Anne Leblanc, la bénéficiaire de la dé-cision créatrice de droits du 19 janvier 2012,ni de dispositions législatives ou réglementaires dérogatoires au principe (Aucunedisposition de ce genre n’est annexée au cas pratique).

3.1.2.5.6 Selon le principe, applicable au cas d’espèce, le retrait d’une décision indivi-duelle explicite créatrice de droits n’est légal que si deux conditions sont réunies :

1. la décision individuelle explicite créatrice de droits est illégale ;2. le retrait intervient dans le délai de quatre mois suivant la prise de cette décision.

3.1.2.5.7 En l’espèce, si la première condition était remplie, la seconde ne l’était pas :1. La décision individuelle explicite créatrice de droits du 19 janvier 2012 était bien il-

légale, plus précisément entachée d’un vice de forme ;2. Toutefois, le retrait est intervenu le 25 janvier 2013, soit plus de quatre mois (en

fait douze mois) après le 19 janvier 2012 [« Un an plus tard… »].3.1.2.5.8 Le retrait de l’inscription de Mlle Anne Leblanc, décidé le 25 janvier 2013 par

le Conseil national de l’ordre des pharmaciens, n’est pas légal :Il est intervenu dans des circonstances qui ne présentaient pas un caractère excep-tionnel ;

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Portant sur une décision individuelle explicite (ou expresse) créatrice de droits, il de-vait se faire dans le respect des conditions déterminées par la jurisprudence Ternon,(illégalité de la décision créatrice de droits et respect du délai de quatre mois suivantla prise de celle-ci) ;Certes, la décision créatrice de droits du 19 janvier 2012 était illégale (entachée d’unvice de forme) ;Mais le retrait a été décidé le 25 janvier 2013, soit plus de quatre mois après le 19janvier 2012, date de la prise de la décision individuelle explicite créatrice de droits ;Économie des moyens oblige, nous n’avons pas besoin de nous demander si ce re-trait a réellement été motivé (comme le laisse entendre le libellé du cas pratique) etprécédé d’une procédure contradictoire : une illégalité suffit amplement.

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3.2 Réponse synthétique à l’interrogation subsidiaire de la questionn° 3 du cas pratique

2.2 La légalité d’une éventuelle abrogation de l’inscription de Mlle Anne Leblanc

Rappel de l’interrogation subsidiaire : Si le même Conseil avait, à la même date et pourle même motif, abrogé ladite inscription au lieu de la retirer, une telle abrogation aurait-elle étélégale ?

3.2.1 Le résumé de la réponse attendue.Non. Si le même Conseil avait, à la même date et pour le même motif, abrogé ladite inscrip-tion au lieu de la retirer, une telle abrogation n’aurait pas été légale, car elle serait intervenueau-delà du délai de quatre mois dans lequel l’autorité administrative a le droit de procéder àl’abrogation d’une décision individuelle explicite créatrice de droits entachée d’illégalité(CE, Sect., 6 mars 2009, M. Coulibaly, n° 306084).

Voici le résumé du raisonnement qui conduit à cette réponse :3.2.1.1 La décision en date du 19 janvier 2012 par lequel le Conseil national de l’ordre

des pharmaciens a inscrit Mlle Anne Leblanc au tableau de la section D de l'ordre natio-nal des pharmaciens est, rappelons-le, une décision individuelle explicite créatrice dedroits.

Définitions (Un simple renvoi à la réponse à la question du retrait suffisait) :Décision : acte administratif unilatéral qui affecte l’ordonnancement juridique

(c’est-à-dire l'ensemble des règles de droit qui régissent un milieu social et des situationsjuridiques dont sont titulaires les personnes) ;

Acte administratif unilatéral : acte de droit public (non législatif et non juridiction-nel) destiné à régir le comportement d’une ou plusieurs personnes qui, tantôt étran-gères, tantôt associées à son édiction, n’en sont pas, juridiquement, les auteurs.

Décision individuelle : acte unilatéral qui a pour destinataires une ou plusieurs per-sonnes qu’il désigne nommément ou nominativement ;

Décision explicite ou expresse : décision prise expressément (c’est-à-dire ens’exprimant) par l’administration ;

Décision créatrice de droits (seule définition espérée) : décision administrative in-dividuelle qui procure à son destinataire (ou parfois à un tiers) un avantage ou un inté-rêt juridiquement protégé sur lequel l’administration n’est pas libre de revenir.

3.2.1.2 L’abrogation d’une décision individuelle explicite (ou expresse, les deux épi-thètes étant synonymes) créatrice de droits n’est pas laissée à la discrétion de l’autoritéadministrative.Elle est régie par les règles issues de la jurisprudence CE, Sect., 6 mars 2009, M. Coulibaly,n° 306084 :

« […] sous réserve de dispositions législatives ou réglementaires contraires, et hors lecas où il est satisfait à une demande du bénéficiaire, l’administration ne peut retirer ouabroger une décision expresse individuelle créatrice de droits que dans le délai dequatre mois suivant l’intervention de cette décision et si elle est illégale ; […] »

Définition : L’abrogation d’une décision administrative, c’est sa suppression non ré-troactive décidée par l'autorité administrative.

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3.2.1.3 Ainsi donc, la jurisprudence CE, Sect., 6 mars 2009, M. Coulibaly, n° 306084 , qui ré-git actuellement l’abrogation des décisions individuelles explicites créatrices de droits,énonce :1. un principe,2. une exception fondée sur une demande du bénéficiaire de la décision individuelle

créatrice de droits3. et des exceptions fondées sur des dispositions législatives ou réglementaires.

3.2.1.4 L’abrogation doitêtre motivée dans les trois hypothèses

Définition : La motivation, c’est l’action par laquelle l’autorité administrative ex-pose les motifs de sa décision, c’est-à-dire les raisons de fait et de droit qui justifientsa décision.et être précédée d’une procédure contradictoire dans les hypothèses n° 1 et n° 3.

Définition : « Manière d’agir impliquant qu’une mesure individuelle d’une certainegravité, reposant sur l’appréciation d’une situation personnelle, ne peut être prise parl’administration sans que soit entendue, au préalable, la personne qui est susceptibled’être lésée dans ses intérêts moraux ou matériels par cette mesure » - Bruno Gene-vois.

3.2.1.5 En l’espèce, il y a lieu de faire application du principe. En effet, il n’est fait étatdans le cas pratique

ni d’une demande d’abrogation émanant de Mlle Anne Leblanc, la bénéficiaire de ladécision créatrice de droits du 19 janvier 2012,ni de dispositions législatives ou réglementaires dérogatoires au principe (Aucune dis-position de ce genre n’est annexée au cas pratique).

3.2.1.6 Selon le principe, applicable au cas d’espèce, l’abrogation d’une décision indivi-duelle explicite créatrice de droits n’est légale que si deux conditions sont réunies :1. la décision individuelle explicite créatrice de droits est illégale ;2. l’abrogation intervient dans le délai de quatre mois suivant la prise de cette déci-

sion.3.2.1.7 En l’espèce, s’il est certain que la première condition aurait été remplie, il n’en

est pas moins vrai que la seconde ne l’aurait pas été :1. La décision individuelle explicite créatrice de droits du 19 janvier 2012 était bien il-

légale, plus précisément entachée d’un vice de forme ;2. Toutefois, l’abrogation serait intervenue le 25 janvier 2013, soit plus de quatre mois

(en fait douze mois) après le 19 janvier 2012.3.2.1.8 L’abrogation de l’inscription de Mlle Anne Leblanc, qui aurait été décidée pour

vice de forme le 25 janvier 2013 par le Conseil national de l’ordre des pharmaciens,n’aurait pas été légale :

Elle serait intervenue dans des circonstances qui ne présenteraient pas un caractère ex-ceptionnel ;Portant sur une décision individuelle explicite (ou expresse) créatrice de droits, elleaurait dû se faire dans le respect des conditions déterminées par la jurisprudence CE,Sect., 6 mars 2009, M. Coulibaly, n° 306084 (illégalité de la décision créatrice de droits etrespect du délai de quatre mois suivant la prise de celle-ci) ;Certes, la décision créatrice de droits du 19 janvier 2012 était illégale (entachée d’unvice de forme) ;

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Mais l’abrogation aurait été décidée le 25 janvier 2013, soit plus de quatre mois aprèsle 19 janvier 2012, date de la prise de la décision individuelle explicite créatrice dedroits ;Économie des moyens oblige, nous n’avons pas besoin de nous demander si cetteabrogation aurait réellement été motivée (comme le laisse entendre le libellé du caspratique) et précédée d’une procédure contradictoire : une illégalité suffit amplement

*3.2.2 La démonstration précise de la réponse que le candidat devait formulerdans le respect de la méthodologie du cas pratique.

Faits pertinents points de droit soulevés par ces faits pertinents règlespertinentes permettant de trancher ces points de droit application des règles per-tinentes aux points de droit (donc aux faits pertinents) et, ipso facto, réponse effective à laquestion posée

3.2.2.1 Exposé des faits pertinents :3.2.2.1.1 Faits pertinents communs aux deux interrogations de la question n° 3 du cas

pratique :Cf. tous les faits exposés dans la réponse à l’interrogation n° 1 de la question n° 3

du cas pratique (page 27, n° 3.1.2.1)

3.2.2.1.2 Faits pertinents propres à cette interrogation subsidiaire de la question n° 3du cas pratique :

Il s’agit de faits hypothétiques contenus dans l’interrogation subsidiaire elle-même.Il nous est demandé de supposer

que le Conseil national de l’ordre des pharmaciens n’ait pas retiré la décision indi-viduelle expresse du 19 janvier 2012 par laquelle il avait inscrit Mlle Anne Leblancau tableau de la section D de l'ordre national des pharmacienset qu’il l’ait plutôt abrogée le 25 janvier 2013 pour vice de forme.

Si le même Conseil avait, à la même date et pour le même motif, abrogé ladite ins-cription au lieu de la retirer, une telle abrogation aurait-elle été légale ?

Définition : L’abrogation d’une décision administrative, c’est sa suppression nonrétroactive décidée par l'autorité administrative.

*

3.2.2.2 Question et point de droit :Libellé originel de l’interrogation subsidiaire de la question n° 3 du cas pra-

tique :Si le même Conseil avait, à la même date et pour le même motif, abrogé ladite ins-cription au lieu de la retirer, une telle abrogation aurait-elle été légale

Variante imposée par notre définition susexposée et notre compréhension del’interrogation :La décision datée du 25 janvier 2012 par laquelle le Conseil national de l’ordre despharmaciens aurait mis fin pour l’avenir à l’inscription, effectuée par une décision du19 janvier 2012, de Mlle Anne Leblanc au tableau de l’ordre serait-elle intervenuedans le respect des règles régissant une telle suppression ?

*

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3.2.2.3 Exposé des règles pertinentes :Nous avons les faits pertinents ; nous les avons dégagés à l’étape 3.1.2.1 (page 27).

Il nous reste à indiquer les règles pertinentes.

3.2.2.3.1 Comment trouver ces règles pertinentes ?Voici une autre question qui nous permettra d’avancer :Au vu des faits pertinents et de l’interrogation n° 2 de la question n° 3 elle-même, quellessont les règles qui revêtent ici une certaine pertinence ?L’interrogation n° 2 de la question n° 3 du cas pratique soulève un problème de légali-té.

Plus précisément, un problème d’abrogation.Les règles dont nous aurons à faire application sont donc celles qui régissent l’abrogationdes actes administratifs.

Devrons-nous exposer toutes les règles relatives à l’abrogation des actes administra-tifs ?La réponse est négative ! Toutes les règles relatives à l’abrogation des actes adminis-tratifs n’ont pas vocation à s’appliquer à n’importe quel cas d’abrogation d’un acte ad-ministratif.En effet, ces règles varient selon

la nature individuelle ou réglementaire de l’acte abrogé,son caractère créateur ou non de droits,sa forme explicite (ou expresse) ou implicite.

En l’espèce, l’acte qui aurait été abrogé (l’acte du 19 janvier 2012) est une décisionindividuelle explicite créatrice de droits.

Définitions :Décision, Acte administratif unilatéral, Décision individuelle et Décision expliciteou expresse : voir définitions données au stade de l’exposé des faits (cf. supra,page 27, n° 3.1.2.1) ;Décision créatrice de droits : ibid.

Ainsi sommes-nous amené à donner une signification plus pratique à l’interrogationn° 2 de la question n° 3 :

La décision datée du 25 janvier 2012 par laquelle le Conseil national de l’ordre despharmaciens aurait mis fin pour l’avenir à l’inscription, effectuée par une décision du 19janvier 2012, de Mlle Anne Leblanc au tableau de l’ordre serait-elle intervenue dans lerespect des règles régissant l’abrogation des décisions individuelles explicites créatricesde droits ?La réponse à cette interrogation n° 2 a pour préalable l’exposé des règles régissantl’abrogation des décisions individuelles explicites créatrices de droits.

*3.2.2.3.2 L’abrogation d’une décision individuelle explicite (ou expresse, les deux épi-

thètes étant synonymes) explicite créatrice de droits n’est pas laissée à la discrétion del’autorité administrative.

Elle est régie par les règles issues de la jurisprudence CE, Sect., 6 mars 2009, M. Coulibaly,n° 306084

« […] sous réserve de dispositions législatives ou réglementaires contraires, et hors lecas où il est satisfait à une demande du bénéficiaire, l’administration ne peut retirer ou

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abroger une décision expresse individuelle créatrice de droits que dans le délai dequatre mois suivant l’intervention de cette décision et si elle est illégale ; […] »

Ainsi donc, la jurisprudence CE, Sect., 6 mars 2009, M. Coulibaly, n° 306084, qui régitactuellement l’abrogation des décisions individuelles explicites créatrices de droits,énonce :1. un principe,2. une exception fondée sur une demande du bénéficiaire de la décision individuelle

créatrice de droits3. et des exceptions fondées sur des dispositions législatives ou réglementaires.L’abrogation doit

être motivée dans les trois hypothèsesDéfinition : La motivation, c’est l’action par laquelle l’autorité administrative ex-pose les motifs de sa décision, c’est-à-dire les raisons de fait et de droit qui justi-fient sa décision.

et être précédée d’une procédure contradictoire dans les hypothèses n° 1 et n° 3.Définition : « Manière d’agir impliquant qu’une mesure individuelle d’une cer-taine gravité, reposant sur l’appréciation d’une situation personnelle, ne peutêtre prise par l’administration sans que soit entendue, au préalable, la personnequi est susceptible d’être lésée dans ses intérêts moraux ou matériels par cettemesure » - Bruno Genevois.

*3.2.2.4 Application des règles pertinentes aux faits pertinents :

En l’espèce, il y a lieu de faire application du principe énoncé par l’arrêt Coulibaly.3.2.2.4.1 En effet, nous ne trouvons trace dans le cas pratique

ni d’une demande d’abrogation émanant de Mlle Anne Leblanc, la bénéficiaire de ladécision créatrice de droits du 19 janvier 2012,ni de dispositions législatives ou réglementaires dérogatoires au principe (Aucunedisposition de ce genre n’est annexée au cas pratique).

3.2.2.4.2 Selon le principe, applicable au cas d’espèce, l’abrogation d’une décision indivi-duelle explicite créatrice de droits n’est légale que si deux conditions sont réunies :

1. la décision individuelle explicite créatrice de droits est illégale ;2. l’abrogation intervient dans le délai de quatre mois suivant la prise de cette déci-

sion.3.2.2.4.3 En l’espèce, si nous sommes sûr que la première condition aurait été remplie,

nous savons que la seconde ne l’aurait pas été :1. La décision individuelle explicite créatrice de droits du 19 janvier 2012 était bien il-

légale, plus précisément entachée d’un vice de forme ;2. Toutefois, l’abrogation serait intervenue le 25 janvier 2013, soit plus de quatre

mois (en fait douze mois) après le 19 janvier 2012.3.2.2.4.4 L’abrogation de l’inscription de Mlle Anne Leblanc, qui aurait été décidée le

25 janvier 2013 par le Conseil national de l’ordre des pharmaciens, n’aurait pas été lé-gale :

Elle serait intervenue dans des circonstances qui ne présentaient pas un caractère ex-ceptionnel ;Portant sur une décision individuelle explicite (ou expresse) créatrice de droits, elleaurait dû se faire dans le respect des conditions déterminées par la jurisprudence CE,

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Sect., 6 mars 2009, M. Coulibaly, n° 306084 (illégalité de la décision créatrice de droitset respect du délai de quatre mois suivant la prise de celle-ci) ;Certes, la décision créatrice de droits du 19 janvier 2012 était illégale (entachée d’unvice de forme) ;Mais l’abrogation aurait été décidée le 25 janvier 2013, soit plus de quatre moisaprès le 19 janvier 2012, date de la prise de la décision individuelle explicite créa-trice de droits.Économie des moyens oblige, nous n’avons pas besoin de nous demander si cetteabrogation aurait été réellement motivée (comme le laisse entendre le libellé du caspratique) et précédée d’une procédure contradictoire : une illégalité suffit amplement.

*

3.2.2.5 Conclusion et réponse effective à l’interrogation n° 2 de la questionn° 3 du cas pratique :

3.2.2.5.1 La décision en date du 19 janvier 2012 par lequel le Conseil national de l’ordredes pharmaciens a inscrit Mlle Anne Leblanc au tableau de la section D de l'ordre natio-nal des pharmaciens est une décision individuelle explicite créatrice de droits.

3.2.2.5.2 L’abrogation d’une décision individuelle explicite (ou expresse, les deux épi-thètes étant synonymes) créatrice de droits n’est pas laissée à la discrétion de l’autoritéadministrative.Elle est régie par les règles issues de la jurisprudence CE, Sect., 6 mars 2009, M. Coulibaly,n° 306084 :

« […] sous réserve de dispositions législatives ou réglementaires contraires, et hors lecas où il est satisfait à une demande du bénéficiaire, l’administration ne peut retirer ouabroger une décision expresse individuelle créatrice de droits que dans le délai dequatre mois suivant l’intervention de cette décision et si elle est illégale ; […] »

3.2.2.5.3 Ainsi donc, la jurisprudence Coulibaly, qui régit actuellement l’abrogation desdécisions individuelles explicites créatrices de droits, énonce :1. un principe,2. une exception fondée sur une demande du bénéficiaire de la décision individuelle

créatrice de droits3. et des exceptions fondées sur des dispositions législatives ou réglementaires.

3.2.2.5.4 L’abrogation doitêtre motivée dans les trois hypothèseset être précédée d’une procédure contradictoire dans les hypothèses n° 1 et n° 3.

3.2.2.5.5 En l’espèce, il y a lieu de faire application du principe. En effet, on ne trouvetrace dans le cas pratique

ni d’une demande d’abrogation émanant de Mlle Anne Leblanc, la bénéficiaire de ladécision créatrice de droits du 19 janvier 2012,ni de dispositions législatives ou réglementaires dérogatoires au principe (Aucunedisposition de ce genre n’est annexée au cas pratique).

3.2.2.5.6 Selon le principe, applicable au cas d’espèce, l’abrogation d’une décision indivi-duelle explicite créatrice de droits n’est légale que si deux conditions sont réunies :

1. la décision individuelle explicite créatrice de droits est illégale ;2. l’abrogation intervient dans le délai de quatre mois suivant la prise de cette déci-

sion.

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3.2.2.5.7 En l’espèce, s’il est certain que la première condition aurait été remplie, il n’enest pas moins vrai que la seconde ne l’aurait pas été :

1. La décision individuelle explicite créatrice de droits du 19 janvier 2012 était bien il-légale, plus précisément entachée d’un vice de forme ;

2. Toutefois, l’abrogation serait intervenue le 25 janvier 2013, soit plus de quatremois (en fait douze mois) après le 19 janvier 2012.

3.2.2.5.8 L’abrogation de l’inscription de Mlle Anne Leblanc, qui aurait été décidée pourvice de forme le 25 janvier 2013 par le Conseil national de l’ordre des pharmaciens,n’aurait pas été légale :

Elle serait intervenue dans des circonstances qui ne présenteraient pas un caractèreexceptionnel ;Portant sur une décision individuelle explicite (ou expresse) créatrice de droits,elle aurait dû se faire dans le respect des conditions déterminées par la jurisprudenceCoulibaly, (illégalité de la décision créatrice de droits et respect du délai de quatremois suivant la prise de celle-ci) ;Certes, la décision créatrice de droits du 19 janvier 2012 était illégale (entachée d’unvice de forme) ;Mais l’abrogation aurait été décidée le 25 janvier 2013, soit plus de quatre moisaprès le 19 janvier 2012, date de la prise de la décision individuelle explicite créatricede droits ;Économie des moyens oblige, nous n’avons pas besoin de nous demander si cetteabrogation aurait réellement été motivée (comme le laisse entendre le libellé du caspratique) et précédée d’une procédure contradictoire : une illégalité suffit amplement.

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