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L’image de marque employeur perçue par les salariés Récits de l’expérience de travail Mélodie Leconte Laboratoire du CEROS Université Paris Ouest Nanterre La Défense 200, avenue de la République 92 001 Nanterre cedex [email protected] 06 60 69 76 71

L’image de marque employeur perçue par les salariés … · Image de marque employeur et philosophie pragmatiste ... Cette définition fait aujourd’hui consensus. Si l’identité

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L’image de marque employeur perçue par les salariés

Récits de l’expérience de travail

Mélodie Leconte

Laboratoire du CEROS Université Paris Ouest Nanterre La Défense

200, avenue de la République 92 001 Nanterre cedex [email protected]

06 60 69 76 71

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L’image de marque employeur perçue par les salariés

Récits de l’expérience de travail

Résumé Alors que la perception de l’image de marque employeur se fait au prisme de l’expérience de travail (Pezet & al., 2013), les recherches se sont essentiellement portées sur l’image perçue par les candidats ou sur les écarts de perception de cette image avant et après le recrutement délaissant ainsi l’expérience de travail. Dés lors, cette recherche se propose de comprendre au travers de 12 récits de vie, ce qu’est une expérience de travail et ce qu’elle nous dit de la perception de l’image de marque employeur interne. Nous mobilisons la conception pragmatiste de l’expérience. Nos résultats nous permettent de proposer une nouvelle acceptation de la notion d’expérience en RH et de montrer que la perception de l’image de marque employeur interne se manifeste autour de 4 dimensions.

Abstract While the perception of the employer brand can be considered throughout work experience (Pezet et al., 2013), previous studies have placed emphasis on the image perceived by candidates, and on the gaps of the perceived image before and after recruitment, overlooking thus the work experience. Therefore, this paper investigates through 12 life stories the significance of work experience and what it has to say about internal branding perception. We advance the pragmatist concept of experience. Our results suggest a new acceptance of the concept of experience in HR and show that the perception of internal employer branding manifest themselves in four dimensions.

Mots clés : Image employeur, marque employeur, expérience de travail, pragmatisme, Dewey Employer image, employer brand, work experience, pragmatism, Dewey

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Introduction En marketing, la prise de conscience de la centralité de l’expérience dans la perception de l’image de marque a favorisé l’émergence d’une approche expérientielle de la consommation (Schmitt, 1999) et plus globalement d’une « économie de l’expérience » (Pine et Gilmore, 1999). Rien de tel ne s’est produit en gestion des ressources humaines alors même que le concept de marque employeur est une transposition des principes marketing de la marque au champ des ressources humaines (Ambler & Barrow, 1996). La marque employeur reste surtout étudiée dans une optique de recrutement (Lievens & Slaughter, 2015). L’attention s’est ainsi essentiellement portée sur la perception des candidats, avec, pour corollaire, la mise en œuvre pour nombre d’entreprises de stratégies de communication de la marque employeur en vue d’accroître leur attractivité organisationnelle. Mais dans un contexte de transformation marketing de l’entreprise, la notion d’ « expérience salariée » trouve un nouvel écho. Orange a ainsi un directeur de l’expérience salarié. Inspirée de l’ « expérience client », cet usage du mot expérience suppose de la part de ceux qui l’emploient, une similitude des expériences de consommation et des expériences de travail. Mais l’expérience de travail impacte plus largement et plus longuement la vie du salarié. Changer d’emploi engendre un risque beaucoup plus important qu’un changement de produit. C’est aussi une expérience dont l’analyse ne peut se circonscrire à elle-même ; comme nous pouvons délimiter l’expérience de consommation. Il n’en reste pas moins que le salarié contribue fortement à l’existence de l’emploi et du poste qu’il occupe. Il est, avec son employeur, co-responsable de la réalisation de ses missions et il participe à la qualité de son travail. Il n’est donc pas un acteur passif, il vit son travail et la perception de l’image de marque employeur se fait au prisme de l’expérience de travail (Pezet & al., 2013). Malgré l’intérêt du concept, tant théorique que managérial, l’expérience de travail souffre d’un déficit de conceptualisation et sa contribution à la perception de l’image de marque employeur n’est pas étudiée. A partir d’une recherche qualitative basée sur des récits de vie, nous cherchons à comprendre ce qu’est une expérience de travail et ses interactions avec l’image de marque employeur interne. Pour ce faire, nous recourons à la conception pragmatiste de l’expérience. 1. Image de marque employeur et philosophie pragmatiste Cette première partie sera l’objet d’une présentation de la philosophie pragmatiste et du concept d’expérience tels que conçus par John Dewey, puis nous dresserons un portrait de l’image de marque employeur.

1.1. Les apports de la philosophie pragmatiste à la compréhension de l’expérience de travail

L’apport de l’héritage pragmatiste à l’étude empirique du travail a déjà été mobilisé par des chercheurs en sciences de gestion (Lorino, 2013 ; Journé, 2007 ; Journé et Raulet-Croset, 2008, 2012) mais ces travaux ont pour point commun de mobiliser les concepts de situation et d’enquête. Notre intérêt se porte sur la conception pragmatiste de l’expérience portée par la philosophe américain John Dewey pour comprendre le travail comme expérience.

1.1.1. Détours par les usages de la notion d’expérience en ressources humaines et en marketing

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La manière dont les praticiens et les chercheurs en ressources humaines se sont emparés du mot expérience s’est inscrit, jusqu’il y a peu, exclusivement dans une acceptation du mot renvoyant au sens commun, à l’expérience comme savoir cumulé à partir des expériences préalables. En ce sens, l’expérience fait référence à la dimension empirique du mot et à la locution « avoir l’expérience de ». Dans une optique de recrutement, c’est l’efficacité pragmatique de l’individu qui prime avant tout. Plus récemment, et sous l’influence du développement du marketing RH, les praticiens des ressources humaines se sont ré-emparés du mot « expérience » et ils évoquent volontiers l’ « expérience salarié » ou l’ « expérience candidat ». Inspirée de l’ « expérience client », l’accent est d’avantage mis sur le processus de l’expérience plutôt que sur son résultat et fait référence à la locution « faire l’expérience de ». Cette acceptation du mot est d’abord apparue en sciences de gestion dans le champ de la consommation avec l’article séminal de Holbrook et Hirschman (1982). Carù et Cova (2002) définissent l’expérience de consommation comme « un vécu personnel –souvent chargé émotionnellement - fondé sur l’interaction avec des stimuli que sont les produits ou les services rendus disponibles par le système de consommation ». En s’inspirant des travaux de Dewey, Schmitt (1999), le fondateur du marketing expérientiel, postule que l’expérience de consommation constitue une interaction entre un individu et un objet qui peut être décomposée en cinq activités expérientielles indépendantes (Schmitt, 1999 ; Camelis, 2009) : sensorielles (sens), émotionnelles (feel), comportementales (act), cognitives (think) et sociales (relate). Mais l’expérience selon Dewey ne peut se réduire à sa multidimensionnalité qui ne constitue qu’une des cinq dimensions de l’expérience deweyenne.

1.1.2. Le recours à une conception enrichie de l’expérience avec John Dewey La philosophie pragmatiste s’appuie sur l’héritage de l'Origine des espèces de Charles Darwin, pour qui, la connaissance est contingente et adaptative. Elle est un processus d'interaction, elle est créative, ouverte et socialisée. Il s’agit pour les pragmatistes d’en finir avec les ensembles clos et les dualismes tels que le corps et l’esprit ou le scientifique et le sens commun, la théorie et la pratique. La connaissance, même scientifique, est accessible dans et par l’expérience qualitative et non par la raison pure. Le rationnel est en quelque sorte second, il est mobilisé dans l’observation des faits et des résultats concrets pour juger. Mais si le contenu de la connaissance ne peut être définitivement fixé, il fait référence à une réalité expériencée qui correspond ainsi « à l'adéquation entre une idée et un fait saisi comme une signification » (Cormier, 2012). L’expérience deweyenne est définie comme cette interaction entre un sujet et un objet permettant de définir les effets pratiques de cet objet (Dewey, 2010). Cette interaction se caractérise par un double impact. D’une part, l’action de l’individu sur l’environnement, ce que Dewey dénomme l’ « agir » et d’autre part, l’action de l’environnement sur le sujet : l’ « éprouver » (Dewey, 1934, 2010). Selon cette dialectique entre agir et éprouver, Zimmermann (2014), sociologue, conçoit l’expérience de travail selon deux dimensions. D’une part, l’expérience de travail renvoie au fait d’avoir l’expérience professionnelle, nommée « expérience-acquisition », et d’autre part comme le fait de faire l’expérience du travail, appelée « expérience-épreuve ». Mais c’est dans le domaine de la pédagogie que la théorie de l’expérience de Dewey a eu, et continue d’avoir, le plus de portée. Dans ce champ de recherche, Zeitler et Barbier (2012) dresse une liste des principes organisateurs de l’expérience deweyenne : (i)

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l’expérience possède une double face en tant que processus, l’expérience est active et passive, le sujet agit sur son environnement et éprouve les conséquences de son action ; (ii) l’expérience consiste pour l’individu à établir une mise en relation de sens entre l’action et les conséquences de son action sur le monde ; (iii) l’expérience est continue, l’expérience mobilise le passé tout en étant tournée vers l’avenir ; (iv) l’expérience est à la fois objective et subjective, le sujet et l’objet sont co-transformés au cours de l’expérience ; (v) l’expérience est multi-dimensionnelle. L’expérience est à la fois cognitive, émotionnelle, sociale et faite de sensations et comportements. Quels seraient les apports de la conception deweyenne de l’expérience à la compréhension de la perception de l’image employeur interne? Dressons tout d’abord un portrait de l’image de marque employeur.

1.2. L’image de marque employeur 1.2.1. Le concept d’image de marque employeur et sa mesure

La marque employeur est définie comme l’ensemble des avantages fonctionnels, économiques et psychologiques inhérents à l’emploi, grâce auxquels une entreprise employeur est identifiée (Ambler et Barrow, 1996). Cette définition fait aujourd’hui consensus. Si l’identité est le concept d’émission de ce qu’est la marque, l’image est le concept de réception par un public cible de ce qu’est la marque (Viot & Benraïss, 2014). Les théoriciens de la marque employeur distinguent trois facettes de l’image de marque employeur : l’image interne, l’image externe et l’image externe interprétée (Lievens & al., 2007 ; Knox & Freeman, 2009). L’image interne correspond à l’image perçue par les employés actuels de l’organisation, l’image externe est celle perçue par les employés potentiels et l’image externe interprétée résulte de l’idée que se font les salariés actuels de l’image perçue par les personnes extérieures à l’organisation. Dans l’optique de mesurer la perception de cette image, de nombreuses échelles de mesure ont vu le jour (Viot & Benraïss, 2014). La mesure de l’image de marque employeur est principalement réalisée selon deux approches (Lievens et Slaughter, 2015). La première, multidimensionnelle, consiste à reprendre la cadre instrumental-symbolique (Lievens et Highhouse, 2003 ; Lievens & al., 2007) développé dans le domaine marketing pour comprendre les comportements de choix de marque des consommateurs (Aaker, 1999 ; Keller, 1993 ; Park, Jaworski et MacInnis, 1986 ; Park & Srinivasan, 1994) et la seconde, unidimensionnelle, opérationnalise le concept d’image de marque employeur en mesurant l’attractivité organisationnelle d’un employeur (Berthon & al., 2005 ; Knox & Freeman, 2006 ; Roy, 2008 ; Maxwell & Knox, 2009). Ces deux approches ont pour point commun de développer des outils de mesure élaborés à partir d’une liste d’attributs devant permettre de comprendre les sources d’attrait d’un individu pour une marque. Cette liste d’attributs varie d’une étude à une autre mais ils peuvent être regroupés sous quatre dimensions : l’intérêt du travail, l’ambiance de travail, l’opportunité de développement et les avantages économiques (Charbonnier-Voirin & Vignolles, 2014). Ces échelles évaluent essentiellement des attributs ou des bénéfices reliés à l’emploi et ne reprennent que partiellement les échelles de mesure développées en marketing. Pourtant l’image de marque employeur est un concept qui se compose de l’image de l’emploi mais qui ne s’y réduit pas (Viot & Benraïss, 2014).

1.2.2. Des recherches focalisées sur la perception des candidats de l’image employeur

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Le concept de marque employeur est né du besoin stratégique pour les entreprises de se différencier de leurs concurrents et de sa valoriser comme « employeur de choix » auprès de cibles très recherchées sur le marché de l’emploi afin de les attirer dans leur organisation. L’émergence du concept de marque employeur a ainsi été largement favorisée par une littérature abondante dans le domaine du recrutement. Celle-ci s’est concentrée sur les perceptions de l’image qu’ont les candidats d’une organisation en tant qu’employeur (Lievens & Slaughter, 2015). Ce courant de recherche s’appuie sur l’idée selon laquelle un individu peut être attiré ou pas par une organisation en fonction des perceptions qu’il a de l’image de cette organisation en tant qu’employeur. Les chercheurs (Agrawal et Swaroop, 2009 ; Collins et Stevens, 2002) ont démontré les conséquences positives d’une perception favorable de l’image employeur sur l’attractivité de l’entreprise. Ces études ont pour finalité de préconiser aux organisations le développement de stratégies de communication de la marque employeur pour attirer les employés les plus talentueux. Un courant de recherche plus proche du management des ressources humaines, et notamment de la théorie sur le contrat psychologique (Rousseau, 1995), s’appuie de son côté sur une vision de la marque véhiculant des messages qui sont perçus comme autant de promesses par les candidats potentiels et les employés. Ces études s’appuient sur l’image employeur interne (celle perçue par les employés) et l’image employeur externe (celle perçue par les candidats) pour mesurer les écarts de perception avant et après le recrutement. Les auteurs (Mark et Toelken, 2009 ; Charbonnier-Voirin, Laget et Vignolles, 2014) soulignent l’importance d’une cohérence entre ces deux facettes de l’image de marque employeur pour ne pas conduire à une rupture du contrat psychologique et au départ des salariés. Malgré l’intérêt de ces recherches, aucune ne se concentre sur l’image employeur interne et par là sur la notion d’expérience salarié. Cette recherche se propose donc de comprendre au travers de 12 récits de vie, ce qu’est une expérience de travail et ce qu’elle nous dit de la perception de l’image de marque employeur interne. 2. Méthodologie de l’étude Notre positionnement épistémologique est constructiviste. Nous avons fait le choix d’une approche qualitative des parcours professionnels, pour ce faire, nous recourons aux récits de vie.

2.1. Positionnement de la recherche Notre recherche porte à la fois sur une nouvelle acceptation du mot expérience dans le domaine des ressources humaines et sur sa contribution à la perception de l’image de marque employeur. Notre mode de collecte de l’informations s’est naturellement porté sur les récits de vie (Bertaux, 2005) comme étant le mode de collecte le plus adapté à notre recherche à finalité compréhensive. La philosophie pragmatiste impose l’idée selon laquelle une expérience ne peut se circonscrire à elle-même et qu’il est indispensable de la réintroduire dans la perspective de l’histoire de l’individu. C’est pourquoi, nous avons demandé aux répondants de nous relater l’ensemble de leur parcours professionnel.

2.2. L’échantillonnage Notre protocole repose sur 12 récits de vie oraux de parcours professionnels. L’échantillon s’est constitué progressivement sur un effet boule de neige en demandant aux personnes déjà interrogées de nous mettre en contact avec des

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connaissances n’exerçant ni dans la même société ni le même métier qu’eux afin de satisfaire au critère de diversité énoncé par Bertaux (2005). Pour accéder à l’expérience à différentes étapes du processus, nous avons échangé avec des individus qui, au moment où nous les avons rencontrés, souhaitaient quitter leur entreprise ou venaient de rejoindre une nouvelle entreprise.

2.3. Une analyse séquentielle et thématique de l’expérience de travail Dans l’optique de comprendre le rôle de l’expérience de travail dans la perception de l’image employeur, l’unité de référence de notre recherche est l’employeur. Ceci a pour conséquence de mettre en présence deux types d’expérience de travail : une expérience de travail longue, d’une dizaine d’année, au cours de laquelle l’individu a occupé plusieurs postes pour un même employeur, et une expérience de travail plus courte, moins de cinq ans, au cours de laquelle l’individu a occupé un poste avant de souhaiter quitter l’entreprise. Dans la première, parcours professionnel et expérience de travail se superpose largement contrairement à la seconde. Nous avons recouru à l’usage combiné de templates de type séquentiel (Dumez et Jeunemaître, 2005 et 2006 ; Dumez & Rigaud, 2009) et de l’analyse thématique de contenu. Notre codage avait pour objet de mailler notre corpus de façon multidimensionnelle (Ayache & Dumez, 2011). Les templates ont été réalisés grâce au codage de l’expérience de travail en termes de « debut de l’expérience », « turning point », et « fin de l’expérience » puis à l’identification de séquence entre chaque marqueur. Parallèlement, chaque expérience a également été soumise à une analyse de contenu manuelle, facilitée par le découpage en séquence. Les thèmes sont issus de thèmes théoriques ou émergeants, parfois les deux. Ils sont « bricolés » en tant qu’ils ne résultent que de notre subjectivité de chercheur (Allard-Poesi, 2003). Ainsi nous ne faisons que proposer une interprétation de notre corpus. Dix-huit thèmes ont été créés. A côté du codage séquentiel, ils se scindent en deux catégories avec d’un côté, ce qui est de l’ordre de l’individu et qui s’articule pour certains thèmes autour de l’agir et de l’éprouver, et de l’autre, ce qui fait référence à l’organisation. Chaque unité de sens codée peut appartenir à plusieurs séries d’unités de sens, et a fait l’objet d’une ou plusieurs analyses en termes de ressemblances et différences permettant d’identifier des sous-thèmes par « différence spécifique avec le thème général » (Ayache & Dumez, 2011).

Prénom Genre Age Etape Poste

Matthieu M 29 Arrivée Responsable production Elise F 31 Départ Chef de projet media Anaëlle F 28 Arrivée Consultante Emilie F 34 Départ Process manager Jérôme M 35 Départ Conseiller banque privé Véronique F 29 Départ Manager qualité Luc M 48 Départ Directeur régional Géraldine F 35 Départ Acheteuse Antonia F 36 Départ Assistante de direction Julien M 33 Départ Chef de projet Web Séverine F 44 Arrivée Responsable département informatique Eric M 46 Départ Responsable d’affaires

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3. Résultats de la recherche qualitative 3.1. Avoir et faire l’expérience du travail ou l’idée d’une résistance de

l’environnement organisationnel qui se situe à un juste milieu Dans une perspective deweyenne, l’expérience est assujettie à une résistance de l’environnement qui doit se situer à un juste milieu de sorte que l’expérience au travail soit à l’interface entre avoir et faire l’expérience du travail. Or les schémas séquentiels utilisés pour modéliser l’expérience au travail ont permis de révéler qu’il n’en était pas toujours ainsi et que l’expérience au travail pouvait basculer du côté du de l’avoir, l’expérience au travail est alors synonyme de routines ou à l’opposé du côté du faire, au point de se transformer en épreuve insurmontable.

3.1.1. Le juste milieu : quand l’épreuve est surmontée et les acquis reconnus La métaphore scientifique de l’expérience deweyenne implique que l’individu cherche à provoquer des phénomènes auxquels il s’intéresse en maitrisant certains facteurs. Cela signifie que l’individu ayant un rapport expérientiel au travail s’engage dans une expérience de travail en jouant sur l’équilibre entre ce qui est connu et ce qui est inconnu pour lui. Le connu tient aux expériences passées et à ce qu’il peut inférer de l’environnement organisationnel et du poste. L’inconnu est tout ce qui va lui imposer une adaptation. Il revient donc à l’individu de faire preuve d’une certaine créativité de l’agir. Le terme de « challenge » utilisé par plusieurs informants rend assez bien compte de cette idée de défi à relever. Ce terme contraste d’ailleurs avec l’emploi des expressions « avoir fait le tour » ou « tourner en rond » qui expriment un certain ennui et qui sont employées pour marquer la fin d’une expérience. La fin de l’expérience est spontanément et systématiquement assortie d’une évaluation portant sur deux dimensions : le savoir cumulé et la valeur de ce savoir cumulé sur le marché. Voici comment Véronique fait le bilan de son expérience : « donc c’est vrai que ça m’a aussi permis de m’ouvrir à d’autres postes, d’autres fonctions et c’est aussi quelque chose que je valorise aujourd’hui sur mon CV et qui m‘apporte des plus pour la recherche d’un nouveau poste » et plus loin, elle précise : « c’est vrai que j’ai moins de challenge aujourd’hui, j’apprends moins de nouvelles choses, je suis plus dans une…je commence à avoir fait le tour du poste et des choses qu’ils pouvaient m’apporter » La « bonne » expérience du travail serait donc celle qui permet de relever un challenge d’un côté et de capitaliser sur l’expérience acquise de l’autre. Tel n’est pas le cas lorsque le principe d’une résistance de l’environnement organisationnel qui se situe à un juste milieu n’est pas respecté.

3.1.2. Les cas extrêmes : de l’absence d’expérience à l’épreuve insurmontable

Dans l’Art comme Expérience, Dewey expose deux modalités selon lesquelles l’expérience n’a pas lieu. La première tient au manque d’expérience. L’individu ne dispose alors pas assez de références passées dans lesquelles il pourrait puiser des ressources à réinvestir dans l’expérience actuelle. La seconde modalité prend forme dans la mise en œuvre de routines. Lorsque l’individu ne rencontre pas assez d’obstacle ou de résistance dans son environnement organisationnel, il ne fait que reproduire des routines sans réelle réflexion, il s’appuie sur son expérience passée et agit automatiquement. Certains informants font preuve d’une certaine passivité vis-à-vis de leur environnement et ne rendent compte d’aucune difficulté particulière dans

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l’appropriation de leur travail. Ils ne s’émeuvent pas ou peu. Ils ne font pas « une expérience », ce qui est révélateur d’un rapport au travail qui n’est pas expérientiel. Mais le rapport au travail n’est pas défini une fois pour toute, il est la résultante d’un processus qui évolue tout au long de la vie (Côté, 2013). Ainsi, nous avons identifié un temps de latence assimilable à cette absence d’expérience dans certains parcours féminins pourtant caractérisés par une trajectoire ascendante. Ces femmes ont aujourd’hui un projet de maternité. Géraldine, qui considère que son expérience actuelle est une erreur dans son parcours, exprime d’abord son ennui professionnel et sa déception quant à son employeur. Mais à défaut d’adversité, elle y voit finalement une opportunité : « bon est-ce que c'est pas le moment d'en profiter, parce que tous les soirs je peux partir à 18h, j'ai aucune pression de quelques sortes que ce soit pour faire un bébé. Donc du coup tu vois, l'incitation à se dire "profitons d'un espèce de temps mort à la fois intellectuel et à la fois charge de travail, pour me dire, est-ce que c'est pas le moment pour faire un bébé. » A l’extrême opposé, Elise et Julien font le récit d’une descente aux enfers. Ces deux récits décrivent un environnement organisationnel en recomposition qui modifie profondément leur expérience. Ils font état d’un sentiment de désappropriation de ce qu’est leur travail qui se déroule désormais dans un désordre personnel et général. Ils sont les victimes d’un temps qu’ils ne parviennent plus à organiser face à une quantité de travail devenue trop importante, les heures de travail s’accumulent jusqu’à devenir pléthoriques, la vie personnelle est sacrifiée sous l’autel de la réorganisation. Rien n’y fait. Ils ne parviennent plus à donner sens à leur activité. Ils sont comme pris au piège, le passé et le futur n’existe plus, seul reste l’absurde d’un environnement devenu insaisissable et des coupables, ceux-là même qui ont orchestré la réorganisation et qui n’ont pas entendu, ensuite, les appels à l’aide de ceux qui se noyaient…En termes plus « deweyens », le « subir » est à son comble, l’expérience devient une épreuve insurmontable. Les principes organisateurs de l’expérience sont bafoués. La logique d’acquisition de l’expérience est rompue par la dimension insurmontable de l’expérience.

3.1.3. Synthèse Si l’interaction entre l’individu et l’environnement est au cœur de la définition de l’expérience pragmatiste, cette recherche exploratoire permet de montrer que cette interaction peut présenter dans un contexte organisationnel des déficits en terme d’agir ou d’éprouver.

Absence d’expérience

Expérience Epreuve

insurmontable

Résistance de l’environnement

Aucune ou trop faible, l’environnement est

maîtrisé

Juste milieu - l’environnement est

inférable

Trop de résistance, l’environnement est

subi

Caractéristiques Reproduction de

routines – « éprouver » atrophié

Equilibre entre agir et éprouver - créativité

de l’agir

Submersion d’émotions

négatives – « agir » atrophié

Résultat Acquis peu reconnus

« Capitalisation de l’expérience » :

épreuve surmontée et acquis reconnus

Destruction d soi

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Figure 1 – Avoir et Faire l’expérience du travail Dans la suite de cet article, nous utiliserons les terminologies d’« absence d’expérience », d’« expérience » et d’« épreuve insurmontable » pour évoquer nos résultats.

3.2. Les enjeux de l’expérience et l’image employeur Si l’expérience se construit entre le fait d’avoir l’expérience du travail et d’éprouver son travail, il ne suffit pas à l’individu de transposer mimétiquement ses savoirs acquis à un nouvel environnement organisationnel, que celui-ci soit nouveau du fait d’une mobilité ou profondément modifié du fait d’une réorganisation. Les enjeux de l’expérience résident alors dans le fait de pouvoir adapter son travail et s’adapter soi-même (Zimmermann, 2014).

3.2.1. Adaptation de soi L’expérience implique des interactions et des coopérations avec les autres membres de l’organisation qui nécessitent une adaptation de soi. Mais cela ne va pas toujours de soi. C’est notamment le cas lorsque l’expérience présente des déficits. Si dans le cas de l’épreuve insurmontable comme dans celui de l’absence d’expérience, la réaction de l’individu peut consister en un refus d’adaptation, les conséquences n’en sont pas les mêmes. Dans le premier cas, elle entraine le repli de la personne sur elle-même voir sa profonde remise en cause : « Et en fait, pendant les 6 premiers mois, je me suis retrouvée face à deux nanas qui ne voulaient pas de moi comme supérieure et une nana qui était tout le temps dans mon dos à me dire « il faut que tu fasses comme si, il faut que tu fasses comme ça » et à m’imposer des méthodes de management qui n’étaient pas les miennes à deux nanas qui ne voulaient pas les entendre de toute façon. Donc j’étais en plein milieu d’un truc…c’était l’enfer. » (Elise) Tandis que dans le second, elle n’affecte pas ou peu l’individu qui parvient à garder une certaine distance : « je pense que c'est assez symbolique, tout le monde appel le président de [nom de l’entreprise] "Louis XIV"', ça veut dire ce que ça veut dire quoi, on n'est un peu dans le mode "Jacques a dit", et quelle que soit la pertinence des propos de "Jacques à dit" ou de "Louis XIV", du coup tout le monde, toutes les brebis foncent et y'en a qu'une qui se pose la question de savoir pourquoi Jacques a dit ça. » (Géraldine) Dans le cas d’une « expérience », il en va tout autrement, le salarié s’est adapté et peut bénéficier de cette adaptation : « quand on a besoin de quelque chose on sait à qui s'adresser tout de suite et ça fonctionne et puis voilà...Ou on a une réputation qui fait que...qu'on sait à qui on a affaire et que c'est très confortable quand on a une certaine assise dans une entreprise. » (Séverine) Ces verbatim illustrent la manière dont les autres salariés apparaissent comme des adjuvants ou au contraire comme des opposants et dans quelle mesure ils peuvent contribuer à la qualité de l’expérience. Il ne s’agit pas seulement d’avoir de bonnes relations avec eux mais d’être identifié comme membre du groupe et de s’identifier au groupe. Les enjeux identitaires sont ainsi sous-jacents à ce processus d’adaptation de soi. Dans ce processus, les dirigeants d’entreprise semblent être ceux qui incarnent symboliquement l’image employeur. Plus que les managers, ce sont eux qui représentent l’ADN de l’entreprise, ses valeurs.

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« un esprit de groupe, je pense un esprit...qui véhiculait par...le PDG du groupe hein. Le groupe [X] c'est un groupe qui...enfin [nom et prénom du PDG] est quelqu'un de très paternaliste, et il instaure dans son groupe un attachement fort aux valeurs du groupe et au groupe. » (Séverine) Là encore, les différences de tonalité dans les propos sont prégnantes lorsque l’épreuve n’a pas pu être surmontée : « Et donc disons que lui il a une vision très business, très…Il est bon là-dedans, il est très bon commercial mais, il a une vision très très axée business. Et moi c'est pas forcément ma vision des choses, je préfère avoir des dirigeants qui sont beaucoup plus impliqués dans la partie fonctionnelle, dans la partie technique, et dans les problématiques Web en général.» (Julien)

3.2.2. Adaptation de son travail Au prisme de l’expérience pragmatiste, l’adaptation de son travail est une des clés du succès ou de l’échec d’une expérience. Les raisons pour lesquelles Elise et Julien ne parviennent pas à surmonter l’épreuve à laquelle ils étaient confrontés tiennent à la question de l’adaptation de leur travail. Mais là où Elise semble refuser cette adaptation, Julien s’adapte aux nouvelles conditions de son environnement, forcé et contraint, et cela l’affecte profondément: « C’est-à-dire qu’ok, je pars du principe que sur le projet je vais faire de la merde, c’est pas possible ! Dans ce cas-là, j’y vais pas en fait. (…) Mais mes managers avaient une vision plus générale qui est « on ne peut pas tout faire », parce que y’avait de moins en moins de ressources, parce que les Etats-Unis nous permettaient pas d’embaucher, parce que voilà…mais sauf que derrière, moi, je m’y retrouvais pas forcément. » (Elise) Julien explicite de son côté les tentatives d’adaptation de son travail dont il rend compte à un niveau individuel mais aussi collectif : « Je me suis retrouvé avec un volume de projets, enfin je pensais pas pouvoir un jour gérer un volume pareil parce que le niveau d'alertes que j'ai mis à mes responsables en disant "attention, sur tel sujet je vais devoir passer en mode dégradé parce qu'il va falloir que je gère tel autre sujet à côté qui me semble prioritaire". Donc moins de réactivité, tout le monde était un peu dans le même bateau. Alix a connu la même chose, tous les chefs de projet ont connu la même chose. On était plus réactifs, on produisait de la merde, on avait même honte de ce qu'on pouvait livrer » (Julien) Cette adaptation se joue dans une tonalité moins subie lorsqu’il y a une expérience : « J'ai appris le métier sur le tas. Parce que c'est quand même spécifique. C'est vrai que la recherche clinique, c'est pas...tout le monde peut le faire...mais c'est un domaine où il faut faire pas mal de formation, il faut acquérir un savoir-faire, il y a plein de procédures à suivre, donc c'est un petit monde à part.» (Antonia) Cette nécessité d’adapter son travail est présente dès les prémisses de l’expérience : « Et dans le nucléaire, il vaut mieux que ce soit bien fait en retard que mal fait à l’heure. Donc pas beaucoup de pression. Et là, quand on me demande de faire quelque chose, si c’est pas fait dans les deux heures, c’est un problème ! » (Matthieu) Ces verbatim illustrent les injonctions de l’employeur à l’endroit des salariés pour se mettre en conformité avec le mode de gestion de l’organisation mais également les normes et valeurs organisationnelles. Ces injonctions illustrent à la fois les rapports de pouvoir qui règnent dans l’entreprise et les relations avec les figures du pouvoir. Ce sont ces rapports de pouvoir qui structurent l’autonomie individuelle et collective de chaque salarié (Renault, 2013).

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L’omniprésence des évolutions organisationnelles dans les propos tenus par nos informants est remarquable. Evolutions qui nécessitent de nouvelles adaptations aussi bien de soi que de son travail et qui peuvent modifier la qualité de l’expérience.

3.2.3. Synthèse : l’image employeur au prisme de l’expérience de travail

Les autres salariés, les figures du pouvoir, les normes et valeurs ainsi que les évolutions organisationnelles, telles sont les spécificités de l’image employeur que permet de révéler notre étude de l’expérience du travail. Pour chacune de ces dimensions, nous rappelons succinctement leur rôle dans l’expérience de travail. Les normes et valeurs et les évolutions interviennent à différents moments dans la perception de l’image employeur.

Figure 2 : L’image employeur interne au prisme de l’expérience de travail

4. Discussion des résultats et préconisations managériales La perspective pragmatiste nous permet de nous interroger sur la manière dont le travail peut être une expérience. Que signifie avoir et faire l’expérience du travail ? Loin de la conception classique de l’expérience comme expérience professionnelle, la conception deweyenne de l’expérience s’inscrit dans une créativité de l’agir qui implique que la détermination des moyens ne précèdent pas l’action. C’est en s’engageant dans l’action que l’individu rencontre un obstacle et détermine ensuite les moyens adéquats pour surmonter l’obstacle. Cette créativité de l’agir se définit comme la capacité qu’a l’individu de créer ou de réinventer les fins poursuivies par l’action dans le développement même de cette action. Possibilité de reconfiguration et révélation progressive caractérisent ainsi l’approche expérientielle. Elle implique une conception dynamique et émergente de l’expérience de travail. Sa finalité porte

Autres salariés

• Sont présentés comme des opposants ou des adjuvants

• Le salarié doit pouvoir s’identifier à eux et être reconnu comme membre du groupe

Figure du pouvoir

• Incarne symbolique l’image employeur au travers des valeurs et mode de gestion qu’il véhicule

Normes et valeurs

• Important dans les prémisses de l’expérience

• elles constituent un cadre pour l’action à venir

Evolutions organisationnelles

• Réinterrogent les capacités d’adaptation des salariés dans le cours de l’expérience

• Peuvent modifier la qualité de l’expérience et la faire basculer dans des cas extrêmes

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ainsi sur la manière dont l’individu s’adapte à son environnement et notamment la manière dont il s’adapte lui et dont il adapte son travail. Cet aspect de l’expérience pragmatiste s’inscrit à l’encontre des approches qui tentent de déterminer la part du sujet et la part de l’environnement dans l’intentionnalité de l’action (Bidet, 2012). C’est notamment le cas de l’approche expérientielle développée en marketing qui, pour déterminer qui de l’individu ou de l’entreprise contrôle l’action dans le cours de l’expérience, développe une typologie « consumer-driven », « company-driven », et « co-driven» (Carù et Cova, 2007). Cette conception de l’expérience s’inscrit également dans une temporalité différente de celle développée dans la théorie du contrat psychologique (Rousseau, 1995) où la relation d’emploi est étudiée au regard de la réalisation d’attentes préalablement définies par l’individu et dont l’objet est de déterminer si elles sont ou ne sont pas réalisées. La conception deweyenne suppose que « le fait de savoir n’est pas premier par rapport au fait d’agir » (Simspon, 2013). Dans cette optique, s’intéresser à la contribution du travail comme expérience à l’image employeur ne consiste pas à comparer la représentation que les individus avaient de leur employeur avant puis après le recrutement (Charbonnier-Voirin & al., 2014) mais plutôt de saisir ce qui, dans l’expérience du travail, fait référence à l’image interne de l’employeur. Ce que nous avons tenté dans cette étude et qui nous a permis de révéler que l’image employeur ne se réduit pas à l’image de l’emploi. Ce résultat empirique vient confirmer le constat théorique dressé par Viot & Benraïss (2014). Par ailleurs les quatre dimensions identifiées dans notre recherche se distinguent nettement de celles recensées par Charbonnier-Voirin et Vignolles (2014) dans leur revue de littérature de l’image de marque employeur. Si les praticiens ont été plus réactifs que les chercheurs dans l’appropriation de la notion d’expérience salarié ou d’expérience employé, il n’en reste pas moins que notre recherche peut les accompagner dans leur démarche. Les RH gagneraient ainsi à mettre en place un processus d’évaluation de l’expérience afin de mieux gérer les opportunités mais aussi les risques inhérents aux déficits de certaines expériences. Il ne s’agirait plus, par exemple, de gérer d’un côté les talents, de l’autre les risques psycho-sociaux, mais de faire de l’expérience la clé d’entrée de ces différentes problématiques RH au sein d’un système globalisé. Dans cette optique, la digitalisation de l’entreprise doit être mise au service de la mise en place de tel processus. S’approprier la notion d’expérience salarié n’est pourtant pas anodin pour les RH. Il en va d’un déplacement du traditionnel discours de la carrière vers l’expérience, ce qui doit être envisagé progressivement eu égard aux attentes des individus sur cette thématique de la carrière. La qualité intrinsèque d’une expérience de travail est à valoriser. Il en va de la responsabilité des RH d’expliciter ce renversement ainsi que ses conséquences dans le rapport salarié / employeur et il en va ici de la perception de l’image de marque employeur interne et de sa crédibilité. Conclusion Au-delà de l’expérience professionnelle, considérer l’expérience du travail à l’interface entre avoir et faire l’expérience nous a amené à comprendre la manière dont l’individu s’adapte pour faire sien un environnement en perpétuel changement mais aussi comment il adapte son travail. Mais cette adaptation ne se déroule pas toujours de manière optimale et l’expérience présente alors des déficits. Mais au travers de la notion d’adaptation, nous avons pu saisir les dimensions de l’image de marque employeur interne, qui loin de se cantonner à l’image de l’emploi, englobe

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les autres salariés, les figures du pouvoir, les normes et valeurs organisationnelles ainsi que les évolutions organisationnelles. Ces dimensions s’inscrivent dans des polarités plus ou moins subies suivant la qualité de l’expérience. Il n’en reste pas moins que cette étude présente des limites dues notamment à la taille de l’échantillon. Mais cet article constitue un premier pas dans la conceptualisation de la notion d’expérience de travail en sciences de gestion et de l’image de marque employeur interne à l’aune de cette même expérience de travail. Par ailleurs, les RH ont un véritable rôle à jouer dans l’appropriation de cette notion d’expérience salarié auprès des salariés. Bibliographie Agrawal, R. K., & Swaroop, P. (2009). Effect of employer brand image on application intentions of B-school undergraduates. Vision: The Journal of Business Perspective, 13(3), 41-49. Ambler, T., & Barrow, S. (1996). The employer brand. Journal of brand management, 4(3), 185-206. Berthon P., Ewing M. et Hah L.L. (2005). “Captivating company: dimensions of attractive ness in employer branding”, International Journal of Advertising, vol. 24, n° 2, p. 151-172. Bidet, A. (2011). La multi-activité, ou le travail est-il encore une expérience?. Communications, (2), 9-26. Carù, A., & Cova, B. (2007). Consuming experience. Routledge. Charbonnier-Voirin, A., Laget, C., & Vignolles, A. (2014). L'influence des écarts de perception de la marque employeur avant et après le recrutement sur l'implication affective des salariés et leur intention de quitter l'organisation. Revue de gestion des ressources humaines, (3), 3-17. Collins, C. J., & Stevens, C. K. (2002). The relationship between early recruitment-related activities and the application decisions of new labor-market entrants: a brand equity approach to recruitment. Journal of applied psychology, 87(6), 1121. Dewey, J. (2010), L'art comme expérience, Gallimard ; Dewey, J. (1967), Logique: la théorie de l'enquête (Vol. 2). Presses universitaires de France ; Dulac, T. (2014). La Fabrique du Contrat. In Rousseau, D. M., De Rozario, P., Jardat, R., & Pesqueux, Y., Contrat psychologique et organisations: comprendre les accords

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