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20 formation dossier Emploi de la phytothérapie et de l’aromathérapie en prévention et traitement des dermatomycoses Actualités pharmaceutiques n° 484 Avril 2009 25 %, pourrait être aussi efficace que les azolés sur les dermatomycoses. En phytothérapie, les essais cliniques évaluant l’effi- cacité antifongique des extraits végétaux sont anecdoti- ques. Notons toutefois qu’un essai de 1996, resté sans suite, suggère l’intérêt, dans les dermatomycoses, d’un extrait de feuilles de Solanum chrysotrichum à 5 %, riche en saponosides. Par ailleurs, en l’absence d’évaluation de l’activité antifongique locale des gousses d’ail, des essais cliniques effectués sur l’ajoène, principal méta- bolite secondaire de la drogue, démontrent son activité antifongique 5 . En pratique Aucun médicament à base d’extraits végétaux ou d’HE n’est commercialisé pour prévenir ou traiter les myco- ses. De rares produits cosmétiques et d’hygiène, dont la concentration en substances actives n’est pas toujours bien définie, sont disponibles sur le marché. Des pré- parations magistrales à base d’huiles essentielles, voire d’extraits végétaux, peuvent également être employées. Dans un souci de sécurité, d’efficacité et de qualité maximales, l’utilisation d’huiles essentielles clairement nommées et chimiotypées ainsi que d’extraits végétaux standardisés ou titrés est souhaitable. Rappelons enfin que certains extraits végétaux et HE sont potentiellement irritants pour la peau. De façon générale, il convient d’éviter ces thérapeutiques alternatives chez les femmes enceintes ou allaitantes ainsi que chez les enfants en bas âge. Séverine Derbré Maître de conférences en pharmacognosie, Faculté de pharmacie d’Angers (49) [email protected] Les mycoses cutanées (épidermophyties) peuvent simuler de nombreuses affections dermatologiques telles que les eczémas nummulaires, le psoriasis, le lichen, etc. La pelade et les parakératoses du cuir chevelu (fausses teignes amiantacées) peuvent ressembler à une teigne. Des lésions de l’ongle (ongle dystrophique) d’origine post-traumatique ou dues à un psoriasis, un lichen plan, une maladie de Darrier ou encore à diverses parakératoses peuvent simuler un onyxis (ou onychomycose). L’intervention du laboratoire (de mycologie) s’avère donc utile au diagnostic. 1. Le diagnostic mycologique apporte une aide indiscutable pour confirmer le diagnostic L’examen direct du produit pathologique (squames, fragments d’ongle, de cheveux ou de poils) met en évidence le champignon à l’état parasitaire (parasitisme pilaire, filaments mycéliens dans les squames), signant de fait une mycose. Le résultat, confirmé en moins de 24 heures, permet de débuter rapidement un traitement antifongique conforme à la clinique. La culture, plus longue, précisera, dans un deuxième temps, l’espèce et apportera des renseignements précieux sur l’origine de la contamination : est-elle interhumaine, liée au contact avec un animal ou consécutive à une blessure tellurique ? 2. Dans deux situations au moins, l’isolement et l’identification du dermatophyte sont indispensables Pour le diagnostic de teignes, l’examen direct (étude du parasitisme pilaire), d’une part, et la connaissance de l’agent causal, d’autre part, permettent d’envisager (ou pas) une éviction scolaire. Il convient de retenir que seules les espèces anthropophiles présentent un potentiel de contagiosité. À l’opposé, les espèces zoophiles ou telluriques de contamination accidentelle ne passent pas facilement d’homme à homme ; l’éviction scolaire n’est donc pas utile (tableau 1). Dans le cadre du diagnostic des onychomycoses, la Société française de dermatologie a énoncé, suite aux propositions d’un groupe d’experts, les recommandations de bonnes pratiques aux cliniciens suivantes : « Le prélèvement mycologique est obligatoire avant traitement ; il doit être de qualité et adapté à l’atteinte unguéale. » Il est ainsi possible de percevoir l’importance du diagnostic mycologique dans la prise en charge de tout ongle dystrophique ; il s’agit d’un véritable objectif de qualité pour les laboratoires. Dominique Chabasse Professeur des Universités, praticien hospitalier en parasitologie-mycologie, responsable de pôle biologie, CHU Angers (49) [email protected] L’avis du biologiste L’intérêt du diagnostic mycologique © BSIP/Cortier Références 1. Conseil de l’Europe. Pharmacopée européenne. Vol. 6.2. 6 e éd, 2007. 2. Pauli A. Anticandidal low molecular compounds from higher plants with special reference to compounds from essential oils. Med Res Rev 2006; 26: 223-68. 3. Gruenwald J, Brendler T, Jaenicke C. PDR for Herbal Medicines. 4th ed. Thomson Healthcare, 2007. 4. Roux-Sitruk D. Conseil en aromathérapie. Liaisons, 2007. 5. Martin KW, Ernst E. Herbal medicines for treatment of fungal infections: a systematic review of controlled clinical trials. Mycoses 2004; 47: 87-92. 6. Capasso F, Gaginella TS, Grandolini G, Izzo AA. Phytotherapy: A quick reference to herbal medicine. Springer-Verlag, 2003. Tableau 1 : Les espèces de dermatophytes rencontrées selon leur origine Espèces anthropophiles Genre Epidermophyton E. floccosum Genre Microsporum M. audouinii var. langeronii Genre Trichophyton T. rubrum T. mentagrophytes var. interdigitale T. violaceum T. soudanense T. tonsurans T. schoenleinii Espèces zoophiles Genre Microsporum M. canis (chat, chien) M. persicolor (souris) M. praecox (cheval) M. equinum (cheval) M. nanum (porc) Genre Trichophyton T. mentagrophytes (également tellurique) (chat, lapin, cheval) T. erinacei (hérisson) T. verrucosum (bovin) T. equinum (cheval) T. gallinae (volaille) Espèces telluriques Genre Microsporum Genre Trichophyton M. gypseum M. fulvum T. mentagrophytes (également zoophile) T. ajelloi (habituellement non pathogène) T. terrestre (habituellement non pathogène)

L’intérêt du diagnostic mycologique

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Page 1: L’intérêt du diagnostic mycologique

20formation

dossier

Emploi de la phytothérapie et de l’aromathérapie en prévention et traitement des dermatomycoses

Actualités pharmaceutiques n° 484 Avril 2009

25 %, pourrait être aussi efficace que les azolés sur les dermatomycoses.

En phytothérapie, les essais cliniques évaluant l’effi-cacité antifongique des extraits végétaux sont anecdoti-ques. Notons toutefois qu’un essai de 1996, resté sans suite, suggère l’intérêt, dans les dermatomycoses, d’un extrait de feuilles de Solanum chrysotrichum à 5 %, riche en saponosides. Par ailleurs, en l’absence d’évaluation de l’activité antifongique locale des gousses d’ail, des essais cliniques effectués sur l’ajoène, principal méta-bolite secondaire de la drogue, démontrent son activité antifongique5.

En pratique

Aucun médicament à base d’extraits végétaux ou d’HE n’est commercialisé pour prévenir ou traiter les myco-ses. De rares produits cosmétiques et d’hygiène, dont la concentration en substances actives n’est pas toujours bien définie, sont disponibles sur le marché. Des pré-parations magistrales à base d’huiles essentielles, voire d’extraits végétaux, peuvent également être employées. Dans un souci de sécurité, d’efficacité et de qualité maximales, l’utilisation d’huiles essentielles clairement

nommées et chimiotypées ainsi que d’extraits végétaux standardisés ou titrés est souhaitable. Rappelons enfin que certains extraits végétaux et HE sont potentiel lement irritants pour la peau. De façon générale, il convient d’éviter ces thérapeutiques alternatives chez les femmes enceintes ou allaitantes ainsi que chez les enfants en bas âge. �

Séverine Derbré

Maître de conférences en pharmacognosie,

Faculté de pharmacie d’Angers (49)

[email protected]

Les mycoses cutanées (épidermophyties) peuvent simuler de nombreuses affections

dermatologiques telles que les eczémas nummulaires, le psoriasis, le lichen, etc. La

pelade et les parakératoses du cuir chevelu (fausses teignes amiantacées) peuvent

ressembler à une teigne. Des lésions de l’ongle (ongle dystrophique) d’origine

post-traumatique ou dues à un psoriasis, un lichen plan, une maladie de Darrier ou

encore à diverses parakératoses peuvent simuler un onyxis (ou onychomycose).

L’intervention du laboratoire (de mycologie) s’avère donc utile au diagnostic.

1. Le diagnostic mycologique apporte une aide indiscutable pour confirmer le diagnosticL’examen direct du produit pathologique (squames, fragments d’ongle, de cheveux ou de

poils) met en évidence le champignon à l’état parasitaire (parasitisme pilaire, filaments

mycéliens dans les squames), signant de fait une mycose. Le résultat, confirmé en

moins de 24 heures, permet de débuter rapidement un traitement antifongique conforme

à la clinique. La culture, plus longue, précisera, dans un deuxième temps, l’espèce et

apportera des renseignements précieux sur l’origine de la contamination : est-elle

interhumaine, liée au contact avec un animal ou consécutive à une blessure tellurique ?

2. Dans deux situations au moins, l’isolement et l’identification du dermatophyte sont indispensablesPour le diagnostic de teignes, l’examen direct (étude du parasitisme pilaire), d’une

part, et la connaissance de l’agent causal, d’autre part, permettent d’envisager

(ou pas) une éviction scolaire. Il convient de retenir que seules les espèces

anthropophiles présentent un potentiel de contagiosité. À l’opposé, les espèces

zoophiles ou telluriques de contamination accidentelle ne passent pas facilement

d’homme à homme ; l’éviction scolaire n’est donc pas utile (tableau 1).

Dans le cadre du diagnostic des onychomycoses, la Société française de

dermatologie a énoncé, suite aux propositions d’un groupe d’experts, les

recommandations de bonnes pratiques aux cliniciens suivantes : « Le prélèvement

mycologique est obligatoire avant traitement ; il doit être de qualité et adapté à

l’atteinte unguéale. » Il est ainsi possible de percevoir l’importance du diagnostic

mycologique dans la prise en charge de tout ongle dystrophique ; il s’agit d’un

véritable objectif de qualité pour les laboratoires. �

Dominique Chabasse

Professeur des Universités, praticien hospitalier en parasitologie-mycologie,

responsable de pôle biologie, CHU Angers (49)

[email protected]

L’avis du biologiste

L’intérêt du diagnostic mycologique

© BSIP/Cortier

Références1. Conseil de l’Europe. Pharmacopée européenne. Vol. 6.2. 6e éd,

2007.

2. Pauli A. Anticandidal low molecular compounds from higher plants

with special reference to compounds from essential oils. Med Res

Rev 2006; 26: 223-68.

3. Gruenwald J, Brendler T, Jaenicke C. PDR for Herbal Medicines.

4th ed. Thomson Healthcare, 2007.

4. Roux-Sitruk D. Conseil en aromathérapie. Liaisons, 2007.

5. Martin KW, Ernst E. Herbal medicines for treatment of fungal

infections: a systematic review of controlled clinical trials. Mycoses

2004; 47: 87-92.

6. Capasso F, Gaginella TS, Grandolini G, Izzo AA. Phytotherapy:

A quick reference to herbal medicine. Springer-Verlag, 2003.

Tableau 1 : Les espèces de dermatophytes rencontrées selon leur origineEspèces anthropophilesGenre Epidermophyton E. floccosum

Genre Microsporum M. audouinii var. langeronii

Genre Trichophyton T. rubrum T. mentagrophytes var. interdigitale T. violaceum

T. soudanense T. tonsurans T. schoenleinii

Espèces zoophilesGenre Microsporum M. canis (chat, chien)

M. persicolor (souris) M. praecox (cheval)

M. equinum (cheval) M. nanum (porc)

Genre Trichophyton T. mentagrophytes (également tellurique) (chat, lapin, cheval) T. erinacei (hérisson)

T. verrucosum (bovin) T. equinum (cheval) T. gallinae (volaille)

Espèces telluriquesGenre Microsporum Genre Trichophyton

M. gypseum M. fulvum T. mentagrophytes (également zoophile)

T. ajelloi (habituellement non pathogène) T. terrestre (habituellement non pathogène)