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Projet1 25/10/05 16:43 Page 3
© Beautiful World, octobre 2005Photos : © Miguel Cruz
Projet1 25/10/05 16:43 Page 4
Avant-proposLa Convention Internationale des Droits de l’Enfant, 16 ans après
Le 20 novembre 1989, la Convention Internationale des Droits del’Enfant est signée. A ce jour, elle est ratifiée par 191 pays des 193 paysmembres de l’ONU. Pourtant, sur 2,2 milliards d’enfants dans le monde,un meurt toutes les trois secondes, 121 millions ne vont pas à l’école,310 millions ne bénéficient pas de soins de santé. En France, un milliond’enfants vit encore sous le seuil de la pauvreté.
Face à cette réalité, l’opération Novembre en Enfance, événement nationalfédérant 8 associations d’aide à l’enfance (De 7 à 97 ans, J'ai un rêve, laChaîne de l'Espoir, Porteurs d'Espoir, Sol en Si, SOS Villages d'Enfants, Unicef, UnRegard, un Enfant) est lancée pour sa deuxième édition afin de sensibiliserle grand public sur les Droits de l’Enfant bafoués et récolter des fondsau profit de ces associations (par le biais des produits partage).
Pour cela, plusieurs experts de l’enfance se réunissent au sein du ComitéScientifique de Novembre en Enfance afin d’écrire le Livre Blanc des Droitsde l’Enfant. Ce document a pour objectif d’établir un bilan de la situationet de proposer des pistes d’action pour que tous les enfants de France etdu monde entier puissent bénéficier de leurs Droits fondamentaux.
Cette première édition du Livre Blanc traite des Droits de l’Enfanten général. Les prochaines éditions de Novembre en Enfance aurontpour objectif d’approfondir les thèmes abordés lors de cette premièreédition et seront axées sur les priorités d’action que le ComitéScientifique aura dressées.
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Avant-proposLa Convention Internationale des Droits de l’Enfant, 16 ans après
Le 20 novembre 1989, la Convention Internationale des Droits del’Enfant est signée. A ce jour, elle est ratifiée par 191 pays des 193 paysmembres de l’ONU. Pourtant, sur 2,2 milliards d’enfants dans le monde,un meurt toutes les trois secondes, 121 millions ne vont pas à l’école,310 millions ne bénéficient pas de soins de santé. En France, un milliond’enfants vit encore sous le seuil de la pauvreté.
Face à cette réalité, l’opération Novembre en Enfance, événement nationalfédérant 8 associations d’aide à l’enfance (De 7 à 97 ans, J'ai un rêve, laChaîne de l'Espoir, Porteurs d'Espoir, Sol en Si, SOS Villages d'Enfants, Unicef, UnRegard, un Enfant) est lancée pour sa deuxième édition afin de sensibiliserle grand public sur les Droits de l’Enfant bafoués et récolter des fondsau profit de ces associations (par le biais des produits partage).
Pour cela, plusieurs experts de l’enfance se réunissent au sein du ComitéScientifique de Novembre en Enfance afin d’écrire le Livre Blanc des Droitsde l’Enfant. Ce document a pour objectif d’établir un bilan de la situationet de proposer des pistes d’action pour que tous les enfants de France etdu monde entier puissent bénéficier de leurs Droits fondamentaux.
Cette première édition du Livre Blanc traite des Droits de l’Enfanten général. Les prochaines éditions de Novembre en Enfance aurontpour objectif d’approfondir les thèmes abordés lors de cette premièreédition et seront axées sur les priorités d’action que le ComitéScientifique aura dressées.
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Sommaire
4
Introduction : Les Droits de l’Enfant bafoués
Les experts du Comité Scientifique de Novembre en Enfance
• Gabriel Cohn-Bendit• Catherine Dollfus• Olivia-Paule Lauret• Jacques Lecomte• Jean Le Gal• François-Xavier Roux• Bernard Schlemmer
Pour la scolarisation universelle : une coopérationinternationale indispensable par Gabriel Cohn-Bendit
Pour le droit des enfants atteints du VIH à la considération et à l’accès aux soins appropriés par Catherine Dollfus
• Inquiétude pour les pays pauvres, progrès notables dans les pays industrialisés
• Efficacité de la prise en charge• Les enjeux du développement des médicaments adaptés aux enfants• L’acceptabilité sociale• L’enjeu de l’information
Pour le respect des droits juridiques de l’enfant : l’intérêt supérieur de l’enfant par Olivia-Paule Lauret
• De l’enfant objet à l’enfant sujet• Un imbroglio choquant• L’enfant en otage• Qui est compétent ?• Responsabilité de tous les acteurs• Travailler main dans la main• Les placements• La nécessité d’informer
Sommaire
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Introduction : Les Droits de l’Enfant bafoués
Les experts du Comité Scientifique de Novembre en Enfance
• Gabriel Cohn-Bendit• Catherine Dollfus• Olivia-Paule Lauret• Jacques Lecomte• Jean Le Gal• François-Xavier Roux• Bernard Schlemmer
Pour la scolarisation universelle : une coopérationinternationale indispensable par Gabriel Cohn-Bendit
Pour le droit des enfants atteints du VIH à la considération et à l’accès aux soins appropriés par Catherine Dollfus
• Inquiétude pour les pays pauvres, progrès notables dans les pays industrialisés
• Efficacité de la prise en charge• Les enjeux du développement des médicaments adaptés aux enfants• L’acceptabilité sociale• L’enjeu de l’information
Pour le respect des droits juridiques de l’enfant : l’intérêt supérieur de l’enfant par Olivia-Paule Lauret
• De l’enfant objet à l’enfant sujet• Un imbroglio choquant• L’enfant en otage• Qui est compétent ?• Responsabilité de tous les acteurs• Travailler main dans la main• Les placements• La nécessité d’informer
Pour guérir les enfants maltraités : le droit à la protection par Jacques Lecomte
• Des chiffres inquiétants• Le droit à la protection• Quelle doit être notre approche de la maltraitance ?• Parler d’abord de « bien traitance » - L’approche éducative• La maltraitance psychologique est le cœur de la maltraitance • Guérir de la maltraitance - La résilience• De maltraité à maltraitant - « l’œil condamnant »
Pour une citoyenneté participative : le droit à la parole par Jean Le Gal
• La parole aux enfants, décision combattue par l’administration• L’attitude de l’Etat français• L’enfant est un citoyen à part entière• Les questions qui se posent quant à la citoyenneté des enfants• Que faire pour une citoyenneté participative des enfants
Pour le sourire d’un enfant sauvé de la maladie :le droit à la santé par François-Xavier Roux
• Une inégalité criante• Le droit à la santé• Santé physique ET santé morale• Aujourd’hui plus d’excuses• A ceux qui pensent que le problème est trop vaste pour s’y attaquer.• Sauver un enfant c’est sauver le monde.• Le devoir d’ingérence• On ne s’habitue jamais au malheur d’un enfant• Ne jamais se décourager
Pour l’accès à l’éducation et aux loisirs, contre l’exploitation des enfants au travail par Bernard Schlemmer
• L’état des lieux• Monde de l’enfance et monde du travail
Remerciements
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Pour guérir les enfants maltraités : le droit à la protection par Jacques Lecomte
• Des chiffres inquiétants• Le droit à la protection• Quelle doit être notre approche de la maltraitance ?• Parler d’abord de « bien traitance » - L’approche éducative• La maltraitance psychologique est le cœur de la maltraitance • Guérir de la maltraitance - La résilience• De maltraité à maltraitant - « l’œil condamnant »
Pour une citoyenneté participative : le droit à la parole par Jean Le Gal
• La parole aux enfants, décision combattue par l’administration• L’attitude de l’Etat français• L’enfant est un citoyen à part entière• Les questions qui se posent quant à la citoyenneté des enfants• Que faire pour une citoyenneté participative des enfants
Pour le sourire d’un enfant sauvé de la maladie :le droit à la santé par François-Xavier Roux
• Une inégalité criante• Le droit à la santé• Santé physique ET santé morale• Aujourd’hui plus d’excuses• A ceux qui pensent que le problème est trop vaste pour s’y attaquer.• Sauver un enfant c’est sauver le monde.• Le devoir d’ingérence• On ne s’habitue jamais au malheur d’un enfant• Ne jamais se décourager
Pour l’accès à l’éducation et aux loisirs, contre l’exploitation des enfants au travail par Bernard Schlemmer
• L’état des lieux• Monde de l’enfance et monde du travail
Remerciements
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IntroductionLes Droits de l’Enfant bafoués
LES DROITS DE TOUS LES ENFANTS, DE TOUS LES PAYS, DU MONDE ENTIER
LES enfants étant d’abord des êtres humains, des Hommes, tous les enfants
peuvent prétendre à une stricte égalité de leurs droits. Au même titre qu’il est
dit dans le premier article de la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme et du
Citoyen que « les hommes naissent et demeurent libres et égaux en droits »,
tous les enfants doivent bénéficier des mêmes droits de façon égale.
Néanmoins, on considère souvent que les conditions de vie des enfants sont
meilleures dans les pays industrialisés que dans les pays en développement.
D’un certain point de vue, la situation dans les pays pauvres est souvent
considérée comme plus inquiétante. Les enfants des pays riches bénéfi-
cieraient de plus de droits que les enfants des pays pauvres.
La distinction est ambiguë, étant donné que certains droits fondamentaux,
tels que le droit à la protection ou le droit à la parole sont refusés aux
enfants des pays riches, même si ceux-ci ont davantage accès au droit à
l’éducation et à la santé que les enfants des pays pauvres.
Aucun droit n’est supérieur à un autre, aussi le Livre Blanc Novembre en Enfance
s’attachera à ne privilégier aucun aspect plutôt qu’un autre des Droits de
l’Enfant. Droit à l’éducation, à la protection, à la santé, à la dignité, ou à la
parole, tous ces droits sont fondamentaux et universels, quelles que soient
les conditions de vie, les conditions économiques dans lesquelles les
enfants évoluent, ils doivent donc être respectés de façon universelle.
Il ne s’agit pas de dissimuler le fait que l’accès aux différents droits peut
être tributaire des conditions économiques dans lesquelles les enfants
des différents pays vivent. Les enfants des pays pauvres n’ont pas les
mêmes droits que les enfants des pays riches en matière d’éducation et
de santé par exemple, du fait d’inégalités financières certaines.
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IntroductionLes Droits de l’Enfant bafoués
LES DROITS DE TOUS LES ENFANTS, DE TOUS LES PAYS, DU MONDE ENTIER
LES enfants étant d’abord des êtres humains, des Hommes, tous les enfants
peuvent prétendre à une stricte égalité de leurs droits. Au même titre qu’il est
dit dans le premier article de la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme et du
Citoyen que « les hommes naissent et demeurent libres et égaux en droits »,
tous les enfants doivent bénéficier des mêmes droits de façon égale.
Néanmoins, on considère souvent que les conditions de vie des enfants sont
meilleures dans les pays industrialisés que dans les pays en développement.
D’un certain point de vue, la situation dans les pays pauvres est souvent
considérée comme plus inquiétante. Les enfants des pays riches bénéfi-
cieraient de plus de droits que les enfants des pays pauvres.
La distinction est ambiguë, étant donné que certains droits fondamentaux,
tels que le droit à la protection ou le droit à la parole sont refusés aux
enfants des pays riches, même si ceux-ci ont davantage accès au droit à
l’éducation et à la santé que les enfants des pays pauvres.
Aucun droit n’est supérieur à un autre, aussi le Livre Blanc Novembre en Enfance
s’attachera à ne privilégier aucun aspect plutôt qu’un autre des Droits de
l’Enfant. Droit à l’éducation, à la protection, à la santé, à la dignité, ou à la
parole, tous ces droits sont fondamentaux et universels, quelles que soient
les conditions de vie, les conditions économiques dans lesquelles les
enfants évoluent, ils doivent donc être respectés de façon universelle.
Il ne s’agit pas de dissimuler le fait que l’accès aux différents droits peut
être tributaire des conditions économiques dans lesquelles les enfants
des différents pays vivent. Les enfants des pays pauvres n’ont pas les
mêmes droits que les enfants des pays riches en matière d’éducation et
de santé par exemple, du fait d’inégalités financières certaines.
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Les droits des enfants bafoués
LES DROITS DE L’ENFANT OUBLIÉS, POUR SON SEUL STATUT D’ENFANT
Dans le passé, l’enfant a toujours eu un statut différent de l’adulte, une
importance différente, le plus souvent moindre. L’idée d’une rationalité
limitée des enfants par rapport aux adultes donne d’office le droit à ces
derniers, qui connaissent davantage de choses de la vie et savent donc ce
qui est bon pour les premiers, de décider à leur place ; et cela aussi bien
dans la vie quotidienne que dans les situations extraordinaires.
Les enfants sont souvent sommés d’écouter, d’obéir et ont rarement droit à
la parole. (Jean Le Gal). Pourtant, l’article 12-1 de la Convention Internationale
des Droits de l’Enfant affirme que « les Etats parties garantissent à l'enfant
qui est capable de discernement le droit d'exprimer librement son opinion
sur toute question l'intéressant ». Au-delà de ce droit à la parole, c’est un
droit entier de participation qui doit aussi être accordé à l’Enfant. Car il est
un citoyen à part entière.
Une des conséquences néfastes du non respect de ce droit se manifeste
notamment dans les cas extrêmes. Lorsqu’un enfant est maltraité, s’il n’a pas
droit à la parole, s’il ne peut être entendu, si l’adulte parle à sa place, les
chances que l’enfant a d’être entendu, d’exprimer son mal-être et de pouvoir
obtenir justice pour sa cause sont réduites. D’autant plus que l’enfant est
souvent pris en otage à cause d’un système judiciaire dans lequel l’intérêt de
l’enfant est subordonné à celui de l’adulte (Olivia-Paule Lauret). Pourtant, dans ces cas-là, le simple fait d’être entendu, de pouvoir parler peut
aider les enfants en difficulté qui ne bénéficient pas de la protection appropriée
à prendre plus facilement le chemin de la résilience. (Jacques Lecomte).
Dans les pays aux conditions économiques extrêmes, des problèmes
similaires peuvent être expliqués par des raisons différentes. L’enfant
est souvent considéré comme une charge et dans un contexte économique
où la première préoccupation des familles est de survivre, ce qui n’est
pas productif immédiatement n’a pas d’importance.
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Les droits des enfants bafoués
LES DROITS DE L’ENFANT OUBLIÉS, POUR SON SEUL STATUT D’ENFANT
Dans le passé, l’enfant a toujours eu un statut différent de l’adulte, une
importance différente, le plus souvent moindre. L’idée d’une rationalité
limitée des enfants par rapport aux adultes donne d’office le droit à ces
derniers, qui connaissent davantage de choses de la vie et savent donc ce
qui est bon pour les premiers, de décider à leur place ; et cela aussi bien
dans la vie quotidienne que dans les situations extraordinaires.
Les enfants sont souvent sommés d’écouter, d’obéir et ont rarement droit à
la parole. (Jean Le Gal). Pourtant, l’article 12-1 de la Convention Internationale
des Droits de l’Enfant affirme que « les Etats parties garantissent à l'enfant
qui est capable de discernement le droit d'exprimer librement son opinion
sur toute question l'intéressant ». Au-delà de ce droit à la parole, c’est un
droit entier de participation qui doit aussi être accordé à l’Enfant. Car il est
un citoyen à part entière.
Une des conséquences néfastes du non respect de ce droit se manifeste
notamment dans les cas extrêmes. Lorsqu’un enfant est maltraité, s’il n’a pas
droit à la parole, s’il ne peut être entendu, si l’adulte parle à sa place, les
chances que l’enfant a d’être entendu, d’exprimer son mal-être et de pouvoir
obtenir justice pour sa cause sont réduites. D’autant plus que l’enfant est
souvent pris en otage à cause d’un système judiciaire dans lequel l’intérêt de
l’enfant est subordonné à celui de l’adulte (Olivia-Paule Lauret). Pourtant, dans ces cas-là, le simple fait d’être entendu, de pouvoir parler peut
aider les enfants en difficulté qui ne bénéficient pas de la protection appropriée
à prendre plus facilement le chemin de la résilience. (Jacques Lecomte).
Dans les pays aux conditions économiques extrêmes, des problèmes
similaires peuvent être expliqués par des raisons différentes. L’enfant
est souvent considéré comme une charge et dans un contexte économique
où la première préoccupation des familles est de survivre, ce qui n’est
pas productif immédiatement n’a pas d’importance.
CORRÉLATION ENTRE NON RESPECT DES DROITS ET NIVEAU DE VIE ?
Entre un adulte et un enfant malade par exemple, l’adulte est privilégié
pour obtenir les soins nécessaires car il est plus productif, plus à même
d’aider la famille à survivre comparé à l’enfant qui est plus une charge, une
bouche à nourrir, une sorte de fardeau.
Dans un monde où l’argent donne accès à tout, les Droits de l’Enfant ne sont
pas à l’abri de cette réalité. Aujourd’hui, si certains enfants du monde sont
dispensés d’enseignement primaire et secondaire, c’est d’abord parce qu’ils
n’en ont pas les moyens. (Gabriel Cohn-Bendit). Il s’agit d’un problème crucial
et qui paradoxalement ne devrait pas l’être car l’article 28-1 de la Convention
Internationale des Droits de l’Enfant stipule que « les Etats parties [...] rendent
l’enseignement primaire obligatoire et gratuit pour tous ».
Le droit d’accès à la santé repose sur un même problème économique.
(François-Xavier Roux). Pour prendre l’exemple du VIH (Catherine Dollfus),
si aujourd’hui, les enfants n’ont pas accès aux médicaments appropriés
pour soigner le virus transmis de façon héréditaire, c’est bien parce que –
d’une part – les coûts de production sont élevés et très peu rentables et –
d’autre part – parce qu’une fois sur le marché, les rares médicaments produits
sont chers, et donc hors de la portée des familles touchées par le virus.
C’est le droit à la dignité même qui se retrouve ici bafoué du fait du contexte
économique désavantageux ; dignité bafouée par une exploitation pure et
simple du travail qu’ils effectuent pour survivre. (Bernard Schlemmer).
Ce qui est souvent oublié au regard de ces réalités, c’est que l’Enfant est
l’avenir de l’humanité. Ses droits doivent être promus, respectés et protégés.
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Les droits des enfants bafoués
CORRÉLATION ENTRE NON RESPECT DES DROITS ET NIVEAU DE VIE ?
Entre un adulte et un enfant malade par exemple, l’adulte est privilégié
pour obtenir les soins nécessaires car il est plus productif, plus à même
d’aider la famille à survivre comparé à l’enfant qui est plus une charge, une
bouche à nourrir, une sorte de fardeau.
Dans un monde où l’argent donne accès à tout, les Droits de l’Enfant ne sont
pas à l’abri de cette réalité. Aujourd’hui, si certains enfants du monde sont
dispensés d’enseignement primaire et secondaire, c’est d’abord parce qu’ils
n’en ont pas les moyens. (Gabriel Cohn-Bendit). Il s’agit d’un problème crucial
et qui paradoxalement ne devrait pas l’être car l’article 28-1 de la Convention
Internationale des Droits de l’Enfant stipule que « les Etats parties [...] rendent
l’enseignement primaire obligatoire et gratuit pour tous ».
Le droit d’accès à la santé repose sur un même problème économique.
(François-Xavier Roux). Pour prendre l’exemple du VIH (Catherine Dollfus),
si aujourd’hui, les enfants n’ont pas accès aux médicaments appropriés
pour soigner le virus transmis de façon héréditaire, c’est bien parce que –
d’une part – les coûts de production sont élevés et très peu rentables et –
d’autre part – parce qu’une fois sur le marché, les rares médicaments produits
sont chers, et donc hors de la portée des familles touchées par le virus.
C’est le droit à la dignité même qui se retrouve ici bafoué du fait du contexte
économique désavantageux ; dignité bafouée par une exploitation pure et
simple du travail qu’ils effectuent pour survivre. (Bernard Schlemmer).
Ce qui est souvent oublié au regard de ces réalités, c’est que l’Enfant est
l’avenir de l’humanité. Ses droits doivent être promus, respectés et protégés.
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Les droits des enfants bafoués
10
Gabriel COHN-BENDITFondateur et ancien secrétaire général de Groupement des
Retraités Educateurs sans Frontières, membre du Réseau
Education Pour Tous en Afrique, ancien professeur et cofonda-
teur du premier lycée expérimental de Saint-Nazaire et ancien
membre du Conseil National de l’Innovation pour la Réussite
Scolaire (CNIRS), Gabriel Cohn-Bendit a notamment écrit un ouvrage intitulé
Lettre ouverte à tous ceux qui n'aiment pas l'école (Ed. Little big man, 2004.)
Catherine DOLLFUSMédecin pédiatre, praticien hospitalier, elle exerce à l’Hôpital
d’Enfants Armand Trousseau où elle est responsable de
l’unité VIH depuis 1999. Ce service accueille des enfants et
des adolescents séropositifs depuis 1987 et assure le suivi
des nourrissons nés de mère séropositive.
Olivia-Paule LAURETAvocate au Barreau de Paris, spécialisée en droit de la famille
et titulaire d’un diplôme de droit International et Européen,
elle conseille à huis clos et défend au quotidien depuis 16
années devant les tribunaux, tous les acteurs de la famille.
Egalement auteur, elle est notamment chargée depuis 5 ans
de la rubrique des Droits de l’Enfant dans les guides Le Paris des Tout Petits
et Le Paris des Juniors (Editions Mango).
Jacques LECOMTEDocteur en psychologie et expert reconnu de la résilience, il
est chargé de cours à l’université Paris 10. Il a écrit et co-écrit
deux ouvrages sur ce thème : Guérir de son enfance (Odile Jacob,
2004) et Le bonheur est toujours possible ; construire la résilience (Bayard,
2000, en collaboration avec Stefan Vanistendael).
Présentation des experts du Comité Scientifique de Novembre en Enfance
10
Gabriel COHN-BENDITFondateur et ancien secrétaire général de Groupement des
Retraités Educateurs sans Frontières, membre du Réseau
Education Pour Tous en Afrique, ancien professeur et cofonda-
teur du premier lycée expérimental de Saint-Nazaire et ancien
membre du Conseil National de l’Innovation pour la Réussite
Scolaire (CNIRS), Gabriel Cohn-Bendit a notamment écrit un ouvrage intitulé
Lettre ouverte à tous ceux qui n'aiment pas l'école (Ed. Little big man, 2004.)
Catherine DOLLFUSMédecin pédiatre, praticien hospitalier, elle exerce à l’Hôpital
d’Enfants Armand Trousseau où elle est responsable de
l’unité VIH depuis 1999. Ce service accueille des enfants et
des adolescents séropositifs depuis 1987 et assure le suivi
des nourrissons nés de mère séropositive.
Olivia-Paule LAURETAvocate au Barreau de Paris, spécialisée en droit de la famille
et titulaire d’un diplôme de droit International et Européen,
elle conseille à huis clos et défend au quotidien depuis 16
années devant les tribunaux, tous les acteurs de la famille.
Egalement auteur, elle est notamment chargée depuis 5 ans
de la rubrique des Droits de l’Enfant dans les guides Le Paris des Tout Petits
et Le Paris des Juniors (Editions Mango).
Jacques LECOMTEDocteur en psychologie et expert reconnu de la résilience, il
est chargé de cours à l’université Paris 10. Il a écrit et co-écrit
deux ouvrages sur ce thème : Guérir de son enfance (Odile Jacob,
2004) et Le bonheur est toujours possible ; construire la résilience (Bayard,
2000, en collaboration avec Stefan Vanistendael).
Présentation des experts du Comité Scientifique de Novembre en Enfance
11
Jean LE GALDocteur en Sciences de l’éducation, il est ancien responsable
de la commission des Droits de l’Enfant à la FIMEM
(Fédération Internationale des Mouvements de l’Ecole
Moderne) et chargé de mission aux Droits de l’Enfant et à la
citoyenneté de l’ICEM (Institut Coopératif de l’Ecole
Moderne). Il a écrit, entre autres, un livre intitulé Les droits de l'enfant à l'école. Pour
une éducation à la citoyenneté (DeBoeck-Belin 2002) et de nombreux articles sur la
citoyenneté de l'enfant.
François-Xavier ROUXChef du service de neurochirurgie de l’Hôpital Sainte Anne
à Paris, ancien Président de la Société Française de
Neurochirurgie, trésorier de la Société de Neurochirurgie de
Langue Française et membre de la World Federation of
Neurosurgical Societies, il a publié de nombreux ouvrages
scientifiques. Il mène, parallèlement à sa carrière professionnelle, une carrière
de chirurgien humanitaire et est membre co-fondateur et administrateur
de l’association La Chaîne de l'Espoir pour laquelle il effectue des missions
régulières.
Bernard SCHLEMMERDirecteur de recherche en sociologie à l’Institut de Recherche
du Développement, il se consacre depuis plus de dix ans à
la question des enfants travailleurs. Outre de nombreux
articles dans des revues de sciences sociales, il est l’auteur
et le co-auteur de deux ouvrages de synthèse, L’enfant exploité
(Karthala, 1996), et Enfants travailleurs (Karthala, sous presse).
11
Jean LE GALDocteur en Sciences de l’éducation, il est ancien responsable
de la commission des Droits de l’Enfant à la FIMEM
(Fédération Internationale des Mouvements de l’Ecole
Moderne) et chargé de mission aux Droits de l’Enfant et à la
citoyenneté de l’ICEM (Institut Coopératif de l’Ecole
Moderne). Il a écrit, entre autres, un livre intitulé Les droits de l'enfant à l'école. Pour
une éducation à la citoyenneté (DeBoeck-Belin 2002) et de nombreux articles sur la
citoyenneté de l'enfant.
François-Xavier ROUXChef du service de neurochirurgie de l’Hôpital Sainte Anne
à Paris, ancien Président de la Société Française de
Neurochirurgie, trésorier de la Société de Neurochirurgie de
Langue Française et membre de la World Federation of
Neurosurgical Societies, il a publié de nombreux ouvrages
scientifiques. Il mène, parallèlement à sa carrière professionnelle, une carrière
de chirurgien humanitaire et est membre co-fondateur et administrateur
de l’association La Chaîne de l'Espoir pour laquelle il effectue des missions
régulières.
Bernard SCHLEMMERDirecteur de recherche en sociologie à l’Institut de Recherche
du Développement, il se consacre depuis plus de dix ans à
la question des enfants travailleurs. Outre de nombreux
articles dans des revues de sciences sociales, il est l’auteur
et le co-auteur de deux ouvrages de synthèse, L’enfant exploité
(Karthala, 1996), et Enfants travailleurs (Karthala, sous presse).
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Article 28 de la CIDE
1. Les États parties reconnaissent le droit de l'enfant à l'éducation, et en particulier, en vue
d'assurer l'exercice de ce droit progressivement et sur la base de l'égalité des chances :
a) ils rendent l'enseignement primaire obligatoire et gratuit pour tous ;
b) ils encouragent l'organisation de différentes formes d'enseignement secondaire, tant
général que professionnel, les rendent ouvertes et accessibles à tout enfant, et prennent
des mesures appropriées, telles que l'instauration de la gratuité de l'enseignement et
l'offre d'une aide financière en cas de besoin ;
c) ils assurent à tous l'accès à l'enseignement supérieur, en fonction des capacités de
chacun, par tous les moyens appropriés ;
d) ils rendent ouvertes et accessibles à tout enfant l'information et l'orientation
scolaires et professionnelles ;
e) ils prennent des mesures pour encourager la régularité de la fréquentation scolaire
et la réduction des taux d'abandon scolaire.
2. Les États parties prennent toutes les mesures appropriées pour veiller à ce que la
discipline scolaire soit appliquée d'une manière compatible avec la dignité de l'enfant
en tant qu'être humain et conformément à la présente Convention.
3. Les États parties favorisent et encouragent la coopération internationale dans le
domaine de l'éducation, en vue notamment de contribuer à éliminer l'ignorance et
l'analphabétisme dans le monde et de faciliter l'accès aux connaissances scientifiques
et techniques et aux méthodes d'enseignement modernes. A cet égard, il est tenu
particulièrement compte des besoins des pays en développement.
IL y a plus d'un siècle que la scolarité obligatoire et gratuite existe en France.
Certes nous sommes encore loin de la véritable égalité des chances. Pendant
plus de 20 ans, j'ai combattu ici en France pour une autre école plus
respectueuse des enfants et plus juste, depuis plus de quinze ans je travaille
en Afrique. C'est pourquoi je m'attarderai surtout sur les paragraphes en
caractères gras, à savoir le début du premier et le troisième.
L'école primaire est loin d'être universelle en Afrique. Le Niger atteint
difficilement les 30% de scolarisation d'une classe d'âge. Avec des chiffres
Pour la scolarisation universelle : une coopérationinternationale indispensable par Gabriel Cohn-Bendit
12
Article 28 de la CIDE
1. Les États parties reconnaissent le droit de l'enfant à l'éducation, et en particulier, en vue
d'assurer l'exercice de ce droit progressivement et sur la base de l'égalité des chances :
a) ils rendent l'enseignement primaire obligatoire et gratuit pour tous ;
b) ils encouragent l'organisation de différentes formes d'enseignement secondaire, tant
général que professionnel, les rendent ouvertes et accessibles à tout enfant, et prennent
des mesures appropriées, telles que l'instauration de la gratuité de l'enseignement et
l'offre d'une aide financière en cas de besoin ;
c) ils assurent à tous l'accès à l'enseignement supérieur, en fonction des capacités de
chacun, par tous les moyens appropriés ;
d) ils rendent ouvertes et accessibles à tout enfant l'information et l'orientation
scolaires et professionnelles ;
e) ils prennent des mesures pour encourager la régularité de la fréquentation scolaire
et la réduction des taux d'abandon scolaire.
2. Les États parties prennent toutes les mesures appropriées pour veiller à ce que la
discipline scolaire soit appliquée d'une manière compatible avec la dignité de l'enfant
en tant qu'être humain et conformément à la présente Convention.
3. Les États parties favorisent et encouragent la coopération internationale dans le
domaine de l'éducation, en vue notamment de contribuer à éliminer l'ignorance et
l'analphabétisme dans le monde et de faciliter l'accès aux connaissances scientifiques
et techniques et aux méthodes d'enseignement modernes. A cet égard, il est tenu
particulièrement compte des besoins des pays en développement.
IL y a plus d'un siècle que la scolarité obligatoire et gratuite existe en France.
Certes nous sommes encore loin de la véritable égalité des chances. Pendant
plus de 20 ans, j'ai combattu ici en France pour une autre école plus
respectueuse des enfants et plus juste, depuis plus de quinze ans je travaille
en Afrique. C'est pourquoi je m'attarderai surtout sur les paragraphes en
caractères gras, à savoir le début du premier et le troisième.
L'école primaire est loin d'être universelle en Afrique. Le Niger atteint
difficilement les 30% de scolarisation d'une classe d'âge. Avec des chiffres
Pour la scolarisation universelle : une coopérationinternationale indispensable par Gabriel Cohn-Bendit
13
un peu plus élevés, les autres pays de ce continent sont encore loin du but.
Ils consacrent cependant une part importante de leur budget à l'école,
mais il faut toujours avoir à l'esprit qu'un système éducatif est un système
coûteux. Les pays du « Nord » n'y sont arrivés qu'à un stade avancé de
leur développement économique.
Il est bon de rappeler que la France n'y est arrivée qu'à la fin du XIXe siècle.
Que la scolarisation a longtemps été le monopole des congrégations
religieuses. Même si les familles payaient une certaine somme pour
« l'écolage », c'est l'église qui prenait l'école en charge. Un corps de
fonctionnaires, même « mal payé » coûte très cher à l'Etat.
Rappelons que dans les pays du « Nord » les salaires des enseignants
représentent 80% du budget de l'éducation, et qu'il est de plus de 90% dans
les pays du « Sud ». C'est le plus gros budget de l'Etat. Mais même si les
Etats consacrent plus de 20% de leur budget à l'Ecole, même s'ils y consacrent
le même pourcentage de leur P.I.B, la scolarisation universelle est un objectif
difficile à atteindre dans les années qui viennent.
Si on ajoute le fait qu'en Afrique, l'immense majorité de la population est
paysanne et que l'habitat y est très dispersé (ce qui n'est pas le cas en Asie)
c'est dire que nombre de villages sont trop peu peuplés pour y installer
une école, même à une classe, et trop éloignés les uns des autres pour
regrouper les élèves. On comprend alors que l'obligation de scolariser tous
les enfants devient une tâche quasi impossible à moins d'innover et pas
de copier les modèles venus du « Nord ». En revanche, dans les centres
urbains nous avons des classes de cent élèves et plus.
Il est une autre série de problèmes qui ne sont pas d'ordre financier et qui,
jusqu'à aujourd'hui, ont été mal résolus. Celui par exemple de la langue
d'apprentissage. Chaque Etat africain est composé de nombreux groupes
linguistiques. La langue de communication, la langue administrative est
généralement la langue de l'ancien colonisateur, français, anglais, portugais.
D'où la tentation d''apprendre à lire et écrire dans cette langue que souvent
personne ne parle au village, sauf l'instituteur, qui lui, souvent, ne parle
13
un peu plus élevés, les autres pays de ce continent sont encore loin du but.
Ils consacrent cependant une part importante de leur budget à l'école,
mais il faut toujours avoir à l'esprit qu'un système éducatif est un système
coûteux. Les pays du « Nord » n'y sont arrivés qu'à un stade avancé de
leur développement économique.
Il est bon de rappeler que la France n'y est arrivée qu'à la fin du XIXe siècle.
Que la scolarisation a longtemps été le monopole des congrégations
religieuses. Même si les familles payaient une certaine somme pour
« l'écolage », c'est l'église qui prenait l'école en charge. Un corps de
fonctionnaires, même « mal payé » coûte très cher à l'Etat.
Rappelons que dans les pays du « Nord » les salaires des enseignants
représentent 80% du budget de l'éducation, et qu'il est de plus de 90% dans
les pays du « Sud ». C'est le plus gros budget de l'Etat. Mais même si les
Etats consacrent plus de 20% de leur budget à l'Ecole, même s'ils y consacrent
le même pourcentage de leur P.I.B, la scolarisation universelle est un objectif
difficile à atteindre dans les années qui viennent.
Si on ajoute le fait qu'en Afrique, l'immense majorité de la population est
paysanne et que l'habitat y est très dispersé (ce qui n'est pas le cas en Asie)
c'est dire que nombre de villages sont trop peu peuplés pour y installer
une école, même à une classe, et trop éloignés les uns des autres pour
regrouper les élèves. On comprend alors que l'obligation de scolariser tous
les enfants devient une tâche quasi impossible à moins d'innover et pas
de copier les modèles venus du « Nord ». En revanche, dans les centres
urbains nous avons des classes de cent élèves et plus.
Il est une autre série de problèmes qui ne sont pas d'ordre financier et qui,
jusqu'à aujourd'hui, ont été mal résolus. Celui par exemple de la langue
d'apprentissage. Chaque Etat africain est composé de nombreux groupes
linguistiques. La langue de communication, la langue administrative est
généralement la langue de l'ancien colonisateur, français, anglais, portugais.
D'où la tentation d''apprendre à lire et écrire dans cette langue que souvent
personne ne parle au village, sauf l'instituteur, qui lui, souvent, ne parle
Pour une scolarisation universelle : une coopération internationale indispensable
14
pas la langue des villageois. D'où les mauvais résultats à la sortie de l'école.
Ici, dans nos écoles en France, nous réussissons à produire de l'illettrisme,
qu'en serait-il si tous nos enfants devaient en plus apprendre à lire et écrire
en anglais et si tout l'enseignement se faisait dans cette langue ?
Il faut enfin ajouter qu'apprendre à lire et écrire à des enfants qui n'ont jamais
vu le moindre écrit est un exercice très difficile. Dans les pays du Nord les
enfants sont confrontés à l'écrit bien avant d'aller à l'école. Les enseignes de
magasins, les noms de rue, les affiches publicitaires, les journaux que lisent
leurs parents... Dans les villages en Afrique rien de tel.
Cette absence d'écrit n'est en rien suppléée à l'école par des livres scolaires,
ou des livres de bibliothèques. Dans ce domaine aussi c'est le dénuement
le plus total. Dire que les éditeurs français pilonnent chaque année plus
de cent millions de livres de bibliothèque que l'on pourrait acheminer vers
l'Afrique pour équiper les écoles ! Un container coûte environ 5000 euros,
on y met 20.000 livres ce qui reviendrait à 0,25 euro le livre.
Demander à l'Afrique de bâtir son système éducatif avec ses seules ressources,
c'est lui demander l'impossible.
C'est pourquoi il faut insister sur le paragraphe 3 qui prône la coopération
internationale.
Les « objectifs du millénaire » adoptés par L'ONU en l'an 2000 se fixaient
comme perspective l'éradication de l'analphabétisme en 2015.
Elle avait chiffré à 3 milliards de dollars par an pendant quinze ans la somme
nécessaire pour y arriver. C'était 45 milliards de dollars, la moitié de ce
qu'a coûté l'intervention militaire en Irak (sans compter ce qui y a été
dépensé depuis.)
Au train où vont les choses nous n'y arriverons pas avant l'an 2145. C'est
donc un effort financier accru que doit faire la communauté internationale
dans le domaine de l'éducation.
Nous croyons faire beaucoup en finançant les constructions de classes.
Encore une fois ce qui coûte, ce sont les salaires des enseignants. Mais les
bailleurs de fonds, multilatéraux (Banque Mondiale), communautaires ou
Pour une scolarisation universelle : une coopération internationale indispensable
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pas la langue des villageois. D'où les mauvais résultats à la sortie de l'école.
Ici, dans nos écoles en France, nous réussissons à produire de l'illettrisme,
qu'en serait-il si tous nos enfants devaient en plus apprendre à lire et écrire
en anglais et si tout l'enseignement se faisait dans cette langue ?
Il faut enfin ajouter qu'apprendre à lire et écrire à des enfants qui n'ont jamais
vu le moindre écrit est un exercice très difficile. Dans les pays du Nord les
enfants sont confrontés à l'écrit bien avant d'aller à l'école. Les enseignes de
magasins, les noms de rue, les affiches publicitaires, les journaux que lisent
leurs parents... Dans les villages en Afrique rien de tel.
Cette absence d'écrit n'est en rien suppléée à l'école par des livres scolaires,
ou des livres de bibliothèques. Dans ce domaine aussi c'est le dénuement
le plus total. Dire que les éditeurs français pilonnent chaque année plus
de cent millions de livres de bibliothèque que l'on pourrait acheminer vers
l'Afrique pour équiper les écoles ! Un container coûte environ 5000 euros,
on y met 20.000 livres ce qui reviendrait à 0,25 euro le livre.
Demander à l'Afrique de bâtir son système éducatif avec ses seules ressources,
c'est lui demander l'impossible.
C'est pourquoi il faut insister sur le paragraphe 3 qui prône la coopération
internationale.
Les « objectifs du millénaire » adoptés par L'ONU en l'an 2000 se fixaient
comme perspective l'éradication de l'analphabétisme en 2015.
Elle avait chiffré à 3 milliards de dollars par an pendant quinze ans la somme
nécessaire pour y arriver. C'était 45 milliards de dollars, la moitié de ce
qu'a coûté l'intervention militaire en Irak (sans compter ce qui y a été
dépensé depuis.)
Au train où vont les choses nous n'y arriverons pas avant l'an 2145. C'est
donc un effort financier accru que doit faire la communauté internationale
dans le domaine de l'éducation.
Nous croyons faire beaucoup en finançant les constructions de classes.
Encore une fois ce qui coûte, ce sont les salaires des enseignants. Mais les
bailleurs de fonds, multilatéraux (Banque Mondiale), communautaires ou
Pour une scolarisation universelle : une coopération internationale indispensable
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bilatéraux (Agence Française de Développement), se refusent à envisager une
telle hypothèse. Ils poussent les Etats à diminuer les salaires des enseignants
et à augmenter les effectifs par classe.
Incontestablement le montant de la rémunération des enseignants est une
vraie question. En France, les instituteurs n'ont jamais gagné plus de deux
à trois fois le PIBH (Produit Intérieur Brut divisé par le nombre d'habitants)
alors qu'on est arrivé dans certains pays d'Afrique francophone à des salaires
allant jusqu'à 7 à 10 fois le PIBH. Et rappelons que dans la France de Guizot
des classes pouvaient avoir 100 élèves.
L'école a un coût pour toute les sociétés, mais au delà d'un certain seuil
elle devient impossible.
Mais il ne suffit pas que tous les enfants entrent à l'école pour vaincre
l'analphabétisme et pour qu'ils en sortent en sachant lire, écrire, et avec de
nouveaux savoirs, sur la santé, l'environnement, le monde d'aujourd'hui etc.
Il faut, en plus de l'effort financier, s'attacher à une réflexion sur le contenu et
les méthodes d'enseignement, si l'on veut que soit enfin respecté l'article
28 de la Convention dans les pays les plus pauvres de la planète.
Pour une scolarisation universelle : une coopération internationale indispensable
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bilatéraux (Agence Française de Développement), se refusent à envisager une
telle hypothèse. Ils poussent les Etats à diminuer les salaires des enseignants
et à augmenter les effectifs par classe.
Incontestablement le montant de la rémunération des enseignants est une
vraie question. En France, les instituteurs n'ont jamais gagné plus de deux
à trois fois le PIBH (Produit Intérieur Brut divisé par le nombre d'habitants)
alors qu'on est arrivé dans certains pays d'Afrique francophone à des salaires
allant jusqu'à 7 à 10 fois le PIBH. Et rappelons que dans la France de Guizot
des classes pouvaient avoir 100 élèves.
L'école a un coût pour toute les sociétés, mais au delà d'un certain seuil
elle devient impossible.
Mais il ne suffit pas que tous les enfants entrent à l'école pour vaincre
l'analphabétisme et pour qu'ils en sortent en sachant lire, écrire, et avec de
nouveaux savoirs, sur la santé, l'environnement, le monde d'aujourd'hui etc.
Il faut, en plus de l'effort financier, s'attacher à une réflexion sur le contenu et
les méthodes d'enseignement, si l'on veut que soit enfin respecté l'article
28 de la Convention dans les pays les plus pauvres de la planète.
Pour le droit des enfants atteints du VIH à la considération et à l’accès aux soins appropriés par Catherine Dollfus
16
INQUIÉTUDE POUR LES PAYS PAUVRES, PROGRÈS NOTABLES DANS LES PAYS INDUSTRIALISÉS
L’OMS estime aujourd’hui que 2,2 millions d’enfants sont infectés par leVIH de par le monde et que 640 000 nouvelles contaminations et 510 000décès sont recensés chaque année.Les pays les plus vulnérables et les plus touchés sont l’Afrique dans sonensemble, et tout particulièrement l’Afrique australe. Au Botswana, 50%de la population est positive.Ces chiffres sont fiables car plusieurs pays réalisent des enquêtessentinelles de prévalence à différents endroits et des chiffres trèsprécis sont relevés dans un certain nombre de sites comme des hôpitaux.Les femmes sont souvent dépistées dans les maternités, lors des suivispré-nataux au sein de programmes de réduction de la transmission de lamère à l’enfant. L’actualisation des chiffres est consultable sur le site OMSqui donne l’épidémiologie, pays par pays, sous-régions par sous-régionsavec les tendances évolutives. En Europe occidentale, des progrès majeurs ont été réalisés ces dixdernières années avec une très nette réduction du nombre d’enfantsnouvellement infectés, grâce à la prise en charge des mères. On a pudocumenter sur 10 ans des solutions efficaces, qui nous ont permis depasser d’un taux de transmission de 1 enfant sur 4 à 1 sur 100.
EFFICACITÉ DE LA PRISE EN CHARGE
La différence avec les pays pauvres où aucune démarche n’est mise enplace est d’autant plus criante. Les choses ont bel et bien changé là oùon a les moyens d’un suivi. Quand on affirme que les enfants ont le droitde vivre dans tous les pays du monde, on a donc un modèle, on saitqu’on a une solution. Il ne s’agit pas uniquement d’un problème financier.
Pour le droit des enfants atteints du VIH à la considération et à l’accès aux soins appropriés par Catherine Dollfus
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INQUIÉTUDE POUR LES PAYS PAUVRES, PROGRÈS NOTABLES DANS LES PAYS INDUSTRIALISÉS
L’OMS estime aujourd’hui que 2,2 millions d’enfants sont infectés par leVIH de par le monde et que 640 000 nouvelles contaminations et 510 000décès sont recensés chaque année.Les pays les plus vulnérables et les plus touchés sont l’Afrique dans sonensemble, et tout particulièrement l’Afrique australe. Au Botswana, 50%de la population est positive.Ces chiffres sont fiables car plusieurs pays réalisent des enquêtessentinelles de prévalence à différents endroits et des chiffres trèsprécis sont relevés dans un certain nombre de sites comme des hôpitaux.Les femmes sont souvent dépistées dans les maternités, lors des suivispré-nataux au sein de programmes de réduction de la transmission de lamère à l’enfant. L’actualisation des chiffres est consultable sur le site OMSqui donne l’épidémiologie, pays par pays, sous-régions par sous-régionsavec les tendances évolutives. En Europe occidentale, des progrès majeurs ont été réalisés ces dixdernières années avec une très nette réduction du nombre d’enfantsnouvellement infectés, grâce à la prise en charge des mères. On a pudocumenter sur 10 ans des solutions efficaces, qui nous ont permis depasser d’un taux de transmission de 1 enfant sur 4 à 1 sur 100.
EFFICACITÉ DE LA PRISE EN CHARGE
La différence avec les pays pauvres où aucune démarche n’est mise enplace est d’autant plus criante. Les choses ont bel et bien changé là oùon a les moyens d’un suivi. Quand on affirme que les enfants ont le droitde vivre dans tous les pays du monde, on a donc un modèle, on saitqu’on a une solution. Il ne s’agit pas uniquement d’un problème financier.
17
Ça l’est évidemment dans le sens où ces pays n’ont aucune ressource ou desinfrastructures sanitaires insuffisantes, ce qui rend les choses plus complexes,mais s’y ajoutent également la dimension sociale, et la discrimination. Cela va donc au-delà de la simple question de la protection de l’enfantà naître. Tout se tient. Quand on a un accès au traitement, quand on aune amélioration du système médical disponible, il y a une incitation audépistage.
Plaidoyer : soutenir les efforts mondiaux d’amélioration de la prise encharge globale avec des compétences, des moyens, pour lutter contrela discrimination des personnes atteintes, et l’accès à des traitements àprix réduits.
En Europe, les pays les plus gravement touchés et dans lesquels l’épidémieaugmente le plus rapidement sont les pays de l’est : l’Ukraine, laLettonie, l’Estonie, la Russie, la Géorgie, le Tadjikistan où, à la faveur del’extension du commerce de l’héroïne et de la toxicomanie, on note unecroissance exponentielle de l’épidémie qui commence toujours par lesjeunes hommes puis s‘étend aux femmes et aux enfants. Dans ces pays,on constate des attitudes très discriminantes et le refus de soins auxtoxicomanes, démontrant qu’une option de police sans soins ne permet pasde freiner l’épidémie, alors qu’en France la prise en charge des toxicomaneset la politique de distribution de seringues ont fait leurs preuves.Quand on travaille en pédiatrie dans le domaine du VIH en France, onest très impressionné par les progrès réalisés en dix ans où on a réussià infléchir la courbe des nouvelles contaminations et à améliorer trèsnettement l’état de santé des enfants suivis. On mesure ainsi le fosséqui nous sépare de la réalité de ce problème dans le reste du monde. Ilfaut donc de l’argent mais aussi travailler sur l’acceptabilité sociale etl’implication politique sur ce thème.
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Ça l’est évidemment dans le sens où ces pays n’ont aucune ressource ou desinfrastructures sanitaires insuffisantes, ce qui rend les choses plus complexes,mais s’y ajoutent également la dimension sociale, et la discrimination. Cela va donc au-delà de la simple question de la protection de l’enfantà naître. Tout se tient. Quand on a un accès au traitement, quand on aune amélioration du système médical disponible, il y a une incitation audépistage.
Plaidoyer : soutenir les efforts mondiaux d’amélioration de la prise encharge globale avec des compétences, des moyens, pour lutter contrela discrimination des personnes atteintes, et l’accès à des traitements àprix réduits.
En Europe, les pays les plus gravement touchés et dans lesquels l’épidémieaugmente le plus rapidement sont les pays de l’est : l’Ukraine, laLettonie, l’Estonie, la Russie, la Géorgie, le Tadjikistan où, à la faveur del’extension du commerce de l’héroïne et de la toxicomanie, on note unecroissance exponentielle de l’épidémie qui commence toujours par lesjeunes hommes puis s‘étend aux femmes et aux enfants. Dans ces pays,on constate des attitudes très discriminantes et le refus de soins auxtoxicomanes, démontrant qu’une option de police sans soins ne permet pasde freiner l’épidémie, alors qu’en France la prise en charge des toxicomaneset la politique de distribution de seringues ont fait leurs preuves.Quand on travaille en pédiatrie dans le domaine du VIH en France, onest très impressionné par les progrès réalisés en dix ans où on a réussià infléchir la courbe des nouvelles contaminations et à améliorer trèsnettement l’état de santé des enfants suivis. On mesure ainsi le fosséqui nous sépare de la réalité de ce problème dans le reste du monde. Ilfaut donc de l’argent mais aussi travailler sur l’acceptabilité sociale etl’implication politique sur ce thème.
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LES ENJEUX DU DÉVELOPPEMENT DES MÉDICAMENTS ADAPTÉS AUX ENFANTS
Pour la vie des enfants séropositifs qui vivent en France, le problème desmédicaments est un enjeu fort. On connaît des médicaments efficacesmais nous manquons de conditionnements adaptés.La population des enfants dans les pays occidentaux, étant très minoritaire,ne représente en effet pas un marché intéressant pour les grandescompagnies pharmaceutiques. Les pédiatres sont contraints de bricoler, d’extrapoler, de réclamer àcause de l’insuffisance de diversité de dosages des produits connus etde développements, sous une formulation appropriée.Le développement de médicaments à usage pédiatrique est difficile. Deplus les particularités propres aux enfants et à chaque âge entraînent desétudes coûteuses. Il faut travailler en profondeur pour mettre au pointdes formulations adaptées à l’usage pédiatrique.Certes on peut adapter pour chaque âge la dose d’un médicament existant.Mais il y a également un problème de galénique : sirops, comprimés,gélules. Or pour un bébé jusqu’à 3 ans, il faut du sirop ; mais dès qu’il estplus grand, surtout à partir de 6 ans, il peut prendre des comprimés oudes petites gélules. Il est invraisemblable qu’aucun effort ne soit fait - tandisqu’il existe un certain dosage à 700 milligrammes développé pour l’uti-lisation adulte - pour développer du 500 ou du 250 en petites gélules. Lessirops, les médicaments liquides sont développés officiellement pour lapédiatrie mais en fait peuvent également être utilisés par sonde pour lesadultes qui ne peuvent plus s’alimenter. Mais pour les petits dosagespédiatriques les seuls payeurs réels sont les pays occidentaux ; donc leslaboratoires devraient adopter la même démarche que pour les maladiesorphelines, qu’il y ait un sous-contingent du produit correspondant à l’uti-lisation pédiatrique sur lesquels faire moins de bénéfices. Car non seulement les produits ne sont pas bons au goût, mais en plus
Pour le droit des enfants atteints du VIH et à l’accès aux soins appropriés
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LES ENJEUX DU DÉVELOPPEMENT DES MÉDICAMENTS ADAPTÉS AUX ENFANTS
Pour la vie des enfants séropositifs qui vivent en France, le problème desmédicaments est un enjeu fort. On connaît des médicaments efficacesmais nous manquons de conditionnements adaptés.La population des enfants dans les pays occidentaux, étant très minoritaire,ne représente en effet pas un marché intéressant pour les grandescompagnies pharmaceutiques. Les pédiatres sont contraints de bricoler, d’extrapoler, de réclamer àcause de l’insuffisance de diversité de dosages des produits connus etde développements, sous une formulation appropriée.Le développement de médicaments à usage pédiatrique est difficile. Deplus les particularités propres aux enfants et à chaque âge entraînent desétudes coûteuses. Il faut travailler en profondeur pour mettre au pointdes formulations adaptées à l’usage pédiatrique.Certes on peut adapter pour chaque âge la dose d’un médicament existant.Mais il y a également un problème de galénique : sirops, comprimés,gélules. Or pour un bébé jusqu’à 3 ans, il faut du sirop ; mais dès qu’il estplus grand, surtout à partir de 6 ans, il peut prendre des comprimés oudes petites gélules. Il est invraisemblable qu’aucun effort ne soit fait - tandisqu’il existe un certain dosage à 700 milligrammes développé pour l’uti-lisation adulte - pour développer du 500 ou du 250 en petites gélules. Lessirops, les médicaments liquides sont développés officiellement pour lapédiatrie mais en fait peuvent également être utilisés par sonde pour lesadultes qui ne peuvent plus s’alimenter. Mais pour les petits dosagespédiatriques les seuls payeurs réels sont les pays occidentaux ; donc leslaboratoires devraient adopter la même démarche que pour les maladiesorphelines, qu’il y ait un sous-contingent du produit correspondant à l’uti-lisation pédiatrique sur lesquels faire moins de bénéfices. Car non seulement les produits ne sont pas bons au goût, mais en plus
Pour le droit des enfants atteints du VIH et à l’accès aux soins appropriés
Pour le droit des enfants atteints du VIH et à l’accès aux soins appropriés
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restent très chers et n’ont pas fait l’objet de négociations et de réajustementde tarification vers le bas comme cela a été le cas pour un certain nombrede médicaments avec les pays du sud, des laboratoires ayant accepté decasser leurs prix dans certains pays pour les médicaments à usage adultesmais pas pour ceux à usage enfants. On se retrouve dans un paradoxe terrible, où dans une famille touchéepar le VIH au Cameroun par exemple, le traitement d’un enfant coûtequatre à cinq fois plus cher que celui de ses parents. La famille va payerpour le traitement du père, peut-être celui de la mère mais pas celui del’enfant qui n’est pas productif.Il existe des médicaments anti-rétroviraux génériques combinés - troisdans un seul cachet pour adultes. Les collègues pédiatres en Thaïlande,au Mozambique, en Ouganda par exemple coupent les comprimés en quartou en demi avec des résultats tout à fait intéressants. Au lieu que chacunbricole dans son coin, on aurait une vie plus simple si les laboratoiresfabriquaient directement des quarts. De tels projets sont en cours parcertains laboratoires produisant des médicaments génériques.Quand les programmes concernant le VIH se discutent au niveau despays, la voix de l’enfant est très rarement représentée, de ce fait lessolutions proposées le sont plutôt pour les adultes ; in fine les pédiatresse battent seuls dans leur coin. Faire prendre conscience partout qu’il n’ya pas de raison d’exclure les enfants de l’accès aux soins car on sait queles médicaments sont très efficaces sur eux.
L’ACCEPTABILITÉ SOCIALE
Nos collègues africains nous racontent que la plupart des gens associentle VIH à la transmission sexuelle et n’imaginent pas que les enfantssoient concernés. Les parents ne comprennent même pas que le sujetsoit évoqué. Une des priorités : il faut informer sur la transmission de la mère
Pour le droit des enfants atteints du VIH et à l’accès aux soins appropriés
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restent très chers et n’ont pas fait l’objet de négociations et de réajustementde tarification vers le bas comme cela a été le cas pour un certain nombrede médicaments avec les pays du sud, des laboratoires ayant accepté decasser leurs prix dans certains pays pour les médicaments à usage adultesmais pas pour ceux à usage enfants. On se retrouve dans un paradoxe terrible, où dans une famille touchéepar le VIH au Cameroun par exemple, le traitement d’un enfant coûtequatre à cinq fois plus cher que celui de ses parents. La famille va payerpour le traitement du père, peut-être celui de la mère mais pas celui del’enfant qui n’est pas productif.Il existe des médicaments anti-rétroviraux génériques combinés - troisdans un seul cachet pour adultes. Les collègues pédiatres en Thaïlande,au Mozambique, en Ouganda par exemple coupent les comprimés en quartou en demi avec des résultats tout à fait intéressants. Au lieu que chacunbricole dans son coin, on aurait une vie plus simple si les laboratoiresfabriquaient directement des quarts. De tels projets sont en cours parcertains laboratoires produisant des médicaments génériques.Quand les programmes concernant le VIH se discutent au niveau despays, la voix de l’enfant est très rarement représentée, de ce fait lessolutions proposées le sont plutôt pour les adultes ; in fine les pédiatresse battent seuls dans leur coin. Faire prendre conscience partout qu’il n’ya pas de raison d’exclure les enfants de l’accès aux soins car on sait queles médicaments sont très efficaces sur eux.
L’ACCEPTABILITÉ SOCIALE
Nos collègues africains nous racontent que la plupart des gens associentle VIH à la transmission sexuelle et n’imaginent pas que les enfantssoient concernés. Les parents ne comprennent même pas que le sujetsoit évoqué. Une des priorités : il faut informer sur la transmission de la mère
Pour le droit des enfants atteints du VIH et à l’accès aux soins appropriés
à l’enfant car la réalité d’une problématique pédiatrique du VIH n’est pasconnue du grand public. Il faut que les états sensibilisent leurs populationsà ce problème.D’autre part la révélation de l’infection de l’enfant fait émettre dessuspicions sur la conduite de la mère, sur la façon dont elle-même aacquis son virus, même si sa turpitude c’est d’avoir été l’épouse fidèled’un mari qui lui-même a attrapé le virus.Nos collègues des pays en développement nous disent que quand ilsdécèlent une infection à VIH chez un enfant et qu’elle agit comme lerévélateur de la pathologie des parents, le rejet de l’enfant est encoreplus fort et quelquefois ils cessent de s’en occuper. Cela pose problèmeaux médecins qui s’interrogent sur le fait d’en parler. Ce rejet existe à lafois dans la cellule familiale vis à vis de l’enfant et dans la société vis àvis des familles.Rejet à cause de l’origine de la contamination et parce que les gens ontpeur d’être contaminés eux mêmes alors qu’il est documenté qu’il n’ya pas de risques dans une fréquentation simple, à travers les gestes dela vie quotidienne.
L’ENJEU DE L’INFORMATION
L’intégrer dans la réalité est très difficile ici même en France. C’est tout cequi fait la souffrance de nos enfants, car il reste difficile pour certainsparents d’accepter que leur enfant soit informé de son propre diagnostic.Si celui-ci ne sait pas de façon claire de quoi il souffre, il aura du mal à sebagarrer et à s’épanouir. Or notre parole à nous pour informer l’enfant n’aaucun impact si elle n’est pas relayée par la parole de ses parents.La question de l’information et de la capacité des parents à assumer cettevérité confiée à leurs enfants est vraiment cruciale. Certains enfants ne sontpas au courant de leur diagnostic, certains le sont mais c’est l’entourage pluslarge, les grands parents, les cousins, l’école, qui ne sont pas informés par
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Pour le droit des enfants atteints du VIH et à l’accès aux soins appropriés
à l’enfant car la réalité d’une problématique pédiatrique du VIH n’est pasconnue du grand public. Il faut que les états sensibilisent leurs populationsà ce problème.D’autre part la révélation de l’infection de l’enfant fait émettre dessuspicions sur la conduite de la mère, sur la façon dont elle-même aacquis son virus, même si sa turpitude c’est d’avoir été l’épouse fidèled’un mari qui lui-même a attrapé le virus.Nos collègues des pays en développement nous disent que quand ilsdécèlent une infection à VIH chez un enfant et qu’elle agit comme lerévélateur de la pathologie des parents, le rejet de l’enfant est encoreplus fort et quelquefois ils cessent de s’en occuper. Cela pose problèmeaux médecins qui s’interrogent sur le fait d’en parler. Ce rejet existe à lafois dans la cellule familiale vis à vis de l’enfant et dans la société vis àvis des familles.Rejet à cause de l’origine de la contamination et parce que les gens ontpeur d’être contaminés eux mêmes alors qu’il est documenté qu’il n’ya pas de risques dans une fréquentation simple, à travers les gestes dela vie quotidienne.
L’ENJEU DE L’INFORMATION
L’intégrer dans la réalité est très difficile ici même en France. C’est tout cequi fait la souffrance de nos enfants, car il reste difficile pour certainsparents d’accepter que leur enfant soit informé de son propre diagnostic.Si celui-ci ne sait pas de façon claire de quoi il souffre, il aura du mal à sebagarrer et à s’épanouir. Or notre parole à nous pour informer l’enfant n’aaucun impact si elle n’est pas relayée par la parole de ses parents.La question de l’information et de la capacité des parents à assumer cettevérité confiée à leurs enfants est vraiment cruciale. Certains enfants ne sontpas au courant de leur diagnostic, certains le sont mais c’est l’entourage pluslarge, les grands parents, les cousins, l’école, qui ne sont pas informés par
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Pour le droit des enfants atteints du VIH et à l’accès aux soins appropriés
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crainte du rejet. Du coup, l’enfant est limité dans ses sorties : pas de week-ends ou de vacances chez des copains ou dans la famille, pas de classesnature, de colos, ou alors on le laisse partir mais on ne lui donne pas sestraitements au péril de sa santé, du fait de l’arrêt brusque du traitement.La circulaire de l’Education nationale de 1992, stipulant que les enfantsséropositifs ne sont pas contagieux pour les collectivités, qu’ils doiventêtre accueillis en classe et que les parents ne sont pas tenus de donnerle diagnostic de la pathologie de leur enfant pour autant qu’il n’y aitpas de traitement à donner à l’école, est très mal connue. LesDirecteurs d’école, les instituteurs et les médecins scolaires assaillentles parents pour savoir. Cette circulaire s’appuie sur une circulaire de1989 stipulant que toutes les écoles doivent bénéficier de moyens des’entourer des « précautions universelles » : mettre des gants pour soignerun enfant qui saigne par exemple (circulaire 1989, reprise en 1992).Nous sommes un peu moins concernés en région parisienne car le problèmeest plus anciennement connu, l’anonymat est plus grand, et les écolessuffisamment nombreuses pour pouvoir en changer. La situation est pluscompliquée dans une petite ville ou en zone rurale car tout le mondese connaît et il existe peu de solutions de remplacement en cas dedissémination inappropriée d’un diagnostic et de rejet de l’enfant. Il fautfaire connaître cette absence de risque dans le contexte de la vie scolaire,travail qui reste difficile.J’aimerais que les choses changent sur la connaissance de la noncontagiosité et de l’acceptation des personnes atteintes car ce seraitun énorme pas en avant pour la qualité de vie des enfants concernés.Mais je m’interroge sur le levier le plus efficace pour agir. J’ai tendance à penser que si les informations circulent de manière non
dramatisante pour dire qu’on a plus de 20 ans d’expérience et de
connaissance sur cette maladie et sa transmission, les choses iront mieux.
Pour le droit des enfants atteints du VIH et à l’accès aux soins appropriés
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crainte du rejet. Du coup, l’enfant est limité dans ses sorties : pas de week-ends ou de vacances chez des copains ou dans la famille, pas de classesnature, de colos, ou alors on le laisse partir mais on ne lui donne pas sestraitements au péril de sa santé, du fait de l’arrêt brusque du traitement.La circulaire de l’Education nationale de 1992, stipulant que les enfantsséropositifs ne sont pas contagieux pour les collectivités, qu’ils doiventêtre accueillis en classe et que les parents ne sont pas tenus de donnerle diagnostic de la pathologie de leur enfant pour autant qu’il n’y aitpas de traitement à donner à l’école, est très mal connue. LesDirecteurs d’école, les instituteurs et les médecins scolaires assaillentles parents pour savoir. Cette circulaire s’appuie sur une circulaire de1989 stipulant que toutes les écoles doivent bénéficier de moyens des’entourer des « précautions universelles » : mettre des gants pour soignerun enfant qui saigne par exemple (circulaire 1989, reprise en 1992).Nous sommes un peu moins concernés en région parisienne car le problèmeest plus anciennement connu, l’anonymat est plus grand, et les écolessuffisamment nombreuses pour pouvoir en changer. La situation est pluscompliquée dans une petite ville ou en zone rurale car tout le mondese connaît et il existe peu de solutions de remplacement en cas dedissémination inappropriée d’un diagnostic et de rejet de l’enfant. Il fautfaire connaître cette absence de risque dans le contexte de la vie scolaire,travail qui reste difficile.J’aimerais que les choses changent sur la connaissance de la noncontagiosité et de l’acceptation des personnes atteintes car ce seraitun énorme pas en avant pour la qualité de vie des enfants concernés.Mais je m’interroge sur le levier le plus efficace pour agir. J’ai tendance à penser que si les informations circulent de manière non
dramatisante pour dire qu’on a plus de 20 ans d’expérience et de
connaissance sur cette maladie et sa transmission, les choses iront mieux.
22
Pour le respect de ses Droits : l’intérêt supérieur de l’enfantpar Olivia-Paule Lauret
DE L’ENFANT OBJET À L’ENFANT SUJET
LA Convention Internationale des Droits de l’Enfant est essentielle et
s’inscrit dans la lignée des grands textes fondamentaux internationaux
qui transforme la conception du droit lié à l’enfant qui désormais se voit
reconnaître « ses Droits ».
L’esprit des Droits de l’Homme est parvenu jusqu’à ce petit homme en
devenir, l’Enfant. De l’enfant « objet » de droits dont disposaient la famille
et l’Etat sur lui, il devient «sujet».
La Convention affirme bien son droit à posséder ses droits : Droit à un nom,
à une nationalité, à une famille, à une éducation, droit à une place dans
une justice rendue par des adultes, avec le droit d’être entendu dans une
instance judiciaire, et de voir son opinion prise en considération.
Le principe phare qui fait basculer l’édifice ? La prise en considération de
l’Intérêt Supérieur de l’Enfant qui doit désormais guider les adultes qui
font et appliquent les Lois.
L’article 3 de la Convention Internationale des Droits de l’Enfant, pose ce
critère fondamental en indiquant que pour toute décision qui peut concerner
un enfant- dans les tribunaux, les autorités administratives et judicaires -
celui qui prend la décision doit être guidé par l’intérêt supérieur de l’enfant.
UN IMBROGLIO CHOQUANT, UNE RÉSISTANCE QUI CÈDE À FORCE DE BATAILLES AU CAS PAR CAS.
On ne peut que souscrire avec enthousiasme à ces beaux principes mais la
réalité du monde judiciaire vécue au quotidien est bien différente.
Croire qu’il suffit aux avocats d’invoquer devant une instance de justice
les dispositions de cette Convention comme, par exemple, un article aussi
fondamental que l’article 24-1 - soit le droit de l’enfant de jouir du meilleur
état de santé possible et de bénéficier de services médicaux - dans une
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Pour le respect de ses Droits : l’intérêt supérieur de l’enfantpar Olivia-Paule Lauret
DE L’ENFANT OBJET À L’ENFANT SUJET
LA Convention Internationale des Droits de l’Enfant est essentielle et
s’inscrit dans la lignée des grands textes fondamentaux internationaux
qui transforme la conception du droit lié à l’enfant qui désormais se voit
reconnaître « ses Droits ».
L’esprit des Droits de l’Homme est parvenu jusqu’à ce petit homme en
devenir, l’Enfant. De l’enfant « objet » de droits dont disposaient la famille
et l’Etat sur lui, il devient «sujet».
La Convention affirme bien son droit à posséder ses droits : Droit à un nom,
à une nationalité, à une famille, à une éducation, droit à une place dans
une justice rendue par des adultes, avec le droit d’être entendu dans une
instance judiciaire, et de voir son opinion prise en considération.
Le principe phare qui fait basculer l’édifice ? La prise en considération de
l’Intérêt Supérieur de l’Enfant qui doit désormais guider les adultes qui
font et appliquent les Lois.
L’article 3 de la Convention Internationale des Droits de l’Enfant, pose ce
critère fondamental en indiquant que pour toute décision qui peut concerner
un enfant- dans les tribunaux, les autorités administratives et judicaires -
celui qui prend la décision doit être guidé par l’intérêt supérieur de l’enfant.
UN IMBROGLIO CHOQUANT, UNE RÉSISTANCE QUI CÈDE À FORCE DE BATAILLES AU CAS PAR CAS.
On ne peut que souscrire avec enthousiasme à ces beaux principes mais la
réalité du monde judiciaire vécue au quotidien est bien différente.
Croire qu’il suffit aux avocats d’invoquer devant une instance de justice
les dispositions de cette Convention comme, par exemple, un article aussi
fondamental que l’article 24-1 - soit le droit de l’enfant de jouir du meilleur
état de santé possible et de bénéficier de services médicaux - dans une
23
affaire sensible concernant le droit de bénéficier du régime de la sécurité
sociale pour des enfants d’immigrés en situation irrégulière, est une erreur.
Ainsi en a-t-il été jugé par le Conseil d’Etat en 1997, qui a pourtant été
le premier à reconnaître l’applicabilité directe du principe de « l’intérêt
supérieur » de l’enfant dans toute décision administrative le concernant.
En effet, ce qui est d’application directe dans la Convention, c’est ce que
chaque État partie décide de reprendre dans ses lois. C’est à dire pour la
France, ses nombreux codes, puisque les droits de l’enfant relèvent de
nombreux textes épars concernant différentes branches du droit à défaut
d’un véritable texte législatif fédérateur des droits de l’enfant.
A défaut, nous devons pratiquer le « cas par cas » et par cent fois sur le métier
remettre notre ouvrage pour solliciter de nos juridictions l’application directe
des dispositions de la Convention des Droits de l’Enfant.
Ainsi, la Cour de Cassation, qui jusqu’à maintenant avait toujours refusé de
reconnaître dans une jurisprudence complexe et critiquable l’application
directe de la Convention devant les juridictions françaises, vient tout
récemment dans deux décisions importantes des 18 mai et 14 juin 2005
de… dire le contraire ! Ainsi est enfin consacré l’intérêt supérieur de l’enfant
comme une considération primordiale au sens de l’article 3-1 de la
Convention Internationale des Droits de l’Enfant et non plus au sens de
notre droit national souvent plus timide.
Réjouissons-nous de cette victoire sans baisser les bras car tout reste à
faire pour les autres dispositions de la Convention.
On ne peut que déplorer la perte de temps et constater que, bien souvent,
on se perd dans des méandres juridico-intellectuels, totalement abstraits,
qui font obstacle à un objectif concret : celui de faire appliquer les droits
fondamentaux des enfants dans l’ensemble de leur disposition.
Tout cela est choquant car derrière chaque cas de jurisprudence, il y a le sort
d’un enfant en suspens qui attend et qui, le temps que la juridiction
suprême tranche, devient un adulte blessé.
23
affaire sensible concernant le droit de bénéficier du régime de la sécurité
sociale pour des enfants d’immigrés en situation irrégulière, est une erreur.
Ainsi en a-t-il été jugé par le Conseil d’Etat en 1997, qui a pourtant été
le premier à reconnaître l’applicabilité directe du principe de « l’intérêt
supérieur » de l’enfant dans toute décision administrative le concernant.
En effet, ce qui est d’application directe dans la Convention, c’est ce que
chaque État partie décide de reprendre dans ses lois. C’est à dire pour la
France, ses nombreux codes, puisque les droits de l’enfant relèvent de
nombreux textes épars concernant différentes branches du droit à défaut
d’un véritable texte législatif fédérateur des droits de l’enfant.
A défaut, nous devons pratiquer le « cas par cas » et par cent fois sur le métier
remettre notre ouvrage pour solliciter de nos juridictions l’application directe
des dispositions de la Convention des Droits de l’Enfant.
Ainsi, la Cour de Cassation, qui jusqu’à maintenant avait toujours refusé de
reconnaître dans une jurisprudence complexe et critiquable l’application
directe de la Convention devant les juridictions françaises, vient tout
récemment dans deux décisions importantes des 18 mai et 14 juin 2005
de… dire le contraire ! Ainsi est enfin consacré l’intérêt supérieur de l’enfant
comme une considération primordiale au sens de l’article 3-1 de la
Convention Internationale des Droits de l’Enfant et non plus au sens de
notre droit national souvent plus timide.
Réjouissons-nous de cette victoire sans baisser les bras car tout reste à
faire pour les autres dispositions de la Convention.
On ne peut que déplorer la perte de temps et constater que, bien souvent,
on se perd dans des méandres juridico-intellectuels, totalement abstraits,
qui font obstacle à un objectif concret : celui de faire appliquer les droits
fondamentaux des enfants dans l’ensemble de leur disposition.
Tout cela est choquant car derrière chaque cas de jurisprudence, il y a le sort
d’un enfant en suspens qui attend et qui, le temps que la juridiction
suprême tranche, devient un adulte blessé.
Pour le respect de ses droits : l’intérêt supérieur de l’enfant
24
L’ENFANT EN OTAGE
Le droit de la famille est un bon observatoire de l’enfance en situation de
rupture (subie) et donc souvent de souffrance.
En France, ce contentieux représente 60 à 80% de l’activité des tribunaux de
grande instance, autrement dit, une proportion impressionnante. C’est un
droit où l’enfant est souvent pris en otage par ses parents qui sont titulaires
de l’autorité parentale.
Croire que cela touche plus les milieux défavorisés est faux et tous les milieux
sociaux sont concernés. Des enfants qui sont en souffrance vont être amenés
à dépendre de la décision du juge aux Affaires familiales qui va décider, seul,
de ce que peut être leur «intérêt», cela dans un délai indéterminé (celui
d’une justice dite « engorgée ») et savoir finalement chez qui ils vont habiter,
si papa va gagner ou maman.
Certes, la loi du 4 mars 2002 relative à l’autorité parentale pose bien le
principe de l’intérêt de l’enfant comme guide. L’article 371-1 précise que
l’autorité parentale est un ensemble de droits et de devoirs qui a pour
finalité l’intérêt de l’enfant et que l’enfant doit être associé aux décisions
qui le concernent selon son âge, son degré de maturité.
La loi de 2002 pose également le principe de la co-parentalité.
Dans la pratique on se rend compte que ce qui est arrêté comme étant
l’intérêt de l’enfant est plus souvent une recherche d’équilibre d’intérêt
entre le père et la mère.
Une illustration récente de cette égalité des droits entre le père et la mère
est la résidence alternée. Une semaine chez l’un puis chez l’autre par
exemple, voire un an chez l’un et un an chez l’autre, lorsque l’un des parents
réside à l’étranger, ainsi en a t-il été décidé par un juge.
Je m’interroge : est-ce que cet équilibre défend toujours bien l’intérêt de
l’enfant ? Je ne le crois pas.
Pour le respect de ses droits : l’intérêt supérieur de l’enfant
24
L’ENFANT EN OTAGE
Le droit de la famille est un bon observatoire de l’enfance en situation de
rupture (subie) et donc souvent de souffrance.
En France, ce contentieux représente 60 à 80% de l’activité des tribunaux de
grande instance, autrement dit, une proportion impressionnante. C’est un
droit où l’enfant est souvent pris en otage par ses parents qui sont titulaires
de l’autorité parentale.
Croire que cela touche plus les milieux défavorisés est faux et tous les milieux
sociaux sont concernés. Des enfants qui sont en souffrance vont être amenés
à dépendre de la décision du juge aux Affaires familiales qui va décider, seul,
de ce que peut être leur «intérêt», cela dans un délai indéterminé (celui
d’une justice dite « engorgée ») et savoir finalement chez qui ils vont habiter,
si papa va gagner ou maman.
Certes, la loi du 4 mars 2002 relative à l’autorité parentale pose bien le
principe de l’intérêt de l’enfant comme guide. L’article 371-1 précise que
l’autorité parentale est un ensemble de droits et de devoirs qui a pour
finalité l’intérêt de l’enfant et que l’enfant doit être associé aux décisions
qui le concernent selon son âge, son degré de maturité.
La loi de 2002 pose également le principe de la co-parentalité.
Dans la pratique on se rend compte que ce qui est arrêté comme étant
l’intérêt de l’enfant est plus souvent une recherche d’équilibre d’intérêt
entre le père et la mère.
Une illustration récente de cette égalité des droits entre le père et la mère
est la résidence alternée. Une semaine chez l’un puis chez l’autre par
exemple, voire un an chez l’un et un an chez l’autre, lorsque l’un des parents
réside à l’étranger, ainsi en a t-il été décidé par un juge.
Je m’interroge : est-ce que cet équilibre défend toujours bien l’intérêt de
l’enfant ? Je ne le crois pas.
Pour le respect de ses droits : l’intérêt supérieur de l’enfant
25
Est-on sûr d’en mesurer aujourd’hui toutes les conséquences de la résidence
alternée sur de très jeunes enfants ? Des experts ont récemment alerté les
acteurs du monde judiciaire sur la nécessité de s’interroger sur les dégâts
à venir si l’on ne considère pas plus l’enfant dans son développement et
non pas comme un enjeu de droits symétriques entre un père et une mère.
Au final, l’enfant n’a pas de capacité légale et ne peut pas faire appel en
France (ce qui est possible en Grande Bretagne) d’une décision en matière
d’autorité parentale qui ne lui conviendrait pas.
DES DYSFONCTIONNEMENTS ET DES LACUNES
Puis, les batailles sont souvent longues et les enjeux de taille, lorsque les
parents séparés possèdent des nationalités différentes et menacent de
s’installer avec les enfants à l’étranger. Il est regrettable qu’en amont,
dans ces cas particuliers, il soit très difficile d’obtenir du Juge des mesures
préventives tant qu’il n’existe pas de faits ou de menaces réelles d’enlèvement,
qui finalement n’existeront que lorsque le mal sera fait.
Alors que penser du respect de l’intérêt supérieur de l’enfant dans des
affaires où une enfant est âgée de 10 ans lors de la saisine des tribunaux de
première instance, et a déjà 15 ans au moment où la Cour suprême ren-
voie l’examen de l’affaire devant une nouvelle Cour d’appel pour savoir
enfin s’il résidera en France avec son père ou à l’étranger avec sa mère !
Sans doute sera t-il éclairé à sa majorité ?
ET LA PAROLE DE L’ENFANT ? DES PROGRÈS ENCORE TIMIDES
Il est attristant de constater que l’enfant est très rarement consulté par le Juge
dans les conflits d’autorité parentale. Il doit alors en faire la demande mais
le juge peut refuser de l’entendre. Mais à la condition de motiver son refus.
Pour le respect de ses droits : l’intérêt supérieur de l’enfant
25
Est-on sûr d’en mesurer aujourd’hui toutes les conséquences de la résidence
alternée sur de très jeunes enfants ? Des experts ont récemment alerté les
acteurs du monde judiciaire sur la nécessité de s’interroger sur les dégâts
à venir si l’on ne considère pas plus l’enfant dans son développement et
non pas comme un enjeu de droits symétriques entre un père et une mère.
Au final, l’enfant n’a pas de capacité légale et ne peut pas faire appel en
France (ce qui est possible en Grande Bretagne) d’une décision en matière
d’autorité parentale qui ne lui conviendrait pas.
DES DYSFONCTIONNEMENTS ET DES LACUNES
Puis, les batailles sont souvent longues et les enjeux de taille, lorsque les
parents séparés possèdent des nationalités différentes et menacent de
s’installer avec les enfants à l’étranger. Il est regrettable qu’en amont,
dans ces cas particuliers, il soit très difficile d’obtenir du Juge des mesures
préventives tant qu’il n’existe pas de faits ou de menaces réelles d’enlèvement,
qui finalement n’existeront que lorsque le mal sera fait.
Alors que penser du respect de l’intérêt supérieur de l’enfant dans des
affaires où une enfant est âgée de 10 ans lors de la saisine des tribunaux de
première instance, et a déjà 15 ans au moment où la Cour suprême ren-
voie l’examen de l’affaire devant une nouvelle Cour d’appel pour savoir
enfin s’il résidera en France avec son père ou à l’étranger avec sa mère !
Sans doute sera t-il éclairé à sa majorité ?
ET LA PAROLE DE L’ENFANT ? DES PROGRÈS ENCORE TIMIDES
Il est attristant de constater que l’enfant est très rarement consulté par le Juge
dans les conflits d’autorité parentale. Il doit alors en faire la demande mais
le juge peut refuser de l’entendre. Mais à la condition de motiver son refus.
Pour le respect de ses droits : l’intérêt supérieur de l’enfant
Là encore, le souffle de la CIDE a soufflé récemment dans une décision du
18 mai 2005, s’imposant dans son article 12-2 avec le droit de l’enfant à être
entendu comme relevant de son intérêt supérieur.
Une victoire nuancée lorsque l’on sait qu’il n’existe pas de possibilité d’appel
d’un refus d’audition motivé.
N’est-ce pas là encore une infraction évidente à l’intérêt de l’enfant ?
Pouvoir faire appel dans des délais raisonnables représenterait une avancée
concrète dans l’application des Droits de l’Enfant.
UN TRAITEMENT SPÉCIFIQUE
Le simple bon sens nous ferait conclure à la nécessité d’un traitement
judiciaire et administratif spécifique et rapide y compris au sein des
affaires familiales, dans l’intérêt réel de l’enfant, pris malgré lui dans les
mailles de la Justice et qui attend, pour redéfinir ses repères, que les
adultes veuillent bien lui donner les nouvelles règles du jeu.
Spécifique à l’enfant, à la famille : il m’est arrivé, plus souvent qu’il ne
devrait, d’être choquée par l’accueil de certains juges aux affaires familiales
dans des dossiers sensibles.
Je n’en veux pour preuve que l’exemple de cette mère que je défendais
et qui, d’après la parole de l’enfant, soupçonnait le père d’attouchements
sexuels sur l’enfant. Le juge n’a pas souhaité entendre l’enfant (influence
de l’affaire d’Outreau ?). Ma cliente a été agressée verbalement par le juge,
soupçonnée ouvertement par lui de manipulation psychologique sur son
enfant pour finir par la menacer (sic) de saisir le Juge pour enfant pour
demander son placement.
L’enfant a été confié à son père pour les vacances. J’ai demandé et obtenu
une expertise médico-psychiatrique, non sans mal. Quand l’expertise a
été rendue bien du temps après, le juge avait radié le dossier, par erreur.
26
Pour le respect de ses droits : l’intérêt supérieur de l’enfant
Là encore, le souffle de la CIDE a soufflé récemment dans une décision du
18 mai 2005, s’imposant dans son article 12-2 avec le droit de l’enfant à être
entendu comme relevant de son intérêt supérieur.
Une victoire nuancée lorsque l’on sait qu’il n’existe pas de possibilité d’appel
d’un refus d’audition motivé.
N’est-ce pas là encore une infraction évidente à l’intérêt de l’enfant ?
Pouvoir faire appel dans des délais raisonnables représenterait une avancée
concrète dans l’application des Droits de l’Enfant.
UN TRAITEMENT SPÉCIFIQUE
Le simple bon sens nous ferait conclure à la nécessité d’un traitement
judiciaire et administratif spécifique et rapide y compris au sein des
affaires familiales, dans l’intérêt réel de l’enfant, pris malgré lui dans les
mailles de la Justice et qui attend, pour redéfinir ses repères, que les
adultes veuillent bien lui donner les nouvelles règles du jeu.
Spécifique à l’enfant, à la famille : il m’est arrivé, plus souvent qu’il ne
devrait, d’être choquée par l’accueil de certains juges aux affaires familiales
dans des dossiers sensibles.
Je n’en veux pour preuve que l’exemple de cette mère que je défendais
et qui, d’après la parole de l’enfant, soupçonnait le père d’attouchements
sexuels sur l’enfant. Le juge n’a pas souhaité entendre l’enfant (influence
de l’affaire d’Outreau ?). Ma cliente a été agressée verbalement par le juge,
soupçonnée ouvertement par lui de manipulation psychologique sur son
enfant pour finir par la menacer (sic) de saisir le Juge pour enfant pour
demander son placement.
L’enfant a été confié à son père pour les vacances. J’ai demandé et obtenu
une expertise médico-psychiatrique, non sans mal. Quand l’expertise a
été rendue bien du temps après, le juge avait radié le dossier, par erreur.
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Pour le respect de ses droits : l’intérêt supérieur de l’enfant
Ma cliente a abandonné la procédure par crainte du juge et qu’on ne lui
enlève son enfant. J’ai toujours des doutes dans ce dossier et crains que
cette affaire ne revienne dans quelques années, quand il sera trop tard.
RESPONSABILITÉ DE TOUS LES ACTEURS
Que nous montre cet exemple douloureux ?
• Que nous avons tous un rôle à jouer, nous, les acteurs du monde judiciaire,
les magistrats, les avocats, les médecins - experts, les travailleurs sociaux
éducatifs, tous ceux qui encadrent les enfants lorsqu’ils ont besoin de
protection`au sens large.
• Qu’il faut faire évoluer le droit français, certes, mais également faire changer
les habitudes dans son application au quotidien.
• Qu’il faut déterminer les compétences de chacun clairement, Juge aux
Affaires familiales, Juge pour enfant, Juge des Tutelles et instaurer une
coordination administrative efficace entre les juridictions saisies du dossier
d’un même mineur.
Avec une communication transparente et facilitée à la Défense qui a un
rôle essentiel à jouer dans la représentation directe de l’enfant.
• Que, parallèlement, il est urgent d’élaborer une vraie loi sur la protection
de l’enfance qui n’existe pas en France et qui tienne compte de sa sécurité
en termes de protection, mais aussi du bien-être de l’enfant au sens de
son développement psychologique et mental.
Nous réclamons de la « Bien Traitance ».
DES ADULTES EN CONSTRUCTION
Il ne s’agit pas de nous transformer en psychologues, nous ne savons pas
l’être mais il me semble que le juge doit avoir un minimum de formation quand
il s’agit d’enfants. Son rôle est essentiel et nombreux sont les magnifiques
juges totalement dévoués à la cause. Mais il y a aussi un manque de
27
Pour le respect de ses droits : l’intérêt supérieur de l’enfant
Ma cliente a abandonné la procédure par crainte du juge et qu’on ne lui
enlève son enfant. J’ai toujours des doutes dans ce dossier et crains que
cette affaire ne revienne dans quelques années, quand il sera trop tard.
RESPONSABILITÉ DE TOUS LES ACTEURS
Que nous montre cet exemple douloureux ?
• Que nous avons tous un rôle à jouer, nous, les acteurs du monde judiciaire,
les magistrats, les avocats, les médecins - experts, les travailleurs sociaux
éducatifs, tous ceux qui encadrent les enfants lorsqu’ils ont besoin de
protection`au sens large.
• Qu’il faut faire évoluer le droit français, certes, mais également faire changer
les habitudes dans son application au quotidien.
• Qu’il faut déterminer les compétences de chacun clairement, Juge aux
Affaires familiales, Juge pour enfant, Juge des Tutelles et instaurer une
coordination administrative efficace entre les juridictions saisies du dossier
d’un même mineur.
Avec une communication transparente et facilitée à la Défense qui a un
rôle essentiel à jouer dans la représentation directe de l’enfant.
• Que, parallèlement, il est urgent d’élaborer une vraie loi sur la protection
de l’enfance qui n’existe pas en France et qui tienne compte de sa sécurité
en termes de protection, mais aussi du bien-être de l’enfant au sens de
son développement psychologique et mental.
Nous réclamons de la « Bien Traitance ».
DES ADULTES EN CONSTRUCTION
Il ne s’agit pas de nous transformer en psychologues, nous ne savons pas
l’être mais il me semble que le juge doit avoir un minimum de formation quand
il s’agit d’enfants. Son rôle est essentiel et nombreux sont les magnifiques
juges totalement dévoués à la cause. Mais il y a aussi un manque de
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formation à l’écoute spécifique que réclame l’enfant, aussi un manque
de temps, de personnel administratif, une gestion de l’urgence. Pourtant
dans ce domaine, les conséquences du jugement peuvent être très graves
pour l’enfant.
TRAVAILLER MAIN DANS LA MAIN
Et le juge ne doit pas être seul dans cette aventure : pour veiller à une
application correcte des Droits de l’Enfant, il faut créer par juridiction
un véritable pool de compétences pluridisciplinaire autour de l’enfant
(magistrats, avocats, pédopsychiatres) pour mieux se rencontrer et travailler
ensemble. Il est temps d’arrêter de faire du bricolage. Que chacun fasse
preuve d’humilité en matière de compétences.
Nous devons être partenaires (et non opposants) pour un objectif commun :
« l’intérêt supérieur » de l’enfant, conformément à la convention qui est
officiellement consacrée depuis peu par notre juridiction suprême.
Saluons-la.
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Pour le respect de ses droits : l’intérêt supérieur de l’enfant
formation à l’écoute spécifique que réclame l’enfant, aussi un manque
de temps, de personnel administratif, une gestion de l’urgence. Pourtant
dans ce domaine, les conséquences du jugement peuvent être très graves
pour l’enfant.
TRAVAILLER MAIN DANS LA MAIN
Et le juge ne doit pas être seul dans cette aventure : pour veiller à une
application correcte des Droits de l’Enfant, il faut créer par juridiction
un véritable pool de compétences pluridisciplinaire autour de l’enfant
(magistrats, avocats, pédopsychiatres) pour mieux se rencontrer et travailler
ensemble. Il est temps d’arrêter de faire du bricolage. Que chacun fasse
preuve d’humilité en matière de compétences.
Nous devons être partenaires (et non opposants) pour un objectif commun :
« l’intérêt supérieur » de l’enfant, conformément à la convention qui est
officiellement consacrée depuis peu par notre juridiction suprême.
Saluons-la.
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Pour le respect de ses droits : l’intérêt supérieur de l’enfant
Pour guérir les enfants maltraités : le droit à la protectionpar Jacques Lecomte
DES CHIFFRES INQUIÉTANTS
LES chiffres de la maltraitance des enfants en France sont difficiles à établir.
En effet, on peut se poser la question suivante : où finit la correction et où
commence la maltraitance ?
On recense 4 types de maltraitance selon la définition « officielle » de l’ODAS
(Observatoire national de l’action sociale décentralisée) : la maltraitance
physique, la maltraitance psychique, les abus sexuels et la négligence.
Selon les dernières études en date de 2003, 18 000 enfants subissent des
violences ou des négligences. Il faut noter que ces chiffres ne prennent en
compte que les personnes qui ont porté plainte. Or, on le sait bien, il est
fréquent que les victimes d'un tel traumatisme n'osent pas franchir le pas
de la démarche en justice et se taisent.
Il y aurait, selon l’ODAS, près de 70 000 enfants en danger, c’est à dire dansune situation à risques, susceptibles de glisser vers la maltraitance. On note
une forte augmentation des chiffres de la maltraitance psychologique. La
sensibilisation à la maltraitance sexuelle, quasiment inexistante il y a vingt
ans, est aujourd'hui très forte.
L’augmentation des chiffres ne signifie pas forcément l’aggravation du problème.
Elle peut être due à la sensibilisation de la population, des pouvoirs publics
et des institutions à ce grave phénomène. Paradoxalement, elle pourrait donc
ne pas être significative d’une aggravation mais d’une prise en compte plus
importante des cas de maltraitance.
LE DROIT À LA PROTECTION
L’Article 20/1 de la Convention internationale de l’enfant stipule que « tout
enfant … a droit à une protection ». Au-delà des articles et des définitions
officielles, qu’entend-t-on par protection de l’enfant ?
29
Pour guérir les enfants maltraités : le droit à la protectionpar Jacques Lecomte
DES CHIFFRES INQUIÉTANTS
LES chiffres de la maltraitance des enfants en France sont difficiles à établir.
En effet, on peut se poser la question suivante : où finit la correction et où
commence la maltraitance ?
On recense 4 types de maltraitance selon la définition « officielle » de l’ODAS
(Observatoire national de l’action sociale décentralisée) : la maltraitance
physique, la maltraitance psychique, les abus sexuels et la négligence.
Selon les dernières études en date de 2003, 18 000 enfants subissent des
violences ou des négligences. Il faut noter que ces chiffres ne prennent en
compte que les personnes qui ont porté plainte. Or, on le sait bien, il est
fréquent que les victimes d'un tel traumatisme n'osent pas franchir le pas
de la démarche en justice et se taisent.
Il y aurait, selon l’ODAS, près de 70 000 enfants en danger, c’est à dire dansune situation à risques, susceptibles de glisser vers la maltraitance. On note
une forte augmentation des chiffres de la maltraitance psychologique. La
sensibilisation à la maltraitance sexuelle, quasiment inexistante il y a vingt
ans, est aujourd'hui très forte.
L’augmentation des chiffres ne signifie pas forcément l’aggravation du problème.
Elle peut être due à la sensibilisation de la population, des pouvoirs publics
et des institutions à ce grave phénomène. Paradoxalement, elle pourrait donc
ne pas être significative d’une aggravation mais d’une prise en compte plus
importante des cas de maltraitance.
LE DROIT À LA PROTECTION
L’Article 20/1 de la Convention internationale de l’enfant stipule que « tout
enfant … a droit à une protection ». Au-delà des articles et des définitions
officielles, qu’entend-t-on par protection de l’enfant ?
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Pour guérir les enfants maltraités : le droit à la protection
La protection de l’enfant, c’est lui donner de l’amour et, pour une protection
à long terme, structurer ses relations avec les adultes et la société par
des règles.
QUELLE DOIT ÊTRE NOTRE APPROCHE DE LA MALTRAITANCE ?
• INFORMER
On n’informera jamais assez sur la maltraitance et ses dégâts. Une opération
comme Novembre en Enfance apporte sa pierre à cette démarche : faire prendre
conscience que la maltraitance existe.
• EDUQUER
Il faut aider les parents à comprendre les règles qui vont conduire à un
bon équilibre de l’enfant. C’est tout l’enjeu de la « bientraitance », de la
bienfaisance familiale.
• SANCTIONNER LES COUPABLES, RÉPARER LES DÉGÂTS
Œuvrer pour que les textes soient appliqués, sanctionner les actes
répréhensibles.
Aider les victimes en favorisant la résilience.
PARLER D’ABORD DE « BIEN TRAITANCE » - L’APPROCHE ÉDUCATIVE
Avant de parler de maltraitance, ayons plutôt une approche « positive » et
parlons d’abord de « bientraitance ». J’ai été personnellement conduit
à cette réflexion par les travaux que j’ai effectués sur la maltraitance et
la résilience.
L’éducation familiale est essentielle. Ce n’est pas un scoop, être parent
n’est pas quelque chose de spontané. Il y a aussi beaucoup à apprendre
pour conduire une éducation profitable au développement harmonieux
d’un enfant, futur adulte.
30
Pour guérir les enfants maltraités : le droit à la protection
La protection de l’enfant, c’est lui donner de l’amour et, pour une protection
à long terme, structurer ses relations avec les adultes et la société par
des règles.
QUELLE DOIT ÊTRE NOTRE APPROCHE DE LA MALTRAITANCE ?
• INFORMER
On n’informera jamais assez sur la maltraitance et ses dégâts. Une opération
comme Novembre en Enfance apporte sa pierre à cette démarche : faire prendre
conscience que la maltraitance existe.
• EDUQUER
Il faut aider les parents à comprendre les règles qui vont conduire à un
bon équilibre de l’enfant. C’est tout l’enjeu de la « bientraitance », de la
bienfaisance familiale.
• SANCTIONNER LES COUPABLES, RÉPARER LES DÉGÂTS
Œuvrer pour que les textes soient appliqués, sanctionner les actes
répréhensibles.
Aider les victimes en favorisant la résilience.
PARLER D’ABORD DE « BIEN TRAITANCE » - L’APPROCHE ÉDUCATIVE
Avant de parler de maltraitance, ayons plutôt une approche « positive » et
parlons d’abord de « bientraitance ». J’ai été personnellement conduit
à cette réflexion par les travaux que j’ai effectués sur la maltraitance et
la résilience.
L’éducation familiale est essentielle. Ce n’est pas un scoop, être parent
n’est pas quelque chose de spontané. Il y a aussi beaucoup à apprendre
pour conduire une éducation profitable au développement harmonieux
d’un enfant, futur adulte.
30
Pour guérir les enfants maltraités : le droit à la protection
31
Les études démontrent que certains parents axent davantage l’éducation
sur l’amour au détriment des règles : cela présente le risque de l’enfant
tout puissant.
A contrario, dans le système de règles, les parents ordonnent, les enfants
obéissent. Les enfants sont soumis extérieurement mais souvent révoltés
intérieurement.
La bonne méthode éducative, c’est d’associer l’amour et les règles,
d’établir un lien entre l’affection et la « loi ». Les travaux de l’équipe belge
de Jean-Pierre Pourtois montrent d’ailleurs que l’enfant se sent d’autant
plus aimé qu’il y a des règles. Dans ce schéma, les enfants savent que les
parents représentent la loi mais qu’ils ont leur propre responsabilité. Cela
fait des enfants équilibrés. En s’appuyant à la fois sur l’amour et les règles,
les parents apportent donc « du sens » à l’enfant, lui permettant ainsi de
se construire et de s’orienter plus harmonieusement dans sa vie affective et
professionnelle. Quel que soit le milieu socio-économique, cette attitude
induit le bien-être, la socialisation, le succès scolaire.
Le sens, la signification qu’on lui a donnée, c’est l’intérêt de sa vie d’enfant
et de futur adulte. On y reviendra plus loin en abordant la résilience.
LA MALTRAITANCE PSYCHOLOGIQUE EST LE CŒUR DE LA MALTRAITANCE
C’est un vrai problème dont on ne parle pas encore suffisamment.
Il y a encore quelques années la maltraitance psychologique était insuffi-
samment prise en compte. Aujourd’hui les assistants sociaux sont de plus
en plus conscients de la réalité et de la gravité de ce problème.
Je suis arrivé à cette conclusion que les blessures de l’âme sont malheu-
reusement invisibles et tout autant, sinon plus graves, que les violences
physiques. Cette réflexion m’est venue à la suite d’auteurs américains qui
m’avaient alerté sur le fait que d’après leurs travaux « La maltraitance psychologique
est le cœur de la maltraitance ». J’ai donc introduit dans mes questionnaires une
Pour guérir les enfants maltraités : le droit à la protection
31
Les études démontrent que certains parents axent davantage l’éducation
sur l’amour au détriment des règles : cela présente le risque de l’enfant
tout puissant.
A contrario, dans le système de règles, les parents ordonnent, les enfants
obéissent. Les enfants sont soumis extérieurement mais souvent révoltés
intérieurement.
La bonne méthode éducative, c’est d’associer l’amour et les règles,
d’établir un lien entre l’affection et la « loi ». Les travaux de l’équipe belge
de Jean-Pierre Pourtois montrent d’ailleurs que l’enfant se sent d’autant
plus aimé qu’il y a des règles. Dans ce schéma, les enfants savent que les
parents représentent la loi mais qu’ils ont leur propre responsabilité. Cela
fait des enfants équilibrés. En s’appuyant à la fois sur l’amour et les règles,
les parents apportent donc « du sens » à l’enfant, lui permettant ainsi de
se construire et de s’orienter plus harmonieusement dans sa vie affective et
professionnelle. Quel que soit le milieu socio-économique, cette attitude
induit le bien-être, la socialisation, le succès scolaire.
Le sens, la signification qu’on lui a donnée, c’est l’intérêt de sa vie d’enfant
et de futur adulte. On y reviendra plus loin en abordant la résilience.
LA MALTRAITANCE PSYCHOLOGIQUE EST LE CŒUR DE LA MALTRAITANCE
C’est un vrai problème dont on ne parle pas encore suffisamment.
Il y a encore quelques années la maltraitance psychologique était insuffi-
samment prise en compte. Aujourd’hui les assistants sociaux sont de plus
en plus conscients de la réalité et de la gravité de ce problème.
Je suis arrivé à cette conclusion que les blessures de l’âme sont malheu-
reusement invisibles et tout autant, sinon plus graves, que les violences
physiques. Cette réflexion m’est venue à la suite d’auteurs américains qui
m’avaient alerté sur le fait que d’après leurs travaux « La maltraitance psychologique
est le cœur de la maltraitance ». J’ai donc introduit dans mes questionnaires une
Pour guérir les enfants maltraités : le droit à la protection
32
échelle de maltraitance psychologique à côté de l’échelle de maltraitance
physique. Les résultats obtenus me conduisent à affirmer que la maltraitance
psychologique à mes yeux est la plus grave et qu’elle fait le plus de dégâts
à long terme. Ce qui ne revient pas à nier ou minimiser la gravité de l’impact
de la maltraitance physique.
Ainsi, lorsque j’ai demandé à des personnes (la plupart âgées de 35 à 50 ans)
qui ont été doublement maltraitées - fortement physiquement et fortement
psychologiquement - « Qu’est-ce qui est le plus grave à vos yeux ? », toutes m’ont
répondu : « La maltraitance psychologique ».
Lorsqu’on en vient aux critères de bien être, les personnes qui ont été
doublement maltraitées vont aujourd’hui mieux que les personnes qui
ont été maltraitées psychologiquement, sans maltraitance physique.
Ce résultat surprenant met à mal la croyance habituelle, la lecture
linéaire et proportionnaliste, qui fait penser que plus on a pris de coups,
plus on va mal.
Comment l’expliquer ? Lorsque l’enfant a été maltraité physiquement, dans
son malheur il a une ressource que les psychologues appellent « l’attribution
de responsabilité » ; autrement dit, il peut poser des mots et des images sur
ses souffrances, il peut attribuer la responsabilité de son malheur à son ou ses
parents. Quand on pose la question : « Est ce que vous vous sentez coupable ? », tous
ceux que j’ai rencontrés et qui ont été « seulement » physiquement maltraités
répondent : « Non. Assez vite j’ai comparé avec d’autres enfants, d’autres parents et j’ai
compris que les miens étaient différents, qu’ils étaient “méchants” ». L’enfant est tapé,
c’est donc l’adulte qui est méchant !
Mais quand l’enfant est « seulement » maltraité psychologiquement, il n’a
pas cette ressource de considérer que le parent est méchant ; au contraire,
celui-ci n’a pas tapé, donc il est gentil, en conséquence l’enfant est coupable,
à ses propres yeux. Prenons l’exemple de ce parent « gentil » qui ne tape
pas mais qui dit « tu es nul, tu ne vaux rien, tu ne feras jamais rien de ta vie », c’est
Pour guérir les enfants maltraités : le droit à la protection
32
échelle de maltraitance psychologique à côté de l’échelle de maltraitance
physique. Les résultats obtenus me conduisent à affirmer que la maltraitance
psychologique à mes yeux est la plus grave et qu’elle fait le plus de dégâts
à long terme. Ce qui ne revient pas à nier ou minimiser la gravité de l’impact
de la maltraitance physique.
Ainsi, lorsque j’ai demandé à des personnes (la plupart âgées de 35 à 50 ans)
qui ont été doublement maltraitées - fortement physiquement et fortement
psychologiquement - « Qu’est-ce qui est le plus grave à vos yeux ? », toutes m’ont
répondu : « La maltraitance psychologique ».
Lorsqu’on en vient aux critères de bien être, les personnes qui ont été
doublement maltraitées vont aujourd’hui mieux que les personnes qui
ont été maltraitées psychologiquement, sans maltraitance physique.
Ce résultat surprenant met à mal la croyance habituelle, la lecture
linéaire et proportionnaliste, qui fait penser que plus on a pris de coups,
plus on va mal.
Comment l’expliquer ? Lorsque l’enfant a été maltraité physiquement, dans
son malheur il a une ressource que les psychologues appellent « l’attribution
de responsabilité » ; autrement dit, il peut poser des mots et des images sur
ses souffrances, il peut attribuer la responsabilité de son malheur à son ou ses
parents. Quand on pose la question : « Est ce que vous vous sentez coupable ? », tous
ceux que j’ai rencontrés et qui ont été « seulement » physiquement maltraités
répondent : « Non. Assez vite j’ai comparé avec d’autres enfants, d’autres parents et j’ai
compris que les miens étaient différents, qu’ils étaient “méchants” ». L’enfant est tapé,
c’est donc l’adulte qui est méchant !
Mais quand l’enfant est « seulement » maltraité psychologiquement, il n’a
pas cette ressource de considérer que le parent est méchant ; au contraire,
celui-ci n’a pas tapé, donc il est gentil, en conséquence l’enfant est coupable,
à ses propres yeux. Prenons l’exemple de ce parent « gentil » qui ne tape
pas mais qui dit « tu es nul, tu ne vaux rien, tu ne feras jamais rien de ta vie », c’est
Pour guérir les enfants maltraités : le droit à la protection
33
une humiliation que l’enfant prend de plein fouet.
En outre, ce point est très important, celui qui s’en sort après avoir été
maltraité physiquement peut se percevoir comme un « héros », il a traversé
l’enfer et il l’a surmonté. La société - par le biais de l’aide à l’enfance par
exemple - le reconnaît comme étant une victime, ce dont on sait que c’est
essentiel pour sa reconstruction. Ce qui est bien plus difficile pour l’enfant
qui n’a subi « que » des violences psychologiques.
Bien évidemment, n’en tirons pas de conclusion cynique ! Il faut tout faire
pour éradiquer la maltraitance physique; soyons aussi très vigilants à la
maltraitance psychologique qui entraîne des dégâts plus importants,
puisqu’elle n’est pas visible à l’œil nu.
Alors, comment la repérer ? Ce n’est pas un travail facile pour les éducateurs,
les enseignants, les médecins et infirmiers scolaires, les travailleurs sociaux.
Des bleus à l’âme ne se repèrent pas aussi facilement que des bleus sur le corps.
Sans tomber dans le repérage à outrance on peut dire qu’il faut s’inquiéter de
tout enfant qui a un air malheureux.
Moi-même, il y a 20 ans, je dirigeais une équipe d’animation de quartier
où les jeunes, surtout des pré-adolescents, se retrouvaient après l’école.
Tous les soirs un père venait chercher son fils en l’interpellant « Hé connard,
viens ! ». Ce sont des propos graves, d’une violence profonde. La maltraitance
psychologique était manifeste, je l’avais sous les yeux. Le père n’avait
aucun scrupule devant les professionnels que nous étions. A l’époque, des
coups m’auraient semblé bien plus graves et m’auraient alerté. N’ayant
pas conscience de la gravité de la maltraitance psychologique je n’ai pas
vraiment réagi, si ce n’est de faire une remarque au père ; aujourd’hui je
réagirais, j’irais jusqu’à alerter les services sociaux. Certes, j’ai rassuré le
gamin mais quel poids cela pouvait-il avoir face à l’injure quotidienne et
humiliante du père ?
Pour guérir les enfants maltraités : le droit à la protection
33
une humiliation que l’enfant prend de plein fouet.
En outre, ce point est très important, celui qui s’en sort après avoir été
maltraité physiquement peut se percevoir comme un « héros », il a traversé
l’enfer et il l’a surmonté. La société - par le biais de l’aide à l’enfance par
exemple - le reconnaît comme étant une victime, ce dont on sait que c’est
essentiel pour sa reconstruction. Ce qui est bien plus difficile pour l’enfant
qui n’a subi « que » des violences psychologiques.
Bien évidemment, n’en tirons pas de conclusion cynique ! Il faut tout faire
pour éradiquer la maltraitance physique; soyons aussi très vigilants à la
maltraitance psychologique qui entraîne des dégâts plus importants,
puisqu’elle n’est pas visible à l’œil nu.
Alors, comment la repérer ? Ce n’est pas un travail facile pour les éducateurs,
les enseignants, les médecins et infirmiers scolaires, les travailleurs sociaux.
Des bleus à l’âme ne se repèrent pas aussi facilement que des bleus sur le corps.
Sans tomber dans le repérage à outrance on peut dire qu’il faut s’inquiéter de
tout enfant qui a un air malheureux.
Moi-même, il y a 20 ans, je dirigeais une équipe d’animation de quartier
où les jeunes, surtout des pré-adolescents, se retrouvaient après l’école.
Tous les soirs un père venait chercher son fils en l’interpellant « Hé connard,
viens ! ». Ce sont des propos graves, d’une violence profonde. La maltraitance
psychologique était manifeste, je l’avais sous les yeux. Le père n’avait
aucun scrupule devant les professionnels que nous étions. A l’époque, des
coups m’auraient semblé bien plus graves et m’auraient alerté. N’ayant
pas conscience de la gravité de la maltraitance psychologique je n’ai pas
vraiment réagi, si ce n’est de faire une remarque au père ; aujourd’hui je
réagirais, j’irais jusqu’à alerter les services sociaux. Certes, j’ai rassuré le
gamin mais quel poids cela pouvait-il avoir face à l’injure quotidienne et
humiliante du père ?
Pour guérir les enfants maltraités : le droit à la protection
34
GUÉRIR DE LA MALTRAITANCE – LA RÉSILIENCE
On sait aujourd’hui qu’il n’y a pas de fatalité. On peut guérir de son
enfance, survivre aux violences subies dans son enfance, grâce au processus
de résilience.
On peut, grâce à un professeur, un éducateur, un parent éloigné, une famille
d’accueil, guérir de ses blessures.
La résilience, c'est ce qui permet à une personne qui a vécu un traumatisme
de vivre une vie heureuse, satisfaisante. En bref, c'est rebondir après
ce traumatisme. Il y a trois piliers fondateurs à la résilience : le lien, la
loi symbolique et le sens. Le lien, c'est l'affection, la reconnaissance ; cela
signifie qu'un enfant maltraité a besoin pour aller mieux qu'un adulte
l'écoute, lui porte de l'attention. La loi symbolique, ce sont les repères,
les règles ; c'est-à-dire qu'il a besoin d'avoir quelqu'un qui lui donne un
cadre, qui le bouscule parfois, qui lui dise où sont les interdits, pour qu'il
puisse se construire. Enfin le sens, c'est l'interprétation de son histoire,
c'est finalement quand il arrive à donner un sens à sa vie et à prendre du
recul par rapport à ce qu'on lui a fait.
Lorsque la maltraitance est avérée et grave et que l’enfant est en danger,
la loi prévoit le placement dans un établissement ou une famille d’accueil.
Pour que l’enfant puisse accomplir sa résilience, les règles de bientraitance
exprimées plus haut doivent également s’y appliquer.
Le lien entre le lien et la loi doit s’établir entre les éducateurs et les enfants
et également – j’insiste sur ce point - entre les éducateurs. Il faut qu’il y ait
entre eux à la fois des attitudes de compréhension mutuelle et des règles
claires indiquant le rôle de chacun.
Pour guérir les enfants maltraités : le droit à la protection
34
GUÉRIR DE LA MALTRAITANCE – LA RÉSILIENCE
On sait aujourd’hui qu’il n’y a pas de fatalité. On peut guérir de son
enfance, survivre aux violences subies dans son enfance, grâce au processus
de résilience.
On peut, grâce à un professeur, un éducateur, un parent éloigné, une famille
d’accueil, guérir de ses blessures.
La résilience, c'est ce qui permet à une personne qui a vécu un traumatisme
de vivre une vie heureuse, satisfaisante. En bref, c'est rebondir après
ce traumatisme. Il y a trois piliers fondateurs à la résilience : le lien, la
loi symbolique et le sens. Le lien, c'est l'affection, la reconnaissance ; cela
signifie qu'un enfant maltraité a besoin pour aller mieux qu'un adulte
l'écoute, lui porte de l'attention. La loi symbolique, ce sont les repères,
les règles ; c'est-à-dire qu'il a besoin d'avoir quelqu'un qui lui donne un
cadre, qui le bouscule parfois, qui lui dise où sont les interdits, pour qu'il
puisse se construire. Enfin le sens, c'est l'interprétation de son histoire,
c'est finalement quand il arrive à donner un sens à sa vie et à prendre du
recul par rapport à ce qu'on lui a fait.
Lorsque la maltraitance est avérée et grave et que l’enfant est en danger,
la loi prévoit le placement dans un établissement ou une famille d’accueil.
Pour que l’enfant puisse accomplir sa résilience, les règles de bientraitance
exprimées plus haut doivent également s’y appliquer.
Le lien entre le lien et la loi doit s’établir entre les éducateurs et les enfants
et également – j’insiste sur ce point - entre les éducateurs. Il faut qu’il y ait
entre eux à la fois des attitudes de compréhension mutuelle et des règles
claires indiquant le rôle de chacun.
Pour guérir les enfants maltraités : le droit à la protection
35
DE MALTRAITÉ À MALTRAITANT – « L’ŒIL CONDAMNANT »
Je terminerai sur un point qui m’est cher. L'idée reçue selon laquelle la
majorité des enfants qui ont subi des violences deviennent eux-mêmes
violents est fausse. Ce n’est pas parce qu’un enfant a été maltraité qu’il est
déterminé à reproduire ce qu’il a vécu, à devenir un gamin ou un adulte
mal dans sa peau et violent. Des études statistiques ont été menées dans
le monde et les chiffres sont clairs : seulement 5 à 10% des enfants maltraités
courent le risque de devenir à leur tour maltraitants.
Quand vous êtes face à un jeune qui a subi des violences dans son enfance,
selon que vous considérez qu’il présente 90% de risques de devenir maltraitant
ou 90% de chances de devenir bientraitant, vous ne lui transmettez pas le même
message.
Toutefois, les mêmes études montrent que 80 à 90 % des parents maltraitants
ont subi des violences dans leur enfance, restons plus que jamais en
alerte pour éviter les maltraitances en apprenant aux parents les règles
d’une éducation équilibrante, pour repérer au plus vite et au mieux les
maltraitances existantes et pour aider les victimes à s’en sortir et à
accomplir leur résilience !
Pour guérir les enfants maltraités : le droit à la protection
35
DE MALTRAITÉ À MALTRAITANT – « L’ŒIL CONDAMNANT »
Je terminerai sur un point qui m’est cher. L'idée reçue selon laquelle la
majorité des enfants qui ont subi des violences deviennent eux-mêmes
violents est fausse. Ce n’est pas parce qu’un enfant a été maltraité qu’il est
déterminé à reproduire ce qu’il a vécu, à devenir un gamin ou un adulte
mal dans sa peau et violent. Des études statistiques ont été menées dans
le monde et les chiffres sont clairs : seulement 5 à 10% des enfants maltraités
courent le risque de devenir à leur tour maltraitants.
Quand vous êtes face à un jeune qui a subi des violences dans son enfance,
selon que vous considérez qu’il présente 90% de risques de devenir maltraitant
ou 90% de chances de devenir bientraitant, vous ne lui transmettez pas le même
message.
Toutefois, les mêmes études montrent que 80 à 90 % des parents maltraitants
ont subi des violences dans leur enfance, restons plus que jamais en
alerte pour éviter les maltraitances en apprenant aux parents les règles
d’une éducation équilibrante, pour repérer au plus vite et au mieux les
maltraitances existantes et pour aider les victimes à s’en sortir et à
accomplir leur résilience !
LA PAROLE AUX ENFANTS, DÉCISION COMBATTUE PAR L’ADMINISTRATION
DONNER aux enfants les moyens d’exprimer leur avis individuellement et
collectivement à l’école, et les associer aux décisions concernant la vie
scolaire et leur travail, n’est pas une pratique nouvelle. Dès la fin du XIXe
siècle et tout au long du XXe, ce sont non seulement des pionniers tels
que Paul Robin, Francisco Ferrer, Korczak, Pistrak, Freinet, Neil... mais de
nombreux militants des Mouvements pédagogiques, qui ont pris l’initiative
d’accorder aux enfants des droits et des libertés dans des écoles où souvent
l’obéissance demeurait une vertu et la règle. Cette décision ne relevait que
de leurs seules convictions et elle était souvent combattue par l’administration,
mais aussi par leurs collègues et parfois des parents.
Un siècle après, les oppositions subsistent.
Toutefois, aujourd’hui, contrairement à cette époque, il ne relève plus de la
seule décision des éducateurs et des enseignants de savoir si on donne
la parole aux enfants et si on les associe aux décisions. C’est un droit
fondamental que le législateur et les autorités administratives de notre pays
se devaient d’aménager en accord avec l’évolution des capacités de l’enfant.
L’ATTITUDE DE L’ETAT FRANÇAIS
L’attitude de l’Etat français à cet égard est très paradoxale.
On a pu se réjouir quand, dans son rapport1, présenté à l'Assemblée Nationale
en 1990, pour la ratification de la Convention Internationale des Droits de
l’Enfant, la députée Denise Cacheux écrivait que : « Ce droit d'expression
peut être décomposé en trois points :
• le droit de s'exprimer, de parler, de donner son avis;
• le droit d'être écouté, d'être cru ;
• le droit de participer au processus de décision et même de prendre seul
des décisions. »
36
Pour une citoyenneté participative : le droit à la parole par Jean Le Gal
1 Cacheux Denise, 1990, Rapport d'information
LA PAROLE AUX ENFANTS, DÉCISION COMBATTUE PAR L’ADMINISTRATION
DONNER aux enfants les moyens d’exprimer leur avis individuellement et
collectivement à l’école, et les associer aux décisions concernant la vie
scolaire et leur travail, n’est pas une pratique nouvelle. Dès la fin du XIXe
siècle et tout au long du XXe, ce sont non seulement des pionniers tels
que Paul Robin, Francisco Ferrer, Korczak, Pistrak, Freinet, Neil... mais de
nombreux militants des Mouvements pédagogiques, qui ont pris l’initiative
d’accorder aux enfants des droits et des libertés dans des écoles où souvent
l’obéissance demeurait une vertu et la règle. Cette décision ne relevait que
de leurs seules convictions et elle était souvent combattue par l’administration,
mais aussi par leurs collègues et parfois des parents.
Un siècle après, les oppositions subsistent.
Toutefois, aujourd’hui, contrairement à cette époque, il ne relève plus de la
seule décision des éducateurs et des enseignants de savoir si on donne
la parole aux enfants et si on les associe aux décisions. C’est un droit
fondamental que le législateur et les autorités administratives de notre pays
se devaient d’aménager en accord avec l’évolution des capacités de l’enfant.
L’ATTITUDE DE L’ETAT FRANÇAIS
L’attitude de l’Etat français à cet égard est très paradoxale.
On a pu se réjouir quand, dans son rapport1, présenté à l'Assemblée Nationale
en 1990, pour la ratification de la Convention Internationale des Droits de
l’Enfant, la députée Denise Cacheux écrivait que : « Ce droit d'expression
peut être décomposé en trois points :
• le droit de s'exprimer, de parler, de donner son avis;
• le droit d'être écouté, d'être cru ;
• le droit de participer au processus de décision et même de prendre seul
des décisions. »
36
Pour une citoyenneté participative : le droit à la parole par Jean Le Gal
1 Cacheux Denise, 1990, Rapport d'information
Le rapport 2002, présenté par la France au Comité des Droits de l’Enfant des
Nations Unies, se contente d’indiquer que « les craintes que cet article a suscitées
ont permis d’attirer l’attention des parents et des éducateurs sur des discours et des pratiques
contraires à l’intérêt de l’enfant. Un consensus s’est établi autour des idées suivantes : s’exprimer
ne veut pas dire décider. Respecter l’opinion de l’enfant, c’est l’écouter mais pas forcément
entériner ses choix. » La Défenseuse des enfants a d’ailleurs considéré, dans
son rapport, que la « question des libertés d’expression, de réunion et d’association des
mineurs, ces libertés citoyennes consacrées par la Convention Internationale sur les droits
de l’enfant, est aujourd’hui en panne. »
Entre temps la France avait été rappelée à l’ordre en 1993. A cette date, le
Comité des Droits de l'Enfant, après l’examen du premier rapport de la
France, demandait à l’Etat « d'examiner plus avant les moyens d'encourager
l'expression de l'opinion des enfants et de faire en sorte que leur avis soit dûment
pris en considération dans toute décision qui concerne leur vie, en particulier à l'école
et au sein de la communauté locale. ».
Des textes récents sont venus renforcer la nécessité de mettre en oeuvre
le droit de participation des enfants :
• La loi du 4 mars 2002 a redéfini l’autorité parentale comme un ensemble de
droits et de devoirs appartenant aux père et mère pour protéger l’enfant dans
sa santé, sa sécurité et sa moralité, pour assurer son éducation et permettre son
développement mais elle dit aussi que « les parents associent l’enfant aux décisions
qui le concernent selon son âge et son degré de maturité ».
• Le rapport 2003 de l’UNICEF sur « la situation des enfants dans le Monde »
estime que pour être « authentique et efficace » la participation des enfants « passe
par un changement radical des modes de réflexion et de comportement des adultes ». Et cela
suppose « que les adultes partagent avec eux la gestion, le pouvoir, la prise de décision
et l’information. », celle-ci devant être adaptée à leur niveau particulier de
développement intellectuel.
37
Le rapport 2002, présenté par la France au Comité des Droits de l’Enfant des
Nations Unies, se contente d’indiquer que « les craintes que cet article a suscitées
ont permis d’attirer l’attention des parents et des éducateurs sur des discours et des pratiques
contraires à l’intérêt de l’enfant. Un consensus s’est établi autour des idées suivantes : s’exprimer
ne veut pas dire décider. Respecter l’opinion de l’enfant, c’est l’écouter mais pas forcément
entériner ses choix. » La Défenseuse des enfants a d’ailleurs considéré, dans
son rapport, que la « question des libertés d’expression, de réunion et d’association des
mineurs, ces libertés citoyennes consacrées par la Convention Internationale sur les droits
de l’enfant, est aujourd’hui en panne. »
Entre temps la France avait été rappelée à l’ordre en 1993. A cette date, le
Comité des Droits de l'Enfant, après l’examen du premier rapport de la
France, demandait à l’Etat « d'examiner plus avant les moyens d'encourager
l'expression de l'opinion des enfants et de faire en sorte que leur avis soit dûment
pris en considération dans toute décision qui concerne leur vie, en particulier à l'école
et au sein de la communauté locale. ».
Des textes récents sont venus renforcer la nécessité de mettre en oeuvre
le droit de participation des enfants :
• La loi du 4 mars 2002 a redéfini l’autorité parentale comme un ensemble de
droits et de devoirs appartenant aux père et mère pour protéger l’enfant dans
sa santé, sa sécurité et sa moralité, pour assurer son éducation et permettre son
développement mais elle dit aussi que « les parents associent l’enfant aux décisions
qui le concernent selon son âge et son degré de maturité ».
• Le rapport 2003 de l’UNICEF sur « la situation des enfants dans le Monde »
estime que pour être « authentique et efficace » la participation des enfants « passe
par un changement radical des modes de réflexion et de comportement des adultes ». Et cela
suppose « que les adultes partagent avec eux la gestion, le pouvoir, la prise de décision
et l’information. », celle-ci devant être adaptée à leur niveau particulier de
développement intellectuel.
37
Pour une citoyenneté participative : le droit à la parole
L’espoir s’amplifie depuis mai 2005 avec l’arrêt de la cour de cassation qui
vient d’affirmer pour la première fois que désormais toutes les décisions
devaient se fonder sur l’intérêt supérieur de l’enfant.
De ce fait l’article 12 de la Convention Internationale doit devenir d’application
directe ainsi que les autres libertés fondamentales qui, pour la Commission
d’enquête, mise en place en 1998 par l’Assemblée Nationale, constituent des
libertés publiques, véritables « droits de l’homme de l’enfant ».
Or, dans l’Education Nationale pour l’instant, seuls les lycéens peuvent
exercer ces libertés. Encore l’ont-ils obtenu après leur manifestation de 1990.
Au niveau de l’école élémentaire, cela ne figure encore nulle part.
L’ENFANT EST UN CITOYEN À PART ENTIÈRE
Il est vrai que tous ceux qui ont autorité sur l’enfant ont exercé depuis des
siècles un pouvoir quasi absolu sur lui, même dans le cadre d’une relation
éducative aimante et attentive. Il leur est difficile de concevoir qu’il soit,
aujourd’hui, leur égal en droits et qu’ils ont pour mission de l’accompagner
dans l’exercice de ces droits tout en lui assurant sécurité et protection.
Nous sommes pourtant dans l’obligation de construire une nouvelle relation
éducative sur les bases définies par la Convention internationale.
Désormais l'enfant est une personne à part entière dont la dignité doit
être respectée. Il peut prétendre à l'exercice des libertés d'expression,
d'association, de réunion, de pensée, de conscience, de religion et au
respect de sa vie privée. Et si, pour des raisons de protection, d'éducation,
de capacité de discernement, nous pouvons et devons fixer des limites à
l'exercice de ces libertés fondamentales, il n'est pas en notre pouvoir de
les supprimer.
Titulaire de libertés publiques et d’un véritable droit de participation, l’enfant
peut être considéré comme un citoyen, et non plus un citoyen en devenir.
C’est ici un nouveau champ de débats et de controverses qui nous oblige à
38
Pour une citoyenneté participative : le droit à la parole
L’espoir s’amplifie depuis mai 2005 avec l’arrêt de la cour de cassation qui
vient d’affirmer pour la première fois que désormais toutes les décisions
devaient se fonder sur l’intérêt supérieur de l’enfant.
De ce fait l’article 12 de la Convention Internationale doit devenir d’application
directe ainsi que les autres libertés fondamentales qui, pour la Commission
d’enquête, mise en place en 1998 par l’Assemblée Nationale, constituent des
libertés publiques, véritables « droits de l’homme de l’enfant ».
Or, dans l’Education Nationale pour l’instant, seuls les lycéens peuvent
exercer ces libertés. Encore l’ont-ils obtenu après leur manifestation de 1990.
Au niveau de l’école élémentaire, cela ne figure encore nulle part.
L’ENFANT EST UN CITOYEN À PART ENTIÈRE
Il est vrai que tous ceux qui ont autorité sur l’enfant ont exercé depuis des
siècles un pouvoir quasi absolu sur lui, même dans le cadre d’une relation
éducative aimante et attentive. Il leur est difficile de concevoir qu’il soit,
aujourd’hui, leur égal en droits et qu’ils ont pour mission de l’accompagner
dans l’exercice de ces droits tout en lui assurant sécurité et protection.
Nous sommes pourtant dans l’obligation de construire une nouvelle relation
éducative sur les bases définies par la Convention internationale.
Désormais l'enfant est une personne à part entière dont la dignité doit
être respectée. Il peut prétendre à l'exercice des libertés d'expression,
d'association, de réunion, de pensée, de conscience, de religion et au
respect de sa vie privée. Et si, pour des raisons de protection, d'éducation,
de capacité de discernement, nous pouvons et devons fixer des limites à
l'exercice de ces libertés fondamentales, il n'est pas en notre pouvoir de
les supprimer.
Titulaire de libertés publiques et d’un véritable droit de participation, l’enfant
peut être considéré comme un citoyen, et non plus un citoyen en devenir.
C’est ici un nouveau champ de débats et de controverses qui nous oblige à
38
Pour une citoyenneté participative : le droit à la parole
préciser ce que nous entendons par « citoyenneté » et à apporter des
arguments pour soutenir le droit de l’enfant à exercer une citoyenneté
active et responsable tout en s’y formant. « Citoyen, l’enfant devient citoyen »2
par la pratique même de cette citoyenneté. Ce qui revient à affirmer, comme
Freinet, que « c’est en forgeant qu’on devient forgeron » ou comme Dewey, que « seule
la pratique de la démocratie forme à l’exercice de la démocratie »3. C’est en pariant sur la
liberté, l’autonomie, la responsabilité, la capacité de jugement de l’enfant
qu’on va lui permettre de les actualiser et de devenir un citoyen libre,
autonome, responsable, capable de vivre avec les autres dans une
société démocratique.
Pour moi, un citoyen actif et responsable doit donc faire entendre son avis,
proposer des projets et des solutions aux problèmes, s’associer aux débats
et aux prises de décision concernant les actions et l’élaboration des règles de
la vie collective, et assumer des responsabilités dans leur mise en oeuvre.
C’est ce que j’appelle la citoyenneté participative. La participation
concerne tous les citoyens partout où ils se trouvent, habitants dans la
ville, travailleurs dans les entreprises, enseignants et parents dans les
établissements scolaires... mais aussi enfants et jeunes dans la famille,
l’école, les institutions éducatives et les centres de loisirs...
LES QUESTIONS QUI SE POSENT QUANT À LA CITOYENNETÉ DES ENFANTS
Concernant les enfants et les jeunes, dans de nombreux pays, des actions
novatrices sont mises en place. L’étude de ces expériences, à l’école4 et
dans d’autres institutions éducatives, m’a permis de constater que, quels
que soient les lieux, les mêmes questions se posent :
• comment faire pour que tous les enfants puissent donner leur avis et être
associés aux décisions et à leur application ?
• quelles institutions et structures doivent être créées et comment faire
pour que tous puissent y exercer des responsabilités tout en maintenant
leur efficacité ?
39
2 C’est déjà le processus que défendaient, en 1980, Denise DURIF, Jeannine BARDONNET-DITTE et Jeannine MERCIER, dans leurouvrage Les citoyens de la maternelle (Paris, Nathan, 1980)3 DEWEY John, Démocratie et éducation, Paris, Armand Colin, 19904 LE GAL Jean, Les droits de l’enfant à l’école. Pour une éducation à la citoyenneté, Bruxelles, DeBoeck-Belin, 2002. Los derechos delnino en la escuela. Una educacion para la ciudadania, Barcelone, GRAO, 2005
Pour une citoyenneté participative : le droit à la parole
préciser ce que nous entendons par « citoyenneté » et à apporter des
arguments pour soutenir le droit de l’enfant à exercer une citoyenneté
active et responsable tout en s’y formant. « Citoyen, l’enfant devient citoyen »2
par la pratique même de cette citoyenneté. Ce qui revient à affirmer, comme
Freinet, que « c’est en forgeant qu’on devient forgeron » ou comme Dewey, que « seule
la pratique de la démocratie forme à l’exercice de la démocratie »3. C’est en pariant sur la
liberté, l’autonomie, la responsabilité, la capacité de jugement de l’enfant
qu’on va lui permettre de les actualiser et de devenir un citoyen libre,
autonome, responsable, capable de vivre avec les autres dans une
société démocratique.
Pour moi, un citoyen actif et responsable doit donc faire entendre son avis,
proposer des projets et des solutions aux problèmes, s’associer aux débats
et aux prises de décision concernant les actions et l’élaboration des règles de
la vie collective, et assumer des responsabilités dans leur mise en oeuvre.
C’est ce que j’appelle la citoyenneté participative. La participation
concerne tous les citoyens partout où ils se trouvent, habitants dans la
ville, travailleurs dans les entreprises, enseignants et parents dans les
établissements scolaires... mais aussi enfants et jeunes dans la famille,
l’école, les institutions éducatives et les centres de loisirs...
LES QUESTIONS QUI SE POSENT QUANT À LA CITOYENNETÉ DES ENFANTS
Concernant les enfants et les jeunes, dans de nombreux pays, des actions
novatrices sont mises en place. L’étude de ces expériences, à l’école4 et
dans d’autres institutions éducatives, m’a permis de constater que, quels
que soient les lieux, les mêmes questions se posent :
• comment faire pour que tous les enfants puissent donner leur avis et être
associés aux décisions et à leur application ?
• quelles institutions et structures doivent être créées et comment faire
pour que tous puissent y exercer des responsabilités tout en maintenant
leur efficacité ?
39
2 C’est déjà le processus que défendaient, en 1980, Denise DURIF, Jeannine BARDONNET-DITTE et Jeannine MERCIER, dans leurouvrage Les citoyens de la maternelle (Paris, Nathan, 1980)3 DEWEY John, Démocratie et éducation, Paris, Armand Colin, 19904 LE GAL Jean, Les droits de l’enfant à l’école. Pour une éducation à la citoyenneté, Bruxelles, DeBoeck-Belin, 2002. Los derechos delnino en la escuela. Una educacion para la ciudadania, Barcelone, GRAO, 2005
• quel sera leur pouvoir réel et dans quels domaines pourront-ils l’exercer,
les limites à ce pouvoir devant être clairement explicitées ?
• quelles compétences sont nécessaires et quels apprentissages doivent
être organisés pour que tous soient formés à une participation active et
responsable et pas seulement quelques élus ?
• dans le cadre du respect de la dignité de l’enfant et des principes du
droit, quelles seront les procédures d’élaboration et d’application des
règles de la vie collective ?
De nombreux lieux existent déjà qui ont pour objectif de permettre aux
enfants et aux jeunes de participer à la gestion de la vie collective et ainsi
de s’initier à la vie démocratique : conseils de classe ou de groupe, conseils
de délégués, conseils municipaux d’enfants et de jeunes, parlement d’enfants,
association de mineurs...
QUE FAIRE POUR UNE CITOYENNETÉ PARTICIPATIVE DES ENFANTS
Ce que nous demandons à l’Etat français c’est de faire connaître ces
expériences, de les encourager et les faciliter par les textes dans les
domaines où il a des pouvoirs - en particulier dans l’école.
En cette « Année européenne de la citoyenneté par l’éducation », initiée
par le Conseil de l’Europe5, le ministère norvégien de l’enfance et de la
famille organise à l’échelle du pays comme au niveau local « des ateliers de
réflexion sur l’avenir au cours desquels les enfants et les jeunes gens sont
invités à exprimer leurs suggestions… pour qu’ils puissent avoir une
influence sur les circonstances qui affectent leur vie de tous les jours… 75%
des communes norvégiennes ont créé des conseils regroupant les enfants
et les jeunes pour les impliquer dans le processus de planification et de
décision locale. »
Le cas norvégien n’est pas exceptionnel dans une démocratie. Il serait utile
qu’il en inspire de nombreux autres.
40
5 Conseil de l’Europe, Apprendre et vivre la démocratie. Etude paneuropéenne des politiques d’éducation à la citoyenneté démocratique, Strasbourg, mai 2005
Pour une citoyenneté participative : le droit à la parole
• quel sera leur pouvoir réel et dans quels domaines pourront-ils l’exercer,
les limites à ce pouvoir devant être clairement explicitées ?
• quelles compétences sont nécessaires et quels apprentissages doivent
être organisés pour que tous soient formés à une participation active et
responsable et pas seulement quelques élus ?
• dans le cadre du respect de la dignité de l’enfant et des principes du
droit, quelles seront les procédures d’élaboration et d’application des
règles de la vie collective ?
De nombreux lieux existent déjà qui ont pour objectif de permettre aux
enfants et aux jeunes de participer à la gestion de la vie collective et ainsi
de s’initier à la vie démocratique : conseils de classe ou de groupe, conseils
de délégués, conseils municipaux d’enfants et de jeunes, parlement d’enfants,
association de mineurs...
QUE FAIRE POUR UNE CITOYENNETÉ PARTICIPATIVE DES ENFANTS
Ce que nous demandons à l’Etat français c’est de faire connaître ces
expériences, de les encourager et les faciliter par les textes dans les
domaines où il a des pouvoirs - en particulier dans l’école.
En cette « Année européenne de la citoyenneté par l’éducation », initiée
par le Conseil de l’Europe5, le ministère norvégien de l’enfance et de la
famille organise à l’échelle du pays comme au niveau local « des ateliers de
réflexion sur l’avenir au cours desquels les enfants et les jeunes gens sont
invités à exprimer leurs suggestions… pour qu’ils puissent avoir une
influence sur les circonstances qui affectent leur vie de tous les jours… 75%
des communes norvégiennes ont créé des conseils regroupant les enfants
et les jeunes pour les impliquer dans le processus de planification et de
décision locale. »
Le cas norvégien n’est pas exceptionnel dans une démocratie. Il serait utile
qu’il en inspire de nombreux autres.
40
5 Conseil de l’Europe, Apprendre et vivre la démocratie. Etude paneuropéenne des politiques d’éducation à la citoyenneté démocratique, Strasbourg, mai 2005
Pour une citoyenneté participative : le droit à la parole
Pour une citoyenneté participative : le droit à la parole
En France, des enseignants et des éducateurs novateurs tentent de faire
bouger les choses avec leurs moyens. Mais on sait que l’évolution vers une
généralisation des droits de l’enfant à l’école et dans les autres institutions
éducatives passe par la loi, les règlements et la formation.
Des actions comme Novembre en Enfance permettront, nous l’espérons, d’aller
de l’avant…
En créant et en faisant fonctionner des institutions démocratiques, en
élaborant des règles de vie commune, en réalisant des projets collectifs,
les enfants apprennent la nécessité du respect de l’autre et de ses droits,
les exigences de la vie en collectivité qui impliquent de s’engager et
d’assumer des responsabilités. Mais ils apprennent aussi à être des êtres
libres qui n’acceptent pas de subir des contraintes injustifiées ou des
décisions prises sans demander leur avis.
Nous estimons ces pratiques participatives conformes à l’intérêt supérieur
de l’enfant et aux droits que lui reconnaît la Convention internationale. Cet
exercice, accompagné de la citoyenneté des enfants, est une voie féconde
pour la formation des citoyens actifs et responsables qu’exige aujourd’hui
la démocratie.
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Pour une citoyenneté participative : le droit à la parole
En France, des enseignants et des éducateurs novateurs tentent de faire
bouger les choses avec leurs moyens. Mais on sait que l’évolution vers une
généralisation des droits de l’enfant à l’école et dans les autres institutions
éducatives passe par la loi, les règlements et la formation.
Des actions comme Novembre en Enfance permettront, nous l’espérons, d’aller
de l’avant…
En créant et en faisant fonctionner des institutions démocratiques, en
élaborant des règles de vie commune, en réalisant des projets collectifs,
les enfants apprennent la nécessité du respect de l’autre et de ses droits,
les exigences de la vie en collectivité qui impliquent de s’engager et
d’assumer des responsabilités. Mais ils apprennent aussi à être des êtres
libres qui n’acceptent pas de subir des contraintes injustifiées ou des
décisions prises sans demander leur avis.
Nous estimons ces pratiques participatives conformes à l’intérêt supérieur
de l’enfant et aux droits que lui reconnaît la Convention internationale. Cet
exercice, accompagné de la citoyenneté des enfants, est une voie féconde
pour la formation des citoyens actifs et responsables qu’exige aujourd’hui
la démocratie.
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Pour le sourire d’un enfant sauvé de la maladie :le droit à la santé par François-Xavier Roux
PLUTÔT que de dresser un inventaire statistique de la situation sanitaire
des enfants dans le monde, je souhaite à l’occasion de l’opération Novembre
en Enfance, vous faire partager mes plus intimes convictions.
UNE INÉGALITÉ CRIANTE
Une constatation s’impose : les enfants sont les premières victimes de
leur lieu de naissance ; la moitié des enfants nés dans un pays en voie de
développement, en Afrique ou en Asie, n’atteindra pas l’âge de cinq ans…
Cette inégalité des chances justifie à elle seule toute action humanitaire,
politique, éthique et médicale. C’est une situation inacceptable.
LE DROIT À LA SANTÉ
Platon disait que « la pire des choses qui puisse survenir à un être humain
c’est de naître sur terre ». Mais à partir du moment où il a reçu la vie, nous
avons le devoir de lui donner les moyens de continuer à vivre dans les
meilleures ou, pour le moins, les moins mauvaises conditions possibles.
SANTÉ PHYSIQUE ET SANTÉ MORALE
La plupart des gens pensent spontanément à la notion de santé physique.
Mais il ne faut pas sous-estimer l’importance de la santé morale. Ainsi, chacun
se souvient des images terrifiantes qui ont envahi les écrans du monde
entier après le passage du tsunami en Asie du sud-est à Noël dernier. Lors
de notre premier séjour, en janvier, dans un camp de réfugiés à Sumatra, ce
que nous avons vu de plus poignant ce sont des foules d’enfants « morts de
l’intérieur » car ils avaient tout perdu : leurs parents, leurs frères et sœurs, leur
maison, leurs jouets, leur « doudou ». Je garde le souvenir particulier d’une
petite fille adorable, en « bonne santé » et qui nous a tous bouleversés…
car on voyait à son regard vide, qu’elle était « détruite » de l’intérieur.
42
Pour le sourire d’un enfant sauvé de la maladie :le droit à la santé par François-Xavier Roux
PLUTÔT que de dresser un inventaire statistique de la situation sanitaire
des enfants dans le monde, je souhaite à l’occasion de l’opération Novembre
en Enfance, vous faire partager mes plus intimes convictions.
UNE INÉGALITÉ CRIANTE
Une constatation s’impose : les enfants sont les premières victimes de
leur lieu de naissance ; la moitié des enfants nés dans un pays en voie de
développement, en Afrique ou en Asie, n’atteindra pas l’âge de cinq ans…
Cette inégalité des chances justifie à elle seule toute action humanitaire,
politique, éthique et médicale. C’est une situation inacceptable.
LE DROIT À LA SANTÉ
Platon disait que « la pire des choses qui puisse survenir à un être humain
c’est de naître sur terre ». Mais à partir du moment où il a reçu la vie, nous
avons le devoir de lui donner les moyens de continuer à vivre dans les
meilleures ou, pour le moins, les moins mauvaises conditions possibles.
SANTÉ PHYSIQUE ET SANTÉ MORALE
La plupart des gens pensent spontanément à la notion de santé physique.
Mais il ne faut pas sous-estimer l’importance de la santé morale. Ainsi, chacun
se souvient des images terrifiantes qui ont envahi les écrans du monde
entier après le passage du tsunami en Asie du sud-est à Noël dernier. Lors
de notre premier séjour, en janvier, dans un camp de réfugiés à Sumatra, ce
que nous avons vu de plus poignant ce sont des foules d’enfants « morts de
l’intérieur » car ils avaient tout perdu : leurs parents, leurs frères et sœurs, leur
maison, leurs jouets, leur « doudou ». Je garde le souvenir particulier d’une
petite fille adorable, en « bonne santé » et qui nous a tous bouleversés…
car on voyait à son regard vide, qu’elle était « détruite » de l’intérieur.
42
En février, quand nous y sommes retournés avec le matériel médical
indispensable pour soigner, nous avions aussi prévu un container entier
de jouets tout simples, des poupées et des ballons et nous avons eu la
joie de voir les enfants retrouver le sourire.
AUJOURD’HUI PLUS D’EXCUSES
L’article 24 de la Convention est clair. Il stipule que les états reconnaissent
le droit de l’enfant de jouir du meilleur état de santé possible.
A partir de là, ne pas la respecter nous fait basculer dans l’illégalité morale.
Un des côtés positifs de la mondialisation est l’accès à l’information.
Aujourd’hui, nous savons. Nous sommes tous concernés et nous n’avons
plus d’excuses pour ne pas agir.
A CEUX QUI PENSENT QUE LE PROBLÈME EST TROP VASTE POUR S’Y ATTAQUER
Je répondrai qu’il n’existe pas de baguette magique pour y remédier.
Mais, chacun peut s’attaquer à son niveau, avec ses compétences à cette
injustice. Une goutte d’eau dans l’océan c’est toujours une goutte d’eau.
Une vie, c’est une vie.
Un donateur, une entreprise, un médecin, une famille d’accueil ou un journa-
liste, ce sont les maillons d’une chaîne qui s’imbriquent les uns avec les autres.
Témoigner, informer, communiquer, agir : c’est aussi le but que s’est fixé
l’opération Novembre en Enfance pour sensibiliser les opinions publiques,
institutionnelles et politiques.
SAUVER UN ENFANT C’EST SAUVER LE MONDE
Aider un enfant à devenir adulte dans les meilleures conditions possibles,
c’est aussi le préparer à assurer les responsabilités futures pour son pays.
Les enfants de tout pays sont l’avenir du monde, l’avenir de l’humanité.
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En février, quand nous y sommes retournés avec le matériel médical
indispensable pour soigner, nous avions aussi prévu un container entier
de jouets tout simples, des poupées et des ballons et nous avons eu la
joie de voir les enfants retrouver le sourire.
AUJOURD’HUI PLUS D’EXCUSES
L’article 24 de la Convention est clair. Il stipule que les états reconnaissent
le droit de l’enfant de jouir du meilleur état de santé possible.
A partir de là, ne pas la respecter nous fait basculer dans l’illégalité morale.
Un des côtés positifs de la mondialisation est l’accès à l’information.
Aujourd’hui, nous savons. Nous sommes tous concernés et nous n’avons
plus d’excuses pour ne pas agir.
A CEUX QUI PENSENT QUE LE PROBLÈME EST TROP VASTE POUR S’Y ATTAQUER
Je répondrai qu’il n’existe pas de baguette magique pour y remédier.
Mais, chacun peut s’attaquer à son niveau, avec ses compétences à cette
injustice. Une goutte d’eau dans l’océan c’est toujours une goutte d’eau.
Une vie, c’est une vie.
Un donateur, une entreprise, un médecin, une famille d’accueil ou un journa-
liste, ce sont les maillons d’une chaîne qui s’imbriquent les uns avec les autres.
Témoigner, informer, communiquer, agir : c’est aussi le but que s’est fixé
l’opération Novembre en Enfance pour sensibiliser les opinions publiques,
institutionnelles et politiques.
SAUVER UN ENFANT C’EST SAUVER LE MONDE
Aider un enfant à devenir adulte dans les meilleures conditions possibles,
c’est aussi le préparer à assurer les responsabilités futures pour son pays.
Les enfants de tout pays sont l’avenir du monde, l’avenir de l’humanité.
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Pour le sourire d’un enfant sauvé de la maladie : le droit à la santé
44
LE DEVOIR D’INGÉRENCE
Je crois davantage au devoir d’ingérence plutôt qu’au droit d’ingérence.
C’est une question d’éthique et de morale.
Nous avons, en tant que médecins, le devoir d’aider les populations et les
enfants en péril au risque, parfois, de contourner le droit.
Ce fut par exemple le cas en Erythrée et en Afghanistan dans les années
80 où nous sommes partis pour venir en aide aux populations.
ON NE S’HABITUE JAMAIS AU MALHEUR D’UN ENFANT
Il n’y a rien de plus injuste que la souffrance d’un enfant.
En neurochirurgie, nous sommes confrontés à des drames fréquents que
ce soit en France ou au Cambodge où j’opère avec l’association La Chaîne
de l’Espoir.
Lorsqu’on se trouve devant un enfant qui a un traumatisme crânien, qui
est dans le coma ou qui développe une tumeur cérébrale, comment le
prendre en charge, comment dire à ses parents, à sa famille qu’il ne va
peut-être pas survivre ? J’ai du mal à contenir mon émotion.
On ne s’habitue jamais.
NE JAMAIS SE DÉCOURAGER
Les médecins humanitaires sont souvent interrogés sur l’efficacité de leur
action dans « certains » pays dont la probité des gouvernements n’est pas
démontrée.
Officiellement, tous les pays sont ouverts à l’aide humanitaire. Il est vrai
que certains d’entre eux la tolèrent afin de se donner une image positive
vis à vis de la communauté internationale. Faut-il pour autant s’arrêter ?
Pour le sourire d’un enfant sauvé de la maladie : le droit à la santé
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LE DEVOIR D’INGÉRENCE
Je crois davantage au devoir d’ingérence plutôt qu’au droit d’ingérence.
C’est une question d’éthique et de morale.
Nous avons, en tant que médecins, le devoir d’aider les populations et les
enfants en péril au risque, parfois, de contourner le droit.
Ce fut par exemple le cas en Erythrée et en Afghanistan dans les années
80 où nous sommes partis pour venir en aide aux populations.
ON NE S’HABITUE JAMAIS AU MALHEUR D’UN ENFANT
Il n’y a rien de plus injuste que la souffrance d’un enfant.
En neurochirurgie, nous sommes confrontés à des drames fréquents que
ce soit en France ou au Cambodge où j’opère avec l’association La Chaîne
de l’Espoir.
Lorsqu’on se trouve devant un enfant qui a un traumatisme crânien, qui
est dans le coma ou qui développe une tumeur cérébrale, comment le
prendre en charge, comment dire à ses parents, à sa famille qu’il ne va
peut-être pas survivre ? J’ai du mal à contenir mon émotion.
On ne s’habitue jamais.
NE JAMAIS SE DÉCOURAGER
Les médecins humanitaires sont souvent interrogés sur l’efficacité de leur
action dans « certains » pays dont la probité des gouvernements n’est pas
démontrée.
Officiellement, tous les pays sont ouverts à l’aide humanitaire. Il est vrai
que certains d’entre eux la tolèrent afin de se donner une image positive
vis à vis de la communauté internationale. Faut-il pour autant s’arrêter ?
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Pour le sourire d’un enfant sauvé de la maladie : le droit à la santé
Pour moi, il n’en est pas question. Entrouvrir des portes et sauver quelques
enfants, cela vaut tout de même la peine.
On nous demande aussi régulièrement si nous ressentons parfois un certain
découragement. Bien au contraire ! Ce ne sont que des encouragements.
Quand on sauve un enfant et qu’on le voit sourire à nouveau, c’est la
justification même de notre action, c’est magique à chaque fois.
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Pour le sourire d’un enfant sauvé de la maladie : le droit à la santé
Pour moi, il n’en est pas question. Entrouvrir des portes et sauver quelques
enfants, cela vaut tout de même la peine.
On nous demande aussi régulièrement si nous ressentons parfois un certain
découragement. Bien au contraire ! Ce ne sont que des encouragements.
Quand on sauve un enfant et qu’on le voit sourire à nouveau, c’est la
justification même de notre action, c’est magique à chaque fois.
Pour leur accès à l’éducation et aux loisirs, contre l’exploitation des enfants au travail par Bernard Schlemmer
46
DE tous temps, il y eut des enfants au travail et parfois, leur exploitation
économique prend une ampleur telle que la question devient un enjeu de
société. Ce fut le cas en Occident, au XIXe siècle ; c’est le cas aujourd’hui,
particulièrement dans les pays qui n’ont, pour répondre à la concurrence
mondialisée, d’autre avantage comparatif que le coût de leur main-d’œuvre.
L’ÉTAT DES LIEUX
Selon l’Organisation Internationale du Travail (OIT) - l’institution des Nations
unies spécifiquement en charge du problème -, ce XXIe siècle a débuté en
comptant « environ 180 millions d’enfants (…) assujettis aux pires formes
d’exploitation, à savoir les travaux dangereux et les formes intrinsèquement
condamnables »6. Ces enfants-là risquent tous les jours leur santé, parfois
leur vie même, et perdent toute chance de peser sur leur avenir d’adulte,
du fait de la nature même du travail qu’ils sont contraints d’exercer : celui-ci
relève de l’esclavage et de la traite, du recrutement forcé dans des conflits
armés, de la prostitution ou de l’exploitation à des fins de pornographie
ou de trafics illicites (drogue, etc) ou encore porte directement et gravement
atteinte à leur développement physique et mental.
En 1989, l’ONU adopte la Convention sur les Droits de l’Enfant, notamment
celui « d’être protégé contre l’exploitation économique et de n’être astreint
à aucun travail comportant des risques ou susceptibles de compromettre
son éducation ou de nuire à sa santé ou à son développement physique,
mental, spirituel ou social »7. Que faire pour que ce droit soit effectif ? Pour
répondre, l’OIT - qui disposait déjà de la Convention 138 sur l’âge minimum
d’admission à l’emploi - s’est dotée, en 1992, d’un outil spécifique, l’IPEC
(International Programm for Elimination of Child Labour) et, en 1999, de la
Convention 182 sur l’abolition des pires formes du travail des enfants ;
l’UNICEF et la Banque Mondiale se sont unies à l’OIT dans un projet commun
- Understanding Children’s Work and its impact - pour partager leurs données et
6 BIT, Un avenir sans travail des enfants, 2002.7 Convention internationale des droits de l’enfant, article 32
Pour leur accès à l’éducation et aux loisirs, contre l’exploitation des enfants au travail par Bernard Schlemmer
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DE tous temps, il y eut des enfants au travail et parfois, leur exploitation
économique prend une ampleur telle que la question devient un enjeu de
société. Ce fut le cas en Occident, au XIXe siècle ; c’est le cas aujourd’hui,
particulièrement dans les pays qui n’ont, pour répondre à la concurrence
mondialisée, d’autre avantage comparatif que le coût de leur main-d’œuvre.
L’ÉTAT DES LIEUX
Selon l’Organisation Internationale du Travail (OIT) - l’institution des Nations
unies spécifiquement en charge du problème -, ce XXIe siècle a débuté en
comptant « environ 180 millions d’enfants (…) assujettis aux pires formes
d’exploitation, à savoir les travaux dangereux et les formes intrinsèquement
condamnables »6. Ces enfants-là risquent tous les jours leur santé, parfois
leur vie même, et perdent toute chance de peser sur leur avenir d’adulte,
du fait de la nature même du travail qu’ils sont contraints d’exercer : celui-ci
relève de l’esclavage et de la traite, du recrutement forcé dans des conflits
armés, de la prostitution ou de l’exploitation à des fins de pornographie
ou de trafics illicites (drogue, etc) ou encore porte directement et gravement
atteinte à leur développement physique et mental.
En 1989, l’ONU adopte la Convention sur les Droits de l’Enfant, notamment
celui « d’être protégé contre l’exploitation économique et de n’être astreint
à aucun travail comportant des risques ou susceptibles de compromettre
son éducation ou de nuire à sa santé ou à son développement physique,
mental, spirituel ou social »7. Que faire pour que ce droit soit effectif ? Pour
répondre, l’OIT - qui disposait déjà de la Convention 138 sur l’âge minimum
d’admission à l’emploi - s’est dotée, en 1992, d’un outil spécifique, l’IPEC
(International Programm for Elimination of Child Labour) et, en 1999, de la
Convention 182 sur l’abolition des pires formes du travail des enfants ;
l’UNICEF et la Banque Mondiale se sont unies à l’OIT dans un projet commun
- Understanding Children’s Work and its impact - pour partager leurs données et
6 BIT, Un avenir sans travail des enfants, 2002.7 Convention internationale des droits de l’enfant, article 32
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harmoniser les actions ; la recherche s’est considérablement développée
(mis à part, malheureusement, le cas de la France, qui est ici terriblement en
retard) ; de nombreuses ONG se sont créées ou regroupées sur le thème ;
des organisations d’employeurs ou de travailleurs se sont investies ; les
enfants travailleurs se sont organisés pour défendre leurs droits…
Depuis, les conventions 138 et 182, désormais inscrites au nombre des
« conventions fondamentales » de l’OIT, sont de celles qui ont été le plus
unanimement et rapidement acceptées ; elles l’ont été par la quasi totalité
des États ; ceux-ci sont nombreux à avoir modifié leur législation du travail
en conséquence, et à coordonner leurs actions avec l’IPEC. Ces programmes
se développent un peu partout, ancrés sur les réalités des différents terrains,
se donnant des objectifs de plus en plus concrets et réalistes, se fixant des
délais pour les atteindre… Pour autant, la question n’est pas encore résolue,
tant s’en faut. Peut-on faire mieux ?
IL N’Y A PAS DE SOLUTION MIRACLE
Au début de ce mouvement, on considérait le travail des enfants comme
un anachronisme, une survivance résiduelle des économies « en voie de
développement », et qui se résorberait nécessairement avec la croissance
que leur conversion à l’économie moderne n’allait pas manquer d’entraîner.
Le développement effectif de la scolarisation des pays nouvellement
indépendants accréditait cette approche, et l’heure était aux solutions
simples : l’OIT élaborait des conventions que les États signeraient et
appliqueraient progressivement, cependant que l’opinion publique suivrait
les consignes de boycott des produits fabriqués par des enfants, lancées par
les militants concernés, pour activer le mouvement inéluctable.
Rapidement, il apparaît que le problème est autrement complexe, et qu’il
n’y a pas de solution miracle :
D’une part, il apparaît que la mise au travail des enfants a radicalement
changé de nature, avec l’évolution économique mondiale, et que l’on ne
47
harmoniser les actions ; la recherche s’est considérablement développée
(mis à part, malheureusement, le cas de la France, qui est ici terriblement en
retard) ; de nombreuses ONG se sont créées ou regroupées sur le thème ;
des organisations d’employeurs ou de travailleurs se sont investies ; les
enfants travailleurs se sont organisés pour défendre leurs droits…
Depuis, les conventions 138 et 182, désormais inscrites au nombre des
« conventions fondamentales » de l’OIT, sont de celles qui ont été le plus
unanimement et rapidement acceptées ; elles l’ont été par la quasi totalité
des États ; ceux-ci sont nombreux à avoir modifié leur législation du travail
en conséquence, et à coordonner leurs actions avec l’IPEC. Ces programmes
se développent un peu partout, ancrés sur les réalités des différents terrains,
se donnant des objectifs de plus en plus concrets et réalistes, se fixant des
délais pour les atteindre… Pour autant, la question n’est pas encore résolue,
tant s’en faut. Peut-on faire mieux ?
IL N’Y A PAS DE SOLUTION MIRACLE
Au début de ce mouvement, on considérait le travail des enfants comme
un anachronisme, une survivance résiduelle des économies « en voie de
développement », et qui se résorberait nécessairement avec la croissance
que leur conversion à l’économie moderne n’allait pas manquer d’entraîner.
Le développement effectif de la scolarisation des pays nouvellement
indépendants accréditait cette approche, et l’heure était aux solutions
simples : l’OIT élaborait des conventions que les États signeraient et
appliqueraient progressivement, cependant que l’opinion publique suivrait
les consignes de boycott des produits fabriqués par des enfants, lancées par
les militants concernés, pour activer le mouvement inéluctable.
Rapidement, il apparaît que le problème est autrement complexe, et qu’il
n’y a pas de solution miracle :
D’une part, il apparaît que la mise au travail des enfants a radicalement
changé de nature, avec l’évolution économique mondiale, et que l’on ne
Pour leur accès à l’éducation et aux loisirs, contre l’exploitation des enfants au travail
peut pas traiter de la même façon le type de mise au travail pensé
comme un processus de socialisation de l’enfant (et qui perdure dans
les paysanneries rurales) et le type de travail structurellement lié aux
nouveaux enjeux de la concurrence internationale, lequel ne repose plus
sur une exigence pédagogique, mais sur une exigence de rentabilité
économique du travail des enfants.
D’autre part, on réalise qu’à proprement parler, à propos du « travail des
enfants », on ne sait avec précision ni qui doit être considéré comme un
« enfant », au travail ou non, ni ce qui doit être considéré comme un « tra-
vail » auquel il ne faudrait pas le soumettre, et que la recherche théorique
reste encore un préalable indispensable à l’action. Au niveau des institutions,
un consensus a pu se réaliser en opposant « child work » et « child labour »,
le second terme étant défini comme le type de travail qu’il faut abolir. Mais
il est clair que cette opposition masque le problème, ne le résout pas.
Enfin, l’expérience révéla les effets pervers du boycott : en 1992, un projet de
loi prévoyait d’interdire l’importation des textiles de firmes qui utiliseraient
une main-d’œuvre enfantine ; devant cette menace qui les visait directement,
les grands patrons bengalis licencièrent du jour au lendemain des milliers
d’enfants ; ceux-ci connurent alors une situation d’extrême précarité puisque
leurs salaires représentaient une part vitale des revenus de leurs familles,
ou trouvèrent à s’employer ailleurs… mais dans de petits ateliers clandes-
tins, voire dans des activités illicites, c’est-à-dire dans des conditions de
travail pires encore que celle que l’on prétendait éradiquer, et plus difficiles
à modifier car désormais clandestines.
La réflexion s’est donc approfondie, et de nouvelles approches voient le
jour. Selon elles, s’il n’y a pas de solution miracle, du moins y a-t-il des
erreurs à éviter, des simplifications dont il faut se garder, même si leurs
intentions sont tout à fait louables :
48
Pour leur accès à l’éducation et aux loisirs, contre l’exploitation des enfants au travail
peut pas traiter de la même façon le type de mise au travail pensé
comme un processus de socialisation de l’enfant (et qui perdure dans
les paysanneries rurales) et le type de travail structurellement lié aux
nouveaux enjeux de la concurrence internationale, lequel ne repose plus
sur une exigence pédagogique, mais sur une exigence de rentabilité
économique du travail des enfants.
D’autre part, on réalise qu’à proprement parler, à propos du « travail des
enfants », on ne sait avec précision ni qui doit être considéré comme un
« enfant », au travail ou non, ni ce qui doit être considéré comme un « tra-
vail » auquel il ne faudrait pas le soumettre, et que la recherche théorique
reste encore un préalable indispensable à l’action. Au niveau des institutions,
un consensus a pu se réaliser en opposant « child work » et « child labour »,
le second terme étant défini comme le type de travail qu’il faut abolir. Mais
il est clair que cette opposition masque le problème, ne le résout pas.
Enfin, l’expérience révéla les effets pervers du boycott : en 1992, un projet de
loi prévoyait d’interdire l’importation des textiles de firmes qui utiliseraient
une main-d’œuvre enfantine ; devant cette menace qui les visait directement,
les grands patrons bengalis licencièrent du jour au lendemain des milliers
d’enfants ; ceux-ci connurent alors une situation d’extrême précarité puisque
leurs salaires représentaient une part vitale des revenus de leurs familles,
ou trouvèrent à s’employer ailleurs… mais dans de petits ateliers clandes-
tins, voire dans des activités illicites, c’est-à-dire dans des conditions de
travail pires encore que celle que l’on prétendait éradiquer, et plus difficiles
à modifier car désormais clandestines.
La réflexion s’est donc approfondie, et de nouvelles approches voient le
jour. Selon elles, s’il n’y a pas de solution miracle, du moins y a-t-il des
erreurs à éviter, des simplifications dont il faut se garder, même si leurs
intentions sont tout à fait louables :
48
Pour leur accès à l’éducation et aux loisirs, contre l’exploitation des enfants au travail
L’une porte sur la question de l’éducation. C’est celle qui pose que « la
place des enfants est à l’école » et qu’il suffit de réaliser le programme de
« l’éducation pour tous » pour résoudre la question du travail des enfants.
Une autre porte sur la question de la vision de l’enfance et du travail qui
sous-tend le mot d’ordre d’abolition du travail des enfants. On n’y voit les
enfants qu’en tant que population à protéger, et le travail, que comme
source d’exploitation dont il faut à tout prix protéger les enfants.
En quoi ces simplification sont-elles davantage sources de confusion
qu’apports utiles à la réflexion ?
a) Travail et éducation
L’inégalité devant l’accès à l’éducation est sans doute l’une des formes les
plus graves de l’inégalité, en ce qu’elle grève l’avenir et se reproduit ainsi
presque fatalement. L’enfant, qui se voit privé des moyens d’acquérir les
connaissances indispensables pour avoir l’opportunité réelle de peser sur
son destin, aura plus tard le plus grand mal à choisir sa vie, et risque à
son tour de ne pouvoir procurer à ses propres enfants ces mêmes outils
intellectuels qui lui auront manqué. Ce qui est vrai des enfants l’est également
des nations. L’État qui ne parvient pas à procurer à l’ensemble de sa jeunesse
l’enseignement de base — et un enseignement de qualité aux meilleurs
d’entre eux — se voit privé des qualifications de plus en plus nécessaires,
dans « l’économie basée sur le savoir » désormais dominante dans le
monde entier, et son retard par rapport aux nations développées risque
d’autant plus de s’accroître encore.
Or, le système scolaire actuel rejette les enfants défavorisés vers le travail
et le système économique actuel interdit aux enfants qui travaillent l’ac-
cès à l’éducation. Non seulement l’école et le travail y sont pensés comme
non compatibles, mais l’institution scolaire interdit l’alternative : pour elle,
49
Pour leur accès à l’éducation et aux loisirs, contre l’exploitation des enfants au travail
L’une porte sur la question de l’éducation. C’est celle qui pose que « la
place des enfants est à l’école » et qu’il suffit de réaliser le programme de
« l’éducation pour tous » pour résoudre la question du travail des enfants.
Une autre porte sur la question de la vision de l’enfance et du travail qui
sous-tend le mot d’ordre d’abolition du travail des enfants. On n’y voit les
enfants qu’en tant que population à protéger, et le travail, que comme
source d’exploitation dont il faut à tout prix protéger les enfants.
En quoi ces simplification sont-elles davantage sources de confusion
qu’apports utiles à la réflexion ?
a) Travail et éducation
L’inégalité devant l’accès à l’éducation est sans doute l’une des formes les
plus graves de l’inégalité, en ce qu’elle grève l’avenir et se reproduit ainsi
presque fatalement. L’enfant, qui se voit privé des moyens d’acquérir les
connaissances indispensables pour avoir l’opportunité réelle de peser sur
son destin, aura plus tard le plus grand mal à choisir sa vie, et risque à
son tour de ne pouvoir procurer à ses propres enfants ces mêmes outils
intellectuels qui lui auront manqué. Ce qui est vrai des enfants l’est également
des nations. L’État qui ne parvient pas à procurer à l’ensemble de sa jeunesse
l’enseignement de base — et un enseignement de qualité aux meilleurs
d’entre eux — se voit privé des qualifications de plus en plus nécessaires,
dans « l’économie basée sur le savoir » désormais dominante dans le
monde entier, et son retard par rapport aux nations développées risque
d’autant plus de s’accroître encore.
Or, le système scolaire actuel rejette les enfants défavorisés vers le travail
et le système économique actuel interdit aux enfants qui travaillent l’ac-
cès à l’éducation. Non seulement l’école et le travail y sont pensés comme
non compatibles, mais l’institution scolaire interdit l’alternative : pour elle,
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Pour leur accès à l’éducation et aux loisirs, contre l’exploitation des enfants au travail
l’enfant en âge d’aller à l’école doit être à l’école, et n’a de chance de réussir
sa scolarité que s’il s’y consacre à plein temps. Peu importe que nombre
d’enfants ne puissent suivre leur cours qu’à la condition de travailler. Plus gra-
vement, le contenu même de l’enseignement ne cesse de dévaloriser, de
stigmatiser le type de travail que très probablement exercent leurs parents,
et qu’eux-mêmes - sauf exception, bien entendu - auront sans doute à accom-
plir. Ces enfants, déjà pénalisés au départ par le milieu social dont il sont
issus, voient leur handicap encore alourdi par un cursus scolaire qui vise
bien davantage à permettre aux élèves plus favorisés de franchir l’échelon
scolaire suivant ou le passage au niveau supérieur qu’à transmettre un
enseignement qui, à chaque niveau, puisse être valorisé hors de l’école.
Et les enfants qui sont au travail à plein temps ne sont pas plus aidés pour
rendre compatibles leurs activités économiques nécessaire pour leur
famille, et leur éducation. L’interdiction même qui est faite à cette classe
d’âge de travailler renforce sa fragilité spécifique : ceux qui en relèvent et
cherchent quand même l’embauche seront complices, et prisonniers de
leur statut clandestin.
Une autre solution est donc à trouver qui permette à chaque enfant, quelle
que soit sa condition économique, d’acquérir les moyens intellectuels qui lui
permettront, adulte, de défendre ses conditions de travail, d’élargir ses capa-
cités à orienter sa vie - et de ne pas seulement subir ; de recevoir, en somme,
une éducation qui comporterait un volet professionnel sans renoncer ni à la
transmission des enseignements généraux ni à l’éducation à la vie civique,
indispensables. Il ne s’agit évidemment pas de dire qu’il faut supprimer l’école,
mais que la question de l’exploitation des enfants au travail passe bel et bien
par une réforme profonde du système scolaire que nous connaissons.
Tel est sans doute le chantier principal, et qui ne sera pas le plus aisé à
résoudre. Le droit à l’éducation ne se mesure pas seulement dans l’accès
à l’école, mais dans la qualité et la pertinence de l’instruction qui y sera
dispensée.
50
Pour leur accès à l’éducation et aux loisirs, contre l’exploitation des enfants au travail
l’enfant en âge d’aller à l’école doit être à l’école, et n’a de chance de réussir
sa scolarité que s’il s’y consacre à plein temps. Peu importe que nombre
d’enfants ne puissent suivre leur cours qu’à la condition de travailler. Plus gra-
vement, le contenu même de l’enseignement ne cesse de dévaloriser, de
stigmatiser le type de travail que très probablement exercent leurs parents,
et qu’eux-mêmes - sauf exception, bien entendu - auront sans doute à accom-
plir. Ces enfants, déjà pénalisés au départ par le milieu social dont il sont
issus, voient leur handicap encore alourdi par un cursus scolaire qui vise
bien davantage à permettre aux élèves plus favorisés de franchir l’échelon
scolaire suivant ou le passage au niveau supérieur qu’à transmettre un
enseignement qui, à chaque niveau, puisse être valorisé hors de l’école.
Et les enfants qui sont au travail à plein temps ne sont pas plus aidés pour
rendre compatibles leurs activités économiques nécessaire pour leur
famille, et leur éducation. L’interdiction même qui est faite à cette classe
d’âge de travailler renforce sa fragilité spécifique : ceux qui en relèvent et
cherchent quand même l’embauche seront complices, et prisonniers de
leur statut clandestin.
Une autre solution est donc à trouver qui permette à chaque enfant, quelle
que soit sa condition économique, d’acquérir les moyens intellectuels qui lui
permettront, adulte, de défendre ses conditions de travail, d’élargir ses capa-
cités à orienter sa vie - et de ne pas seulement subir ; de recevoir, en somme,
une éducation qui comporterait un volet professionnel sans renoncer ni à la
transmission des enseignements généraux ni à l’éducation à la vie civique,
indispensables. Il ne s’agit évidemment pas de dire qu’il faut supprimer l’école,
mais que la question de l’exploitation des enfants au travail passe bel et bien
par une réforme profonde du système scolaire que nous connaissons.
Tel est sans doute le chantier principal, et qui ne sera pas le plus aisé à
résoudre. Le droit à l’éducation ne se mesure pas seulement dans l’accès
à l’école, mais dans la qualité et la pertinence de l’instruction qui y sera
dispensée.
50
Pour leur accès à l’éducation et aux loisirs, contre l’exploitation des enfants au travail
b) Monde de l’enfance et monde du travail
L’idée selon laquelle le monde de l’enfance et le monde du travail sont
par nature radicalement incompatibles est, du fait même de sa simplicité
et de son « évidence » éthique, largement dominante. Les politiques mises
en œuvre pour lutter contre le travail des enfants ont largement prouvé
que les termes de l’opposition demandaient des approches autrement
nuancées ; mais, pour élargir et consolider leur union si nécessaire, l’OIT
et l’ensemble des acteurs concernés — y compris les grandes centrales de
syndicats de travailleurs (à de rares exceptions près) — s’entendent pour
interdire le travail des enfants, c’est-à-dire pour étendre la protection des
enfants au travail au point de vouloir pratiquement interdire aux enfants
tout travail. Cette position théorique aurait pour conséquence que les
enfants travailleurs ne seraient donc plus défendus que comme enfants et
cesseraient totalement de l’être comme travailleurs… si, heureusement,
un certain pragmatisme des programmes de l’IPEC ou des syndicats, à
l’échelon local, ne venait tempérer ce tableau absurde.
C’est la vocation de l’UNICEF et de certaines ONG que de fournir aux enfants
une protection universelle et, par conséquent, de poser en principe que les
enfants forment, en tant que tels, une population totalement singulière qui
doit, mieux et plus vite que d’autres, échapper aux maux qui frappent l’hu-
manité en général. C’est une nécessité que d’établir ainsi une limite radi-
cale protégeant les enfants, êtres en devenir.
Mais la vocation des institutions spécialisées - sur le droit à la santé, le
droit du travail, le droit à l’éducation, par exemple - n’est pas de même nature.
Les enfants, pour elles, constituent sans doute une population spécifique,
particulièrement fragile parfois. Mais il ne s’agit pas d’en faire une catégorie
à part, de ne se préoccuper que d’elle. En tant que travailleurs, par exemple,
les enfants nécessitent une protection ad hoc. C’est la vocation de l’OIT,
51
Pour leur accès à l’éducation et aux loisirs, contre l’exploitation des enfants au travail
b) Monde de l’enfance et monde du travail
L’idée selon laquelle le monde de l’enfance et le monde du travail sont
par nature radicalement incompatibles est, du fait même de sa simplicité
et de son « évidence » éthique, largement dominante. Les politiques mises
en œuvre pour lutter contre le travail des enfants ont largement prouvé
que les termes de l’opposition demandaient des approches autrement
nuancées ; mais, pour élargir et consolider leur union si nécessaire, l’OIT
et l’ensemble des acteurs concernés — y compris les grandes centrales de
syndicats de travailleurs (à de rares exceptions près) — s’entendent pour
interdire le travail des enfants, c’est-à-dire pour étendre la protection des
enfants au travail au point de vouloir pratiquement interdire aux enfants
tout travail. Cette position théorique aurait pour conséquence que les
enfants travailleurs ne seraient donc plus défendus que comme enfants et
cesseraient totalement de l’être comme travailleurs… si, heureusement,
un certain pragmatisme des programmes de l’IPEC ou des syndicats, à
l’échelon local, ne venait tempérer ce tableau absurde.
C’est la vocation de l’UNICEF et de certaines ONG que de fournir aux enfants
une protection universelle et, par conséquent, de poser en principe que les
enfants forment, en tant que tels, une population totalement singulière qui
doit, mieux et plus vite que d’autres, échapper aux maux qui frappent l’hu-
manité en général. C’est une nécessité que d’établir ainsi une limite radi-
cale protégeant les enfants, êtres en devenir.
Mais la vocation des institutions spécialisées - sur le droit à la santé, le
droit du travail, le droit à l’éducation, par exemple - n’est pas de même nature.
Les enfants, pour elles, constituent sans doute une population spécifique,
particulièrement fragile parfois. Mais il ne s’agit pas d’en faire une catégorie
à part, de ne se préoccuper que d’elle. En tant que travailleurs, par exemple,
les enfants nécessitent une protection ad hoc. C’est la vocation de l’OIT,
51
cette institution de l’ONU spécialisée dans la défense et la promotion d’un
« régime de travail réellement humain »8 et des syndicats de travailleurs
de les prendre en charge sous cet aspect.
Il importe de lier la lutte contre l’exploitation des enfants au travail à la défense
générale des droits du travail : c’est là où ceux-ci ne sont pas respectés que
fleurit le travail des enfants. Si chacun de ces deux fronts demande des
mesures spécifiques, on ne résoudra pas une question indépendamment
de l’autre. Il faut donc considérer les enfants travailleurs aussi comme des
travailleurs de droit, et des sujets de droits. La vision abolitionniste porte
à mettre tout l’accent sur le retrait de l’enfant des conditions de travail
inadmissibles. Comme le revenu retiré de son travail est littéralement vital
pour lui, il s’agira d’en compenser la perte, tout en cherchant à lui retrouver
une place dans le système scolaire. Tout ceci est évidemment très positif.
Mais prendre le point de vue de l’enfant montre qu’il ne s’agit pas tant de
le retirer du travail que d’en transformer les conditions d’exercice, pour rendre
ce travail digne, valorisant, et compatible avec le droit à l’éducation, à la
formation et aux loisirs.
52
8 Comme il est dit dans le préambule de sa constitution (www.ilo.org/ublic/franch/about/iloconst.htm).
Pour leur accès à l’éducation et aux loisirs, contre l’exploitation des enfants au travail
cette institution de l’ONU spécialisée dans la défense et la promotion d’un
« régime de travail réellement humain »8 et des syndicats de travailleurs
de les prendre en charge sous cet aspect.
Il importe de lier la lutte contre l’exploitation des enfants au travail à la défense
générale des droits du travail : c’est là où ceux-ci ne sont pas respectés que
fleurit le travail des enfants. Si chacun de ces deux fronts demande des
mesures spécifiques, on ne résoudra pas une question indépendamment
de l’autre. Il faut donc considérer les enfants travailleurs aussi comme des
travailleurs de droit, et des sujets de droits. La vision abolitionniste porte
à mettre tout l’accent sur le retrait de l’enfant des conditions de travail
inadmissibles. Comme le revenu retiré de son travail est littéralement vital
pour lui, il s’agira d’en compenser la perte, tout en cherchant à lui retrouver
une place dans le système scolaire. Tout ceci est évidemment très positif.
Mais prendre le point de vue de l’enfant montre qu’il ne s’agit pas tant de
le retirer du travail que d’en transformer les conditions d’exercice, pour rendre
ce travail digne, valorisant, et compatible avec le droit à l’éducation, à la
formation et aux loisirs.
52
8 Comme il est dit dans le préambule de sa constitution (www.ilo.org/ublic/franch/about/iloconst.htm).
Pour leur accès à l’éducation et aux loisirs, contre l’exploitation des enfants au travail
Remerciements
L’équipe de Novembre en enfance tient à remercier tous ceux et toutescelles qui ont participé à la rédaction et à la réalisation de ce LivreBlanc :
• Les experts du Comité Scientifique :GABRIEL COHN-BENDIT
CATHERINE DOLLFUS
OLIVIA PAULE LAURET
JACQUES LECOMTE
JEAN LE GAL
FRANÇOIS XAVIER ROUX
BERNARD SCHLEMMER
• MAGGIE GILBERT, pour avoir reçu et organisé les témoignages desexperts
Remerciements
L’équipe de Novembre en enfance tient à remercier tous ceux et toutescelles qui ont participé à la rédaction et à la réalisation de ce LivreBlanc :
• Les experts du Comité Scientifique :GABRIEL COHN-BENDIT
CATHERINE DOLLFUS
OLIVIA PAULE LAURET
JACQUES LECOMTE
JEAN LE GAL
FRANÇOIS XAVIER ROUX
BERNARD SCHLEMMER
• MAGGIE GILBERT, pour avoir reçu et organisé les témoignages desexperts
www.novembre-en-enfance.org
ISBN en cours
Une opération au profit de
Projet1 25/10/05 16:43 Page 2