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Crème de jour - Et le texte, vous avez mis combien de temps à l’écrire ? - Celui-ci, cinq heures mais aussi deux ans. Regard sourcils froncés façon Ça se peut pas ! - Si, si, je t’assure. Cinq heures et deux ans en même temps. Rien de magique là-dedans, bien sûr. Beaucoup de mûrissement d’idée avant les mains sur le clavier, ça en fait partie, de l’écriture, c’est compris dedans. Mais ça surprend toujours son monde, dit comme ça. Pourtant c’est vrai, être écrivain, c’est pouvoir superposer le temps, jouer avec lui, concrètement, réellement. - Et Les Mécaniques, pourquoi avoir choisi ce titre pour votre ouvrage ? La vérité, c’est que je n’en sais rien. Instinctivement, il me paraît correspondre à l’ensemble des textes du recueil.L’écriture est un questionnement, une interrogation perpé- tuelle, c’est son intérêt. Il n’y a jamais de réponse toute faite. Parfois même jamais de réponse du tout, et ce n’est pas ça qui est important. Je n’utilise que très peu ces armes effrayantes que sont l’analyse et la prémédita- tion ; l’instinct du moment et l’aveuglette me vont bien. Mais il me semble toujours que ce n’est pas satisfaisant d’expliquer ça, que ça ne fait pas sérieux et que les gens restent un peu frustrés quand je n’ai rien de plus précis à leur dire. Alors être écrivain, c’est aussi souvent se retrouver en porte-à-faux entre l’intime des questions à se poser et le côté public des réponses à donner. - Mais, euh… Pour en parler comme ça, vous l’avez vécue, vous, monsieur, la Première Guerre mondiale ? La vache… Je ne m’y attendais pas, à celle-là ! On aimerait être bercé toujours par ce monde par-dessus le monde qu’on se construit avec l’écriture, s’enfermer en autiste heureux dans ces réflexions un peu abstraites, ces pensées un peu théoriques, loin du tumulte des choses. Mais la réalité est plus prosaïque. Et au final, être écrivain, c’est aussi se poser des questions cosmétiques : à 39 ans, il va falloir que je me trouve une crème de jour formidable… Jean-Baptiste Cabaud n°241 - avril 2009 le mensuel du livre en Rhône-Alpes en +++++++++ La remise du Prix des lycéens et des ap- prentis rhônalpins, organisé par la Région, aura lieu le 30 avril au Toboggan,à Décines (69).Les festivités se dérouleront entre 12h et 17h, avec une visite des expositions conçues à partir des travaux des élèves des lycées autour des livres en compétition, la présentation de ces huit ouvrages par quelques lecteurs/jurés des lycées, et enfin la remise des prix dans les deux catégories : littérature et bande dessinée. Et puis il sera temps de se lancer dans la prochaine édition de ces prix à succès… > www.arald.org À l’aide ! La Fédération interrégionale du livre et de la lecture (FILL) propose sur son site un guide rassemblant 360 formes de soutien, national ou régional, à la création, à l’édition et la librairie. Facile à manipuler, ce guide en ligne est organisé par type d’aide, par terri- toire et par institution. Bourses, résidences, aides à la mobilité, au développement, à la publica- tion, à la traduction ou encore à l’animation ou à la formation, chacun y trouvera ce qu’il cherche. Bref,un guide des aides très complet et un bel exemple de mutualisation des structures et des personnes qui œuvrent pour le livre. M. B. www.fill.fr les écrivains à leur place entretien/p. 2 Paris, Rome, Dieulefit… Un parcours en littérature signé Lorette Nobécourt, qui évoque son dernier livre, L’Usure des jours. actualités/p. 4 10 e anniversaire La fête du livre jeunesse de Villeurbanne fête ses dix ans les 25 et 26 avril. L’occasion de ne pas faire le bilan avec Gérard Picot, mais de parler de l’avenir. littérature/p.8 John Berger, en texte et en images Nouveau roman de John Berger, De A à X, et réédition d’Un métier idéal, publié en Angleterre en 1967, qui évoque la figure d’un homme du monde, d’un homme dans le monde, médecin dans la campagne d’Angleterre. !!!!!!!!!!! En compagnie de Marc Pessin C’est un véritable hommage que les bibliothèques et le musée de Grenoble rendent à Marc Pessin, artiste qui laissera son empreinte dans le monde du livre, de la gravure et de la poésie. Pas moins de trois expositions sont organisées : « Le Verbe et l’empreinte », à la Bibliothèque d’étude et d’information, « Complicité avec Jean-Claude Renard », à la Bibliothèque Centre ville, « Gravures et sculptures », au Musée de Grenoble. Et un ouvrage les accompagne : Marc Pessin – Regards sur l’œuvre, édité par le Conseil général de l’Isère. Les expositions ont lieu du 3 avril au 29 août 2009. Manifestations Qui est public de quoi ? C’est la question que le laboratoire Communication, Culture et Société, rattaché à l’ENS-LSH et dirigé par Joëlle Le Marec, va mettre à l’étude, dans le cadre d’une recherche sur les manifestations littéraires commandée par la DRAC Rhône-Alpes et la Région Rhône-Alpes, en parte- nariat avec l’ARALD.Dix événements littéraires seront étudiés, tous singuliers, tous, cependant, jouant un rôle important dans l’accès au livre. Une enquête à découvrir dans ce numéro. (p. 3) Plus de 20 000 livres d’écrivains mexicains ont été vendus au cours du Salon du livre, à Paris... Petit retour, en images, sur cette édition 2009, qui donne d’assez bonnes nouvelles du livre. (p. 11) © Jean Mohr © Arald / Brigitte Chartreux en ligne

livre et lire - n° 241 - avril 2009

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L'Arald publie chaque début de mois "livre & lire", journal d'information sur la vie du livre en Rhône-Alpes. Ce mensuel de douze pages est un supplément aux revues professionnelles Livres-Hebdo et Livres de France, publiées par le Cercle de la librairie.

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Crème de jour- Et le texte, vous avez mis combien detemps à l’écrire ?- Celui-ci,cinq heures mais aussi deux ans.Regard sourcils froncés façon Ça sepeut pas !- Si, si, je t’assure.Cinq heures et deux ansen même temps.Rien de magique là-dedans, bien sûr.Beaucoup de mûrissement d’idée avantles mains sur le clavier, ça en fait partie,de l’écriture, c’est compris dedans. Maisça surprend toujours son monde, dit

comme ça. Pourtant c’est vrai, être écrivain,c’est pouvoir superposer le temps, jouer aveclui, concrètement, réellement.

- Et Les Mécaniques, pourquoi avoir choisi cetitre pour votre ouvrage ?La vérité, c’est que je n’en sais rien.Instinctivement, il me paraît correspondre àl’ensemble des textes du recueil.L’écriture estun questionnement,une interrogation perpé-tuelle, c’est son intérêt. Il n’y a jamais deréponse toute faite. Parfois même jamais deréponse du tout, et ce n’est pas ça qui estimportant. Je n’utilise que très peu ces armeseffrayantes que sont l’analyse et la prémédita-tion ; l’instinct du moment et l’aveuglette mevont bien. Mais il me semble toujours que cen’est pas satisfaisant d’expliquer ça,que ça nefait pas sérieux et que les gens restent un peufrustrés quand je n’ai rien de plus précis à leurdire.Alors être écrivain, c’est aussi souvent seretrouver en porte-à-faux entre l’intime desquestions à se poser et le côté public desréponses à donner.

- Mais, euh… Pour en parler comme ça, vousl’avez vécue, vous, monsieur, la PremièreGuerre mondiale ?La vache… Je ne m’y attendais pas,à celle-là !On aimerait être bercé toujours par ce mondepar-dessus le monde qu’on se construit avecl’écriture,s’enfermer en autiste heureux dansces réflexions un peu abstraites, ces penséesun peu théoriques,loin du tumulte des choses.Mais la réalité est plus prosaïque. Et au final,être écrivain,c’est aussi se poser des questionscosmétiques : à 39 ans, il va falloir que jeme trouve une crème de jour formidable…Jean-Baptiste Cabaud

n°241 - avril 2009le mensuel du livre en Rhône-Alpes

en + + + + + + + + +La remise du Prix des lycéens et des ap-prentis rhônalpins, organisé par la Région,aura lieu le 30 avril au Toboggan,à Décines(69).Les festivités se dérouleront entre 12het 17h, avec une visite des expositionsconçues à partir des travaux des élèves deslycées autour des livres en compétition, laprésentation de ces huit ouvrages parquelques lecteurs/jurés des lycées, etenfin la remise des prix dans les deuxcatégories : littérature et bande dessinée.Et puis il sera temps de se lancer dans laprochaine édition de ces prix à succès…

> www.arald.org

À l’aide !La Fédération interrégionaledu livre et de la lecture (FILL)propose sur son site un guide

rassemblant 360 formes de soutien,national ou régional, à la création,à l’édition et la librairie. Facile àmanipuler, ce guide en ligne estorganisé par type d’aide, par terri-toire et par institution. Bourses,

résidences, aides à la mobilité,au développement, à la publica-tion, à la traduction ou encore àl’animation ou à la formation,chacun y trouvera ce qu’il cherche.Bref,un guide des aides très completet un bel exemple de mutualisationdes structures et des personnes quiœuvrent pour le livre. M. B.

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entretien/p. 2Paris, Rome, Dieulefit…Un parcours en littératuresigné Lorette Nobécourt,qui évoque son dernier livre,L’Usure des jours.

actualités/p. 410e anniversaireLa fête du livre jeunesse deVilleurbanne fête ses dix ansles 25 et 26 avril. L’occasion de ne pas faire le bilan avec Gérard Picot, mais de parler de l’avenir.

littérature/p.8John Berger, en texte et en imagesNouveau roman de John Berger,De A à X, et réédition d’Un métieridéal, publié en Angleterre

en 1967,qui évoque la figure d’un hommedu monde,d’un hommedans le monde,médecin dansla campagned’Angleterre.

! ! ! ! ! ! ! ! ! ! !En compagniede Marc PessinC’est un véritable hommageque les bibliothèques et le

musée de Grenoble rendent à Marc Pessin,artiste qui laissera son empreinte dans lemonde du livre, de la gravure et de lapoésie.Pas moins de trois expositions sontorganisées : « Le Verbe et l’empreinte », àla Bibliothèque d’étude et d’information,« Complicité avec Jean-Claude Renard », àla Bibliothèque Centre ville, « Gravures etsculptures », au Musée de Grenoble. Et unouvrage les accompagne : Marc Pessin –Regards sur l’œuvre, édité par le Conseilgénéral de l’Isère. Les expositions ont lieudu 3 avril au 29 août 2009.

ManifestationsQui est public de quoi ? C’est la question que le laboratoireCommunication, Culture et Société, rattaché à l’ENS-LSH etdirigé par Joëlle Le Marec, va mettre à l’étude, dans le cadred’une recherche sur les manifestations littéraires commandéepar la DRAC Rhône-Alpes et la Région Rhône-Alpes, en parte-nariat avec l’ARALD.Dix événements littéraires seront étudiés,tous singuliers, tous,cependant, jouant un rôle important dansl’accès au livre. Une enquête à découvrir dans ce numéro. (p. 3)

Plus de 20 000 livres d’écrivains mexicains ont étévendus au cours du Salon du livre,à Paris...Petitretour, en images, sur cette édition 2009, quidonne d’assez bonnes nouvelles du livre. (p.11)

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Après En nous la vie des morts,dans lequel vous mettiez en scèneun personnage masculin, vousrevenez au je avec L’Usure desjours. Comment s’établit cettealternance entre l’écriture de soi,de l’intimité, et le recours aufiltre de la « fiction » ?L’Usure des jours est un livre trèsparticulier pour moi, qui, pour lapremière fois, ne relève d’aucunprocessus de fiction. Il est commele centre du chiffre huit, le point oùs’achève une première boucle dansmon travail, et celui où prend nais-sance la deuxième boucle de cequ’il me reste encore à écrire dansl’avenir. Je reviendrai à la fiction qui autorise uneincroyable liberté, mais j’avais besoin, à cemoment-là et pour dire ces choses-là, d’êtredans la plus grande rigueur et la plus grandetransparence possibles.

Vous évoquez dans ce court récit votre instal-lation à Dieulefit, dans la Drôme, où vous avezécrit ce livre, alors que l’on se souvient que leprécédent avait été entamé lors d’une résidenceà la Villa Médicis, à Rome. En quoi le lieud’écriture est-il lié au livre lui-même ?Les lieux sont habités et je suis profondémentsensible aux atmosphères. Ce n’est certes pas lamême chose d’écrire à Dieulefit ou à Paris, maisce qui compte avant tout c’est le pays intérieuroù l’on vit.

Composé de 44 courts chapitres, ce livreconstitue une sorte d’autoportrait fragmenté,de kaléidoscope de sensations, de souvenirs,de rêves. Pensez-vous que l’autobiographiepasse forcément par le morcèlement ?L’autobiographie est peut-être, au contraire, unetentative,par l’écriture,de mettre fin à la sensationde morcèlement intérieur. Par le livre, une formed’unité est enfin possible.J’avais déjà approché cettequestion du morcèlement à travers le fragment,dans mon deuxième texte, L’Équarrissage, qui, àl’origine, avait été écrit sous cette forme.Finalement, je n’avais pas eu la force de le « tenir »en fragments, et j’avais utilisé un processus narratif.

Ce livre est aussi une réflexion sur la difficultéd’une présence au monde. Vous découvrez,au cours du livre, le mal qui vous hante : lamélancolie…La difficulté de la présence au monde est unequestion plus ou moins prégnante chez chacun,mais quoi qu’il en soit, être un homme, un êtrehumain,dans toute l’ampleur et la splendeur quecela représente, nécessite un véritable travail –parfois harassant – et une véritable exigence.Maisquelle lumière lorsque, à certains moments, onéprouve la brève sensation d’effleurer cettedignité ! La mélancolie est une voie d’accès parmid’autres à cette lumière. Ce n’est pas quelquechose de triste, c’est une grâce.

Il y a de magnifiques pages sur l’écriture, quiconstitue pour vous un « espace spirituel »salvateur. Écrire, c’est être vivant…Pour moi cela passe en effet par le fait d’écrire,mais il y a tant de façons différentes d’être vivant,même s’il s’agit toujours de se situer sur cetteimpossible crête où l’on a conscience, au mêmeinstant, de la beauté et de l’offense du monde,qui est pour moi la plus juste définition de lamélancolie.Avoir accès à cet espace intérieur,c’estavoir accès à une forme d’infini.

Vos livres, et c’est le cas de celui-ci, sont sanscesse dans une double dimension : celle dusacré, voire du mystique, et un rapport trèsconcret à la matière et au corps…Il n’y a pas de sacré véritable qui ne soit incarné,de même qu’il ne saurait y avoir de corps vivantqui ne touche le ciel. Les deux sont, à mes yeux,inextricablement liés et fonctionnent ensemble.

Parallèlement à ce livre, Grasset réédite votrepremier récit, La Démangeaison, où vousévoquiez l’eczéma avec lequel vous avez« cohabité » pendant de nombreuses années.Dans L’Usure des jours, vous dites que cettemaladie a été une chance…J’aime bien ce mot de « cohabiter » que vousutilisez. Il est très juste. J’ai habité avec l’eczémaqui, lui, habitait mon corps et m’en séparait. Sicette maladie a été une chance,c’est en ce qu’ellem’a conduite à un cheminement intérieur obstinéqui m’a permis de pouvoir finalement habitermon propre corps et, avec lui, d’avoir accès auréel. Le dysfonctionnement que cette maladie areprésenté m’a obligée à ôter les voiles que sontles représentations erronées que nous avons dumonde et qui nous en barrent l’accès. J’ai eu cette« chance » d’être forcée d’aller voir de l’autre côtédu décor, derrière les illusions.

Entre ces deux livres, quinze ans se sont écoulés.Pensez-vous être devenue un écrivain différent ?Quel regard portez-vous sur votre parcours ?C’est une question très difficile. Je vois le cheminparcouru, j’ai essayé de l’accomplir de monmieux.Disons que ce qui est fait n’est plus à faire,

mais il reste tant à faire pourhonorer la vie. Propos recueillis

par Yann Nicol

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entretienDerrière les illusionsDouble actualité pour LoretteNobécourt, récemment installéedans la Drôme, avec la réédi-tion de son premier texte,La Démangeaison, et la publi-cation d’un nouveau récit auto-biographique, L’Usure des jours(Grasset).

L’Usure des joursQuinze ans ont passé entre la sortie de LaDémangeaison, dans lequel Lorette Nobécourt reve-nait sur sa « cohabitation » avec un eczéma ravageur,et L’Usure des jours, un récit aux allures d’autoportraitfragmenté. Dans ce court texte, elle revient dans unelangue dépouillée et poétique sur les principales étapesde son existence, ou plutôt sur les différentes facettesde sa douloureuse et chaotique présence au monde :l’enfance,entre une mère l’ayant mise au monde contreson gré et un père violent, la maladie qui ronge sa peau,le rapport à l’écriture, la mélancolie, la maternité, maisaussi le retour à la lumière, les croyances mystiques oule lien avec la nature. Constitué de 44 courts chapitres,ce « journal philosophique » oscillant entre la médita-tion, l’aphorisme et la confession,est habité par une grâceenvoûtante : celle d’une écriture incarnée qui transformele vent du malheur en un souffle de vie… Y. N.

Née en 1968 à Paris,Lorette Nobécourt vit aujour-d’hui dans la Drôme. Elle publie son premiertexte, La Démangeaison, en 1995. SuiventL’Equarrissage (1997), La Conversation (1998),

Horsita (1999),Substance (2001),Nous (2002),En nousla vie des morts (2006) et L’Usure des jours (2009).

Lorette NobécourtL’Usure des joursGrasset140 p., 12,90 € ISBN 978-2-24671-311-1

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Quel est pour vous,spécialiste des sciencesde l’information et de la communica-tion, l’intérêt des manifestations litté-raires en tant qu’objet d’étude ?Tout d’abord, il y a une demande derecherche sur les manifestations littérairesde la part de la Région, de la DRAC et de

l’ARALD, ce qui est essentiel à mes yeux. J’ai réagià cette demande, qui rencontrait de nombreusesquestions et intérêts de l’équipe de recherche queje dirige à l’ENS-LSH.Cette équipe travaille notam-ment sur la manière dont on se constitue « public »d’institutions, de productions culturelles, média-tiques, dans des situations de communication.Nous allons donc essayer de comprendre commenton peut être public d’un événement mais aussi,à partir de là, s’il existe des rapports particuliers

au livre et à la lecture qui apparaissent pour cespublics : pourquoi fréquente-t-on ce type d’événe-ment ? S’agit-il de quelque chose d’exceptionnel ?Cela entre-t-il dans un ensemble de pratiquesd’autres lieux culturels ? Ou bien est-ce lié àdes pratiques de sorties plus traditionnelles detype familial ? Est-ce qu’on cherche à fabriquerdes souvenirs communs avec ses enfants ou à fairedes rencontres ? Il y a peut-être en ces occasionsmanière commune,pour les organisateurs, les par-ticipants ou les visiteurs, de se rendre disponiblesà tout ce qu’un événement peut apporter.

Cependant, les manifestations sont assez sin-gulières dans la chaîne du livre.Elles échappentà l’aspect institutionnel des bibliothèques,à l’aspect économique de la vie du livre…Tout à fait. Et l’une des idées présentes dans lademande de recherche,c’est de tenter de savoir siles manifestations font partie de la chaîne du livre,ou si elles ne bousculent pas quelque peu cetteidée, en faisant apparaître les rapports au livreautrement qu’à travers le déploiement de tous lesacteurs, c’est-à-dire à travers des moments quiprennent en écharpe les catégories du marché,del’institution,des pratiques privées… Ce qui est inté-ressant dans ces manifestations,c’est que les divi-sions entre espace commercial,espace institution-nel, espace de la pratique privée, n’apparaissentplus,parce qu’elles sont vécues dans un autre lieuet dans un autre temps que leur temps et leur lieuhabituels,qu’elles se tolèrent,s’hybrident,se trans-forment dans un temps et un lieu très ramassés.

Quels sont vos objectifs ?L’un des objectifs principaux,c’est de voir s’il existeun public qui découvre le livre et les écrivains àtravers les manifestations littéraires.Un public quin’irait ni en librairie,ni en bibliothèque… C’estun premier élément. Mais nous aimerionscomprendre et analyser bien d’autres choses : parexemple,qui est public de quoi,dans ce type d’évé-nement ? Est-ce que certaines personnes fréquen-tent les manifestations littéraires par attachementpour leur quartier ou pour leur ville et vont dansune fête du livre comme elles iraient à n’importequelle autre manifestation de quartier ? Ou biens’agit-il de consommateurs culturels qui se mon-trent extrêmement sélectifs,choisissent une mani-festation dans le domaine qui les intéresse et cher-chent à rencontrer tel ou tel écrivain ? C’estpourquoi nous allons mener plusieurs enquêtes,pendant une année. Nous allons enquêter sur lelieu et dans le temps d’une sélection de manifes-tations dans la région Rhône-Alpes, mais aussi,dans deux villes,sur la manière dont une manifes-tation est attendue et se prolonge avant et après,pendant toute une année.

Beaucoup de questions sur les enjeux liés à cesrendez-vous autour du livre…Oui, des enjeux de sociabilité territoriale, fami-liale ou amicale, mais aussi des enjeux en lienavec le rapport personnel que chacun entretientavec le livre… Ce voisinage de logiques diffé-rentes est tout à fait passionnant. Et puis, onretrouve une tension commune à beaucoupd’événements culturels,me semble-t-il : celle duplaisir d’une certaine frustration. On fréquenteun événement et on sait que c’est la partie émer-gée d’un iceberg,que l’on n’aura accès qu’à unetoute petite part de ce monde-là… Mais je croisque cela fait partie de notre rapport à la cultureaujourd’hui. Propos recueillis par L. B.

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Explorer la jungle des manifestations

Qui est public de quoi ?Qui sont-elles ? Quels publics attirent-elles ?Quelles places occupent-elles dans la chaînedu livre ? Autant de questions sur les mani-festations littéraires qui devraient trouverdes réponses dans le cadre d’une rechercheque la Région Rhône-Alpes et la DRAC, enpartenariat avec l’ARALD, ont commandéeau laboratoire Communication, Culture etSociété, rattaché à L’ENS et dirigé par JoëlleLe Marec. Premières pistes.

Pour qui observe la vie dulivre dans les régions, il estclair que les manifestationslittéraires ont connu unconsidérable développementau cours des vingt dernièresannées. Rhône-Alpes estsans doute sur ce point uncas d’école.L’ARALD recenseainsi quelque quatre-vingtsmanifestations… Et il enexiste encore beaucoupd’autres ! D’une diversitéextrême – dans leur histoire,leur taille, leur fonctionne-ment, leurs ambitions –, ceslieux du livre échappent auxcadres et aux modes d’éva-luation habituels.D’où l’idéede la Région et de la DRACRhône-Alpes de commanderune étude destinée à mieuxconnaître leur rôle dansl’accès au livre, leurs liensavec les institutions et lessavoirs, mais aussi et sur-tout leur public.Car qui sont-ils, ces 30 000visiteurs de Bron ou ces20 000 de Villeurbanne ?Des lecteurs, sans doute,mais aussi des personnes qui, peut-être, ne fréquentent pas d’autres lieux comme lesbibliothèques ou les librairies.L’équipe de Joëlle Le Marec va donc explorer ladiversité des manifestations littéraires et de leurpublic.Un regard transversal porté sur dix manifes-tations retenues pour l’enquête, qui comporte unvolet quantitatif, avec un questionnaire à destina-tion des visiteurs,et un volet d’exploration basé surdes entretiens. Un front d’opérations de recherchedestiné à saisir la pluralité des dimensions – sociales,culturelles, symboliques – qui se croisent dans unévénement tel qu’une manifestation littéraire. L. B.

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Dix manifestations à l’étudePrintemps du livre de Grenoble,Fête du livre jeunesse de Villeurbanne,Festival du premierroman de Chambéry,Cafés littéraires deMontélimar, Fête du livrede Saint-Étienne, Salondu livre petite édition,jeune illustration de Saint-Priest (1),Esperluette (Salon dulivre de Cluses), Fête dulivre jeunesse de Saint-Paul-Trois-Châteaux (2),Fête du livre de Bron(3), Quais du polar (4).

Suivi sur l’annéeFête du livre de Bron et Fête du livre de Saint-Étienne.

Milieu ruralFrançois Portet,ethnologue à la DRACRhône-Alpes, proposeraun éclairage complé-mentaire avec la Fête du livre jeunesse de Montbrison (42),dans le cadre d’untravail ethnologique sur cette région.

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à l’extrême : « unevision très novatrice »,selon le directeur,« qui rend hommageaux créateurs – écri-vains et illustrateurs ».Mais quoi de neufdans ce décor toutneuf ? À écouterGérard Picot, on nedoit pas s’attendreà une édition bilan.Bien plutôt à une réflexion sur lesdix prochaines années de la fête…Les projets ne manquent pas. Parmieux, le plus marquant est sans doutela prochaine signature d’un partena-riat avec l’IUFM de Lyon,grâce auquelle thème de la fête pourrait êtreintégré dans le cursus des étudiants– mais reste à définir de quellemanière. L’année prochaine, au pro-gramme,ce sera « Résistance ».« C’estle résultat de dix années d’effort et c’estune excellente chose »,précise GérardPicot, qui perçoit la menace pesantactuellement sur la littérature jeu-nesse dans les enseignements : « Jemaintiens que nous sommes l’anti-chambre de la fête du livre de Bron etque,pour aller à Bron, il faut déjà êtrepassé par Villeurbanne.C’est une vraieréalité pour les lecteurs. »

Gérard Picot est enthousiaste.Aprèsla douche froide des restrictionsliées à la sécurité des lieux où sedéroule la fête, en plein centre de laville, il y avait deux solutions : reve-nir au classique « tables et nappes »ou transfigurer la salle de sports qui,avec d’autres lieux, accueille lamanifestation.Avec le soutien de laVille,qui s’est engagée à hauteur de50 000 € supplémentaires, ce quin’est pas une banalité par lestemps qui courent, et un partena-riat noué avec l’agence DucksScéno, la fête a décidé d’enfoncerle clou en scénographiant l’espace

Les avantages du carton

Mais ce type de partenariat, c’estaussi la possibilité donnée à la fêtedu livre de proposer d’autres typesde rencontres, tout au long de l’an-née, à des auteurs qui ne sont plustoujours aussi désireux de se rendresystématiquement dans les classes.Des auteurs très courtisés qui,comme leurs éditeurs, se laissentséduire par la qualité des manifes-tations.L’évolution de la fête du livre jeu-nesse de Villeurbanne tendrait doncvers un regain d’activité en termesde médiation en dehors du tempsde l’événement. Pour Gérard Picot,c’est un moyen de plus pour être enphase avec les lecteurs (et les non-lecteurs), tout comme avec les

actualités / manifestationLe 10e anniversaire de la fête du livre jeunesse de Villeurbanne

Ça va jubiler !Un anniversaire tout en carton, c’est l’idée retenuepour la 10e édition de Villeurbanne, condamnée à fairepeau neuve pour des raisons de sécurité. Un liftingtotal qui pourrait propulser la fête du livre jeunessedans une deuxième dimension. Détail du voyage.

THÈME : « États de fête »

INVITÉ D’HONNEUR :Christian Voltz

Une cinquantaine d’auteurs,dont les dix invités d’honneur des précédentes éditions

JOURNÉE PROFESSIONNELLE :vendredi 24 avril, sur le thème de l’illustration

BUDGET : près de 400 000 €

FINANCEURS : Ville, DRAC, CNL,Région Rhône-Alpes, Conseil généraldu Rhône, Crédit mutuel Enseignants

PUBLIC : environ 20 000 visiteurs(50 % de Villeurbannais)

Le livre tiendrasalon à GenèveL’édition 2009 du Salon interna-tional du livre et de la presse auralieu du 22 au 26 avril à Genève.

Rhône-Alpes sera présent avec unvaste stand (C.09), qui mettra envaleur la production d’une trentained’éditeurs. La librairie lyonnaiseRaconte-moi la terre assurera la ventedes ouvrages, conseillera le public,avec l’appui des éditeurs présents etde l’ARALD. Un espace convivial per-mettra la rencontre avec des auteurs,des éditeurs, des libraires, des associa-tions impliquées dans la vie littéraireet les relations transfrontalières.Point d’orgue des animations propo-sées à cette occasion, une journée derencontres, organisée avec la Ville deGenève et Culturactif.ch, se déroulerale 23 avril autour des manifestationslittéraires suisses et rhônalpines.L’idée directrice de cet échange estde permettre aux manifestations demieux se connaître, afin d’envisagerpartage d’expériences et mutualisa-tion. Si la matinée est réservée auxprofessionnels, le débat de l’après-midi sera, quant à lui, ouvert aupublic sur le stand du Cercle des édi-teurs et des libraires genevois et abor-dera la question suivante : « Est-il néces-saire d’organiser des rencontres avecles écrivains ? ». M. B.

www.salondulivre.chDu 22 au 26 avril

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bibliothécaires de la Maison du livrede l’image et du son,où les bureauxde la fête du livre sont installés.C’estimportant ? « Non, c’est fondamen-tal », répond Gérard Picot,« les biblio-thécaires ont une analyse et uneréflexion par rapport au public quenous n’avons pas. »Alors dix ans après, la fête du livrejeunesse est bien ancrée dans laville, largement adoptée par les habi-tants et veut aller plus loin : inves-tir d’autres lieux (Le Rize, la média-thèque du Tonkin, cette année),convaincre de nouveaux publics (lesseniors…, pour cette 10e édition),et pourquoi pas sortir de la ville ous’ouvrir à la bande dessinée… ? Oui,pourquoi pas ? « Ma problématiquemégalomaniaque », s’amuse GérardPicot, « c’est d’identifier les endroitsoù il y a des gens qui ne lisent pas,de manière à aller vers eux ».Bouger,inventer, garder son dynamisme…On peut tout faire avec du carton.L.B.

Fête du livre jeunesse de Villeurbanne 25 et 26 avril

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Le Centre de recherches en didactiquede la littérature de l’universitéStendhal (Grenoble) propose de ques-tionner la figure de « l’auteur de litté-rature jeunesse »,à l’occasion de deuxjournées d’étude. Si la première(le 11 mars 2009) a été consacréeà des réflexions générales sur cesujet, la deuxième, qui aura lieu lemercredi 29 avril, tentera d’aller plusloin, en réfléchissant sur la relationque tissent auteurs jeunesse et

institution scolaire : comment celle-cicontribue-t-elle à la construction decette notion d’auteur jeunesse ? Lecontact des élèves avec un auteurjeunesse est-il une entrée possibleen littérature ? Ces questions serontabordées à travers des exemples depratiques en classe.mercredi 29 avril IUFM de Chambéry289, rue Marcoz – 73 000 ChambéryInscriptions : [email protected]

Journée d’étude

L’auteur jeunesse et l’école

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EscapadesPlusieurs éditeurs proposent cemois-ci des idées d’escapadesdans la région ou ailleurs.

Avec les éditions Terre vivante, leséchappées sont vertes et permettentde mesurer les enjeux de l’écologie.Largement illustré et coloré,leur guidedécrypte divers types de séjours,en gîtes, yourtes ou roulottes, parexemple. Il aborde aussi d’autres acti-vités variées liées à l’éco-volontariat,telles que la protection des phoquesou l’aide à un vigneron bio.Accueil paysan (groupement depaysans qui mettent en place unaccueil touristique et social en relationavec tous les acteurs du développe-ment local) nous donne sa (ou ses)

actualités / librairie

clé(s) des champs. De nombreusesadresses en France, mais aussi dansdeux départements d’outre-mer etdans vingt-deux pays étrangers(Europe occidentale et orientale,Afrique et Amérique du sud), sontdécrites. Que vous cherchiez ungîte, une table ou un camping auplus près du terroir local, vousn’aurez que l’embarras du choix.Glénat,pour sa part,avec sa collection« Le P’tit Crapahut » nouvellementrelookée, offre tous les bons planspour faire un petit tour du côté deGrenoble ou de l’Ardèche méridionale,notamment.Enfin,Samedi midi éditions lance unesérie de guides à thèmes autour deschambres d’hôtes de charme et inviteses lecteurs à des pauses bien-êtredans des châteaux ou des lieuxatypiques situés à la mer, à lamontagne ou à la campagne. Il n’ya plus qu’à partir… Émilie Pellissier

/édition

Ils se lèvent tôt les jours de marché.Entre le vendeur de primeurs, lepoissonnier et le fromager, ils éta-lent d’étranges gourmandises.Échange avec deux amoureuxdu livre qui ont osé l’itinérance.

(Trans)portée par Xavier Delhertdepuis 2006, L’Appel de la forêt estbasée à La-Chapelle-en-Vercors,dans la Drôme, mais sillonne laFrance entière. Forestier, puislibraire à Bordeaux, à Grenoble età Saint-Marcellin,c’est en connaisseurdu métier que l’homme s’est jetédans l’aventure. Aujourd’hui, il vitdes ventes de sa librairie itinérante.Lancée en 2008 sur les routes de larégion lyonnaise,et dans les rues deRillieux-la-Pape en particulier, la

Librairie ambulante de Jean-ClaudeMoyroud-Jercoz était tout d’abordune idée « pour la retraite ». Mais à58 ans, un licenciement a précipitéle changement de cap. Jean-ClaudeMoyroud-Jercoz ne vit pas de sesventes, mais affirme que « le butn’était pas l’argent,mais la transmis-sion ». Avant d’ajouter : « Il faut êtreun peu fou pour faire ce métier-là… »En Rhône-Alpes, on compte ceslibrairies voyageuses sur les doigtsd’une main. Un constat de raretéqu’on pourra étendre à l’ensembledu territoire français.Peu de librairesfont le choix de l’itinérance, son exi-gence et son inconfort expliquantaisément ceci. On le pressent, cecommerce-là n’est pas tout à faitcelui des librairies sédentaires. Les

Rillieux-la-Pape,c’est pour réagir àce constat un peutriste selon lequel

« ce sont toujours lesmêmes qui lisent… ».

De même, chez Xavier Delhert, lemoteur se trouve sans conteste du côtéd’une « résistance aux monstrescommerciaux ».C’est pour cela que ces deux librairesproposent une sélection d’ouvrageséminemment personnelle. XavierDelhert, lui, a fait le choix de l’éco-logie et de la nature,pour plus d’untiers de ses 3 000 références. Quece soit au cœur du Vercors, auprèsdes touristes, ou sur les foires etsalons « verts », c’est cette spécia-lisation qui le fait vivre. Jean-Claude Moyroud-Jercoz, de soncôté, présente 2 000 références,dont un bon nombre de livres sur« le mouvement ouvrier, le syndica-lisme, le féminisme, l’anti-capitalisme,l’anti-militarisme, l’anti-racisme, ladécroissance, ainsi qu’un rayonenfant ». Des sélections qui ressem-blent à ces libraires hors-normes.Marion Blangenois

La Librairie ambulante Saint-Germain-au-Mont-d’Oret Rillieux-la-Pape (69)www.librairie-ambulante.com

L’Appel de la forêt La Chapelle-en-Vercors (26)www.appeldelaforet.com

problèmes d’espace,d’humidité,deprécarité reviennent sans cesse.Maisil faut aussi évoquer le « bonheurd’une vie en extérieur », l’entraideentre marchands et puis – le mot estlâché comme une revendication –« une grande liberté ».Xavier Delhertle confirme : « on va au-devant deslecteurs. C’est un autre métier. »

Une forme d’engagement

Ces drôles de vendeurs de livres ledisent : cette pratique s’ancre dansune militance.Ainsi,pour Jean-ClaudeMoyroud-Jercoz, la chose est claire :si, deux fois par semaine, il installeson stand coloré sur le marché de

Vendre des livres à l’air libre

Suivre d’autres routes

Échappées vertes - Propositions de vacances écologiquesTerre vivante158 p., 19 €, ISBN 978-2-914717-56-4

Guide vacances 2009 en France et dans le monde…Accueil Paysan414 p., 8 €, ISBN 987-2-35575-044-1

Autour de GrenobleGlénat, 96 p., 9,90 €, ISBN 978-2-7234-6963-0

En Ardèche méridionaleGlénat, 128 p., 11,90 €, ISBN 978-2-7234-6715-5

Petits Coins de paradis en chambres d’hôtesSamedi midi éditions318 p., 20 €, ISBN 978-2-915928-14-3

La poésiedes margesPour la 18e fois, l’associationEdelweiss Noir investit la GalerieEspace Liberté de Crest à l’occa-

sion du Salon de la petite édition.Cetteannée, avec pour thématique cettephrase de Ferlinghetti : « La poésie,c’est la 4e personne du singulier », lesalon invite à explorer « terrains incer-tains, bord négligé des routes et lisièresoù tant de choses sont à nommer »,bref, à réfléchir sur l’espace du poèmeet ses manières de dire le monde. Onpourra ainsi découvrir les productionsd’une centaine d’éditeurs indépendants.Au cœur d’un programme fourni,on retiendra notamment le 17 avril,pour une journée professionnelle desbibliothécaires sur la littérature chinoise,la soirée du 18 avril, pour une lecture-rencontre avec Gilles Clément, auteurdu Manifeste pour le tiers paysage, ainsique le week-end du 1er au 3 mai, quiconcentrera les rencontres avec lesauteurs, les éditeurs et les revuistes.

Du soleil sur la pageSalon de la petite éditionDu 17 avril au 3 maiGalerie Espace Liberté 5, rue des Alpes – 26 400 CrestOuvert tous les jours de 15h à 19hhttp://galerieespaceliberte.free.fr

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Un service d’assistance juridique sur www.arald.org

S.O.S assistance !L’assistance juridique, c’était l’une desdemandes formulées par les professionnelsdu livre et l’un des engagements pris par laRégion à l’issu des Rencontres régionales dulivre. Ce service est désormais en ligne sur lesite www.arald.org. Il permet aux profession-nels de consulter un avocat gratuitement,sansse déplacer, afin d’obtenir une informationsur le droit applicable à un sujet lié à leur acti-vité. Assuré par deux cabinets spécialisés

situés en Rhône-Alpes,ce service sera prochai-nement complété par une base d’informa-tions juridiques,qui rassemblera les réponsesdes avocats à des questions déjà posées.Le service et la base concernent principale-ment le droit du livre : propriété littéraire etartistique, pratiques professionnelles, droitcommercial et fiscal, droit des sociétés, droitsocial,nouvelles technologies… Les questionsrelatives à l’application des conventions col-lectives spécifiques aux métiers du livre(libraires, éditeurs…) et de l’animation (orga-nisateurs de manifestations littéraires…) pour-ront également être reçues. Peuvent recourirà ce service, à condition d’avoir leur siège

social et administratif, leur lieu de travail ouleur domicile en Rhône-Alpes, et de satisfaireà certaines conditions : les acteurs du livre etde la lecture comme les écrivains, traducteurs,illustrateurs, éditeurs, libraires indépendants,diffuseurs et distributeurs, bibliothécaires,archivistes, documentalistes des établisse-ments d’enseignement, organisateurs demanifestations littéraires, responsables asso-ciatifs œuvrant dans le domaine du livre.L. B.

www.arald.org (rubrique « Le Service juridique »)Mél. [email protected] : Nadia Mirech : 04 50 51 64 63

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zoom /résidences

Début mai, l’association Scènesobliques accueille dans le massifde Belledonne, dans l’Isère, unécrivain russe et un écrivaintchétchène. Une double et courterésidence, suivie d’autres invita-tions plus tard, en saison, le toutinscrit dans un projet de longuehaleine baptisé Cairns.

Antoine Choplin adore filer la méta-phore pour dire le projet culturelqu’il conduit depuis quelquesannées avec un petit – mais ardent– collectif. Animateur de l’associa-tion Scènes obliques, il s’est en effetinstallé dans la verticalité et danstoutes les déclinaisons langagièresliées à la pente, à la montagne, etaux différents lieux où poser son sacde projets. Le festival L’Arpenteur,qu’il dirige depuis le petit village desAdrets,encorde ainsi le spectaculaireau convivial et à l’intime, sansqu’aucun des termes n’apparaissetiré à hue ni à dia.Si la métaphore tisse des liens,Antoine Choplin n’est pas en reste.Cairns est le titre d’un recueil paruaux éditions La Dragonne. C’est lenom d’un projet naissant, dont larésidence de deux auteurs venus del’est sera la première pierre. C’estavant tout, en effet, le nom de cesmonticules de cailloux que les mon-tagnards élèvent, nourrissent et neperdent jamais des yeux, car uneligne de cairns est le plus sûr che-min vers l’ailleurs qu’on s’est donné

est invité à (se) bouger,à s’immerger tout ense mouvant. Plutôtpartageurs, les hôtesne tiennent pas à gar-der les auteurs poureux, et les convientvolontiers à allerrendre visite à certainspartenaires, d’où unehalte par exemple auCentre d’Histoire dela résistance et de ladéportation à Lyon.Mais ce n’est pas tout.À l’horizon de la rési-dence printanière seprofile bien sûr le fes-tival L’Arpenteur, oùd’autres invitationssont lancées. Unedélégation marocaine(plasticiens, auteurs,acteurs culturels), née

de rencontres lors de d’un festi-val itinérant dans le massif desBéni Snassen, sera ainsi présente.Également conviés au bivouacd’été, les six membres du Teatrodelle Ariette, des Bolognais quicultivent un mélange étonnant detravail à la ferme, d’écriture dra-matique et de jeu théâtral.Toutes ces résidences d’écriture et decréation laisseront leurs traces dansle numéro d’automne d’Arpentages,la revue née de ces années de voyagedans les replis des territoires.Danielle

Maurel

autre terrain que la guerre.Soucieuxde préserver l’intime de la création(il s’agit pour les auteurs d’avoir dutemps pour écrire), les organisateursleur ont ménagé aussi des rendez-vous (voir encadré) dans des lieuxbien identifiés et dans d’autresmoins attendus. Tous espaces – culturels ou non – formant ce« réseau de bivouacs » qu’ils sepromettent de tisser peu à peu.Avec une charte commune visantà construire une forme de résidenceitinérante, concept étrange si l’on yréfléchit bien, puisque le résident

pour objectif. Or le directeur artis-tique et ses complices voient loin.

Arpenter, arpentages

Après deux ans de « Chemins d’écri-ture », tracés entre Belledonne etChambaran avec l’association Textesen l’air, basée à Saint-Antoine-l’Abbaye,Cairns signale un nouveaudépart. Sous-titrée « Internationalede territoires », l’aventure com-mence donc, du 4 au 15 mai, parl’accueil d’Arkadi Batchenko et deSultan Iachourkaev, l’un russe l’autretchétchène,qui se retrouvent sur un

Le 7 mai, à 18h30, à la bibliothèque Centre-villede Grenoble ; le 13 mai, tablée-rencontre autour dufilm Babel Caucase, au Belvédère, à Saint-Martind’Uriage ; le 14 mai, soirée musique et lecture àla Grange du bois du loup, Les Adrets.Festival L’Arpenteur, du 25 juin au 4 juillet 2009.

Scènes obliques : l’écriture en pente

Cairns, ou la résidence comme chemin

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Raymond Federman, lors d’une randonnée-lecturependant sa résidence en Belledonne en 2008.

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regards

Son projet littéraire s’est peu à peuconstruit au contact de ses com-pagnons d’écriture : tisser entreelles ces franges de vie, donner àvoir une trame faite de quotidien,de fêtes et de désenchantements,de cartes de séjours et d’accidentsde la vie, de drames et de luttes,d’espoir et de courage.Loin de s’abstraire des dizaines dechroniques qui constituent le livre,Marie-Ghislaine Chassine marquesa présence dans une narrationsouvent vive, qui laisse une largeplace aux paroles de Wanda,Sadek,Janine,Fatima,Francisco,ou encorede Houria et de Madame M.En filigrane transparaît une per-sonnalité à la curiosité tenace etrespectueuse, qui articule l’oral etl’écrit dans une écriture d’uneémouvante sobriété.Contre la « violence du silence » quia heurté ces vies de plein fouet,Marie-Ghislaine Chassine faitentendre un oratorio de voix quis’écoute avec respect. D. M.

Marie-Ghislaine ChassineLa Toile rude de leur dignitéChroniques de vie(s)La Passe du vent276 p., 12 €ISBN 978-2-84562-147-3

Marie-Ghislaine Chassine a véculongtemps dans la cité TASE, unquartier bâti au début du siècledernier par des industriels lyonnais.Immeubles de la Grande Cité yjouxtent pavillons et maisons« castors » de la Petite Cité. Lesvagues successives d’immigrationouvrière amènent peu à peu surces terres à la marge de la ville les« humbles gens » que l’auteur acôtoyés durant 23 ans.Discrète militante chrétienne,dotéed’un goût des autres hors du com-mun, elle n’a jamais pu se résignerà laisser « se perdre dans le silencecette part d’humanité. » Elle abeaucoup écouté, partagé,conseillé et consolé, beaucoupdonné, joué l’écrivain public sansle dire et surtout noté dans le livrede sa mémoire des bribes de ces« vies obscures et lumineuses ».Un jour,Marie-Ghislaine Chassine apoussé la porte de l’atelier d’écritureinventé à Vaulx-en-Velin par MalikaBey Durif et Roger Dextre*.

Chaque mois, retrouvez Géraldine Kosiak, en texte et en image,pour un regard singulier, graphique, tendre et impertinent surl'univers des livres, des lectures et des écrivains...

Au travailLes refletsJ’ai longtemps dessiné devantla télévision, puis j’ai arrêté.Aujourd’hui, je regarde une émis-sion littéraire et je m’ennuie. Leprésentateur ne pose pas lesbonnes questions et les écrivainsnous racontent leur livre commesi cela n’était qu’un scénario demauvais téléfilm. Le consensuscommercial et la pensée mollenous envahissent.Fin des années cinquante,la télévision s’installe.Elle s’appelle RTF et lesémissions : Gros plan,La vie des animaux,Lectures pour tous,Cinépanorama…François Mauriac estlà, devant son poste,« téléspectateur assidu »de la première chaîne.Soudain, la télévisionle fait écrire. Et qu’enpense-t-il ? Il a 74 ans etcroit « à ce merveilleuxmoyen de diffusionculturelle »,pourvu qu’onsache garder « un équilibre entre le divertissement et la culture ».Parfois, il trouve les commentateurs un peu trop envahissants, commecelui-ci, Claude Darget, à propos de la faune sous-marine des mers dusud.Mauriac goûterait volontiers le silence des profondeurs.Mais il désireégalement être renseigné, par exemple, sur la nature de cette étoile demer qui, tout bien considéré, n’est peut-être pas une étoile de mer…Le 10 décembre 1959, il a manqué Cinq colonnes à la une : « Malgréma bonne volonté de ne plus rien connaître du monde et des êtres qu’àtravers le petit écran protecteur, il me faut encore hélas ! subir quelquesfois des contacts directs et descendre dans la rue. On prendrait lepli facilement, à mon âge, de ne voir les choses que par reflets, àla fois de tout près et de très loin : ce serait déjà l’autre vie commencée.»Cinquante ans plus tard, le photographe Robert Frank, lui, a biendu mal avec les reflets. À 85 ans, il suit désormais un régime strict :« La télévision, jamais. La télé, c’est mort ! »

François MauriacOn n’est jamais sûr de rien avec la télévisionChroniques 1959-1964Bartillat

chronique Géraldine Kosiak 3/

Porté par l’association« Dans tous les sens »,l’atelier d’écriture accom-

pagne depuis 10 ans des pro-jets d’écriture individuels, il estouvert à tous et se déroulesans limite de temps. L’équipedes fondateurs a été rejointerécemment par Mohamed ElAmraoui. Parmi d’autres abou-tissements de l’atelier, on peutrappeler Zone utopique en péril,d’Azzedine Soltani, paru en2006 chez Graphika-s.

*

D’une longue vie de partage aucœur d’un quartier populaire deVaulx-en-Velin, Marie-GhislaineChassine a tiré, via l’atelier d’écri-ture « Dans tous les sens »,un livrenourri de paroles et d’humanité.

Point de vue sur “La Toile rude de leur dignité”

L’étoffe sobre de son humanité

+ + + + + + + + + + + + + + + + http://auteurs.arald.orgconsultez le site des écrivains, des auteurs et illustrateurs jeunesse de Rhône-Alpes

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Réédition d’un livre publié enAngleterre en 1967, cette Histoired’un médecin de campagne, deJohn Berger et Jean Mohr, est unemagnifique enquête, en texte et enimages, sur « la vie et l’œuvre » duDocteur Sassall.Un observateur de lavie humaine sous l’œil de l’écrivainet du photographe.Le souci de servir, d’être là où c’estdouloureux, de s’inscrire, en tantqu’individu,dans une communautéde vivants. Ce qui vaut pour leDocteur John Sassall, médecindans une campagne reculée, vautaussi, sans doute,pour John Berger.L’enquête qu’il a menée avec lephotographe Jean Mohr, et qui adonné ce livre, le prouve une foisencore. Avant Le Septième Homme,réédité en 2007 (Fage Éditions), quiévoquait l’immigration et le travail,Un métier idéal est un livre trou-blant, dans lequel l’écrivainaccompagne le médecin, décrit,témoigne, puis analyse, cherche à

comprendre, refait le chemin,seul, avec ses mots et ses idées.« Quand ils sont malades, il faitdavantage que les traiter : ilest le témoin objectif de leurvie. Ils font rarement référenceà lui comme témoin. Ils pen-sent à lui uniquement lorsqueles affaires quotidiennes lesmettent en sa présence. Il n’esten rien le dernier arbitre. C’estpourquoi j’ai opté pour le motassez humble d’« employé » :l’employé chargé de tenir leursdossiers. » Assumant les risques de sasubjectivité d’écrivain, JohnBerger, accompagné du pho-tographe Jean Mohr, suit ce fascinant personnage etéclaire sa position d’hommefraternel au sein de la com-munauté. Quarante ans plustard, cette enquête humaineet politique garde tout sonintérêt. L. B.

Employé à l’humanité

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Quelque part au Mexique, dans leCaucase ou ailleurs, dans un paysqui souffre, Xavier est incarcéré,condamné deux fois à perpétuitépour activités terroristes,c’est-à-direrésistance au régime qui fait régnersa loi inique.Chaque jour ou chaquesemaine,Aïda, sa fiancée, lui écrit.Ses lettres, et les annotations duprisonnier sur celles-ci, constituentla seule matière de ce roman.De l’autre côté des murs,à la lumièredu soleil, mais sous la pression vio-lente des militaires, la jeune femmeréinvente dans ses lettres un présentde petites choses et d’éternité, demoments solitaires et de rencontres,d’instants difficiles et de joieséblouissantes, dans lequel l’hommequ’elle aime est avec elle. « Dès lemoment où ils t’ont condamné àdeux peines de prison à perpétuité,

Dans son dernier roman, De A à X, John Berger,Prix Rhône-Alpes du livre 2007, poursuit sonœuvre littéraire de combat avec un roman épis-tolaire qui est aussi un manuel de résistancespirituelle à l’oppression et un hymne à laliberté de l’amour. Une fiction ancrée dans lesdouleurs de notre temps.

j’ai cessé decroire à leurtemps », écrit-elle. De A à Xest l’histoireépistolaire decette réinven-tion d’un temps qui échappe à la réa-lité mais ne cesse de la nourrir. Untemps de l’espoir, du partage, de lacommunion, qui prend fin avecchaque missive, se renouvelle à tra-vers chaque récit, tragique ou drôle,violent ou tendre.On connaît John Berger pour sesessais sur l’art tout autant que pourses livres d’investigation, toujoursengagés, toujours vivants. Autantd’œuvres qui font de la libertéleur principe moteur et cherchentdans le réel – ou en dehors de lui– des voies vers la fraternité et vers

l’expressionde la valeur dela vie deshommes.Alors que leslettres d’Aïdafourmillentdu quotidien,de la lutteconcrète detous les ins-tants – soignerles blessés,s’occuper desmorts, conso-ler les vivants,continuer àvivre… –, lesannotations

de Xavier, faites du fond de sa cellule73, replacent dans un cadre théo-rique l’engagement de celles et ceuxqui résistent. Un combat pour lajustice et la liberté à mener partoutdans le monde, estime l’écrivain.Jusqu’à une issue incertaine,peut-êtreheureuse.Sans doute heureuse.L. B.

John Berger

De A à XTraduit de l’anglaispar Katya BergerAndreadakisÉditions de l’Olivier224 p., 19,50 €ISBN 978-2-87929-630-2

livres & lectures/ littérature

Mercure liquide n°9, 8 €

Restent deux occasions de découvrirMercure liquide, puisque le collectiflyonnais à la tête de cette revue littéraireet graphique a décidé de suspendre lapublication après le numéro 10, quiparaîtra ce printemps. En attendant,la neuvième livraison de cette revuedynamique et inventive permet de conti-nuer à parcourir une large collectiond’imaginaires aux respirations libres etchangeantes. Photographie, dessin,sculpture, illustration…,textes poétiqueset littéraires, le corps – sa réalité, saplasticité, son humanité – est au centrede la publication. À découvrir.

www.mercureliquide.com

[ON]n°4, 144 p., 13 €

On a longtemps espéré le 4e numéro decette revue lyonnaise qui mêle si habi-lement images et images, créations gra-phiques et plastiques, sans oublierquelques textes – le collectif des(h)auteurs notamment. Un peu plus destructure dans cette dernière livraison,qui avance en se dissimulant/révélantderrière le thème de la maison. Qualitédu travail éditorial, nombreux travauxd’artistes, avec beaucoup de premièresfois, le quatrième volet de [ON] s’ouvresur une demeure pleine de vie.

Verso n° 136, mars 2009

136 p., 5,50 €

Pour son premier numéro de 2009,Versorépond à l’invitation du Printemps despoètes et s’associe à La Cause desCauseuses, association lyonnaise d’inci-tation poétique, en accueillant diversescontributions écrites autour de la figurede Jean Tardieu.

John Berger : lettres d’un monde en guerre

De notre temps

revues

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rJohn Berger & Jean MohrUn métier idéalHistoire d’un médecin de campagneTraduit de l’anglais

par Michel Lederer

Éditions de l’Olivier

176 p., 19,50 €

ISBN 978-2-87929-654-8

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peut-être par-dessus tout), les ruesgrâce auxquelles on s’échappe, lesamitiés d’aujourd’hui et celles,inventées, qui traversent l’Histoire,les luttes du passé et les tracesqu’elles ont laissées dans nos vieset dans nos villes. Car de Douala àSaint-Étienne,de Rousseau à Pirotte,de la Bretagne au Cabardès, deBreton à Dylan, de soumission enrévolte, l’écrivain sait proliférer enrestant le même,toujours tremblantsur ses bases.« Marcher.Multiplier les mondes closou les paragraphes ponctués des

« Je raconte toujours la mêmehistoire », écrit Lionel Bourgdans son dernier livre, Commesont nus les rêves, qui rassembleune collection de récits. C’estvrai. Mais on ne s’en lasse pas.

C’est une musique singulière, quel’on retrouve de récit en récit et quiberce avec la même justesse l’enfancetriste dans une petite ville industrielle

L’ACT MEM

L’Hirondellede Dominique MeensValentine Mérac, unejeune bordelaise, raconteses vacances à Oléronpendant l’été 2002. Ellevoit ses amis aller et venir,se faire et se défaire,sur la plage. Une histoired’hirondelle sanshirondelle ? Oui et non.Par son écriture saccadéesi singulière, l’auteurentremêle les points devue, le réel et l’inventé,interrogeant les aléas dela vie et notre peu de prisesur eux.

collection Passages à l’acte141 p., 16 €ISBN 978-2-35513-028-1

À LA CROISÉE

La Fabrique deslumières urbainesde Sophie MosserL’auteur s’intéresse ici auxmécanismes qui ont portél’évolution de l’utilisationde l’éclairage au long dessiècles et qui présidentencore à son élaboration.Ou comment appréhenderles manières collectives de considérer la lumière

ELLUG (ÉDITIONS LITTÉRAIRES ET

LINGUISTIQUES DE L’UNIVERSITÉ DE

GRENOBLE)

Contes symbolistes (vol. 1)de Bertrand Vibert, éd. ;Michel Viegnes, coll. ;Sabrina Granger, coll.En rééditant deux textes datésde la dernière décennie duXIXe siècle, âge d’or du contesymboliste, ce volumeinaugure une nouvellecollection conçue comme un recueil de recueils. Vous ydécouvrirez tout un universpoétique largement méconnu.

491 p., 33 €

ISBN 978-2-84310-133-5

Lionel Bourg en voyage chez lui

Comprendre sa tête

livres & lectures/ littératurerares constellations propres à figu-rer une route au sein du vide. »L’écriture de Lionel Bourg se déploiedans cette incertitude métaphy-sique, cosmique et terriblementhumaine.On sait que l’équilibre estprécaire. Mais ça tient. L. B.

Lionel BourgComme sont nus les rêvesApogée152 p., 15 €ISBN 978-2-84398-317-7

de la Loire jusqu’aux plus récentsvoyages africains accomplis parcequ’on est devenu ce qu’il fallait biendevenir à force de « passion enfan-tine » : écrivain. Des notes enlevées,tendres ou cruelles, mais toujoursjustes, qui savent dire la mélancolieautant que la fraternité – mais l’uneaiguise sans doute le besoin de l’autre.Comme sont nus les rêves est écrit« À hauteur d’homme », rien au-des-

sus, si ce n’est la fas-cination d’un grandvide,rien au-dessous,si ce n’est la promessede notre mort pro-chaine. Pour pousserun peu plus loin lechemin de son œuvreet gravir quelquesnouvelles montagnes,Lionel Bourg a besoinde peu.On retrouve ainsidans son livre lesrefuges qui lui sontchers : la nature dumont Pilat, qu’il atant arpenté, les écri-vains et les hommesqui ne se cachentpas derrière eux(Rousseau, Rimbaudet François Villon

Quatre romans…… à retenir, parmi les parutionsde ces derniers mois : celui deChloé Dubreuil,Le Temps d’Uranie(L’Harmattan), qui nous entraînedans un voyage à travers l’Europeet le temps, de la France d’aujour-d’hui à l’Italie du Quattrocento.Unmystère alchimique, le secret destarots dits de Mantegna, et unretour romanesque aux sources del’humanisme orchestré par l’au-teur du Goût des choses… Autrevoyage, autre recherche à traversle temps et l’espace, celle qu’AlainDulot propose à ses lecteurs ducôté de la Croatie et des Rempartsde Dubrovnik (L’Harmattan),pour une quête d’identité au

goût de faux-semblants… Desfaux-semblants que l’héroïne dudeuxième roman de SophieChabanel ne veut plus supporter !Et même si Birgit Pécuchet n’estpas une sainte (Anne Carrière), ellea décidé d’être heureuse. Le débutd’une aventure loufoque et fémi-nine… Enfin, Preuves d’amour etd’ailleurs (Éditions de la MaisonBlanche), de Jacques-Rémy Girerd,réalisateur bien connu de filmsd’animation, promène son lec-teur à travers la Turquie, l’Iran,l’Afghanistan, l’Italie, l’Amérique,l’Afrique et tant d’autres lieux,oùle narrateur cherche à retrouver/àoublier la femme qu’il a aimée.Une quête sans objet, lancinanteet douloureuse. L. B.

en parcourant diversesambiances nocturnesurbaines.

collection Ambiances, Ambiance181 p., 23,50 €ISBN 978-2-912934-19-2

À PLUS D’UN TITRE

Les Tremblements du mondede Patrick ChamoiseauCe livre ainsi que le film du même nom sont issusde la rencontre de l’écrivainPatrick Chamoiseau avecdes habitants des 5e et 8e

arrondissements de Lyon,autour d’ateliers d’écriture.Une autre vision du partageet de la diversité.

collection Les Merles Moqueurs77 p., 8,50 €ISBN 978-2-91748-606-1

nouveautés des éditeurs

CRÉAPHIS

Paul Landowski L’œuvre sculptéede Michèle LefrançoisCet imposant ouvrage est à la fois une biographie et uncatalogue raisonné de l’œuvredu sculpteur français PaulLandowski (1875-1961).L’auteur y rend hommage à l’un des artistes les plusprolifiques de son temps,à l’origine de plusieursmonuments commémoratifsde réputation mondiale.Parmi eux, on compte le Christrédempteur de Rio de Janeiro,mais aussi, plus proche

de nous, le mur de laRéformation, où sontreprésentés les pionniers dela Réforme protestante, quel’on peut voir dans le parcdes Bastions à Genève.

640 p., 38 € ISBN 978-2-35428-023-9

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MÔMELUDIES ÉDITIONS

Dans le lit de l’eaude Michèle BernardCe recueil comprend onzechansons présentées avecaccompagnement piano etécrites par Michèle Bernardavec deux classes d’enfantsde Givors (Rhône).Leur thème dominant est celui de l’eau.

collection Le Fonds de l’air est frais19 €

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d’un musée. Ces images qui n’ensont pas ou trop peu… et que l’ondécouvre au fil du livre, superbe-ment illustré.

Le kitsch : métaphorede l’inconscient

Céleste Olalquiaga tire pourtant laplus substantifique moelle de tousces objets de passage, réceptacle desombres fantasmes où s’entremê-lent des visions de mort éternelle et

Un brillant essai en forme d’ex-ploration sous-marine qui éclairele monde obscur du kitsch et deses avatars. Envoûtement garanti.

Une histoire du kitsch ? Il fallaitoser. On dirait même que CélesteOlalquiaga l’a rêvée. Et c’est làd’abord ce qui fait le charme d’unessai qui ne s’avoue jamais vraimentcomme tel. À cause de sa tournurepeut-être, sa manière d’afficher desidées sans jamais les figer, d’êtrecertaine sans affirmer, de tour àtour microscoper et télescoper. Lepresque début donne le ton : « Ledestin des bateaux et celui des pen-sées offrent bien des similitudes :confiants, les uns et les autres navi-guent en territoire inconnu et ten-tent d’atteindre leur destination ».Il faut dire que le sujet, presqueindéfinissable, aide : le kitsch, ce« phénomène superficiel et pariade l’art ». Cette esthétique de bazarqui trouve plus naturellement saplace sur un bord de cheminée(aquariums de verre ciselés, boulesde neige et autres presse-papiersalambiqués) que dans les vitrines

livres & lectures/ essais

de vie éphémère.Comme elle regardeméthodiquementchacun d’eux, ellefinit par en entendreà chaque fois le sensprofond et répété(on lui prêteraitvolontiers cette pos-ture de l’oreille colléeà un coquillage) :bruissement dematrice et de Médusequi évoque le mondeenglouti de Nemo.Que la pensée deWalter Benjaminaccompagne lesréflexions de l’auteurtout au long de cetessai n’est bien sûrpas le fruit du hasard.Car le kitsch, méta-phore de l’incons-

cient,signifie aussi et peut-être avanttout l’avènement de notre modernité.En d’autres termes, la fin, mélanco-lique et programmée, de l’Histoire.Un rêve s’achève. Roger-Yves Roche

Céleste OlalquiagaRoyaume de l’artifice.L’émergence du kitsch au XIXe

siècleFage Éditions

255 p., 30 €

ISBN 978-2-84975-068-1

Au royaume de l’artifice : essaisur le kitsch

Le fond de l’art

PRESSES DE L’ENSSIB(ÉCOLE NATIONALE SUPÉRIEUREDES SCIENCES DE L’INFORMATIONET DES BIBLIOTHÈQUES)

Gérer les périodiquesde Géraldine Barron, dir.La collection « Boîte à outils »fête ses dix ans et offre à son16e volume une nouvelleversion. Ce petit manueldécrypte les procédures et les enjeux de l’acquisition,du traitement et de laconservation des périodiques,documents complexes etprotéiformes qui nécessitentune réadaptation constante des professionnels.

collection La Boîte à Outils168 p., 22 €ISBN 978-2-910227-71-5

PUBLICATIONS DE L’UNIVERSITÉ DE SAINT-ÉTIENNE

Ma cocotte bien aiméeHistoire et mémoired’un objet quotidiend’Aurélie BrayetSuite à plusieurs expositionsautour des arts ménagers et du design organisées à l’université Jean Monnet,à Saint-Étienne, Aurélie Brayet propose un ouvrageretraçant l’histoire de lacocotte-minute. Et elle plaideici pour que se développel’étude scientifique des objetsqui peuplent notre quotidien.

collection Objets de patrimoine175 p., 23 €ISBN 978-2-86272-501-7

SYMÉTRIE

Correspondance et écrits de jeunessede Henri RabaudCompositeur français “moderne”injustement écarté par la postérité,Henri Rabaud (1873-1949) avait des conceptions artistiquesambitieuses que dévoile cette correspondance.

512 p., 49 €ISBN 978-2-914373-24-1

PUG (PRESSES UNIVERSITAIRES

DE GRENOBLE)

Discriminationssociales et droitsuniverselsde Willem DoiseL’auteur décrit ici pour lapremière fois comment sesrecherches sur les relationsentre les groupes et sur lesdroits humains ont trouvéleur origine dans laproblématique des relationscommunautaires en Belgique,dont il est originaire.

collection Psychologie en +165 p., 14 €ISBN 978-2-7061-1494-6

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Le CroquantL’enjeu de ce numéro est de pointerune réalité de notre époque à traversl’évocation de l’homme gaspillé et deson environnement dilapidé. Il croisedeux thématiques : « Art et déchet » et« La retraite, la cessation, la sortie, lapause », et pointe le processus de l’ex-clusion qui rapproche les hommes desdéchets matériels. Il est question d’art,de littérature, de poésie et de politiquedans les différentes contributions.

Homo detritus. Du rejet au projet.n°59-60, 192 p., 20 €

La Faute à Rousseau Ce numéro de la revue de l’Associationpour l’autobiographie présente undossier sur la ville suivant la doubleperspective de l’expérience et de l’al-légorie. Au-delà d’une promenadedans des villes réelles aussi variéesque Paris, Genève, Helsinki, Calais,Saint-Andrews ou Ambérieu-en-Bugey,c’est une réflexion sur la façon dontla ville modèle et reflète notre iden-tité. Est notamment évoqué le travailde deux anthropologues, PierreSansot et Marc Augé, sur notre expé-rience en tant que sujets des villes.Des clichés de la photographe CatherineSoudé illustrent l’ensemble.

n°50, février 200984 p., 9 €

Amphitrite, scène fantastiquedu fond des mers, 1908,carte postale.

revues

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LA TAILLANDERIE

Villefranche-sur-Saônede Jean-Jacques PignardJean-Jacques Pignard, qui a été maire de Villefranche-sur-Saône pendant 19 ans (de 1989 à 2008), présente ici une instructive baladeurbaine, soulignée par denombreuses illustrationscolorées auxquelles le livrefait une large place.

144 p., 30 €

ISBN 2-87629-348-9

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salon du livre 2009Le livre tient bon…C’est ce qu’on a pu se dire en parcou-rant les allées du salon du livre, à Paris,version 2009. 198 150 visiteurs, selonle SNE, une fréquentation en progres-sion de 20% par rapport à 2008 (parti-culièrement difficile) et d’environ 10%par rapport aux précédentes éditions.Les ventes réalisées par les éditeursont globalement suivi le mouvement,même s’il existe sans doute de grandscontrastes selon les domaines. Sur cepoint, la forte présence du jeune publica probablement fait pencher la balancecommerciale du côté des éditeurs quis’adressent principalement à lui.Reste queles chiffres de croissance positifs ne sontpas pléthoriques ces derniers temps...Sur le stand Rhône-Alpes,où 25 éditeursétaient installés, l’impression dominanteétait celle d’un « bon salon ». Impressionà confirmer par le bilan des ventes,même si l’on sait que, pour certains,l’essentiel des gains liés à cet événementne se résume pas forcément à unecolonne de chiffres. Et puis on rappel-lera une fois encore le très beau premierPrix Rhône-Alpes de l’adaptationcinématographique remis le 17 mars àEmmanuelle Pagano, pour son romanLes Adolescents troglodytes (P.O.L), parJean-Jack Queyranne, président duConseil régional, et Hippolyte Girardot,président du jury.

Sélection des nouveautés des éditeurs de Rhône-Alpesréalisée par Émilie Pellissier

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portrait

Chronique de littératurebuissonnièreEst-ce l’aspect grotte gro-tesque qui a séduit le chan-teur de Matrice (« Renvoyez-nous d’où on vient / D’où onest né d’où on se souvient »),

ou bien le côté sublimation – plusque sublime – d’un monumentqui dissimule sa vérité de tom-beau derrière un faux air de fête ?

Qu’importe après tout. L’essentieldemeure que l’inspiré facteurd’Hauterives continue d’inspirerd’autres inspirés et ainsi de suitejusqu’à la fin de la poésie. Car ledernier roman de Gérard Manset,À la poursuite du facteur Cheval(Gallimard), que d’aucuns pour-raient trouver sans queue ni tête(qui parviendra à mettre la mainsur le sujet du livre ?) ressortit plusau genre Rimbaud qu’à un autre.Mais qu’importe là encore.Puisquel’essentielle demeure a plus d’une

tour dans son sac : que Mansetpoursuive « obstinément le rêve »du facteur que d’autres après lui(André Breton, Alain Borne, LionelBourg) ont continué et d’autrescontinueront prolonge l’édifice, lelustre, l’enlumine. Et le donne enfin de compte autant à voir qu’àlire. Oui, au fond, le Palais idéal,ce seul vrai poème de… Romans.R.-Y. R.

Livre & Lire : journal mensuel, supplément régional à LivresHebdo et Livres de France, publié par l'Agence Rhône-Alpespour le livre et la documentation.

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Si près, si loinElle écrit en ce moment le roman de sa vie, tournedans un film, termine son doctorat de philosophie,jongle avec les langues et les identités. Rencontreavec Maya Ombasic, insaisissable écrivain duQuébec venue de Bosnie-Herzégovine en passantpar la Suisse. À Lyon, en résidence, pour un prin-temps d’écriture.

Elle n’a qu’un livre à son actif et déjà plusieurs viesderrière elle. Quoi d’étonnant lorsqu’on naît à Mostaren 1979 et que, treize ans plus tard, c’est le début d’uneguerre sanglante qui fait éclater un pays jusque-là soudépar le moins pire des communismes à la mode desBalkans. Un pays auquel, dans la famille Ombasic, oùl’on est bosniaque tout en portant des prénoms serbes,on croit dur comme fer. La déroute de la fédération etla décomposition de l’identité yougoslave n’en serontque plus douloureuses. Premier départ pour Split, surla côte croate, par convoi humanitaire. En compagniede son petit frère, la jeune fille reste huit mois dans safamille à attendre l’arrivée de ses parents. Elle connaîtbien la ville,où elle passait jusque-là tous ses étés.Maisà part la mer, rien, jamais, ne sera plus comme avant.À Genève, en 1993, la famille s’improvise réfugiée. Uneparmi des milliers d’autres,parquées tout d’abord dansdes camps de transit qui rappellent les heures sombres.N’accède pas qui veut au chocolat et aux comptesnumérotés… Quinze ans plus tard, Maya Ombasic n’apas pardonné à la Suisse cet accueil indigne, les emploisde troisième zone que sa mère, qui avait fréquenté lafaculté de droit, a dû occuper pour nourrir la famille,l’exclusion vécue au quotidien. Jusqu’à cette ultimeet cordiale invitation faite à la jeune femme par laConfédération helvétique,après ses brillantes études auCollège Calvin : vous pouvez rester. Mais pas vosparents… Alors puisque l’Europe défaille et renonce àaccueillir les siens, c’est décidé : ce sera l’Amérique !Ottawa, en 1999, puis Montréal, « sa » ville, où elles’installe dès 2004, pour poursuivre ses études de phi-losophie. Et à mi-parcours, la citoyenneté canadienne.Une belle cérémonie. Il y avait le passé, la musique etun haut fonctionnaire assurant aux nouveaux citoyens

elle sort son deuxièmeroman, Rhadamanthe,une histoire d’amour,quelque part entre leQuébec et Cuba ; pré-pare déjà son troisièmelivre, dans lequel elleaborde enfin les fan-tômes de sa propre exis-tence ; fait l’actrice dansun long métrage bientôtsur les écrans et s’exerce,pendant ce temps, à laboxe et au flamenco…Tout ça l’air de rien. Oupresque. « Il y a une éner-gie cosmique concentréeen moi », s’amuse-t-elle.Un élan vital,c’est certain.

Né peut-être de la multiplicité desidentités qui ont laissé leur marqueà l’intérieur. Cette jeune femme-làest plusieurs, assurément.Tous ces pays qu’elle a traversés,toutes les langues qui, en elle, trou-vent une voix, toutes ces tragédiesqui la font écrire, toutes ces comé-dies aussi, rendent Maya Ombasic àla fois incroyablement présente etirrémédiablement absente. Isoléequelque part entre la gourmandisedu présent et la nostalgie de l’en-fance,qui surgit au détour d’un pre-mier voyage à Cuba (son « autre »pays d’adoption – mais lequel ?),là où les crèmes glacées ont encorele goût de la Yougoslavie : « exac-tement les mêmes glaces commu-nistes… » Maya Ombasic habite cepays sans nom. Si près, si loin. L. B.

La résidence Rhône-Alpes – Québec,organisée par l’Arald et l’Uneq, est financéepar la Région Rhône-Alpes et le Conseilgénéral des arts et lettres du Québec.

qu’ils étaient désormais libres de devenir ce qu’ilsvoulaient, y compris premier ministre. Maya Ombasic apleuré. « Le rêve américain existe », dit-elle simplement,« j’en suis la preuve ».

Plusieurs, assurément

L’ouverture d’esprit, le respect, la liberté de recommencer,tout cela, elle le porte au crédit de ce continent et plusparticulièrement du Québec : « Après la Suisse, ce fut unsoulagement ».Le sourire et le rire éclatants d’aujourd’hui,dans la façon qu’ils ont de surgir et de s’absenter,de surgir à nouveau, portent le voile des épreuves. Ladisparition de son père, en 2007, reste la plus rude. Luine s’est jamais remis de son exil forcé. Maya Ombasicexprime le silence qui désormais l’accompagne dansL’Épitaphe, joli court-métrage qu’elle a scénarisé. La vieet la mort comme un exercice d’équilibre entre le tra-gique et le burlesque. C’est cela aussi les Balkans… Alorspourquoi pas le cinéma ? On comprend que l’appétitde la jeune femme est sans limite. Son énergie aussi.Elle travaille à son doctorat de philosophie autour dela question de l’altérité et des figures de Derrida et deGadamer ; elle a bouclé une formation de scénaristeà l’Institut national de l’image et du son, à Montréal ;

Directeur de la publication : Geneviève Dalbin

Rédacteur en chef : Laurent Bonzon

Assistante de rédaction :Marion Blangenois

Ont participé à ce numéro : Jean-Baptiste Cabaud,Géraldine Kosiak, Yann Nicol,Danielle Maurel, ÉmiliePellissier, Roger-Yves Roche

Remerciements à BrigitteChartreux pour lesphotographies et FrédéricAmiot pour la technique

Livre & Lire / Arald 25, rue Chazière - 69004 Lyon tél. 04 78 39 58 87 fax 04 78 39 57 46 mél. [email protected] www.arald.org

Siège social / Arald1, rue Jean-Jaurès - 74000 Annecy tél. 04 50 51 64 63 - fax 04 50 51 82 05

Conception : PerluetteImpression : ImprimerieFerréol (Imprim'Vert).Livre & Lire est imprimé sur papier 100% recyclé avec des encres végétales

ISSN 1626-1331

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