Lucier, P. (1999) « À propos du modèle universitaire québécois »

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    Chaire Fernand-Dumont sur la culturePierre Lucier 1 de 3 1999

    Lucier, Pierre propos du modle universitaire qubcois

    Notes pour l'allocution prononce par Monsieur Pierre Lucier, prsident de l'Universit duQubec, lors de la remise de doctorats honorifiques Messieurs Bernard Assiniwi et GeoffreyBallard, sous l'gide de l'Universit du Qubec Trois-Rivires, au Muse des arts et

    traditions populaires du Qubec, Trois-Rivires, le 26 fvrier 1999.

    Monsieur le Recteur,Monsieur le Prsident du Conseil d'administration,Mesdames et Messieurs de la direction, du corps professoral,du corps tudiant et du personnel de l'Universit du Qubec Trois-Rivires,Monsieur Assiniwi, Monsieur Ballard,Distingus invits,

    L'Universit du Qubec dcerne ce soir, sous l'gide de l'Universit du Qubec Trois-Rivires, un doctorat honoris causa Monsieur Bernard Assiniwi et Monsieur GeoffreyBallard. Elle souligne ainsi, dans un geste public et solennel, l'estime et la reconnaissance

    qu'elle porte ces deux minents crateurs - crateurs de connaissances, de rapprochements,crateurs de vie, en somme -, en mme temps qu'elle souligne la valeur d'exemplarit de leurstravaux et de leurs engagements. Monsieur Assiniwi, Monsieur Ballard, le RecteurPlamondon dira tout l'heure toutes les raisons que nous avons de vous honorer ; je lui enlaisse le soin et m'associe d'avance ses propos. Je vous prie seulement de recevoir mes pluscordiales flicitations. L'Universit du Qubec est fire de pouvoir vous compter dsormaisparmi ses docteurs d'honneur et vous proposer ainsi comme modles ses tudiantes et sestudiants, qui en sont l o vous avez vous-mmes jet les bases de votre carrire et de votrerayonnement.

    Les travaux de nos deux nouveaux docteurs appartiennent des domaines de formation et derecherche - les tudes qubcoises, l'hydrogne - qui constituent deux des crneauxd'excellence de l'Universit du Qubec Trois-Rivires. Sur la base d'une programmationlarge et remarquablement quilibre, en effet, l'UQTR a russi des perces, cibles maissignificatives, aux cycles suprieurs et dans les circuits nationaux et internationaux de larecherche. Elle a ainsi fait la preuve que la taille et la gographie n'empchent pas departiciper l'excellence reconnue. Au contraire, en misant sur les besoins et les atouts de sonterritoire d'appartenance, elle a su imposer ses quipes et son nom parmi tout ce qui comptedans des secteurs comme les ptes et papiers, l'environnement, l'nergie et les matriaux,l'activit physique, la chiropratique, les tudes qubcoises, la gestion des petites et moyennesentreprises, et d'autres encore. Cette russite institutionnelle mrite attention et analyse. Ellenous renvoie au modle d'universit qui a prsid et prside toujours au dveloppement del'Universit du Qubec et de ses constituantes vocation gnrale. Au moment o, sans trop

    oser le dire ouvertement, certains jonglent avec l'ide de classer les tablissementsuniversitaires en grandes "universits de recherche" et en petits "tablissementsd'enseignement", il n'est pas inutile de remettre en lumire le modle que la crmonie de cesoir clbre sa faon.

    Le modle dont nous vivons au Qubec et qui sous-tend toujours les politiques publiques en lamatire, c'est que la mission de l'universit comprend, dans sa nature et sa dfinition mme,un incontournable devoir de participer aux circuits de la production de nouvellesconnaissances. Ce qui caractrise la formation universitaire, mme au premier cycle, c'est

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    qu'elle est dispense et poursuivie avec des quipes de matres qui sont eux-mmes prsents etactifs sur les nouvelles frontires du savoir et qui, de ce fait, peuvent exposer les tudiants lasollicitation des savoirs en train de se constituer et de progresser. C'est pour cela que,

    judicieusement, prudemment, conomiquement mme, il y a, dans tous les tablissements del'Universit du Qubec, mme dans ceux qui sont de taille modeste, des lieux et des domaineso les activits et les personnes se mesurent aux standards les plus levs et ambitionnent le

    calibre mondial - avec succs, d'ailleurs. Ralisme dans le nombre et la nature de ces perces,mais indfectible volont de raliser le plein dploiement de la mission universitaire. Qu'il yait de grands tablissements et de petits tablissements: on le sait, on le voit, et sans qu'il soitbesoin d'en faire la liste par taille dcroissante! Mais, si on imagine qu'une telle classificationdevrait signifier que des tablissements soient ds lors "dclasss" et relgus quelquemission secondaire d'enseignement, de "grandes universits de recherche" s'occupant seulesd'tre de vraies universits, vous aurez compris que, pour nous, il n'en est tout simplement pasquestion. Point. la ligne. D'abord, parce que les faits contredisent nettement cette prtention- et il n'y a pas plus encombrant que le rel, n'est-ce pas ? Et, surtout, parce que, en dernireanalyse, il y va de la nature mme de l'universit.

    Je pense, comme d'autres, que la mission de l'universit est essentiellement et formellement la

    formation des tudiants. Mais je pense aussi que la formation universitaire ne peut pas treassure par un enseignement qui serait coup de la recherche. On ne valorise pasl'enseignement en l'isolant de la recherche, moins de consentir amputer l'enseignementuniversitaire de ses caractres propres.

    Je ne suis pas en train de dire que tous les tablissements doivent partout se lancer dans tousles secteurs, voire droite et gauche, donnant ainsi raison ceux qui craignent lesaupoudrage - surtout quand la poudre ne leur profite pas, il faut bien le dire! Non, nosdveloppements aux cycles suprieurs et dans des crneaux de pointe sont mesurs, songs,cibls, identifis en fonction de besoins reconnus, de nos atouts et de nos capacits effectivesde russir. Et nous nous y engageons le plus souvent avec d'autres. Mais laisser entendre quel'excellence et mme les tudes de cycles suprieurs ne seraient possibles et opportunes quedans quelques tablissements de grande taille, dans les grands centres urbains de prfrence,c'est se faire une ide bien trique du dveloppement de notre territoire et de notre socit.C'est aussi renier bien vite ce qu'on dit pourtant partout de l'effet de rgionalisation dcoulantdu mouvement actuel de mondialisation. Le savoir et l'excellence n'ont pas de frontires et ilest possible, en maints endroits de la toile que forment les rseaux scientifiques, d'treauthentiquement noyau, relais et serveur, parce que producteur de connaissances. Et, cefaisant, on n'a pas s'excuser auprs de ceux qui nous pointeraient du doigt parce que nous lespriverions de quelque chose. Nous ne faisons que ce que nous devons et que les populationsdu territoire attendent de nous.

    Je ne suis pas davantage en train de renvoyer dos dos ceux qui, tels les auteurs d'undocument ministriel rcent, se demandent s'il est "ncessaire que chaque professeurdevienne, par rapport ces deux fonctions" (i.e. la recherche et l'enseignement), un'microcosme' de l'universit". Ou encore de laisser entendre que chaque professeur peut et doits'investir galement et toujours dans chacune des facettes de l'activit universitaire. Larecherche recouvre des ralits diverses, qui commandent des manires diverses d'amnagerles choses. Ainsi, il y a la recherche inhrente aux activits d'enseignement; elle consiste donner un enseignement qui suit les avances de la discipline ou du domaine couverts et s'ytenir la pointe de l'volution scientifique. Il y a la recherche conduite personnellement par lapoursuite systmatique, sans subvention spcifique, d'explorations et de dmarches pouvant

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    souvent aboutir des publications. Et il y a la participation au systme - car c'en est un - de larecherche subventionne ou commandite, laquelle exige gnralement la constitutiond'quipes et de rseaux et comporte un ncessaire engagement dans les circuits publics etinternationaux du savoir. Dans le premier cas, c'est une activit incontournable pour tous ceuxqui acceptent de faire de l'enseignement. Dans le second cas, ancien comme l'universit elle-mme, on ne voit pas bien qu'un professeur de carrire puisse ne pas y tre engag, sous peine

    de compromettre, plus ou moins long terme, la validit et la qualit de son enseignement.Quant la participation au systme de la recherche subventionne et commandite, on peutestimer qu'elle peut varier, parfois mme selon les tapes d'une carrire individuelle - d'o unecertaine modulation des tches, dont on observe partout la pratique. Mais, s'il devait s'enexclure ou en tre exclu, un tablissement universitaire n'aurait plus d'universitaire que lenom.

    Au bout du compte, cependant, on peut penser que l'impasse se cre dans la manire mme decamper la mission universitaire quand on y distingue, parfois mme comme deux missions,l'enseignement et la recherche. Une fois l'enseignement et la recherche ainsi conceptuellementdissocis, c'est gnralement en vain qu'on essaie ensuite de les rconcilier ou d'en doser lacombinaison. Je suis convaincu qu'il faut plutt, et ds le dpart, identifier l'axe central et

    intgrateur de la mission de l'universit, qui est celui de la formation, une formation quis'acquiert par l'enseignement et la recherche. C'est probablement la seule faon de ne pasretomber dans les dichotomies striles couramment vhicules et, surtout, d'assurer lesfondements de toute stratgie de recentration de l'enseignement et de la recherche. On pourraitd'ailleurs en dire autant de la fonction critique, qui ne "s'ajoute" pas l'enseignement et larecherche, mais qui est plutt et clairement une dimension mme de la pratique universitaire.Mme chose pour le "service la collectivit", qui rside fondamentalement dansl'enseignement et la recherche, et non dans quelques activits spcifiques d'appoint tiquetescomme telles.

    L'vnement qui nous rassemble illustre et clbre cette vision qui a inspir et inspire toujoursl'action de l'Universit du Qubec Trois-Rivires. Il y a ici un tablissement de formationdont la qualit reconnue de l'enseignement s'est nourrie, ds l'origine, d'engagements rflchisdans des crneaux de spcialisation et d'excellence o il a entrepris d'tre dans le peloton dette, et mme d'y tre le meilleur. Ce modle, qui est celui de l'Universit du Qubec et despolitiques publiques, c'est avec conviction et dtermination que nous le raffirmons ce soir,autour de nos deux docteurs d'honneur. Et j'assure la direction de l'Universit du Qubec

    Trois-Rivires - l'actuelle et la prochaine - de mon appui entier et inconditionnel dans lapoursuite de cette vision et de ce modle d'universit: de taille moyenne, je veux bien, maisune vraie universit, une grande universit.

    Je vous remercie de votre attention.