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Luisito n'hésita pas une seconde, s'installa plus ...mir.argonne.free.fr/Leo_DragonRouge.pdf · d'âge et savait les secrets du tatouage. Il connaissait le pouvoir des traits sur

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Il était une fois une femme belle et sans âge. Je dis sans âge car elle faisait partie de ces personnes qui savent encore écouter le vent. Elle avait pour habitude de sortir dans son jardin et de s'asseoir sur une pierre de granit blanc pour écouter le vent chanter ses histoires fantastiques, drôles, terribles ou effrayantes. Ce jour là, elle sortit comme à son habitude. Mais le vent n'était pas au rendez vous. Il devait s'être perdu entre le sud et l'est. Alors elle se mit à siffler doucement un air de l'ouest car elle avait très envie ce jour là d'écouter des histoire chaudes, rouges comme le coucher du soleil.Comme elle sifflait, le vent se montra d'abord timidement. Elle insista doucement faisant de son sifflement une caresse pour amadouer ce vent capricieux. Envouté, le vent d'ouest arriva enfin avec son cortège de senteur : la mer et le sable, le désert, le chocolat, le désert encore et enfin le piment. La femme sans âge retrouva les douceurs épicés de ce pays enivrant : le Mexique. Elle murmura au vent ce mot qui s'envola dans une bourrasque.

Alors le vent Ehécatl commença son histoire :

« Le désert, la poussière, la chaleur voilà le décor de mon histoire. Le Nord mystérieux et

lointain qui semble parfois abandonné des dieux mais qui pourtant sont bien là et y soufflent encore leur magie.Juan luis avait alors 19 ans, il était jeune, impétueux et possédait toute l'arrogance du jeune mâle effarouché. Il avait décidé que pour luire aux yeux de ses amis et bien sûr à ceux des jeunes demoiselles de se faire tatouer. Bien sûr il avait opté pour un dessin d'une grande impétuosité : un énorme dragon rouge sur son énorme biceps droit. Il entra ainsi un matin chez El Rolo, tatoueur réputé et lui aussi sans âge. Il franchit la porte impétueusement en clamant qu'il voulait un tatouage. El Rollo installé dans sa boutique, au fond, sur une chaise et sirotant une Corona d'un litre encore glacée, l'observa en silence :

« Hola . » grogna t-il sans prendre la peine de se lever.Le jeune homme surpris se stoppa et salua plus calmement. Alors El Rolo se leva tranquillement et s'avança vers Juan Luis, le dévisagea et lui adressa un sourire étonnamment spontané. El rollo était petit et trapu. La crâne rasé faisait ressortir les multiples piercings de son visage ainsi que les deux énormes expansion en jade à ses oreilles. Son bras gauche était entièrement tatoué de teinture noire et l'autre couvert de motifs colorés, brumeux, repassés et entremêles. Son visage rond ressemblait étrangement à celui de la pleine lune orné des deux yeux noirs joviaux et brillants.

« Alors tu veux un tatouage Mec? » _ « Et un tatouage où ça? Sur ton beau bras brun et musclé? » _ « Attends, attends laisse moi deviné... un tigre... non …. Jésus crucifié... non non …. un... un dragon! Hein mec... c'est ça hein! Un dragon! »_ « Et quelle couleur tu veux, ton dragon? » Ses petits yeux noirs étaient devenus moqueurs et une lueur de malice les rendaient un peu effrayants. Luisito se sentit tout étrange et s'entendit bafouiller:

« Rou.. rouge mec »« Rouge!!! bien sûr... rouge...!! Ah Luisito, assieds toi là! Oui là! Fais moi voir ce superbe

biceps et tiens toi tranquille! »Juan luis s'exécuta étonné que El Rolo connaisse son nom. Mais il s'imagina qu'il devait le connaître et il en tira une grande fierté. Il s'installa sur la chaise du salon de tatouage et souleva orgueilleusement la manche droite de son tee-shirt de Los Pumas.El Rolo sourit :

« Évidemment »El Rolo fouilla nonchalamment dans des tas de magazines en adressant des sourires poliment narquois à Juan Luis et finit par sortir de l'un d'eux le dessein d'un Dragon Rouge. Il l'exhiba sous les yeux émerveillés del Luisito.

C'était ça! C'était celui que Luis avait en tête!! Il était parfait : fier, majestueux, triomphant !!! Une flamme incroyable sortait de sa gueule ouverte et ses griffes dressées en combats paraissaient acérées comme des couteaux!C'est ça!! C'est celui là!!

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Luisito n'hésita pas une seconde, s'installa plus confortablement et pria El Rolo de commencer de suite.

El Rolo n'était pas n'importe qui. Je te l'ai déjà dis tout à l'heure, cher lecteur, il n'avait pas d'âge et savait les secrets du tatouage. Il connaissait le pouvoir des traits sur la peau, la magie de la graphie gravée dans la chaire. Il connaissait la puissance de porter un Dessins de Vie. Le tatouage est une âme sœur.C'est ainsi, cher lecteur, que notre ami Luisito sortit de l'atelier du Rolo avec un superbe et flamboyant dragon rouge sur le biceps droit! Il se dirigea tout de suite vers le parc sportif pour arborer fièrement son muscle tatoué. Il remonta ses manches jusqu'en haut en se mit à courir épaule en avant, le regard droit et dur, comme il convient à un tatoué, guettant les regards envieux et admiratifs des autres sportifs.Pourtant les regards ne se firent ni admiratifs ni envieux mais plutôt rieurs. Alors il insista sur la position en avant du biceps jusqu'à adopter une étrange course latérale qui le faisait ressembler plus à un crabe qu'à un valeureux guerrier. Mais cette attitude attisa les moqueries des autres coureurs, alors il s'en alla vexé par l'ignorance de ces idiots.

De retour chez lui, la nuit tombée, fatigué par sa journée, Luisito se coucha dans son lit d'enfant à côté de la chambre de sa mère. Cette nuit il rêva de son tatouage. Un rêve étrange où le dragon lui apparaissait pour lui révéler la nature véritable des Dragons Rouges: des êtres nobles et courageux. Il vivaient dans des grottes d'où ils ne sortaient qu'à l'appel d'un gros coquillage dans lequel soufflait un petit homme couvert de parures de plumes. Un monde mystique et fantaisiste apparut cette nuit là à Luisito, un monde qui le dépassait par sa splendeur et sa violence.Soudain il fut réveillé par une ardeur fulgurante sur le bras droit. Il se leva, alluma la lumière et souleva son tee shirt; le tatouage était rouge, ardent, et boursoufflé. Il pensa « Putain de Rolo, il m'a tatoué comme une brute! ». Il tenta de se rendormir en vain.

Le lendemain, Luisito qui avait bien mal dormi, se dirigea vers la salle de bain, consulta son tatouage et constata qu'il était parfaitement normal. Aucune trace de boursouflure, la chaleur avait disparu et le dragon lançait sa flamme avec bravoure.Il décida donc de retrouver sa bande, les mecs, les vrais, ceux qui sauront apprécier toute la valeur de sa parure. Un fois rassemblés, il exhiba avec fierté son dragon mais la réaction de ses camarades fut plus que surprenante: ils éclatèrent de rire!!!« Aie Luisito, le pleureur ! Alors poète, tu as l'âme triste !! Hahahahaa !!! »Étonné il jeta son regard vers le tatouage et découvrit entre stupéfaction et terreur que son fier dragon … pleurait!! Tête basse entre les griffes, il pleurait l'imbécile!! Comme un gosse à sa maman!! Luisito sorti en volant et rageur en direction de la boutique de Rolo sous les esclaffades de ses amis, tordus de rire !!

« ROLO!! Rolo !! Imbécile !! Qu'est ce que tu m'as fait !! »Comme à son habitude, Rolo se prélassait entre le ventilateur et sa Corona. Il leva les yeux sans sourciller vers le jeune homme furieux.

« Qu'est ce qui t'arrives Luisito? Tu n'es pas content? Ton tatouage n'est pas ce que tu voulais? »

« Mais regarde abrutis !! Regarde ce que tu m'as fait !! Un dragon de pédale !! »Il souleva brutalement sa manche et cloua son biceps sous les yeux calmes de Rolo.

« Un dragon de pédale ?! Je ne vois pas ce que tu veux dire Luisito. Tu t'énerves pour rien. Ton dragon est comme tu le voulais. »Luisito baissa les yeux vers le dessin et fut plus effrayé qu'auparavant: il retrouva le dragon rouge tel qu'il était ce matin: fier, arrogant et crachant du feu. Il bafouilla, se confondit, rougit, blanchit, verdit pendant que le Rolo le dévisageait en plissant les yeux.

« Je comprends pas … tout à l'heure... tous les autres... ils ont bien vu... je comprends pas... »

« Aie, aie, aie, Luisito tu exagères sur la Marie Jeanne ou ton dragon est vivant.« Vivant ?! T'es fou Mec !!! le dragon vivant !! C'est un tatouage !!!! t'es cinglé!« Aie Luisito, pas cinglé, non,non; non pas cinglé » Rolo tiqua de la langue et secoua la tête

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« C'est toi le cinglé ! Tu ne vois pas ! Tu ne regardes même pas ton tatouage et ce sont les autres qui le voient pour toi ! Tu t'exhibes prétentieusement et ton tatouage devient ce que les autres veulent. Tu l'as fait pour ça non ? »Juan Luis resta pantois. Quoi...? Quoi je l'ai fait pourquoi ? Non j'ai rien fait pour ça !! pensait-il. Ses yeux allaient et venaient du tatouage au visage confiant del Rolo qui continuer de sourire.

« T'es cinglé mec! » trancha Juan Luis avant de tourner les talons et de claquer la porte du magasin.

Juan luis décida de ne plus retourner chez le tatoueur qui lui foutait les jetons. Il ne savait cependant que faire, montrer ou cacher ce putain de tatouage qui changeait de forme à chaque fois qu'il le montrait.Au bout d'un temps, il finit par cacher son tatouage et à se méfier de ceux qui voulaient le voir. Il ne le montrait plus; ne portait que des teeshirt à manchettes malgré les plus de 40° extérieur.Il devint moins arrogant, moins sensible aux flatteries des filles sur son tatouage.Il se cachait pour regarder le dragon, ou profiter des moments de solitude pour soulever sa manche. Le dragon devint un ami, un confident. Il finit par ne le montrer qu'aux personnes de confiance et aux ami(e)s sincères. Il vit ainsi son tatouage changer, il semblait que des plumes poussait sur les pattes et sur le dos du dragon. Ses pattes rétrécissaient jusqu'à faire parti du ventre. Le dragon ressemblait de plus en plus à un serpent emplumé.

Luis retourna alors chez Rolo. En franchissant le seuil de cette porte, il se souvint de son arrogance à l'époque de sa première visite. Il sourit, entra et trouva El Rolo à sa place. Il se dirigea vers lui et cette fois El Rolo se leva et le salua d'une accolade sincère :

« Comment vas tu mon frère ? Comment va le Quetzalcoatl ? »