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Mais pourquoi écrivent-ils tant? par Marianne Payot, Jérôme Dupuis, Delphine Peras

Ils sont en permanence dans l'actualité, et pour cause... Ces forçats de la plume publient à tour de bras. Brève présentation de quelques-uns de ces auteurs prolifiques, pas toujours faciles à suivre.

Comment les appeler? Graphomanes, stakhanovistes, forçats de la plume? Toujours est-il qu'ils ne connaissent apparemment ni l'angoisse de la page blanche ni la panne d'inspiration. Aucune respiration chez ces workaholics, qui ne s'accordent aucun temps mort, aucun repos entre deux ouvrages.

Balzac, Dumas, Simenon... On peut écrire beaucoup et bien. L'histoire littéraire est là pour nous le rappeler. Nul

besoin de remonter jusqu'au dramaturge espagnol Lope de Vega (1562-1635) et ses 2 200 pièces de théâtre. Ainsi, plus près de nous, Balzac, harcelé par ses créanciers et ses maîtresses, a tout de même écrit 137 romans et nouvelles - dont bon nombre de chefs-d'œuvre - entre 1829 et 1850. Autre géant du xixe siècle, Alexandre Dumas, dont les œuvres complètes, publiées de son vivant chez Michel Lévy, totalisent 301 volumes ! Certes, dans ce dernier cas, quelques « nègres » ont mis la main à la pâte... Le XXe siècle a aussi ses stakhanovistes de la Remington : Simenon (près de 200 romans signés de son nom et autant sous pseudonymes), Corin Tellado, la « Barbara Cartland espagnole » (aux alentours de 4 000 bluettes !) ou encore Jean Bruce, le père d'OSS 117, célébré ces jours-ci par Jean Dujardin, qui a publié en rafales 88 aventures d'Hubert Bonisseur de la Bath, en à peine quinze ans. Soit, tout de même, un volume tous les deux mois...J.D.

«La crise? Quelle crise?» s'écrient-ils en chœur, provoquant l'embarras des libraires (qui doivent aussi caser les éditions de poche de ces megawriters), l'agacement ou la lassitude des journalistes - «Encore un Minc»! - qui se plaisent à rêver d'une planète peuplée des parcimonieux Baudelaire, Michon, Holder, Schuhl et autres Pynchon.

Les éditeurs, eux, sont partagés, selon qu'ils ont affaire, ou non, à une vache à lait. Dans le premier cas, ils pousseront volontiers l'auteur à produire davantage dans le second, ils tenteront de modérer sa productivité. Car les écrivains à plein temps, la plume greffée au bout des doigts, entendent publier au minimum trois livres par an (au risque de l'imperfection), quand le rythme moyen des parutions est d'un titre tous les deux ans, «au pire» d'un tous les ans - à l'instar d'une Amélie Nothomb, qui détient dans ses tiroirs assez de manuscrits pour remplir une bonne bibliothèque, ou d'un Henri Troyat, dont on continue de publier, deux ans après sa mort, les ouvrages inédits.

Mais qu'est-ce qui pousse des êtres normalement constitués à taper vaille que vaille leurs

milliers de signes quotidiens? La peur de la mort - ou de la vie - l'argent, le pouvoir, l'insomnie, l'ennui, le narcissisme, l'amour des mots, le rêve de perfection ou encore une pathologie professionnelle du type Troc (pour «trouble rédactionnel obsessionnel compulsif»)? Tous les cas existent, ici comme ailleurs. Car si la graphomanie ne date pas d'aujourd'hui (voir l'encadré), elle n'a rien, non plus, d'une «exception française». Les Anglo-Saxons comme Joyce Carol Oates, John Updike, P. G. Wodehouse, Dean Koontz, Danielle Steel, Donald Westlake (l'un de ces serial writers obligés de prendre des pseudos pour assouvir leur «vice») affolent aussi les compteurs.

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Pour notre part, nous en avons sélectionné quelques-uns, particulièrement actifs ces toutes dernières années, dont nous vous présentons brièvement (belle gageure!) le parcours. Un choix cornélien. Car nous aurions pu aussi bien «traiter» les dossiers de Jacques Attali, chroniqueur maison et agitateur éditorial, d'Alain Minc, de Jean Vautrin, de Patrick Cauvin-Claude Klotz, d'Henri Vernes, d'Alain Fleischer (six ouvrages en douze mois!), de Patrick Besson, d'Andrea Japp, de Juliette Benzoni, de Madeleine Chapsal... La liste est sans fin, bien sûr!

M. P.

Max Gallo L'homme aux deux diplômes (un CAP de mécanicien ajusteur et l'agrégation d'histoire) a

un beau jour délaissé son enseignement à l'université de Nice pour gagner Paris et la notoriété. Plus que son premier livre (L'Italie de Mussolini, 1964), c'est son premier roman, Le Cortège des vainqueurs (1972), qui a donné le la à l'époustouflante carrière de cet ancien député, entre sagas romanesques, fresques tricolores et biographies monstres.

Nombre de titres publiés : une bonne centaine (depuis 1964). Depuis 2007 : 10, soit un total de 3 800 pages. A 77 ans, l'infatigable académicien

continue de s'attabler à 4 heures du matin pour enchaîner les pages à l'attention de ses deux principaux «employeurs», XO et Fayard, qui publient, tels des métronomes, ses histoires fleuves (Révolution française, Louis XIV, pour XO, L'Ame de la France, Le Pacte des assassins, pour Fayard).

Succès : Impossible de tous les citer. Selon les tomes des sagas, les chiffres peuvent grimper à 150 000 exemplaires (Les Patriotes, Les Romains, Victor Hugo), hors poche, le best-seller absolu restant Napoléon, avec 1 700 000 ventes, toutes éditions confondues.

Motivation : «L'homme n'existe que par le "faire"», aime à dire ce fils d'un modeste artisan d'origine piémontaise. Alors il fait, il produit, sinon il s'ennuie.

M. P.

Eric-Emmanuel Schmitt Cet agrégé de philosophie, né en 1960 et installé à Bruxelles depuis 2002, est non

seulement un romancier à succès, mais il est aussi devenu l'auteur de théâtre français le plus joué dans le monde (La Nuit de Valognes, Le Visiteur, Variations énigmatiques, etc.). Il se charge maintenant d'adapter ses livres au cinéma, dont Odette Toulemonde et autres histoires.

Nombre de titres publiés : 34 (depuis 1994), tous genres confondus, toujours chez Albin Michel ou presque. «Je rêve perpétuellement mes livres. J'en ai plusieurs en tête, tout prêts. Il me suffit de m'asseoir pour qu'ils sortent sur le papier. En fait, je publie beaucoup, mais j'écris peu, quelques semaines par an.»

Depuis 2007 : 4, soit 900 pages. «Maintenant, je vais écrire une pièce de théâtre. Ça me manque.»

Succès : Publié en 2002, Oscar et la dame rose approche le million d'exemplaires, toutes éditions confondues. Monsieur Ibrahim et les fleurs du Coran (2001) le talonne.

Motivation : «Un mélange d'angoisse et d'équilibre. Je suis rongé par la culpabilité, sous le coup de cet impératif judéo-chrétien qui intime: "Travaille et utilise ton talent." Quand je n'écris pas, après trois jours de vacances, je suis à bout de nerfs! Ecrire me donne aussi un formidable pouvoir sur le temps: je cesse de le subir.»

D. P.

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Yann Queffélec Depuis le fameux «Toi chéri, t'as une gueule d'écrivain» lancé par Françoise Verny en

1979 sur l'île de Ré, le fils du grand romancier maritime Henri Queffélec n'a cessé d'écrire. A 59 ans, l'incontrôlable et sympathique Parisien bretonnisant multiplie les contrats, entrecroisant romans et documents au gré de son inspiration et de ses besoins.

Nombre de titres publiés : Au moins 25 (depuis 1981) Depuis 2007 : 7, soit quelque 1 750 pages, seul ou à quatre mains. L'année 2009

s'annonce compliquée pour Yann Queffélec. Certes, il a déjà publié un roman, La Puissance des corps, le 25 févier, chez son éditeur principal, Fayard, et un beau livre avec Philip Plisson, au Chêne, sur la Bretagne, mais les trois autres ouvrages programmés au printemps (chez Plon, au Rocher et chez Fayard) semblent devoir être repoussés.

Succès : Les Noces barbares, bien sûr, - bon - prix Goncourt 1985, avec plus de 1 million d'exemplaires. Depuis, il navigue entre 15 000 et 50 000 selon les titres, toutes éditions confondues.

Motivation : Avec une vie privée passablement agitée, cinq enfants à élever et une belle appétence pour les nourritures terrestres, les sources de dépenses ne manquent pas.

M. P.

Mary Higgins Clark A bientôt 80 ans, la star américaine du thriller «light», révélée en France, en 1977, par La

Nuit du renard, tient désormais le rythme de deux romans par an, un pour Noël, un pour les vacances d'été. D'origine irlandaise, née dans le Bronx, orpheline de père à 10 ans et veuve à 35 ans, avec 5 enfants à charge, cette ancienne hôtesse de l'air n'a jamais douté de sa vocation d'écrivain, malgré l'échec de son premier livre, en 1969. Elle trouvera son salut dans le polar tendance psy, avec, de préférence, une jeune fille pour héroïne, dès la publication de La Maison du guet, en 1975.

Nombre de titres publiés : 53 (depuis 1969), dont 5 en collaboration avec sa fille Carol. Depuis 2007 : 5, soit 1 600 pages. Je t'ai donné mon cœur paraîtra le 20 mai chez Albin

Michel. Succès : 300 millions de livres vendus dans le monde, dont 20 millions en France où

chacun de ses titres s'écoule en moyenne à 400 000 exemplaires toutes éditions confondues. Cette chanson que je n'oublierai jamais est n° 1 des ventes de livres de poche pour le premier trimestre 2009.

Motivation : «Il suffit d'une phrase pour enflammer mon imagination!», a-t-elle déclaré, non sans préciser qu'elle avait pris l'habitude de s'offrir un bijou à la fin de chaque livre...

D. P.

Michel Onfray Issu d'un milieu modeste, docteur en philosophie - qu'il enseignera jusqu'en 2002 - ce

chantre de l'hédonisme a créé la désormais fameuse université populaire de Caen, libre, gratuite et sans inscription. «Graphomane» revendiqué, 50 ans tout rond, Michel Onfray tient désormais une chronique dans Siné Hebdo.

Nombre de titres publiés : 50 environ (depuis 1989)... «J'ai encore une dizaine de livres déjà terminés dans mon ordinateur: une correspondance avec le compositeur Pascal Dusapin, un ouvrage sur le peintre Gérard Garouste, des voyages, le tome VII du Journal hédoniste...»

Depuis 2007 : Au moins 13! Soit quelque 2 300 pages...

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Succès : Fort d'avoir suscité la polémique, son Traité d'athéologie (2005) s'est vendu à plus de 300 000 exemplaires. Autre best-seller: L'Antimanuel de philosophie (2001).

Motivation : «Une urgence à l'écriture; c'est vital pour moi. Il n'y a pas de planification, pas de stratégie. Je travaille vite et beaucoup, j'y passe presque tout mon temps, je ne cours pas les dîners mondains, je ne prends pas de vacances, je ne pars pas en week-end. Je publie chez différentes maisons qui correspondent aux différents genres que j'aborde. De toute façon, un seul éditeur ne pourrait absorber toute ma production...»

D. P. Source : L’Express