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Relations internationales : une perspective européenne. Résumé Introduction d) La théorie des relations internationales : vers une perspective européenne Prendre en compte la perspective européenne = approfondir la question du devenir de l’Etat, de la coopération internationale et de l’intégration régionale entre Etats voisins dans les relations internationales. D’une part, l’Europe peut être vue sous l’angle d’une success story controversée (souveraineté partagée, construction), ce qui interroge la science politique et les relations internationales, et d’autre part, l’histoire de la pensée pol. Et les développements récents des RI = comme un fil conducteur pour le débat sur les théories, pour les nouvelles approches (néo institutionnalistes et constructivistes). L’Union européenne peut être vue comme « un évènement philosophique » (au sens hégélien) --) confrontation à des changements théoriques. Il y a- t-il une innovation théorique ou un changement de paradigme au sens de Th Kuhn ? Le fil conducteur du cours est de savoir si la construction européenne ne constitue pas le premier pas vers un nouveau paradigme au niveau des relations internationales, une nouvelle conceptualisation théorique. Le paradigme westphalien comprend plusieurs systèmes internationaux, donc il est possible qu’on ait – plutôt qu’un changement de paradigme - un futur système westphalien de type nouveau. - Définitions : - Paradigme (Th Kuhn) : « les paradigmes sont des constructions scientifiques : ce sont les conquêtes scientifiques universellement reconnues, qui, pendant un certain temps, fournissent un modèle de problématisation et de solutions acceptables à ceux qui pratiquent un certain domaine de la recherche. » - Paradigme de Westphalie : passage net entre l’Empire d’origine médiévale à un nouveau paradigme : nouveau cadre international centré sur les Etats. (remarque : par contre le passage du système westphalien historique au système bipolaire ne met pas en compte la souveraineté des Etats comme principe régulateur. Il ne faut donc pas confondre paradigme de Westphalie et système de Westphalie.) Est- il scientifiquement légitime de poser cette question ? Pour la première fois dans l’histoire mondiale, un grand nombre d’Etats décident de collaborer au sein d’un système tel que celui de nouveau, co-souveraineté, supranational et interétatique… Un nouveau système politique à la fois intergouvernemental, post national et transnational existe en Europe, entouré de structures pan- européennes. Il y a des tendances parallèles sur d’autres continents, de nouvelles formes de gouvernances régionales sont en train d’émerger, des voies originales vers la transformation de l’Etat, de la gouvernance globale et du système mondial. 2. Les enjeux méthodologiques et épistémologiques de la discipline : un questionnement européen. Historiquement, la discipline a des origines normatives et même pacifiques, la première chaire a été attribuée Alfred Zimmern, dans la perspective de la nouvelle société des nations. 1

Mario Telo - Relations Internationales

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Resume of the book "Relations Internationales" written by professor Mario Telo of the ULB (Université Libre de Bruxelles) - The text is in French

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Page 1: Mario Telo - Relations Internationales

Relations internationales : une perspective européenne. Résumé

Introduction

d) La théorie des relations internationales : vers une perspective européenne

Prendre en compte la perspective européenne = approfondir la question du devenir de l’Etat, de la coopération internationale et de l’intégration régionale entre Etats voisins dans les relations internationales. D’une part, l’Europe peut être vue sous l’angle d’une success story controversée (souveraineté partagée, construction), ce qui interroge la science politique et les relations internationales, et d’autre part, l’histoire de la pensée pol. Et les développements récents des RI = comme un fil conducteur pour le débat sur les théories, pour les nouvelles approches (néo institutionnalistes et constructivistes).

L’Union européenne peut être vue comme « un évènement philosophique » (au sens hégélien) --) confrontation à des changements théoriques. Il y a- t-il une innovation théorique ou un changement de paradigme au sens de Th Kuhn ? Le fil conducteur du cours est de savoir si la construction européenne ne constitue pas le premier pas vers un nouveau paradigme au niveau des relations internationales, une nouvelle conceptualisation théorique. Le paradigme westphalien comprend plusieurs systèmes internationaux, donc il est possible qu’on ait – plutôt qu’un changement de paradigme - un futur système westphalien de type nouveau.

- Définitions : - Paradigme (Th Kuhn) : « les paradigmes sont des constructions scientifiques : ce sont

les conquêtes scientifiques universellement reconnues, qui, pendant un certain temps, fournissent un modèle de problématisation et de solutions acceptables à ceux qui pratiquent un certain domaine de la recherche. »

- Paradigme de Westphalie : passage net entre l’Empire d’origine médiévale à un nouveau paradigme : nouveau cadre international centré sur les Etats. (remarque : par contre le passage du système westphalien historique au système bipolaire ne met pas en compte la souveraineté des Etats comme principe régulateur. Il ne faut donc pas confondre paradigme de Westphalie et système de Westphalie.)

Est- il scientifiquement légitime de poser cette question ? Pour la première fois dans l’histoire mondiale, un grand nombre d’Etats décident de collaborer au sein d’un système tel que celui de nouveau, co-souveraineté, supranational et interétatique… Un nouveau système politique à la fois intergouvernemental, post national et transnational existe en Europe, entouré de structures pan- européennes. Il y a des tendances parallèles sur d’autres continents, de nouvelles formes de gouvernances régionales sont en train d’émerger, des voies originales vers la transformation de l’Etat, de la gouvernance globale et du système mondial.

2. Les enjeux méthodologiques et épistémologiques de la discipline : un questionnement européen.

Historiquement, la discipline a des origines normatives et même pacifiques, la première chaire a été attribuée Alfred Zimmern, dans la perspective de la nouvelle société des nations.

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Ensuite, retour de la tradition réaliste : E Carr (1938), H Morgenthau (1947). Ils ont remis au centre les relations de puissance entre les Etats et notamment la démarche principale des réalistes – de Thucydide à Machiavel- cad expliquer la permanence de l’état de guerre. Mais il faut aller plus loin que cette bipolarité entre les 2 courants (utopie d’un gouvernement mondial pour la paix / pérennité de la guerre), il y a des tendances de longue durée qui ont des impacts théoriques sur la discipline + le parcours autocritique au sein de la discipline elle-même. R Aron parlait d’ailleurs de « sociologie des relations internationales », dans le cours : théorie des relations internationales.

Une triple question épistémologique sous-tend le développement de la discipline et reste ouverte adj. :1) question de la domestic analogy de Hobbes : est ce toujours valable dans un contexte

tel que celui de l’UE ? (paix entre anciens ennemis). Les 3 explications de la guerre : anthropologique (nature de l’homme), stato-centrée ou systémique (système international) sont-elles toujours pertinentes ? Est-ce que le comportement des Etats doit rester le centre de la recherche ?

2) la question du rapport entre l’étude des faits internationaux, de leur nature objective et de leur narration subjective se pose de façon spéciale dans un continent ou le processus d’unification a aussi été déterminé par les idées, la perception des dangers externes, mémoire de l’holocauste. (Selon Hegel : dialectique entre objectivité et intersubjectivité). Année 1990 : montée des approches constructivistes : importance du rôle des idées. (ex : politique des US avec Bush)

3) question du poids croissant des institutions dans le changement des comportements des Etats, de leurs relations avec les nouveaux acteurs non étatiques, ainsi que de la question de la légitimité de la gouvernance supranationale. Institutionnalisme, néo- institutionnalisme, études sur l’institutionnalisation des règles internationales, S Hoffman et la juridicisation des RI, S Krasner, R O Keohane et son concept de « World politics »… le lien établi entre transformation interne et le changement international sont à l’origine des approches institutionnalistes ; et les avancées dans la matière n’auraient pas été possible sans les succès de la construction européenne.

U Beck a posé une question fondamentale : comment aborder un nouvel horizon de questions théoriques, se situant au-delà de l’Etat, avec des catégories de pensée élaborées dans le cadre des Etats nations ?

3. Le paradigme westphalien et sa révision.

L’origine du paradigme de Westphalie : déclin de l’empire des Habsbourg (tradition catho romaine) et naissance des Etats souverains. Remplacement du système international supranational basé sur l’Empire du MA par un système stato- centrique basé sur la souveraineté interne et externe des Etats. Le paradigme international qui émerge met un terme à la guerre des trente ans (1618- 1648) et est communément appelé paradigme de Westphalie : une société d’Etats territorialement souverains et politiquement indépendants. Il continue de conditionner notre monde sous différentes formes : multipolaires ou bipolaires. 1ère forme du paradigme : balance of power. 3 traits distinctifs :

1) rex est imperator in regno suo : il n’y a pas d’autorité impériale supérieure aux rois souverains, indépendants et égaux par rapport aux autres rois.

2) Cuius regio eius religio : c’est le roi qui établit la religion de son royaume, avec pour conséquence le principe de non ingérence dans les affaires internes.

3) Balance of power : principe qui vise à empêcher la primauté d’une seule puissance.

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La force de ce paradigme est liée à la préparation théorique des auteurs tels que Machiavel, Bodin, Grotius et Hobbes. Sur le plan international, dans la première période, il s’agit d’un système d’équilibre (balance of power) où dominent les 5 grandes puissances entre 1648 et 1914 ou 1939 ; et après 1945, monde bipolaire. Les historiens sont partagés sur la question de savoir dans quelle mesure le monde bipolaire a modifié le paradigme westphalien. Conséquences : paix et stabilité, limitation de la souveraineté de facto des petites et moyennes puissances, problèmes écologiques, globaux, interdépendance des gouvernements. Cependant, pas de modification de la souveraineté de jure : pas de mise en question du principe de la souveraineté des Etats, ni de leur égalité légale internationale, ni déclin des pratiques néo souverainistes. En +, mouvements de libération ont ravivé le principe de la souveraineté nationale.

La question de la disparition (ou non) du paradigme de Westphalie est toujours controversée. Fin centralité européenne --) renforce le modèle stato-centriqueMondialisation éco --) pas remise en cause radicaleDonc, on est dans une phase de transition. Multitude de théories pour conceptualiser le système international actuel. Fil conducteur : parcours de la mise en question pratique et théorique des fondements du paradigme stato-centrique de Westphalie, mais aussi limites de ce changement (pas fin souveraineté, ni super Etat européen)

Chapitre 1 : les origines de la discipline et l’affirmation de l’Ecole réaliste.

1. De l’Antiquité au Moyen Age.

Le paradigme réaliste est largement dominant dans la discipline des relations internationales au 20ème siècle. Raisons : l’histoire des RI du 20ème a pris une place importante dans la pensée politique et l’approche réaliste s’est conjuguée avec la théorie des systèmes après 1945, notamment aux US car correspondait bien au monde bipolaire. Néanmoins, seconde moitié du 20ème : émergence de plusieurs courants post- réalistes. (vu phénomènes nouveaux comme l’interdépendance éco, la multiplication des organisations pacifiques de coopération entre Etats, opinion publique transnationale et UE)

Evolution pensée réaliste :- Thucydide : stratège athénien du 5ème AVC, applique « la sagesse éternelle » du

réalisme pour étudier les guerres du Péloponnèse entre Sparte et Athènes. Selon lui, l’action internationale ne s’explique que par la volonté de puissance et les Etats se livrent à une lutte sans fin pour le pouvoir, ancré dans la nature humaine. La place pour la justice et la paix est donc très limitée.

- Par contre, selon Aristote (384-302 AVC) : le meilleur et le + stable système politique est celui qui privilégie la paix, par la justice et la tempérance.

- En Chine : débat théorique : 4ème et 5ème AVC au moment des Royaumes combattants. Shang Tzi « La nécessité de la Guerre » : met en exergue l’importance de la guerre pour l’éducation et la cohésion d’un peuple, alors que Mencius développe la pensée de Confucius pour critiquer l’injustice de la guerre. Ensuite, 3ème AVC, Han Fei-Tzi et son école légaliste défendent l’ordre interne comme préalable de la victoire externe dans un contexte théorique où la guerre est considérée comme inévitable.

- La pensée chrétienne : Thomas d’Aquin (13ème), « Summa théologiae » sur les conditions de la guerre juste : elle doit être déclarée par une autorité légitime, pour une cause juste et avec des intentions juste. (ex MAE Israélien). Selon Erasme, « La recherche de la paix », qui est confronté aux guerres entre souverains chrétiens qui se

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revendiquent tous de la guerre juste, affirme qu’en réalité c’est la passion, l’ambition et la folie qui occulte la nature pacifique de l’homme.

2. Thomas Hobbes, Grotius et l’école dominicaine espagnole.

La tradition réaliste moderne date du développement de l’Etat nation au 16ème. Inspirateurs : Machiavel (15ème ) et surtout Hobbes (16ème). Les Etats modernes – absolus- s’imposeront en Europe au 16ème et 17ème (traités de Westphalie et de Munster).

- Machiavel : l’Etat est la force du pouvoir exécutif et son action doit être étudiée selon la réalité effective et pas en opposant idéal et réalité. Machiavel envisage une politique d’équilibre entre les petits Etats, anticipant la « balance of power » et prônant la diplomatie.

- Hobbes : l’Etat est caractérisé par la volonté de puissance, et cela au détriment des autres, l’état de guerre international est donc structurel et permanent. Depuis Hobbes, les réalistes font appel aux concepts de l’Ecole du droit naturel et à la « domestic analogy » ; la transposition de l’opposition au sein d’un Etat (entre individus), entre état de nature / raison, ordre/ désordre, anarchie/ paix stable au niveau de l’ordre international. Peut-on comparer l’ordre interne et externe et parler d’un contrat d’association et gouvernement entre les Etats pour aboutir à un ordre et mettre fin à la guerre de tous contre tous ? Selon Hobbes, on peut expliquer le désordre international avec les instruments qui caractérisent l’ordre/ désordre interne. Mais alors qu’on peut atteindre la paix interne par un pacte social, au niveau international la paix durable est inconcevable, car il ne peut exister de Léviathan au niveau international. Donc un pacte d’association entre Etats, sans pacte de gouvernement avec menace de punition, ne pourrait durer. Donc, pour Hobbes : méthode de la domestic analogy mais un contrat international mettant fin à la guerre : pas envisageable.

- Ecole dominicaine espagnole et Grotius : autre courant de la pensée internationaliste focalisé sur les devoirs de l’Etat. En se basant sur l’école du droit naturel, les théoriciens / juriste du 15ème essaient d’établir une ligne de conduite à laquelle les dirigeants devraient se conformer. Vitoria « Sur les Indiens », insiste sur les droits naturels pour tous les individus et la limitation de pouvoir qu’elle implique. Il dit également que la « guerre juste » doit avoir au préalable une cause juste (venger une injustice et punir les responsables, défendre les sujets d’autres Etats). Grotius : va dans le même sens et soutient le droit des Etats de mener des guerres défensives ou dans le but de prévenir une offense ou une menace. Mais il condamne les guerres visant à « la balance of power ». Enfin, Christian Wolf « La loi des nations » dit que le devoir des Etats de se perfectionner, de se civiliser, s’accompagnent des devoirs réciproques des nations. Tous ces éléments se rapportent de façon problématique au concept de souveraineté, chaque Etat peut empêcher les autres d’interférer avec son gouvernement et à le droit de faire la guerre.

3. Les courants de la pensée européenne du 17 ème au 19 ème .

Contexte européen : phase contradictoire : domination mondiale puis 2 guerres mondiales. La théorie des RI imbriquée dans ce processus : nationalisme, puissance --) tendance anarchique hobbesienne ; mais mouvement pacifiques et européanistes émergent, et troisième tendance : civilisation du système étatique et des RI, vers une société des Etats.

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A) Emmanuel Kant et les traditions pacifistes.

Kant : Ecole idéaliste ou rationaliste. Ecole du droit naturel. Mais il estime possible d’arriver à une paix internationale durable et juridiquement fondée, mais à certaines conditions. « Projet de paix perpétuelle » (1795), 3 conditions : républicanisme, fédération d’Etat, et la formation graduelle d’une société transnationale. Kant est à l’origine du courant de pensée qualifié de libéral aux US du 20ème, il inspire la mise en place des organisations pacifiques internationales, les thèmes comme la protection des droits de l’homme, la démocratisation dans l’agenda international. Pas comme la tradition utopiste. (Qui proposent un changement de comportement des souverains).Entre le 19ème et le début du 20ème : apparition de projets rationnels pour l’ordre européen ou mondial de paix : - le pacifisme économique basé sur le libéralisme économique, lien entre libre échange

et paix internationale- la tradition juridico- centrique (Bentham) centrée sur la formation de la Cour de

Justice européenne ou mondiale, pour arbitrer les disputes entre les Etats et d’appliquer le droit international. + émergence du cosmopolitisme juridique (Kelsen)

- idée kantienne d’un pacifisme juridiquement fondé, d’une fédération égalitaire d’Etats indépendants, accompagnée de l’émergence d’une tendance cosmopolitique transnationale et des changements politiques internes vers la démocratisation. Distinction croissante entre l’objectif de la paix mondiale et celui de l’ordre régional européen.

- Pacifisme socialiste et communiste, tradition de l’Internationale ouvrière, puis internationale social démocrate (Mazzini).

- Pacifisme religieux et tous les courants de pensée attirant l’attention sur la nature humaine en tant que cause de la violence interne et internationale.

B) L’Europe entre l’anarchie internationale et le processus de civilisation du système des Etats souverains : le multipolarisme et le multilatéralisme entre le 19ème et le 20ème

siècle. (Pas vu au cours)

La pensée kantienne est restée marginale pendant un siècle et demi. Le paradigme westphalien ne sera pas réformé, et le pacifisme juridique n’aura pas d’impact historique réel avant 1945. Cependant, la littérature sur l’Etat et sa politique de puissance dans les RI a ignoré un aspect essentiel du paradigme : le fait que celui-ci ait été adapté. L’équilibre des puissances à l’époque du Concert européen ne garantissait pas la paix mais établissait le cadre de la confrontation entre les puissances, ainsi que de leur collaboration. L’anarchie lockéenne allait de pair avec les règles de 3 types : constitutionnelles, de coexistence et de collaboration de Hull. L’idée que l’équilibre et les relations diplomatiques auraient encadré l’exercice de la souveraineté des Etats a des racines anciennes : Guicciardini, Machiavel … Grotius défend lui un système de règles (pendant la guerre des trente ans) : si un Etat devient trop fort, les autres ont le droit de se coaliser pour ramener l’équilibre. Hume, lui, défend une doctrine de prudence entre l’intérêt a court terme (alliance avec le plus fort) et à long terme (équilibre).De nouveau, l’équilibre et la stabilité ne garantit pas la paix : la guerre est endémique dans le contexte westphalien, mais est contrôlée et encadrée. Ce système européen des Etats devient une réalité assez indépendante des Etats eux même. L’idée d’unité européenne devient importante, (malgré l’absence des trois conditions de Kant). De plus, même si ce

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système était marqué par une hiérarchie favorable aux grandes puissances, il a tout de même permis la naissance du multilatéralisme. C’est aussi l’époque de la pax britannica (gold standard, libéralisation commerciale), dont le multilatéralisme est un pilier. L’hégémonie britannique avait des limites, liées aux contradictions internes et aux tendances impérialistes. Mais ce système d’anarchie lockéenne et mature a montré ses limites au niveau de la stabilité multilatérale internationale et européenne : elle n’a pu empêcher ni les conflits économiques, ni les conflits, l’impérialisme et les deux guerres mondiales. Mais c’est aussi dans ce contexte que se trouvent les racines de la coopération entre Etats d’Europe occidentale. Faiblesses : système très peu institutionnalisé ; émergence du rôle central de la GB (alors qu’à Vienne on voulait privilégier le statu quo), les colonies offraient une marge de manœuvre pour éviter les conflits intra européens mais ça aboutissaient en conflits structurels entre empires.

----) l’équilibre des puissances entre qq Etats a quand même permis la maturation d’une société européenne des Etats, un projet de stabilité, « anarchie régulée » … ce système qui s’est effondré avec les 2 guerres.

4. La crise de l’entre deux guerres, Européanisme, nationalisme et économie politique.

Ce système multipolaire de la balance of power et le multilatéralisme ont disparu au même moment pendant la « seconde guerre des trente ans » : 1919 – 1945. 1ère guerre mondiale + crise de 29 --) fin tandis que les Mexique n’étaient pas encore capables de prendre la relève. L’échec de Wilson à Versailles, la victoire de la logique revancharde de Clémenceau, la faiblesse de la SDN, l’effondrement de la démo de Weimar… les conceptions réalistes et idéalistes se reproduisent et se transforment en théorie des relations internationales. Malgré que la première chaire des RI est attribuée à Alfred Zimmen (auteur de la SDN), les théories réalistes prévalent bien entendu étant donné le contexte. La distinction entre ordre de paix européen et paix mondiale devient, après la 1GM, un élément structurant de la réflexion sur la paix. Une nouvelle réalité s’impose : l’Europe n’est plus le centre du monde comme à l’époque de Kant. Certes, le Mémorandum Briand pour une Fédération européenne est présentée pour la SDN et il a le mérite d’attirer l’attention sur l’importance des relations franco-all comme moteur de la construction multilatérale européenne, mais les 3 mouvements d’idées pour la construction européenne (fédéraliste (UK, Mexique, Agnelli) ; fonctionnaliste et le Paneurope (Coudenhove Kalergi) se démarquent déjà du cosmopolitisme universaliste. Ensuite guerre des trente ans, limite l’espace pour le développement de la pensée internationaliste et institutionnaliste liée à la démo libérale. Les œuvres majeures entre l’échec de la SDN et l’émergence du monde bipolaire. 3 piliers : Carr, Morgenthau, Aron, qui ont été influencés par la pensée de Machiavel et Hobbes. Ils sont influencés par la culture et le climat intellectuel de l’Europe des années 30 et 40, et sont aussi influencés par Keynes et Polanyi. En effet, la pensée keynésienne a de influence sur la sc. po, tant au niveau interne qu’international. Keynes avait critiqué le monde du concert européen et de l’hégémonie britannique. « Keynésianisme international » : vision à long terme pour assurer la stabilité éco interne et internationale. Ses idées en faveur de la coopération internationale valent aussi pour le Mexique et l’URSS, il est contre l’idée d’une humiliation pour l’Mexique. L’œuvre de Keynes est la première critique théorique de la logique réaliste du « dilemme de sécurité » et de la punition de l’ennemi vaincu et affaibli, mais elle ne trouvera un écho que pendant les négociations de Breton Woods. D’un autre coté, Polanyi partage avec Keynes l’idée que le monde du libéralisme classique, marqué par l’hégémonie britannique, (la centralité du pound, le laisser-faire, le libre

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échange) : le nouveau rôle de régulation des pouvoirs publics, tant interne qu’international, lui paraît inévitable après la 1GM et la crise de 29. Il interprète ce changement historique comme étant la « grande transformation » : transformation de la séparation libérale classique entre politique et économique a un double impact : la relance de l’Etat avec l’interventionnisme, et l’idée d’une coopération éco internationale organisée.

5. L’affirmation du réalisme A. Edward H. Carr

Historien et théoricien anglais, il reprend la distinction méthodologique de Machiavel entre politique et morale. Il étudie principalement la puissance et les rapports de force entre Etats et la guerre. Pour la théorie des relations internationales, la morale et les idées ne sont que des instruments de pouvoir. Cependant, le pouvoir et l’ordre international demande « a substantial measure of general consent ». Selon lui, c’est la raison pour laquelle l’émergence de la puissance américaine est plus acceptable pour le monde car il est plus tolérant et non oppressif. Carr souligne la crise de la SDN et de l’utopie d’une fédération mondiale. Il explique la faiblesse de la SDN par la difficulté structurelle de mettre sur pied une organisation politique internationale. Pour lui, les principes Wilsoniens ne représentent en fait que les intérêts des Mexique. « Représentation de l’intérêt national, ne peuvent être appliqués à une situation complexe ». La critique de Carr vise la démarche idéaliste et notamment l’illusion de vouloir aboutir à la paix internationale par le libre commerce et le cosmopolitisme libéral. Contrairement aux idéologies orthodoxes libérales, il est influencé par le keynésianisme. Carr est convaincu qu’un ordre international pacifique ne résulterait ni de l’harmonie spontanée des intérêts nationaux, ni de la main invisible de Smith, mais sera l’effet d’une reconstruction éco. Il partage avec Polanyi l’idée que le monde subit une grande transformation post libérale et qu’un retour à la situation antérieure à 1939 est impossible. Par contre, la coopération internationale économique lui parait possible et souhaitable. Sa pensée a influencé la naissance de l’école anglaise des RI.

C) Hans Morgenthau

Il reprend un aspect de la théorie classique de la raison d’Etat, et commence par affirmer la primauté heuristique de la politique internationale par rapport à la politique interne --) ce qui signifie que la politique internationale peut expliquer la politique interne. Il explique dans « Politics amongst nations » qu’il se borne à énoncer un constat et relance la polémique de Carr contre l’idéalisme utopique. Selon lui, les idéalistes insèrent des aspirations morales dans leur théorie. Selon Morgenthau, le monde est imparfait et basé sur des conflits d’intérêts, et la le meilleur résultat possible est l’équilibre des intérêts. Les principes de l’école qu’il appelle réalisme politique sont les suivants :

- reconnaissance des « lois objectives » et de long terme de la politique, cad utilisation d’une grille d’analyse rationnelle permettant de comprendre les alternatives réellement disponibles pour l’homme d’Etat, pour les décideurs.

- Les intérêts interprétés en terme de pouvoir, qui sont le « main signpost » du réalisme appliqué aux RI. Pour lui les R politique I sont indépendantes de l’éthique, la religion et l’éco.

- Les motivations idéologiques et les préférences philosophiques jouent un rôle négligeable. Selon le concept d’ « unintended consequences », plutôt que les intentions, c’est l’action politique concrète qui doit faire l’objet de l’analyse.

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- La rationalité de la politique étrangère peut être affectée par des facteurs subjectifs, mais la théorie doit mettre en évidence l’essence et non pas les éléments contingents.

- Le concept de puissance de l’Etat est basé sur des critères matériels (territoire, ressources mat …) mais est aussi lié à la qualité des ressources humaines. Morgenthau a réfléchi sur les moyens nécessaires pour augmenter la puissance d’un Etat : dissuader les autres Etats de chercher le conflit en créant une force considérable, diviser les ennemis, disposé d’un système de compensation pour préserver l’équilibre entre les puissances.

- La centralité du concept de « balance of power » au niveau de la politique internationale. Selon M, c’est l’instrument universel de politique étrangère, et des puissances indépendantes peuvent coexister parce qu’elles s’équilibrent réciproquement.

Ce concept de balance of power, pourtant trait permanent du système international, est controversé et est ambigu chez Morgenthau. Tantôt il s’agit d’une policy, d’une action politique des Etats, tantôt d’un processus automatique du système international. Il est aussi difficile de situer un Etat sur la balance ; l’ « équilibre » manque de stabilité, ce qui semble un équilibre à un Etat peut être un déséquilibre pour un autre.

d) Raymond Aron.

Il développe sa pensée après la 2GM mais il consacre les acquis de la pensée réaliste : la centralité du paradigme étatique, le principe de territorialité (et compartimentage de l’espace), le concept de puissance et l’explication de la guerre au centre des RI. Il enrichit le concept de puissance de la tradition réaliste, en le distinguant du concept de force : la force est un moyen alors que la puissance est le résultat d’un acte de volonté, d’une capacité de mobiliser le moral national, et d’employer les moyens disponibles. Point de vue politique I, c’est la capacité d’une unité politique d’imposer la volonté aux autres. L’objectif de la sécurité est au centre de la vie internationale. Les Etats vont utiliser leurs deux instruments communs : la diplomatie et la force. Il était sceptique aux débuts de la CE car pour lui il lui manquait une volonté communautaire. Il adresse cependant une série de questions essentielles au paradigme westphalien :

- il amorce l’élaboration du concept de transnational, qui inclut les relations entre individus appartenant à des nations différentes et opposé au concept classique d’international, focalisé sur les seules relations interétatiques. Mais sa compréhension du concept reste limitée étant donné son jugement sur la CE.

- Contrairement à Morgenthau, il redécouvre l’importance essentielle de la dimension irrationnelle de la politique, qui devient une variable fondamentale, même pour expliquer l’intérêt national et le calcul cout/bénef. Il élabore la notion d’intérêts immatériels : ambitions historiques, prestige, idées… notion plus large de la politique.

- Enfin, il applique à la politique étrangère la méthode sociologique comparée (Montesquieu) : de même que l’étude comparée des régimes politique explique le devenir des Etats, de même l’étude des bases sociales et politiques de l’Etat, de la géo, de l’histoire peuvent expliquer sa politique étrangère. Les changements socio-éco, le chômage, la démographie influencent la politique étrangère.

R Aron est une référence obligée.

D. La théorie réaliste : synthèse.

Théorie dominante aux US. Points communs entre les penseurs :

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- 1) méthode : domestic analogy et le refus d’admettre la possibilité d’un contrat international durable pour la stabilité et la paix. Le contexte international est donc dominé par l’anarchie structurelle, l’état de guerre potentielle, la menace réciproque. Aucune autorité politique centrale n’est envisageable au dessus de l’Etat, l’autorité est et reste décentralisée.

- 2) Les entités internationales les plus importantes sont les Etats. L’Etat westphalien, souverain et indépendant est au centre du paradigme stato-centriste des réalistes. Leurs comportement est inspiré par les objectifs de survie et d’auto défense. Les autres acteurs possibles sont subordonnés aux Etats.

- 3) Le contexte dans lequel les acteurs agissent est marqué par l’anarchie internationale et l’absence d’autorité supérieure. Alors qu’une partie des réalistes insistent sur l’anarchie éternelle, d’autres, la coexistence de facto est le max d’ordre envisageable, donc un équilibre précaire avec toujours un risque de guerre.

- 4) Certains réalistes travaillent sur les cycles des grandes puissances et de l’hégémonie internationale. Les relations entre Etats sont hiérarchiques, il y a des Etats hégémoniques. C’est le concept d’hégémonie et de sphère d’influence qui concrétise parfois ces hiérarchies entre les Etats et peut expliquer la stabilité.

- 5) La notion de puissance est au centre de l’Ecole réaliste, les Etat ont comme objectif premier de maximiser leur puissance. Certains dans une optique défensive et pour d’autre, vu l’intérêt national, dans une optique d’expansion de puissance. Les conditions de la puissance sont la population, le territoire et les capabilities, les ressources humaines d’un Etat. La politique étrangère sert à maintenir et développer la puissance d’un Etat, soit en équilibre, soit en alliance, soit par des actions unilatérales. L’éco n’est qu’un enjeu important, pas une explication déterministe.

- 6) Il y a une hiérarchie des questions de l’agenda international : sécurité au top, high politics prime sur la low politics, enjeux de pouvoirs ; importance du dilemme de sécurité : si un Etat se réarme, les autres doivent suivre (selon logique équ. Des puissances) malgré les discours pacifistes (qui sont alors remis en question par les Etats « malevolents »)

- 7) Primauté de la politique internationale sur la politique interne. Souvent les changements intérieurs ne comptent pas car l’intérêt national de l’Etat est conçu comme une réalité unitaire et rationnelle. Seul importe la place de l’Etat dans l’ordre international.

- 8) Vu que l’Etat est considéré comme une réalité unitaire, représentant l’intérêt national, son critère d’action est le « choix rationnel », les calculs couts/ bénef = seul critère explicatif de la décision en politique étrangère.

Les réalistes critiquent la « sup morale » des idéalistes et plaident pour une étude scientifique des RI ; la fonction idéologique des discours est mise en exergue sur base d’une approche positiviste. Cela se voit parce que le néo- réalisme est associé tantôt à des points de vue conservateurs et tantôt à des vues révolutionnaires.

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Chapitre 2 : Les approches systémiques et le néo- réalisme aux Etats Unis .

Contexte historique : bipolarisme et opposition totale URSS /US --) impose une évolution de la théorie par rapport au vieux monde de la « balance of power », et la théorie des systèmes constitue un instrument d’analyse pour cette évolution. US l’utilisnt pour conceptualiser leurs nouveaux rôles. Cette théorie se développe dans une relation de conjonction/ dépassement de la théorie réaliste. A la base, les théories systémiques ne concernent que les sciences exactes. En socio, les premiers sont Parsons et Merton, en politique : Easton. Cette théorie conditionne les développements ultérieurs.

1. La théorie des systèmes et les sciences sociales et politiques : D Easton et T Parsons.

La théorie générale des systèmes nait aux Etats Unis pendant les années 40.Les apports de Parsons et Easton sont des apports essentiels pour la conceptualisation aux sc po et RI. Pour la discipline des RI, cela crée l’occasion de réorganiser la connaissance de la politique internationale et de la rendre indépendante de l’histoire diplomatique et du dr. I.La théorie des systèmes ne focalise plus l’attention sur les seuls acteurs, mais sur la structure de leurs relations réciproques. Le système international existe alors en tant que concept, construction. Il y a, parallèlement et comme alternative, le développement du béhaviorisme (étude du comportement des acteurs) dans les années 50-60. Le béhaviorisme imaginait que les phén politiques auraient pu être étudiés par des recherches empiriques et descriptives. En revanche, D Easton part du principe que le comportement humain n’est pas basé sur le hasard et doit faire l’objet de constructions intellectuelles mettant en exergue ses uniformités et ses constantes. Il faut étudier les variables et les données empiriques dans le cadre d’une démarche théorique pour étudier les acteurs. (Weber) Cad qu’il y a séparation entre la morale (policy recommandation) et processus analytique de la connaissance. --) neutralité axiologique de type wébérienne. Selon Easton (« The political system »), pour comprendre un phen., il faut comprendre la façon dont fonctionne la totalité. Son approche est centrée sur les interconnexions entre les parties. (Rem : il y avait déjà eu de telles références aux systèmes par Hegel et Hobbes).

La situation du monde d’après 1945 facilite l’affirmation des visions globales et systémiques. Les théories des systèmes apportent une contribution importante même si controversée. Définition : les Etats et les acteurs de la politique et de l’économie internationale sont considérés par les penseurs systémiques comme en contact réciproque régulier, dans le cadre de réseaux complexes de relations créés par le processus d’interrelation ; leur action dépend aussi de leurs relations dialectiques avec la totalité.

David Easton élabore un modèle de relations au sein de système basé sur une sorte d’engineering. La dynamique systémique : le système fait face à des demandes (inputs), à des invitations au changement en provenance de l’intérieur et de l’environnement externe ; les autorités du système essaient de maîtriser les demandes de changement. C’est de cette manière que le système évolue, il peut s’adapter aux inputs externes, donner un feedback, une information concernant les effets des décisions prises et essayer de garder un équilibre. L’environnement du système politique est articulé en interne et en externe et ce dernier en une douzaine de sous système : sur base géographique internationale, fonctionnelle, thématique…

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Talcott Parsons a lui focalisé l’attention sur l’aspect dynamique des systèmes et sur leurs interconnexions réciproques. Selon lui, chaque système est un ensemble diversifié de fonctions. Il établit un classement des régularités sociales propre à chaque système, qui a quatre fonctions : maintien du système original, maintien de la cohésion sociale, adaptation aux contraintes extérieures, et capacité de réaliser des objectifs intéressant. Les pressions exercées pour le changement peuvent venir soit de l’extérieur, soit de l’intérieur. Elles ne sont pas forcément contrôlées et neutralisées par le système vu que les changements sont possibles.

L’apport des modèles systémiques : ouverture, la théorie des relations internationales se développe ainsi sous une forme plus globale et peut prendre en compte plusieurs variables.

2. La théorie des systèmes appliquée à la politique internationale : Morton Kaplan

Actuellement, il n’est plus possible d’étudier la politique internationale sans tenir compte de la théorie des systèmes, ni l’Etat. Les chercheurs doivent montrer au préalable qu’ils connaissent le poids des facteurs externes, systémiques afin de mieux apprécier le poids des dynamiques internes. Le contexte a facilité la diffusion et le développement de la théorie des systèmes. Après 1945, le multilatéralisme et la stratégie mondiale des US, le processus de développement d’un monde plus globalisé s’accélère. Avec la phase universaliste, avec la naissance des grandes organisations multilatérales, et ensuite le conflit bipolaire, le monde apparaît plus global --) contribue au succès des approches systémiques pour les RI. Le système bipolaire naît apt de 1947, et la relations entre les US et l’URSS structurent les RI. Morton Kaplan, dans « System and Process International Politics » est le premier à présenter l’approche systémique des RI. Selon lui, il y a dans le système international, des comportements présentant des régularités, qui permettent de déceler des cohérences internes. Il crée àpt de cela des modèles de système internationaux, qui évoluent sous l’influence de facteurs internes et externes. Selon Kaplan, il est possible d’établir des prévisions scientifiques dans ce domaine mais uniquement à l’intérieur d’un modèle. Kaplan distingue 6 systèmes internationaux au plan théorique dont deux ont réellement existé dans le passé (Westphalie et bipolaire), les 4 autres sont possibles et pourraient émerger après la fin du système bipolaire.

d) Le système d’équilibre, ou balance of power. Ce système a toujours fonctionné avec une dynamique multipolaire incluant environ 5 puissances / Etats dominants, en situation d’équilibre changeant, de même force et homogènes idéologiquement. Chaque Etat s’efforce de maintenir et d’accroître sa puissance et dans ce but, préfère la négociation au conflit armé. Le recours à la guerre pour augmenter ses ressources n’intervient qu’en dernier ressort. Les autres Etats se mobilisent quand une puissance tente devenir hégémonique car cela menacerait l’équilibre du système (ex : coalitions anti française et anti napoléoniennes.) La guerre prend fin dès qu’elle risque de détruire l’une des cinq grandes puissances (piliers du système), le but principal étant la conservation et la restauration du système. Tous les acteurs étatiques sont acceptables car leurs conflits ne sont pas d’ordre idéologique. Des conférences diplomatiques sont prévues tandis qu’interviennent des accords intergouvernementaux multilatéraux. Les cinq grandes puissances tentent d’affaiblir les acteurs non étatiques qui visent à agir indépendamment du système diplomatique et politique et à renforcer les institutions internationales. Les idéologies internationalistes sont découragées.

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2. Le système bipolaire flexible ou élastique. Les acteurs se diversifient et sont plus nombreux : deux superpuissances, des organisations universelles, l’opinion publique de la politique internationale, plusieurs Etats neutres, le mouvement des non-alignés. Le système est structuré sur base de deux grands blocs opposés : le bloc soviétique reposant sur le pacte de Varsovie + alliances, et le bloc occidental qui repose sur l’OTAN + alliances. Les deux blocs sont alternatifs au plan idéologique, économique et politique, ils se réclament d’idéologies à prétention universalistes antinomiques, idéologies qui impliquaient la destruction de l’adversaire. Il s’agit d’une ère de terreur réciproque qui a garanti la paix globale, avec un réarmement nucléaire massif des deux blocs et une volonté de destruction mutuelle. Les 2 puissances évitent toute confrontation directe. Quant aux autres acteurs, ils ont des comportements divers. Le poids du système international dans la politique interne est plus important que dans le système d’équilibre précédent. Pourtant, des Etats indépendants extérieurs aux deux blocs agissent selon leurs règles : ce sont des acteurs neutres dont certains appartiennent au mouvement des non alignés. (Inde de Nehru et Gandhi, les pays arabes sous le leadership de Nasser, la Suède et le Mexique. Les acteurs neutres soutiennent les organisations universelles : c’est l’existence d’Etats neutres et de l’ONU, et aussi l’existence d’une certaine flexibilité au sein des deux blocs qui fait qu’on qualifie ce système de flexible. Certains Etats et des acteurs universels n’acceptent pas de s’inféoder à la logique bipolaire : France de De Gaulle, Chine de Mao, Roumanie. Il y a neuf règles qui définissent le système bipolaire élastique. 1) chaque bloc tente d’affaiblir l’autre mais aussi de le détruire. 2) Il existe une hiérarchie interne à chaque alliance. 3) chaque bloc privilégie la négociation et la coexistence pacifique plutôt que l’affrontement militaire direct, et préfère affronter l’autre dans des guerres locales. 4) chaque bloc tente d’augmenter ses ressources et si possible au détriment du bloc ennemi (mais il s’arrête face au danger de l’holocauste nucléaire.) 5) les deux blocs s’efforcent d’instrumentaliser les organisations mais se rallient aux intérêts de l’organisation internationale si ceux-ci sont contraires au but poursuivi par le bloc ennemi. (Recours massif au droit de véto). 6) les pays neutres essaient de concilier leurs intérêts nationaux avec les objectifs des organisations internationales, à s’intégrer dans la stratégie et l’action de ces dernières. Ils tentent aussi de convaincre les 2 blocs de se rallier aux objectifs des organisations internationales (échec).7) les deux blocs se battent pour étendre leur zone d’influence aux pays neutres, ils soutiennent activement la neutralité d’un Etat quand celle-ci pose problème au bloc ennemi. Ex : US avec Tito) 8) pour éviter les risques de guerre, les pays neutres essaient d’atténuer les antagonismes des deux blocs (processus d’Helsinki).9) les organisations internationales ou acteurs universels s’allient aux pays neutres pour freiner ou limiter d’éventuelles déviations comme le recours à la force.

3. Le système bipolaire rigide. Plus hiérarchisé au plan interne que le système bipolaire flexible. L’ordre et la discipline sont très accentués et les positions indépendantes et autonomes, réprimées (ex : invasions soviétiques de la Hongrie et de la Tchécoslovaquie). Le rôle des pays neutres est moindre : les pays neutres disparaissent ou sont soumis aux superpuissances. Les acteurs universels perdent en influence ou paraissent instrumentalisés par un des 2 blocs.

4. Le système universel. Cela correspond au projet rationnel envisagé par Emmanuel Kant, mais adapté aux conditions du XXème siècle ; il représenterait une société internationale unitaire, pacifique, dont la stabilité politique et juridique irait de pair avec un système d’organisation confédérale où tous

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les Etats, quelles que soient leur force, leur taille, leur puissance, seraient sur un pied d’égalité. Ce système serait très solidaire, les organisations internationales joueraient un rôle essentiel au niveau de l’ordre global, et serait basé sur le principe de l’ingérence humanitaire au nom de la communauté internationale.

5. le système hiérarchique ou système unipolaire.Dans ce système, un des deux blocs du système bipolaire flexible a évincé l’autre ou l’autre s’est effondré. L’ordre international est réorganisé autour d’une hiérarchie politique, la cohérence des autres pays est régie par la logique de cette superpuissance. Ce système pourrait être autoritaire ou démocratique, selon le rôle attribué aux organisations internationales.

6. le système « unit- veto »Ce système serait l’aboutissement de la transformation du système bipolaire flexible en un système où non plus deux Etats mais une vingtaine posséderaient l’arme nucléaire. La prolifération nucléaire serait contrôlée. Cela correspond à un système de puissances nucléaires capables de se détruire les unes les autres, mais conscientes qu’en cas d’agression, la riposte serait immédiate. Ce modèle théorique vise la stabilité par la dissuasion réciproque. Quant au danger de la guerre par erreur, Kaplan pense qu’il est maitrisable grâce aux techniques de l’info. Les pays neutres et les acteurs universels jouent un rôle de second ordre, mais pourront servir de canal de communication et de médiateurs. Ce modèle n’est concevable en théorie que s’il est stable et durable.

d) La théorie néo- réaliste de Kenneth Waltz

Waltz a réussi à concilier la tradition réaliste avec la théorie des systèmes. (Man, State and War. Foreign policy and domestic politics; Theory of International Politics).« Man, State and War » repose sur la conception hobbesienne des relations internationales et constitue une critique de la pensée de Kant, Cobden et Wilson. Il aborde les trois niveaux de l’analyse en relations internationales : la nature égoïste et la méchanceté de l’homme, le comportement de l’Etat et des institutions, la pression de l’environnement international et des facteurs extérieurs comme la guerre. Dans « The Stability of Bipolar World » (un article), il défend explicitement la rationalité du système bipolaire, basé sur l’opposition totale entre les Mexique et l’URSS, le bipolarisme engendre la stabilité (+ que le bipolarisme.) La paix est garantie par la dissuasion nucléaire et le risque de guerre est plus limité qu’avant. Quant à la course vers l’armement nucléaire, Waltz considère que l’équilibre peut être sauvegardé parce que cela permet de dissuader l’adversaire et n’importe quel Etat de se lancer dans une guerre. Dans « Foreign policy and democratic politics », Waltz s’interroge sur l’effet de la démocratie sur la politique étrangère de l’Etat, (logique bottom up comme chez Kant), mais lui considère qu’il n’y a pas de relation entre eux, la démo ne concernant que la vie politique domestique. Selon lui, la vie et les valeurs de la démocratie n’ont aucun rapport avec la politique internationale, mais l’environnement international limite aussi la démocratie interne. (ex : monde bipolaire qui affectait la liberté d’action de certains Etats --) restriction de la démo). Dans chaque œuvre il y a des éléments qui contribuent à l’élaboration graduelle de la théorie néo- réaliste. « Theory of International politics » est le pilier principal de la théorie néo – réaliste. Eléments : Tout d’abord, point de vue de la méthode, Waltz souligne la différence entre une véritable théorie et la simple récolte d’info qui ne permet ni de comprendre ni de prévoir la politique. Ensuite il critique Kaplan. (A) Selon W, K donne trop d’importance aux dynamiques des Etats (unités du Système I) , pour W c’est du « réductionnisme. Par contre K ne donnerait pas assez d’importance à la structure du système. Il critique aussi la th de K à

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propos de la dynamique du système, car soit K présume que les facteurs de changements sont exogènes par rapport au système, or le système qu’il a défini est trop étroit ; soit K présume que les Etats sont eux-mêmes facteurs du changement et il viole, par conséquent, les postulats de l’analyse systémique en accordant aux Etats la primauté sur le système. Pour Waltz, c’est le système qui conditionne les unités et pas le contraire, les facteurs internes n’expliquent rien par rapport au système. (B) W reproche aussi au système d’équilibre de Kaplan d’avoir une contradiction interne entre ses deux règles principales : d’une part, la maximisation par les Etats de leurs intérêts par la politique de puissance et d’autre part, la sauvegarde du monde d’acteurs. Selon W, il faudrait considèrer tout système international, passé et futur, comme basé sur l’anarchie et donc sur l’autodéfense de chaque unité. W renforce l’approche systémique en pérennisant l’analyse structurelle. Le syst. International se caractérise donc pas une anarchie et des trois niveaux d’analyse (+ haut) , c’est le niveau systémique qui prime. La logique du calcul prix/ bénef est celle des Etats, mais ils doivent s’adapter aux contraintes et pressions externes. Il reconnaît l’interdépendance internationale mais pour lui cela ne change rien à l’anarchie structurelle, voire cela aggrave les vulnérabilités réciproques des Etats. Le recours à la force, les conflits armés sont toujours possible car le système anarchique crée l’insécurité, qui existe indépendamment de la bonne volonté des Etats et des gouvernants. (Différence avec le réalisme : pas centré sur les Etats.)Sa conception a été qualifiée de structuralisme politique. La structure anarchique permet de penser les unités comme faisant partie d’un ensemble. La structure a trois composants : le principe ordinateur (l’anarchie éternelle), la différence fonctionnelle et la distribution des pouvoirs (très importante). Concernant les rapports de force entre les unités, il reprend les acquis du réalisme classique, la puissance ne s’exerce pas uniquement par des pressions militaires, mais aussi par des sanctions éco. Selon W, la dynamique qui domine les relations entre les Etats est basée sur la logique du jeu à somme nulle : il y a toujours un vainqueur et un vaincu, ce qui signifie qu’aucune unité n’agit pour conforter des principes universels ou les institutions internationales, mais uniquement pour renforcer sa propre puissance. Dans ce contexte, il développe la notion du « dilemme de la sécurité ». Les Etats ne peuvent pas se désarmer même si seulement un seul d’entre eux refuse de désarmer. C lié à l’anarchie et à l’incertitude du système. Le but ultime d’un Etat est de renforcer ses chances de survie, et une fois la sécurité atteinte, ils peuvent avoir d’autres objectifs. C’est toujours la high politics (sécu) qui prime. La démarche de W est basée sur la neutralité axiologique , il ne dit pas que le monde bipolaire était bien mais constate qu’il n’y a plus eu de guerres majeures, par contre il attire l’attention sur les dangers d’instabilités et de guerres dans un monde multipolaire, dans lequel l’équilibre est plus difficile à atteindre : les erreurs sont plus courantes et les grandes puissances courent plus de risques d’être entraînées vers un conflit par les puissance plus petite. Il observe beaucoup les US dans l’optique de première superpuissance globale, il soutient qu’un « acteur est puissant dans la mesure où il affecte les autres plus que les autres n’ont le pouvoir de l’affecter. » et observe que les US parviennent à faire modifier le comportement des autres Etats, même contre leur volonté. Critiques de la théorie de W. : J Grieco et autres :

- le modèle théorique de W est trop statique et trop déterministe, il n’explique pas le changement du système, ni le passage d’un système à un autre. La substance de la politique internationale ne varie pas. Les changements se font à un niveau micro

- R Keohane souligne que la théorie de W n’explique pas le poids de la coopération alors que les Etats coopèrent plus ; sous estime les régimes, les associations, les organisations internationales et les effets de l’interdépendance… Réponse de W et des néo- réaliste : la coopération est difficile étant donné les contraintes systémiques, et même si les Etats ont des intérêts communs, ils risquent d’être trompés par leur partenaire ; et d’autre part ils risquent de souffrir d’un partage fonctionnel des tâches

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dans le cadre du libre échange multilatéral. Le succès de l’UE n’est donc pas pris en compte par W.

- Stephen Krasner estime que l’interdépendance accroît les possibilités de construire des « régimes internationaux » permettant de limiter l’anarchie internationale et de limiter la souveraineté nationale. Ce qui est ignoré par W vu qu’il ignore la CE.

- Selon le courant « transnationale », W sous-estime les flux transnationaux. Parallèlement aux relations interétatiques se développent des réseaux indépendamment des Etats (acteurs éco, ONG, Eglises…) car W est convaincu que ce sont toujours les Etats qui établissent les termes des relations.

- Selon la théorie « de la gouvernance » (penseur majeur : Rosenau) met l’accent sur les phénomènes sociologique du changement dans les relations internationales, et affirme que le niveau de décision ne coïncide plus forcément avec les Etats.

- Les tenants de l’ « International Political economy » contestent le fait que W attribue un rôle purement instrumental à l’éco, qui n’est pas vu comme une variable mais un enjeu.

La dernière critique : une approche non systémique, tous les autres sont partisans des courants systémiques. Malgré tout, W : une référence.

Chapitre 3 : l’économie politique internationale.

1. La genèse de l’Economie politique internationale.

Ajd reconnue comme une sous discipline des relations internationales. Approche qui privilégie l’étude des interactions de l’économique et du politique sur la scène globale. Origine : A Smith et K Marx. Ajd : travaux de Gilpin, Keohane, Kindleberger… qui appelaient à imbriquer les relations politiques et économiques internationales. Emerge dans les années 70 étant donné le contexte international de l’époque, riche en événements économiques aux implications fort politiques. L’apport de l’EPI aux relations internationales est crucial. Il propose une approche intégrée ou le pouvoir et la politique sont partie intégrante de l’économie. En outre, les travaux de l’EPI ont montré que la frontière entre le niveau interne et externe était en fait artificielle. Ils fournissent des instruments conceptuels de nature politologique pour étudier l’éco internationale et vice versa. La majorité des spécialistes de l’EPI estiment que la globalisation et les transformations des relations politiques et économiques internationales du début des années 70 ont ouvert la voie à une grande quantité d’acteurs nouveaux du système mondial comme les compagnies transnationales, les institutions économiques et financières internationales, les marchés financiers, les espaces régionaux , ONG… Avec cette multiplication d’acteurs, les chercheurs de l’EPI tentent de répondre à la question de savoir qui détient réellement le pouvoir dans la gouvernance mondiale. Il y a plusieurs approches différentes.

2. L’approche réaliste de l’Economie politique internationale : Robert Gilpin

La conception des relations internationales de R Gilpin s’inspire du néo- réaliste K Waltz, et il considère comme lui le système international comme anarchique et stato- centriste. Mais Gilpin aborde le changement et révise du structuralisme politique de Waltz. L’approche réaliste de l’EPI prend acte de l’interdépendance mondiale croissante à laquelle les Etats sont de plus en plus confrontés. Mais cela ne remet pas en compte, selon lui, le rôle central de l’Etat dans l’arène internationale. Il considère aussi que l’interdépendance croissante n’est pas une source de pacification des RI (pas comme les théories libérales), mais les Etats deviennent au contraire plus vulnérables, et l’interdépendance peut être porteuse de conflits

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commerciaux qui peuvent déboucher sur des conflits politiques voire armés. Il développe d’autres hypothèses : la guerre est une source de changement du système international, les grandes puissances sont un élément stabilisateur du système international, le déclin hégémonique américain serait au contraire une source d’instabilité internationale.

A. Guerre et changement dans la politique mondiale. Les cycles de la puissance.

Il tente d’expliquer les changements du système international, par une réponse scientifique aux détracteurs du néo- réalisme (souvent considéré comme une approche beaucoup trop statique). Le 1er changement du système international qu’il décèle est la guerre. Les Etats et les élites dirigeantes ont un comportement rationnel et agissent pour maximiser leur bénéfices (logique de couts/ bénéfices). Tant que les Etats sont confrontés aux mêmes couts et bénéfiques, le statu quo international est maintenu et la stabilité du système international est préservée. Un Etat cherche à modifier le système international quand l’équation couts/ bénef devient – avantageuse --) risque de rupture de l’équilibre. Les grandes puissances peuvent constituer une source de stabilité du système international. Gilpin discerne un cycle de vie caractérisant l’évolution des grandes puissances, avec 4 étapes principales. 1) phase d’expansion où la grande puissance parvient à créer un surplus économique, et elle mobilise cet excédent au profit de la politique étrangère. 2) Ensuit il s’agit d’une phase de consolidation et l’Etat devient plus conservateur et donc moins innovateur. 3) l’Etat doit faire face à l’émergence de nouvelles puissances : c’est la phase du défi. La grande puissance connaît alors une certaine forme d’enlisement. Cette phase peut mener à la phase 4), celle du déclin : ce relais d’une puissance par une autre peut s’opérer soit de manière violente soit de manière pacifique comme après 1945 lorsque la GB accepta de laisser les US jouer le plus grand rôle.

d) La théorie de la stabilité hégémonique chez Gilpin.

Gilpin soutient que, depuis les années 70, la puissance américaine est entrée dans une phase d’enlisement et s’interroge sur l’évolution du système international après le déclin hégémonique américain. Les spécialistes de Ri, dont Gilpin, considérait que le système international était structuré en trois pôles dominants, qu’ils appelaient la triade : les EU, la CE de l’époque et le Japon. Cette configuration du pouvoir (où la prépondérance des Etats Unis sur la scène mondiale décline et où le pouvoir passe à de nouveaux acteurs) est source d’instabilité et de conflits dans le système international. Selon lui, la stabilité mondiale et surtout et le bon fonctionnement de l’économie libérale exigent une puissance hégémonique reconnue. Il reprend l’hypothèse de la « stabilité hégémonique » de Kindleberger. K avait démontré que le choc boursier de 1929 et le chaos international qui a suivi avaient pour cause l’absence de puissance capable d’assumer un rôle hégémonique mondial. Il faudra attendre après la guerre que les US deviennent hégémonique et instaure un nouveau régime libéral par le biais des institutions économiques internationales de Brettons Woods. Selon Gilpin, la pax britannica puis americana ont constitué des facteurs d’ordre et de stabilité internationale car les puissances ont l’une après l’autre créé et sanctionné les règles du libre échange, mis en place un système monétaire international et garantit la sécurité des investissements. En plus c’était un contexte de croissance et d’expansion de l’éco, des soc. Transnationales et il fallait un cadre éco et pol. Propice à cette évolution. Mais que se passe-t-il lorsque le système international perd le soutien politique d’une grande puissance ? Pour Gilpin et Kindleberger, il ne peut subsister. Selon G, (avant la relance éco des années 90) les US avaient perdu leur prépondérance stratégique et leur dynamisme éco, et étaient concurrencé par la CE et le Japon. La puissance am. S’est érodée entre les années 60 et

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70, et les conséquences étaient l’abandon du système de Brettons Woods et d’importantes turbulences économiques et financières. Selon lui, le déclin am. A entrainé le déclin du système qui lui était associé. Sans une puissance hégémonique capable de « gérer », les pays riches vont se livrer à une compétition anarchique rendant l’éco mondiale instable. Donc, pour G, la globalisation ne peut pas être un facteur d’harmonie et de paix bénéficiant à tous. Il qualifie cette mondialisation conflictuelle de « néo- mercantilisme ». Le néo mercantilisme « bénin » repose sur une demande sociale interne de protectionnisme du marché intérieur, dans un souci de stabilité socio- politique. Le néomercantilisme malin se caractérise par des motivations et des attitudes de puissances tournées vers l’extérieur, agressives et déstabilisantes.

C. La centralité de l’Etat adaptée à la mondialisation.

L’Etat occupe une place centrale dans les analyses de Gilpin : c’est pour lui l’acteur principal de la scène mondiale malgré les affaiblissements du à la globalisation… Pour lui, les raisons de la création de l’Etat sont toujours les mêmes et valables. De plus, pour lui il n’existe pas de structure politique adaptée au marché mondial donc l’Etat reste irremplaçable, et permet d’équilibrer le besoin de représentation des citoyens et d’effectivité extérieure. En effet, alors que le niveau infra national gagne en représentation il perd en efficacité extérieure et inversement pour le niveau supranational, donc l’Etat est l’équilibre entre les 2. Mais le régionalisme supranational, l’UE, les ensembles régionaux pourraient cependant constituer les nouveaux acteurs du jeu néo mercantiliste. Gilpin fonde l’avenir des relations internationales sur trois éléments : le protectionnisme, le régionalisme et le néo- mercantilisme.

d) L’Economie politique internationale de Susan Strange : l’Etat, un acteur parmi d’autres sur la scène mondiale ?

Plusieurs spécialistes de l’Economie politique internationale rejettent l’idée d’un système international stato centré, et considèrent que l’Etat n’est plus qu’un acteur parmi d’autres. Strange cherche à dégager les structures sociales, éco et politiques qui affectent les systèmes de production, d’échange et de distribution. Selon sa def. de l’EPI : le système éco international résulte des arrangements éco, sociaux et politiques de la production, d’échange et de distribution. Il découle de décision humaines (et pas du marché), de règles et de centres d’autorité. Elle distingue deux types de pouvoir : le pouvoir relationnel (rapport de forces) qui donne lieu à une sorte d’obligation où une grande puissance oblige une puissance de moindre envergure à un certain comportement, c’est un pouvoir de type classique. Deuxièmement : le pouvoir structurel, qui est un pouvoir d’influence indirecte des structure de l’économie politique internationale dans le cadre duquel les acteurs doivent agir. Elle distingue ensuite 4 types de structures de pouvoir : la structure de sécurité (prioritaire avant surtout pdt. bipolarisme) ; la structure de production, un pouvoir de l’EPI à travers lequel se concluent les alliances, les entreprises deviennent transnationales et gagnent en influence (et draine des flux financiers nécessaires à la prospérité et à la cohésion de l’Etat), et au final cela perturbe l’efficacité des politiques nationales et donc de diminuer l’autorité de l’état. Troisièmement, la structure de finance : la possibilité de déplacer des capitaux en l’espace de quelques secondes a changé les rapports de force, amenant ainsi des changements au niveau de la politique internationale. En effet, il est maintenant possible d’évaluer et anticiper en permanence les décisions des pouvoirs publics, au point de former un contre pouvoir. Le dernier pouvoir est la structure de la connaissance ; pour Strange , l’accumulation scientifique, technologique, les TIC ont un grand impact sur le pouvoir structurel. La connaissance est source de pouvoir, et elle est créée non seulement par les Etats mais aussi par

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d’autres centres d’autorités comme les entreprises et les autorités supranationales. Pour Strange, les trois dernières structures globales remettent en question la centralité de l’Etat dans le cadre de la « multi level governance globale ». L’autorité de l’Etat est mise en question ainsi que la centralité politique au profit d’un système centrifuge où la logique fonctionnelle prime sur la logique territoriale.

Chapitre 4 : Les approches marxistes De la « théorie de la dépendance » à la théorie du « système monde »

d’Immanuel Wallenstein.

Immanuel Wallerstein « The modern world system » analyse l’évolution du système de l’économie mondiale depuis ses origines, cad depuis les origines du capitalisme moderne qu’il voit comme un phénomène global. Il présente le système éco comme étant en voie de mondialisation depuis la 2ème ½ du 15ème siècle. Pour lui, l’économie mondiale et ses contradictions sont à l’origine de la politique mondiale moderne et contemporaine. Sa démarche est liées principalement à 3 sources : la théorie des systèmes, l’Ecole des annales, le marxisme et notamment la critique de l’impérialisme. Au contraire des néo- réalistes, W considère le système international comme étant profondément hiérarchisé, et son analyse repose sur la primauté du clivage Nord/ Sud. W définit ce clivage comme étant un conflit entre le centre et la périphérie du système capitaliste mondial.L’école de la dépendance (spécialistes de l’Amérique latine + Amin) a travaillé sur l’hypothèse que la richesse du centre « dépend » de la capacité des pays producteurs de produits manufacturés de subordonner de façon structurelle l’économie des pays du Sud de la planète, producteurs de matières premières. Selon cette approche, cette logique éco de l’exploitation du Sud par le Nord domine la politique mondiale. Les relations entre US et tiers monde ne peuvent que générer une subordination accrues de ces derniers aux multinationales américaine et aux mécanismes d’échanges imposés par les plus forts. Les pays de la périphérie sont obligés de ne produire que les matières premières utiles au capitalisme des pays du centre , et ces relations entrainent bien sur l’appauvrissement du Sud de la planète. Pour sortir de ce modèle, les pays de 1/3 monde devraient devenir économiquement indépendant en se « déconnectant » du marché mondial, et donc la susbtitution d’importation pourrait leur permettre d’avoir une production locale et autonome. Cette solution fut en fait un échec. Wallerstein se demande pourquoi les pauvres ne se révoltent pas contre les riches, et pourquoi le système continue de fonctionner malgré cet écart entre le centre et la périphérie. Selon lui, le système mondial reste stable car il reste constitué d’un centre, d’une semi périphérie et une périphérie et les Etats se répartissent entre les 3. Le système reste stable grâce : 1) aux forces militaires et technologiques concentrées dans les pays du centre, 2) l’hégémonie idéologique du centre qui entraine l’adhésion des cadres dirigeants et des élites aux mêmes valeurs, notamment de la primauté de la survie du système. 3) l’existence des semi périphéries composant le mode intermédiaire, Etats qui relient le centre à la périphérie. W a illustré son modèle par l’évolution de l’économie mondiale : 1) première phase : 1450 – 1640W (au contraire de Kaplan et Waltz) met l’accent sur le système éco et surtout commercial plutôt que sur le syst pol. Lors de cette phase, l’éco et le commerce ont bénéficié de différents facteurs, la crise du modèle féodal, l’émergence de nouveaux centres du capitalisme global, la Méditerranée et l’Adriatique perdent leur importance, alors que les Etats Unis, les Provinces Unies et la GB émergent. Le système capitaliste est mis en place.

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2) La récession de l650- 1730Récession éco qui est due à la lutte commerciale entre Etats européens, malgré la stabilisation du système de Westphalie. Les Etats veulent renforcer leur économie nationale au détriment des puissances concurrentes, c’est l’ère du mercantilisme. Le système anglais finira par imposer son hégémonie grâce à l’industrie, même si après la guerre des 30 ans c les Provinces Unies qui priment.3) De 1789 au début du 20ème

Développement du capitalisme industriel, la Fr, la GB, l’All et les US deviennent les nouveaux centres de l’éco mondiale et chacun revendique la mainmise sur les marchés mondiaux. L’Am. latine devient une périphérie, le Japon est la semi périphérie de l’Asie et le reste de l’Asie et l’Afrique = périphéries, la Ru est en crise. W explique la fin de l’esclavage à cette époque par l’ouverture des « libres » marchés du travail asiate, africains et sud- américains, plus intéressants économiquement. Il estime aussi que les conflits internes bourgeois / prolétariat trouvent leur origine dans ce développement de l’éco mondiale. L’instauration du welfare state, dans cette optique systémique, est du à la tentative de résorber ces conflits. Après la 2ème guerre des 30 ans (1789-1815) : la GB devient hégémonique.4) De 1917 à la fin des années 30Révolution 1817 = réaction au déclin de l’empire tsariste. Paradoxalement, c’est aussi l’origine de la stabilité bipolaire d’après 1945. Selon W, l’URSS a, au fond, stabilisé le syst mondial car n’a pas remis en puissance les US, ni la primauté technologique du centre, ni le mode de production. Echec des 2 tentatives de l’All. de devenir le centre. 3ème guerre des 30 ans (1914- 45) a préparé l’hégémonie am.5) De 1945 à 1970Renforcement (encore) de la stabilité du système, les US règnent sans partage (démontré par le Plan Marshall, les relations avec l’Am. latine, la politique US en Asie du Sud-est…) époque qualifiée par W. de néo- coloniale6) De 1971 à 1989Le coût énorme de l’hégémonie am. se fait sentir (fin du gold standard en 71) suite aux dépenses de la guerre du Vietnam, la politique étrangère am. est critiquée tant à l’interne qu’à l’externe, le pays a des difficultés sur le plan politico militaire… La pax americana entre en crise, --) 4 nouveaux centres : le Japon, la CE, les US et l’URSS7) Depuis 1989L’effondrement de l’URSS provoque l’instabilité du système : les conflits entre centre et périphérie ne disposent plus d’assez de contrepoids. Selon W, l’effondrement de l’URSS est une des causes de la crise du rôle mondial des US. Nouvelle phase, les US ont besoin de coopter une partie des élites du 1/3 monde dans leur système de domination et réclament une accélération de la mondialisation, et les couts sont élevés. Phase contradictoire du système monde dont la guerre du golfe de 1991 serait l’anticipation. Selon W, la crise actuelle trouve ses racines éco dans l’interruption du cycle vertueux croissance/ crise/croissance que W met au centre du développement de l’éco mondiale depuis les origines du capitalisme. Il se réfère aux cycles de Kondriatieff (p 76).Par rapport à ces cycles : Dans les phases de croissance, le centre du système centralise et développe la production, les salaires augmentent, le plein emploi est atteint. Dans les phases de crise éco, les salaires diminuent, la production se délocalise vers le 1/3 monde pour réduire les couts de production, la périphérie est plus impliquée dans le système --) le système se mondialise. Pour développer les marchés, on ouvre le système à d’autres pays et continents, les périphéries se dé-ruralisent et les salaires moyens augmentent. Afin de diminuer les couts de production, ceux-ci sont externatilisés, l’économie essaie de faire payer les Etats pour ces couts, or celui-ci doit trouver d’autres revenus --) impôts --) mécontentement, mais si c’est les capitalistes qui paient

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--) délocalisations à nouveau. --) on commence à se poser des questions sur les contradictions du développement du système. Selon W, la crise a longtemps été un moyen efficace pour renforcer le capitalisme dans son ensemble, malgré les cycles des puissances hégémoniques. Il se distingue sur ce point des marxistes orthodoxes qui voient dans la crise du capitalisme le biais par lequel le changement peut advenir. W se demande quel sera l’avenir de ce cycle d’alternance entre croissance et crise entre 1990 et 2050 --) 4 scénarios : a) Alliance entre le centre (US) et leur allié principal, le Japon. Ce bloc aurait les moyens d’étendre sa domination sur l’Amérique latine, l’Asie du sud est et la Chine, et le perdant serait l’UE.b) l’UE serait une puissance, ils partageraient le monde avec les US, tous deux alliés aux Japon. L’UE annexerait les pays d’Europe centrale et occidentale, établirait une zone de libre échange avec la Russie et renforcerait ses liens avec l’Afrique. Elle pourrait aussi interférer dans les rapports entre l’Am latine et les US. Il y aurait alors une confrontation commerciale qui pourrait déboucher sur une confrontation politique. « inter-cores struggle »c) Conflit entre le Nord et le Sud de la planète, tensions qui pourraient déboucher sur une destruction écologique dans la périphérie. La dégradation de la périphérie ferait émerger une nouvelle génération de leaders dans le Sud pour créer une création : au Mexique, en Indonésie, en Iran. Pour éviter ça, W propose l’idée d’un contrat social mondial, une réorganisation basé sur la solidarité et l’équité comme alternative à la domination du centre. d) chaos total, anarchie, insécurité généralisée. Le centre ne pourrait plus contrôler le sud et la semi- périphérie cesserait de jouer le rôle de médiateur. Pour W, cela amènerait à une révolution, qui pourrait créer un nouvel ordre juste et démocratique de l’éco et de la pol mondiale.

Critiques de la théorie de W : - certains la trouvent trop déterministes , le fait que W dit que la position des éléments

du systèmes (acteurs) est déterminée par le système, que leur comportement est déterminée par cette position… critiqué par ceux qui défendent les options des acteurs et des leaders.

- Contrairement à Waltz, W tomberait dans le déterminisme économique, et sa théorie du système monde sous estimerait la dimension politique, et il accorde une trop grande importance à la logique unitaire du système.

- La théorie de W serait téléologique ou idéologique, à la fin l’histoire serait écrite avant même qu’elle ne commence, comme s’il n’y avait qu’une issue possible ; son analyse serait donc marquée idéologiquement par une sorte de philosophie révolutionnaire.

- W surestimerait la globalisation commerciale du capitalisme européen au 16ème

(seulement 1 % des exportations mondiales, pas de semi périphérie…)- Le concept de semi périphérie en tant que facteur stabilisateur du système monde est

également contesté, en fait ce serait plutôt une zone très instable comme le Moyen Orient.

Conclusion : les théories de W sont pourtant reconnues au niveau international, et il a attiré l’attention sur les implications théoriques et politiques de la contradiction systémique Nord Sud.

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Chapitre 5 : Critiques et dépassement du réalisme et du néo- réalisme.

Depuis les années 60, à la fois : consolidation du paradigme réaliste et néo –réaliste et tentative de dépassement de celui-ci. Certains auteurs continuent à développer les théories de K Waltz (Gilpin, Greco…) mais il y a aussi d’autres courants. Trois grands courants :a) la critique du néo-réalisme par les théories de la coopération, y compris les études sur le rôle actif du droit international, le transnationalisme, les théories des régimes internationaux, la théorie de l’interdépendance complexe … Il s’agit de différents parcours de mise en cause du paradigme westphalien qui débouchent sur l’élaboration d’un paradigme alternatif : l’institutionnalisme. b) les théories de la gouvernance, hyper globalistes, post- westphaliennes, néo-médiévalistes, qui mettent totalement en question le concept de souveraineté de l’Etat ; et cela dans une optique nouvelle, basée soit sur la primauté de l’économie soit sur des tendances postmodernes. c) les approches constructivistes, essayant de remplacer le clivage entre néo- réalisme et néo- institutionnalisme par le clivage entre théories positivistes et théories post- positivistes.

1. L’approche multi- variable de Stanley Hoffmann et le rôle du droit.

Stanley Hoffman critique M Kaplan pour des raisons opposées à celles de Waltz. Tout d’abord, les réalistes ont tort de privilégier la seule finalité « recherche du pouvoir » par un Etat, le pouvoir peut être une fin mais c’est avant tout un moyen pour atteindre des objectifs politiques, déterminés par d’autres variables comme les idéologies, la technologie, la culture, les individus… 2èmement la focalisation du néo-réalisme sur le système néglige les facteurs de changements issus de la politique domestique, des unités du système. Dans le texte (1961) « International system and international Law », Hoffman situe le droit par rapport au système international, question cruciale dans la construction d’un monde de coopération pacifique. Il a étudié scientifiquement le droit et la juridicisation des RI, son point de départ était une analyse sociologique du droit international. Il conteste la thèse réaliste selon laquelle le droit international est uniquement la cristallisation des rapports de forces. Selon lui, le droit international est un instrument qui pourrait « limiter l’arrogance du plus fort. » Comment penser le DI comme tel ? Plusieurs éléments de réponse :

- critique de l’ « héritage statique de Durkheim » (équilibre et intégration en tant que norme) dans la théorie des systèmes, la méfiance de l’histoire chez Kaplan et les 6 systèmes chez Kaplan, à qui il reproche d’expliquer ces derniers de façon mécaniques en ignorant le poids des facteurs internes et transnationaux. Il prône une optique historique, multi causale et multi variable du processus de changement du système.

- Ensuite, distinction de 3 types de droit international : - Le droit qui concerne la structure politique : il établit les règles et les conditions du jeu

international et les méthodes du règlement des différents dans le SI- Le droit de la réciprocité : définit les règles mutuelles qui régissent certains secteurs

des relations interétatiques bilatérales.- Le droit de la communauté : concerne les domaines d’intérêts allant au-delà de la

politique individuelle des Etats et la souveraineté de l’Etat nation. Le droit de la structure politique et le droit de la réciprocité sont liés pour l’essentiel aux poids respectif des Etats alors que le droit de la communauté met en question le concept de souveraineté.

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Hoffman approfondit aussi les liens existants entre la politique intérieure des Etats et le SI, les facteurs internes influant sur la politique internationale. Il accorde beaucoup plus d’importance aux unités que Waltz : pour lui les unités influent sur l’évolution du système et créent la périodisation de l’histoire des relations internationales. Pour lui, un système international = « un modèle de relations entre unités fondamentales de la politique mondiale caractérisées par des buts et des moyens. » Dans son approche historique et multi variable, il remonte jusqu’à l’Antiquité pour interpréter l’histoire des RI. Il attire l’attention sur la technologie comme facteur proactif du changement historique. Selon H, l’idéologie, les leaders charismatiques sont aussi des facteurs qui peuvent expliquer le changement historique. Il distingue des systèmes et des phases stables/ révolutionnaire. Dans un système stable, les relations entre unités sont basées sur la modération des buts et des moyens. Les unités tendent à limiter les dégâts réciproques, font des accords pour préserver le système. Dans un système révolutionnaire, les buts et les moyens du système sont poussés à l’extrême (provoquer la révolution dans les autres unités, tenter de les déstabiliser…). Exemplification : le système international d’équilibre avant le monde bipolaire était caractérisé par l’équilibre relatif entre plusieurs acteurs étatiques, la stabilité technologique, l’homogénéité des élites nationales des différents Etats, la modération des acteurs quant à leurs buts et moyens. Au contraire, dans un système révolutionnaire, un acteur tente de supplanter les autres au dépens de l’équilibre, les révolutions technologiques d’un acteur creusent un fossé avec les autres (ex US et URSS par rapport aux européens).La périodisation de l’histoire de Hoffman :

- 1648 : paix de Westphalie, naissance du système d’équilibre- 1789 : révolution française et première crise du système d’équilibre- 1815 : congrès de Vienne et nouveau système d’équilibre- 1848 : révolution et développement du Concert européen- 1914-1945 : phase de transition jusqu’à la 2ème GM- Après 45 : système bipolaire.

A chaque phase correspond une évolution du droit international- de 1648 à 1789Traités de Westphalie : aboutissement de la guerre des trente ans et reconnaissance mutuelle des principaux Etats nations européens. Le mercantilisme est le principe économique et commercial. Cette période correspond à l’affirmation du droit de la réciprocité (floraison d’accords commerciaux, développement de la diplomatie).- de 1789 à 1815RF --) crise du système, et entraine un effet domino : le changement radical de régime politique qui s’étend de la France au reste de l’Europe, le bouleversement des liens traditionnels de la France avec les autres monarchies … Durant l’ère napoléonienne : coalitions anti- françaises, expansion militaire ; les concepts de puissance et de guerre se concrétisent dans d’autres symboles : la puissance de l’Etat est désormais fondée sur l’idéologie universaliste, et sur le concept de nation. Ensuite, la guerre devient affaire du peuple et de la nation (plus du roi), acquiert une dimension idéologique de la mobilisation au nom de la nation et vise à étendre l’idéologie révolutionnaire, en tant que moyen d’affirmation d’idéologie et de valeurs. - 1815- 1848Selon Hoffman, le Congrès de Vienne est une tentative très ambitieuse d’asseoir la paix européenne à la fois sur un système international restauré et sur des fondements internes aux régimes politiques. Metternich (l’architecte) voulait aussi maintenir un certain type de régime à l’intérieur des Etats (conservatisme anti- libéral). Mais ce nouveau système d’équilibre était trop rigide et a été renversé par la vague des révolutions libérales de 1848.

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- 1848- 1914Qualifiée de nouveau concert européen avec la libéralisation des systèmes politiques européens en République ou MC. Passage de l’Autriche à la GB comme pays pivot. Passage de la volonté d’imposer à certain type de régime interne et du droit d’ingérence à plus de flexibilité et à la volonté d’adaptation. Le principe éco devient le libre échange, expression du nouveau rôle de la GB. Au niveau juridique : les droits internationaux de la structure politique et de réciprocité s’élaborent : entre 1848 et 1914, les conférences internationales se multiplient, même si elles sont basées sur la règle de l’unanimité, la souveraineté de l’Etat nation, l’expansion du colonialisme. Ces conférences établissent les règles du commerce mondial, règlent les différends… Le droit de la réciprocité s’affirme aussi, les RI sont établies de manière juridique et formelle. Le droit de la guerre se codifie aussi, à l’exception du conflit franco- prussien de 1870, les conflits restent localisés. Le concert européen consacre la séparation entre les sphères politico militaires et économiques : le capitalisme international doit se développer dans un contexte de paix. La mondialisation de l’économie avance, Gold Standard. - 1914- 1939Développement d’un nationalisme agressif, impérialiste, voire militariste dans certaines unités provoque l’effondrement du système d’équilibre. Les intérêts nationaux des grandes puissances tendent à s’affirmer d’avantage, jusqu’à envisager une remise en question du système. L’émergence de l’Allemagne : domine l’agenda international. Certains Etats mettent fin à la liberté des échanges – base du système- pour recentrer l’éco autour de l’intérêt national, affirmation d’idéologies totalitaires et fascistes, des mouvements nationalistes cherchent à se faire des alliés auprès de grandes puissances --) mise en cause du droit de non ingérence, d’autres demandent plus d’indépendance… Constitution d’un bloc rigide d’alliances, course à l’armement… La guerre devient une guerre totale, toutes les forces sont mobilisées contre l’ennemi. Jusqu’à la 2GM, le système reste instable, nouvel équ après 1945.- Après 1945La bipolarité remplace le mutlipolarisme. Les 2 blocs menés par les superpuissances assoient leur puissance en bénéficiant de l’arme nucléaire. Les 2 visent l’expansionnisme planétaire, la confrontation est inévitable et globale, et il y a une lutte idéologique entre les 2. En même temps, il y a émergence de nouveaux protagonistes (moins importants) les non- alignés, les neutres, les Etats issus de la décolonisation. Dans ce contexte, les organisations internationales présentent 2 tendances : l’universalisation de leur composition (+ de 200 Etats aux NU) et la confrontation idéologique entre 2 blocs qui en bloquent le fonctionnement. Selon H, la politisation de tous les enjeux (nationaux et internationaux) est la raison pour laquelle les théoriciens n’ont pu accorder la priorité aux facteurs internes ou externes sur les RI à l’époque.Le syst bipolaire a presque anéanti l’acquis du droit international du concert européen. Affaiblissement des distinctions entre état de guerre/paix, entre affaires internes/internationales, public / privé, tout est soumis à la logique de confrontation entre les 2 blocs. La neutralité dépend de la bonne volonté d’un des blocs. Difficulté de la coopération internationale… -) le droit international est affaibli. Cependant, le droit de communauté émerge, avec de nouveaux besoin de protection et de droits (droit de l’homme, environnement) mais la confrontation Est/ Ouest en empêche une concrétisation crédible. Selon H, apt années 50/60, des mouvements populaires, partis et certains pays commencent à militer pour la création d’un nouvel ordre juridique international. Il y une demande démocratique de dépasser la confrontation par un syst juridique international. H imagine un droit international cohérent qui correspondrait au droit de la structure politique, de la réciprocité et de la communauté (qui pourrait transcender la confrontation) mais attire aussi l’attention sur le défi non résolu de la limitation de la souveraineté.

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2. Les théories de la coopération : les régimes internationaux.

Selon A Stein, les Etats ont le choix entre coopération et conflit (éco ou militaire). Il rappelle le poids respectifs : des circonstances historiques, du choix rationnel des Etats, des contraintes du système international. Contrairement aux réalistes, il pense que le choix peut varier car l’évaluation de l’intérêt diffère selon le temps, et qu’on peut (par un parcours culturel et méthodologie), en utilisant la méthode du « choix rationnel », en arriver à la conclusion que la coopération vaut mieux que le conflit. La méthodologie de Stein est celle de la théorie des jeux. La coopération internationale a énormément progressé depuis la 2GM surtout après la fin du monde bipolaire. Selon Stein, la coopération permettrait de sortir du dilemme du prisonnier. Dans une autre optique, on peut faire une analogie entre anarchie internationale et marché éco pur. Pour produire des international public goods (ex : stabilité financière, environnement), une action collective semble de + en + nécessaire, car la croissance équilibrée est impossible sur seule base de l’anarchie ou du marché « pur ». La coopération internationale multilatérale favorise la stabilité et la paix. (cfr Keohane). La coopération multilatérale peut prendre plusieurs formes selon les niveaux d’institutionnalisation : entre le niveau minimal (accords) et le niveau maximal : régimes internationaux. Régime international = un ensemble de principes implicites et explicites, de normes, de règles, de procédures décisionnelles, autours desquels convergent les attentes des acteurs dans un certain domaine des relations internationales. = références aux principes, normes et règles et on limite chaque régime à un seul domaine des relations internationales. Les régimes internationaux se sont multipliés énormément et caractérisent désormais la vie internationale : les droits de l’homme, le désarmement, le changement climatique et plus généralement la multitude d’accords et de régimes concernant par ex la standardisation des produits, la lutte contre la fraude…La théorie des régimes internationaux est aussi un lieu de dialogue entre différentes écoles de pensées (réalistes, post réalistes, constructivistes), et un ensemble de questions cruciales pour les RI y sont discutées :a) le développement des régimes internationaux est-il compatible avec les théories réalistes ? Oui mais dans ce cas, le régime est fragile et temporaire, et + difficile à construire étant donné le jeu à somme nulle des RI. Il se trouve à un niveau intermédiaire, entre la souveraineté des Etats et son autolimitation volontaire pas ses membres. b) le régime international peut avoir été créé à l’initiative d’une superpuissance hégémonique, la GB ou les US, ou demain l’UE ou la Chine. Cet Etat peut fournir la base (ex : financière) pour supporter le « bien commun international » mis à la disposition de tous par le régime international. c) le régime international peut être le résultat de valeurs et de principes partagés (dr de l’ho par ex) : un régime international normatif implique l’existence et la mobilisation de valeurs universelles. d) le régime peut résulter de progrès de la connaissance dans un domaine scientifique donné, avec pour conséquence un processus de convergence entre les élites scientifiques et culturelles, ainsi qu’une influence sur les politiques e) un nouveau débat entre sc po et RI s’est développé : le régime I serait- il un exemple de « soft law » ? Oui, car les régimes ne sont pas assortis de sanctions légales, mais de mesures de type politiques (sanctions, rupture diplomatique). Sont-ils efficaces ? Peut-on penser à une évolution du droit international ?

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Une question résumé : le régime international est-il un épi- phénomène, ou peut-il changer le comportement des EM ? Telo’s conclusion est que le régime international peut changer le comportement de Etats, dans la mesure où il institutionnalisé. En effet, quand les régimes I sont institutionnalisés au-delà du niveau du forum de discussion ou les rencontres au sommet épisodiques, les Régimes I :

- réduisent l’incertitude et le risque vu que les Etats informent les autres de leur choix de la collaboration plutôt que de la compétition, + il y a de Régimes I, + le comportement des Etats est prévisible.

- Etablissent un cadre concerté d’attentes réciproques et de prise de décision en commun.

- Offrent un cadre de dialogue. L’exemple de réussite = l’UE, que Moravscick définit comme un ensemble de régimes I. Cette def privilégie la dimension intergouvernementale multilatérale mais n’est pas fausse vu qu’un régime I est une coopération basée sur les Etats (toujours centré sur le paradigme stato- centrique.) Cependant, les dynamiques que les régimes Internationaux expriment font souvent référence à des processus parallèles : notamment le transnationalisme et l’interdépendance complexe.

3. Le transnationalisme et l’interdépendance complexe : R O Keohane et J S Nye.

Keohane et Nye « Transnational relations and world politics » sont vus comme les pionniers de la critique la plus cohérente de l’Ecole réaliste et du néo réalisme de Watlz. Keohane contribue aussi à la théorie des régimes internationaux et à une révision de la théorie de l’hégémonie, et est la figure de prouve du néo- institutionnalisme.Point de départ de ces parcours : Kant, qui avait souligné l’importance des liens entre individus, des contacts et flux transnationaux, indépendants des relations entre Etats ; Zimmen et Mitrany ont aussi relancé cette tradition. L’originalité de Keohane et Nye est de situer ce point de vue dans le cadre de la théorie des systèmes et de la critique du néo réalisme des RI, dans un contexte ou les phénomènes transnationaux (éco, financiers, associations…) prennent de + en + d’importance. (années 60, 70). Aux US, Hertz (International politics in the atomic age) avait montré que ces phénomènes concernaient aussi la sécurité et que la notion westphalienne d’Etat était dépassée à l’époque nucléaire ; tandis qu’en Europe, Aron attirait l’attention sur le changement produit par le monde bipolaire par rapport à la société transnationale qui avait commencé à se développer avant la 1ère GM point de vue mondialisation commerciales, flux migratoires et des idées…

Le livre Transnational relations and world politics repose sur la multiplication des relations formelles et informelles entre les Etats, les sociétés, les éco, les acteurs des RI. Dans ce cadre d’interdépendance, les institutions internationales augmentent leur impact sur les prérogatives des Etats. Les relations transnationales vont au-delà des relations internationales (entre Etats) et influence les acteurs sub- étatiques ou extra- étatiques et donnent lieu à l’ « interdépendance complexe » au niveau du système global. Cela implique trois éléments de défis au paradigme inter- étatique : a) la multiplication des liens entre élites gouvernementales, non gouvernementales et acteurs transnationaux. b) la mise en cause des hiérarchies traditionnelles des questions mises à l’agenda international.c) si l’interdépendance complexe se consolide, la force militaire perd de son importance dans la région concernée même si les effets positifs pour la coopération et la paix ne sont ni automatiques ni les seuls.

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L’interdépendance complexe met en exergue des relations de dépendance mutuelle, caractérisée par des influences réciproques multiples entre les Etats et acteurs non étatiques d’origine différente. Elle n’est pas uniquement orientée vers le bien réciproque, mais révèle aussi les sensibilités différentes des Etats aux enjeux, ainsi que les vulnérabilités différentes de ceux- ci par rapport à l’extérieur. (Rem : pour Waltz et Gilpin, ces effets négatifs sont les seuls). Lorsque l’interdépendance est provoquée par l’intérêt pour le bien être des autres acteurs, cet intérêt peut : soit être instrumental, soit être du à un co- intérêt solidaire entre plusieurs acteurs, soit être du domaine de l’ « emphatic interdependence » lorsque qu’elle n’est pas basée sur un intérêt matériel de court terme. Position de K et N sur la vision réaliste et néo réaliste des RI : 1) le transnationalisme et son impact politique : la théorie néo réaliste n’ignore pas les relations transnationales mais estime que celles-ci se développent par les canaux des Etats et sont maitrisée par ses derniers. Ces relations ne priment pas, surtout pour les enjeux de high politics, de sécurité. Les Etats imposeraient leur puissance dès que les relations transnationales affectent les rapports de force militaire. Pour Aron, la société transnationale ne change rien à la high politics, par contre, pour K et N, l’élément transnational conditionne le comportement des Etats. Les phénomènes transnationaux influencent la théorie des Ri, ainsi, le concept de « world politics » s’impose sur celui de politique internationale, focalisé sur les relations interétatiques. 2) le jeu international n’est pas nécessairement à sommes nulle. Il est difficile de savoir qui sont les gagnants ou les perdants dans les RI, sachant que le monde peut aussi évoluer vers un jeu à somme positive, et cela grâce aux relations transnationales qui s’établissent dans des domaines tel que le commerce, le culturel… L’asymétrie des rapports de pouvoirs n’est pas d’office dépassée mais des changements sont possibles.3) l’agenda international n’est pas forcément dominé par la sécurité. Dans le monde de l’interdépendance complexe, les domaines de relations ne font qu’augmenter. De plus, la guerre est trop couteuse tandis que les intérêts éco de tous les acteurs (nationaux et autres) sont de plus imbriqués. Donc, dans le monde partiellement globalisé de l’interdépendance complexe, les Etats recourent de moins en moins à la guerre. (ex : UE, tellement de liens entre les Etats que la guerre est impossible).4) Selon K et N, les organisations internationales réduisent le poids de l’unilatéralisme des Etats dans les relations internationales et peuvent leur offrir une nouvelle base/ option pour les relations interétatiques ; la coopération plutôt que la force. Le système de coopération internationale est fondé sur la négociation. Les nouveaux défis (financiers, environnement, …) traversent les frontières des Etats nations et c’est dans ce contexte que les organisations internationales ont été crées. Pour K et N, seule l’institutionnalisation accrue des Ri peut relever ces défis. (rem : la théorie de l’interdépendance complexe n’a rien avoir avec l’harmonicisme libéral. Il n’y a pas d’harmonie systématique entre les intérêts, l’harmonie est apolitique tandis que la coopération est politique. Les intérêts différent mais on montre que les conflits violents ne sont pas la seule issue et qu’il est possible de coopérer – accords, régimes, organisations… permettent de gérer ces conflits). 5) La coupure nette entre high et low politics, que K et N réfutent. Les implications politiques des relations éco, commerciales, culturelles… ont parfois des impacts sur les enjeux de la grande politique internationale. Des négociations ont lieu entre des acteurs publics/ privés sur des questions de la high et low politics. 6) La distinction entre domaine de politique interne/ externe est aussi remise en question par K et N, en raison du poids des flux transnationaux, des networks, des intérêts publics et privés… -) relations internationales multiples. L’interdépendance complexe a un impact sur les différentes sociétés et indirectement sur les Etats. Les actes des différents acteurs (transnationaux, multinationales, le tourisme) et les flux (transnationaux, de l’info…)

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affectent les sociétés et les politiques des Etats --) remise en cause du paradigme interétatique de Westphalie.

K et N en concluent donc au dépassement nécessaire de la théorie néo- réaliste, trop stato centrée et focalisée sur les enjeux sécuritaires. Il faut développer un nouveau paradigme, ce qui ne signifie pas rejeter le défi posé par les réalistes et néo réalistes. Mais l’étude de l’interdépendance complexe permet de mieux appréhender l’évolution actuelle de la « politique mondiale » et de contribuer à l’élaboration d’une nouvelle théorie des RI : le néo institutionnalisme.

4. La théorie de la stabilité hégémonique et sa critique.

Concept : évoqué plus haut pour le rôle de la GB en tant que « holder de la balance of power » et à propos de Gilpin, qui considérait que le système international ne pouvait survivre au déclin de la puissance qui en avait constitué le moteur et garantit la stabilité. Hégémonie ne signifie pas domination. Origine du concept pour les RI chez Gramsci et Kindleberger. Selon Gramsci, que ce soit au niveau international ou interne, l’hégémonie correspond à la force + le consensus, càd la direction intellectuelle et morale. Il met en question le déterminisme éco et attire l’attention sur le poids décisif des super structures culturelles : un pouvoir hégémonique doit savoir obtenir le consensus de ses alliés mais aussi de ses dominés, et cela grâce à ses idées, appareils culturels et intellectuels. Donc, pour Gramsci, l’hégémonie ne se réduit pas à la domination et l’hégémonie culturelle implique comme préalable la force éco et militaire. Pour l’école canadienne et R Cox, St Gill (se réclamant des théories de Gramsci), les Etats hégémoniques réussissent à construire un « bloc historique » de forces matérielles, mais aussi culturelles, sociales et politiques capable d’assurer la stabilité du pouvoir international. Ce bloc associe la puissance dominante, une classe managériale internationale et un ensemble d’intérêts socio éco, utilise l’influence culturelle au niveau du soft power. Pt de vue éco, ils prennent en compte leur intérêt national mais aussi celui des autres Etats dans une logique d’expansion : ils paient le prix pour assurer leur influence. C. Kindleberger, comme Gramsci, applique le concept aux relations internationales de l’entre 2 guerres. Sa théorie de la stabilité hégémonique met l’accent sur le caractère expansif et libéral de la puissance hégémonique. Il souligne le rôle de la GB et de son pound dans le cadre de l’éco de libre échange. Son interprétation de l’hégémonie est essentiellement éco, et selon lui, la crise de 29 ne pouvait pas trouver de solution internationale en l’absence d’une nouvelle puissance hégémonique (= un stabilizer).Ce n’est pas seulement la disponibilité de ressources matérielles, mais la volonté et la capacité de jouer un rôle bienveillant, notamment de soutenir les couts de la stabilité du système international qui fait de l’Etat une puissance hégémonique. Ce leadership implique la capacité de fournir des international common goods au système international, (ex : monnaie stable) et une infrastructure éco internationale (accords ou régimes de régulation). Les autres Etats acceptent +/- volontiers ce rôle, et le système, devenu consensuel, permet d’éviter les guerres (contrairement aux prévisions de Gilpin). Ce rôle apporte au leader des avantages relatifs aux niveaux commercial et politique. Mais la dérive impérialiste n’est pas une fatalité.

R Keohane : en 1984, il publie « After hegemony, Cooperation and Discord in the World Political Economy” dans la mouvance de l’économie politique internationale (tout en développant une approche qui débouche sur l’institutionnalisme). Selon lui, la coopération internationale peut se poursuivre malgré le déclin de l’hégémonie américaine. Cette thèse est basée d’une part sur son interprétation fonctionnelle de la théorie des régimes (demandés par les Etats pour résoudre une question et ensuite susceptibles de modifier le comportement de

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ces derniers) et d’autre part sur ses travaux sur le poids croissants des facteurs et acteurs transnationaux ainsi que l’influence de l’institutionnalisation de la vie internationale.

Chapitre 6 : les théories institutionnalistes.

Evolution depuis les années 80, àpt du double précédent constitué par le néo réalisme et ses critiques. Les études relatives à l’interdépendance complexe et au transnationalisme ont aussi amené des nouveaux éléments et révélé l’émergence de nouveaux acteurs. De plus, on a vu que les régimes internationaux conditionnent les comportements des Etats à condition que leur degré d’institutionnalisation soit renforcé. Le néo- institutionnalisme souligne le poids de la variable institutionnalisation pour le futur des RI et essaient d’en expliquer les origines, le fonctionnement, les modalités et les conséquences. Institutionnalisation : ne concerne pas uniquement les organisations internationales. Tout d’abord, il s’agit d’un niveau supérieur de l’institutionnalisation des relations interétatiques, dont l’étude va de pair avec la dimension « multilevel » de l’institutionnalisation ; incluant les régimes internationaux, les accords, l’établissement de règles, les agences fonctionnelles et les formes variées présentant les 1ers degrés du processus d’institutionnalisation. 2èment, l’institutionnalisme concerne non seulement les relations intergouvernementales mais étudie aussi des processus plus vastes incluant d’autres acteurs soc, éco, pol… Raisons de l’essor de l’institutionnalisme : tout d’abord : parce qu’en sc. po, l’opposition behaviouriste entre les comportements empiriques des individus et des institutions aboutissait à négliger à la fois l’action collective et l’étude des institutions. 2èment, contexte : malgré le déclin US, la coopération internationale se stabilise et même progresse vers 1989- 91. (GATT --) OMC, renforcement de l’ONU, CE). De plus, non seulement le multilatéralisme (classique) progresse, mais l’institutionnalisation se développe également à d’autres niveaux : apparition de nouveaux régimes internationaux comme le protocole de Kyoto, la coopération fonctionnelle et la diffusion des organisations internationales de coopération dans les autres continents (Mercosur, Anase…) + bien sur la CE.Les institutionnalistes sont divisés (le débat est toujours en cours) : Selon Keohane, les institutionnalistes sont partagés entre : les approches sociologiques et rationalistes. Peter Hall et Taylor rajoutent l’institutionnalisme historique, V A Schmidt met en évidence l’autonomie de l’approche « discursive ». Bull : école anglaise, et puis il y a le néo institutionnalisme.Toutes ces approches (institutionnalistes et néo institutionnalistes) s’accordent pour reconnaître l’émergence d’une anarchie nature, selon l’expression de H. Bull, riche en réseaux transnationaux, régimes, accords de coopération, organisations, et développement de règles communes et des fonctions partagées via le réseau de la coopération institutionnalisée. 7 fonctions des institutions internationales : - elles réduisent les incertitudes de la vie internationale et les dilemmes de sécurité.- elles rendent les engagements plus crédibles, - elles facilitent les négociations entre les acteurs- elles accroissent le degré de l’application cohérente des engagements (sortie – défection : négatif car perte d’avantages, tandis que confiance réciproque…)- elles offrent aux membres des opportunités de socialisation et d’apprentissage réciproque, --) nouveaux accords- elles diminuent le poids des coûts de transactions par le partage des informations concernant les préférences et les options des autres. - elles contribuent à former des identités collectives. - selon certains, elles peuvent mener une vie autonome et se transformer elles mêmes en acteurs politiques dans une certaine mesure. Cela peut mener au remplacement d’organisations existantes par d’autres plus fortes, ou peut créer – dans le cas de la CE- des

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effets spillover vers une convergence accrue entre les EM et parfois d’un renforcement institutionnel ou d’une fusion.Tous ses éléments peuvent aider à réduire les obstacles à la coopération : couts, incertitudes… Malgré ces convictions communes, débat entre différentes écoles.

1. L’institutionnalisme rationaliste.

L’institutionnalisme rationaliste (rational choice) reprend les arguments du néo- réalisme mais les déplace au niveau de l’action des Etats au sein des institutions. Les Etats sont les acteurs principaux et agissent selon la logique des couts / bénéfices dans les institutions conçues comme des structures offrant des incitants : leur préférences sont des données au départ mais s’adaptent aux conditions externes changeantes. Contrairement aux réalistes, ces auteurs affirment que des intérêts communs aux Etats existent, des gains sont possibles pour tous, et le contexte institutionnel est important : c’est l’existence des institutions internationales qui peuvent changer le calcul cout/ bénéfice, donc modifier le cadre stratégique dans lequel les acteurs agissent, leur offrir des opportunités ou déterminer des contraintes. Donc, les Etats peuvent changer leur comportement en fonction du contexte institutionnel. L’explication sur base du calcul des intérêts est donc aussi appliquée aux institutions internationales. C’est un cadre très influencé par l’éco, donc le concept « transaction costs » est très important. La théorie des jeux s’applique aux dilemmes de l’action collective des Etats, considérés comme acteurs rationnels, aux préférences fixes dans les institutions. Critiques : trop simpliste, exclut de son champ d’études beaucoup d’éléments comme les motivations du comportement des acteurs, l’intérêt égoïste, les changements historiques des dynamiques institutionnelles et les préférences des Etats eux-mêmes, les analyses critiques des institutions. Les néo- réalistes comme Grieco ont critiqué cette théorie pour des raisons opposées : pour avoir négligé les effets de la coopération au niveau de la distribution inégale du pouvoir et les équilibres multiples envisageables (théorie de la négociation). L’institutionnalisme a aussi été sommé de montrer l’impact réel des institutions internationales. Une autre critique intéressante porte sur l’indifférence relative des institutionnalistes rationalistes pour la politique interne. En réponse, R Putnam et H Milner ont élaboré l’approche du « jeu à deux niveaux » de la double contrainte : chaque gouvernement national doit négocier à la fois avec une constellation de forces multiples, acteurs et lobbies internes, et avec les autres gouvernements. Moravscick a appliqué cette approche à la négociation européenne.

Les autres courantsLes autres courants institutionnalistes prennent en compte les facteurs historiques, sociologiques et intersubjectifs. Tout d’abord, les préférences des Etats ne sont pas des données figées, elles changent et sont perçues différemment en fonction des contextes. 2èment, les Etats ne sont pas les seuls players du jeu, les acteurs sub-nationaux, transnationaux, les institutions/ organisation internationales sont des éléments essentiels de la dynamique institutionnelle internationale.

2. L’institutionnalisme historique. (Katzenstein – petits Etats, Hall – France)

Cette approche met en évidence le développement des institutions, leur unicité historique au niveau de l’origine, des finalités et des conséquences. La recherche est centrée sur l’individualité de l’histoire des Etats, de leur structure interne et de leur relation au système global. Les phases historiques du changement politique expliquent autant la routinisation des pratiques que les conséquences non programmées (c'est-à-dire qui ne résultent pas d’un calcul

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rationel). Le concept de path dependency souligne ce coté imprévu du développement institutionnel. Critique : L’insistance sur l’unicité historique freine logiquement l’universalisation des conclusions, bonnes pour un nombre limité de pays comparables. Néanmoins, l’institutionnalisme historique a l’ambition d’attirer l’attention sur des processus historiques de longue durée, sur des structures plutôt que sur des grands hommes et des événements isolés. Par exemple, certains moments de l’histoire du XXème ont marqué de façon révolutionnaire le développement institutionnel international. Les changements de 29, 45, 89-91 principalement. Depuis 4, apparition de politique étrangères idéalistes : All, It, Jap pratiquent des politiques de « civilian power » favorables à la coopération internationales mais aussi basées sur l’autocritique du nationalisme. Il y a bcp de similitudes dans leur constitutions --) origine historique commune : changement radical du fascisme au pacifisme suite à la conclusion de la 2GM. 2ème exemple : après 1989, des nations longtemps opprimés par l’URSS : liberté et souveraineté nationale. Leurs politiques peuvent s’expliquer aussi sur base du cout/ bénéfice, mais des événements majeurs et communs ont structurés leur origine respective. L’institutionnalisme historique ou de la path dependency met en lumière le poids initial de ces coupures historiques majeures. Néanmoins, difficultés au niveau de l’explication. Ces limites ont produit de nouvelles recherches, comme sur l’ « incremental change » et les tentatives de synthèse avec l’institutionnalisme rationaliste.

3. L’institutionnalisme sociologique

L’institutionnalisme sociologique s’attache au contexte socio culturel des institutions internationales : l’institution n’est pas le lieu d’un jeu rationnel, elle est conditionnée au niveau de sa vie réelle, par sa culture, le fonctionnement pratique des institutions. Les institutions constituent des structures cognitives, expriment des valeurs partagées. Dans ce contexte ; les acteurs agissent selon une logique d’appropriateness : adaptation à ce contexte institutionnel. Contrairement aux rationalistes, J Ruggie et Wendt ne voient pas dans les intérêts uniquement des constructions sociales, résultat des institutions et de leur culture. P Kalzenstein établit un lien entre les intérêts, les perceptions de sécurité et l’identité des Etats. Cette approche a des origines fonctionnalistes. Haas (fonctionnaliste) a affirmé que c’est la façon de formuler la question et l’objectif qui est à l’origine d’un régime international, et cette façon dépend de la connaissance scientifique, des valeurs et savoirs partagés. Ruggie a souligné l’importance des normes et principes comme fondements de la coopération internationale, et a soutenu que les institutions multilatérales fondées entre 1944 et 1947 étaient orientées vers la stabilité interne des pays partenaires, et que le poids des obligations internationales renforçait la dimension normative des régimes.

Des critique similaires ont visé les approches historiques et sociologiques : 1ment, on leur a reproché de privilégier les spécificités culturelles, normatives, sociales d’une dynamique institutionnelle, ce qui limiterait fortement le potentiel universaliste des conclusions scientifiques au profit du relativisme, 2ment, de formuler une analyse trop statique des institutions.

4. L’institutionnalisme discursif.

Approche focalisée sur une réalité politique constituée par 2 éléments. 1ment, il est basé sur la logique de communication et le poids de la connaissance partagée, les idées et le discours que les acteurs emploient pour projeter, délibérer, et/ ou légitimer leur action politique dans un

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contexte institutionnel. 2ment, il se focalise sur le contexte institutionnel dans lequel et à travers lequel les idées sont communiquées (le comment). Son ambition est de synthétiser et de complémenter les 3 approches précédentes.Synthèse : par rapport à l’institutionnalisme rationnel : elle met en question 3 éléments clefs : la séparation entre les intérêts objectifs des Etats et les idées subjectives concernant ces intérêts, la vision à priori des institutions, l’idée abstraite des institutions comme neutres, alors qu’elles sont porteuses d’idées, de mémoire collective, d’identités. Critique de l’institutionnalisme historique : les idées sont jugées plus importantes pour expliquer le changement que les structures, mêmes si elles sont en rupture avec la tradition. Critique de l’institutionnalisme sociologique : tournant moins évident car dans les 2 cas les idées ont joué un rôle central. L’institutionnalisme discursif : moins statique, il souligne d’avantage que les idées, les valeurs, les normes constituent des facteurs déterminants pour la re-conceptualisation des intérêts en faveur du changement et pour leur légitimation auprès du public. Ce sont des networks internationaux qui sont à l’origine du développement des connaissances partagées, qui permettent parfois d’influencer (par la coordination) des discours, les régimes et les organisations internationales (Haas). Dans la sphère de la communication, on attire l’attention sur la persuasion politique du grand public (Habermas) et sur le contexte institutionnel dans lequel et à travers lequel la communication à lieu. En conclusion, alternatives ou complémentaires, ces quatre stratégies de recherche ont produit une quantité considérable d’études. Leur logique varie en fonction des variables choisies comme déterminantes dans l’explication des institutions.

Les écoles néo- institutionnalistes = un tournant pour les RI, il est désormais impossible d’étudier les RI sans prendre en compte le poids des variables institutionnelles. Il y a toutefois des limites à cette approche et c’est tjrs un work in Progress. (ex : études de l’UE)Limites : 1) les impacts studies sont toujours insuffisants : quels facteurs, internes ou externes, expliquent le succès ou l’échec des régimes et des institutions. Les origines de l’institutionnalisation internationales sont clarifiées, mais leurs conséquences ne le sont pas assez. 2) comment interagissent les acteurs, internes et internationaux d’un coté, les institutions internationales de l’autre ( ??) ?Quel est le futur du concept de la souveraineté externe ? Pourquoi et comment l’UE évolue vers un système politique et une vision constitutionnelle ? 3) la légitimité du réseau institutionnel multilatéral, a été fondée sur l’ « output legitimacy », qui n’a rien à voir avec la démo et qui pose des questions au niveau de la communication. (Keohane a lancé le débat sur la légitimité démo des institutions de la gouvernance internationale.)4) quel cadre conceptuel unique pourrait corriger la fragmentation actuelle entre les multiples stratégies de recherche « au-delà du réalisme » (hoffman pour le droit international, Keohane pour le transnationalisme, les 4 courants institutionnalistes… ) Malgré les efforts pour créer une version large du concept d’institutionnalisation des RI, on a toujours le sentiment qu’il manque un cadre d’ensemble permettant d’inclure toutes les institutions internationales multilatérales / régionales, et globales.

5. Du fonctionnalisme au néo- fonctionnalisme

Points communs avec les approches institutionnalistes : l’inspiration libérale (sens US), la critique de l’orthodoxie réaliste et néo- réaliste, et une série de conclusions des théories de l’interdépendance complexe et du transnationalisme.

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Origines culturelles : référence à Cobden (paix internationale par la coopération éco et commerciale), notion négative de l’Etat (voir chap. 1), et technocratique élitiste (dont les racines se retrouvent chez St Simon, ds le libéralisme éco et les théories technocratiques et planistes (anti politique). - David Mitrany avait, dès 1943, mis en valeur la coopération multilatérale sectorielle

atteinte entre le milieu du 19ème et la 2ème guerre mondiale. Pour l’ONU, il s’intéresse plus au rôle des agences techniques plutôt qu’à l’organisation elle-même. Selon lui, pour construire la paix, plutôt que d’insister sur les traités interétatiques, les accords formels, les structures organisées, il faut avancer par des coopérations pragmatiques basées sur les besoins éco, sociaux, limitées à certaines branches de la vie civile, à des tâches particulières (transport, hygiène…). Certaines causes éco des guerres seraient alors limitées, puisque l’émergence d’intérêts communs aux nations déclenchera graduellement un processus de coopération tjrs plus étendue et approfondie. En effet, si on reprend le concept large d’institutionnalisation de Keohane et Nye, les agences de Mitrany pourraient être considérées comme des institutions internationales, mêmes si elles ne sont que sectorielles et fonctionnelles et n’ont pas de base juridique, pol. et démo. Mitrany aboutit de cette manière à une forme d’institutionnalisation graduelle de la coopération fonctionnelle.

- Ernest Haas : souligne lui aussi l’effet spillover de l’apprentissage réciproque au sein des approches fonctionnelles, l’impact processuel de la création de solidarités de fait entre les nations, il insiste sur la pression « bottom up » des intérêts socio éco sub- étatiques ou transnationaux. Ils pensent que la coopération fonctionnelle pourrait mener à une dépolitisation des enjeux, une neutralisation des sujets de conflits. Le rôle des élites et experts est mis en exergue (coopération quotidienne, partage de la connaissance, formation d’élites supranationales porteuses de la coopération…) Théorie assez proche des régimes internationaux fondés sur une seule question. Pour les fonctionnalistes, c’est l’objectif, l’intérêt, le projet qui vient avant l’institution, pas le contraire. Les idées, elles, contribuent à l’adaptation des acteurs à la coopération fonctionnelle (pas des acteurs autonomes). Haas a étudié : le BIT, la CE, la coopération régionale en Am. latine… Les fonctionnalistes : très flexibles pt de vue du nombre de participants et du domaine de la coopération. (sauf Etzioni et d’autres, qui envisage un projet pyramidal avec unification du monde).

- La question des enjeux de la sécurité. Karl Deutsch : constate l’échec du fonctionnalisme dans le contexte de la guerre froide, mais étudie l’émergence contradictoire de « communauté de sécurité » (guerre impossible) au niveau régional. (CE et région atlantique). Deutsch met en question le déterminisme économique, l’effet spillover, l’impact positif de l’amélioration de la communication, des menaces militaires externes… Il se limite à constater que là où les communautés de sécurité se constituent (pluralistic security communities), l’intégration est facilitée, autour d’un noyau dur d’Etat ou de domaines de coopération. Ce qui compte est aussi le sentiment d’appartenance commune, identitaire, basé sur des intérêts communs. --) évolution vers le néo- fonctionnalisme.

- Le néo- fonctionnalisme de Schmitter, de Lindberg : version plus politisée et institutionnelle. Face aux difficultés de l’intégration, aux résistances de l’Etat, le spillover fonctionnel s’accompagne du spillover politique. Donnent + d’importance à la dimension institutionnelle du processus fonctionnel. ex : pour expliquer la CE, certains fonctionnalistes avaient montré que les approches fédéralistes et fonctionnalistes étaient complémentaires – synthèse des 2 approches. P Schmitter : tente de relever les défis posés à ce modèle d’intégration par les changements systémiques et la mondialisation.

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Les néo fonctionnalistes se heurtent à trois difficultés :a) la légitimité spontanée et substantielle de l’intégration fonctionnelle supranationale des origines est mise en cause par la politisation des enjeux au sein des systèmes politiques nationaux, pas d’input legitimacy, les « transferts de loyauté » piétinent.b) si la coopération affecte les dossiers liés à la modernisation et au welfare, les enjeux du pouvoir institutionnel deviennent prioritaires. c) la sécurisation de l’agenda mondial met en question les entités fonctionnelles du coté des relations externes. Non seulement la version optimiste et pyramidale du rapport entre niveau régional et niveau global devient problématique mais le grand thème de la coopération politique semble monter en puissance.---) en bref : le monde n’avance pas « beyond the state » ; comme prévu dans les années 50 et 60. Soit le fonctionnalisme évolue vers les conceptions néo- médiévalistes (Rosenau) ou de la World society, soit il reconnaît que les Etats restent les acteurs incontournables de la coopération.

6. L’Ecole anglaise : l’International society et Hedly Bull

Bull « The Anarchical society » , et l’école anglaise sont inspirés par E Carr + souci d’indépendance par rapport aux écoles am. Ils sont engagés dans la double querelle méthodologique (années 60- 70) : d’une part ils sont opposés aux versions mécaniques / cybernétiques de la théorie des systèmes, et d’autre part à l’empirisme et aux recherches purement quantitatives du behaviourisme am. Bull se qualifie comme un traditionnaliste, et même si « querelle » avec Kaplan, il ne rejette pas totalement la théorie des systèmes. Il l’a enracinée dans une interprétation sociologique et historique : le système international est constitué par un ensemble d’acteurs dont les interactions sont suffisamment régulières pour que le comportement de chacun soit un facteur nécessaire dans le calcul présidant au comportement de tous les autres. Sa démarche est proche de l’institutionnalisme qui va au-delà du rationnel et a aussi des traits proto constructivistes. L’objet de sa démarche est le processus graduel et complexe de l’institutionnalisation au sens large (et le dépassement de l’anarchie). Sa méthode : il compare le système international avec une société primitive, dépourvue de toute autorité centrale. Il prouve que le système international a développé « sa façon de vivre ensemble, même en l’absence de tout pouvoir de coercition : l’inertie, les habitudes, des règles… De +, la société internationale dispose de structures institutionnelle, de la balance of power… Selon lui, (même approche que chap.1), en Europe, le développement de règles réciproques, la transformation de l’anarchie vers une société des Etats remonte au 16ème et au Traité de Westphalie. Selon lui, la société des Etats : « un groupe d’ Etat qui, conscient des certains intérêts et valeurs communs, se conçoivent comme liés par un ensemble de règles communes dans leurs relations réciproques et participent au bon fonctionnement d’institutions communes. » La recherche de « l’intérêt commun » découle d’une analyse critique du concept réaliste d’intérêt national (vu comme vague et vide) : il faut tout d’abord connaître les finalités, les objectifs de l’Etat, la façon dont l’intérêt national est perçu par certains dirigeants, le poids des intérêts sectoriels et des alliés ainsi que d’autres facteurs subjectifs. Cette recherche et l’utilisation de concept comme « anarchie mature », de « société internationale », d’ « intérêts communs » apportent une contribution à la critique de l’anarchie hobbesienne reprise par les réalistes et néo réalistes (et Waltz), + permettent d’enrichir et d’élargir le parcours institutionnaliste.

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Les règles de la société multilatérale des Etats (3)- des règles de types fondamental ou constitutionnel : principes normatifs qui attribuent

aux Etats la responsabilité dynamique de la mise en œuvre effective des droits et devoirs juridiques, des règles en général, et excluent organes sectoriels et supranationaux.

- Des règles de coexistence : restreignent l’emploi de la force au niveau international, défendent le monopole de la force légitime aux mains des Etats, réglementent la guerre, limitent les raisons du recours à la force, avec des règles de proportionnalité, les règles de comportement des Etats y sont indiquées, et l’adaptabilité des accords, et le respect réciproque de la souveraineté.

- Des règles de collaboration entre les Etats : pour réaliser des objectifs communs au-delà de la simple coexistence.

Ce processus graduel d’institutionnalisation permet de passer de « la simple perception d’un intérêt commun » à une conception claire de la conduite à avoir. Il y a tjrs eu des règles, surtout avant la période bi polaire comme montré par Bull, mais aussi pendant par ex règle sur les armements.Bull croit uniquement en une société internationale où les Etats jouent un rôle important. Il critique l’idée « de world société » et le néo- médiévalisme. Il lance un débat sur l’Europe comme puissance civile (pour lui c’est une contradiction dans les termes) et critique le concept de civilian power qu’il juge déplacé par rapport aux enjeux de pouvoir international. Il parvient à des conceptions tout à fait convergentes avec l’institutionnalisme : motivé par le souci de l’autonomie européenne, il enrichit le débat situé entre le néo réalisme et les théories post- modernes.

Chapitre 7 : Un monde post souverain

1. Le concept de « global governance » et l’apport de J.N. Rosenau.

Contexte : optimisme des années 90 (fin du monde bipolaire et accélération de la mondialisation) --) impact sur la théorie des RI. Le concept de global governance est apparu dans les années 80 et s’est affirmé dans les années 90, d’abord au sein de la soc civile des organisations internationales. Ce concept est un synonyme de la bonne administration publique (selon BM et FMI) ou privée et a fini par s’imposer dans le discours de presque tous les acteurs de l’économie de la mondialisation y compris de l’UE. Définition officielle (ONU) : « la somme des façons dont les individus et les institutions publiques et privées gèrent leurs affaires communes. C’est un processus continu de coopération et de compromis entre les intérêts divers et conflictuels. Elle inclut les institutions officielles et les régimes dotés de pouvoirs exécutoires, autant que les arrangements informels sur lesquels les peuples et les institutions sont tombés d’accords ou qu’ils perçoivent comme leur étant utiles. »L’Union Européenne est une référence dans la littérature sur la gouvernance, étant donné les différents niveaux de régulation, la négociation continue, sa complexité, les différences par rapport au modèle étatique… Les études sur la gouvernance sont aussi partie de la mouvance de la critique théorie du néo- réalisme. J N Rosenau : a situé le concept de global governance dans le cadre académique des RI. Il est lié à l’école fonctionnaliste et à la théorie des systèmes. Selon lui, 5 éléments ont modifié le système international. La dimension internationale (interétatique) est remplacée de plus en plus par les relations entre les individus, entre les sociétés et les relations qualifiées de transnationales par Keohane et Nye, ne sont pas complémentaires des RI mais s’y substituent.

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5 éléments : - la fragmentation identitaire en tant que phénomène de réaction à l’égard de la globalisation.- la globalisation en tant que convergence ou intégration mondiale, qui génère autant de perdants que de gagnants, ces 2 phénomènes se renforcent l’un l’autre. Rosenau parle de « fragmigration » : synthèse de fragmentation et d’intégration. Des changements sociaux importants se développent – universalistes ou identitaires avec des implications importantes pour le système global, certains processus renforçant la convergence vers le centre (ou modèle dominant) d’autres multipliant les différences. - la réduction drastique des distances territoriales suite au développement des techniques de com., télématiques…- la multiplication des interdépendances mondiales et la percée des « transnational issues » (environnement…) - l’accroissement continu de la qualification technique des citoyens --) renforcement du rôle des individus au centre de la société internationale.

Comment ces processus sont il régulés ? Rosenau tente de faire du concept de « global governance » un outil de recherche. Il souligne la différence entre gouvernement et gouvernance. Gouvernement = processus institutionnalisés et formalisés comme la régulation par l’Etat et la législation. Governance = selon Rosenau c’est beaucoup plus comprehensive et « encompassing » : il implique des processus formalisés et institutionnalisés mais aussi informels (niveaux sub nationaux et supranationaux) publics et privés, tout en expansion quantitative et qualitative. Selon R, le monde est confronté à une situation où l’Etat est de moins en moins central, un niveau secondaire et marginal de la gouvernance. L’autorité et les prises de décisions sont étudiés à tous les niveaux, de la famille jusqu’à l’Eta puis au niveau global, selon un continuum.

La « multilevel governance » décentralisée est elle un modèle substitutif du paradigme westphalien ? Contexte d’une phase de transition du monde après 1989. Des précisions et nuances doivent être apportées face aux questions et critiques des réalistes et institutionnalistes.1) La crise du gouvernement politique des Etats par la mondialisation ne provoque-t-elle pas le retour à l’anarchie ? Non car il y a l’existence d’une gouvernance informelle, qui permet de maitriser le changement rapide du système. Il y a des nouvelles formes de régulation. Le concept de gouvernance n’est pas le même que celui de régime international. Les régimes internationaux font en fait partie de la gouvernance qui est bcp plus globale, et la différence entre les deux est que les régimes sont caractérisés par la convergence des Etats sur un sujet précis, ne couvrent qu’une partie des RI – un nombre limité de secteurs - et sont de nature interétatique. Par contre, le concept de gouvernance couvre toutes les dimensions de la vie sociale, et permet d’interpréter les relations informelles là où il n’y a pas de régime international. 2) question de la démocratie de la global governance multilevel, est- elle plus ou moins démocratique que le gouvernement basé sur la démo territoriale ? Peut elle être légitime et accountable sans démo ? Selon Czempiel, la gouvernance est plus démo que le gouvernement car elle implique la décentralisation, le consensus des citoyens, a plus de racines dans la société donc est plus légitime et efficace. Mais il s’agit d’une vision très optimiste, typique des années 80. D’autres estiment que le gouvernement est plus démo car il peut être mieux contrôlé par les citoyens et contrer avec plus d’efficacité les inégalités entre le Nord et le Sud. 3) critique : comment situer dans le cadre conceptuel de Rosenau le retour de la force et de la violence dans l’agenda international, et la sécurisation de l’agenda international (après 11/9).

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Théoriquement, la réponse de Rosenau est faible : selon lui on assiste à une « bifurcation » du système international. Il confirme l’émergence d’un système transnational décentralisé gérant la majorité des questions, mais par contre un système international, interétatique et séculaire résiste, où les prises de décisions relèvent toujours des compétences des Etats et surtout des grandes puissances. Selon lui, pour comprendre les RI, il faut comprendre cette bifurcation.Mais il ne précise pas quelles sont les relations entre les deux systèmes ? En réalité, ce qui reste actuel des théories de Rosenau est l’évolution du niveau d’analyse focalisé sur l’Etat et les relations interétatiques vers le niveau transnational sub- étatiques. Burton : world politics, avait lui focalisé l’attention sur les relations entre individus et acteurs sociaux au niveau du système global. (échanges, interactions…) alors que le système des Etats devenait tout à fait secondaire. Comme pour la governance chez Rosenau, les relations transnationales étaient considérées comme légitimes et basées sur le consensus alors que les relations basées sur le pouvoir et la coercition interétatiques ne l’étaient pas. Les théories de Bull (voir plus haut) évoluent elles aussi dans ce sens. Toutes ces théories sont néanmoins fragiles théorique et provisoires, associées à une phase de transition. D’autre part, l’approche néo- réaliste a elle aussi montré ces limites. Il faut donc une alternative.

2. Les « théories critiques » et les théories post- modernes des RI.

Les débats théoriques sur la raison modernes, les contradictions de la mondialisation et l’effondrement de l’URSS ont eu des implications au niveau des RI

- la multiplication des courants visant à délégitimer les théories dominances des décennies précédentes, incapables d’anticiper les bouleversements ; notamment la pensée néo réaliste qu’i n’a pas pu expliquer l’effondrement de l’URSS et du système bipolaire, même si ils avaient analysés des tendances menant à un monde post soviétiques. (les institutionnalistes aussi)

- la déconstruction radicale du paradigme de Westphalie en tant que typique de la modernité, au nom d’une nouvelle piste herméneutique, marquée par la pensée critique post- positiviste et la pensée post- moderne.

Dans les années 80-90 ont assiste a une reviviscence de la théorie critique, axée sur 4 points : - l’opposition de la société civile internationale au système des Etats et à la centralité

des relations interétatiques.- La recherche d’un dialogue avec les idées des mouvements anti- globalisation ou

altermondialistes au nom d’une forme nouvelle forme d’engagement basée sur le refus de la neutralité axiologique ( ?)

- La multiplication des optiques et des approches, notamment le développement des gender studies appliquées aux RI

- Le refus parallèle du néo- réalisme et du néo- institutionnalisme, négativement labélisée en tant que théories néo- positivistes ou utilitaristes.

Les implications de la pensée post – moderne : - point de vue de la théorie de la connaissance, la critique de la raison moderne, du

progrès e des idées universelle. Les concepts d’anarchie internationale et de souveraineté sont remis en question.

- L’opposition épistémologique de la pensée faible aux théories fortes, comme le réalisme et l’institutionnalisme, ce qui peut induire une fragmentation multiculturelle d la connaissance.

En conclusion : si la négation du paradigme de la modernité, y compris de l’Etat nation est clairement affichée, l’aboutissement du processus critique ne l’est pas. Par contre, des visions plus modérées de la critique post moderne apportent une nuance relativiste et autocritique au

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débat épistémologique et théorique, face aux phénomènes nouveaux de la fin du 20ème siècle. En effet, contexte de la mondialisation controversée des années 90 : l’Etat nation et le paradigme westphalien seraient mis en question mais également dépassés et surmontés par l’économie mondialisée d’une part et d’autre part par le monde des idées, des identités et des religions (aux origines des mouvements nationalistes, ethnocentriques, extrémisme). Ces courants opposés ont un point commun : ils annoncent la fin de l’Etat en tant qu’Etat territorial, laïc et souverain :

- d’une part : montée de l’optimisme économique déterministes, théories hyper globalistes, axées sur des idées de triomphe de la main invisible et de la fin du politique (de toute forme de régulation du développement éco et social.

- D’autre part : théories qui montrent les résistances culturelles vis-à-vis de la convergence globale ; le retour de la centralité de l’irrationnel, la révolte identitaire et ethnocentrique contre la pression pour la convergence du marché mondial, le rejet de l’occidentalisation du monde.

Dans ces 2 derniers scénarios, aucune des théories : paradigme de l’Etat westphalien, sa révision par la multi level governance, institutionnalisme, ne trouvent leur place. Même s’ils sont extrêmes, cela montre une fois encore le besoin d’un nouveau cadre scientifique pluraliste.

Chapitre 8 : les approches constructivistes.

1) Le cadre philosophique.Le constructivisme est très enraciné dans le débat épistémologique européen, depuis Weber et Hegel. C’est un mouvement large qui intéresse plusieurs disciplines dont les RI. Il se situe au centre du renouvellement de la théorie sociale des années 1980- 1990. Son application accrue aux RI s’explique par l’exigence d’analyser les causes et implications de phénomènes et événements éclatants et imprévus : l’effondrement de l’empire soviétique, le rôle mondial des US, les défis globaux plaidant pour un ordre mondial basé sur des normes et des principes partagés et la percée des demandes identitaires. Les approches constructivistes sont très variées mais on peut voir explicitement que pour celles-ci l’évolution de la société et de la société internationale notamment n’est pas déterminée par les intérêts matériels (comme pour les réalistes ou les institutionnalistes rationnels), mais par les idées, les perceptions subjectives … Aucune réalité internationale (la nation, les guerres…) n’existe sans avoir été d’abord formulée au niveau de la pensée, de l’intentionnalité collective : la pensée influence la réalisation de façon déterminante et n’est donc pas un simple reflet passif de la réalité. (ex : faits sociaux ou construction sociale appliqués aux concepts de la politique, de l’Etat, de l’esclavage, de l’intervention humanitaire…) Autre exemple : la souveraineté de l’Etat, qui n’existe que parce qu’un certains nombre d’acteurs internes et externe la reconnaisse. Tant les faits sociaux que les acteurs sociaux ne sont que des constructions sociales, résultats de la « collective intentionnality ». Selon Ruggie, les 3 courants principaux du constructivisme sont :

- le constructivisme néo- classique (basé Durkheim, Weber, puis Ruggie, Haas…)- le constructivisme post- moderne (basé sur Nietzsche, Foucault et Derrida, puis

Walker…)- le courant développé par A Wendt, plus lié aux sciences sociales. Pour Wendt : « les

acteurs agissent sur la base des significations que les objets ont pour eux et les significations sont des constructions sociales. » Il propose donc une réflexion sur le fond de la théorie sociale et sur le système international.

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Parmi les racines philo, Ruggie cite aussi Habermas et l’action communicationnelle. C pourtant J Steale qui a développé les bases philosophiques récentes et radicales du constructivisme. Il a critiqué le concept d’anarchie internationale de Waltz mais aussi l’institutionnalisme.

2. La recherche de A Wendt : structure, agent, normes.

Pour les constructivistes et notamment Wendt, le débat sur les relations entre la structure et l’agent au niveau des RI est très important. Ils sont partisans d’une approche holiste. Contre les réalistes (Etat = centre RI), ils mettent en exergue «la structure » en tant que facteur constitutif de la réalité, en reprenant un argument de la théorie des systèmes. Mais la différence avec cette théorie est que : 1) ils estiment possible une interaction réciproque, 2) la structure est considérée comme de nature immatérielle et idéationnelle pour l’essentiel (contexte social, identités, normes…) puis seulement matérielle (économie et armements) et pratique. Par exemple, la guerre froide était une structure sociale qui a déterminé les rôles des 2 superpuissances. Des que des acteurs (comme Gorbatchev) ont commencé à penser autrement la « structure », leurs intérêts… , leurs comportements se sont modifiés et cela amené à ce que la structure elle-même soit modifiée. Le rapport complexe entre l’agent et la structure est donc au centre de la recherche. L’agent n’existe pas indépendamment de la structure, n’est pas une donnée préméditée. Quant à la structure, elle n’est ni naturelle ni immuable : elle est à son tour dominée par la dialectique des idées, des normes, des connaissances scientifiques et des cultures. Wendt vise a concilier dans son approche sa conception de l’idéalisme et du réalisme scientifique. Selon lui, 3 éléments interviennent dans l’analyse de la « structure » : 1) les capacities ou ressources matérielles, dont les significations sont attribuées par les acteurs et non pas naturelles, 2) les pratiques qui constituent le pont entre les agents et la structure, 3) et les compréhensions partagées, enracinées dans le contexte sociologique et culturel. Les facteurs du changement structurel international sont, celui lui : l’interdépendance, l’homogénéisation, le destin commun et le self – restraint. Plusieurs questions théoriques : comment les normes émergent- elles par rapport à cette dialectique agent –structure ? En tant que pratique sociale, qu’objet de la négociation… ? Sont-elles des variables indépendantes ou pas, capable de construire ou pas ? Comment ? …2 types de réponses de Wendt, Wiener et les constructivistes : - d’une part : les normes proviendraient d’une entité internationale disposant d’une identité et conditionnant ainsi le comportement des autres acteurs. Ex : pour l’UE. Dans le cas d’une relation asymétrique de pouvoir, l’entité normative (état ou organisation internationale) pourrait avoir les moyens et sollicitations nécessaire pour pouvoir amener à une modification des comportements des Etats partenaires.- d’autre part : les constructivistes mettent en exergue les contradictions, les obstacles, les difficultés résultant de l’interaction entre l’entité et l’environnement externe, les autres acteurs. C’est donc l’interaction réciproque qui est intéressante et donne aux normes leur réelle signification.

3. Exemples et questions ouvertes.

Le constructivisme contribue à la remise en question de plusieurs concepts clés du néo réalisme.

- le rapport entre anarchie et coopération internationale. Les constructivistes opposent à la vision hobbesienne/ Waltz de l’anarchie une vision plus dynamique avec plusieurs types d’anarchie internationale possibles, en fonction du contexte, de l’intention des

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acteurs… par exemple, chez Locke avec la notion des Etats rivaux ou chez Ruggie avec les régimes internationaux et le multilatéralisme. (pour Ruggie, un régime international doit obligatoirement inclure des principes, des règles, avec lesquels les participants sont d’accord. Les normes ont donc un rôle constituant.)

- Les constructivistes opposent aussi la notion dynamique de communautés de sécurités possible au dilemme de sécurité classique (basé sur la loi de l’autodéfense chez Waltz).

- Troisième exemple qui montre l’importance de la dimension normative : l’effondrement de l’URSS : si les régimes politiques internes ne sont basés que sur la force, ils s’effondrent inévitablement. Selon Ruggie, les « constitutional rules » (règles et valeurs normatives) sont les bases institutionnelles pour qu’une communauté puisse exister.

- 4ème exemple surtout pour l’UE : si on accorde plus d’importance aux idées, valeurs, à la connaissance, en tant que variables, la notion classique et matérielle de puissance est remise en question. La persuasion par le « soft / structural power » devient centrale dans le discours des élites, mais aussi pour la détermination de la politique internationale. Mais il reste la question de l’impact réel de ce soft power.

Une autre question théorique : comment évoluent les relations entre le constructivisme et l’institutionnalisme ? C un rapport très complexe : le constructivisme a bénéficié des apports de l’institutionnalisme, puis du transnationalisme, puis les constructivistes ont eux-mêmes influencés les institutionnalistes discursifs et constructivistes. Détails : Ruggie et d’autres constructivistes reprochent à l’institutionnalisme de ne pas avoir assez remis en question la thèse réaliste selon laquelle les intérêts sont fixes et l’idée du calcul cout/ benef. 2ement, les institutionnalistes eux, reconnaissent que les préférences des acteurs contribuent à expliquer l’interaction ( ??) , mais estiment que la réciproque est fausse. Or des normes et connaissances peuvent exister en tant que variables indépendantes et pousser les acteurs a modifier leurs comportements. Ex : la stratégie de Lisbonne qui a conditionné l’agenda de plusieurs acteurs. Selon beaucoup de chercheurs, les deux approches ont beaucoup à s’apporter. Conclusion : les constructivistes sont très ambitieux dans leur recherche, ils visent à changer véritablement de paradigme scientifique des sciences sociales (comme les théories post modernes et critiques), et ont provoqué un grand débat international. Ils pensent avoir créé les conditions pour pouvoirs dépasser les 3 anciens clivages : entre réalistes et idéalistes, entre traditionnalistes et behaviouristes et entre historicistes et scientistes. Cependant, ces approches se montrent fragiles de point de vues des résultats de la recherche empirique en RI (inférieurs à ceux des institutionnalistes et des réalistes). De plus c’est une approche très euro-centriste (selon Wiener) qui ne pourrait se confronter à un monde multiculturel. Enfin, le rapport complexe entre normes, acteurs et institutions reste une question ouverte tant au niveau méthodologique que des études sur les rôles que les normes pourraient jouer dans la politique mondiale. ---) il faudrait un pluralisme méthodologique, et bénéficier des connaissances acquises par chaque approches---) le grand changement de paradigme scientifique utilitariste n’est pas acquis : il ira sans doute de pair avec la mutation lente et graduelle du paradigme westphalien.

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Chapitre 9 : Les théories de la politique étrangère. L’impact des facteurs internes.

Pendant le 20ème siècle, plusieurs courants qui attirent l’attention sur les facteurs internes de la politique étrangère se sont développés. Ces approches sont principalement pré- systémiques. (L’importance de la politique interne avait déjà été mise en exergue par les auteurs de la théorie des système, à nouveau par les critiques du (néo) réalisme. )Les théories de ce chapitre ne sont généralement pas basée sur une approche systémique mais leur analyse se situe au niveau sub- systémique : focalisée sur les unités ou sur les individus. Elles sont axées sur l’étude approfondie des dynamiques individuelles, éco, soc et politiques internes aux Etats (unités de la politique internationale). L’hypothèse commune est qu’il faut donc prendre en compte la domestic politics (régime pol, éco nationale, individus…) pour expliquer les politiques extérieures et internationales.

1. Théories économiques et politiques de l’impérialisme.

Tout d’abord : théories selon lesquelles les mécanismes éco pouvant induire des politiques extérieures impérialistes. Ces théories portent souvent sur le même objet que celles de l’International political economy et les théories du système monde de Wallerstein, mais la méthode est différente.

- théories qui soulignent les causes éco interne : Hobsons : « Imperialism. A study. » Il étudie les guerres commerciales et tarifaires qui opposent les puissances européennes. Les éco européennes tentaient de conquérir les marchés mondiaux et cela en raison d’un mécanisme d’éco interne : le capitalisme national entrainait une surproduction par rapport à la demande interne. (anticipation de Keynes) Hobson dénonce cette contradiction de l’éco de marché : pour écouler leur surplus, les Etats cherchent des débouchés à l’extérieur et vont lancer des politiques impérialistes dans l’espoir que les nouveaux marchés absorberont l’excédent et rééquilibreront l’éco nationale. Hobsons propose – pour contrer l’impérialisme de la GB et limiter les tendances belliqueuses du capitalisme – de renforcer les marchés nationaux internes càd d’augmenter la consommation populaire. Pour lui, la hausse de vie des classes populaires des pays impérialistes peut entrainer la fin des crises de surproduction et par conséquent la fin de l’impérialisme. Les racines de l’impérialisme se trouvent au niveau de l’éco interne tandis que le remède se situe au niveau de la politique interne.

- Théoriciens marxistes : (comme Lénine et Boukharine). Ils s’inspirent de Hobson quand à l’idée des contradictions éco interne amenant à une politique impérialiste. Contrairement à Hobsons, ils pensent que l’écart croissant entre production et consommation ne peut être corrigé dans le cadre du capitalisme. Ils ont donc prévu la 1ère GM : les conflits commerciaux ne pouvaient que dégénérer en un conflit militaire. Selon eux, la guerre est un préalable à la révolution mondiale. Donc, c’est l’impérialisme qui la provoque.

Les tenants des théories politiques de l’impérialisme : c’est l’Etat qui est responsable de l’impérialisme.

- J Shumpeter « Sociologie de l’impérialisme ». Selon lui, l’impérialisme est un phénomène pré- capitaliste enraciné dans l’héritage autoritaire de l’Etat pré- constitutionnel. L’impérialisme découle d’une structure politique autoritaire, typique de l’Etat absolutiste. L’autoritarisme étatique, la bureaucratie excessive et le militarisme débouchent sur l’impérialisme politique. Le capitalisme, pour Shumpeter pourrait être un vecteur de réduction de l’impérialisme (voir Cobden) et de pacifisme.

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Les racines de l’impérialisme sont pour lui dans les structures politiques et non pas éco, et la solution est à trouver dans les forces éco internes les plus dynamiques.

- Pour T Veblen, l’impérialisme et le militarisme sont l’apanage des vieux Etats européens anti démocratique et dynastiques, et la survivance de l’impérialisme s’explique par le passé (féodal) de ces Etats. Selon lui, l’impérialisme pourra être dépassé par la modernisation technologique, le libre commerce et le développement d’une nouvelle mentalité collective encourageant l’entreprise et la coopération pacifique internationale.

- Pour Sombart, l’Etat moderne a une double nature : un coté libéral (démo, Etat de droit) et un coté lié a l’héritage de l’absolutisme – « la politique de puissance » le militarisme, et c’est dans cette deuxième facette de l’Etat que l’impérialisme trouverait sa source.

Débat actuel mais aucun des éléments scientifiques soutenant ces théories n’est prouvé à ce jour. (Épanouissement du capitalisme mais malgré tout guerres comme Iraq et Vietnam).

2) La théorie de l’insécurité.

Des théories interdisciplinaires se sont développées qui associent la psychologie des masses et les RI, toujours dans ce cadre de facteurs internes expliquant la politique externe d’un Etat. - H Laswell : il fonde son analyse sur le sentiment d’insécurité en tant que facteur de la

politique étrangère à partir de la psychologie des masses. Le niveau de l’analyse est donc celui de l’individu (on néglige le niveau systémique global et celui des Etats). Il explique la guerre et la politique étrangère par l’agressivité naturelle de l’homme, ses frustrations et angoisses… typique de la société industrialisée. L’individu recherche des exutoires à son agressivité et les trouvent par l’intermédiaire de leaders politiques manipulateurs qui vont canaliser cette « rage » dans la politique étrangère. De plus, il y a le sentiment d’insécurité : une partie de la population redoute la menace étrangère, et les « manipulateurs politiques » vont utiliser ça aussi (du fait que souvent la politique internationale est conditionnée par la peur d’une menace extérieure.) --) canalisation des peurs et de l’agressivité des individus dans la politique externe. Ex : Hitler. Il y a bien sur des mouvements, des courants d’opinion publique qui sont basés sur la peur de l’étranger (hyper nationalistes, identitaires…) qui réclament de l’Etat des politiques de sécurité parfois même d’agression, et il est possible que les dirigeants exploitent se besoin de sécurité en exagérant les menaces extérieures, et enfin peuvent a leur tour mener une politique étrangère qui entretient le besoin de sécurité. Exagérer les dangers extérieurs peut aussi être un moyen de limiter la portée d’une crise nationale. Cependant, il n’est pas du tout évident que la nature des individus- angoisse et agressivité- puisse expliquer la politique étrangère d’un Etat sans que les structures politiques de cet Etat soient responsables --) il faut aussi étudier ces structures. Wilckenfield, par ex, a une théorie qui se rapproche de celle de Laswell mais se limite aux Etats totalitaires, qui seuls peuvent exploiter la psychologie des masses pour développer une politique externe agressive. Par contre, dans les Etats démocratiques, l’opinion publique est moins facile à manipuler vu le dialogue, la canalisation des conflits sociaux…

- Stein : « the nation at war » : il analyse la psychologie des masses dans 4 guerres menées par les US au 20ème. Selon lui, il ne faut pas systématiser l’impact du sentiment d’insécurité, mais l’étudier au cas par cas. Dans certains cas, une guerre peut provoquer un consensus interne favorable, l’ennemi fait l’objet d’une mobilisation de

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la psychologie des masses qui se sentent menacée. Il faut 3 éléments : la menace extérieure doit affecter la population dans son ensemble, chaque individu doit se sentir concerné et la guerre ne doit pas impliquer des sacrifices trop lourds. Selon lui, ces conditions n’ont été remplies que dans le cas de la 2GM. La conclusion est qu’il est plus difficile d’instrumentaliser la menace extérieure dans un pays démo. Rem : la théorie de l’insécurité peut aussi s’appliquer aux conflits commerciaux.

3. Les théories du régime politique.

Ces approches privilégient l’impact de l’évolution institutionnelle interne à l’Etat sur sa politique étrangère. Question théorique : quelles sont les relations entre démocratisation interne et relations interne ou la nature du régime politique conditionne-t-elle la politique étrangère. Cette question avait déjà été abordée par Rousseau et Kant qui soulignaient le lien entre la paix internationale et le caractère constitutionnel de l’Etat. (Paix impossible si tyrannie et absolutisme au sein des Etats). Le point fort de cette théorie est basé sur les implications négatives du souverain de pouvoir décider seul de la paix ou de la guerre, sans transparence. Contexte de l’optimisme des lumières. Cependant, rien n’indique que les démocraties ne mènent pas des politiques étrangères belliqueuses. Si on pousse à l’extrême le renversement des priorités, càd si on fait d’abord passer le contrat social interne avant la paix externe, on peut aboutir vers des formes républicaines multiples du nationalisme (comme chez le vieux Fichte ou +/- chez Rousseau), càd à nationalisme républicain et souverainiste, aux idéologies de la nation révolutionnaire, du socialisme de l’Etat à l’Etat fermé. S Amin avait d’ailleurs théorisé la « déconnexion » du pays en transition socialiste par rapport à l’économie globalisée et au monde extérieure, en tant que seul contexte favorable pour le contrat social libre et égal à l’intérieur. Toqueville présentera la 1ère interprétation libérale sur le lien entre participation démocratique interne et paix. Il s’interroge à propos des implications de la participation démo interne sur la politique étrangère d’un pays. Etant donné que la politique étrangère impose prudence, discrétion, compétence techniques… les démos seraient moins cohérentes dans leur politique étrangère que les régimes autoritaires qui ne sont pas exposés à l’influence de l’élément irrationnel. Il constate que les démos sont liées et contraints par leur opinion publique qui ne maitrise pas la complexité de la politique internationale. Par contre les régimes autoritaires peuvent définir une politique étrangère indépendante et dans le secret ce qui, selon lui, est une prérogative inévitable de la politique internationale. Cette question de l’influence de la démo sur la politique étrangère est tjs actuelle. Galtung par exemple a mis l’accent sr les progrès accomplis par l’opinion publique en matière de connaissance et de participation consciente aux grands dossiers de la politique extérieure, cela grâce à l’ITC. D’autres auteurs ont souligné que la démocratie permet la révision en cas de choix erronés en politique extérieure. Elle est plus flexible, tandis que l’autoritarisme politique facilite les erreurs et les choix irrationnels en politique extérieure.

A. Le régime politique démocratique et la politique étrangère.

Analyse centrée sur les régimes démocratiques occidentaux, sur les rôles respectifs et préférences des individus, de l’opinion publique… Carl Friedrich – qui a travaillé sur les rapports syst pol nationaux / politique I – souligne que la politique étrangère dépend de trois niveaux institutionnels :

- le niveau technique et bureaucratique (diplomatie et gouvernement des relations extérieures)

- le niveau des partis politique et des lobbys, et du débat politique

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- le niveau de l’émotion de l’opinion publique : celle-ci se mobilise très rarement dans les dossiers de politique étrangère sauf pour les dossiers « brulants ».

Friedrich ne croit pas en la mobilisation rationnelle de la population en faveur de la paix, pour lui, cette dernière est instrumentalisée par les élites.

B) Système partisan et politique étrangère : le phénomène du bipartisanship :

Plusieurs chercheurs ont mis en évidence l’impact du système partisan interne sur la politique internationale. Question : à quel point l’alternance gouvernementale influence-t-elle la politique internationale d’un pays ? Plusieurs auteurs évoquent le « bipartisanship » : la convergence des 2 partis principaux au-delà des divergences en politique interne. Cad qu’il existerait une certaine cohérence ou continuité dans la politique étrangère d’un Etat indépendamment des changements de majorité gouvernementale. Alors que les réalistes expliquent cela par les intérêts nationaux géopolitiques, ces chercheurs ont une approche plus sociologique. Dans certains pays ; continuité malgré alternance car le système politique est centripète : l’électeur centriste fait la différence pendant les élections et il aspire à la continuité en matière de politique étrangère. --) les partis évitent les grands bouleversements, atténuent les changements pt de vue engagements internationaux… Le bipartisanship peut être explicite ou implicite.

C) démocratie parlementaire et démocratie présidentielle.

Les structures institutionnelles du régime politique sont aussi une variable importante. Question : comment se différencient les régimes parlementaires/ présidentiels ? Qd un pays veut accroitre son influence en pol étrangère, il va évoluer vers le présidentialisme car c’est plus efficace étant donné la concentration du pouvoir de décision (rapidité)/ Ex : évolution du rôle du président aux US et France. Rem : Keohane insiste sur les ironies de la souveraineté : les US : pouvoir décentralisé et partagé mais concentration extrème du pouvoir en politique étrangère/ pays de l’UE : berceau de la souveraineté mais division et décentralisation de la décision en pol étrangère.

D) Le double Etat

Analyse du poids des appareils non élus de l’Etat : armée, services secrets, ministère de la défense. Ils établissent des liens internationaux de collaboration, ont des activités internationales autonomes, disposent de réseaux, et mènent une politique étrangère en dehors du contrôle démo… Sombart et Fraenkel parlent alors de double Etat : l’Etat démo moderne a 2 facettes : l’une libérale – qui prévaut en pol interne- et l’autre reposant sur la notion d’Etat puissance, héritage de l’absolutisme. La première : transparence et contrôle démo, la deuxième : manque de transparence et secret. Csq, la 2ème facette peut développer leur propre politique externe, parfois ds le secret.

4) Les théories du processus décisionnel.

Les théories du processus décisionnel – méthode sociologie - remettent en question l’Etat comme acteur rationnel des RI. Elles montrent la complexité du processus décisionnel d’un Etat en matière de politique extérieure. L’Etat centralisé et souverain du passé ne prend plus les décisions, ces dernières sont le fruit de la négociation entre une multitude d’acteurs internes.

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M Allison étudie l’influence de la complexité du processus décisionnel sur les prises de décision internationales (càd le pays démo où c le plus centralisé pt de vue décision de pol étrangère et sécu). La décision est clairement le résultat de négociations entre le président, le chef de l’Etat major, le pentagone, le secrétaire d’Etat, la bureaucratie… En Europe, dans les Etats fédéraux, les régions vont développer une para diplomatie parfois en contradiction avec le pouvoir central. Trait central de l’UE : politique étrangère multi level et multi acteurs, et la décision évolue en fonction du poids respectifs des institutions et acteurs. Cette complexification de la prise de décision remet en cause le paradigme classique de l’Etat souverain (Machiavel, Bodin…). Les Etat vont alors parfois tenter de rationnaliser et de centraliser, par des réformes qui créent une hiérarchie (dans cette gouvernance multiple) et qui renforcent le centre. Par ex : renforcement du poids du président par son élection au SU.La sociologie fonctionnaliste montre donc que l’Etat centralisé a connu de nombreuses mutations qui ont affectés son unité interne et sa rationalité. La théorie des enjeux accentue encore la critique de l’Etat nation rationnel en pol étrangère en incluant la dimension des lobbys. Pour celle-ci, la décision en pol étrangère est aussi le résultat de négociations, mais menées pour l’essentiel par des groupes d’intérêts éco et sociaux. Accent sur les networks privés, les lobbies et les changements politique en fonction de l’importance des enjeux à l’agenda. T Lowi classe les choix de pol internationale des US selon leur degré de cohérence : a) le modèle de la fragmentation : la demande interne est dispersée puisque les groupes d’intérêts concernés et voulant influencer la décision sont nombreux et en concurrence. Les pressions émanent de partout et les décisions finalement adoptées ne correspondent pas à la cohérence mais au plus haut degré de la fragmentation et oscillent entre les volontés de divers groupes d’intérêt. b) le modèle de la polyarchie : il existe plusieurs centres de pouvoirs économiques institutionnalisés ou structurés. Différence avec le modèle a : les groupes d’intérêts sont en partie regroupés et augmentent leur poids relatif. La négociation est un peu plus structurée, polycentrique, mais reste nécessaire entre les représentants des regroupements. Il y a des perdants et des gagnants selon les dossiers et les rapports de force. c) le modèle élitiste : les élites politiques et économiques s’accordent sur des enjeux éco bien précis. Pour les décisions les plus cohérentes. Lowy propose ensuite une classification des enjeux au niveau des RI

- les issues les – importantes se décident par le modèle a- les plus importantes : modèle c. Ex : issues qui pourraient menacer les intérêts

nationaux, avec implications stratégiques ou de sécurité- les autres enjeux : modèle b, au niveau intermédiaire de la sensibilité stratégique.

Par ex : Lowi classe le plan Marshall : décision par le modèle de la polyarchie, alors que vu l’enjeu – bloquer le communisme – on aurait du le placer dans le modèle c. Mais les priorités pol stratégiques n’avaient pas pu éliminer le poids des intérêts éco ; jusqu’en 1950 (Corée) ou les enjeux deviennent de + en + importants--) les acteurs diminuent. High politics --) élitisme.Helene Milner, dans la mouvance de la théorie du jeu à 2 niveaux (interne et externe) de Putman, approfondit l’articulation des politiques internes et internationales, en appliquant l’approche de l’institutionnalisme du rational choice. Elle prend en compte les théories de Stein, Allison et Lowy et attire l’attention sur les interactions réciproques du jeu à 2 niveaux : interne et internationale. Elle ne prend plus en compte les facteurs irrationnels (peurs, perceptions) mais bien le poids de l’info sur le choix des players, ainsi que l’héritage de l’histoire. Milner attire l’attention sur la difficulté de créer un consensus interne autour d’un accord internationale et sur le poids des intérêts organisés, des mécanismes institutionnels internes. (pas retour au réalisme vu que attention sur facteurs internes).

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Chapitre 10 : L’apport des études européennes au renouvellement des théories des RI.

1. Introduction générale à la période post guerre froide.

Question théorique : comment les événements historiques de 1989 -1991 ont- ils interagi avec le cadre complexe des théories des RIContexte ou la transition ouverte par ce changement systémique n’est pas achevées et où les théories se mêlent aux idéologies. Point de vue théorie : la pertinence de la théorie des systèmes est confirmée par différentes analyses, parce que la phase de l’après 1991 est dominée par le changement de la variable systémique. Par contre, il n’y a pas d’accord sur les causes de cet événement. Selon certains, ce changement ne serait intervenu que suite au durcissement de la compétition bipolaire, pour d’autres, ce serait du à l’impact de l’interdépendance complexe sur les pays et les populations de l’Est --) mouvements de réformes. (les structures de coopération entre l’est et l’ouest expliquent partiellement la naissance : le renforcement des mouvements d’oppositions comme Solidarnosk). Il y a aussi une grande controverse sur la question des conséquences du changement systémique. Il y a eu à la fois essor de théories libérales et idéalistes et relance de plusieurs formes de réalisme. Idéalisme Ex ; Fukuyama et la fin de l’histoire et le dernier homme. Il soutien t que la fin de la confrontation Est/ Ouest débouche sur la fin des guerres, les conflits sont balayés par la victoire de la démo libérale. Autre exemple : Von Hayek, pour qui la fin du bipolarisme a engendré la victoire de l’éco de marché et marquerait la fin de l’histoire de l’éco. Relance du néo réalisme (mais approche idéologique) , ex : Measheimer (élève de Watlz) qui affirme que l’Europe va revenir en arrière vers les conflits d’avant la guerre froide , et cela en raison du fait que dans la région de l’ancien bloc soviétique il y a des guerres de type international sur le continent européen, des guerres civiles et des percées ethno centriques, l’éclatement des Etats pseudo fédéraux (Ru et Yougoslavie). Pour lui, le bipolarisme permettait de contenir ces conflits locaux, donc le retrait d’Europe des US va s’accompagner de celui de l’OTAN, de la CE… et les pays européens vont revenir aux conflits des sphères d’influence et aux nationalismes. Pdt les 2 premières décennies après 1989, les interprétations néo réaliste a connu 2 phases :

- La première , direct après 1989, focalisée sur le continent européens. Les tragédies dans les Balkans et le Caucase ont renforcé la pertinence des théories réalistes. On prévoit le retour aux sphères d’influence et au nationalisme (Ash). Dans cette optique (de continuité historique et de retour des tragédies), il y a retour de l’ancienne tradition européenne de la géopolitique, qui établit un lien étroit entre les choix politiques et la géographie. Ds cette approche (contrairement à l’approche systémique) ; la proximité géo et les questions de disputes territoriales, ethniques et les intérêts géo- éco seraient les facteurs explicatifs exclusifs des conflits internationaux et géostratégiques dans un monde en fragmentation. Optique en réaction contre les idéologies fonctionnalistes de la mondialisation. Ce sont des recherches empiriques utiles mais elles aboutissent à des théories du nationalisme, de l’anarchie internationale et de la fragmentation. Ces hypothèses / idéologies sont remises en question par de nombreux auteurs dont S Hoffman, qui estime que les événements de l’Est ne sont pas limité aux sommets et aux élites. Il y a eu un renforcement de la démocratie suite aux révolutions de 1989, un développement de la soc civile, des liens transnationaux divers… Pour lui, plus la démo est développée, - il y aura de politiques étrangères agressives. Pologne, Hongrie, EEC… démocratisés, --) stabilisation du cadre - notamment grâce à la CE- , d’où – de conflits entre Etats de la zone. Donc, la poussée démo et les facteurs externes (CE), provoque des changements au sein des Etats et au niveau des relations internationales

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en Europe. Ensuite la pacification du continent a évidemment montré la faiblesse de ces interprétations.

- 2ème source de relance du néo –réalisme : le nouveau cadre mondial, le désordre international. Il y a un double débat : d’un coté, retour des idées classiques de la balance of power et du containement, et de l’autre, une nouvelle version du réalisme, focalisée sur les conflits interculturels.

- Selon S Huntington : le monde est dans une nouvelle phase ou les conflits ne sont plus interétatiques mais de nature civilisationnelle. Il dénombre une 15aine de civilisation dont 5 qui risquent particulièrement d’entrer en conflit : la civilisation occidentale, l’Islam, les chrétiens orthodoxes du monde slave, le confucianisme chinois et la civilisation indoue. Selon lui, ces civilisations peuvent fédérer autour d’elles des Etats partageant leur culture et religion, ce qui provoquerait des conflits avec l’ « Occident convoité » pour sa puissance (éco, techno, …). Dans le monde de + en + globalisé, il y a es perdants et des gagnants. L’Union d’Etats partageant les mêmes valeurs culturelles et se réfugiant dans le fondamentalisme religieux va se réaliser là où il y aura le plus de perdant de la modernisation, tandis que les pays intermédiaires (Russie, Turquie …) pourraient être particulièrement bouleversés par le« conflit entre civilisations ». Il recommande donc aux occidentaux de se préparer à un conflit dur, surtout avec l’Islam. Les critiques de cette théorie sont bien entendu très nombreuses. Par ex, Meyer (sociologie de la culture) : il montre que Huntington a une vision des cultures – comme le romantisme all.- comme étant monoholites, dépourvus de toutes contradictions et nuances internes. Or, les différentes cultures sont interdépendantes – liens cross borders - (via les médias, immigrations), et il n’existe plus de culture identifiée par la religion. D’ailleurs les différences sociologiques au niveau des valeurs/ comportements sont souvent plus importantes au sein d’une même culture qu’entre deux cultures différentes. Ex : occidentaux ont défendus les musulmans en Yougoslavie.

- Contexte de l’affirmation de la Chine et du nationalisme / communisme chinois, avec croissance éco très forte, idem pour l’Inde ; les crises du Caucase et des Balkans, l’affaiblissement du régime international de non prolifération nucléaire… ont renforcé les diagnostics réalistes sur la fragmentation anarchique du système international. Les menaces traditionnelles semblent avoir pris le dessus sur les problèmes globaux comme la pauvreté, les droits humains et l’environnement. Changement intellectuel très net avec la sécurisation de l’agenda international dans les années 90 (états voyous) et surtout avec l’administration Bush et l’axe du mal. (Rem : Ni Waltz ni les néo réalistes n’ont appuyés les choix de cette administration pt de vue guerre au terrorisme, dont la base idéologique n’est pas la tradition réaliste mais bien le courant néo conservateur.)

- Il y a eu aussi une vaste littérature sur « les guerres humanitaires » : soit avec l’appui de l’ONU, soit sans l’aval du Conseil de sécurité. Les 3 guerres – du Golfe, de l’OTAN en Yougoslavie, Iraq 2003- correspondent néanmoins à des constellations très différentes. Un débat scientifique est aussi ouvert à propos de l’efficacité des sanctions éco. Le nouveau désordre international a encore été aggravé par les « guerres éco » : l’UE et l’US divergent sur de nombreux points éco, les 3 pôles de la triade sont en concurrence, les pays émergents sont accusés de dumping et leurs exportations sont à l’origine de mouvements protectionnistes des opinions publiques en Europe, aux US et au Japon.

- Dans ce contexte conflictuel, 2 facteurs ont relancé le débat sur a puissance am : 1) la centralité de la « new éco » des US pdt Clinton ds le cadre de la mondialisation, 2) la percée des US pt de vue militaire --) qualification d’hyper puissance. Cependant il ne

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faut pas exagérer la puissance US. 1ère phase du débat : P Kennedy et son livre « Rise and Fall of Great powers » (référence pour les RI) , où il abordait la question du déclin des US par rapport à la montée de la CE et du Japon. Il analyse les bases éco de la puissance internationale à travers les 5 derniers siècles de l’histoire mondiale, focalisée sur les raisons du développement des unes et du retard des autres. Il aborde la question des liens entre modernisation éco et puissance politico militaire. Il a repéré 5 puissances « candidates », + /- égales, qui auraient pu devenir hégémoniques : l’empire des Ming en Chine, l’empire ottoman, l’empire Mongol, la principauté de Moscou et l’Europe des Habsbourg. Finalement, 5 siècles + tard, c’est l’Occident qui s’est imposé grâce à son éco, la technologie, aux valeurs basées sur l’individu, sa liberté et sa capacité d’innovation. Les US ont incarné ces valeurs au 20ème. Selon P Kennedy, les Européens et les Japonais seraient progressivement devenus mieux « armés » pour affronter l’avenir, grâce à leur force éco et techno, tandis que les Etats-Unis seraient voués au déclin. Rem : cette thèse avait aussi été avancée par Keohane, « After Hegemony », qui avait lui attiré l’attention sur le fait que les US, depuis 71, la G du Vietnam et la fin du Gold standard, avaient perdu de leur capacité (notamment à gérer la parité or/ dollar), tandis que la CE et le Japon les concurrençaient de plus en plus. Les craintes d’une Europe forteresse, de la puissance éco de l’Europe et du Japon qui risqueraient de devenir des puissances politico- militaires se répandent. Cependant, bien que le Japon et la CE se soient effectivement renforcés, les US ne sont pas vraiment en déclin : ils l’emportent tjs au niveau technologique, éco et militaire, (surtout depuis Bush au niveau dépenses militaire). Mais cette primauté des US ne correspond pas à l’hégémonie des années 40- 80 : le monde est très hétérogène, malgré les tendances unipolaires il y a aussi des mouvances multipolaires, la fragmentation. Le rôle des US a changé, il s’agit de leadership ou de primauté, pas d’hégémonie. Les US ne parviennent pas à stabiliser l’éco mondiale, ni à gérer les grands dossiers politiques mondiaux, ni à atteindre certains de leur propres objectifs (Iraq) …. --) On ne peut plus parler d’hégémonie (au sens scientifique voir plus haut)

- R Keohane « After The Cold War ». Il montre que les choix des Etats Européens – et notamment le choix de l’Allemagne- en faveur de la coopération a permis de structurer l’après guerre froide. Ce choix relance les études institutionnalistes. Selon K, le renforcement des institutions de la coopération – via les traités UE / CE, + au niveau paneuropéen avec l’OSCE, le Conseil de l’Europe, … - ne correspond pas à un simple calcul rationnel (cout/benef) mais aussi à des courants d’idées, à une dynamique institutionnelle, à un contexte favorable et aux choix mêmes des Etats (basés sur les dynamiques internes et les réseaux transnationaux). Il adapte son approche au niveau global au nouveau contexte : d’une part de renforcement des organisations globales, et d’autre part au fait qu’après 11/09 les US n’ont cessé d’exercer leur pouvoir politique et militaire en dehors des institutions multilatérales internationales. Selon l’auteur, G Bush a cru en l’unilatéralisme (- besoin de coopérer) tandis que les alliés européens ont essayé de limiter l’exercice de la puissance américaine, ce qui a mené au fait qu’entre 2002 et 2005, les différends transatlantiques ont cru comme jamais depuis 1945. L’échec de l’unilatéralisme en Iraq est bien entendu un argument en faveur du multilatéralisme. D’ailleurs, les autres Etats n’attendent pas tjs les US pour avancer dans les coopérations multilatérales : ex Kyoto et la CPI. Ceux-ci semblent avoir pris des distances avec les organisations internationales (malgré leur rôle décisif pt de vue de leur création). De plus, les opinions sollicitent de plus en plus les organisations internationales pour par ex la stabilité financière et éco, la lutte contre la pauvreté, dr de l’homme… Conclusion de

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K : les règles du jeu, décidées en l’absence des US, seront différentes de ce qu’elles auraient été avec la collaboration de la grande puissance US.

2. Globalisation, régionalisation, néo régionalisme.

Dans le contexte du 21ème, 2 variables systémiques sont à prendre en compte : la fin du monde bipolaire et l’accélération de la mondialisation/ globalisation. La mondialisation revêt de multiples aspects : technologiques, financiers, commerciaux, sociaux, communicationnels et culturels. Cette mondialisation, et le renforcement des contraintes et des opportunités externes sur les économies nationales, vont de pair avec le néo- régionalisme, la nouvelle vague de l’intégration régionale entre Etats voisins, en cours dans chaque continent. Il y a donc un lien systémique entre la globalisation et les phénomènes liés au régionalisme.Définitions : concepts de régionalisation et de néo régionalisme. Régionalisation = renvoie à des processus éco et dépend directement de la globalisation. L’accord de Marrakech (1994, instituant l’OMC) sanctionne la dimension régionale de la globalisation. L’idée est que les accords régionaux favorisent la globalisation, son une étape dans la « bonne direction » de la libéralisation à l’échelle mondiale. Néo régionalisme = fait référence à un phénomène plus complexe, multidimensionnel et « bottom up ». Il se traduit par des policies communes des autorités publiques des Etats participants et par des stratégies communes. Il répond à une globalisation « technique » mais aussi à un globalisme politique des grandes puissances, aux politiques globalistes menées, entre autre, par les US ; Il y a eu 3 types de régionalisme dans l’histoire des RI ;

- 1 : une réponse étatique et autoritaire à la crise des années 30 : l’impérialisme militariste japonais et le régionalisme nazi ;

- 2 : àpt de 1944- 1947 dans le cadre établi par les organisations de Bretton Woods (FMI GATT BM) se créent les 1ères organisations et alliances régionales sous la tutelle politique et sécuritaire des US : Am latine, Asie du Sud Est (SEATO) et la CEE.

- 3 : àpt des années 80 : nouveau régionalisme. Les US n’ont plus la capacité hégémonique des 30 glorieuses pour soutenir seuls le système éco libéral international. C un régionalisme post hégémonique, parfois défensif. Le rééquilibrage entre les pays de la triade se fait au profit de la CE.

Les exemples d’intégration régionale sont : - UE/CE- Mercosur = Marché du cône sud : Argentine, Brésil, Paraguay, Venezuela, Urugay + 2

Etats associés : Bolivie et Chili- ALENA (= Nafta) : US, Canada, Mexique- Communauté pour le développement de l’Afrique australe (SADC) : Afrique du Sud,

Angola, Botswana, Malawi, Mozambique, Tanzanie, Zambie et Zimbabwe- Communauté éco des Etats d’Afrique de l’Ouest (UEMOA) : Bénin, Burkina Faso,

Gambie, Ghana, Cap Vert, Guinée, Guinée Bissau, la Côte d’Ivoire, le Mali, la Mauritanie, Niger, Nigeria, Sénégal, Sierra Leone et le Togo.

- SAARC (South Asian Association for Regional Cooperation) : Bangladesh, Bhutan, Inde, Maldives, Nepal, Pakistan, Sri Lanka

- ANASE (ASEAN): Brunei, Darussalam, Cambodge, Indonésie, Laos, Malaisie, Myanmar, les Philippines, Singapour, Thaïlande et Vietnam.

- CER ou ANZERTA (Closer economic relationship) Australie et Nouvelle Zélande- Communauté andine : Bolivie, Colombie, Equateur et Pérou

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Ces organisations ont différentes formes, en fonction des variables internes, mais des points communs peuvent être relevés. Il y a à la fois des causes internes et systémiques communes qui ont favorisé l’existence de ces accords régionaux. Causes internes (4) : les pressions de la communauté nationale et transnationale des affaires, les demandes de mouvements sociaux internes, les décisions prises par les Etats et l’effet domino.

- les réseaux du monde des affaires et les dyn fonctionnelles du lobbying ont entrainé des pressions internes fortes. Les grands groupes éco sont en faveur de l’ouverture d’un grand marché régional car comme ça ils ne courent pas le risque de la compétition globale : ils y voient une étape intermédiaire bienvenue.

- Dans toutes les organisations régionales, il y a une asymétrie au profit d’un Etat principal, comme les US dans le Nafta, le Brésil dans le Mercosur, l’Afrique du Sud, l’Inde… L’intégration régionale est pour l’Etat le + important un moyen de renforcer son poids sur la scène internationale. Mais les petits pays bénéficient aussi de l’intégration régionale pour l’accès à un marché plus large. Pour certains pays plus pauvres, la coopération régionale est un moyen de rattraper la moyenne régionale. Enfin, un accord régional permet aussi d’encadrer juridiquement l’Etat dominant de la région.

- Les systèmes institutionnels sont très différents. Il s’agit en général d’institutions multilatérales intergouvernementales, incarnant un nouveau type de multi level governance. Il y a des traités de bases signés par les Etats qui restent les maitres du jeu. Le degré d’élaboration des institutions, le dynamisme de l’organisation dépendent de la volonté politique et de l’impulsion des Etats. Les organisations régionales sont souvent basées sur des mesures aboutissant à la confiance réciproque entre les 2 Etats les plus importants et à la prévention des conflits Ex : relations franco/all , Argentine / Brésil, Indonésie/ Malaisie Pas le cas par contre pour le SAARC vu conflits entre les 2 Etats les plus importants : l’Inde et le Pakistan.

- L’effet domino : se manifeste quand une intégration régionale se constitue en réponse au développement d’autres intégrations régionales. Ex : l’Alena suite à la crainte d’une Europe forteresse avec l’AUE.

Causes externes : - la globalisation éco s’est conjuguée, à intervalle réguliers, avec des pics d’instabilité

éco au niveau international : par ex les obstacles surgis lors des négociations multilatérales de l’Uruguay round et du Millenium round (Seattle et Cancun) ont renforcé le régionalisme. Ces échecs ont renforcé chez certains Etats la conviction qu’il faut renforcer l’intégration régionale mais afin d’accroitre leur potentiel de négociation.

- La fin de la guerre froide = un autre facteur systémique externe. Ex : l’Asean et le Mercosur, et surtout l’UE. En général, il s’agit d’un facteur créant les conditions favorables soit à la fragmentation nationale et ethnocentrique, soit à l’émergence de nouveaux acteurs nationaux ou régionaux et favorisant, en particulier, les processus de coopération multilatérale à plusieurs niveaux et bottom up, en l’absence de l’hégémonie US.

En parallèle, étant donné les difficultés de négociations de l’OMC, les relations Sud/Sud se renforcent au niveau du G20, de nouvelles solidarités se renforcent au niveau du G20, entre les BRICS (Brésil – Ru- Inde – Chine), entre l’IBSA : Inde, Brésil, Afrique du Sud, et entre le Brésil et les pays arabes. Les spécialistes qualifient ce système de relations complexes de « multi level governance » ou + négativement de « plat de spaghettis ». Le monde post

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hégémonique serait dépourvu d’un centre, et d’une hiérarchie, mais même de toute forme d’ordonnancement.

Deux questions majeures sont au centre de la recherche comparée sur le néo régionalisme. 1) Quel Impact ont les organisations régionales sur les Etats membres ? Affaiblissement ou renforcement de l’Etat ? Pas une réponse unique, il faut une analyse différenciée. Il y a 2 écoles de pensée.

• la 1ère école (en accord avec le fonctionnalisme et le néo médiévalisme), les organisations régionales affaiblissent les Etats et redistribuent l’autorité ailleurs, au niveau supranational ou sous étatique. Il y a diminution de la souveraineté étatique et renforcement de l’Etat régional surtout au niveau éco. Donc, Affaiblissement interne de l’Etat vu renforcement des entités sub étatiques / sub régionale et à l’externe vu montée en puissance des autorités supranationales.

• la 2ème école , avec A Milward et A Moravscick, considère que les organisations régionales renforcent les Etats. Par ex, l’UE aurait permis de restaurer et de reconstruire ses EM après la 2ème GM. Pour Moravscick, l’UE a crée des régimes internationaux qui ont renforcé la souveraineté des Etats. Par ex, la France a instrumentalisé l’UE pour la PAC et l’Afrique. Les petits pays sont aussi bénéficiaires de l’intégration car ils ont alors accès à un marché plus large.

En fait, il y du vrai dans les 2. Donc l’Etat s’est effectivement transformé surtout (mais pas uniquement) si l’intégration est profonde. L’Etat ne peut plus se passer de la dimension régionale, ses comportements et préférences se sont modifiés, ainsi que ses compétences internes et externes et que ses structures. Rem : dans d’autres régions, l’affaiblissement ou l’effondrement de l’Etat empêchent la création ou le développement de la coopération régionale (ex : Somalie, Afghanistan, Colombie).

2) Quel est l’impact du régionalisme sur la globalisation ? 2 écoles• la première école affirme que le régionalisme est une réaction défensive contre la

globalisation. Il s’agirait d’une fermeture, déterminée par la crainte de se faire « écraser » dans le cadre de la compétition globale, un repli protectionniste. De fait, ces associations régionales seraient parfois en conflit avec le multilatéralisme, voire que le régionalisme limite la globalisation.

• Idée contraire, notamment Larry Summer : selon lui, l’organisation régionale constituerait une bonne préparation à la globalisation car les Etats appliquent une bonne dérégulation au niveau régional et préparent ainsi la libéralisation globale. Le régionalisme, avec ses « preferential trade agreement » (PTA) dévie le commerce vers les Etats voisin, en opposition donc avec les principes du libre commerce mondial. Mais sa percée est incontournable, pour des raisons éco et non éco. Les crises financières ont ainsi poussé à son approfondissement. Autre ex, quand le FMI a voulu obliger l’application des ajustements structurels, il y a eu des réactions régionalistes. De ce fait, le régionalisme permet de faire mieux face aux contraintes globales, notamment pour les négociations. Il est pertinent tant au niveau des processus top down que bottom up, et il a démontré sa capacité à encadrer des demandes sociales, politiques, culturelles et identité régionale.

En résumé : le régionalisme est une composante structurelle et multidimensionnelle de la gouvernance globale à plusieurs niveaux de l’après guerre froide, un phénomène politique (effet sur les Etats) et économique (transformant les flux commerciaux) fondamental, même s’il n’est pas homogène dans ses causes et conséquences.

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3. Le régionalisme de l’UE et le multilatéralisme.

Le néo régionalisme exerce une triple influence sur la théorie des relations internationales. - Il renforce la coopération et limite l’anarchie, au-delà d’un simple régime intergouvernemental vu qu’il est multidimensionnel- il résulte à la fois de l’institutionnalisation de la coopération intergouvernementale et

des réseaux transnationaux, ces derniers basés sur des demandes sociales « bottom up » émanant de la business community. Les formes et les degrés de l’institutionnalisation varient fortement.

- Il y a aussi des causes exogènes, de type systémique (globalisation et instabilité internationale) : pressions éco et politique

L’Union européenne est une référence, un laboratoire « le plus avancé » au niveau des formes institutionnelles de la coopération/ intégration régionale. Mais ce n’est pas un modèle incontournable car chaque association régionale a son propre parcours. L’UE mène des politiques actives au niveau international pour diffuser la pratique de la coopération régionale de par le monde. Pt de vue de ses relations interrégionales, l’UE promeut le régionalisme en passant des accords régionaux avec d’autres institutions : ex avec l’Am latine et l’Asie, avec des succès (Mercosur et ASEAN en l’occurrence) et des échecs (processus de Barcelone- Méditerranée et pays arabes). Elle promeut aussi le régionalisme en matière de coopération au développement, (ex convention de Lomé et la conditionnalité par l’avancée de l’intégration régionale. --) l’UE mène une politique consciente de régionalisation du monde.

Ces processus sont très importants pour la théorie des RI. Si la régionalisation se développe et renforce le néo régionalisme en tant que phénomène politique --) mise en cause de l’anarchie du SI et des tendances unipolaires (paradigme Westphalien) + évolution vers un monde pluri- centrique, où la coopération multilatérale progresse à plusieurs niveaux (régional, interrégional et global) ---) évolution vers une multilevel global governance : une multilatéralisation du multipolarisme. L’UE = un cas de multilatéralisme interne réussi : c’est le berceau de la coopération multilatérale, ses institutions intergouvernementales sont des formes évoluées de la pratique diplomatique habituelle, tandis que la CE est une forme spéciale, régionale et approfondie de multilatéralisme.

Mutlipolarisme : un exemple d’institutionnalisation des RI : - an « institutionalized collective action by an inclusively determines set of independent

states » and a « persistent set of rules that constrain activity, shape expectation and prescribe roles »

- and “an institutional form that coordinates relations among three or more states on the basis of generalized principles of conduct.”

Selon cette def, la taille de l’association n’affecte pas la nature multilatérale de l’association même. Le multilatéralisme, en tant que forme institutionnalisée de coopération entre Etats est basé sur 2 principes :

- le principe de non- discrimination au niveau des couts et des bénef, ce qui implique un « generalized code of conduct » contre les règles et normes différenciées.

- Le principe de « diffuse reciprocity » : les acteurs s’attendent à des avantages à court, long et moyen termes, ce qui implique de la confiance réciproque entre les partenaires.

Toutes les associations régionales entre Etats sont des organisations mulitlatérales : Europe : IECE, OSCE, CoE.

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4. La souveraineté en question : le système UE.

Le système institutionnel de l’UE présente des spécificités pt de vue souveraineté : les Etats ont lancé le processus de la construction et restent maitres des traités mais ne contrôlent pas tout à fait le système vu que les institutions européennes ont une dynamique en partie autonome.

- les institutions multilatérales intergouvernementales font partie d’un système qui inclut en son centre des institutions supranationales. L’OJ européen est supranational également, basé sur l’effet direct et la primauté.

- De + en + VMQ- L’UE dispose d’une légitimité basée sur les Etats et sur les citoyens.

UE : implique une mise en commun et une gestion commune des souverainetés nationales (« pooling and sharing » dans les politiques de compétences exclusives / partagées de la communauté ; ds ce cas : délégation de la souveraineté. Mais les EM gardent leur compétence quasi exclusive pour d’autres pol (sociales éduc sécu pol étrangères culture) Cette double nature supranationale/ intergouvernementale de l’UE est à l’origine du grand débat théorique entre fonctionnalistes / intergouvernementalistes. Fonctionnalistes : renouvelle la démarche de Haas, mais ils donnent de plus en plus d’importance à la dimension institutionnelle dans la convergence des intérêts socio éco transnationaux. Intergouvernementalistes : appliquent à l’UE l’institutionnalisme rationnel, mais prennent désormais en compte aussi l’autonomisation partielle de la dyn institutionnelle et des agences communautaires par rapport aux EM.UE : présente à la fois une multi level governance mais aussi plusieurs modalités différentes de gouvernance (de la méthode communautaire à la méthode intergouvernementale) selon les compétences que les Etats attribuent à l’UE, selon le principe de subsidiarité. Les institutions et les degrés de délégation de la souveraineté sont aussi au centre du débat sur la question de la souveraineté partagée. Ce débat, portant sur les formes multiples de partage de la souveraineté (qui débuta dès le début), amène à comparer l’UE à d’autre système, notamment aux Etats fédéraux, surtout les US. Même si la comparaison est possible, l’UE n’a pas -débouché sur la construction des EU d’Europe – d’un syst fédéral- et cela contrairement aux attentes téléologiques des fédéralistes et des fonctionnalistes. Il y a bien des traits fédéraux dans l’UE mais ceux-ci coexistent avec ceux d’une organisation multilatérale intergouvernementale de niveau régionale. De +, le budget, la politique extérieure, la citoyenneté « de deuxième degré » sont d’autres éléments qui amènent à nuancer la similarité de l’UE avec les Etats fédéraux. Cependant, on peut constater que le concept westphalien de souveraineté n’est plus d’application au niveau de l’UE. Il y a un nouvel équilibre entre pouvoir de l’Etat et des institutions et entre unité et diversité. Cet équilibre et le modèle européen de pouvoir partagé n’est pas celui des Etats fédéraux. Les changements qui ont eu lieu au niveau de la souveraineté sont irréversibles : ils affectent l’exercice de la souveraineté, mais aussi les structures, les fonctions, les compétences des Etats membres. Il y a aussi bien sur des limites évidentes à l’unification. Le nouveau modèle européen représente la transformation la plus importante de l’Etat souverain. Même les Etats eurosceptiques ont « besoin » de l’UE : pour retrouver une partie de la souveraineté perdue avec la mondialisation, pour renforcer la légitimité auprès des citoyens grâce à l’amélioration de leur performances éco et commerciales… Il y a aussi le passé européen, les défis de l’environnement international et de l’environnement identitaire… Conclusion : le processus inédit lancé en Europe au niveau des formes de pouvoir constitue un défi pour la théorie des RI ; surtout pt de vue des relations internes à l’UE.

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5 .La mise en cause de la séparation entre sphère interne et externe.

La fin de la séparation rigide entre sphère interne et externe de la politique est un des défis lancé par la construction européenne au concept classique de souveraineté étatique. 2 raisons :1) À l’intérieur de l’UE, avant la politique européenne relevait de la compétence du ministre des AE, adj. tous les 1ers ministres au sein du Conseil européen + (presque) tous les ministres nationaux vu qu’une part importante de la législation --) niveau européen. La sphère politique commune – bien que subsidiaire rapport aux sphères publiques nationales- alimentée par les réseaux transnationaux (lobbies, assoc…) conditionne l’évolution des politiques et de la vie politique interne nationale des EM (politique interne externe chez Habermas).2) Les politiques internes ont un impact important sur le plan international, tant sur les voisins que sur la gouvernance globale. Les politiques internes (concurrence, marché unique, …) constituent le 1er facteur de l’influence internationale de l’UE, cela d’autant + que la décision pt de vue PES est très décentralisée (ce qui empêche l’UE de concurrencer les Etats classiques pt de vue sécu, défense et PE). Depuis la fin de la guerre froide, la CE/UE se situe de + en + dans le cadre de la mondialisation accélérée, même si elle est parvenue à montrer la voie d’une mondialisation + maitrisée, humanisée, réglementée. L’élargissement à l’Est est d’ailleurs une partie de ce processus d’ouverture à la mondialisation. Selon Delors, l’existence même de l’UE et sa capacité à organiser un espace quasi continental constituent une contribution décisive à la gouvernance mondiale srt si cela va de pair avec l’influence de son modèle socio éco et démo.Il y a enfin l’idée que les responsabilités, intérêts, idéaux de l’UE impliquent une nouvelle donne pt de vue Pol étrangère. Emergence d’un nouveau concept sur le rôle de l’UE, qui est + adapté à la fin de la séparation interne / externe par rapport au paradigme de Westphalie.

6. Les notions de puissance civile et de politique étrangère structurelle.

Nouvelle réalité de l’UE--) nouveau concept de puissance internationale ? Le concept classique de puissance est mis en cause sur le plan mondial, et la hiérarchie de puissance (éco, militaire, culturelle) est aussi contesté.Nye avait élaboré le concept de soft power, dans le contexte américain. Il s’agit d’un pouvoir dépendant de l’émulation et de la persuasion, opposé au pouvoir hard, matériel (éco et militaire). Il relève une 20taine de formes de soft power (culture, prix Nobel…). Cpt aux US, le soft power = le 2 ème

bras du hard power. L’UE, par contre, ne dispose pas d’un tel hard power. Le concept de puissance civile : en RI, il est bien sur dépourvu de toute connotation morale, n’est pas lié non plus à l’idée de puissance civilisatrice ou de puissance post moderne. Ce concept renvoie au « caractère civil des finalités de l’action internationale, visant la paix et la coopération plutôt que l’accroissement de sa puissance relative et la domination, la persuasion plutôt que la coercition ». Cela a des racines multiples au niveau tant de l’histoire et du discours officiel que du droit. Historiquement, il y a évidemment la volonté autocritique de discontinuité avec l’histoire des 2GM, de l’holocauste, des nationalismes et de la realpolitik. Srt chez les « vaincus », les petits pays, les anciennes dictatures, et cela converge avec le pacifisme scandinave et tous communiquent – difficilement- avec les anciennes grandes puissances Fr et GB. Au niveau juridique ; ce sont les traités qui sont la base juridique d’une telle convergence des parcours nationaux, notamment les déclarations de valeurs et des finalités de la PESC (Maastricht, établissant le lien particulier de l’UE avec les valeurs de l’ONU et le droit international). Ce trait normatif a donné lieu a plusieurs interprétations : la mise en valeur de la dimension juridique de l’intégration, le patriotisme constitutionnel chez Habermas, à la def de l’UE comme « puissance normative », càd qui chercherait à établir les règles de la gouvernance mondiale (démo et protection des droits de l’homme, lutte contre la pauvreté, environnement…). Ce trait normatif affecte l’identité internationale de l’UE et les attentes externes à son égard.

L’UE n’est et ne sera de toute façon pas une puissance politique et militaire classique : son système décisionnel complexe, son multilatéralisme interne excluant la possibilité de déclarer la guerre ne le

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permet pas. L’UE n’aura js d’ailleurs ce dernier pouvoir symbolique de la puissance souveraine westphaliennes. Le noyau de l’influence externe de l’UE c’est bien sur sa réalité socio éco interne, elle est enracinée dans ses « policies » communes et dans sa fon de se lier avec des partenaires voisins et lointains via les accords multiples de coopération. Cette version de la PE a été qualifiée de « politique structurelle. » Def : PE qui vise le long terme, càd le changement graduel des conditions dans lesquelles l’autre agit, elle est axée sur des moyens civils et non militaires, elle a pour objectif de renforcer la coopération, les accords, les régimes internationaux, la diffusion du multilatéralisme à tous les niveaux. Cela n’exclut pas une dimension de coercition, notamment la « conditionnalité ».Cependant, il est à noter que le poids des moyens militaire s’est accru dans l’UE depuis Maastricht : la force de réaction rapide, la PESD, les coopérations vers l’agence européenne des armements. Cet accroissement des moyens militaires entraine différentes réactions : certains pensent que cela entraine un changement de la nature de la puissance, tandis que d’autres estiment que cela ne fait que rendre la puissance civile plus crédible et efficace. Il y a quand même beaucoup de limites à cette efficacité : les limites établies par les trois missions de Petersberg, la taille des budgets nationaux de dépense, l’irrationalité des dépenses… Ces dernières sont des limites à long terme. Politique étrangère structurelle : signifie aussi politique de coopération, dans le sens de « cooperative power », typique d’une puissance donc qui ne considère pas comme fatal l’antagonisme entre les pouvoirs, qui agit pour réduire l’anarchie, ou les hiérarchies et les inégalités de ressources. C’est en changeant le mode d’exercice de la puissance que l’on peut réduire la conflictualité. Au niveau de l’UE, c’est vrai parce que la puissance est exercée conjointement par tous les EM de façon multilatérale et parce que son objectif principal est de renforcer la coopération internationale multilatérale.

La légitimation de la PE et des relations extérieures de l’UE : c’est typique aussi de la nature de la puissance. D’un coté, ds le contexte de cette phase de transition, l’UE est la partie du monde ou la demande des associations, partis, ONG… d’augmenter le contrôle démocratique des relations externe est la plus forte. D’autre part, les limites de la légitimité des politiques externes de l’UE sont évidente : l’UE n’a ni légitimité charismatique ni légitimité traditionnelle. Malgré ces évolutions, le monde actuel ne peut pas encore être qualifié de post westphalien, mais il est en transition. Il y a des demandes de la part des citoyens pour une responsabilité accrue de l’UE sur le plan international, et des attentes externes d’un rôle plus proactif dans le monde, mais l’identité collective internationale de l’UE ne peut être comparée aux identités nationales, ce qui hypothèque la légitimité substantielle des actions externes. De plus, il y a des limites, oscillations et contradictions dans l’action internationale de l’UE, pas de stratégie globale, un double processus interne de réforme et d’élargissement … --) il faut être prudent. C’est pourquoi le concept de « incipient civilian power », un nouveau pouvoir en formation, serait plus réaliste et adapté à propos de l’UE.

Enfin, on ne peut parler d’un nouvel acteur international que si les conditions exogènes - à savoir le SI- s’y prêtent. Pdt la guerre froide : impossible, et dans le système actuel, l’UE doit agir comme un acteur non étatique parmi d’autres acteurs hétérogènes dont la plupart pratiquent tjs la souveraineté classique. Le rapport avec les US est tjrs fondamental et asymétrique, même si l’autonomie politique de l’UE a augmenté. Il y a aussi la montée de la Chine et de l’Inde en tant qu’acteurs régionaux et globaux, qui mélangent realpolitik et multilatéralisme… Le monde westphalien est loin d’être dépassé, surtout en Asie, même si l’UE tente la coopération, essaie d’aller vers une collaboration multilatérale.

En conclusion, la multilatéralisation du monde multipolaire et / ou multipolaire de l’après G froide semble être le vrai défi à relever par l’UE et les acteurs régionaux et globaux. Mais cela ne sera possible que dans un nouveau cadre systémique, d’un nouveau multilatéralisme, plus efficace, plus sensible aux critères normatifs de la démo, des droits de l’homme…

Conclusions :

Voir entre pg 169 et 171

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