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Patrice no.11 Je connais le quartier par un ancien joueur de football, il allait au « Petit Lion » c’était son stand café. Un jour on devait allé voir l’Union Saint- Gilloise, on s’est arrêté et on a jamais été plus loin. Avant c’était mon stand café tous les jours au matin, j’habitais centre ville et je venais lire mon journal là, boire mes deux trois bières avant d’aller travailler. Carnet

"Marolles: Trajectoires, identités, territoire" Livret 1

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Durant près de deux mois, 25 habitants des Marolles ont participé à des ateliers artistiques basés essentiellement sur la marche, la photographie et l’écriture. Des mots ont émergé comme pompiers de la lune, chaleur humaine, Los Marolles, Limace Mystique, promiscuité, luttes pour le logement, opération matelas, propreté, territoire confisquée, privatisé, dépendance, action sociale, émancipation, associations, esprit bruxellois, commémorations latinistes, Vieux-Marché, le promoteur et sa fidèle épouse la bureaucratie, le complot, l’accueil, la tolérance, l’ascenseur, le paradis et une corde pour la nuit… Cette richesse vécue est ici présentée composé de photos, de morceaux d’âmes choisis, de chair, de sang, de matière poétique et singulière… d’esprits tapageurs.

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Patriceno

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Je connais le quartier par un ancien joueur de football, il allait au « Petit Lion » c’était son stand café. Un jour on devait allé voir l’Union Saint-Gilloise, on s’est arrêté et on a jamais été plus loin.

Avant c’était mon stand café tous les jours au matin, j’habitais centre ville et je venais lire mon journal là, boire mes deux trois bières avant d’aller travailler.

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Comment tu t’ais lié à cet endroit ?

Ben première chose, c’est un café quand tu es bien dans le fond on ne te voit pas. Donc c’est la discrétion et en plus c’est le style des vieux café bruxellois. Il y a toutes les générations, des jeunes, des plus vieux et tu peux faire la connaissance avec tout le monde.

Et tu y retournes souvent ?

Ben oui j’y suis allé dimanche, parce c’est encore à des prix démocratiques comme à la barrière de Saint-Gilles ou encore la cantine de Bruxelles, une bière c’est 2€.

Pourquoi as-tu choisi de te faire photographié devant la Chapelle?

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J’ai choisi l’église parce que c’est dans mon quartier, c’est là que je vais chercher mes frites souvent.

Elle est bonne cette baraque?

Oui les frites sont très bonnes. Même avant quand je n’habitais le quartier je venais ici prendre mes frites.

Mais tu remarqueras une chose c’est que tu vas toujours dans le même

coin. Tu es peut-être le seul à nous emmener vers les Ursulines/Jonction, un peu en périphérie des Marolles. Tu étends les frontières du quartier !

Ben oui, c’est le quartier où je travaillais avant. Mon boulot était à la Place Roupe. J’étais toujours dans ce quartier-là et c’est par ici que je passais pour aller bosser.

En plus c’était moi qui

promenais le chien de la Patronne alors j’avais l’habitude de me promener ici. Le chien me montrait le trajet.

Je m’arrête souvent là-bas, pour voir les dessins qu’ils ont faits dans les tunnels

Qu’est-ce que ça t’inspire ces dessins ?

Ben c’est très bien, ce sont des décorations, ça fait de la

gaieté dans Bruxelles tous ces trucs-là, de la gaieté dans la grisaille du quartier. Parce que quand on voit la couleur des bâtiments ici…. cela donne de la clarté, c’est mieux que d’avoir tout gris, tout gris.

Tu te plais où tu habites ?

Ben oui c’est super en plus je ne paie pas cher de loyer, le quartier de la Samaritaine est calme. Mais ici (la Querelle) je me trouverais comme dans

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une réserve. Quand je vois des buildings comme ça j’ai l’impression qu’on est dans une réserve et qu’on nous a parqué là comme du bétail.

C’est quoi que tu apprécies moins ici?

L’insécurité. C’est dangereux vis à vis de certaines personnes. Mais ce ne sont pas toujours les arabes qui font l’insécurité, c’est pas vrai ça. Faut pas toujours tout

mélanger et je suis bien placer pour le savoir.

Pourquoi tu penses que c’est dangereux ici le quartier ?

Il n’y a pas eu de mélange, on a mis tous les gens qui venaient de la même région, tous les nord-africains ensemble.

Et pour toi la mixité c’est important ?

Ben oui on apprend beaucoup de choses. Regardes déjà dans mon équipe de football, j’ai un grec, un marocain, un zaïrois, un espagnol, un italien. J’ai un peu de tout. Quand je sortais avant beaucoup, j’ai été mangé chez des noirs, chez des pakistanais, j’ai un peu tout essayé, goûté un peu de tout. J’ai pas fait toutes les coutumes parce que ce n’est pas possible mais j’avais envi de savoir ce qu’il se passait

dans tous les pays. Il faut essayer par tous les moyens de faire des mélanges de tous les côtés. Comme ça on apprend beaucoup de choses.

Quand je vois mon équipe de football, il me demande pourquoi il y a autant de nationalités. Ben moi je leur dis que tout le monde doit avoir sa chance. Si un chilien me demandait, et même si il ne joue pas bien au football, il faut quand même lui laisser sa

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chance. Si on le laisse pas faire, certains vont être mis dans un coin et qu’est-ce qui va arriver ?

C’est pour ça qu’il y a des agressions et des trucs, parce qu’on ne fait rien pour les aider non plus ! Et pas dire ah ben celui-là il est d’une telle race et alors on le laisse de côté !

Au départ je ne parlais pas comme ça parce que je venais des Ardennes et quand j’ai

débarqué à Bruxelles et j’ai été très surpris. Quand je suis arrivé gare Centrale il y a 17 ans, je me demandais où est-ce que j’étais tombé ? Parce que d’où je venais il n’y avait pas d’étrangers, je n’avais encore jamais vu personne en djellaba. Je me demandais si j’étais bien en Belgique. Maintenant je m’y suis fait c’est tout. Maintenant j’ai plus d’amis dans les personnes étrangères que les belges. Parfois on peut plus

faire confiance à quelqu’un d’origine étrangère, qu’à un belge. Parce qu’il n’a peut-être pas grand chose, il connaît peut-être pas grand chose, mais il va pas te mettre un coup de poignard dans le dos. Il va faire tout ce qu’il peut pour t’aider.

Qu’on soit musulmans, AT, bouddhiste, qu’on soit d’Afrique du Nord ou d’Amérique du Sud, qu’on vienne d’Asie ou de n’importe

où. On est tous des êtres humains, c’est tout.

Tu peux avoir fait des conneries dans ta vie, tu as payé pour ça. C’est pour ça que je comprends pas pourquoi ils sont obligés de faire une enquête de bonne vie et mœurs pour avoir un logement social. Je suis pas tout à fait d’accord. Déjà quand tu as eu des problèmes avec la justice, tu ne peux pas trouver de boulot, donc t’as

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pratiquement rien. Et après on ne peut pas te donner de logement social ? Alors qu’est-ce que tu dois faire ?

Alors toi tu estimes que quand tu as payé ta dette tu dois être quitte ?

Oui tu dois être quitte. Mais si tu veux un casier judiciaire vierge il faut payer pour ou il y a des asbl qui s’occupent de ça. Mais tant que tu n’auras pas payé tes amendes ton casier il restera toujours noté.

Quand tu as eu des problèmes avec la justice, tu vas voir ci, tu

veux voir ça, tu vas au CPAS, et tu te retrouves comme au point de départ. J’ai une connaissance quand j’habitais à Dinant. Il s’est présenté au CPAS après être sorti de prison. L’assistance sociale lui a répondu vous n’aviez qu’à faire ce que vous faisiez avant. Il lui a répondu « Je vais voler alors, je prends votre sac et j’attends la police. »

Pourquoi vous avez tous pris cette photo avec l’inscription « Royaume féodal » ?

Jorge : Je ne sais pas, mais j’ai senti qu’on pénétrait

dans une zone un peu dure quand nous sommes arrivés vers ce bâtiment. Il y avait quelque chose comme : « Ici, c’est mon territoire, cela ça m’appartient. Tu dois subir les conséquences du fait que tu es entré sur mes terres. »

Patrice : Un peu comme une zone de « non-droit ». Ils sont sur leur territoire, tu ne peux pas te promener. On l’a bien remarqué en se promenant avec les appareils photo. Ils sont arrivés vers nous. Et qu’est-ce qu’ils ont demandé déjà ?

Jorge : Pourquoi tu fais des photos ?

Julie : Mais c’est marrant parce que ce sont eux qui l’écrivent. A la limite si ce sont eux qui l’écrivent, eux-mêmes doivent se sentir dans un royaume féodal.

Patrice : A partir d’une certaine heure, il ne vaut vraiment mieux pas passer. Ils se sentent comme les maîtres sur leur territoire.

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